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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 6 février 1834

(Moniteur belge n°38, du 7 février 1834)

(Présidence de M. Raikem)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Renesse fait l’appel nominal à une heure.

M. H. Dellafaille donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier, qui est adopté sans réclamation.

Pièces adressées à la chambre

M. de Renesse donne connaissance de plusieurs pièces adressées à la chambre ; elles sont renvoyées à la commission des pétitions.

Projet de loi portant le budget du ministère des finances de l'exercice 1834

Discussion du tableau des crédits

M. le président. - La chambre s’est arrêtée hier au chapitre IV intitulé : « Enregistrement et domaines. »

Chapitre IV. Administration de l’enregistrement et des domaines

Article 5

« Art. 5. Remises des receveurs (chiffre proposé par le gouvernement) : fr. 703,410. »

« Idem (chiffre proposé par la section centrale) : fr. 679,760. » Diminution proposée sur le chiffre du gouvernement : fr. 22,650.

M. Faider, administrateur de l’enregistrement, commissaire du Roi. - Messieurs, l’on propose de modifier le tarif du 17 janvier 1831, en ce sens qu’il serait alloué une remise invariable de 2 p. c. sur les versements du produit des barrières. Par l’adoption de cette proposition, l’on n’atteindrait pas le résultat que la section centrale paraît avoir eu en vue, c’est-à-dire de diminuer l’allocation demandée d’une somme de 22,650 fr., faisant 1 p. c. sur le produit présumé des barrières, parce qu’une grande partie de la recette de ces produits se fait dans des bureaux importants, et ne coûte ainsi que 1 1/2 ou 1 p. c., d’après la hauteur des recettes, ce qui compense à peu près le denier plus élevé de la remise attribuée aux bureaux moins forts.

Voici un tableau des remises des receveurs sur les barrières perçues en 1832 dans le Brabant méridional, d’où il résulte que si on suivait pour cette province la proposition de la section centrale, c’est-à-dire si on adoptait les remises fixes de 2 p. c., les remises monteraient à 4,781 fl. 26, tandis qu’au taux de l’arrêté du 17 janvier elles montent à 4,535-45 fl. Il y aurait donc augmentation de dépense de 245-51 fl.

Ainsi le résultat de la proposition serait directement de favoriser les receveurs qui ont déjà une remise assez forte, au détriment de ceux des petits bureaux, ce qui est diamétralement opposé aux principes professés par la section centrale.

La réduction proposée irait donc en sens inverse de ce que l’on s’en promet. Il ne faut pas croire, d’ailleurs, que la rentrée des fermages de barrières soit si facile ; car, comme la plupart du temps les cautionnements ne peuvent se fournir que plusieurs jours après l’entrée en jouissance, il reste toujours des adjudicataires en retard d’y satisfaire, et qui, étant peu solvables, nécessitent une grande surveillance et souvent des poursuites ; en outre, quand les cautionnements sont fournis en immeubles, les receveurs sont appelés à aviser sur leur validité, ce qui leur impose une grande responsabilité.

L’arrêté du 17 janvier 1831 n’ayant été sujet à aucune autre critique, l’on ne pense pas qu’il y ait lieu d’y apporter aucune modification, et on demande le maintien de l’allocation demandée.

M. Dumortier, rapporteur. - Messieurs, il y a longtemps que la chambre demande que l’on réduise les remises des employés de l’administration de l’enregistrement et des domaines. Jusqu’ici, on avait cru que cette réduction n’était pas possible, parce qu’une première réduction avait été faite après notre révolution, et qu’on avait lieu de la croire suffisante. Cependant, en examinant les choses de plus près, on s’est aperçu que s’il y avait eu réduction d’une part, de l’autre les recettes s’étaient élevés bien au-delà des prévisions et avaient ainsi haussé considérablement la moyenne des traitements et rendu possibles et justes de nouvelles réductions.

Mais ce qui n’a plus laissé aucun doute à votre section centrale sur la possibilité des réductions, c’est la conviction qu’elle a acquise que l’administration ne borne pas sa perception aux droits de l’enregistrement, mais qu’elle l’a étendue à d’autres produits qui étaient perçus précédemment par différentes administrations. C’est ainsi que cette administration a attribué à ses receveurs la perception du droit sur les barrières qui est porté au budget des voies et moyens pour la somme de 2,265,000 fr.

Cette administration, qui jusqu’ici n’avait pas été chargée de cette perception et qui conséquemment n’avait reçu aucune remise à cette occasion, prélève aujourd’hui d’abord une remise de 1 3/4 p.c. pour ses receveurs, ensuite une remise de 1 3/4 pour l’administration centrale, et ainsi pour la seule recette du droit de barrières qui ne lui donne d’autres embarras que la vérification du contrat et la délivrance d’une quittance de 3 lignes, elle voit son revenu s’accroître de cent mille francs environ. La chambre n’avait pas fait attention à cette augmentation de remises qui avait passé inaperçue dans le budget.

La chambre pensait que ce produit recouvré précédemment par les agents du domaine l’était à présent par les agents de la banque et rentrait à peu de frais dans les caisses de l’Etat ; elle n’avait pas songé à cette perception faite par l’enregistrement, à ce moyen commode qu’il emploie pour augmenter ses revenus.

Lorsqu’il y a deux ans, dans la discussion de la loi sur les barrières, la chambre a adopté en principe que l’excédant du produit des barrières serait consacré à l’établissement de nouvelles communications, cependant alors, vous vous le rappelez, nous avions un déficit dans nos finances ; l’Etat était endetté et obligé de recourir à de nouveaux emprunts. Mais, malgré cet état critique des finances, vous n’avez pas hésité à décider que l’excédant du produit des barrières serait destiné à ouvrir des communications, parce que vous en avez senti toute l’importance, parce que vous avez reconnu que seules elles pouvaient donner la vie à l’industrie.

Toutes ces remises au profit des receveurs de l’administration centrale, et enfin de la banque qui reçoit un droit indépendamment de ceux déjà perçus, toutes ces remises viennent ébrécher une somme dont la destination est si importante.

Ces considérations ont porté votre section centrale à réduire le denier de recette des receveurs de l’enregistrement sur le produit des barrières. Elle a hésité d’autant moins qu’elle a reconnu l’extrême facilité que présentait cette perception ; elle ne donne lieu, en effet, à aucune question contentieuse ; elle serait faite avec le même avantage pour l’Etat par les percepteurs des contributions directes.

Il y aurait ainsi une diminution considérable dans le denier de recette, car celui attribué aux percepteurs est bien moins élevé que celui des receveurs de l’enregistrement. Il y aurait ainsi économie et par suite augmentation de la somme destinée à l’établissement de communications nouvelles. Votre section centrale ne propose pas cependant d’enlever cette perception aux receveurs de l’enregistrement, mais elle entend que les remises ne soient pas plus fortes pour eux qu’elles ne le seraient pour les percepteurs ; car elle a reconnu que ce recouvrement était excessivement facile. Il y a seulement à examiner le bail, à voir le tantième à payer, et envoyer un garnisaire dans le cas où il y aurait du retard dans les paiements.

Rien n’est plus simple assurément ; il n’y a pas là de grands embarras ; il n’y a pas besoin pour cela de grands frais d’imagination.

Par ces motifs, votre section centrale s’est décidée à vous proposer de réduire les remises. Sur la question de savoir quelle serait la quotité de la réduction, deux propositions se sont élevées dans votre section centrale : l’une, de réduire des 2/3 le denier de perception des receveurs ; l’autre, de le réduire de 1/3 ou de 1 p. c. La majorité de votre section centrale a adopté cet avis, et vous propose de réduire la remise au taux fixé de 2 p. c. Si des doutes pouvaient s’élever dans l’esprit de M. l’administrateur de l’enregistrement, s’il ne se croyait pas lié par la décision de la chambre, dans le cas où elle adopterait la proposition de la section centrale, et s’il croyait pouvoir se dispenser de baisser le taux des remises, je proposerais à la chambre de stipuler par une clause spéciale qu’elles ne pourront excéder 2 p. c.

La quotité de la réduction a été déterminée par la somme qui se trouve au budget des voies et moyens pour le produit du droit des barrières ; cette somme est de 2,265,000 fr. En conséquence, votre section centrale propose une réduction de 22,650 francs.

M. Legrelle. - Après les observations que vient de vous présenter M. Dumortier avec sa lucidité ordinaire, je n’ajouterai que quelques mots.

Je demanderai à M. le commissaire du Roi, qui semble s’apitoyer sur le sort des employés dont nous voulons réduire les remises, s’il préfère que nous ôtions à son administration la perception des produits des barrières. Je ne pense pas qu’il consente à y renoncer. Il faut alors qu’il se contente de la remise de 2 p. c. qui est plus que suffisante. Cette perception ne donne lieu à aucune perte ; ce sont toujours des sommes globales qui rentrent sans difficulté dans les caisses de l’Etat. Il est très rare qu’il soit nécessaire de délivrer des contraintes pour en opérer dans le recouvrement. Dans toute l’année 1833, aucune contrainte n’a été délivrée à ce titre dans les environs d’Anvers.

M. d’Huart. - Messieurs, du moment que les receveurs de l’enregistrement sont chargés de la perception du droit des barrières, ils ont incontestablement droit pour cette recette à une remise quelconque. Il s’agit de savoir si la remise fixe de 2 p. c., proposée par la section centrale, est suffisante.

J’admets un moment que cette remise invariable existe ; l’Etat y perdrait ; c’est ce qui résulte évidemment d’un état qui m’est remis par M. le commissaire du Roi, où les remises, allouées en 1832 sur le droit des barrières aux receveurs de la province du Brabant méridional, sont comparées à celles qui leur reviendraient par l’application des remises invariables de 2 p. c. Les remises seraient, dans ce dernier cas, plus fortes qu’elles ne l’ont été de 245 florins 51 cents.

Il y aurait donc préjudice pour le trésor. Un autre inconvénient résultant de la suppression des remises décroissantes en proportion de l’élévation des recettes, pour y substituer des remises invariables, serait que les receveurs qui perçoivent les produits les plus considérables, et qui ont par conséquent les plus gros traitements, seraient augmentés, et que les petits receveurs seraient diminués.

Ainsi ce changement de tarif serait contre les intérêts du trésor et contre toute justice. Par ces motifs, je préfère la répartition actuelle, et je voterai pour son maintien.

M. Fallon. - Avant de former mon opinion sur la question qu’on discute en ce moment, je prierai M. le commissaire du Roi de me donner un renseignement. D’abord et en principe, je suis d’accord avec mon honorable ami M. d’Huart sur la nécessité d’allouer des remises aux receveurs de l’enregistrement sur le produit des barrières, du moment qu’on leur en attribue la perception. Ensuite je ne pense pas avec M. Dumortier que cette perception ne donne d’autre embarras que la délivrance d’une quittance de 3 lignes ; car à toute perception, il est attaché une responsabilité. M. le rapporteur a dit aussi que le produit des barrières était autrefois reçu directement par les agents de la banque. Je ne le crois pas ; car ils n’ont jamais eu qualité pour diriger des poursuites contre les redevables. Je demanderai maintenant à M. le commissaire du Roi quelle est la somme à laquelle se sont élevés les produits des barrières en 1833 et quel est le montant des remises que cette somme a procurées aux receveurs de l’enregistrement.

M. A. Rodenbach. - On a dit que les petits receveurs perdraient par suite de la réduction proposée, et que les grands comptables en profiteraient. D’après ce qu’a dit l’honorable M. d’Huart, cela paraît exact. Cependant la réduction demandée par la commission n’est pas immense : il serait à désirer qu’elle fût adoptée ; car les dépenses de l’Etat sont effrayantes. Il faut y songer sérieusement : voici encore 600,000 fr. qu’on réclame pour le cadastre. Il faut donc chercher à faire des économies. Celle proposée ne pourrait-elle pas avoir lieu, si on la faisait résulter d’une réduction établie au prorata des traitements ? De cette manière, elle ne présenterait pas l’inconvénient signalé par M. d’Huart et ne serait pas impraticable.

M. Dumont. - Je n’ai demandé la parole que pour éclairer mon opinion. M. d’Huart a cité, contre la réduction proposée, un exemple résultant de son application au produit des barrières dans le Brabant méridional en 1833. Je voudrais savoir si le tableau cité présente les recettes sur les barrières isolément ou jointes aux autres produits de l’enregistrement.

M. d’Huart. - Les calculs sont faits sur le montant total de la recette du droit des barrières combiné avec les autres produits.

M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Je désire seulement signaler un fait à l’attention de la chambre. On a dit que le droit sur les barrières était perçu autrefois par les employés du domaine. Le fait est vrai, et ce n’est que depuis la fusion des deux administrations qu’il est perçu par les employés de l’enregistrement. Je ne crois pas qu’il soit possible de laisser le soin de cette perception aux agents de la banque, car ces agents sont très rares.

Le grand-duché en réclame en ce moment un ou deux. Les barrières sont souvent très éloignées de la résidence de ces agents. Les fermiers des barrières seraient donc assujettis à des voyages longs et coûteux, tandis qu’ayant les receveurs de l’enregistrement pour ainsi dire sous la main, ils ne sont contraints qu’à de petits déplacements. Ainsi le fermier des barrières de Chimay serait obligé de se transporter à Charleroy pour verser le prix de ses fermages. Il y aurait ainsi lésion pour le trésor, car les prix d’adjudication s’élèveraient d’autant moins que les frais d’exploitation seraient plus considérables. J’ajouterai que, comme l’a fait observer M. Fallon, les agents de la banque n’ont pas qualité pour exercer des poursuites.

M. Dumortier, rapporteur. - Messieurs, il y a ici une véritable erreur. Lorsqu’avant la révolution les agents de la banque percevaient directement le produit des droits de barrières, il est incontestable qu’il n’y avait alors aucun denier de recette à allouer aux receveurs. Si donc vous rétablissiez les choses comme elles étaient par le passé, les receveurs n’auraient aucune remise. Les agents de la banque s’acquitteraient d’ailleurs aussi bien de ce recouvrement que les receveurs.

En France, pays que M. le commissaire du Roi nous cite toujours pour modèle, en France les receveurs de l’enregistrement ne reçoivent pas de remise pour perception de droits de barrières.

M. Faider, l’administrateur de l’enregistrement. - Il n’y a pas de droits de barrières en France.

M. Dumortier, rapporteur. - Je le sais fort bien ; toujours est-il que les receveurs ne reçoivent pas de remise à ce titre ; on pourrait donc ici ôter aux receveurs de l’enregistrement la perception de ce droit et la remise qui y est attachée.

M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Ils n’auraient alors ni l’embarras ni la responsabilité de cette gestion.

M. Dumortier, rapporteur. - Qu’on donne cet embarras aux percepteurs des contributions directes aux intérêts desquels on songe moins, sans doute parce que souvent ce ne sont pas des messieurs (on rit) ; assurément ils verront avec plaisir s’accroître leurs modiques deniers de recette.

Dans tous les cas, messieurs, la réduction peut être adoptée. Je conviens que, d’après l’observation que nous a faite l’honorable M. d’Huart, on ne peut pas adopter un taux invariable de 2 p. c. pour les remises.

Eh bien ! si la chambre adopte la réduction, M. le ministre des finances changera le tarif, ou bien il aura recours au premier moyen que j’ai indiqué : il fera faire la perception par les percepteurs des contributions directes. Ainsi sous tous les rapports la réduction peut être adoptée.

M. Fallon. - L’honorable rapporteur persiste à dire que les agents de la banque pourraient être chargés du recouvrement du droit des barrières. Il nous est facile de décider qu’il en sera ainsi, je le sais mais il faudrait encore leur donner qualité pour poursuivre quand on ne paie pas. Ou bien, je prierai M. le rapporteur de m’indiquer l’article de la loi qui leur donne le droit d’intenter des poursuites. Mais non : ils n’auraient pas de voies contre les fermiers en retard, sauf les dispositions du droit commun, réglées par le code de procédure, qui entraîneraient des lenteurs beaucoup trop longues. En pareille matière, la voie des contraintes est la seule à laquelle on puisse recourir.

- La discussion est close sur l’article 5 ; il est ainsi conçu :

« Art. 5. Remises des receveurs (chiffre proposé par le gouvernement) : fr. 702,410. »

Cet article est mis aux voix et adopté.

Articles 6 et 7

« Art. 6. Remises des greffiers des cours et des tribunaux sur les droits de greffe : fr. 17,000. »

- Adopté.


« Art. 7. Frais de bureau des directeurs : fr. 15,000. »

- Adopté.

Article 8

« Art. 8. Matériel (chiffre proposé par le gouvernement) : fr. 23,700 »

« Idem (chiffre proposé par la section centrale) : fr. 22,500. »

Réduction sur le chiffre du gouvernement : fr. 1,200.

M. Faider, administrateur de l’enregistrement, commissaire du Roi. - Messieurs, la diminution proposée porte uniquement sur les frais d’emballage, ports de lettres et paquets postés au budget pour fr. 5,200, somme qu’on propose de réduire à fr. 4,000.

Quoi qu’en dise la section centrale, cette demande ne dépasse pas l’allocation de l’année dernière, qui a été de 4,000 fr. sur ce chapitre, et de 1,200 fr. au chapitre des territoires à céder. Total égal : 5,200 fr. L’on paraît d’ailleurs mal comprendre la destination de cette allocation, qui est principalement de fournir le moyen de faire transporter du magasin central à Bruxelles, sur tous les points du royaume, les papiers timbrés, registres et impressions ; de se pourvoir des toiles, cordes et papiers d’emballage nécessaires ; de payer le salaire de messagers qu’on est obligé d’employer pour les endroits où les moyens de transport, la poste, ne pénètrent pas, etc. L’on voit donc que ceci n’a rien d’analogue avec les frais de bureau, dont parle le rapport, et que l’allocation demandée est nécessaire, pour un tel service.

La réduction proposée entraverait le service. La somme de 1,200 fr., à laquelle elle s’élève, est, d’ailleurs si minime que j’espère que la section centrale ne persistera pas dans sa proposition.

M. Dumortier, rapporteur. - Il est incontestable que si la réduction est minime, elle n’en sera que plus facile à faire.

Au budget de 1832, il n’a été alloué, pour frais d’emballage, que 900 florins ; au budget de 1833, il était demandé 4,000 fr. Maintenant on demande 5,200 fr. Cependant, les frais d’emballage sont invariables par leur essence. Comment donc cette dépense aurait-elle pu être quadruplée dans un espace de quatre ans ?

Les employés de l’enregistrement dans les provinces, à l’exception des directeurs, ayant leurs frais de bureau à leur charge, on conçoit difficilement, quant à eux, la nécessité de cette dépense ; et pour ce qui est des directeurs, des frais de bureau étant précédemment demandés, il paraît superflu de leur en accorder encore ici sous une désignation différente. J’observerai, en outre, que ces fonctionnaires jouissent de la franchise du port des lettres, et qu’ainsi il n’y a pas lieu d’allouer au budget une majoration de crédit pour cet objet.

Cette somme de 1,200 fr dépasse évidemment les besoins du service ; je ne pense pas d’ailleurs qu’une si faible réduction sur un chapitre montant à 307,700 fr. puisse donner lieu à discussion.

M. Legrelle. - M. le commissaire du Roi s’étonne de l’exigüité de la réduction proposée, et trouve dans son exigüité même un motif pour qu’elle ne soit pas adoptée. Si on proposait des rédactions considérables, je concevrais qu’on se récriât. Mais que, quand la section centrale propose de très faibles réductions, on s’y refuse encore en disant : Cela ne vaut pas la peine, dès lors votre section centrale n’a qu’à proposer toujours des réductions considérables ; cela conviendra mieux sans doute à M. le commissaire du Roi.

M. Faider, administrateur de l’enregistrement, commissaire du Roi. - Je n’ai pas insisté sur la quotité de la réduction, mais sur la nécessité de la dépense.

M. le rapporteur de la section centrale se trompe lorsqu’il dit que cette somme représente des frais de bureau sous une désignation différente. Elle est destinée à l’envoi dans les provinces du papier timbré qui doit être expédié du magasin général du timbre à Bruxelles. Elle est nécessaire pour les moyens matériels d’emballage, pour l’achat de caisses, de cordes, etc. Il est impossible de jeter les rames de papier timbré dans les diligences ou dans les malles-postes sans qu’elles soient emballées.

C’est de Bruxelles qu’on expédie des registres et des impressions pour tous les employés des provinces ; un matériel d’emballage est pour cela nécessaire. La légère majoration qui vous est demandée ne peut être changée de destination, et elle est vraiment nécessaire.

M. Jullien. - Je conçois que, comme l’a dit M. le commissaire du Roi, pour faire des paquets il faille des caisses, des cordes, etc. C’est ce que nous savons tous aussi bien que lui. Mais ce que je ne conçois pas, c’est que pour cet objet 900 florins ayant suffi en 1832, 4,000 fr. en 1833, on vienne demander 5,200 fr. pour 1834. Je ne vois pas la nécessité de faire plus de paquets en 1834 qu’en 1833. Tant que cette nécessité ne me sera pas démontrée, je serai disposé à admettre la réduction proposée par la section centrale.

- « Art. 8. Matériel (chiffre proposé par le gouvernement) : fr. 23,700. »

Ce chiffre n’est pas adopté.

Le chiffre de 22,500 fr., proposé par la section centrale, est mis aux voix et adopté.

Article 9

« Art. 9. Frais de poursuites et d’instances : fr. 30,300. »

M. A. Rodenbach. - Je demanderai une explication à M. le commissaire du Roi : les avocats de l’administration des accises reçoivent un traitement fixe. Il n’en est pas de même des avocats du domaine ; ils font, pour les causes qu’ils ont à défendre pour cette administration, des mémoires qui leur sont acquittés. Ils sont, dit-on, au nombre de deux ou trois, et se font, à l’aide de ces mémoires, environ 15,000 fr. de revenu. Je demanderai pourquoi ces avocats ne recevraient pas un traitement fixe comme ceux des accises ; car, je le répète, il faut des économies.

M. Faider, administrateur de l’enregistrement, commissaire du Roi. - L’explication que demande l’honorable préopinant est toute simple. C’est dans tous les tribunaux de première instance, devant les cours d’appel et devant la cour de cassation, que l’administration de l’enregistrement et des domaines a des questions de propriété à faire prévaloir. La somme que nous demandons n’est donc pas destinée à deux ou trois avocats.

Loin d’être élevée, elle doit vous paraître minime. Il faut que l’administration compte sur ses soins à prévenir les procès pour espérer faire face aux frais d’instance avec une somme si modique en raison de sa destination.

D’ailleurs, plusieurs honorables membres qui sont dans cette enceinte, et qui, comme avocats, ont prêté leur ministère au domaine, peuvent dire avec quel soin ces sortes de mémoires sont réglés par l’administration.

- L’article 9 est mis aux voix et adopté avec le chiffre de 30,300 francs.

Article 10

« Article 10. Dépenses du domaine, fr. 56,700. »

M. A. Rodenbach. - Il paraît, d’après les registres de la société Securitas d’Anvers, que GuiIlaume y serait inscrit comme propriétaire de 20 actions montant ensemble à 100,000 florins. Je voudrais savoir si on a fait la saisie de ces actions pour payer le gouvernement. Je désirerais savoir aussi si les scellés ont été apposés sur certaine caisse mystérieuse dont les journaux ont parlé, et qui, s’il faut les croire, contiendrait de la vaisselle plate et de l’argenterie.

M. Faider, administrateur de l’enregistrement, commissaire du Roi. - La caisse dont parle l’honorable préopinant n’est point une caisse mystérieuse ; c’est un nécessaire de voyage, sur lequel les scellés ont été apposés en 1830. Comme, dans ce nécessaire, il se trouvait des objets en acier susceptibles d’être endommagés par la rouille, les scellés ont été levés, les objets nettoyés et les scellés réapposés. Cette caisse ne contient ni vaisselle plate ni objets de grande valeur.

Quant aux actions de la société Securitas, elles ont été mises sous le séquestre, et nous sommes en instance devant les tribunaux.

M. Legrelle. - Je viens d’apprendre avec plaisir que le trésor rentrera cette année dans les avances qu’il a faites pour le compte du séquestre. Cependant, lorsque M. Verdussen et moi avons été nommés pour vérifier les chiffres du séquestre, nous avons été en position de voir qu’il ne suffit pas de dire : Le gouvernement se couvrira de ses avances, en vendant tel ou tel objet. Messieurs, je regarde le séquestre comme un tuteur, et les propriétaires des biens gérés administrativement comme des pupilles. Et qu’importe que les propriétaires soient amis ou ennemis ! il faut que les biens soient gérés avec économie et dans un esprit de conservation, ainsi qu’un chef de famille administre ses propres biens. Voilà, selon moi, la conduite que le séquestre doit tenir.

M. Vilain XIIII. - Ce que j’ai à dire n’est pas relatif au séquestre, mais à l’administration des domaines. J’ai demandé des explications tant sur les frais de vente que sur les frais d’amélioration des biens de l’Etat. Il est porté pour ces dépenses 57,600 fr. ; il nous est impossible de voter cette somme, si nous ne connaissons pas la situation des domaines. Je désirerais que M. le ministre fournît le tableau de la situation des domaines non vendus.

M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Je me suis occupé de cet objet, et dans les budgets précédents j’ai présenté plusieurs tableaux à la chambre offrant la situation des domaines. Chaque représentant a pu voir où nous en sommes sous le rapport des domaines non vendus dont la valeur monte, je crois, à six millions de florins.

Quant aux biens vendus, le cahier des charges indique sous quelles conditions les acquéreurs peuvent les exploiter : il faut qu’ils donnent des garanties suffisantes ; ainsi le gouvernement n’a rien à perdre. Il n’a pas pressé la rentrée des prix de vente parce qu’on lui donnait des los-renten valeurs mortes ; on a préféré laisser quelque latitude aux acquéreurs afin que le trésor reçoive autre chose que des los-renten.

M. Dumortier, rapporteur. - Cette année nous n’avons pas fait imprimer le tableau présentant l’état des domaines de l’Etat, parce qu’il a été imprimé et distribué en 1832. Ce tableau se divise en trois parties.

Les terres non vendues sont évaluées à 5,184,750 florins,

Les rentes et créances, à 762,581 florins.

Les bâtiments, usines, sont évalués à 382,654 florins..

Le tout s’élève à six millions et quelques cent mille florins. (Aux voix ! aux voix ! aux voix !)

- Le chiffre 567,000 fl. mis aux voix, est adopté, et forme l’article 10 du chapitre V.

Article 11

« Art. 11. Frais d’exploitation de la houillère de Kerkraede : fr. 150,000. »

M. Dumortier, rapporteur. - La section centrale propose le même chiffre. Cependant je crois utile de rappeler que ses intentions sont que le ministre ne fasse plus de nouvelles dépenses inutiles ; elle ne veut pas de dépenses superflues ; elle veut que l’on ne fasse de frais que pour les choses les plus indispensables.

M. Jullien. - J’ai besoin de renseignements ; je voudrais savoir ce que produit la houillère pour laquelle on demande un crédit de 150,000 fr.

M. Faider, commissaire du Roi. - Nous avons fourni à la section centrale tous les renseignements qu’elle pouvait désirer sur la houillère. Nous faisons environ 20,000 fr. de bénéfice par an, par l’exploitation de cette houillère. Des dépenses assez considérables ont été faites pour arriver à une veine de houille très riche, et pour établir des moyens économiques d’exploitation ; ainsi les bénéfices seront dorénavant plus considérables.

La veine nouvelle est placée de façon qu’on n’a plus besoin d’ouvriers employés à l’écoulement des eaux.

- L’article 11 est adopté.

Article 12

« Art. 12. Attributions d’amendes forestières : fr. 9,500 fr. »

M. le président. - La section centrale propose de transférer cet article à un autre chapitre.

M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Je ne m’oppose pas à l’opinion de la section centrale.

Chapitre V. Administration des postes

Article premier

« Art. 1er. Traitement des employés : fr. 276,600. »

M. A. Rodenbach. - Je crois, avec la section centrale, que si dans l’administration des postes il y avait à la fois à Bruxelles un directeur et un administrateur, ce serait une superfluité très dispendieuse, et qu’il faut préférer l’organisation actuelle dans laquelle l’administrateur rempli gratuitement les fonctions de directeur. Un agent comptable perçoit les deniers ; il est contrôlé dans sa gestion, et le trésor ne court aucun danger. Je n’ai pas entendu dire que, par suite de cette organisation, des plaintes se soient élevées contre le service de la poste. Je voterai donc pour qu’elle soit maintenue : j’aime mieux payer quelques centaines de francs à un caissier que plusieurs milliers de francs à un directeur.

M. Zoude. - J’appuie ce que vient de dire l’honorable M. Rodenbach. Je crois que la question des postes me paraît ne devoir être qu’une question de chiffre dont la solution doit résulter de la comparaison de ce que coûte l’administration actuelle, réunie à la direction, avec les frais résultant de sa division.

Dans l’état actuel l’administrateur reçoit 8,400 fr.

L’hôtel des postes coûte 6,500 fr.

Le caissier comptable, 2,500 fr.

Partant les administrations réunies coûtent à l’Etat 17,400 fr.

Dans l’état de division, l’administrateur devant être traité à l’égal des fonctionnaires du même grade, recevra 10,300 fr.

Le loyer du local des bureaux ne pourra guère, être au-dessous de 3,000 fr.

Ensemble, 13,300 fr.

Le directeur des postes de Bruxelles sera sans doute traité aussi favorablement que celui d’Anvers, et recevra 5,000 fr., une indemnité de logement, qui a toujours été de 1,500 fl., soit en fr. 3,200 fr.

Partant les administrations séparées coûteront 22,700 fr.

Tandis que, dans l’état de réunion, les frais ne sont que de 17,400 fr.

D’où résulte pour le trésor une économie de 3,300 fr.

En votant pour le système économique, je conforme mon vote à celui de la section centrale.

- L’article premier est adopté.

Article 2

« Art. 2. Matériel : fr. 50,590. »

- Adopté sans discussion.

Article 3

« Art. 3. Transport des dépêches : fr. 280,000 fr. »

La section centrale propose 239,758 fr. Réduction : 40,339 fr.

M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Je n’admets pas la proposition de la section centrale. Je pense que M. le commissaire du Roi vous présentera des observations propres à vous convaincre de la nécessité d’allouer ce chiffre en son entier.

M. Delfosse, commissaire du Roi. - C’est probablement par erreur que la section centrale a vu dans le chiffre de 280,097 fr. une augmentation de 40,339 fr. Ces 40,339 fr. étaient portés dans les autres budgets pour faire face aux dépenses imprévues ; à la vérité, ils formaient un article séparé de dépense, tandis que, pour 1834, ils sont portés cumulativement avec les dépenses fixes.

M. Jadot. - Je viens appuyer l’opinion de la section centrale.

Toute entreprise dont le prix est payable par l’Etat doit être mise en adjudication publique ; le transport des dépêches est dans ce cas ; il faut donc l’adjuger publiquement et au rabais, ainsi que cela s’est toujours pratiqué, et se pratique encore en France.

Je ne sais comment l’on justifiera le système de concession par arrêté, auquel l’administration des postes a donné la préférence ! Et j’espère bien ne pas voir surgir tout à coup une pétition pour maintenir une chose si préjudiciable au trésor.

Au taux fixé par les arrêtés du 25 juin dernier, le coût du transport des dépêches coûtera annuellement 225,000 fr., non compris l’estafette d’Anvers à Mons qui coûte environ 9,000 fr.

En France il y a encore des estafettes pour des service extraordinaires ; mais là on paie un port double pour les dépêches ainsi transportées, ce qui produit au gouvernement de quoi payer à peu près les dépenses extraordinaires qu’elles lui occasionnent. Je ne crois pas qu’il en soit de même ici. Je ne connais, du moins, aucune loi qui autorise la perception de cette double taxe.

A en juger par les renseignements que j’ai recueillis sur les diminutions dont seraient susceptibles quelques-unes des concessions dont j’ai ici un relevé, on obtiendrait facilement sur ces objets une économie de 40,000 fr. en adjugeant publiquement tous les services indistinctement, ainsi qu’on va le faire en France, d’après ce que nous apprennent les journaux de ce pays.

Le service de Namur à Arlon se fait par les maîtres de poste ; il est payé à raison de 1 fr. 40 c. par poste, pour le cheval, la carriole et le courrier ; il coûte annuellement 17,000 fr.

Eh bien ! messieurs, le service se fait en grande partie, sinon totalement, par la diligence ; M. l’administrateur des postes l’ignore peut-être.

Je pourrais multiplier les exemples propres à démontrer la nécessité de faire cesser un tel état de choses. Je me réserve de les produire si besoin est.

M. Delfosse, administrateur des postes, commissaire du Roi. - Je suis vraiment étonné d’entendre soutenir que le service du transport des dépêches devrait être mis en adjudication ; l’administration a mis en adjudication la partie du service qui pouvait être exécutée de cette manière. C’est par suite de la loi de frimaire, de la loi organique de l’administration des postes, que le service des dépêches est attribué aux maîtres des postes aux chevaux. Il ne dépend pas du ministère de changer l’ordre établi. Si un pareil ordre de choses avait été reconnu mauvais, on vous aurait proposé une loi pour le changer. Nous trouvons économie dans le système suivi ; et nous nous appuyons sur l’expérience et sur les faits pour y persister.

Sous l’ancien gouvernement, le service des malles-postes mis en adjudication coûtait 161,000 francs. Il ne coûte plus que 141,000 fr. ; la différence en moins est d’environ 15 p. c., car l’économie est d’environ 22,000 fr. Mais ce n’est pas seulement sous le rapport de l’économie que ce système a été trouvé avantageux, c’est encore sous le rapport de la garantie qu’il présente, de la sécurité qu’il offre pour le transport des dépêches, et surtout de la facilité que trouve l’administration à pouvoir faire, en employant les maîtres de poste, les modifications nécessaires dans le courant de l’année.

L’honorable député de Marche nous a cité deux exemples de deux localités où le transport coûte plus qu’auparavant. Le tableau qui est au ministère des finances prouve cependant que nous obtenons des économies notables en appliquant la loi de frimaire.

Si l’on persistait à vouloir diminuer le chiffre de l’article en discussion, je crois que l’on entraverait la marche de l’administration. Cette administration plus que tout autre a besoin de pourvoir à des dépenses imprévues, parce qu’elle est plus que toute autre susceptible de modifications. On nous empêcherait d’établir de nouvelles communications si le besoin s’en faisait sentir.

M. Jadot. - Est-il vrai que le service du transport des dépêches de Namur à Arlon payé à raison de 1 fr. 40 cent. par poste, a été fait par une diligence ?

Est-il vrai que le service d’Arlon à Longwy se fait à raison de 435 fr. par trimestre, tandis qu’il ne coûtait auparavant que 720 fr. par année ?

M. Delfosse, administrateur des postes, commissaire du Roi. - Le service de Namur à Arlon coûte 1 fr. 33 centimes, et non 1 fr. 40 par poste ; ce prix est réglé d’après la loi de frimaire, déjà citée. Quant au service d’Arlon à Longwy, lorsqu’il ne coûtait que 720 fr. par an, il avait lieu trois fois par semaine ; aujourd’hui il se fait tous les jours.

M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Ce n’est pas en qualité de secrétaire-général des finances que l’honorable membre vient ici prêter son appui à la section centrale, mais en qualité de député ?

- Plusieurs membres. - C’est évident ! c’est évident !

M. Dumont. - Ce n’est pas le trésor qui aurait à se plaindre du système de transport des dépêches, ce seraient plutôt les maîtres de poste ; ils sont obligés de fournir un cheval à 1 fr. par poste et de le confier à des mains étrangères ; ils trouvent cette obligation très pénible. Ainsi il y a économie pour le trésor ; reste à savoir si la chambre entend que des économies soient faites au détriment des maîtres de poste.

M. d’Huart. - Je ne vois pas pourquoi on repousserait le système des adjudications ; il ne peut que produire de bons effets. Je ne vous dirai pas : Donnez le transport des dépêches à telle diligence ; mais comme il y a plusieurs diligences sur la même route, mettez le transport en adjudication et vous verrez l’économie qui résultera de la concurrence ! Tout doit enfin se faire avec la plus grande publicité, services et travaux ; nous voulons éviter le favoritisme, nous voulons repousser la manière d’administrer de l’ancien gouvernement.

M. Delfosse, administrateur des postes, commissaire du Roi. - Ainsi que vous l’a dit M. Dumont, ce n’est pas du tout par favoritisme que les maîtres de poste sont chargés du transport des dépêches ; c’est par suite de la loi. S’il avait dépendu d’eux de se soustraire à cette obligation, il y a longtemps que ce serait fait. Depuis 17 ans l’expérience a prouvé que le système des adjudications n’était pas le plus économique. Il faut, d’ailleurs, envisager la question sous le rapport d’un bon service de poste. Si l’on pouvait employer les messageries, il n’y a pas de doute qu’il y aurait économie ; mais il y aurait bientôt chaos, confusion dans le service fait de cette manière. Le service par messageries n’est bon que comme auxiliaire, que comme subsidiaire. Dans un pays comme le nôtre, qui communique avec quatre ou cinq grandes puissances, il serait impossible de conserver nos relations par des messageries. Sous le rapport de la célérité, on sait que les messageries n’ont pas l’avantage ; d’Ostende à Liège, la diligence met 7 heures de plus que la poste.

M. Jullien. - J’ai d’autant plus de peine à fixer mon opinion, que je vois que les hauts employés de l’administration des finances ne sont pas d’accord entre eux. Le gouvernement demande 280,000 fr. La section centrale a trouvé dans cette demande une augmentation de 40,000 fr. sur le budget de l’année dernière ; en conséquence elle propose de n’allouer que la somme accordée précédemment ; mais, messieurs ; il faut examiner si cette réduction est fondée, et voilà ce que je n’ai entendu développer par personne. La section centrale dit, dans son rapport, qu’il y a double emploi, mais j’attends des explications de l’honorable rapporteur.

M. Dumortier, rapporteur. - Ce n’est pas à la section centrale à justifier le maintien des anciennes allocations. C’est au ministre à justifier les augmentations qu’il demande. Non seulement on nous demande 40,000 fr. d’augmentation dans l’article en discussion ; mais il y a encore augmentation de 13,000 fr. dans l’article précédent, et 210,000 fr. d’augmentation pour le service rural.

En 1833, le ministre a demandé la même somme qu’on avait allouée les années précédentes ; il a demandé encore 80,000 fr. pour les dépenses imprévues et pour indemnité aux maîtres de poste en cas de perte de chevaux ; la section centrale a repoussé la demande. Elle a dit que c’était à ceux qui voyageaient en poste à payer la poste.

La section centrale a émis en cela le vœu de toutes les sections. La chambre paraissait décidée à ne point donner d’indemnités aux maîtres de poste, déjà fort riches, et qui gagnent 15 ou 20 mille francs par an, lorsque le ministre déclara qu’il était obligé de procéder à la création de bureaux de poste nouveaux, et il demanda 20,000 fr. une fois payés. Cependant, on vous a demandé 13,000 fr. dans l’article premier. Et comme d’autre part on vous demande 200,000 fr. pour le service rural, les 40,000 fr. ont un véritable double emploi. Je ne pense pas qu’il y ait de nouveaux bureaux de poste à créer ; chaque ville a ses moyens de communication ; des villes nouvelles ne croîtront pas comme des champignons ; il est donc clair que l’augmentation est superflue.

M. Delfosse, administrateur des postes, commissaire du Roi. - L’honorable rapporteur est tout à fait dans l’erreur quand il soutient que la demande de 40,000 francs est une augmentation. L’année passée, j’avais demandé 230,000 fr. pour services établis, et 80,000 francs pour services nouveaux à établir et non pour indemnité aux maîtres de poste, quoiqu’il ait été question de donner des secours à ceux dont l’industrie, par suite de circonstances extraordinaires, eût été dans un état de stagnation complète.

De plus l’administration des postes a besoin de sommes pour subvenir aux dépenses imprévues ; on ne peut pas rejeter la somme de 40,000 francs en entier.

M. Dumortier, rapporteur. - Ouvrez le budget et vous verrez qu’on ne demande pas les 80,000 francs pour indemnité aux employés dans le cas d’un travail nouveau, mais pour indemniser les maîtres de poste. Voyez la note qui est insérée, au budget de l’exercice 1833, et vous serez convaincus qu’il s’agit d’indemnité pour la poste aux chevaux quand M. le duc ou M. le prince parcourt le pays. Messieurs, ce n’est pas au peuple à payer les pertes que les maîtres de poste peuvent éprouver, quand de riches étrangers parcourent le pays.

Nous avons retranché de tous les articles du budget les dépenses imprévues pour n’en faire qu’un seul article final. En réunissant ainsi toutes les dépenses imprévues en un seul article, une surveillance dans l’emploi des fonds est possible.

M. Delfosse, administrateur des postes, commissaire du Roi. - Toute la difficulté vient de ce que M. le rapporteur prétend que je veux appliquer exclusivement cette somme aux maîtres de poste, tandis que j’affirme qu’il ne peut leur être alloué d’indemnité que dans le cas dont j’ai déjà parlé. Dans la note du budget de 1833, il est dit que la demande de 80,000 fr. est destinée à donner la latitude nécessaire à l’administration pour établir de nouveaux services où le besoin s’en fait sentir, et pour secourir les maîtres de poste qui sont réellement en droit d’en obtenir. Si elle n’a plus la même latitude, elle ne pourra plus marcher. Au reste, qu’on mette les 40,000 fr. dans l’article en discussion ou au chapitre des dépenses imprévues, peu m’importe ; mais donnez à l’administration le moyen de créer des bureaux et des services nouveaux, ce qui est toujours nécessaire.

M. de Brouckere. - La différence entre le chiffre demandé par le gouvernement et la proposition de la section centrale est 43,000 fr. M. le commissaire du Roi consentant à une diminution de 10,000 fr., la différence est moindre.

D’après les explications données il paraît que les 30,339 fr. sont destinés aux dépenses imprévues. S’il en est ainsi, nous devons refuser la somme, parce qu’il est dans notre intention de former un chapitre unique pour toutes les dépenses imprévues d’un même ministère. Je demande que le débat élevé entre M. le commissaire du Roi et M. le rapporteur cesse et que nous votions seulement la même somme que l’an passé. Si le gouvernement trouve que la somme n’est pas suffisante, il viendra demander un supplément de crédit. Je demande la clôture de la discussion.

M. Delfosse, administrateur des postes, commissaire du Roi. - Je me réserve de reproduire le chiffre quand nous en serons à la fin du budget ou aux dépenses imprévues.

M. d’Huart. - M. le commissaire du Roi nous a dit que l’objet principal de l’allocation dont il s’agit était la création de nouveaux bureaux. Si cela est, qu’on propose un article spécial pour ces bureaux, au lieu de nous demander une somme aussi considérable pour un motif aussi vague que celui de dépenses imprévues, qui laisse un champ vaste à l’arbitraire. La chambre n’allouera certainement pas une somme de 40,000 francs sans en connaître la destination.

M. Delfosse, administrateur des postes, commissaire du Roi. - Je ne puis pas préciser d’une manière positive l’emploi de cette somme dans tous les cas qui peuvent se présenter.

M. de Brouckere. - Le gouvernement a réduit sa demande à 30,000 francs. Mais la chambre ne peut pas allouer cette somme plus que celle primitivement demandée, sans qu’on en justifie l’emploi. Si, quand nous serons arrivés au chapitre spécial des dépenses imprévues, le ministre nous démontre que la somme de 30,000 francs est nécessaire pour le service de l’administration des postes, nous la comprendrons dans ce chapitre.

M. le président. - Je mets aux voix l’article 3, transport des dépêches : fr. 239,758 fr.

- La différence entre ce chiffre et celui du gouvernement est ajournée jusqu’au vote du chapitre VII.

Le chiffre de 239,758 fr. est adopté.

Article 4

« Art. 4. Service rural : fr. 210,000. »

M. le président. - Dans la section centrale, les opinions ayant été partagées sur cette allocation, il n’est rien proposé par elle.

M. d’Hoffschmidt. - Je demande la parole pour appuyer l’allocation demandée par le gouvernement. Les communes rurales ne jouissent pas du même privilège que les villes, de recevoir leurs lettres tous les jours. A la campagne, le service des dépêches est fait par un messager qui va chercher et porter les lettres une fois ou deux par semaine.

En hiver, ce service n’est fait qu’une seule fois. Les personnes qui veulent avoir leurs lettres, sont obligées d’envoyer des messagers à leurs frais.

L’établissement d’un service rural pour les dépêches serait très avantageux pour les communes, sans constituer une bien grande dépense à la charge de l’Etat. En effet, les messagers de cantons coûtent beaucoup aux provinces, et si on en faisait la récapitulation, on verrait qu’ils coûtent autant qu’un service régulier. Il importe peu que ce soient les provinces qui paient la dépense ou que ce soit l’Etat ; car si on les décharge de cette dépense pour la faire supporter par l’Etat, elles apporteront leur contingent dans l’augmentation d’impôt qui pourra en résulter. D’un autre côté, le service se fera plus régulièrement.

J’espère bien que si le service rural s’institue, le gouvernement ne l’établira pas seulement pour les grandes communes de la Flandre dont la population s’élève à 7, 8 et 10 mille âmes, mais pour toutes les communes indistinctement ; sans cela ce serait encore constituer un privilège au profit des grandes communes, et au préjudice des petites. Il faut que chaque petit hameau jouisse du même avantage. En 1832, la chambre a admis la poste rurale ; je crois que c’est la somme de 50 mille francs qu’elle a allouée. Par ce vote vous avez reconnu l’utilité d’établir une poste rurale.

M. le rapporteur de la section centrale a dit que la dépense pour le service était portée à 210 mille francs, tandis que le produit n’était évalué qu’à 100 mille francs ; c’est une erreur : c’est 180 mille francs qu’on a portés comme produits présumés de ce service aux voies et moyens.

Au reste, ces considérations ne doivent pas nous arrêter, car l’établissement des postes rurales n’est qu’un essai ; mais je suis persuadé que les produits dépasseront les évaluations, et qu’ils parviendront même à couvrir la dépense.

Je demande donc que l’allocation de 210 mille francs soit accordée.

M. Delfosse, commissaire du Roi. - Je pense qu’on pourrait se dispenser de toute discussion sur la question dont il s’agit. Car cette allocation ne peut être considérée que comme un crédit éventuel dont le gouvernement ne pourra disposer qu’autant que la loi sur le service rural des postes sera votée. Ainsi tous les débats trouveront leur place lors de la discussion de la loi relative à cet objet. On peut donc voter le crédit, puisque le gouvernement ne pourra l’employer qu’en vertu d’une loi spéciale.

Pour rassurer l’honorable M. d’Hoffschmidt sur les craintes qu’il a manifestées, je dirai que le gouvernement, dans le travail qu’il a proposé, entend bien faire jouir toutes les communes du royaume de l’avantage du service rural des postes. Ce service ne pourra être productif et vraiment utile au pays que pour autant qu’il soit organisé sur tous les points du royaume. Quant à l’évaluation du produit, portée à 180 mille francs, rien n’a été exagéré ; on a calculé d’après la population, à raison d’une lettre par deux individus. Il est certain qu’il y aura plutôt augmentation que diminution sur cette évaluation.

M. Pollénus. - L’explication que vient de donner M. le commissaire du Roi répond à l’interpellation que je me proposais de lui adresser. Je voulais appuyer les observations de M. d’Hoffschmidt. Mais, dès l’instant qu’il est bien entendu qu’il ne sera disposé du crédit que conformément à une loi dont le projet est préparé, je conçois que toute observation est intempestive pour le moment.

M. Dumortier, rapporteur. - Messieurs, dans une année précédente, nous avons alloué des crédits pour le service rural, et j’ai voté moi-même pour cette allocation. Mais je crois maintenant que nous pouvons refuser les fonds demandés pour cet objet. L’essai qu’on voulait faire a été tenté, et il a été démontré qu’on ne pouvait pas atteindre le résultat qu’on se proposait. Vous avez vu que des plaintes se sont élevées à ce sujet à la tribune française ; tout le monde a reconnu que l’essai ne répondait pas à l’attente. Les dépenses ont été énormes, et le résultat à peu près nul.

Ce qui me porte à croire que les dépenses que vous feriez pour l’établissement d’un service de poste rurale, seraient des dépenses frustratoires, c’est le service des messagers. A l’exception de quelques petits hameaux du Luxembourg, toutes les communes ont des messagers qui vont à la ville deux, trois et quatre fois la semaine, porter et chercher les dépêches.

Eh bien, si vous établissez un service rural, qu’arrivera-t-il ? Il arrivera de deux choses l’une : ou bien vous serez obligé de prendre, pour faire ce service, les messagers actuels, ou d’autres messagers qui feront le service à côté des premiers. Dans le premier cas, si vous prenez les messagers actuels, il est incontestable que vous n’aurez d’autre résultat que de donner des pensions à des hommes qui jusqu’à présent, ont très bien fait leurs petites affaires sans que l’Etat intervienne, et ils continueront à porter des lettres pour leur propre compte. Dans le second cas, si vous employez d’autres messagers, comme la surveillance est impossible sur une aussi grande étendue de pays, les anciens messagers qui auront conservé leurs pratiques continueront à porter des lettres en concurrence avec la poste rurale. Le gouvernement ne pourra donc rien tirer de ce service, et les dépenses seront en pure perte.

Je vous prie de remarquer, messieurs, que l’institution de la poste rurale est tout à fait aristocratique, uniquement dans l’intérêt du village qui recevra les lettres tous les jours, au lieu de les recevoir tous les trois jours, et nullement dans l’intérêt du petit contribuable.

L’année dernière nous avons écarté la demande pour cet objet, et nous avons bien fait ; nous ferons bien de l’écarter encore cette année. D’ailleurs le ministre ne pourrait pas faire usage du crédit. Si, quand la loi relative à l’établissement du service rural vous sera soumise, vous croyez devoir l’adopter, vous pourrez voter en même temps le crédit nécessaire pour faire face à la dépense. Il est au reste fort probable que vous ne pourrez pas voter cette loi dans le cours de la session actuelle.

M. de Brouckere. - Messieurs, la discussion actuelle est anticipée. La question des avantages et des économies d’un service de poste rurale sera traitée plus à propos quand nous aurons à discuter la loi relative à l’établissement de ce service. Cette loi est présentée depuis longtemps. Il ne faut pas perdre de vue que la présentation eut lieu d’après le vœu manifestée par l’immense majorité de la chambre. La discussion qu’on ouvre en ce moment a déjà eu lieu il y a quelque temps, et une immense majorité s’est prononcée en faveur de l’établissement d’un service de poste rurale.

Quant au crédit, il n’y a aucun inconvénient de voter pour le cas où la loi serait adoptée. Si la loi n’est pas votée, le crédit restera sans emploi. Si elle l’est, il vaut mieux que la somme destinée à faire face aux besoins du service soit comprise dans le budget général que dans une loi de crédit supplémentaire. Ce ne sera qu’une augmentation du chiffre du budget et non de la dépense, puisque rien ne pourra être imputé sur ce crédit qu’après le vote de la loi.

Quant à l’utilisation du service, je m’en expliquerai quand la loi sera mise en discussion ; mais ce ne sera pas pour appuyer l’opinion de l’honorable M. Dumortier, car je regarde cette institution comme démocratique loin de la trouver aristocratique. Les seigneurs ont, soit par leurs domestiques ou leurs chasseurs, les moyens de se procurer leurs lettres tous les jours, tandis que les pauvres habitants des campagnes éprouvent des retards de huit et dix jours dans la réception de leurs lettres. Le service rural leur permettra de les recevoir tous les jours directement aussi bien que le seigneur.

Je demande qu’on ne discute plus que la question de savoir s’il convient de porter ou non l’allocation au budget, en attendant que la loi soit mise en discussion.

M. Desmanet de Biesme. - D’après l’observation de M. Pollénus qu’il ne sera rien employé du crédit demandé qu’après le vote sur la loi relative au service rural, j’aurais pu renoncer à la parole ; mais si je suis bien informé, il a déjà été fait pour ce service des dépenses considérables. Je prierai M. le commissaire du Roi de nous dire sur quels fonds sa dépense a été faite, si réellement elle a eu lieu.

M. Delfosse, commissaire du Roi. - Une dépense de 15 à 16 mille francs a été faite pour confection de boîtes. Les fonds ont été pris sur les dépenses imprévues.

M. de Robaulx. - Je ne reviendrai pas sur le fond. Quand il s’agira de la loi relative à l’établissement du service rural, nous examinerons quelle en est l’utilité, et j’espère la démontrer. Aujourd’hui il ne s’agit que de la question de savoir si le crédit doit être porté au budget. Messieurs, qu’il y soit porté ou non, cela importe peu, car il ne sera employé qu’autant que le gouvernement y sera autorisé par une loi spéciale.

Quant à l’expérience faite en France de ce service et aux critiques dont il a été l’objet dans la chambre française, ce sont des assertions qui ne prouvent rien. On sait que les meilleures institutions sont sujettes à critiques. Vos plus belles décisions, ou du moins celles que vous croyez telles, n’ont-elles pas été l’objet de nos critiques? Vous avez pensé telle institution très bonne que nous trouvons nous très mauvaise. Si, par cela seul que ces choses ont été critiquées, elles devaient être révisées par vous, vous iriez contre votre propre opinion, contre votre intention ; vous vous mettriez en contradiction avec vous-mêmes.

Quant à moi qui ne suis pas plus aristocrate que l’honorable M. Dumortier, si on veut que la poste cesse d’être une institution fiscale, si on veut laisser au commerce et à l’industrie le soin de traiter du transport des dépêches, je suis disposé à admettre ce système.

Alors nous examinerons la question sous un autre point de vue. Mais dès l’instant que vous laissez au gouvernement le monopole de ce transport, que vous maintenez les dispositions de la loi de l’an VII qui frappe d’une amende de 150 à 300 fr. quiconque est trouvé porteur d’une lettre, il ne faut pas exposer à des pénalités aussi exagérées, aux vexations de la maréchaussée, ceux qui à cause du manque de communications se chargeraient de porter une lettre.

L’institution n’est pas aristocratique ; son but est d’empêcher l’isolement des communes, de rendre les communications plus faciles pour tout le monde, de rapprocher les distances, et de faciliter ainsi les transactions commerciales. Plus vous rapprochez les distances, plus vous rendez faciles les progrès de la civilisation, C’est là de la saine philosophie, du vrai libéralisme que M. Dumortier ne répudiera pas.

Tous les moyens de répandre les lumières rencontreront mon appui. En attendant que la loi soit soumise à nos délibérations, je voterai le crédit demandé.

M. d’Hoffschmidt. - L’honorable rapporteur a parlé de la dépense que le service rural entraînerait, mais il n’a pas répondu à ce que j’avais dit que les messagers actuels coûtaient autant et que d’ailleurs cette dépense serait couverte par les produits.

Il a dit que c’était une institution aristocratique ; je ne partage pas son opinion. La plupart des petites communes qui profiteront de ce service n’ont pas de seigneurs et de châteaux, mais des miliciens sous les drapeaux, au nombre de cinq à six par communes, et qui trouvent difficilement moyen de donner de leurs nouvelles à leur famille. (La clôture! la clôture! Aux voix !)

M. Dumont. - On n’a pas parlé de la véritable question ; celle de savoir si, dans l’état où nous sommes en l’absence de la loi sur le service rural, il faut porter une allocation au budget ? Je vois à cela des inconvénients. Je demande la permission de les exposer.

- La chambre consultée ne ferme pas la discussion.

M. Dumont. - Le premier inconvénient que je trouve à porter au budget l’allocation dont il s’agit, c’est que si la loi n’est pas votée, ces crédits sans emploi cachent la véritable situation financière. Le budget des dépenses comparé avec les revenus doit présenter les ressources qui restent disponibles, de manière que s’il survient un besoin extraordinaire, la législature sache s’il y a ou non des fonds pour y faire face. Il y a une autre question qui sera agitée lors de la discussion de la loi. C’est celle de savoir s’il ne conviendra pas de faire de ce service l’objet d’une dépense provinciale plutôt que d’une dépense générale. Si vous portez dès à présent au budget de l’Etat une allocation pour ce service, vous aurez décidé la question.

M. Dumortier, rapporteur. - Ces observations sont sans réplique, nous reconnaissons tous que nous ne voulons pas que le crédit soit employé avant que la loi spéciale soit votée. Nous avons exprimé la même volonté les années précédentes, et nonobstant cette volonté on en a fait emploi, on a agi contrairement à la volonté nationale. Pour éviter que cela se renouvelle, il ne faut pas accorder le crédit.

Il y a un autre danger à accorder le crédit, c’est que vous mettiez la dépense à la charge de l’Etat, tandis que, lors de la discussion de la loi, on jugera peut-être convenable d’en faire une dépense provinciale.

Ce n’est qu’un simple ajournement que je propose jusqu’à la discussion de la loi.

M. d’Hoffschmidt. - On a dit que ce serait préjuger la question que de porter une allocation au budget des dépenses. Cette observation aurait dû être faite quand on a voté le budget des voies et moyens. La question se trouve préjugée par la somme de 180,000 fr. que vous avez portée pour produits de ce service.

M. de Brouckere. - M. Dumont a fait deux objections à l’allocation demandée, et M. le rapporteur a déclaré ces objections sans réplique. Il est cependant extrêmement facile de répondre à ces objections. Mais il est un argument que vient de faire M. d’Hoffschmidt auquel je voudrais que M. Dumortier répliquât. Celui- là, je ne crains pas de le dire, est sans réplique.

Le premier argument de M. Dumont, c’est que nous cachons la véritable situation du trésor. Je vous demande si, sur un budget de plus de 80 millions, deux cent mille francs de plus ou de moins peuvent cacher la véritable situation financière. Vote-t-on les crédits avec une telle exactitude qu’ils ne présentent jamais d’excédants sur les dépenses? Cela est si peu vrai, qu’il reste toujours une somme assez considérable sur les crédits à la fin de chaque exercice. On ne peut donc pas dire qu’un budget établisse d’une manière mathématique la situation financière du pays. Je pense avoir répondu à cette objection, et je crois que l’honorable M. Dumortier sera de mon avis.

Quant à la seconde objection, qu’on préjugerait la question en portant une allocation au budget des dépenses, la réponse de M. d’Hoffschmidt est péremptoire.

Dans une année précédente, vous avez accordé le crédit ; si cette année vous le rejetiez, il y aurait une espèce de préjugé que vous voulez renoncer au service de poste rurale.

Je pense que M. le rapporteur peut être rassuré sur les craintes qu’il a manifestées qu’on ne dispose du crédit. Après la discussion qui vient d’avoir lieu, je ne pense pas qu’il y ait un fonctionnaire assez osé pour disposer d’un seul centime.

M. Dumont. - Si la question a été préjugée lors du vote du budget des voies et moyens, c’est que la chose est passée inaperçue. Je crois devoir rappeler à la chambre qu’en votant l’allocation elle décide que la dépense sera à la charge de l’Etat, tandis que, lors de la discussion de la loi, on trouvera peut-être plus convenable de faire supporter cette dépense par les provinces. C’est cette question surtout que je voudrais qu’on ne préjugeât pas. Je m’en rapporte à la sagesse de la chambre.

M. Dumortier, rapporteur. - J’ai été interpellé par l’honorable M. de Brouckere ; il m’a même porté un défi auquel je crois facile de répondre. La question, dit-il, est préjugée par le chiffre que vous avez voté dans la loi des voies et moyens. Messieurs, en portant une somme dans la loi des voies et moyens, vous ne faisiez que mentionner une recette éventuelle qui ne devait pas recevoir d’exécution si la poste rurale n’était pas organisée. Mais si vous venez voter une dépense, il est manifeste qu’on pourra dépenser. On peut bien dépenser sans avoir organisé le service, mais on ne peut pas recevoir si le service n’est pas organisé.

Vous ne préjugerez rien en écartant le crédit jusqu’au vote de la loi. En 1832, on avait bien porté 60 mille florins pour cet objet ; mais en 1833 vous avez ajourné l’allocation jusqu’à l’organisation du service. On a agi sagement. Vous ne montrerez pas moins de sagesse aujourd’hui. Si, lors de la discussion de la loi, on proposait de mettre la dépense à la charge des provinces, on répondrait : Vous avez porté pour cet objet une allocation au budget de l’Etat ; la question est jugée. Il ne faut porter aucune allocation, pour laisser la question entière.

M. de Brouckere. - En 1832 on a voté un crédit, et si en 1833 on ne l’a pas fait, c’est parce que l’année était trop avancée pour que le service pût être organisé avant la fin de l’exercice. (La clôture ! la clôture !)

M. Dumortier, rapporteur. - Si on devait porter cette allocation maintenant au budget, il faudrait porter également des crédits pour toutes les dépenses qui doivent nécessiter les lois dont la chambre est saisie : les indemnités pour pillages, les dépenses du chemin de fer, etc. Quand ces lois seront votées, vous accorderez des crédits pour faire face aux dépenses. (La clôture ! la clôture !)

M. Verdussen. - On n’a entendu que les membres qui ont combattu l’établissement d’un service de poste rurale.

M. Dumont. - S’il est bien convenu que rien n’est préjugé, je voterai l’allocation.

- La chambre, consultée, ferme la discussion.

Le crédit de 210,000 fr. est mis aux voix et adopté.

La discussion est renvoyée à demain.

La séance est levée à 4 heures.