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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 5 février 1834

(Moniteur belge n°37, du 6 février 1834)

(Présidence de M. Raikem)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Renesse fait l’appel nominal à midi et demi.

M. H. Dellafaille donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier qui est adopté sans réclamation.

Pièces adressées à la chambre

M. de Renesse donne connaissance de plusieurs pièces adressées à la chambre, qui sont renvoyées à la commission des pétitions.

Démission d'office d'un membre de la chambre

Il donne ensuite lecture d’une lettre adressée à M. le président, elle est ainsi conçue :

« Bruxelles, le 4 février 1834

« M. le président,

« J’ai l’honneur de porter à votre connaissance mon acceptation des fonctions d’envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire près la cour de Prusse, qui m’ont été conférées par arrêté royal en date du 1er de ce mois. Cette circonstance me privant immédiatement de la faculté de siéger à la chambre des représentants, j’ai cru devoir m’empresser de vous la communiquer.

« Je vous prie, M. le président, de vouloir agréer, etc.

« Goblet, député du district de Bruxelles. »

Cette lettre sera adressé à M. le ministre de l’intérieur pour que M. Goblet soit soumis à une réélection.

Projet de loi portant le budget du ministère des finances de l'exercice 1834

Discussion du tableau des crédits

M. le président. - La chambre s’est arrêtée hier au chapitre IV intitulé « Enregistrement et domaines.

Chapitre IV. Administration de l’enregistrement et des domaines

Article premier

M. le président. - La chambre s’est arrêtée hier au chapitre IV intitulé « Enregistrement et domaines.

« Art. 1er. Traitements fixes (chiffre du gouvernement) : fr. 362,430. »

« Idem (chiffre proposé par la section centrale) : fr. 342,945. »

Diminution sur le chiffre du gouvernement : fr. 18,485.

M. Verdussen propose un amendement tendant à borner la réduction à fr. 7,300.

M. Verdussen. - Messieurs, je ne pense pas que la discussion commencée hier sur ce chapitre puisse se prolonger encore, après les explications contradictoires données par M. l’administrateur de l’enregistrement commissaire du Roi et M. le ministre des finances. Je dis qu’il y a eu contradiction entre eux en ce que M. le commissaire du Roi a dit que la somme répartie entre les employés pour leur traitement proportionnel leur avait été véritablement distribuée, tandis que M. le ministre des finances est venu déclarer qu’il était en règle avec la cour des comptes, et qu’aucun crédit n’avait été dépassé. Mais j’ai voulu faire moi-même le travail sur la moyenne des traitements attribués aux directeurs, inspecteurs et vérificateur de l’administration de l’enregistrement dans les années 1831, 1832 et 1833 ; j’ai trouvé que cette moyenne était toujours inférieure au taux fixé pour les appointements par l’arrêté du 18 octobre. Je mets ce travail sous vos yeux et vous propose de faire la réduction des sommes portées en majoration par cet arrêté.

M. Dumont. - J’ai avancé dans la séance d’hier qu’aucune disposition législative ne donnait au ministre le droit de déterminer des traitements proportionnels au moyen d’une remise de 1 3/4. Un honorable membre est venu dire que j’étais dans l’erreur. Ses paroles ont été appuyées par M. le ministre des finances qui a dit que la loi du budget autorisait l’allocation de ces remises. J’y ai cherché en vain cette disposition ; je l’ai trouvée, il est vrai, dans les développements joints au budget pour en appuyer la demande ; mais je pense que ces développements ne sont pas la loi du budget et qu’ils n’en font pas partie.

M. Dumortier, rapporteur. - Ces débats se sont sans doute assez prolongés pour éclairer la question, qui d’ailleurs est assez claire. On voit que M. le ministre demande une majoration de 10,745 fr. sur le chiffre des précédents budgets. Pour moi, la discussion me paraît épuisée ; je ne m’oppose pas cependant à ce qu’elle continue.

M. d’Huart. - Sans doute, messieurs, il n’est pas écrit en toutes lettres dans la loi du budget qu’il sera alloué aux employés de l’enregistrement une remise de 1 3/4 ; mais, messieurs, c’est une question de bonne foi. Pour moi, je pense que lorsque la chambre a porté au budget une somme destinée aux remises des employés de l’enregistrement, elle a entendu que cette remise fût de 1 3/4 p. c., quel que puisse être le taux auquel elle s’élèverait. C’est d’ailleurs ce qu’a déclaré positivement, en 1832, la section centrale à laquelle déjà appartenait l’honorable M. Dumortier et dont le rapport vous fut présenté alors par l’honorable M. Osy, spécialement sur l’article de l’enregistrement qui nous occupe en ce moment. Deux passages de ce rapport, dont je vais vous donner lecture, vous démontreront que la section centrale ne l’entendait pas autrement, et les opinions émises dans ce rapport ont été admises tacitement par la chambre.

« La section centrale a pensé que le montant de 1 3/4 était trop élevé, même dans ces circonstances : comme d’après toutes les prévisions, les recettes de l’enregistrement se monteront au-delà de 10,000,000 florins, elles donneraient encore un nouvel excédant de dépense de 17,500 florins.

« S’il arrivait, comme on ne peut en douter, que les produits de l’enregistrement s’élevassent au-delà du chiffre porté au budget des voies et moyens, il y aura lien de voter un crédit de 1 1/2 p. c. (ce taux de 2 p. c. était celui que voulait faire admettre la section centrale), afin de porter le montant de la remise à la hauteur du produit réel et pour que la cour des comptes puisse ordonnancer ce supplément. »

C’est ainsi qu’on entendait l’allocation de la remise en 1832 ; pour vous prouver qu’on l’entendait encore de la même manière en 1833, je vous citerai un passage de la discussion du budget de 1833 : ce sont les paroles prononcées par M. le ministre de la justice, et qui n’ont été contestées par personne.

« Pour faire comprendre la situation des employés de l’enregistrement, permettez-moi une comparaison :

« Je suppose qu’un propriétaire fasse un contrat avec un particulier chargé de la recette de ses revenus, et qu’il dise à ce particulier : Vous aurez 5 p. c. des recettes ; d’après le montant de mes revenus vous aurez environ 1,500 fr. Si, ensuite la fortune du propriétaire vient à augmenter par succession ou autrement, peut-il dire : Vous ferez encore toutes les recettes, et vous n’aurez que 1,500 fr. ? Le particulier répondrait : Ma condition est fixée par la quotité de 5 p. c. ; si je perçois davantage, j’ai plus de travail, plus de responsabilité ; je dois avoir un salaire supérieur.

« Quant à moi, je trouve que la base de un et trois quarts n’est pas trop élevée. Si par suite des recettes de l’Etat les receveurs ont des appointements plus élevés, il faut s’en féliciter ; l’amélioration de leur position viendrait de la richesse de l’Etat. »

Immédiatement après le discours du ministre de la justice, l’article portant 737,370 francs selon le chiffre du ministre des finances, est mis aux voix et adopté.

Voilà messieurs, ce qui ne sera révoqué en doute par personne ; c’est ainsi que les choses ont été comprises par tous les membres de l’assemblée. Si le taux des remises n’est pas indiqué formellement dans la loi, il résulte assez clairement de la discussion.

M. Eloy de Burdinne. - Je ne comptais pas prendre la parole dans la discussion qui occupe la chambre ; mais je crois devoir donner un mot de réponse à ce qu’a dit hier M. l’administrateur de l’enregistrement, sur le rapport d’une augmentation des recettes de l’Etat. Voici ce que dit M. Faider :

« Je ne vois pas comment il serait possible d’opérer de réduction sur le traitement actuel, et conserver dans l’esprit des employés le zèle et le dévouement qu’ils ont montrés dans leurs fonctions pour augmenter les recettes de l’Etat. Je puis dire que jamais, en Belgique, les recettes ne s’étaient élevées au taux de 1833. »

Je ne crois pas que l’augmentation des recettes provenant des droits d’enregistrement en 1833 doit être attribuée au zèle et au dévouement des employés, comme paraît vouloir l’insinuer M. l’administrateur de l’enregistrement, mais bien à la quantité de ventes qui ont eu lieu en 1833, résultat du haut prix des céréales ; en outre, par la valeur des terres poussée même à l’exagération et qui fut occasionnée par le prix élevé des grains pendant plusieurs années. J’ajouterai une autre considération : pendant le courant de 1833, la banque a vendu une masse de propriétés qui a aussi fourni un supplément de droits d’enregistrement. Selon moi, c’est à ces causes que l’on doit attribuer l’augmentation, et non au zèle des employés : zèle et dévouement que je ne révoque pas en doute.

J’ai déjà en l’honneur de le dire : si à la fin de l’année on compare le produit de l’enregistrement de 1834 avec ceux obtenus en 1833, bien certainement on trouvera une grande différence, et je n’hésite pas à prédire qu’ils seront réduits d’un tiers au moins sur le rapport des ventes et de succession qui ont rapport à la propriété territoriale sans qu’on puisse en attribuer la cause au défaut de zèle des employés ; mais on le devra à la baisse des produits.

L’arrêté du 18 octobre, qui établit les traitements des employés de l’enregistrement à un taux fixe, pourra peut-être faire croire que cette mesure est la cause de la diminution des droits. Mais on se rappellera que j’en signale d’avance le vrai motif. Au surplus, quoique je ne me prononce pas ici s’il serait plus convenable de rapporter ledit arrêté que de le laisser subsister, je n’hésite pas à dire qu’il est plutôt à l’avantage des employés que nuisible, par les motifs que les remises sur les droits seront très faibles en 1834 comparativement à 1833, puisque les produits seront considérablement réduits. D’après ce que je prévois, c’est pour les motifs que je viens de déduire (la réduction des recettes) que je vote avec les partisans des réductions, et c’est afin que nous ne nous trouvions pas dans la nécessité, l’an prochain, de devoir aviser aux moyens de combler des déficits qui sont toujours calamiteux.

M. Dubus. - Messieurs, on a agité la question de savoir si M. le ministre des finances proposait réellement une augmentation sur le chiffre des précédents budgets, par la somme qu’il demandait pour l’administration de l’enregistrement dans les provinces. Il est bien certain qu’une question aussi simple, une question de fait, ne devait pas donner lieu à une aussi longue discussion, d’autant plus que les développements du budget font clairement ressortir l’augmentation proposée, et qui s’élève à 10,745 fr. Mais on a réussi à embrouiller la question, en nous trompant sur des faits auxquelles j’attache d’ailleurs peu d’importance ; car toute la question me paraît être de savoir si les traitements fixés pour les employés de l’enregistrement et des domaines dans le budget de 1833, sans égard aux bases d’après lesquelles ils avalent été calculés, sont ou non suffisants.

Car, s’ils sont suffisants, il n’y a pas lieu à augmentation ; et l’on ne peut se prévaloir d’une augmentation passagère résultant de ce que les produits ont dépassé de beaucoup les prévisions, pour établir irrévocablement et à toujours une augmentation. Cette considération est, je crois, destinée à trancher la question. Dès lors je puis dire que déjà la chambre elle-même a tranché la question dans deux délibérations précédentes, car deux fois elle s’est prononcée sur ces traitements et a reconnu qu’ils étaient suffisants.

Un honorable préopinant a cité plusieurs passages d’un rapport de la section centrale relatifs au taux de 1 3/4, déterminé pour les remises à allouer aux employés de l’enregistrement dans l’administration centrale et dans les provinces. Il s’est prévalu du rapport de la section centrale et de la discussion qui eut lieu en 1833 sur cette partie du budget, pour appuyer le taux des remises, mais je crois pouvoir me prévaloir et de la discussion et du rapport de la section centrale pour rejeter l’augmentation proposée. Car il est dit dans le rapport de la section centrale que la remise de 1 3/4 est trop élevée eu égard à l’élévation possible des produits. La section centrale supposait donc alors qu’un accroissement dans les produits était possible, et elle ne voulait pas que ce fût un motif pour augmenter les traitements.

L’administration a fait distribuer une note où elle avait calculé les traitements dans le cas où les prévisions du budget seraient excédées d’un million. Mais les traitements qui d’après cette même note devaient être fixés à 8,373 et 7,167 pour les directeurs de 2ème et de 3ème classe sont fixés dans la proposition du gouvernement à 8,500 et 8,000 francs. Ainsi le chiffre du gouvernement dépasse celui du maximum que l’on pouvait espérer dans le cas le plus favorable : celui où les prévisions du budget auraient été dépassées d’une somme considérable.

La chambre s’est décidée à écarter les propositions de la section centrale et à maintenir la remise proportionnelle de 1 3/4, dans la persuasion que le maximum ne serait jamais dépassé. Je crois que cette première décision de la chambre n’est pas favorable aux prétentions de M. le ministre, et que la résolution prise par la chambre en 1833 peut lui être opposée puisqu’elle s’est expliquée sur le chiffre qu’elle a voté, et qu’on disait alors qu’il n’y aurait pas d’accroissement dans les produits, et que les prévisions du budget ne seraient pas dépassées. On avait quelque raison de le penser, puisque, bien loin que le chiffre déterminé pour l’enregistrement au budget des voies et moyens ait été dépassé, il y avait un déficit sur cet article.

Si les anciens traitements sont suffisants, il n’y a pas lieu, je le répète, à accorder la majoration demandée, puisque alors les traitements excéderaient ce qu’ils étaient dans le cas du maximum prévu. Pour moi je n’ai pas le moindre doute sur le vote que je dois émettre, il sera contre l’augmentation proposée. Je voterais contre dans le cas même ou je supposerais que les recettes de l’enregistrement devraient dépasser d’un million les prévisions du budget. La question entière est de savoir si les traitements précédemment alloués sont suffisants ; si on admet qu’ils le sont, il faut rejeter l’augmentation proposée.

Cependant j’ai voulu vérifier les assertions de M. l’administrateur de l’enregistrement sur la manière dont il prétend que les prévisions du budget ont été dépassées. J’ai eu, pour cela, recours au document que M. le ministre des finances a présenté à la chambre le 18 du mois dernier et qui a été remis hier aux membres de cette assemblée. Je veux parler de la situation générale du trésor au 31 décembre dernier. L’état D présente une comparaison entre les sommes portées au budget des recettes de 1833 et les recettes effectives au 31 décembre. Sur aucun produit de l’enregistrement et des domaines les prévisions du budget n’ont été dépassées. Cet extrait de l’état D vous en fournit la preuve :

Timbre, enregistrement, greffe, hypothèques et droits de succession : Evaluation des recettes : fr. 17,782,000 ; somme recouvrée : fr. 14,127,500 ; différence en moins de l’évaluation : fr. 3,054,500

Revenus des domaines : Evaluation des recettes : fr. 2,225,000 ; somme recouvrée : fr. 2,184,500 ; différence en moins de l’évaluation : fr. 40,500

Recettes diverses : Evaluation des recettes : fr. 870,000 ; somme recouvrée : fr. 738,000 ; différence en moins de l’évaluation : fr. 132,000

Il n’y a qu’un article, celui des recettes sur les barrières, qui présente un excédant de 75,000 francs ; cette somme, quant à la remise de 1 3/4, fournit un chiffre complètement insignifiant. J’ignore donc où M. l’administrateur de l’enregistrement a trouvé que les produits présumés de l’enregistrement s’élèvent à 25,000,000, les recettes se sont élevées à plus de 24,000,000. Cette assertion est fausse si le tableau présenté est exact ; si elle est vraie, c’est le tableau officiel de M. le ministre qui manquerait d’exactitude.

Au reste, je le répète, la question doit être tranchée par la considération sur la suffisance sur les traitements que je viens de faire valoir et qui vous a déjà été soumise par l’honorable M. Dumont.

M. Lardinois. - Après les observations qui viennent de vous être présentées par l’honorable M. Dubus, il me reste peu de chose à dire pour motiver mon vote. Comme membre de la section centrale, j’ai voté provisoirement pour l’augmentation proposée et sans avoir reçu les renseignements suffisants ; aujourd’hui, après les observations qui ont été faites et les réponses peu satisfaisantes des agents du gouvernement, je voterai contre l’augmentation demandée de fr. 10,745. Je me décide d’autant plus à voter ainsi, qu’en cette circonstance encore la justice distributive a été violée.

Je ne puis admettre le chiffre demandée, parce qu’il tendrait à faire établir les traitements de la manière indiquée par l’arrêté du 18 octobre, et que cet arrêté accorde des augmentations aux directeurs et inspecteurs tandis qu’il diminue les employés inférieurs : des vérificateurs, par exemple.

Il est, d’ailleurs, évident que les traitements déterminés par l’arrêté sont supérieurs à ceux résultant de la remise proportionnelle dans le cas où les recettes auraient atteint les prévisions du budget.

La voici la preuve :

Directeurs de 1ère classe : Traitement résultant des remises : fr. 8,769 ; traitement fixé par l’arrêté d’octobre : fr. 9,000 ; augmentation : fr. 231.

Directeurs de 2ème classe : Traitement résultant des remises : fr. 7,506 ; traitement fixé par l’arrêté d’octobre : fr. 8,500 ; augmentation : fr. 994.

Inspecteurs de 1ère classe : Traitement résultant des remises : fr. 6,242 ; traitement fixé par l’arrêté d’octobre : fr. 8,000 ; augmentation : fr. 1,758.

Inspecteurs de 2ème classe : Traitement résultant des remises : fr. 5,501 ; traitement fixé par l’arrêté d’octobre : fr. 6,000 ; augmentation : 499 fr.

Il y aurait au contraire diminution sur les employés inférieurs. Les vérificateurs de 1ère classe seraient réduits de 4,682 francs à 4,500 fr., et ceux de 2ème classe, de 4,089 fr. à 4,000 fr.

Vous voyez que rien ne justifie l’augmentation de 10,745 francs, qu’elle serait réellement en faveur des employés supérieurs au détriment des vérificateurs qui ont des frais extraordinaires pour leurs tournées de vérification, frais que n’ont pas les autres employés. Vous verrez que, dans cette circonstance encore, ce seraient les petits qui paieraient. Je voterai contre la proposition de M. le ministre.

M. Pollénus. - J’ai demandé la parole pour vous soumettre une simple observation, à l’appui de la proposition de la section centrale.

De quoi s’agit-il dans le rapport de la section centrale ? Est-ce de réduction dans les traitements ? Non : telle n’est ni l’intention de la section centrale, ni celle de la chambre. Il s’agit tout uniment de savoir si nous avons des motifs suffisants de consentir à l’augmentation que rejette la section centrale, et que pétitionne le département des finances.

Qu’il y ait une majoration dans le chiffre proposé pour l’administration de l’enregistrement et des domaines dans les provinces, ceci ne peut former le plus faible doute ; la discussion sur les chiffres comparés, à laquelle s’est livré l’honorable rapporteur, l’a démontré à suffisance ; mais le ministre des finances lui-même en convient dans les termes les plus exprès à la page 16 des développements de son budget. Quel doute peut-il rester après cela ?

On propose donc une augmentation qui soulève une question d’utilité.

Si ma mémoire est fidèle, M. le ministre a dit, à la séance d’hier, que l’augmentation pétitionnée est destinée : 1° à augmenter les traitements des directeurs en province ; 2° à augmenter le personnel des vérificateurs.

S’il faut en croire les sommités du ministère, les évaluations ont été dépassées par les recettes, d’où l’on conclut que les employées de l’enregistrement ont rempli leurs devoirs avec zèle et dévouement : soit.

Mais il en résulte que le personnel existant en 1833, ayant suffi aux besoins du service, doit suffire pour les besoins de l’exercice 1834, d’autant plus qu’il est probable que la cause de l’élévation des recettes attribuée à la vente des propriétés de la banque, n’étant qu’accidentelle, ne se reproduira pas pour les exercices suivants. D’après ceci je ne rencontre aucune considération qui puisse justifier, soit une augmentation de traitements, soit celle du personnel de l’administration.

Il importe, ce me semble, que la chambre se mette en garde contre toute augmentation de personnel.

Je ne répéterai pas les remarques qui ont été faites sur l’arrêté du 18 octobre, mais je vous prie de ne pas perdre de vue que sous le régime des traitements proportionnels, les employés étaient intéressés à restreindre le plus possible le personnel des fonctionnaires appelés à prendre part aux remises : l’intérêt personnel offrait alors une garantie contre la tendance d’augmenter le personnel ; ceci est changé par le système de l’arrêté d’octobre, qui a introduit les traitements fixes. Les employés à traitements fixes ne sont plus intéressés à résister à l’augmentation du personnel puisqu’il n’y a plus de remises à partager ; on sera sans répugnance pour augmenter un personnel qui ne partagera que le travail, et à cet égard aucune résistance n’est à craindre de la part des employés.

Je puise dans le système de l’arrêté d’octobre des sujets de crainte de nous voir proposer des augmentations successives. Prenons-y garde : si nous adoptons une fois des propositions de ce genre, avant que le ministre les ait justifiées d’une manière satisfaisante, soyez persuadés, messieurs, que le ministre ne s’en tiendra pas là ; et que répondrons-nous s’il vient nous demander des augmentations qu’il justifiera tout comme celle qu’il pétitionne en ce moment ? Je le répète, en présence du système d’essai du 18 octobre, il faut se montrer sévère pour toute demande d’augmentation.

Je m’abstiendrai d’entrer dans la question qu’a soulevée la discussion de ce chapitre ; je reconnais mon incapacité en matière financière : je ne puis toutefois m’empêcher de vous dire qu’en parcourant les différents chapitres du budget des finances, je me suis entre autres demandé à quoi servaient les 22 inspecteurs qui figurent au chapitre IV ? et cette question, je l’avoue, je n’ai pu la résoudre.

M. l’administrateur de l’enregistrement, commissaire du Roi. - On a prétendu que j’avais dit que les traitements des directeurs de 3ème classe étaient de 7,600 fr, en 1832 je ne le crois pas, parce que, sous le régime de l’arrêté du 17 janvier 1831, il n’y avait que deux classes de directeurs.

On a dit qu’il y avait une augmentation de 10,745 fr. sur le chiffre demandé par le ministre dans les années précédentes et que le ministre lui-même en convenait. Ce n’est pas une augmentation : c’est le résultat d’une comparaison. En effet, il a été généralement reconnu par les divers orateurs que ce n’est pas l’évaluation des sommes portées au budget qu’il faut considérer, mais l’application de la quotité des remises aux recettes faites effectivement, lesquelles ont dépassé les évaluations du budget.

Quant à la note présentée lors de la discussion du budget de 1832, elle ne présentait pas d’évaluation, mais des supputations : elle indiquait quels eussent été les traitements dans le cas où les prévisions du budget auraient été dépassées, même d’un million. Mais ce n’étaient pas des calculs très incertains. Cette note avait pour objet de faire écarter la proposition de la section centrale, consistant à réduire la quotité de la remise de 1 3/4 à 1 1/2. Vous pouvez juger quel sort était, dans ce cas, réservé aux employés supérieurs de l’administration de l’enregistrement. Vous auriez été alors en contradiction avec vous-mêmes, puisque, dans l’énumération des qualités particulières que nécessitaient leurs fonctions, vous avez reconnu qu’il leur était raisonnablement dû un traitement supérieur à ceux des grades correspondants dans les autres parties du ministère des finances.

On a dit que si le personnel actuel de l’enregistrement avait suffi en 1833, il n’y avait pas de raison pour qu’il ne suffît en 1834. Il n’a pas été contesté que ce nombre avait été suffisant pour le recouvrement en 1833 ; mais il est constant qu’il ne suffit plus pour contrôler, pour vérifier les recettes, non des contribuables, mais des receveurs pour s’assurer si la gestion des comptables était bonne, et aussi si elle était toujours dans l’intérêt des administrés ; car la vérification des régies ne porte pas seulement sur les recettes insuffisantes, elle a aussi pour objet la recherche des sommes exagérées et la restitution aux contribuables des sommes perçues en trop par fausse interprétation de la loi ou faux calcul.

Quant aux recettes, on a supposé que les recettes de 1834 n’atteindraient pas celles des autres années. C’est une erreur ; car les recettes pour droits de mutations s’engendrent l’une par l’autre. Ainsi, quand l’aliénation des domaines eût lieu en 1826, 1827 et 1829, on a déterminé le paiement en 12 termes annuels. Ce n’était pas exclusivement dans l’objet de faire monter le prix de ces domaines au-dessus du prix vénal, on avait aussi en vue de déterminer par une combinaison complexe un mouvement dans les propriétés territoriales qui devaient faire percevoir au trésor des droits considérables. Ces prévisions ont été réalisées. De même les ventes des propriétés de la banque détermineront des ventes considérables, lorsque viendra l’époque d’en payer le prix. Je ne suis pas inquiet sur les droits d’enregistrement pour 1834 ; il y a assez d’éléments d’impôt qui devront nécessairement rentrer au trésor. C’est lorsque les ventes sont aussi nombreuses que l'action des employés devient intéressante. Il faut qu’ils redoublent d’attention et d’activité, et qu’ils surveillent la perception de l’impôt à la valeur vénale, base unique posée par la loi du 22 frimaire an VII.

M. Jullien. - Messieurs, après de si longs débats, la question de chiffre pour le traitement des administrateurs et employés dans les provinces devrait être épuisée ; mais si elle ne l’est pas, c’est que sa solution dépend de la vérification d’un fait qui, à mon avis, n’est pas suffisamment justifié.

La section centrale prétend que le ministre demande, pour ces fonctionnaires, un traitement plus élevé que celui dont ils ont joui jusqu’à présent, et qui se composait, comme vous savez, d’émoluments en partie fixes, et en partie proportionnels. Le ministre prétend au contraire que, depuis 1815 jusqu’en 1833, les administrateurs et les employés ont eu constamment un traitement plus élevé que celui qu’on porte aujourd’hui au budget.

L’honorable M. Donny a produit un tableau dont l’exactitude est reconnue par le ministre et d’où résulterait, en effet, qu’au moyen des remises proportionnelles, l’assertion de M. le ministre serait fondée. Si donc ce tableau n’est pas mensonger, il est vrai de dire que la demande du gouvernement, loin d’être exagérée, est au-dessous de ce qu’elle a été jusqu’ici. Je sais bien que la chambre a le droit de réduire ces traitements, mais il s’agit de savoir si elle en a l’intention, et cette question n’a pas été agitée. J’insiste donc pour que le fait avancé par le gouvernement et contesté par la section centrale, soit vérifié ; et je demande de nouveau à M. le commissaire du Roi des explications dont doit dépendre mon vote.

Permettez-moi, messieurs, de revenir maintenant sur la question de principes. On a agité longuement celle de savoir s’il était plus avantageux de donner aux administrateurs et employés de l’enregistrement un traitement fixe ou un traitement proportionnel. Vous avez entendu à ce sujet les opinions les plus divergentes. Il était d’ailleurs naturel que ce changement de système vous occupât puisqu’il doit former prochainement une question de cabinet. Plusieurs honorables membres ont pensé que l’ancien système des traitements proportionnels devait être continué, et qu’il présentait l’avantage de stimuler le zèle des employés et de les engager à mettre aux investigations qu’ils feraient dans l’intérêt du trésor plus de célérité qu’ils n’en mettraient sans ce stimulant. D’autres au contraire, et je suis de ce nombre, se sont déclarés partisans des traitements fixes, et ont pensé qu’il était dangereux de placer des fonctionnaires publics entre leur devoir et leur intérêt ; ils ont craint d’exposer les contribuables à des poursuites vexatoires que les employés dirigeraient contre eux, non pas pour étendre, mais pour forcer les produits.

L’honorable M. Verdussen, en appuyant le système des traitements proportionnels est venu nous dire que l’intérêt personnel était le grand mobile des actions humaines ; il a même ajouté que, tous tant que nous sommes, c’est l’intérêt qui nous fait agir. L’honorable M. Coghen a été de l’avis de M. Verdussen ; et moi, messieurs, je conçois cette doctrine pour les affaires privées, mais je la repoussé de toutes mes forces quand on veut l’appliquer aux fonctions publiques, et je ne puis admettre d’autre stimulant pour un fonctionnaire public que le sentiment de son devoir et de l’honneur.

Si cette doctrine est bonne, pourquoi ne pas l’étendre à d’autres branches de l’administration publique ? Par exemple on se plaint des lenteurs de la justice ; les juges, les conseillers, n’ont pas, comme les directeurs de l’enregistrement, des appointements de huit à neuf mille francs : pourquoi ne leur donnerait-on pas aussi un traitement proportionnel, en raison des procès qu’ils décideraient ? que ne rétablissez-vous les épices ?

Un ministre de Charles X, qui n’a pas peu contribué par son système de corruption à la chute de son maître, avait coutume de dire qu’il y avait de l’argent au fond de toutes choses. Messieurs, de telles maximes ne sont pas à l’usage d’une assemblée nationale. Si nous sommes tous mus par l’intérêt personnel, est-ce donc à dire que nous sommes ici pour faire nos affaires et non celles de nos commettants, ou bien a-t-on voulu dire que nous y sommes venus chercher une position sociale et des places que nous n’aurions pas eues en restant chez nous ? Si telle est la pensée des honorables préopinants, je rends justice à leurs intentions, mais pour ma part je repousse leur doctrine.

Mais, a-t-on dit, il n’y a pas de danger à admettre les remises proportionnelles, parce que l’administration centrale sera juge des procès-verbaux faits par les employés. Je réponds à cet argument de M. Fallon, que l’administration centrale, n’étant pas intéressée dans ces remises, sera en effet un juge indépendant, mais que néanmoins elle sera toujours plus disposée à donner crédit à ses employés qu’aux contribuables, qui d’ailleurs ne seront pas là pour se défendre.

Je vous soumets, messieurs, ces observations et vous prie de considérer que le gouvernement n’a admis le système des traitements fixes que parce qu’il présente quelque chose de plus libéral et de plus moral. La France avait aussi essayé des traitements proportionnels, et elle est revenue aux traitements fixes. Il est reconnu que l’intérêt a poussé les employés à faire de nombreux procès-verbaux pour de simples ratures, à accabler d’amendes des notaires de campagne pour des mots foulés, défaut de mention des professions, etc. Voilà quelles ont été les conséquences des traitements proportionnels. Autrefois l’administration de l’enregistrement était tout civile, toute paternelle. Mais depuis l’établissement des traitements proportionnels elle s’est associée à la fiscalité des autres administrations. Je veux, par le rétablissement des traitements fixes, lui rendre la considération qui lui est due.

M. Fallon. - Je ne me suis pas rencontré avec mon honorable ami M. Jullien dans la discussion principale ; je ne puis davantage partager son opinion sur les doctrines au moyen desquelles il combat mon système.

Lorsqu’il s’agira de faire du libéralisme dans la défense de nos libertés constitutionnelles, il me trouvera toujours à ses côtés.

Jamais il ne me verra disposé à transiger sur ce point.

Mais lorsqu’il ne s’agira que de doctrines, au bout desquelles je ne verrai que des questions d’argent ; lorsque ce sont les intérêts du trésor qu’il s’agira de défendre, le libéralisme ne me séduira pas parce que suivant moi il n’est pas possible de l’associer d’une manière aussi absolue aux exigences de toute bonne loi fiscale.

Nous avons fait du libéralisme et beaucoup de libéralisme dans la loi des distilleries. Nous verrons plus tard où cela nous aura conduits.

Prenons bien garde, toutefois, de faire autant de libéralisme dans la révision des autres lois financières ; car, en poussant le système jusqu’au bout, nous pourrions bien nous trouver contraints à faire faire le service de l’Etat, non avec l’argent, mais avec du patriotisme, et je doute que l’on puisse continuer à nous aller aussi bien que l’autre.

Il se passe ici des choses vraiment étranges, et cela, parce que l’on oublie toujours qu’il s’agit d’une administration toute spéciale et qui exige des moyens d’action tout différents que dans toute autre branche de l’administration financière.

Ici, messieurs, tout est casuel, tout est éventuel ; l’impôt s’élève ou se baisse suivant les soins et la perspicacité des employés ; la moindre insouciance, la moindre négligence peuvent faire perdre au trésor des valeurs considérables.

En mettant hors de cause la partie sentimentale, les remises que l’on donnera en monnaie de désintéressement, on est forcé de convenir que le système des traitements proportionnels, appliqué aux agent chargés du contrôle et de la surveillance immédiate de la perception, est plus avantageux au trésor ; et il faut bien le reconnaître, alors qu’à côté de ces agents nous avons placés des supérieurs désintéressés aux poursuites et chargés de modérer l’action fiscale.

Il y a deux ans, c’était là pour notre gouvernement une question de vie ou de mort.

Aujourd’hui tout est changé, et c’est le gouvernement lui-même qui, sans y avoir été convié par la représentation nationale, vient chanter la palinodie.

On devait croire, tout au moins, que pour éviter le relâchement qui pourrait être la suite de la transition d’un système à l’autre, le ministère penserait à assigner des traitements fixes au moins équivalents aux traitements proportionnels.

Pas du tout, il s’efforce à nous prouver que ce n’est pas là ce qu’il a fait... : qu’il a réduit des traitements et qu’il est resté au-dessous de la moyenne.

Je conviens qu’ainsi il se concilie l’opinion de ceux qui pensent que le service marchera parfaitement avec moins d’argent, et plus de désintéressement et de patriotisme.

Mais, sur ce point, je partage entièrement les scrupules de mes honorables collègues MM. Verdussen et Coghen, et je répète avec eux cette vieille vérité que l’intérêt est le principal mobile des actions des hommes.

Sans doute il y a d’honorables et de nombreuses exceptions.

Peut-être qu’un jour, et avec les progrès de la civilisation, l’exception prendra la place de la règle.

Dans l’entre-temps, je pense avec eux qu’il est prudent de s’en tenir à la règle.

Et je pense avec eux que si l’on ne veut pas faire avec la loi de l’enregistrement un essai, comme on l’a fait avec la loi des distilleries ; que si l’on ne veut pas s’exposer à voir décroître une des principales ressources du trésor, dans une matière où l’impôt est à la discrétion des employés, où le moindre soin, la moindre négligence peut laisser échapper des valeurs considérables, il faut beaucoup plus compter sur l’argent que sur le désintéressement.

Enfin, messieurs, si au budget de l’année prochain je rencontre encore l’arrêté du 18 octobre, et que je ne puisse le renverser, je serai le premier à demander que le zèle et l’activité des employés dans les provinces soient stimulés par des traitements assez élevés pour me donner la garantie qu’ils seront attachés à l’accomplissement des soins qui leur sont confiés.

Du reste, messieurs, si ce que j’ai dit dans cette discussion paraît peu libéral à quelques-uns de mes honorables collègues, je les prie de croire que c’est parce que j’ai l’intime conviction que, dans la défense des intérêts du trésor, il faut savoir se garantir autant de l’entraînement du libéralisme que des exigences de la fiscalité.

M. Jadot. - Je demande la parole.

M. le président. - Vous avez déjà parlé deux fois, je ne puis vous donner la parole sans l’autorisation de l’assemblée.

- Un grand nombre de voix. - Parlez ! parlez !

M. Jadot. - Je demande la parole parce que je tiens à rectifier l’opinion que vous pourriez avoir des produits sujets à la remise, d’après ce que l’honorable M. Dubus a dit du tableau de la situation du trésor, qui vous a été distribué ce matin.

Les recettes portées dans cet état ne comprennent que les recettes faites jusqu’au 31 octobre 1833, à quoi on a ajouté les produits présumés des deux derniers mois, lesquelles deux sommes n’excèdent pas les prévisions de la loi des voies et moyens ; mais il n’en reste pas moins vrai que les recettes brutes s’élèvent à fr 24,239,001 fr.

Hors de quelle somme déduisant les droits indûment perçus, qui ont été restitués et qu’on ne peut donner en ce moment que par approximation, fr. 200,000, il resterait sujet à la remise 24,019,001 fr. et cette somme s’élèvera, ainsi que je l’ai dit hier, à 420,000 fr., au lieu de 410,120 fr. portés au budget de 1833.

Notez d’ailleurs, je vous prie, messieurs, que bien loin de borner la diminution aux 10,000 fr. qui, dit-on, sont portées en plus à l’article que nous discutons, vous avez déjà fait éprouver à cette somme de 420,000 fr. une forte réduction, en adoptant la proposition de la section centrale, qui réduit de 23,500 fr. le chapitre dans lequel figure l’administration centrale de l’enregistrement et où figurent des directeurs, inspecteurs et vérificateurs.

M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Deux honorables membres, qui ont parlé avant l’honorable M. Jadot, sont revenus sur les dispositions de l’arrêté du 18 octobre, en ce qui touche les traitements fixes qui, en 1834, sont substitués aux traitements proportionnels, qui précédemment réglaient le sort des employés de l’enregistrement.

Il est constant que ce changement a été adopté d’abord en imitation de ce qui se passe depuis quelque temps dans les pays voisins, et en second lieu pour se conformer au vœu exprimé par la section centrale et plus particulièrement dans les débats auxquels cette question a donné lieu lors de la discussion du dernier budget.

La section centrale, dans son rapport sur le dernier budget, a demandé formellement que des traitements fixes fussent substitués aux traitements proportionnels pour ce qui concerne les fonctionnaires de l’administration centrale de l’enregistrement. Ainsi on voit que l’avis de la section centrale était que le traitement fixe fût substitué au traitement proportionnel pour les officiers supérieurs de l’enregistrement, c’est-à-dire, à l’exception des receveurs, pour les vérificateurs, inspecteurs et directeurs.

Si on se reporte à l’époque de la discussion dont je viens de parler, on se rappellera que plusieurs honorables membres ont soutenu qu’il convenait de donner la préférence au système des traitements fixes sur celui de la remise proportionnelle pour tous les fonctionnaires. Quelque controverse qui puisse exister à ce sujet, partageant l’opinion de l’honorable M. Jullien, je me suis rangé de l’avis de ceux qui donnent la préférence au traitement fixe sur le traitement proportionnel. Si le gouvernement a eu quelque tort à adopter le système des traitements fixes, ce tort est partagé par la France, où, depuis un nombre d’années considérable, la substitution des traitements fixes aux remises proportionnelles a eu lieu et où on s’est probablement bien trouvé de ce changement, puisqu’on n’a pas abandonné ce système pour revenir au système précédent. La Hollande a aussi admis le même système depuis notre révolution, tandis que, pendant la réunion de la Hollande à la Belgique, les employés de l’enregistrement recevaient un traitement formé d’une remise proportionnelle.

J’ai pensé que ces exemples étaient bons à suivre, puisque le nouveau système était en pratique dans d’autres pays depuis cinq ou six ans, et qu’il n’en était résulté aucun inconvénient. Je bornerai là mes observations sur la substitution du traitement fixe au traitement proportionnel.

J’ajouterai quelques mots à ce qu’a dit M. le commissaire du Roi, relativement au besoin d’un plus grand nombre d’employés nécessité par la création de nouveaux bureaux d’enregistrement. Si ces nouveaux bureaux ont été créés, c’est que des rapports de l’administration centrale, mis sous les yeux du ministre, en ont démontré la nécessité. C’est ce qui l’a déterminé à les comprendre dans la nouvelle organisation établie par l’arrêté du 18 octobre.

Je prie la chambre de lire la note qui est à la page 16 des développements du budget ; elle verra que l’augmentation a eu lieu pour tenir au courant les contrôles des bureaux, ce qui n’avait pu avoir lieu jusqu’au moment où l’arrêté du 18 octobre a été pris.

Je ne reproduirai pas les observations que j’ai faites à cet égard ; j’attendrai le jugement de la chambre.

Je me bornerai à faire une dernière observation, c’est qu’il résulte de la nouvelle organisation qu’une charge temporaire de 15,000 francs existe dans mon budget. Or, quand cette charge aura cessé d’exister, il y aura une diminution dans les frais de recouvrement de l’enregistrement et des domaines. Que cette charge appartienne a l’administration centrale, à l’administration dans les provinces, ou à ces deux services réunis, toujours est-il que d’un jour à l’autre cette charge temporaire peut cesser ; elle est portée avec ce caractère à mon budget : dès qu’elle aura cessé, il y aura une diminution notable dans les frais d’administration de l’enregistrement et des domaines. (Aux voix ! Aux voix ! La clôture !)

M. Dumortier, rapporteur. - Cette discussion a été tellement longue et tellement ennuyeuse, que je comprends l’impatience que manifeste la chambre de la terminer. Je crois cependant devoir lui demander la permission de rappeler les faits.

Nous avons vu, par la discussion qui a eu lieu jusqu’ici, que le crédit voté l’an dernier pour les employés de l’enregistrement s’est élevé à 309,155 francs. Ce chiffre n’a pas été contesté par le ministre, il n’était pas contestable, car il est écrit dans la loi ; toute la question se réduit maintenant à deux termes. On s’est demandé : Les appréciations ont-elles été dépassées par les revenus ? On s’est demandé ensuite : Les traitements des employés de l’enregistrement ont-ils été augmentés ? Je demanderai la permission de faire quelques observations sur ces deux questions qui me paraissent dominer toute la discussion.

L’honorable député de Marche prétend que les recettes ont dépassé les prévisions, qu’elles se sont élevées à plus de 24 millions. Je ne sais sur quoi il fonde son opinion.

M. Jadot. - C’est sur les pièces qui sont au ministère.

M. Dumortier, rapporteur. - Les députés ne peuvent pas savoir quelles sont les pièces qui existent au ministère ; ils ne peuvent fonder leur opinion sur les documents officiels qui leur sont remis. Or, on nous a distribué ce matin un état de situation du trésor pour l’exercice de 1833. Il résulte de cet état, signé par M. le ministre des finances, que sur aucun point les évaluations n’ont été dépassées par les recettes.

M. Jadot. - Cet état ne comprend que les recettes effectuées jusqu’au 1er octobre.

M. Dumortier, rapporteur. - Je trouve en tête de la situation : « Etat comparatif entre l’évaluation des revenus du royaume pour recettes effectives contenant les versements effectués au 31 décembre 1833. »

D’après ce document, il n’existe pas de différence.

C’est une chose inexplicable que la manière dont on discute tous les ans quand il s’agit de l’administration de l’enregistrement. Toujours on cherche à étouffer la voix des orateurs qui veulent signaler les abus de cette administration. Qu’on essaie de me répondre si on veut, j’écouterai ; mais qu’on ne vienne pas m’interrompre quand je cite des documents officiels qui établissent que les recettes n’ont pas dépassé les évaluations, et jeter dans la discussions des paroles vagues pour faire douter de l’exactitude de chiffres présentés par le ministre lui-même.

Le ministre n’a-t-il pas avoué lui-même qu’il y avait sur le chiffre de l’année dernière une augmentation de 10,745 fr. ? Eh bien ! Quand le ministre avoue cette augmentation, vous avez fort mauvaise grâce à venir m’interrompre pour dire qu’il n’y en a pas. Je vais vous prouver que cette augmentation existe. Je prends le budget de 1834 ; je ne ferai que développer les observations de MM. Lardinois et Dubus. Je vous prie de me prêter toute votre attention.

Le budget qui nous a été soumis pour 1833 a été voté en octobre dernier. Eh bien, si vous examinez le budget des finances de 1833, page 18, vous verrez que pour appuyer l’augmentation considérable qu’il demandait, le ministre présentait un tableau composé de plusieurs colonnes représentant le nombre d’agents dans chaque emploi, le minimum des traitements de chacun des employés et le produit de la répartition, et enfin le total des traitements pendant le cours de l’année. Comparons cette dernière colonne aux évaluations ministérielles, comparons ces traitements qu’il a trouvé suffisants l’année dernière avec ceux fixés par l’arrêté du 18 octobre.

D’après le ministre, l’an dernier le minimum du traitement des directeur de première classe était de 5,900 fr. ; le produit de la répartition a été de 2,400 fr., ce qui porte la totalité du traitement à 8,300. Prenez l’arrêté du gouvernement, et vous verrez que le traitement des directeurs de première classe, qui l’année dernière était de 8,300, est porté aujourd’hui à 9,000 fr. Pour les directeurs de seconde classe, leur traitement, qui l’année dernière était de 7,167 fr., se trouve maintenant porté à 8,500 fr. Les directeurs de 1ère classe sont augmentés de sept cents francs, ceux-ci ont une augmentation de 1,400 fr. Les inspecteurs de 1ère classe ont reçu l’an dernier 5,961. fr. ; d’après l’arrêté ils recevront 6,500 fr. : augmentation, 600 fr. Les inspecteurs de 2ème classe avaient 5,251 fr. ; maintenant ils auront 6 mille francs : augmentation, 750 fr.

Il y a une petite différence pour les territoires cédés, mais il y a réellement une augmentation énorme sur chacun des traitements des employés de l’administration de l’enregistrement dans les provinces. Il est impossible de répondre à cela. Ou le ministre nous a trompés, ou on nous trompe aujourd’hui : les documents sont officiels des deux côtés.

J’ai déjà eu l’honneur de dire à la chambre, et je crois devoir le rappeler, que nous avons à payer un arriéré de la dette qui est considérable. Nos impôts peuvent bien suffire aujourd’hui pour couvrir nos dépenses ; mais quand la paix sera faite et que nous devrons payer les intérêts de la dette hollandaise, ces impôts ne suffiront plus : nous serons obligés de diminuer nos dépenses et probablement dans la cruelle nécessité de réduire les traitements des fonctionnaires. Pour éviter autant que possible ces réductions, la chambre fera une chose sage en s’opposant aujourd’hui à toute augmentation. Vous savez combien on fait crier quand on propose des réductions de traitements. Il est plus simple de ne pas voter d’augmentations pour ne pas être dans la nécessité de demander des diminutions.

Je ne pense pas qu’il y ait d’article dans tout le budget où la nécessité de la réduction proposé par la section centrale soit plus manifeste que dans celui-ci.

M. le président. - Le chiffre du gouvernement est de 361,950 fr. M. Verdussen propose celui de 346,390, et la section centrale 342,945.

M. d’Huart. - Je désirerais savoir de quoi se compose le chiffre de 361,930 fr. que je ne trouve dans aucun passage du budget.

M. Dumortier, rapporteur. - Les chiffres du bureau sont exacts. Mais la réduction de la section centrale, qui paraît être de 18,983, n’est en réalité que de 10,745. Car elle propose de transporter à un article spécial pour, les employés du timbre les 4,200 fr. demandés pour le contrôleur du timbre.

M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Mais il existe encore une différence.

M. Dumortier, rapporteur. - Effectivement, le traitement du contrôleur du timbre n’est pas compris ici ; c’est la somme demandée pour le traitement des surveillants aux ventes, dont toutes les sections ont demandé la suppression. Cette somme est de 8,240.

- M. le commissaire du Roi. - Nous ne pouvons consentir à cette suppression.

M. Dumortier, rapporteur. - On pourrait mettre aux voix la réduction de 10,745 fr., qui a fait jusqu’à présent l’objet de la discussion, et si cette réduction était rejetée, mettre aux voix celle de 7,300 fr. proposée par M. Verdussen, puis ouvrir la discussion sur l’article relatif aux surveillants aux ventes. (Appuyé ! Appuyé !)

M. le président met aux voix la réduction de 10,745 fr. proposée par la section centrale.

- Elle est adoptée.

M. le président. - La discussion est ouverte sur l’allocation demandée pour les surveillants aux ventes.

M. le commissaire du Roi. - C’est tout un article du développement, l’article 7, qu’on vous demande de supprimer. Il est impossible que le gouvernement puisse consentir à cette suppression. Ces surveillants sont de première nécessité. Nous avons démontré l’an dernier, que leur existence exerçait une influence des plus favorables sur les recettes du trésor. On a fait observer qu’on en avait placé dans les principales villes du royaume, Bruxelles, Anvers, Bruges, Gand et Liége, parce que, dans ces grandes villes, une plus grande surveillance était nécessaire pour s’assurer si on exécutait les lois sur le timbre pour les journaux, affiches, ventes publiques de meubles, etc. Il est à remarquer, en outre, que la nomination de surveillants, en 1833, a procuré au trésor une augmentation de 13,000 fr. de recettes sur le timbre des journaux seulement.

Si vous supprimez cette classe d’employés qui maintient vos recettes en veillant à l’exécution des lois fiscales, vous réduirez sans doute vos dépenses ; mais qu’en résultera-t-il ? Cela est effrayant.

Il en résultera que les vérificateurs, les inspecteurs et les receveurs devront exercer eux-mêmes cette surveillance ; mais la nature de leurs fonctions, les obligations qu’elles leur imposent, et l’assiduité qu’exigent des objets plus importants, ne leur laissent pas le temps de s’occuper de cela. Vous avez vu, par le résultat d’une seule année, que la surveillance de ces employés a eue sur les produits du timbre seulement. J’ai reçu de Gand un petit tableau comparatif des produits des ventes publiques de meubles avant et depuis la nomination des surveillants. Il résulte de ce tableau que, pour 1833, ces produits ont dépassé de 3,435 ceux des années précédentes. Cette seule nature de recette a donné une augmentation supérieure au traitement du surveillant de la ville de Gand.

Cet employé, alarmé par la proposition de la section centrale, m’a fait écrire sous la date du 27 janvier, afin de me prier de faire tous mes efforts pour obtenir le maintien des surveillants. Ils sont, en effet, très utiles. Les supprimer par mesure d’économie, c’est comme si par le même motif vous demandiez la suppression des commis aux accises. Ils sont essentiels, non parce qu’ils constatent la fraude, mais parce qu’on sait qu’ils sont là pour surveiller ceux qui auraient envie de la faire. De même, les surveillants sont des sentinelles placées à côté de ceux qui seraient tentés de frauder sur les ventes publiques de meubles, sur le timbre des journaux, avis, etc.

Si la chambre le désire, je vais lui donner lecture de la lettre du directeur de Gand.

« Gand, 27 janvier 1834.

« Monsieur l’administrateur,

« Je vois par les journaux que la section centrale de la chambre des représentants demande la suppression des surveillants aux ventes parce qu’elle ne conçoit pas, après la série considérable d’inspecteurs et de vérificateurs de l’enregistrement, qu’il soit nécessaire de conserver ces employés.

« Comme la discussion du budget des finances est fixée à mercredi, j’ai pensé qu’il vous serait agréable d’être mis d’autant plus à même de réfuter ces objections, et à cet effet j’ai l’honneur de vous transmettre :

« 1° L’état de comparaison des droits qui ont été perçus dans cette province du chef des ventes d’objets mobiliers.

« Vous voudrez, M. l’administrateur, y remarquer que, depuis la nomination d’un surveillant de ces ventes, ces droits ont éprouvé une augmentation progressive importante ; ce qui me paraît prouver à l’évidence que la surveillance est très utile, et qu’il ne faut pas y renoncer.

« 2° Les états mensuels des ventes surveillées par l’employé chargé de ce travail dans cette province, états qui, par le nombre des ventes qui y sont renseignées, prouve que si cette surveillance devait être exercée par les inspecteurs ou les vérificateurs, il faudrait qu’un de ces employés supérieurs y consacrât presque tout son temps ; d’où résulterait, d’après le travail dont les employés supérieurs sont chargés, la nécessité de faire remplacer celui qui serait détourné de ses fonctions, et, par suite, l’obligation de payer un traitement beaucoup plus élevé que celui que l’on veut supprimer.

« D’ailleurs il ne faut pas que l’on perde de vue que les surveillants sont aussi chargés de surveiller le timbre, les pêches et les passages d’eau, et que les pêches, qui dans cette province sont très importantes, et même celles de la ville de Gand seulement exige une surveillance assidue ; de manière que, si l’on supprimait ici le surveillant des ventes, on devrait immédiatement nommer un garde-pêche dont le traitement ne pourrait être que de bien peu inférieur à celui du surveillant actuel : on se priverait donc pour quelques francs seulement d’un employé réellement utile. Veuillez, je vous prie, me faire renvoyer les états ci-joints.

« Le directeur de l’enregistrement et des domaines, de Steinhault. »

Je vous demande, messieurs, si, quand dans les provinces on a été spontanément alarmé de la proposition de la section centrale de supprimer les surveillants des ventes et du timbre, l’administration ne doit pas exprimer ses justes craintes, ses craintes très fondées que cette suppression n’entraîne une perte considérable pour le trésor, soit parce que la surveillance ne se ferait plus aussi bien, soit parce qu’on saurait qu’il n’existe plus de surveillant.

Pour faire exercer cette surveillance par des employés d’un rang plus élevé, il faudrait en augmenter le nombre ; et leur traitement étant aussi plus élevé, il en résultera une augmentation de dépense pour l’Etat.

M. A. Rodenbach. M. le commissaire dû Roi pourrait-il nous prouver la nécessité qu’il y a à ce que des employés de l’enregistrement assistent aux ventes ?

Je lui demanderai ensuite pourquoi cette nécessité n’existe que pour cinq provinces ? pourquoi il n’y en a pas dans le Hainaut, dans le Luxembourg, la province de Namur ? Si ces employés sont utiles, il doit y en avoir partout. Je suis d’autant plus étonné de la préférence donnée à certaines provinces, que celle du Hainaut, qui a rapporté à l’enregistrement cinq millions et demi, n’a pas de surveillant.

M. le commissaire du Roi. - Il n’y a pas de surveillant partout, parce que le besoin ne s’en est pas fait sentir partout. Le nombre des employés ne se détermine pas d’une manière uniforme pour toutes les provinces. Elles n’ont pas toutes le même nombre d’inspecteurs et de vérificateurs. Le nombre des employés est fixé d’après la nature du service. Dans le Hainaut, qu’on vient de citer comme fort productif, on n’a pas nommé de surveillant parce que l’usage des ventes publiques de meubles sur des marchés publics n’y existe pas comme à Gand, Anvers, Bruxelles et Bruges ; mais il y a dans le Hainaut trois inspecteurs, quatre vérificateurs et trente receveurs. On a mis dans cette province un nombre d’employés proportionnellement aux produits pour assurer les recouvrements.

Si l’administration ne procédait pas ainsi, si elle mettait autant d’employés dans la province de Namur que dans celle du Hainaut, dans la province du Luxembourg que dans celle de la Flandre orientale, dans le Limbourg que dans le Brabant, elle marcherait très mal. On place des employés là où le besoin s’en fait sentir. Il n’y a pas de surveillants des ventes et du timbre dans toutes les provinces, parce que le besoin de leur surveillance ne s’y fait pas sentir. Ce n’est que dans les grandes villes où les journaux abondent principalement, qu’il faut une surveillance plus spéciale pour s’assurer si les lois sur le timbre sont exécutées, et si on n’expédie pas des journaux sur papiers non timbrés.

M. de Brouckere. - J’avais demandé la parole en même temps que M. A. Rodenbach, dans l’intention d’adresser à M. le commissaire du Roi l’interpellation que vient de lui faire cet honorable représentant.

La question est en effet de savoir si les surveillants aux ventes sont nécessaires oui ou non. Or, M. l’administrateur de l’enregistrement n’a pas démontré cette nécessité. Il nous a dit qu’il a nommé des surveillants dans cinq villes, Anvers, Bruxelles, Bruges, Gaud et Liége. Mais pourquoi n’en nomme-t-il pas à Mons, Namur, Ostende, Tournay ? C’est, dit-il, parce que là le besoin ne s’en est pas fait sentir.

Prouvez donc que le besoin s’en est fait sentir dans les villes où vous en avez nommé. Je vous demanderai quels sont les fonctionnaires qui, dans les villes de Namur, Mons, Ostende, Tournay, remplissent les fonctions attribuées aux surveillants des ventes et du timbre, et pourquoi les fonctionnaires qui remplissent ces fonctions dans les villes de Namur, Mons, Ostende, Tournay, ne les remplissent pas de même à Anvers, Bruxelles, Bruges, Gand et Liège ? Voilà ce que vous devriez expliquer et prouver, pour que nous consentissions à voter la somme que vous nous demandez.

On s’alarme dans les provinces, dit M. le commissaire du Roi, à la seule idée de la suppression proposée par la section centrale ! Mais qui donc si ce n’est le fonctionnaire de l’enregistrement qui a craint de se voir supprimé ?

Je suis persuadé que les provinces ne partagent pas ses alarmes. Il ne faut pas qu’on se fasse illusion ce n’est pas par des arguments de cette nature qu’on déterminera la chambre à voter la somme de 8,240 francs, si la nécessité n’en est pas démontrée.

Je prie donc M. le commissaire du Roi de nous dire pourquoi il est nécessaire qu’il y ait des surveillants aux ventes dans certaines villes, (je ferai remarquer qu’ils sont assez bien payés, car il y en a deux qui ont 1,900 francs) ; pourquoi ces surveillants ne sont ni nécessaires ni même utiles dans d’autres villes, et par qui ils sont remplacés dans ces villes ? Je désire savoir de plus quel est le rang qu’ils occupent dans la hiérarchie administrative, si ce sont des fonctionnaires nommés par le gouvernement comme les autres employés de l’administration ou si ce sont simplement des espèces de courtiers qu’on prend momentanément et qu’on renvoie quand on n’en a plus besoin ?

Je ne les vois figurer que sous le titre de surveillants aux ventes. Si M. le commissaire du Roi ne me répond pas d’une manière satisfaisante, je voterai la suppression de la somme. Si, au contraire, par des arguments plus péremptoires que ceux qu’il a présentés jusqu’ici, au lieu de rester dans un cercle vicieux, et de se borner à dire : « Dans telle ville les surveillants sont nécessaires, dans telle autre ville le besoin ne s’en est pas fait sentir, » il parvient à prouver la nécessité de ces fonctionnaires, je voterai le crédit.

Cependant, si ces employés sont des fonctionnaires de l’enregistrement attachés à l’administration et nommés par le gouvernement comme les autres fonctionnaires, dans le cas où leur utilité ne serait pas démontrée, je ne voterai pas la suppression totale du chiffre ; je proposerai par amendement de réduire le chiffre de moitié, afin de laisser au ministre le temps de supprimer successivement ces fonctions et de trouver à utiliser les services de ceux qui les exercent.

M. le commissaire du Roi. - Messieurs, le préopinant demande que je lui démontre la nécessité des surveillants. C’est la première fois qu’on nous adresse une pareille interpellation, de justifier la nécessité des employés. En finance ce n’est pas la nécessité, c’est l’utilité qui fait nommer tel ou tel employé, c’est ce qu’on croit être dans les convenances du trésor pour soutenir ses produits. Mais j’irai aussi loin qu’il me sera possible dans les intentions de l’honorable préopinant. Il me demande pourquoi il n’y a pas de surveillants à Ostende, à Mons, à Tournay, et si là il ne se fait pas de surveillance. Je le prie de vouloir bien remarquer que dans ces villes de second ordre les receveurs ne sont pas aussi surchargés de travail que les receveurs des grandes villes, et qu’ils ont des moments disponibles à donner à la surveillance dont il s’agit.

A Gand, comme je l’ai dit tout à l’heure, il se fait des opérations considérables de ventes publiques qui ne sont pas en usage dans les villes de second ordre qu’on a citées. Il s’y tient des marchés de vieux meubles à jours fixes, où des ventes se font sous la direction d’entrepreneurs de ventes qui, faisant ces ventes à leurs risques et périls, moyennant une remise déterminée, ont intérêt à frauder les droits dus au trésor sur les ventes publiques. La multiplicité des ventes dans la ville de Bruxelles est notoire, on sait qu’il y a plusieurs entrepreneurs de ventes. La même circonstance existe à Anvers, à Bruges, à Gand.

Voilà donc la raison déterminante de la nécessite, ou, pour m’exprimer plus régulièrement en matière de finances, de l’utilité des employés.

Si vous deviez décider la nécessité de la présence de tel ou tel employé de finances dans telle ou telle résidence, vous n’en sortiriez pas. Vous ne pouvez pas juger si telle brigade doit être à Ath plutôt que dans une commune voisine : il en est de même de tous les employés de finances. La nécessité n’a jamais été la question posée relativement à eux, parce que les employés de finances ne sont pas rigoureusement nécessaires pour l’administration, pour le trésor public ; mais ils sont là pour qu’on sache que, dans un cercle donné, il y a une surveillance telle, qu’on ne pourrait pas ou qu’on ne pourrait que difficilement frustrer le trésor de ce qui lui est dû.

Quant à la question de la nature des fonctions des surveillants, je répondrai que ces employés sont classés dans l’arrêté du 18 mars 1831, qui a été formulé par le frère de l’honorable préopinant, et qui a reçu l’approbation générale. Par cet arrêté, dis-je, ils sont classés, dans la hiérarchie des employés de l’enregistrement, sur la même ligne que les receveurs de canton, que les premiers commis de direction, et commissionnés par le Roi comme les receveurs de canton, et jouissent de toutes les prérogatives attachées à ces grades.

M. Dumortier, rapporteur. - Messieurs, il est une chose bien remarquable, c’est qu’en 1831, 1832 et même en 1833, il n’a été rien demandé pour la surveillance des ventes ; cette surveillance est une création toute nouvelle. Je tiens à la main le budget de 1831, et je ne trouve aucune somme pour les surveillants des ventes ; probablement qu’alors elles n’existaient pas. On a demandé pourquoi il y avait des surveillants dans telles villes et point dans telles autres cités ; je vais répondre à cette question : c’est qu’il n’y avait qu’un petit nombre de créatures à placer. On a fait disparaître des surveillants de fabriques et des employés à la loterie ; on a donné alors des diplômes à ces hommes déplacés pour surveiller l’impôt démocratique (on rit), l’impôt sur les ventes publiques, et pour courir les rues. Soyez convaincus, si vous adoptez le chiffre du gouvernement, c’est-à-dire, si vous admettez la création des surveillants de ventes, autant de fois qu’on supprimera un agent dans un emploi, on lui en donnera un autre ; on en fera un promeneur patenté.

Il est cependant de petits emplois que l’on ne crée que momentanément ; M. le commissaire du Roi, si vous n’y prenez garde, donnera des fonctions permanentes en créant les gens qui lui conviendront, surveillants de ventes. Messieurs, à moins qu’on ne nous prouve la nécessité de ces nouveaux agents de l’administration, il faut supprimer le chiffre qui les concerne. Il faut extirper les abus.

M. Donny. - Messieurs, la section centrale vous a proposé la suppression des surveillants des ventes, parce qu’elle n’a vu ni la nécessité ni même l’utilité de conserver ces places. On a regardé ces places comme des espèces de sinécures. Ce qui a été dit dans cette enceinte confirme entièrement l’opinion que la section centrale s’était faite sur ce point ; et ce que M. le commissaire du Roi a dit n’est pas de nature à nous faire changer d’opinion. A la vérité, M. le commissaire du Roi vous a fait lecture d’un rapport dans lequel on prétend que les surveillants aux ventes sont d’une très grande utilité.

Pour qu’un rapport semblable pût avoir quelque influence sur nos esprits, il aurait fallu qu’on nous communiquât l’opinion, non pas du directeur de la province de Gand seulement, mais encore l’opinion de tous les directeurs ; car il est probable qu’ils ont tous été consultés. Messieurs, si je suis bien informé, le directeur de la Flandre occidentale a fait aussi un rapport sur le même sujet ; et si je suis bien informé encore, ce rapport n’est pas en harmonie avec celui de son collègue de Gand. Loin de regarder ces fonctions comme utiles, il les considère au contraire, ainsi que le fait la section centrale, comme de véritables sinécures.

Je pense donc que si M. le commissaire du Roi n’a pas de meilleures preuves de l’utilité de ces fonctionnaires que celles qu’il tire du rapport dont il a fait lecture et des arguments qu’il a exposés, nous devons voter la suppression des surveillants au ventes.

M. Faider, commissaire du Roi. - On dit que, dans le budget de 1831, les surveillants aux ventes n’y sont pas compris ; cependant, il y a un article intitulé : Traitements fixes, 166,000 florins, qu’on trouve dans ce budget, et c’est là que se trouvent compris ces traitements de deux surveillants aux ventes établis anciennement, l’un à Anvers, l’autre à Bruxelles. J’étais receveur de l’enregistrement à Anvers en 1807, et alors il y avait un surveillant aux ventes. Celui de Bruxelles exerce également ses fonctions depuis longtemps.

Il s’appelle Simon ; il concourt au produit de l’impôt du timbre, non seulement pour les journaux, mais encore pour les registres que, dans certaines professions, la loi prescrit de tenir sur papier timbré. Les surveillants aux ventes sont un élément de la prospérité des recettes. L’administration centrale tient à remplir le but principal de son institution, c’est de fournir au budget son contingent de recettes ; si vous lui ôtez des moyens de surveillance pour assurer l’application des lois, vous lui enlevez un de ses instruments.

M. Fallon. - Je comptais prendre la défense des surveillants aux ventes ; mais, d’après ce qu’ont dit mes honorables amis, leur cause n’est plus soutenable ; en conséquence je renonce à la parole.

M. de Brouckere. - M. le commissaire du Roi est étonné de ce que je l’ai invité à démontrer la nécessité des surveillants aux ventes ; si vous lui faisiez une question semblable, a-t-il dit, sur beaucoup d’autres fonctionnaires, mes subordonnés, je serais fort embarrassé.

Eh bien ! s’il lui est impossible de prouver la nécessité des vérificateurs, des contrôleurs, etc., je prendrai la parole pour lui, et je donnerai la preuve de cette nécessité. Mais quand je vois des agents dans des villes et que je n’en vois pas dans d’autres, je crois qu’il est naturel de demander pourquoi ils sont utiles là et point ailleurs ? On a dit que, dans certaines localités, les surveillants aux ventes étaient remplacés par les receveurs : à Namur, je vois deux receveurs et point de surveillant ; à Gand ; je vois cinq receveurs et un surveillant. Est-ce qu’avec 5 receveurs on ne pourrait pas se passer d’un surveillant ?

J’ai demandé si les surveillants aux ventes étaient des fonctionnaires : on m’a répondu en invoquant l’arrêté du 18 mars, rendu par une personne qui me tient de près, arrêté qui a obtenu l’assentiment général ; mais je dirai que l’arrêté du 18 mars n’existe plus, qu’on l’a détruit pièce à pièce. Que la chambre prenne l’arrêté du 18 octobre, et elle y verra la nomenclature d’une vingtaine d’arrêtés qui s’entre-détruisent les uns les autres.

Au lien de demander la suppression du chiffre de 8,248 fr. je demande qu’on le réduise à 4,000 fr, ; je crois que les surveillants aux ventes d’Anvers et de Bruxelles peuvent être nécessaires.

M. le ministre des affaires étrangères (M. F. de Mérode) - On conçoit qu’un surveillant aux ventes peut être nécessaire à Anvers et à Bruxelles ; pourquoi ne pas comprendre Gand dans la même catégorie ? Je crois qu’on doit inscrire au budget les moyens d’établir ce troisième surveillant.

M. de Brouckere. - Je propose 4,000 francs ; le gouvernement avec cette somme pourra payer trois surveillants s’il le veut : pour deux j’aurais pu ne proposer que 3,000 francs, Mon but est d’empêcher la création d’employés inutiles ou de supprimer ceux que l’on aurait créés sans utilité.

M. Jullien. - La question a changé de face. On a soutenu que les surveillants étaient tout à fait inutiles, et maintenant voilà qu’en raison de leur utilité présumée pour telle ou telle localité, on vient proposer une simple diminution du chiffre. La question est maintenant une question de localité. Alors je demanderai pourquoi on ne reconnaîtrait pas l’utilité des surveillants pour la ville de Bruges comme pour la ville de Bruxelles.

Mais Bruges, dit M. Dumortier, est au bout du monde ; j’aurai l’honneur de faire observer à la chambre que dans notre royaume le bout du monde n’est jamais loin. On demande des surveillants pour les ventes publiques ; je conçois, en effet, que les entrepreneurs de vente publique font des efforts pour frauder les droits : sous ce rapport les surveillants peuvent rendre des services à Bruges. Je suis partisan des économies ; mais prenez garde que le trésor ne perde en recettes le double ou le triple des économies que vous voulez faire sur les dépenses.

Je demanderai depuis quand les surveillants aux ventes existent dans les différentes villes où ils sont établis.

M. Faider, commissaire du Roi. - J’ai déjà eu l’honneur de dire que le surveillant d’Anvers existait au moins depuis 1807. Celui de Bruxelles est aussi un ancien employé ; il existe au moins depuis 1821 que je suis à Bruxelles.

M. de Brouckere. - Il existe même depuis 1815.

M. Faider, commissaire du Roi. - Ainsi vous voyez que les surveillants aux ventes ne sont pas une création nouvelle.

M. de Brouckere. - Les autres ? les autres ?

M. Faider, commissaire du Roi. - Les autres ont été établis en 1833. C’était en voyant l’utilité de ceux d’Anvers et de Bruxelles qu’on a établi les autres.

M. le ministre des affaires étrangères (M. F. de Mérode) - Souvent, en croyant alléger le trésor public, on lui fait perdre plus qu’on n’économise. Il ne faut pas supprimer des positions, ôter à d’anciens fonctionnaires les moyens de subsister. Puisque les surveillants aux ventes existent depuis longtemps, pourquoi n’en établirait-on pas dans les villes populeuses comme Gand, Bruges ?

M. A. Rodenbach. - C’est en 1833 qu’on a nommé aux places nouvelles de surveillants aux ventes ; c’est aussi en 1833 qu’on a supprimé les préposés à la loterie et aux fabriques de châles à Malines ; cette coïncidence de temps démontre que ce sont les anciens agents de l’administration qu’on a voulu perpétuer dans des places ; mais il valait autant leur donner des pensions que de créer des emplois.

M. Faider, commissaire du Roi. - Les surveillants aux ventes ne sont pas les anciens surveillants des fabriques de châles, ni de la loterie ; ce sont d’anciens surveillants du domaine : on les a placés dans des villes populeuses parce qu’on en a compris l’utilité. Les surveillants aux ventes figurent en toutes lettres au budget de l’année dernière : ils y figurent à l’article 24 du chapitre IV, et sont compris parmi les employés à traitements fixes.

M. Dumortier, rapporteur. - Je tiens à la main le budget décennal. Pour tout le royaume des Pays-Bas, il n’y avait que deux surveillants aux ventes. Si le roi Guillaume se contentait de ce nombre d’employés, c’est qu’il ne jugeait pas utile d’en créer davantage ; sans quoi il en aurait institué de nouveaux pour pressurer les contribuables. Je ne vois pas pourquoi on voudrait davantage de surveillants pour la Belgique qu’on n’en employait pour les Pays-Bas. Si on veut conserver quelques surveillants, il faut conserver ceux d’Anvers et de Bruxelles ; les dernières créations sont de véritables sinécures. (Aux voix ! aux voix !)

M. le président. - Le gouvernement demande 8,240 fr., M. de Brouckere a proposé 4,000 fr., M. de Mérode propose 6,000 fr., la section centrale propose la suppression totale du chiffre.

- Le chiffre de M. de Brouckere est adopté, toutes les autres propositions sont rejetées.

M. le président. - L’article premier du chapitre IV, est réduit à 346,945 francs.

M. Legrelle. - Messieurs, je voudrais avoir des explications sur le numéro 23, relatif aux agents de change chargés de communiquer au gouvernement le prix courant des valeurs. Nous pourrions, je crois, nous dispenser de cette dépense ; les chambres syndicales pourraient communiquer la cote au ministre, quand il en aurait besoin ; le résultat serait le même. Pour le commerce, ce sont les chambres syndicales qui fournissent la cote des marchandises ; je ne vois pas pourquoi il en serait autrement des effets publics. La dépense du numéro 23 est de 2,100 francs ; on peut les supprimer.

M. Dumortier, rapporteur. - Je ne sais pas jusqu’à quel point on pourrait exiger que la chambre syndicale donnât les prix courants. Les prix courants s’établissent pour les marchandises aux frais du gouvernement ; il en est de même pour les effets publics. La section centrale a admis ce chiffre.

M. Legrelle. - La dépense, par son exiguïté, est restée inaperçue ; mais la section ne l’a pas formellement approuvée.

M. Faider, commissaire du Roi. - La publication des prix courants rentre dans l’exécution des lois sur les impôts. La loi du 27 décembre 1817 sur les successions, et la loi du 31 mai 1824 sur tous les impôts, contiennent des dispositions d’après lesquelles certaines perceptions de droits sont basées sur le prix courant relatif aux effets publics et publié officiellement par le gouvernement.

Le travail de la commission des agents de change, pour lequel il est demandé 2,100 fr., n’est pas un travail facultatif dont on puisse se dispenser ; c’est un travail obligatoire. Le bulletin réglé par les commissions des agents de change fait partie du Bulletin des lois. Toutes les semaines, ce bulletin est publié et inséré au Journal officiel, non pour l’utilité du commerce, mais pour établir la proportion de la perception de l’impôt. Les droits de perception et de succession qui s’appliquent aux effets publics sont proportionnels aux prix courants de chaque semaine. Ainsi, chaque semaine, il faut publier un prix courant.

M. Dumortier, rapporteur. - Je ne pense pas qu’on puisse contester la nécessité de publier les prix courants ; ce que l’on peut contester, c’est la nécessité de la dépense. Ne peut-on pas demander aux agents de change qu’ils établissent les prix courants ? Ce sont des fonctionnaires, et ils peuvent avoir cet emploi.

Je jette les yeux sur le budget décennal, et je ne vois nulle part une somme pour les agents de change qui donnent les prix courants. Les agents de change de Bruxelles ne recevaient rien sous Guillaume ; pourquoi recevraient-ils maintenant ? Ils sont assez rétribués par leurs opérations. Nommés pas le Roi, on peut mettre, à leur nomination, la condition de donner les prix courants.

Voyez l’article 75 du code de commerce : il y est dit que, dans toutes les villes où il y a une bourse de commerce, des agents de change seront nommés par le Roi. Voyez ensuite l’article 75, et vous trouverez que les agents de change ont seuls le droit de constater le cours des effets publics. Ces fonctions sont recherchées à cause du lucre qu’elles procurent ; et si le gouvernement imposait aux agents qu’il nommerait l’obligation de donner toutes les semaines les prix courants, on n’en manquerait pas. Je pense qu’on peut facilement adopter la proposition de M. Legrelle : il s’agit de supprimer le chiffre de 2,100 tr. ; mais il n’y a pas de dépense, si petite qu’elle soit, qu’il ne faille retrancher quand elle est superflue.

M. Coghen. - Je demande la permission de faire ressortir la nécessité d’avoir la cote légale, soit pour la perception des droits, soit pour les successions. Les courtiers sont nommés par le Roi ; mais rien ne peut les obliger à donner la cote légale des effets publics étrangers, car il s’agît ici surtout des effets de l’Angleterre et de la France. Ce sont 52 cotes qu’il faut fournir au gouvernement par année, et il ne peut pas exiger des courtiers assermentés qu’ils s’occupent 52 fois par an d’un tel travail sans salaire. La somme que, sous mon ministère, j’ai accordée, est très ruineuse. Si autrefois les courtiers ne recevaient rien à Bruxelles, c’est que la cote était établie à Amsterdam. En Hollande, on n’a pas l’habitude de faire rien pour rien.

M. Meeus. - La cote ordinaire de la bourse ne suffit pas dans le cas dont il s’agit. Il y a une cote pour les fonds dont on ne s’occupe pas à la bourse ; ainsi les actions des compagnies ne sont pas cotés à la bourse ; cependant, le gouvernement doit être informé du cours de ces valeurs pour établir les droits de succession. L’argument que M. Dumortier a voulu tirer du budget décennal ne me paraît pas bien solide ; sous l’ancien gouvernement, on n’entrait pas dans tous les détails où nous entrons maintenant et qui nous arrêtent trop longtemps. C’est le Staats-Courant qui donnait, sous le gouvernement des Pays-Bas, tous les mois le prix courant des diverses valeurs, et l’administration de ce journal coûtait beaucoup plus au gouvernement que l’indemnité donnée à la commission des agents de change.

- La suppression de 2,100 fr. mise aux voix n’est pas admise.

M. le président. - L’article premier sera ainsi de 346,945 francs.

- Ce chiffre mis aux voix est adopté.

Article 2

« Art. 2. Traitement des employés du timbre : fr. 48,230 francs. »

- Adopté sans discussion.

Article 3

« Art. 3. Traitement des employés du domaine : fr. 29,050 francs. »

La section centrale propose 23,470 fr. ; diminution 5,580 fr.

M. Dumortier, rapporteur. - On ne peut pas s’empêcher de voter la réduction proposée par la section centrale. Cette réduction porte sur les employés du bateau à vapeur d’Anvers, bateau qui n’existe plus. On sait qu’il avait été établi aux frais du domaine, un bateau à vapeur, qui faisait la traversée depuis Anvers jusqu’à la Tête-de-Flandres ; lorsque la révolution éclata, le bateau à vapeur fut la proie des Hollandais ; ils l’armèrent en guerre ; c’est-à-dire, mirent des canons dessus et rappelèrent le vaisseau le Chassé. Il faisait partie de la flottille qui menaçait la ville.

Cependant nous n’avons pas cessé de payer les appointements des employés de ce bateau à vapeur. En 1832, les Français s’emparèrent de la citadelle d’Anvers, et prirent quelques bâtiments de la flottille ; mais les Hollandais coulèrent à fonds le vaisseau le Chassé, ainsi que quelques autres. Le Chassé est dans les fossés de la Tête-de-Flandres à 40 ou 50 pieds sous l’eau : n’est-ce pas une chose scandaleuse que de demander un traitement pour les employés de ce bateau ? On peut affermer le passage d’Anvers à la Tête de Flandres et supprimer toutes les dépenses, et c’est une chose qui aurait dû être faite depuis longtemps.

Il est d’autres diminutions demandées par la section centrale ; elles sont relatives aux articles 24, 25 et 26. On nous demande une somme pour un archiviste à Bruxelles ; mais l’archiviste est payé par le ministre de l’intérieur, et c’est un double emploi que de le faire payer par l’administration de l’enregistrement.

On demande une autre somme pour le concierge du palais de justice de Liége ; mais dans le budget du ministère de la justice, on a payé un concierge pour ce palais ; voilà encore un double emploi. Le concierge d’un palais de justice ne peut être payé par l’enregistrement.

M. Faider, commissaire du Roi. - Le passage d’eau d’Anvers à la Tête-de-Flandres se fait par d’autres embarcations que le bateau à vapeur, et les employés du bateau à vapeur sont toujours occupés. L’obligation pour l’enregistrement de faire ce service résulte de la loi du 7 frimaire an VI, qui a réuni à l’administration du domaine tous les passages d’eau sur les fleuves et rivières navigables.

Il n’était pas facultatif à l’administration de s’abstenir d’entretenir la communication d’Anvers à la Tête-de-Flandres ; elle a maintenu cette communication avec d’autres bateaux que le bateau à vapeur et avec les mêmes employés.

Ces anciens employés sont des marins expérimentés qui donnent de la sécurité à ceux qui traversent ce passage dangereux.

(Ici M. le commissaire du Roi lit une note contenant des détails sur la communication entre les deux rives du fleuve.)

Messieurs, on a affermé le passage d’eau d’Anvers ; le contrat expire en octobre : dans le cas où le fermage ne serait pas renouvelé, il faudrait payer les marins ; je me borne à demander 750 fr. pour les trois derniers mois de l’année.

On se propose d’établir de nouveau un bateau à vapeur à Anvers ; l’administration est en relation très suivie avec M. Teichmann, directeur des ponts et chaussées et gouvernement par interim d’Anvers : il s’est chargé de présenter un devis pour la construction d’un bateau à vapeur. Les députés d’Anvers peuvent attester que l’administration a constamment fourni les moyens de traverser le fleuve ; je demande 750 fr. pour le salaire éventuel des trois derniers mois de l’exercice.

Quant aux articles relatifs à l’archiviste et à son assistant, comme c’est l’administration des domaines qui a le plus besoin des services de cet archiviste, c’est à elle à le payer. Il a la garde du dépôt des archives domaniales ; cet établissement intéresse tous les particuliers qui ont des bois d’origine domaniale ; c’est dans ce dépôt qu’ils trouvent les documents propres à constater leurs droits. C’est ainsi que les hospices et les acquéreurs de rentes nationales trouvent les preuves de leurs droits. Il n’y a rien de commun entre le dépôt des archives du domaine et les archives générale de la province. Comme il est considérable, il est formé de trois salles remplies de pièces : si on le réunit au dépôt général, il faudra augmenter le personnel, ce qui ne conduira à aucune économie ; car si l’administration de l’enregistrement ne paie pas, ce sera le ministère de l’intérieur.

Relativement au traitement du concierge du palais de justice à Liége, on a prouvé, lors de la discussion du budget de 1833, que ce concierge était étranger au ministère de la justice. Il a été nommé pour veiller à la sûreté des nombreuses boutiques placées dans la cour du palais.

Ces boutiques sont louées par le domaine, c’est donc au domaine à faire les frais de surveillance. Cette petite allocation est d’une absolue nécessité.

M. A. Rodenbach. - On nous demande une allocation pour le service d’un bateau qui n’existe pas ; cependant l’administration nous dit que la communication entre les deux rives du fleuve à Anvers n’est pas interrompue, qu’elle est faite par un entrepreneur dont le fermage expire au 1er octobre prochain. Cet entrepreneur, ce pontonnier paie une somme quelconque au domaine ; il a commence, trois mois avant le premier janvier ; demanderai en quel endroit cette recette est inscrite ? On veut faire un bateau à vapeur pour transporter les voyageurs d’Anvers à la Tête-de-Flandres, soit ; mais les recettes doivent figurer aux voies et moyens, doivent être mentionnées quelque part.

Dans les journaux on a lu que divers manufacturiers déclaraient avoir reçu des sommes du gouvernement des Pays-Bas. Un certain M. Cockerill a surtout déclaré qu’il était l’associé du gouvernement des Pays-Bas, et qu’il se considérait maintenant comme étant l’associé du gouvernement de la Belgique, qui avait succédé à l’autre. Je demanderai si réellement M. Cockerill est l’associé du gouvernement ? si en cette qualité il rend des comptes ? et dans le cas où il rendrait des comptes, je demanderai si nous perdons ou si nous gagnons par cette association ?

J’ai une troisième observation à soumettre à l’assemblée. Il est question au budget de préposés à l’imprimerie normale, et l’on demande 3,000 francs pour ces employés. A quoi bon renouveler annuellement une telle dépense ? Veut-on ou ne veut-on pas conserver l’imprimerie normale ? Qu’on s’explique ; il faut trancher cette question. Le matériel de cet établissement se détériore d’année en année ; il vaut mieux le vendre promptement.

Sous le précédent gouvernement il est sorti plusieurs ouvrages des presses de cette imprimerie ; ils existent dans le commerce ; on les vend : mais je ne trouve nulle part, dans le budget des voies et moyens, le montant de cette recette. Je demanderai des explications sur ce point comme sur les autres.

M. de Behr. - Ce que M. le commissaire du Roi a dit relativement au portier de la cour du palais de justice à Liége est vrai : il y a dans l’enceinte du palais une cour remplie de galeries ; ces galeries sont surveillées par un portier, et sont louées au profit de l’Etat : le portier les ouvre le matin, les ferme le soir dix heures ; et il n’a rien de commun avec le concierge des tribunaux. La cour du palais sert de communication d’un quartier de la ville à l’autre, il n’y a pas double emploi ici ; il serait même impossible que le concierge des tribunaux fermât la cour du palais. C’est parce que personne dans la section centrale ne connaissait la localité qu’on a proposé une réduction sur cet objet.

M. Faider, commissaire du Roi. - L’établissement de l’imprimerie normale est l’objet de la sollicitude de l’administration ; cependant on ne peut prendre aucune mesure parce qu’avant tout il faut qu’un procès commencé soit terminé. En attendant, il faut conserver le matériel de cette imprimerie ; il est d’une grande valeur.

A cause de ce même procès nous n’avons pas pu obtenir des détails convenables sur les ouvrages imprimés dans cet établissement ; il faut que le procès soit vidé pour que nous puissions donner à la chambre les renseignements qu’elle désire.

Le numéro 17 est relatif aux surveillants de fabrique à Liége ; c’est une dépense que nous devons faire parce que le gouvernement est intéressé dans ces fabriques, et pour qu’il sache si on leur donne la direction stipulée dans les contrats passés avec l’ancien gouvernement.

Lors la révolution ces manufactures étaient nouvelles ; il en est qui n’étaient pas achevées ; pour ne pas perdre les avances faites, il a fallu coopérer à leur achèvement. D’après les inventaires qui sont dressés tous les ans, nous voyons s’approcher l’époque où quelques fabriques nous procureront des bénéfices. Maintenant il serait impossible d’opérer le retrait des capitaux engagés. Dans un ou deux ans la prospérité de ces établissements permettra au gouvernement de rentrer dans ses avances.

Le passage d’eau d’Anvers se faisait, quand les Hollandais étaient dans la citadelle, dans un autre endroit que vis-à-vis la Tête-de-Flandres. Depuis la prise de la citadelle, un industriel croyait avoir conçu et exécuté un système de bateaux mécaniques propres à remplacer avantageusement le bateau à vapeur : on a soumis son système à l’épreuve ; mais il n’a pas répondu à l’espoir qu’on s’en était formé.

C’est dommage, parce qu’il présentait une grande diminution dans les frais de manœuvre. On établira de nouveau un bateau à vapeur ; nous espérons qu’il sera construit dans 9 mois. Comme nous avons intérêt à conserver les marins dans lesquels le public a confiance, nous avons imposé à l’entrepreneur actuel du passage la condition de les employer ; c’est pour cela que je ne demande que 750 fr.

M. Smits. - Le passage d’eau de la ville d’Anvers à la Tête-de-Flandres a appartenu aux anciens seigneurs de Zweert qui en ont été dépossédés par la loi française : quelques démarches qu’ils aient faites, ils n’ont jamais pu rentrer dans la possession de ce bien. Depuis le moment où l’Etat s’est emparé de cette propriété, le passage a toujours été servi par le domaine, qui en a perçu le fermage ou le revenu. Jusqu’en 1830, le passage a été fait par un bateau à vapeur ; depuis, le service a été fait par des barques et par régie : aujourd’hui il a été mis en adjudication, mais seulement jusqu’au mois d’octobre.

A cette époque, il faut que le gouvernement puisse reprendre le service, si l’adjudication n’est pas continuée ; il faut donc qu’il ait à sa disposition les fonds nécessaires pour payer le employés pendant les trois derniers mois de l’exercice.

Je dois rendre cette justice à l’administration, que toujours ce service s’est fait avec régularité, promptitude et sécurité.

Je désire que le bateau à vapeur soit promptement construit, car c’est de tous les moyens de communication celui qui me semble présenter le plus d’avantages.

M. Dumortier, rapporteur. - Il est inutile de voter des fonds pour les marins, puisque le passage d’eau d’Anvers est en concession, et qu’il est très probable qu’il se présentera de nouveaux concessionnaires à la fin de l’année. Si cependant on n’en trouvait pas, l’embarras ne serait pas grand, car on prélèverait la solde des marins sur les dépenses.

Quant aux archives domaniales, elles doivent, comme les autres, être comprises dans les archives de l’Etat.

D’après les observations présentées par M. de Behr, je demande que l’on rétablisse le chiffre du concierge de la cour du palais de justice de Liége.

J’appelle l’attention de la chambre sur l’imprimerie normale ; on perd beaucoup en gardant cette imprimerie ; tout le matériel s’altère. Des poinçons en acier se rouillent. Il faut que l’Etat se débarrasse de ce qui est inutile.

M. Faider, commissaire du Roi. - Attendez la fin du procès ; les tribunaux sont saisis ! (Aux voix ! aux voix !)

- Le chiffre 24,110 fr., mis aux voix est adopté.

Article 4

« Art. 4. Traitement des agents forestiers : fr. 277,470. »

- Adopté sans discussion.

La séance est levée, à 5 heures moins un quart.