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d’intention
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Chambre des représentants de Belgique
Séance du vendredi 28 mars 1834
Sommaire
1) Lecture du procès-verbal. Erreur dans le Moniteur (de Robaulx)
2) Projet de loi relatif à l’approbation, la suspension et l’annulation des actes des administrations communales ou provinciales (affaire Dejaer) (de Robaulx)
3) Projet de loi relatif au chemin
de fer. Second vote des articles. Coût et dette publique (Dumortier,
Verdussen, Dumortier, Rogier, de Brouckere, Jullien, Dumortier, de Robaulx, Legrelle, Lebeau, Jullien, Rogier,
Dumortier, Lebeau, Coghen, de Robaulx, de Brouckere, Gendebien, Lebeau, Gendebien, Smits, Devaux, Gendebien,
Rogier, Gendebien)
4) Projet de loi portant le budget des remboursements et non-valeurs pour l’exercice 1834
5) Ajournement de la chambre
(Moniteur belge
n°88, du 29 mars 1834)
(Présidence de M. Raikem)
M.
Dellafaille fait l’appel nominal à onze heures
et demie.
M. de
Renesse donne lecture du procès-verbal.
M. de Robaulx.
- Messieurs, mon intention n’est pas d’attacher d’importance là où il n’y en a
pas ; je remarquerai, cependant, que dans le procès-verbal l’amendement que
j’ai présenté hier sur l’article 6, devenu article 4, est relaté sommairement.
Par mon amenderaient, je proposais de n’accorder que 6
millions au lieu de 10 demandés dans l’article, et je stipulais 3 millions espèces
et 3 millions en bons du trésor, je n’insisterai pas sur une rectification,
mais il me semble que les amendements devraient être textuellement insérés au
procès-verbal.
M.
Dellafaille, secrétaire. - Les amendements sont
inscrits au procès-verbal comme le désire M. de Robaulx. C’est seulement dans
leur énonciation que je les ai rapportés sommairement. II n’y a donc pas lieu à
rectification.
M. le président.
- S’il n’y a pas d’autres réclamations, le procès-verbal est adopté.
PIECES ADRESSEES A
M. de
Renesse fait connaître à la chambre l’analyse des
pétitions suivantes ;
« Les propriétaires du polder du Borgerweert renouvellent
leur demande tendant à obtenir une indemnité pour propriétés inondées. »
_________________
« L’administration communale de Burgt, canton
d’Herzeele, demande le maintien de ce canton dans la nouvelle circonscription
des justices de paix. »
_________________
« Les administrations du canton de Vielsalm
réclament le maintien de leur canton dans la nouvelle circonscription des
justices de paix. »
_________________
« Le conseil communal de Hamme réclame contre le
projet de suppression de son canton judiciaire. »
__________________
- Ces trois dernières pétitions sont renvoyées à la
commission chargée de l’examen du projet de loi concernant les circonscriptions
des justices de paix ; la première est renvoyée à la commission des pétitions.
PROJET DE LOI INTERPRETATIF SUR L’APPROBATION,
M. de Robaulx.
- Je demande la parole pour une motion d’ordre.
Hier, il a été déposé sur le bureau deux rapports.
L’un de ces rapports a été imprimé et nous est déjà
distribué.
L’autre, dont nous n’avons pas même entendu la
lecture, est relatif à la loi interprétative sur les régences.
A la veille de nous séparer, il me semble que nous
devrions au moins connaître le texte de ce rapport : je demande en conséquence
qu’il soit inséré au Moniteur de
demain, car si on le fait imprimer par la chambre, nous nous séparerions sans
savoir comment la section centrale a envisagé la question.
Je ne doute pas que M. de Behr, rapporteur, n’ait
apporté dans l’examen de ce projet toute la sollicitude qu’il doit à sa ville
natale. Je désire donc que la ville de Liége, qui a donné lieu plus
particulièrement à la présentation de la loi, puisse jouir le plus promptement
possible des fruits de cette sollicitude et de la popularité qui en résultera.
M. Dumortier.
- Je ferai observer à l’honorable M. de Robaulx qu’il est d’usage consacré que
tous les rapports soient insérés au Moniteur.
M. de Robaulx.
- Alors je n’insiste pas.
PROJET DE LOI RELATIF AU CHEMIN DE
FER
Second vote des articles
M. le président.
- Si la chambre le veut, nous allons procéder à un second vote sur les
amendements qui ont été adoptés dans les séances précédentes. Chacun des
membres a sous les yeux et les articles du projet et les amendements adoptés.
Articles
1 et 2
« Art. 1er. Il sera établi dans le royaume un
système de chemins de fer, ayant pour point central Malines, et se dirigeant à
l’est vers la frontière de Prusse par Louvain, Liége et Verviers ; au nord sur
Anvers ; à l’ouest sur Ostende, par Termonde, Gand et Bruges ; et au midi sur
Bruxelles et vers les frontières de France, par le Hainaut. »
- Adopté.
« Art. 2. L’exécution sera faite à charge du
trésor public et par les soins du gouvernement. »
- Adopté.
« Art. 3. Les dépenses de cette exécution seront
couvertes, au besoin, au moyen d’un emprunt qui sera ultérieurement réglé par
une loi. »
M. Dumortier.
- Je demande que l’on rétablisse dans l’article les mots 35 millions qui y
étaient primitivement insérés, et que l’on dise : au moyen d’un emprunt de 35 millions, etc.
M. Verdussen.
- En admettant la proposition de M. Dumortier, il faudrait alors rétablir aussi
les mots sommes présumées nécessaires.
Il serait possible, en effet, que la dépense à faire ne fût que de 20 ou 25
millions ; il se pourrait aussi que l’on n’entreprît pas tous les travaux de la
route.
Si vous mettiez les mots 35 millions sans les faire
suivre de ceux que j’ai indiqués, vous donneriez aux premiers un sens trop
absolu.
M. le
ministre de l’intérieur (M. Rogier) -
Les travaux ne dépasseront pas la somme de 35 millions.
M. Dumortier.
- Alors je retire ma proposition ; mais au moins il sera constaté que M. le ministre
prend l’engagement de ne pas dépenser au-delà de 35 millions.
M. le président.
- Puisque M. Dumortier retire son amendement, je mets l’article 3 aux voix.
- Cet article est adopté.
M. le président.
- Nous allons passer à la délibération sur l’article 4.
M. Dumortier.
- Je remarque, messieurs, que dans cet article vous autorisez une émission de
bons du trésor, sans stipuler aucune clause en faveur du trésor même.
Mais alors ces bons pourront être négociés à 10 et 15
p. c., sans que vous ayez le droit de rien dire. Ils pourront aussi n’être pas
soumis au visa de la cour des comptes.
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier) - Il n’y a qu’une seule espèce de bons du trésor qui ont été crées en
vertu d’une loi ; si on est dans le cas d’émettre des bons du trésor, ils le
seront aux conditions déterminées par la loi.
M. Dumortier.
- Je crois que telles sont les intentions de M. le ministre de l'intérieur
actuel ; mais qui peut répondre des circonstances ? Dans 6 mois êtes-vous sûrs
que ce seront les mêmes ministres qui seront au pouvoir ? Il y a des chances de
mortalité ! (On rit.) Je demande donc
qu’on établisse une réserve dans la loi.
M. de Brouckere. - Je crois que
M. Dumortier se trouvera satisfait si on ajoute ces mots : « En aucun cas
l’intérêt de ces bons ne pourra dépasser 6 p. c., y compris les frais de
commission. »
Quant aux bons du trésor, s’ils n’étaient pas revêtus
du visa de la cour des comptes, je crois que l’on ne trouverait pas beaucoup de
prêteurs.
M. Jullien.
- Moi, messieurs, je ne pense pas qu’il faille rien ajouter à la loi. L’article
est assez clair comme cela.
Il est bien entendu que si l’on émet des bons, ce sera
aux conditions stipulées par la loi existante, et qui a créé les bons du
trésor.
M. Dumortier.
- Je propose d’ajouter ces mots : conformément à la loi du 16 février 1833.
M. de Robaulx.
- L’observation de M. Dumortier serait juste pour le cas seulement où il
s’agirait d’émettre de nouveaux bons du trésor, outre les 15 millions dont la
loi du 16 février
Je ne pense pas qu’il en soit ainsi. J’ai conçu, quand
le gouvernement a demandé un crédit de 5 millions de francs et 5 millions en
boun du trésor, qu’ils seraient à prendre sur les 15 millions de bons créés par
la loi précitée.
Nous n’avons jamais entendu autoriser le ministère à
créer pour 5 millions de bons du trésor. S’il en était ainsi, je ne pourrais
voter l’article.
M. Legrelle.
- Il me semble qu’il n’y a pas de difficulté ; il faut qu’on ajoute : «
conformément à la loi du 16 février 1833. »
M. le ministre
de la justice (M. Lebeau) - Je crois qu’on peut adopter
l’amendement de M. Dumortier ; mais il ne faut pas dire : « conformément à
la loi du 16 février 1833 » ; il faut écrire : « d’après les conditions de
la loi du 16 février 1833. » Les 15 millions de bons du trésor dont la
création a été ordonnée par les lois antérieures ont pour but de donner de la
latitude à l’administration des finances et ont été décrétés en dehors des
prévisions de la loi dont on s’occupe. Aux termes de la loi du budget, le
ministre des finances peut émettre 15 millions de bons du trésor : dans le cas
d’hostilité, les revenus de l’Etat pourraient diminuer et forcer à faire usage
de la latitude que la loi accorde. Si l’amendement devait être entendu de
manière qu’on ne pût créer de nouveaux bons du trésor, le gouvernement serait
obligé de le repousser car il ne faut pas que le ministre des finances, dans
l’intérêt même de la sûreté du pays, se prive des ressources à sa disposition.
M. Jullien. - Je crois que
l’amendement de M. Dumortier a donné au gouvernement l’idée d’augmenter de 10
millions de nouveaux bons du trésor les 15 millions de bons déjà autorisés. L’intention
primitive du gouvernement, et la rédaction des articles l’indique suffisamment,
était de prendre des bons du trésor sur ceux déjà existants. Les bons du trésor
ne sont qu’un escompte sur les contributions : vous avez une fois pour toutes
autorisé la création de 15 millions de bons du trésor ; si vous dites qu’on
peut encore en émettre 10 millions, il y en aura en tout 25 millions. C’est ce
que ne demandait pas d’abord le gouvernement ; mais c’est ce qu’il acceptera
volontiers, parce que 25 millions valent mieux que 15.
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier) - La pensée ne nous est pas venue après coup ; cela est si vrai que
dans le premier projet nous demandons 5 millions de bons spéciaux du trésor. Il
est probable que nous n’émettrons pas 10 millions de bons ; que nous pourrons
employer 3 ou 4 millions de bons qui sont en réserve, et 2 ou 3 millions d’écus
qui sont aussi en réserve dans les caisses ; avec ces moyens on pourra subvenir
à toutes les dépenses d’ici au 1er juillet 1835.
M. Dumortier.
- La question n’est pas aussi difficile qu’on semble l’envisager. Pourquoi les
15 millions de bous ont-ils été autorisés ? C’est pour favoriser les opérations
de la trésorerie générale au commencement d’un exercice, ou dans d’autres
circonstances. Le gouvernement, étant à son aise maintenant, a à peine employé
10 millions de bons du trésor ; il lui reste 5 millions ; mais doit-on
s’emparer de ces cinq millions de bons du trésor pour le chemin en fer ? Non ;
ce serait une imprudence. Il peut surgir des circonstances, des besoins
impérieux et urgents en cas d’hostilité, par exemple.
Vous faites une dépense nouvelle pour
le chemin en fer : il faut y faire face par un moyen spécial ; ainsi, il faut
autoriser une émission de nouveaux bons du trésor. L’article de la loi donne
une garantie pour ces bons : « En attendant la négociation de l’emprunt,
il est ouvert un crédit de 10 millions. » Ainsi la cour des comptes
n’excédera pas le crédit de 10 millions, qu’il soit fait uniquement en bons,
uniquement en écus, ou avec des bons et des écus. Vous devez donc autoriser
l’émission de 10 millions de bons du trésor, puisque vous avez reconnu qu’il
fallait donner 10 millions pour commencer les opérations. Il faut seulement que
vous exigiez que les formalités soient remplies pour l’émission.
Mais voici une autre difficulté : comment fera-t-on
face aux dépenses de cette émission, au paiement des intérêts de ces bons ?
Dans les voies et moyens, nous avons porté une somme assez faible pour
l’émission des bons du trésor, c’est-à-dire pour l’émission des 15 millions.
Ainsi, il faudrait ouvrir un crédit spécial à la trésorerie générale pour
l’intérêt des 10 millions, et pour de menus frais.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Il n’y aura pas 10 millions émis.
M. Dumortier. - Je crois que la
somme votée au budget ne sera pas suffisante.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Si le trésor était dans la nécessité d’émettre sur-le-champ les dix
millions, la lacune signalée par l’honorable membre existerait réellement. Les
intérêts votés pour les bons du trésor sont relatifs à 15 millions ; mais comme
on n’émet pas 15 millions de bons, ce qui restera des intérêts pourra suffire
pour les nouveaux bons à émettre, dont la totalité ne s’élèvera pas à 10
millions. Quand même on n’aurait pas dit que les dix millions de nouveaux bons
seront créés avec les mêmes conditions que les autres, je me serais conformé à
ces conditions ; au reste, il serait impossible de faire autrement en présence
d’une cour des comptes aussi rigide que la nôtre.
M. Coghen. - M. Dumortier et M.
le ministre des finances viennent d’exposer ce que je voulais exposer moi-même
à la chambre. Il est impossible qu’après avoir voté 15 millions pour le service
de l’Etat vous puissiez prélever sur cette somme 10 millions, car ce serait
mettre le ministre des finances dans une fausse position. L’émission de 15
millions de bons votés par le budget est pour l’exercice ; les 10 millions de
bons sont pour le chemin en fer et jusqu’au moment où vous ferez l’emprunt :
une crise politique, la guerre, par exemple, pourrait exiger l’emploi des 15
millions de bons du trésor ; il est impossible, sans manquer de prudence, d’en
distraire la moindre partie à un autre service que celui auquel ils sont
affectés.
M. de Robaulx. - Je soutiens que
le ministre n’a pas eu l’intention de créer de nouveaux bous du trésor, et la
preuve s’en trouve dans la rédaction des articles de son premier projet et dans
la rédaction de l’amendement signé Charles Dumortier. Le ministre indiquait
d’abord qu’il avait 5 millions écus en caisse, et 5 millions de bons du trésor
disponibles ; ainsi il ne voulait pas d’une création nouvelle de bons.
M. de Brouckere.
- Je crois que M. de Robaulx est dans l’erreur et sur l’intention du ministre
et sur l’intention de la chambre. Du moment où il a été décidé que l’emprunt ne
pourrait se contracter avant le premier juillet 1835, le gouvernement a déclaré
qu’il avait besoin d’une avance de 10 millions, et il a demandé qu’on
l’autorisât à prendre 5 millions en avance sur la caisse du trésor, et à
émettre 5 millions de bons du trésor ; la chambre a accordé cette faculté. Plus
tard le gouvernement a senti qu’il se liait les mains par cette disposition, et
que dans le cas où il y aurait au-delà de 5 millions dans les caisses du
trésor, il ne pourrait en disposer. Qu’a-t-on fait ? On a adopté une autre
rédaction ; on a autorise le gouvernement à disposer d’un crédit de 10 millions
à couvrir en tout ou en partie par des bons du trésor. Qu’est-ce à dire ? Qu’on
créera des bons du trésor quand on manquera d’écus ; car les bons du trésor
coûtent 6 p. c. d’intérêt. Voilà comment les choses se sont passées.
A-t-il été dans l’intention de la
chambre d’autoriser l’émission de nouveaux bons du trésor ? Sans doute ; car si
l’on n’avait voulu autoriser le gouvernement qu’à faire usage des 15 millions
de bons, il n’y avait rien à mettre dans la loi. J’ai entendu que les 15
millions de bons décrétés par la loi de finances étaient uniquement applicables
aux besoins ordinaires de l’exercice, et que pour une dépense extraordinaire,
et pour laquelle on ne pouvait songer quand on a voté le budget, nous devions
autoriser le gouvernement à émettre de nouveaux bons du trésor et à puiser dans
les caisses de l’Etat. C’est en effet ce qui a eu lieu.
M. Gendebien.
- J’ai compris à la vérité qu’il s’agissait d’émettre 5 millions de nouveaux
bons du trésor et qu’on pouvait prendre à titre d’avance 5 millions sur les
caisses de l’Etat ; qu’en tout il y aurait 20 millions de bons du trésor en
circulation. Ce qui m’a porté ensuite à croire que le gouvernement voulait
créer 10 millions de nouveaux bons du trésor, somme égale au crédit ouvert,
c’est ce que vient de dire le ministre de la justice. On pourrait ne mettre que
5 millions de bons du trésor dans la loi, car il n’est pas nécessaire de faire
une loi pour prendre les écus qui sont dans le trésor...
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Si ! si ! si !
M. Gendebien.
- Je ne parle pas dans le sens que vous entendez.
Si le gouvernement peut trouver en caisse 6 ou 8
millions, autorisons-le à prendre ces écus, et ne l’autorisons en même temps
qu’à produire 5 millions de nouveaux bons du trésor : si sous faisons
autrement, il va créer tout de suite 10 millions de bons, et il pourrait les
appliquer à une autre destination que celle du chemin de fer. Le gouvernement
doit s’expliquer sur ce point important.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Je ne veux pas revenir sur ce que j’ai dit ; mais craignant de m’être
mal expliqué je veux ne laisser aucun doute sur le sens à donner à mes paroles.
M Gendebien admet que dans le premier projet le
ministre de l’intérieur a demandé des bons du trésor spéciaux, ou de porter la
faculté d’émettre des bons du trésor de 15 millions à 20 millions ; mais à côté
de cette faculté se trouvait la demande de crédit de 5 autres millions à
prendre sur le trésor ; ainsi le gouvernement demandait d’abord, comme il
demande aujourd’hui, un crédit de 10 millions, somme à laquelle il évaluait
approximativement les dépenses de construction jusqu’à l’époque où l’emprunt se
réalisera. Qu’a fait le ministre de l’intérieur ? A-t-il demandé dans son
dernier amendement un crédit supérieur à 10 millions ? Non, messieurs ; mais il
a modifié la rédaction de son amendement par les motifs que vous a exposés très
clairement M. de
Brouckere.
Il a demandé qu’on ne limitât pas la quotité des bons
du trésor à créer, ni la quotité des écus à prendre à la caisse du trésor,
parce qu’il est possible que les excédants des recettes sur les dépenses
permettent de prendre en avance dans la caisse du trésor au-delà de cinq
millions d’écus. Je trouve que le ministre a d’autant mieux fait de modifier
son amendement qu’il y a véritablement des sommes disponibles qui peuvent faire
face aux dépenses au commencement des routes en fer, sommes dont on n’a pu
s’occuper dans la discussion des voies et moyens : par exemple, par suite
d’arrangement avec la banque, il y a treize ou quatorze millions à la
disposition du gouvernement, et qui permettront de se passer de l’émission de
nouveaux bons du trésor. On ne remplirait pas le but de l’amendement ; on ne
remplirait pas les intentions de la chambre, si l’on n’accordait que la faculté
d’émettre cinq millions de bons du trésor, et de se borner là. Il faut que le
crédit de dix millions soit dans la loi, sans quoi la cour des comptes ne
mettrait pas son visa sur les dépenses ordonnancées.
Selon toutes les prévisions, le
gouvernement n’émettra pas 10 millions de bons du trésor ; l’amendement ne le
prévoit pas, car il laisse l’alternative d’employer des bons du trésor ou des
écus de la caisse du trésor.
Il est inutile de faire remarquer que les 15 millions
de bons du trésor ont été votés en l’absence de toute prévision de la création
du chemin en fer : que ces 15 millions sont destinés à faire face aux besoins
du trésor pendant un exercice, et j’ai cité un cas, celui d’hostilité, qui
pourrait exiger l’emploi complet des 15 millions de bons du trésor.
M. Gendebien.
- Afin d’être tous d’accord et de procéder avec connaissance de cause, il
serait bon d’ajouter un petit amendement à l’art. 6.
Nous sommes d’accord que nous ne voulons pas forcer le
gouvernement à émettre des bons du trésor, s’il a d’autres ressources ; d’autre
part, nous ne voulons pas que l’émission qu’il en pourrait faire dépasse le
taux de 5 millions.
M. le ministre de la justice, dans l’explication qu’il
a donnée de sa pensée, s’est rapproché de l’opinion de M. de Brouckere, qu’il a
adoptée du geste. Le ministre de l’intérieur, dans son premier projet et dans
l’amendement qu’il a ensuite proposé, a toujours entendu parler de 5 millions
de bons du trésor et de 5 millions à prendre sur les ressources du trésor.
Je lui accorde son crédit de 10
millions, puisqu’on paraît décidé à faire ce sacrifice ; mais je ne puis
consentir à ce qu’on aille faire une nouvelle émission de bons du trésor, alors
que nous avons déjà autorisé précédemment l’émission de 15 millions.
Je propose donc d’ajouter : « Néanmoins cette
émission ne pourra excéder 5 millions. »
Cette proposition rentre dans les prévisions de M. de
Brouckere, du ministre et de tous les membres qui ont parlé dans la discussion.
M. Smits, rapporteur. - Messieurs, la question est
extrêmement simple. Elle vous a été développée avec beaucoup de lucidité par
l’honorable M. de
Brouckere. De quoi s’agit-il ? Vous avez
ouvert un crédit de 10 millions, à couvrir, soit par des bons du trésor, si les
ressources ne suffisaient pas, soit par les ressources du trésor uniquement, si
elles sont suffisantes. Si le trésor peut fournir 8 millions, on n’émettra que
trois millions de bons du trésor. Si le trésor ne peut vous fournir que trois
ou quatre millions, vous émettrez pour sept ou six millions de bons du trésor.
Vous avez ouvert un crédit, il faut donner les moyens
d’y faire face. C’est par ce motif que l’article laisse au gouvernement
l’alternative des deux moyens, afin que, l’un manquant, le gouvernement puisse
recourir à l’autre.
Quant aux observations de M. Dumortier, qu’il faut
dans tous les cas ouvrir un crédit pour l’intérêt des bons à émettre, je
répondrai que ce n’est que quand les bons auront été émis qu’il y aura lieu de
demander ce crédit ; alors le gouvernement viendra demander une allocation
proportionnée à l’émission.
M. Devaux. - Messieurs, après
avoir voté un crédit, pour que le gouvernement puisse faire la dépense, il faut
lui donner les moyens de réaliser le crédit. Tout le monde est d’accord sur le
chiffre du crédit accordé au gouvernement, chiffre fixé à 10 millions. Que le
gouvernement ait ces 10 millions par tel moyen ou par tel autre, cela ne
réduira pas d’un sou la dépense. Il s’agit de couvrir le crédit. Je ne connais
que trois moyens pour cela : l’augmentation d’impôt, l’emprunt ou l’émission de
bon du trésor. On ne veut ni augmenter les impôts ni faire un emprunt, il faut
donc en revenir aux bons du trésor. Le crédit est de 10 millions. Le
gouvernement se les procurera au moyen de bons du trésor, s’il ne trouve pas
d’autre moyen dans la caisse. Si vous fixez à 5 millions le montant des bons à
émettre, cela ne limite en rien le crédit ; le gouvernement aura toujours la
faculté de dépenser 10 millions. Vous aurez retiré 5 millions des voies et
moyens destinés à faire face aux dépenses ordinaires du budget ; car le
ministre sera obligé de prendre sur ces voies et moyens ce dont il pourra avoir
besoin en sus des 5 millions. (Aux voix !
aux voix !)
M. Gendebien.
- Il s’agit de millions, on peut bien avoir la patience d’entendre quelques
observations.
Je le répète, messieurs, il a toujours été dans
l’intention du ministre de l’intérieur de ne recourir à l’émission de bons du
trésor que jusqu’à concurrence de 5 millions, dans le cas où les ressources du
trésor seraient insuffisantes pour couvrir le crédit. Voilà la seule
alternative qu’il ait demandée. C’est ce qu’a fort bien expliqué M. de
Brouckere, qui s’est trouvé d’accord avec tout le monde y compris le ministère,
qui a applaudi à l’opinion qu’il a émise.
C’est M. Lebeau qui le premier a eu
l’idée de demander 10 millions de bons du trésor. Tout le monde paraissait
d’accord, et quand je demande qu’on mette dans la loi une chose sur laquelle le
ministre a insisté à deux reprises, on s’y oppose. Hier encore, il a présenté
un amendement ainsi conçu : « En attendant la négociation de l’emprunt qui ne
pourra, etc., le gouvernement est autorisé à prélever, à titre d’avance sur le
trésor, une somme de 5 millions, et à émettre des bons du trésor jusqu’à
concurrence de la même somme. »
Après s’être expliqué aussi catégoriquement, je ne
comprends pas qu’il ait pu changer d’avis. Y avait-il eu imprévoyance ?
avez-vous reconnu depuis qu’il n’y avait pas possibilité de trouver cinq
millions dans les ressources du trésor ? Qu’il le dise.
Je n’ai fait qu’exprimer législativement ce qui se
trouve dans l’opinion émise par tout le monde. M. Smits lui-même dit qu’il est
d’accord avec M. de Brouckere, et quand vient l’application, il diffère
d’opinion : qu’il veuille bien expliquer cette contradiction.
M. le
ministre de l’intérieur (M. Rogier) -
J’avais demandé dix millions, avec l’alternative de prendre cinq millions en
bons du trésor. Différents membres m’ont fait des observations sur cette limite
: ils m’ont dit qu’il n’était pas prudent de se lier à cinq millions en
ressources du trésor et cinq millions en bons du trésor, qu’il pourrait arriver
deux choses, ou que les ressources dépasseraient les cinq millions, et dès lors
il serait ridicule de s’obliger à émettre pour cinq millions de bons du trésor,
ou bien qu’il pourrait arriver que les ressources n’allassent pas jusqu’à cinq
millions, et il serait inconséquent de ne pas autoriser l’émission de 5, 6, 7
millions de bons du trésor, jusqu’à concurrence des bons du trésor. Pour éviter
ces inconvénients, j’ai cru devoir proposer de mettre les mots : « en tout
ou en partie. » (Aux voix ! aux voix
!)
M. le président. - Divers
amendements ont été proposés, je vais les mettre successivement aux voix.
M. Dumortier propose d’ajouter à l’article ces mots :
« aux conditions de la loi du 16 février 1833.»
- Cet amendement est adopté.
M. le président.
- Nous passons à l’amendement de M.
Gendebien.
M. Gendebien.
- Je le retire : il me suffit d’avoir constaté qu’on ne voulait pas inscrire
dans la loi un principe qu’on avait admis dans tout le cours de la discussion.
C’est une contradiction de plus à ajouter à tant d’autres contradictions qui
ont surgi pendant cette déplorable discussion,
L’art. 4 ainsi amendé est adopté.
« Art. 4. En attendant la négociation de
l’emprunt, il est ouvert au gouvernement un crédit de 10 millions, qui sera
couvert, en tout ou en partie, par l’émission de bons du trésor aux conditions
de la loi du 16 février 1833.
« Néanmoins cette émission ne pourra excéder cinq
millions.
« Les avances ou les bons du trésor seront
remboursés sur les premiers fonds de l’emprunt. »
Article
5 à 7
« Art. 5. Les produits de la route provenant des
péages qui devront être annuellement réglés par la loi, serviront à couvrir les
intérêts et l’amortissement de l’emprunt, ainsi que les dépenses annuelles
d’entretien et d’administration de la nouvelle voie. »
« Art. 6. Avant le 1er juillet 1833 et d’année en
année, jusqu’au parfait achèvement des travaux, il sera rendu un compte
détaillé aux chambres de toutes les opérations autorisées par la présente
loi. »
« Art.
- Les autres dispositions de la loi ne donnent lieu à
aucune discussion.
Les articles supprimés dans le cours de la discussion
l’ayant été définitivement, nous n’avons pas cru devoir les reproduire.
Vote sur l’ensemble du projet
M. le président.
- Il va être procédé à l’appel nominal sur l’ensemble de la loi.
M. de
Renesse fait l’appel nominal.
M. le président.
- Voici, messieurs, le résultat de l’appel nominai : 84 membres ont voté ; un s’est
abstenu.
56 membres ont répondu oui.
28 membres ont répondu non.
M. de Robaulx.
- M. le président, je demande le réappel, attendu que M. Brixhe, député de
Charleroy, était, il n’y a qu’un moment, présent à la séance.
Le réappel a lieu.
Ont répondu oui :
MM. Bekaert, Berger, Boucqueau de Villeraie, Brabant,
Coghen, Cols, Coppieters, Davignon, de Behr, de Brouckere, de Lammine, A.
Dellafaille, H. Dellafaille, de Longrée, de Man d’Attenrode, F. de Mérode, de
Nef, de Renesse, Desmaisières, de Stembier, de Terbecq, Devaux, Dewitte,
d’Hane, Donny, Dubois, Dugniolle, Duvivier, Ernst, Fleussu, Hye-Hoys, Jadot,
Lardinois, Lebeau, Legrelle, Liedts, Milcamps, Morel-Danheel, Nothomb,
Polfvliet, Poschet, Raikem, A. Rodenbach, C. Rodenbach, Rogier, Schaetzen,
Smits, Teichmann, Thienpont, Ullens, Vandenhove, Vanderheyden, Verdussen,
Vergauwen, Zoude.
Ont répondu non :
MM. de Meer de Moorsel, W. de Mérode, de Puydt, de
Robaulx, Desmanet de Biesme, (erratum au
Moniteur belge n°90 et 91, du 31 mars et 1er avril 1834) de Sécus, Desmet,
de Theux, d’Hoffschmidt, d’Huart, Doignon, Dubus, Dumont, Dumortier, Eloy de
Burdinne, Fallon, Frison, Gendebien, Helias d’Huddeghem, Jullien, Olislagers,
Quirini, Rouppe, Trentesaux, Vanderbelen, C. Vilain XIIII, H. Vilain XIIII,
Watlet, C. Vuylsteke.
M. le président.
- Aux termes du règlement, je prie M. de Muelenaere de vouloir bien faire
connaître les motifs de son abstention.
M.
de Muelenaere. - N’ayant pas assisté à la séance
où a été discuté et adopté le principe consacré par l’art. 2 du projet de loi,
principe qui à mes yeux domine toute la loi, j’ai cru devoir m’abstenir.
(Note du
webmaster : le même Moniteur contient en outre, hors compte-rendu de la séance,
la note suivante : « Me trouvant fortuitement absent de la chambre des
représentants au moment du vote définitif sur la loi relative à la route en
fer, je n’ai pu y prendre part. Je crois donc me devoir à moi-même, pour éviter
toute fausse interprétation de mes intentions, de déclarer, à cet égard, que
j’aurais joint mon suffrage négatif aux 28 voix qui ont refusé de sanctionner
cette loi, si l’appel nominal n’avait eu lieu plus tôt que je ne le présumais,
Du reste, mes intentions s’étaient clairement manifestées dans le cours de la
discussion, et elles n’étaient douteuses pour personne dans l’assemblée.
Brixhe, député du Hainaut. »)
PROJET DE LOI PORTANT LE BUDGET DES REMBOURSEMENTS ET NON-VALEURS POUR
L’EXERCICE 1834
M. le président.
- Messieurs, nous avons encore à l’ordre du jour le projet de loi concernant le
budget des remboursements et non-valeurs.
- Les divers articles dont se compose ce budget sont
successivement mis aux voix et adoptés.
« Chapitre premier
« Art. 1er. Non-valeurs sur l’impôt foncier : fr.
318,000.
« Art. 2. Non-valeurs sur l’impôt personnel : fr.
350,000
« Art. 3. Non-valeurs sur l’impôt patente : fr.
91,000
« Art. 4. Non-valeur sur les redevances des mines
: fr. 10,000
« Chapitre II
« Art. 1er. Restitution des droits et amendes :
fr. 250,000
« Art. 2. Attributions d’amendes, saisies et
confiscations opérées par l’administration des contributions : fr. 120,000
« Art. 3. Attributions d’amendes forestières :
fr. 9,500
« Art. 4. Remboursement des postes aux officiers
étrangers : fr. 100,000
« Art. 5. Restitution des cautionnements versés
depuis la révolution : fr. 80,000
« Dépenses pour ordre
« Art. 1er. Frais d’expertise de la contribution
personnelle : fr. 40,000
« Art. 2. Frais d’ouverture d’entrepôts : fr.
14,000. »
M. le président.
- La chambre ayant voté les divers articles de cette loi, je vais donner
lecture des deux articles dont elle se compose.
« Art. 1er. Le budget des remboursements et
non-valeurs, pour l’exercice de 1834, est fixé à la somme de 1,328,500
fr. »
« Les dépenses pour ordre sont bornées à la somme
de 54,000 fr., le tout conformément au tableau ci-joint. »
« Art. 2. La présente loi sera obligatoire le
lendemain de sa promulgation. »
- Ces deux articles sont successivement adoptés.
M. le président.
- Il reste à voter maintenant sur l’ensemble.
M. de
Renesse procède à l’appel nominal.
M. le président.
- Le projet de loi est adopté à l’unanimité des 70 membres présents.
Ce sont : MM. Berger, Boucqueau de Villeraie, Brabant,
Coghen, Cols, Coppieters, Davignon, de Behr ; de Brouckere, de Laminne,
Dellafaille (A.), Dellafaille (H.), de Longrée, de Man d’Attenrode, de Meer de
Moorsel, de Mérode (W.), de Muelenaere, de Nef, de Puydt, de Renesse, Desmanet
de Biesme, C. Vuylsteke, de Stembier, de Terbecq, de Theux, Devaux, Dewitte,
d’Hane, d’Hoffschmidt, d’Huart, Doignon, Donny, Dubois, Dubus, Dugniolle,
Dumortier, Duvivier, Eloy de Burdinne, Ernst, Fallon, Fleussu, Helias
d’Huddeghem, Hye-Hoys, Jadot. Jullien, Lardinois, Lebeau, Legrelle, Liedts,
Milcamps, Polfvliet, Poschet, Rodenbach (A.), Rodenbach (C.), Rogier, Rouppe,
Schaetzen, Smits, Thienpont, Trentesaux, Ullens, Vandenhove, Vanderbelen,
Vanderheyden, Verdussen, Vergauwen, Vilain XIIII (C.), Vilain XIIII (H.),
Watlet, Zoude.
AJOURNEMENT DE
M. le président.
- La chambre s’ajourne au 22 avril prochain.
La séance est levée à 2 heures et demie.