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Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 4 juillet 1834

(Moniteur n°186, du 5 juillet 1834)

(Présidence de M. Raikem)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Renesse fait l’appel nominal à midi et demi.

M. H. Dellafaille donne lecture du procès-verbal ; la rédaction en est adoptée.

Pièces adressés à la chambre

M. de Renesse fait connaître l’objet des pièces adressées à la chambre.

« Le sieur Luyevef, médecin, demande que, dans la nouvelle loi communale, l’on établisse l’incompatibilité des fonctions de bourgmestre avec la qualité de docteur en médecine. »

« Six légionnaires demandent que la pension attachée à la croix d’honneur et les arriérés leurs soient payés.

« Le sieur Jean Wilkens-Remy, ancien professeur, demande une pension. »

Proposition de loi relative aux droits sur les céréales

Rapport de la section centrale

M. Coghen, rapporteur de la loi sur les céréales, monte à la tribune.

- Quelques voix. - L’impression ! l’impression !

M. Helias d’Huddeghem. - Je demande la parole pour une motion d’ordre.

M. le président. - Il faut d’abord décider la question de savoir s’il sera donné lecture du rapport. (L’impression ! l’impression !)

M. Eloy de Burdinne. - Je demande qu’il soit donné lecture du rapport ; la chambre, sur cette lecture, pourra avoir une première idée de l’ensemble de la loi.

M. A. Rodenbach. - La lecture du rapport nous ferait perdre inutilement beaucoup de temps ; tout le monde a pu par les journaux connaître l’analyse du projet. M. Eloy de Burdinne a pu lui-même en prendre connaissance au sein de la commission d’industrie.

M. le président. - On peut donner seulement lecture des articles de la loi. (Adhésion.)

M. Coghen donne lecture des articles du projet. (Voir la fin de la séance.)

M. Helias d’Huddeghem (pour une motion d’ordre) - Il n’est malheureusement que trop vrai qu’il y a urgence de prendre une mesure quelconque et si vous tardiez jusqu’après la nouvelle récolte le remède deviendrait inutile.

Dans les pays habités par les nations voisines, les ports seront fermés à l’importation des grains étrangers, afin que leur agriculture ne soit pas ruinée.

L’exportation des grains indigènes sera au contraire encouragée par tous les moyens possibles, et peut-être même par de fortes primes, comme il est souvent arrivé en Angleterre.

Dans quels pays fera-t-on refluer l’excédant de ces grains ? Si vous ne prenez des mesures efficaces, ce sera dans ce pays que vos voisins les enverront.

Toute cette masse sera importée dans la Belgique. Elle y écrasera l’agriculture.

Ne perdez pas de vue messieurs, que la mesure qui est réclamée ne l’est pas exclusivement dans l’intérêt de l’agriculture, mais qu’elle l’est autant dans l’intérêt de l’Etat ; et je le dis au ministère entier avec une conviction profonde, si le bas prix des céréales continue, nous serons obligés de songer sérieusement à diminuer les contributions, et notamment la contribution foncière. Nous le démontrerons dans la suite.

Je demande que le projet de loi sur les céréales soit mis en discussion immédiatement après la délibération qui nous occupe en ce moment.

M. d’Hoffschmidt. - Bien que je reconnaisse toute l’importance de la loi sur les céréales, et qu’à cet égard je partage l’opinion de l’honorable préopinant, je crois que nous ferions mieux de nous occuper d’abord de la loi communale qui est attendue avec impatience depuis longtemps. Entre les deux votes de cette loi nous pourrions discuter la loi des céréales ; par là, nous ne perdrions point de temps.

Les lois d’organisation sont plus pressantes que les autres : sans doute, nous devons voter la loi des céréales avant de nous séparer ; mais les cultivateurs eux-mêmes attendent la loi communale avec plus d’impatience que la loi des céréales.

M. de Man d’Attenrode. - Je demande, comme l’honorable collègue de Gand, que la chambre prenne immédiatement en considération et discute la loi sur les céréales ; si la discussion de cette loi est renvoyée après la loi communale, cette loi aura manqué son but, d’immenses amas de blé auront été introduits dans le pays, et nous prendrons inutilement des mesures pour protéger notre agriculture, qui est la base de notre prospérité et de l’air d’aisance que l’étranger remarque en Belgique ; si l’agriculture n’obtient pas une protection bien sage et efficace comme les autres branches d’industrie, l’agriculture ne pourra plus participer d’une manière aussi large aux charges publiques.

M. Eloy de Burdinne. - Je ne veux pas répéter tout ce que j’ai dit sur l’urgence de la loi des céréales ; cette urgence est reconnue, je crois, par la majeure partie de la chambre. Quant à la fixation du jour de la discussion, je pense que c’est un fait jugé ; il y a environ un mois, lorsque j’ai proposé une loi transitoire, on est convenu de la loi des céréales, on la discuterait sitôt que le rapport serait fait, et que même on scinderait la délibération dont la chambre s’occuperait alors, pour passer à la discussion de la loi qui intéresse éminemment le pays.

M. Helias d’Huddeghem vous a dit que si le bas prix des céréales continue, on sera obligé de diminuer les contributions ; je dirai plus, c’est que si la loi n’est pas votée promptement, les contributions devront disparaître, les propriétaires et les cultivateurs ne pourront plus les payer.

Le grain est tellement bon marché, que sur le marché on vend l’hectolitre 10 fr. et quelques centimes ; ce fait peut faire juger de l’urgence de la loi.

M. A. Rodenbach. - Messieurs, je crois qu’il faut s’occuper de la loi des céréales avant la loi communale ; bien que cette dernière loi soit réclamée par le pays, on peut attendre cinq ou six jours de plus pour la voter. Il est nécessaire, au contraire, que la loi des céréales soit votée promptement. A l’occasion de cette loi, tous les faiseurs d’entreprises commerciales seront en mouvement ; pendant la discussion, ils achèteront des grains et les feront entrer dans le pays.

Dans la Flandre occidentale, il y a des grains pour deux ans. Si vous tardez à discuter la loi des céréales, les Hollandais du pays de Cadzand s’empresseront d’introduire du seigle en Belgique.

M. Coghen, rapporteur. - Les débats qui viennent de s’élever me font regretter que la chambre n’ait pas entendu mon rapport ; l’assemblée aurait vu à la fin du rapport que le ministre n’a pas voulu s’expliquer sur la question de savoir s’il était pour ou contre le projet de la section centrale et de la commission d’industrie.

La question des céréales, messieurs, est une des questions vitales du pays ; l’agriculture est la vie, la force, la richesse de la Belgique ; on doit aller au-devant de la protection qui lui manque, mais la question des céréales touche à d’autres intérêts ; il est essentiel que les membres de cette chambre puissent se pénétrer du système de la loi avant d’aborder la discussion. Je crois qu’en fixant la discussion à demain, il serait impossible de la commencer en connaissance de cause.

Dans tous les cas, je désire que le gouvernement s’explique sur le projet, et que nous sachions s’il y est opposé ou s’il s’y rallie.

M. de Theux. - Je proposerais de fixer la discussion à jeudi prochain. D’ici là, le ministère aura tout le loisir d’examiner le projet, et de se prononcer sur la question.(Appuyé.)

Je propose d’autant plus que le jour de la discussion soit fixé à jeudi, que le sénat s’assemble de mardi prochain en huit, et que si la loi sur les céréales est votée alors dans cette chambre, le pays pourra en être immédiatement doté.

M. Helias d’Huddeghem. - Bien que je désire que la loi des céréales soit votée le plus tôt possible, je crois que le délai propose par l’honorable préopinant ne peut avoir d’inconvénient, et je me rallie à sa proposition.

M. Eloy de Burdinne. - Si la chambre croyait nécessaire de s’occuper immédiatement de la loi communale, nous aurions un moyen bien simple d’ajourner la discussion de la loi dont il s’agit pour l’examiner à loisir. Ce serait, pour me servir des expressions de M. Dumortier, quoiqu’il ne soit pas présent, de voter un petit bout de loi qui prohibe les grains étrangers. De cette manière on satisferait tout le monde. Cela ne peut donner aucune espèce de crainte ; car, avec les récoltes pendantes, nous avons dans le pays du grain pour vivre au moins deux ans. (Aux voix ! aux voix !)

- La proposition de M. de Theux est mise aux voix et adoptée.

M. le président. - La discussion du rapport de M. Coghen sera mis à l’ordre du jour de jeudi. A cet effet, on interrompra, s’il y a lieu, la discussion du projet de loi communal, sauf à la reprendre ensuite.

Proposition de loi relative aux droits d'entrée sur les toiles de lin

Discussion des articles

Article premier

M. le président. - Nous sommes arrivés à l’article premier, et déjà la chambre a pris trois décisions : la première que le droit serait majoré, la seconde que la perception aurait lieu au compte-fils et au poids, et enfin elle a adopté la question préalable sur la proposition de revenir sur cette deuxième décision.

La nouvelle rédaction de l’article premier, proposée par la section centrale, est ainsi conçue :

« Par modification au tarif actuel des douanes, les toiles de lin, de chanvre, et d’étoupes écrues, unies, teintes ou blanchies, les batistes, les coutils, toiles pour nappes et serviettes écrues ou blanchies ou damassées, et en général tous les tissus dont le lin, le chanvre ou les étoupes forment la matière principale, quoiqu’elles soient mélangées avec une autre matière quelconque, sont imposés conformément au tarif suivant. Le degré de finesse de ces tissus désignés par le nombre de fils s’établira au moyen d’un instrument que fera confectionner le gouvernement pour déterminer le nombre de fils que chaque espèce présente en chaîne dans l’espace de cinq millimètres à l’endroit où le tissu en contient le plus grand nombre. »

« A. Toile écrue, avec ou sans apprêt, les 100 kil.

« - De moins de 5 fils, y compris les toiles à voile, quelque soit le nombre de fils que contiennent ces dernières en chaîne dans l’espace de 5 millimètres (lorsqu’il y a doute si un fil est ou non compris dans l’espace de 5 millimètres, il est prononcé en faveur du contribuable) : droits d’entrée, 10 fr ; droits de sortie, libres ; droits de transit, 25 c.

« - De 5 à 8 exclusivement, : droits d’entrée, 30 fr. ; droits de sortie, libres ; droits de transit, 25 c.

« - De 8 fils inclusivement à 12 fils exclusivement : droits d’entrée, 65 fr. ; droits de sortie, libres ; droits de transit, 25 c.

« - De 12 fils inclusivement à 16 fils exclusivement : droits d’entrée, 105 fr. ; droits de sortie, libres ; droits de transit, 25 c.

« - De 16 fils inclusivement à 18 fils exclusivement : droits d’entrée, 170 fr. ; droits de sortie, libres ; droits de transit, 25 c.

« - De 18 fils inclusivement à 20 fils exclusivement : droits d’entrée, 240 fr. ; droits de sortie, libres ; droits de transit, 25 c.

« - De 20 fils et au-dessus : droits d’entrée, 350 fr. ; droits de sortie, libres ; droits de transit, 25 c.

« B. Toiles blanches, mi-blanches, imprimées ou teintes, les 100 kil. : une fois et demie les droits sur les toiles écrues, d’après le nombre de fils qu’elles présentent.

« C. Toiles à matelas sans distinction de fils, les 100 kil. : droits d’entrée, 139 fr., droits de sortie, libres ; droits de transit : 26 c.

« D. Toiles cirées, les 100 kil. :

« - de moins de 8 fils : droits de sortie, 70 fr. ; droits de sortie, libres ; droits de transit, 25 c.

« - de 8 fils inclusivement à 13 fils exclusivement : droits de sortie, 120 fr. ; droits de sortie, libres ; droits de transit, 25 c.

« - de 13 fils inclusivement à 20 fils exclusivement : droits de sortie, 170 fr. ; droits de sortie, libres ; droits de transit, 25 c.

« - de 20 et au-dessus : droits de sortie, 220 fr. ; droits de sortie, libres ; droits de transit, 25 c.

« E. Toiles peintes sur enduit pour tapisserie, les 100 kil. : droits de sortie, 195 fr. 70 c. ; droits de sortie, libres ; droits de transit, 25 c.

« F. Toile croisée, les 100 kil.

« - Coutil : droits de sortie, 200 fr. ; droits de sortie, libres ; droits de transit, 25 c.

« - Autres : droits de sortie, 200 fr. ; droits de sortie, libres ; droits de transit, 25 c.

« G. Linge de table en pièces, les 100 kil.

« - Ouvrage écru : droits de sortie, 265 fr. ; droits de sortie, libres ; droits de transit, 25 c.

« - Ouvragé blanchi : droits de sortie, 417 fr. 50. ; droits de sortie, libres ; droits de transit, 25 c.

« - Damassé, sans distinction : droits de sortie, 517 fr. 50. ; droits de sortie, libres ; droits de transit, 25 c.»

M. le président. - M. de Roo propose de porter à 40 au lieu de 30 le droit sur les toiles de 5 à 8 fils.

M. Dubus. - Je demande la parole sur la nouvelle rédaction de l’article.

Je ferai remarquer que le texte étant changé, nous devons le discuter de nouveau et demander à M. le rapporteur les raisons des modifications qu’on y a apportées, car il n’a rien été dit sur ce point dans le rapport. On ne peut pas considérer un article comme adopté avant que la chambre n’ait voté. Il est vrai qu’on avait voté l’article sauf rédaction, mais en le rédigeant on y a introduit d’autres dispositions ; on a fait autre chose que de la rédaction. Je signalerai une de ces nouvelles dispositions introduites. On disait dans le premier projet que lorsqu’il y aurait doute, le doute serait résolu en faveur du contribuable, et par la nouvelle rédaction on prendra, pour établir le droit, le nombre des fils que chaque espèce présente en chaîne dans l’espace de 5 millimètres à l’endroit où le tissu en contient le plus grand nombre.

Les toiles n’étant pas également serrées partout, il arrivera souvent qu’elles présenteront dans le même espace un fil de plus à un endroit qu’à l’autre. Par suite de la nouvelle disposition introduite dans l’article, on percevra le droit le plus élevé. De sorte que non seulement vous aurez adopté le mode de perception le plus rigoureux selon vous, mais vous en ferez l’application la plus rigoureuse. D’après les informations que j’ai prises, il arrive presque toujours qu’une toile qui n’est pas également serrée, présente au compte-fil de grandes différences. Au lieu d’interpréter ces différences en faveur du contribuable, on les interprètera toujours en faveur du fisc. Il en résultera qu’au lien d’un droit de 7 p. c., de 10 ou de 12, on percevra un droit de 15 à 20 p. c.

Je prie M. le rapporteur de nous donner à cet égard des explications.

M. Desmaisières, rapporteur. - Je ne m’oppose pas à ce qu’on s’occupe de la deuxième partie de l’article. La première partie a été votée sauf rédaction ; mais, quant à la seconde, celle qui commence par ces mots : Le degré de finesse, je conviens qu’elle n’a pas été discutée.

L’honorable M. Dubus soulève une objection. Il dit que nous avons introduit une nouvelle disposition, qui porte qu’on prendra le nombre de fils que chaque espèce présente en chaîne dans l’espace de 5 millimètres à l’endroit où le tissu en contient le plus grand nombre.

Effectivement, cette disposition ne se trouvait pas dans le premier projet ; nous avons été conduits à l’introduire par les raisons que nous a donnés M. le ministre des finances, qui s’occupe activement de se mettre à même d’exécuter la loi que nous allons voter. Il a demandé des renseignements à l’administration des douanes, et on lui a répondu qu’il était indispensable d’insérer cette disposition, parce qu’on pourrait fabriquer des toiles qui présenteraient moins de fils dans l’espace donné, à un bout que dans le reste de la pièce, faire en sorte que l’employé applique le compte-fils sur ce bout, et de cette manière frauder le droit ; tandis qu’en faisant appliquer l’instrument là où le tissu est le plus serré, on est sûr de percevoir le droit.

M. de Foere. - Si vous n’admettez pas la disposition contre laquelle l’honorable député de Tournay vient de s’élever, il en résultera que les négociants qui importent des toiles étrangères trouveront moyen de frauder le droit, comme vient de le dire l’honorable rapporteur de la section centrale. L’expérience faite en France et en Angleterre démontre la nécessité d’admettre cette nouvelle disposition pour éviter toute fraude.

M. Dubus pense que, par suite des inégalités qu’on rencontre dans les toiles, cette disposition pourra élever le droit à 12 p. c. au lieu de 7. Il aurait bien fait de prouver cette assertion.

Je vais poser la question sur le seul terrain où il soit possible de la discuter. Que l’honorable membre prenne 100 kil. de toiles étrangères, qu’il en connaisse le prix, ensuite qu’il compte le nombre de fils que présente l’espace de 5 millimètres, et qu’il fasse le calcul du droit porté au tarif : il verra que ce droit équivaut à 7 p. c. de la valeur.

M. Dubus. - L’honorable député de Thielt parle de la seconde disposition de l’article, comme si je l’avais combattue. Je ne l’ai cependant nullement combattue ; je n’ai fait que demander des renseignements, parce que j’ai pensé que nous ne pouvions pas adopter une disposition d’une aussi grande portée sans la connaître, sans explications. Si je n’avais pas appelé l’attention de la chambre sur l’introduction de cette phrase, elle aurait passé inaperçue. J’ai donc fait chose utile en demandant des explications. Il faut que nous sachions bien ce que nous faisons.

L’honorable député de Thielt s’étonne de ce qu’au lieu de dire que le droit pourrait s’élever au-dessus de 7 p. c., je n’ai pas fait de vérifications pour m’en assurer. Quand nous en viendrons à la discussion du tarif, je dirai quels sont mes documents et quels sont mes oracles. Je les prendrai chez mes honorables adversaires.

Je ne me fonderai que sur leurs données pour établir qu’il s’agit d’autre chose que d’un droit de 7 p. c. ; mais dans ce moment nous discutons l’article premier. Je ne dirai rien, je ne citerai aucun chiffre qui n’émane des paroles et des mémoires de mes adversaires, j’espère que, me servant de leurs propres assertions, je ne les compterai plus pour adversaires.

Mais actuellement il y a lieu seulement d’examiner s’il faut insérer dans l’article premier les mots que je relève. D’une part l’obligation où seront les douaniers de rechercher la partie de la toile qui présente le plus grand nombre de fils dans un espace donné, me paraît entraîner un assez grave inconvénient. L’employé ne pourra percevoir le droit qu’après avoir déplié la pièce entière de toile et avoir appliqué le compte-fils dans dix, vingt, que sais-je ? Peut-être dans 100 à 150 endroits différents ; ou bien, il s’explosera à commettre des erreurs aux dépens du fisc.

Un second inconvénient sera celui-ci, qu’examinant de très près la toile de l’un et déployant légèrement la toile de l’autre il sera rigoureux pour le premier et montrera de la partialité en faveur de l’autre.

Je suis plus enclin que jamais à croire que le système de perception à la loupe n’est pas d’une exactitude aussi merveilleuse que l’on veut bien nous le démontrer. Ce n’est qu’après coup, ce n’est que lorsque la chambre a décidé un mode de perception, que nous nous apercevons qu’il peut en résulter des conséquences fâcheuses. Les défenseurs du système au compte-fils n’y avaient pas songé dans le principe, parce que le ministre des finances ne leur avait pas communiqué des renseignements d’où il résulte que la fraude pourrait faire fabriquer exprès des toiles présentant moins de fils à un endroit apparent, à l’une des extrémités de la pièce. Il est bien évident dans ce cas, qu’il y aura fraude et que les employés devront établir le droit d’après le degré de finesse de la partie principale de la pièce.

Mais la section centrale, préoccupée de la nécessité de prévenir cette fraude, n’a pas songé que l’article premier tel qu’il est rédigé pouvait consacrer une injustice. Car il pourrait arriver que la pièce de toile contînt, sans aucun dessein de fraude, une petite partie formée de fils plus serrés, tandis que la plus grande partie le serait moins ; et dans ce cas le contribuable se trouverait lésé.

A cet égard je désirerais que M. le ministre des finances voulût lever quelques doutes que j’ai conçus d’après des renseignements que l’on m’a donnés.

L’on m’a assuré qu’il se présentait difficilement une seule pièce de toile où le nombre de fils soit le même, à quelque endroit de la pièce que l’on applique le compte-fils. Si cela est, vous voyez que nous avons autre chose à observer que l’espèce de fraude que l’on a voulu prévenir. Nous avons à considérer que l’application du tarif sera d’une rigueur excessive. L’employé étant obligé de chercher l’endroit de la pièce le plus serré sera dans la nécessité d’appliquer une élévation de droit telle qu’il pourra, même en admettant pour vraie l’évaluation de la section centrale, dépasser les 7 p. c., dont le taux est le seul que nous voulions imposer à l’entrée des toiles.

Il pourra arriver qu’en plaçant ainsi dans une classe une pièce de toile d’une catégorie inférieure, le droit soit de 10 à 12 p. c. sur la valeur, par la seule différence d’un fil à l’un des endroits auxquels le compte-fils aura été appliqué.

Sans m’élever contre la proposition présentée par la section centrale, je ne puis m’empêcher de faire remarquer des inconvénients que ne semble pas avoir prévus M. le rapporteur. Il eût fallu que l’article eût été formulé différemment ou qu’un article additionnel en eût donné l’explication. Mais en supposant que ce dernier inconvénient fût levé, il existerait toujours l’obligation fâcheuse pour le commerce de faire déplier entièrement et inspecter très minutieusement les pièces de toiles à la douane.

M. Desmet. - Messieurs, je crois que nous sommes d’accord avec notre honorable adversaire M. Dubus, que c’est uniquement pour éviter la fraude que cette disposition a été ajoutée à l’article premier, puisqu’il n’y a pour ainsi dire pas moyen de l’appliquer autrement. Toujours les fils doivent se trouver à une même distance. Le peigne qui sert à tisser et où passe la chaîne du tissu contient des dents à égale distance. S’il y a une différence, elle ne peut frapper sur le plus ou moins de grosseur du fil, car cette différence ne peut être que de peu d’importance. Car je dois faire remarquer à l’honorable député que les fils sont comptés sur la chaîne et non pas sur la trame.

M. Bekaert. - J’avais demandé la parole pour donner à M. Dubus les apaisements que vient de lui donner M. Desmet. La disposition que combat l’honorable M. Dubus ne pourra avoir pour résultat que de prévenir la fraude.

M. Desmaisières. - Je ferai observer à l’assemblée que la rédaction de la dernière partie de l’article premier ne vient pas de la section centrale. Mais elle a été transmise par le département des finances. Elle a été proposée par le gouvernement pour la prévention de la fraude et dans l’intérêt seul du fisc.

M. de Foere. - J’ajouterai à ce qu’ont dit les honorables préopinants qu’il y a une disposition dans la loi en discussion, laquelle porte que lorsqu’il y a du doute, le doute est tranché en faveur des contribuables. Il n’est pas vrai de dire qu’il faille déplier la pièce de toile entière. Il suffit d’appliquer le compte-fils sur la chaîne. On suivra à la douane le même mode de procéder que dans les marchés.

M. Dubus. - J’avais prié M. le ministre des finances de nous communiquer les renseignements qui pouvaient se trouver en sa possession. Je désirerais savoir si le ministre est bien assuré que la disposition qu’il propose ne servira qu’à remédier à la fraude, et que les pièces de toiles ne présenteront pas en divers endroits sur un espace donné une inégalité de fils qui apporterait une pareille inégalité dans le droit sur la valeur.

M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Je dois convenir en réponse aux observations présentées par l’honorable M. Dubus que la disposition de l’article dont nous nous occupons a été prise par le ministère des finances dans l’intérêt de la perception du droit, dans l’intérêt de la répression de la fraude.

Il est évident que si l’on ne peut pas appliquer le compte-fils en divers endroits de la toile, on ne pourrait s’assurer si la pièce présente partout le même nombre de fils. Si une partie de la pièce en présentait une quantité moindre, il y aurait évidemment pour l’Etat privation d’une certaine partie du droit. Il y a bien plus grande facilité pour la fraude lorsqu’il n’est pas possible d’appliquer partout l’instrument.

Les renseignements que j’ai reçus de France sont tous d’accord sur ce point qu’il faut une extrême vigilance pour l’application du mode de perception à la loupe. Ils prouvent que l’on a souvent éludé le paiement intégral du droit par la confection particulière de la trame de la toile. Les derniers renseignements que j’ai reçus de Paris me sont arrivés aujourd’hui. La lettre dont je vais vous donner lecture porte la date du 28. Elle est en réponse aux demandes que j’avais faites sur la latitude qu’avait la fraude dans l’emploi du compte-fils.

« A l’égard des tentatives de fraude qui ont pu avoir lieu, elles n’ont pas été nombreuses ; mais le compte-fils n’a pu suffire pour les déjouer, l’expérience ayant démontré que peu de pièces de toiles présentent dans toute leur étendue un égal degré de finesse, et que lorsqu’un intérêt de fraude s’y rencontre, la même pièce qui n’a que sept fils à la tête en présente quelquefois 12 et 15 dans l’intérieur. Tout se trouve donc remis dans ce cas à la vigilance des employés. »

M. Dubus. - A l’arbitraire des employés.

M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Je puis donner ces renseignements, messieurs, sans être en contradiction avec moi-même, puisque j’ai soutenu la proposition de M. Rodenbach jusqu’au moment de son rejet. Du reste, vous pouvoir avoir toute confiance dans ces renseignements, ils sont officiels,. Je vous les présente comme émanant d’une autorité à laquelle il serait impossible de ne pas ajouter foi. J’ai reçu d’autres renseignements qui confirment les premiers. Il résulte de l’ensemble de tous ces documents qu’il faut que dans l’emploi de la loupe le commerce se soumette à l’examen minutieux et au déploiement des toiles.

M. de Robaulx. - Je voudrais savoir si une pièce de toile présentée à la frontière française et présentée ensuite à la frontière d’Allemagne, sera soumise, au moyen du compte-fils, à la même évaluation dans les deux bureaux de douane ; si le nombre des fils calculé au premier se trouvera être le même au second ; enfin, si le mode de perception à la loupe est un mode infaillible.

Lorsqu’il s’agit de percevoir un droit à la valeur, en présentant une pièce de toile en France, à la frontière belge ou à la frontière d’Allemagne, je demande si l’évaluation sera la même ? Je pose en fait que non. Qu’est-ce que cela prouve ? C’est que les employés ne sont pas infaillibles et que vous ne sauriez faire une loi évitant toute fraude. Il ne s’agit pas de savoir si par le compte-fils, il n’y aura pas de fraude, mais si par cet instrument on fraudera moins : avons-nous commis une erreur en adoptant le compte-fils ? Si nous en avons commis une, nous sommes aussi ignorants que la France et l’Angleterre : alors soyons tranquilles. Quoique vous fassiez, on fraudera à la valeur comme au compte-fils ; vous ne pouvez éviter l’arbitraire.

M. Verdussen. - Pour qu’il y eût inconvénient dans l’emploi du compte-fils, il faudrait qu’une pièce de toile contînt 1,000 fils à un bout et 1,500 fils à l’autre bout ce qui me paraît difficile : mais en supposant que cela fût possible, il y aurait erreur en employant le compte-fils pour établir le droit, ou en percevant ce droit à la valeur. Connaissant un peu le tissage, je doute fort que l’on puisse mettre plus de fils au bout d’une toile qu’à l’autre.

Je dois signaler ce qui me semble une erreur de rédaction dans la loi ; on y parle de millimètres ; mais ce langage n’est pas légal ; la proposition de M. Seron n’est pas adoptée.

M. de Robaulx. - Vous avez mis kilomètres dans la loi sur le chemin de fer.

M. Verdussen. - C’est une erreur !

M. de Robaulx. - On n’a pas contesté !

M. Dubus. - Pour motiver la disposition ajoutée à l’article premier, on a dit qu’il fallait éviter la fraude, parce qu’une pièce pouvait présenter plus de fils à un bout qu’à l’autre ; mais je ne pense pas qu’il faille un grand travail pour apercevoir cette fraude.

La perception à la valeur ou la perception au compte-fils peuvent également bien lever cette difficulté.

Toutefois, on m’a assuré qu’il arrivait presque toujours que, dans une pièce de toile, il y a des endroits où elle est plus serrée ; je voudrais savoir si ce renseignement me paraît exact. Le ministre des finances vient de nous déclarer avoir reçu des renseignements qui confirment cette observation. Il a dit que le compte-fils appliqué à divers endroits d’une pièce présente des différences, même de plusieurs fils.

Un honorable membre prétend que cette différence n’est pas possible, parce que la trame contient le même nombre de fils d’un bout à l’autre. Cependant, on conçoit que les fils de la trame ont pu être plus serrés à droite qu’à gauche, et alors le compte-fils donne un renseignement inexact. Ainsi la toile peut être mise dans une classe qui n’est pas la sienne.

Cet inconvénient ne résulterait pas de la perception à la valeur. C’est le contribuable qui, dans ce cas fait la déclaration de la valeur ; l’employé n’est chargé que de vérifier l’exactitude de cette déclaration.

Je suis maintenant fort embarrassé à voter sur l’article en discussion : je trouve de l’inconvénient à admettre la disposition qu’on y a ajoutée ; je trouve de l’inconvénient à la rejeter.

M. Desmet. - L’honorable membre doit savoir que les fils de la trame passant à travers les dents d’un peigne, ces fils sont à même distance les uns des autres dans toute l’étendue de la toile. Les différences ne peuvent être, par le compte-fils, qu’extrêmement faibles.

M. Jullien. - Messieurs, à voir la marche de nos débats, on serait tenté de croire qu’il y a au fond de la question, peut-être même au-dehors, quelque chose de mystérieux. A peine avez-vous voté sur un point que des orateurs prétendent que vous vous êtes trompés et qu’il faut revenir sur le vote. On laisse entendre que les députés des Flandres sont animés d’un esprit de localité, et un honorable orateur que je compte au nombre de mes amis politiques, nous menace à cet égard d’arguments in extremis. Cependant, pressé de s’expliquer, il n’en a rien fait. Tout cela est bien capable de jeter dans l’irrésolution ceux qui ne sont pas dans le secret de quelques coteries et qui votent d’ordinaire en conscience.

Mais, en ramenant la question sur son véritable terrain, de quoi s’agit-il ? Vous avez adopté la perception au compte-fils ; c’est un point sur lequel on ne peut revenir. Il n’y a qu’au second vote qu’on pourrait adopter un autre mode de perception.

Tout ce que l’on peut discuter maintenant, c’est la seconde partie de l’article que vous avez renvoyé à la section centrale.

On soutient que le système par le compte-fils présente des inconvénients ; mais y a-t-il au monde un système sans inconvénients ? Vous aurez beau faire, la fraude sera plus ingénieuse que vous ; le législateur sera toujours surpassé en habileté par la fraude.

En France et en Angleterre, l’expérience de la perception à la valeur a été faite ; elle a présenté de graves inconvénients, et on a adopté une autre manière d’établir la perception. C’est parce que ces inconvénients ont frappé vos esprits que vous avez voté la proposition de la section centrale à une majorité de 43 voix contre 11. Vous direz que la majorité peut se tromper ; je m’en suis aperçu quelquefois ; mais je n’ai pas demandé pour cela qu’on remît sans cesse et sans fin en délibération des articles en discussion.

Messieurs, nous perdons notre temps, et voilà trois ou quatre jours fort mal employés.

L’application du tarif présenterait, dit-on, des inconvénients ; mais la section centrale y a pourvu : elle a établi qu’en cas de doute de la part des employés de la douane, le doute serait résolu en faveur du contribuable. Que peut-on demander de mieux ?

Enfin, si j’ai bien compris le texte de la lettre écrite à M. le ministre des finances, il résulte des renseignements qui lui ont été transmis que dans l’ancien mode de perception à la valeur, il y avait non seulement fraude, mais encore il y avait des abus résultant de collisions entre les employés de la douane, les fabricants, les exportateurs et les importateurs. J’ajouterai que nous pouvons sans crainte nous arrêter à un mode de perception qui est adopté dans les deux pays que l’on a cités.

Je crois que la discussion actuelle ne doit pas se prolonger plus longtemps ; il faut enfin que l’on passe au vote de l’article, et que l’on examine le tarif article par article. Je fais cette proposition, comme le seul moyen de sortir enfin de la discussion.

M. d’Huart. - Il m’est à peu près indifférent que l’on sorte ou non de la discussion de l’article : quant à moi, je ne veux pas adopter le système de la section centrale.

Je ne crois pas avec M. Jullien que la décision relative au mode de perception soit irrévocable ; je pense que lors du second vote on pourra revenir sur le système qui a été adopté. Je verrai alors si je dois communiquer à l’assemblée les renseignements que je tiens, et que l’honorable préopinant m’accuse de ne vouloir communiquer que in extremis.

Je ne donnerai en effet connaissance de ces renseignements qu’à la dernière extrémité, dans la crainte de nuire à mon pays ; j’attendrai que je sois parfaitement sûr de leur exactitude.

La section centrale a contesté qu’il pût y avoir dans un endroit du tissu plus de fils que dans un autre, et cependant, ainsi qu’on peut le voir, on prévoit cette difficulté dans l’article.

Je demande comment on pourrait arranger cette contradiction.

M. Dubus. - Je dirai quelques mots sur une seule observation de M. Jullien. L’honorable membre a dit qu’il ne fallait pas s’arrêter au doute, attendu que le doute serait décidé en faveur du contribuable ; je ne vois pas où cela est écrit, à moins que ce ne soit dans une annotation du rapport, où l’on parle de cette question de doute.

Voici comment je conçois l’application de la loi ; l’employé devra appliquer l’instrument du compte-fils dans l’endroit le plus serré du tissu : si un fil est compris dans le vide, le doute est tranché en faveur du contribuable ; mais si l’instrument du compte-fils appliqué, il présente plusieurs fils de différence, le doute sera alors décidé en faveur du fisc. Ainsi l’observation de M. Jullien ne change rien à la question. L’application du tarif sera toujours très difficile dans le cas d’inégalités non calculées dans le dessein de frauder.

- L’article premier est mis aux voix et adopté.

Tarif annexé

M. le président. donne lecture du numéro du tarif.

M. Lardinois. - Avant de passer à la discussion du tarif, je demanderai à M. le rapporteur si, par les chiffres établis dans ce tarif, il atteindra le droit de 7 p. c. à la valeur, et si ce droit ne sera pas dépassé.

M. le ministre des finances (M. Duvivier) - J’ai réclamé la parole pour vous soumettre, messieurs, quelques observations sur des allégations contenues dans le dernier discours que vous avez entendu dans la séance d’hier.

M. Lardinois a cru devoir revenir sur les opérations de la section centrale : mon collègue de l’intérieur ayant déjà réfuté victorieusement les assertions critiques sur la conduite indéterminée du ministère dans cette discussion, je passerai cet objet sous silence et me bornerai à renvoyer l’orateur à la lecture du Moniteur, puisqu’il déclare n’avoir pas assisté aux premières séances dans lesquelles s’est traitée la matière. Il y verra que le ministre des finances ne s’est rallié au système de la section centrale qu’après que celui qu’il soutenait, et qu’il croit encore le meilleur, eût été repoussé par une grande majorité ; et ce n’est aussi qu’après que des modifications importantes eurent été apportées au projet primitif que le ministre crut pouvoir y donner son complet assentiment.

Voici, messieurs, ces observations :

Ce n’est pas tout à fait le tarif français qui est proposé, puisqu’on a augmenté la classification des toiles d’une série inférieure à ce même tarif, et cela expressément pour empêcher que le droit protecteur n’excédât en général 7 p. c. En preuve de ce que j’avance ici, c’est que la série en dessous de 5 fils n’est imposé qu’à 10 fr., tandis qu’au tarif français elle le serait à 30.

Il est encore à remarquer, messieurs, que ce tarif impose les toiles blanches au double des toiles écrues, tandis qu’au projet en discussion elles ne sont frappées que d’un droit et demi de ces dernières toiles : cette différence dans l’un et l’autre tarif explique la disproportion que M. Dubus a signalée entre les effets de l’application du tarif français à nos toiles et ceux que nous supposons devoir résulter de l’application du tarit projeté aux toiles d’Allemagne.

L’honorable député auquel je réponds a élevé des doutes sur la régularité des vérifications qui ont eu lieu au ministère des finances, en présence de membres de la section centrale désignés par elle à cet effet, et dont les connaissances spéciales garantissent le choix des éléments qui ont servi aux opérations attaquées.

Il me paraît que, pour les contredire avec l’espoir de diminuer la confiance qu’elles ont indubitablement obtenue dans cette enceinte, alors qu’elles ont été faites d’une manière aussi officielle et aussi loyale, il aurait fallu, ce me semble, se mettre en mesure de leur opposer d’autres opérations contradictoires, faites avec le même soin ; et, à coup sûr, l’essai que dit avoir fait l’honorable membre sur les toiles d’emballage n’est pas de cette nature. En effet, messieurs, on vous dit que 100 kil. de cette toile grossière ne coûtent que de 50 à 53 fr., tandis que, d’après les renseignements recueillis sur le prix des étoupes, cette matière première vaudrait de 95 à 137 fr. les 100 kilogrammes (page 65 du rapport de la section centrale.)

Nous avons opéré sur un échantillon de toile de cette espèce la plus commune, et nous avons constaté que la valeur était de 85 centimes le kil. ou 85 fr. les 100 kil. Cette toile, étant la dernière de la série imposée à 10 p. c., n’est donc frappé que d’un droit d’environ 12 p. c. et non de 20, comme l’établit le député de Verviers par son calcul. Je ne suivrai pas plus loin l’orateur dans ses autres calculs, il aura suffi sans doute de rectifier le premier comme je viens de le faire. Ab uno disce omnes.

Désirant mettre un terme à tout débat ultérieur sur ces opérations, je viens, messieurs, vous rendre compte de l’une d’elles : cet exemple s’appliquera à toutes.

Une toile écrue de 9 1/2 fils est d’une valeur de 690 francs les 100 kilog. ; une autre de 10 1/2 fils, vaut 780 fr. ; enfin, une de 11 fils coûte 1,011 fr. A raison de 7 p. c. de ces valeurs, la première sera imposée à 48 francs, la seconde à 55, la troisième à 71 francs. Le tarif projeté range ces tissus dans la série de 8 à 12 fils, frappés d’un droit moyen de 65 francs. Cette différence entre la première et la dernière est l’effet inévitable de ce mode de tarification qui établit des catégories. On ne pourrait l’éviter qu’en imposant chaque espèce de toile par chaque fil ; on conçoit que la chose n’est pas praticable. Vous voyez donc, messieurs, d’après cela, que ce droit est véritablement à la valeur, bien que la base de sa perception soit le poids.

Voilà, messieurs, ce que j’ai jugé utile de dire à la chambre sur les toiles étrangères qui s’importent en Belgique, et qui, pour la perception des nouveaux droits dont on veut les frapper, sont, par leur nature, susceptibles d’être soumises au mode du compte-fils. Il resterait maintenant à vous entretenir des autres tissus compris dans le tarif en projet et qui sont les toiles croisées et le linge de table, dont le tissage ne se prête pas à l’application de ce mode.

Le linge de table est imposé à un droit fixe au tarif français et au tarif anglais, parce que l’application du compte-fils ne peut, ainsi que je viens de le dire, lui être faite. Il n’y avait donc que deux alternatives, ou de percevoir le droit à la valeur, ou de l’établir d’après une donnée moyenne. C’est ce dernier parti qu’on a cru devoir suivre ; car le premier avait été rejeté par un vote positif de la chambre.

Or, d’après les renseignements que j’ai cru devoir prendre sur cet objet, un service de table damassé d’une qualité inférieure, du prix de 110 francs, pèse 3 kil., ce qui établit la valeur de 100 kil. à environ 3,500 francs. Les qualités supérieures de cette sorte de linge s’élèvent jusqu’au prix de fr. 300 et plus le service, tandis que le poids diminue en raison inverse de la finesse. Le terme moyen des valeurs est donc de plus de 7,000 fr. les 100 kil. ce qui n’est nullement absurde, ainsi que l’a dit l’honorable député au discours duquel je réponds, et par conséquent le droit de 517 fr. ne revient qu’à environ 7 p. c. de la valeur moyenne des tissus damassés.

Il en est de même des coutils et toiles croisées dont les qualités diffèrent essentiellement entre elles. Le compte-fils ne pouvant leur être appliqué à cause de l’espèce du tissage, on a dû procéder de la même manière que pour les linges de table ; et je pense qu’on est parvenu à un résultat aussi exact que le comporte la nature même de ces tissus.

M. le président. - La parole est M. Desmaisières.

M. Desmaisières, rapporteur. - J’y renonce.

M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Je désirerais cependant que les hommes spéciaux qui connaissent la matière fissent tous leurs efforts pour prouver que les expériences que j’ai faites sont exactes.

M. Meeus. - Lorsque hier je combattais la proposition de M. Rodenbach, ce n’est pas parce que je ne suis pas partisan d’imposer un droit sur les toiles étrangères ; au contraire, je suis d’avis qu’il faut accorder protection à toutes nos fabriques en général, lorsqu’elles en réclament avec raison, et je crois que nos fabricants de toiles de Flandre demandent à juste titre d’être protégés dans leur industrie. J’ai combattu seulement hier la proposition de M. Dubus, qui voulait nous faire entrer dans un système qui pouvait avoir de grands inconvénients qu’il ne nous était pas donne d’apprécier.

D’après les observations de M. le ministre des finances, je lui adresserai une interpellation.

M. Lardinois lui avait demandé hier si d’après la proportion établie sur les toiles, le droit reviendrait sur les différente espèce de toiles à 7 p. c. ainsi que l’assemblée a paru le désirer. M. le ministre vient de dire que d’après les expériences qui ont été faites, le droit reviendrait en effet à 7 p. c., et que c’est pour cela que s’écartant du système français on a modifié le tarif. Mais, en entendant les paroles de M. le ministre, il m’est venu une idée très simple.

Je demande sur quelle base on a fait l’opération. Si on a été acheté dans une boutique, chez un détaillant, un coupon de toile qui aurait, selon le marchand, payé un droit de 15 sols, ce prix ne peut servir de base pour le droit à percevoir à l’entrée. En effet, vous devez supposer que cette marchandise est augmentée de tous les bénéfices qu’en ont retirés tous ceux entre les mains desquels elle est passée.

Je crois que ces frais peuvent être évalués à 15 ou 20 p. c., et si on a calculé sur le droit de 15 sols, on a raisonné sur une base fausse.

La discussion générale a été fermée hier, au moins on a décidé qu’elle était fermée ; s’il en était autrement, j’aurais présenté moi-même quelques observations. J’aurais dit, par exemple, que ce n’était protéger qu’à moitié les fabriques de toiles de Flandre que d’adopter une modification au tarif sur les toiles, et que pour les protéger complètement, il faudrait les protéger contre les fabriques de coton ; j’aurais demandé si les tissus composés de toile et de coton venus en Belgique ne font pas plus de tort à notre industrie linière que les toiles étrangères. Dans cette discussion, on n’est pas entré suffisamment dans la connaissance d’un système d’économie sociale.

La chambre marche au hasard, sans savoir si, en protégeant une industrie, elle n’en ruine pas une autre ; sans savoir quel est le principe fondamental sur lequel elle veut appuyer son système de douane, si elle entend adopter un principe libéral ou un principe prohibitif. Cette question n’a jamais été soumise à la chambre et tant qu’elle n’aura pas été résolue, vous verrez des intérêts de province, de coterie, de particuliers, venir se heurter, et vous ne ferez rien de bon pour le pays.

Les Flandres demandent maintenant une loi sur les toiles, vous allez la leur donner. Demain on vous en demandera une pour l’agriculture. Je vous demande si jusqu’à présent quelqu’un a établi la différence qu’il y avait entre une mesure prohibitive et une mesure de protection ; je vous demande, si on a arrêté ce qu’on entendait par une mesure de protection, si c’est aux fabricants ou au pays qu’on veut donner cette protection.

Voilà des questions qui, si elles étaient discutées, porteraient fruits. Elles n’ont point encore surgi dans cette enceinte, et elles ne surgiront qu’autant qu’on s’occupera de la révision générale du tarif des douanes.

Je ne puis à cet égard que répéter ce que j’ai dit au congrès et à toutes les sessions qui l’on suivi, qu’il faut que le gouvernement vous présente un projet de loi général sur les droits de douane ; tant qu’il ne le fera pas, il est impossible que vous fassiez autre chose que de mauvaises lois sur la matière.

J’en reviens maintenant à mon point de départ, et je demande à M. le ministre des finances s’il a établi ses calculs sur des bases aussi insolites que cela m’a paru résulter de ses paroles.

M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Je répondrai à l’honorable préopinant qu’on a opéré sur des coupons qui ont été achetés de concert avec deux membres très expérimentés de la section centrale, les honorables MM. Desmaisières et Bekaert, qui ont bien voulu accompagner l’employé du ministère qui a opéré les achats des coupons sur lesquels on a opéré. Les factures ont été remises, et l’opération a été faite d’après le prix que coûte la pièce entière en fabrique. On a calculé le prix et le poids de manière à avoir la valeur de cent kilog. et on a vu que ce droit devait être fixé à tant par cent kilog. pour être de 7 p. c. sur la valeur.

Je ne tiens pas tellement à mes opérations que je prétende qu’on ne puisse pas en faire de meilleures. On peut essayer.

M. Lardinois. - M. le ministre des finances m’a renvoyé au Moniteur pour m’assurer qu’il a combattu le système de la section centrale. Je l’ai consulté ce matin et j’ai vu qu’effectivement il s’était opposé à l’adoption de ce système. Je trouve même dans le deuxième rapport, la réponse du ministre que voici :

« Le gouvernement a reconnu que la fabrication des toiles indigènes méritait une protection plus grande que celle que leur donne le tarif actuel. Tout le monde est d’accord que cette protection doit aller à 7 p. c. par forme de droit d’entrée sur les toiles étrangères. Or, comme il paraît que le tarif français frappe les tissus étrangers de cette espèce d’un droit beaucoup plus élevé que celui de 7 p. c. ; il y a lieu de penser que son adoption irait au-delà du but qu’on s’est proposé. »

Vous voyez que, d’après l’opinion du ministre, le tarif français frappe les toiles d’un droit plus élevé que 7 p. c. Cependant la section centrale applique ce tarif avec quelques modifications et le ministre s’est rallié à la section centrale malgré l’opinion qu’il avait émise et que je viens de rapporter.

Avant de se rallier à la proposition de la section centrale, le ministre a fait des essais, j’ai le tableau qu’il a dressé par suite de ces essais et les factures des coupons sur lesquels il a opéré.

Je vais répéter les questions que j’avais adressées au ministre et auxquelles il n’a pas répondu. J’avais demandé si on s’était assuré que la toile qu’on avait achetée était de la toile d’Allemagne, si elle avait été achetée au plus bas prix possible et enfin si on était convaincu d’avoir opéré sur les qualités et prix du jour.

J’ignore si les coupons achetés sont de toile d’Allemagne ou de France ou de Belgique. Je sais seulement qu’elles ont été achetées chez une lingère de la cour, et personne n’ignore que les marchands qui fournissent à la cour ne vendent pas au meilleur marché possible. Les coupons sont de une aune et demie, une aune trois huitièmes et de deux aunes trois quarts.

Il n’est pas fait mention dans la facture de quelle espèce de toile sont ces coupons. Le ministre, dit-il, a consulté un homme expérimenté, l’honorable M. Bekaert : je ne conteste pas les lumières de membre, et je suis persuadé que c’est d’après sa conscience qu’il aura dit que ces coupons étaient de toile d’Allemagne.

Je ferai observer que les opérations n’ont pas été faites contradictoirement et que la section centrale avait fait elle-même des expériences antérieures, d’après lesquelles elle avait proposé un tarif moins élevé que le tarif français, dans la vue de frapper les toiles d’un droit de 7 p. c. Et maintenant elle adopte de concert avec le ministre des finances le tarif français.

Je ne puis avoir confiance, ni dans les opérations faites par le ministre, ni dans les documents qu’ils produits. Je n’ai pas relevé cette pièce officielle d’après laquelle, au moyen du compte-fils, on ne peut pas toujours prévenir la fraude, parce qu’il arrive que des toiles à un endroit présentent 7 fils dans 5 millimètres, tandis qu’à un autre endroit de la même pièce on trouve 15 fils. Ou mes idées sur la fabrique sont bouleversées, ou je serais tente de croire qu’on a voulu mystifier quelqu’un en communiquant un pareil renseignement.

Je tiens pour exact ce que vous a dit à cet effet l’honorable M. Desmet : une pièce d’étoffe est fabriquée avec la même chaîne d’un bout à l’autre, et si l’on rencontre quelquefois une différence au compte-fils, elle ne peut être que légère et d’un à deux fils au plus.

M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Ce ne sont pas mes opérations.

M. Lardinois. - Je parle ici d’opérations dont vous êtes responsable ; si vous ne les faites pas par vous-même, vous devez les confier à une personne capable et sûre.

Vous avez contesté mes opérations sur la toile d’Allemagne ; je me suis adressé à cet effet à un négociant de cette ville, il m’a remis un mètre de cette toile lequel pèse 80/100 de kilogramme ayant coûté 44 centimes. Maintenant calculez sur ces données et vous verrez que 100 kilogrammes ne coûtent que 55 francs ; et si vous prélevez 10 francs sur ce poids, cela répond à un droit de 20 p. c. environ, ce qui est énorme.

Au ministère des finances, on a seulement opéré sur les toiles écrues et les toiles blanches. Il y a des toiles cirées et des toiles d’emballage sur lesquelles on n’a pas fait d’essais.

Voilà avec quelle certitude on vient présenter des calculs.

Je rappellerai encore qu’on n’a opéré que sur des coupons, et qu’il est impossible d’établir des calculs exacts de cette manière. Si le document de Paris est vrai, il aurait fallu peser la pièce entière.

Les toiles damassées ont été aussi soumises, ce matin, à un essai, dit le ministre, et il résulte que 100 kil. représentent une valeur de 3,500 francs. Mais remarquez, messieurs, avec quelle légèreté il s’est rallié au nouveau système : d’après la tarification de 517 francs, 100 kil. de toiles damassées devraient coûter 7,400 francs. Il aurait fallu faire des essais sur différentes qualités et établir une moyenne.

Si au second vote on ne revient pas sur la proposition de la section centrale qu’on a adoptée, il sera très utile de dire qu’on veut établir un droit de 7 à 10 p.c. sur les toiles et de faire de opérations contradictoires, afin que le commerce ne soit pas dupe d’un tarif qui n’aurait pas été vérifié.

M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Je ferai observer que si, en venant combattre les opérations de la section centrale et celles que j’ai fait faire au ministère, on se borne à émettre des doutes sur tout, nous ne sortirons jamais de la question que nous déballons si péniblement depuis plusieurs jours. Il faut qu’on fasse des opérations contradictoires. Il y a toujours moyen d’avoir un instrument pour compter le nombre de fils que présente une toile dans un espace de 5 millimètres, de peser la toile, d’en connaître la valeur et de calculer à combien pour cent de la valeur revient le droit appliqué au poids.

On peut encore dire que les marques vérifiées par les employés pour être marques étrangères sont fausses. Car il est bien connu, messieurs, qu’il y a des pays où l’on contrefait les marques et les empreintes des fabriques renommées. Et quoique j’assure à la chambre que les marques et empreintes constatées sur les pièces de toile d’où sont provenus les coupons soumis à l’expérience du compte-fils, sont véritablement étrangères, on pourra m’objecter qu’il est possible qu’elles soient contrefaites. Nous ne sortirons ainsi jamais de ce système négatif.

On pourrait également contester l’exactitude de l’opération dont j’ai été témoin. Je déclare que les coupons provenaient de pièces qui avaient les titres, les caractères qui constatent leur origine étrangère. Il est certain que je n’ai pu m’en assurer par mes propres yeux. Il ne m’appartient pas de courir de magasin en magasin. Mais j’ai la conviction, d’après le rapport que m’a fait l’employé à qui j’avais confié cette mission, que les toiles étaient réellement étrangères.

L’honorable préopinant est étonné de ce que je me suis rallié à l’ensemble du tarif sans avoir fait sur les toiles croisées, coutils, etc., les mêmes expériences que sur les toile écrues. Je lui répondrai que les opérations de la section centrale n’ont porté que sur les toiles susceptibles d’être soumises à l’épreuve du compte-fils. Les autres espèces de toile sont imposées par le poids seulement, sans que le degré de finesse entre dans l’appréciation du droit. Car il est impossible de compter au moyen de la loupe le nombre de fils que renferment les toiles croisées telles que coutils, linges damassés, etc.

Je pense avoir suffisamment répondu aux interpellations de l’honorable préopinant. Le tarif belge différera du tarif français en ce que celui-ci impose les toiles croisées du double des toiles écrues, tandis que ce tarif ne les impose que de la moitié du droit en sus.

M. Dubus. - On nous propose d’adopter le tarif français, et l’on nous assure que nous ne voterons par là qu’un droit de 7 p. c. sur la valeur. Il est convenu que ce taux suffit pour assurer la protection que réclame notre industrie linière.

J’avais dit que je ne croyais pas que le tarif français imposât seulement un droit de 7 p. c. sur la valeur. Un honorable membre s’est étonné de ce que j’exprimasse un doute à cet égard. J’aurais dû, disait-il, faire une vérification matérielle avant d’énoncer mes doutes. Je commence par le déclarer. Mes doutes n’ont rien d’injurieux pour les honorables députés qui défendent la proposition de la section centrale. J’ai la plus intime confiance dans leur véracité. Et c’est précisément de leurs assertions que naissent mes doutes.

On affirme donc que le tarif français n’emporte qu’un droit de 7 p. c. sur la valeur. Nous ne sommes qu’au 5 juillet, et voici ce que disait en date du 18 juin M. Bekaert, qui soutient aussi actuellement que le tarif français ne frappe les toiles que d’un droit de 7 p. c. : « La supériorité de nos toiles ne saurait être mieux constatée que par les grands soins que mettent les autres Etats à les éloigner de chez eux. Elles ne sont reçues en Prusse, en Angleterre, en France que moyennant des droits de 30 à 40 p. c. »

Ainsi donc l’honorable M. Bekaert, dans les connaissances spéciales duquel j’ai la confiance la plus entière, qui fait apparemment un commerce suivi avec la France et qui y importe journellement des toiles, nous déclare d’abord que les toiles belges ne sont reçues en France que moyennant un droit de 30 à 40 p. c. sur la valeur, et aujourd’hui que le tarif français n’emporte qu’un droit de 7 p. c. Je veux bien qu’il y ait une des deux assertions de M. Bekaert qui soit véritable ; mais laquelle ? Et cependant il ne pas permis d’énoncer du doute !

D’autres honorables membres se sont exprimés sur la portée du tarif français. Voyons ce qu’ils ont dit. Je prendrai d’abord l’opinion de l’un des auteurs des propositions qui ont provoqué le projet de loi actuel.

Les développements de M. Rodenbach sont en date du 16 novembre 1833. Ils ont été imprimés, et voici ce que j’y lis : « La France exige encore sur nos toiles un droit de 20 à 30 p. c. » Et plus haut : « Les tarifs de l’Allemagne, de France et d’Angleterre sur les toiles sont tellement rigoureux qu’ils nous font la guerre en pleine paix. » Et plus bas : « Vous n’aurez pas oublié, messieurs, que dans les questions sur lesquelles M. Thiers appelle l’attention du commerce de France, et des chambres consultatives et de manufactures, il dit (quatrième question) : que les marchands et fabricants de toile demandent une majoration d’impôt, et prétendent que le droit protecteur de 20 à 30 p. c. est insuffisant ; car ils craignent encore, malgré ce droit exorbitant, une perturbation violente dans l’industrie manufacturière des toiles de France. » Eh bien, aujourd’hui, ce droit jusque-là exorbitant, devient tout à coup un droit très modéré de 7 p. c. sur les toiles d’Allemagne et de 14 pour cent au plus sur nos toiles belges ! A la vérité, ce n’est pas un droit de 30 à 40 p. c. qu’il annonçait ; le droit français n’était, selon lui, que 20 à 30 p. c. ; mais comme M. Bekaert parlait à la fois de la Prusse, de la France et de l’Angleterre, et que le tarif français pourrait être le moins élevé, il est possible que les calculs des deux honorables membres concordent entre eux, mais seulement sur le chiffre de 30 p. c. à la valeur, au lieu de 7 à 14 p. c.

L’honorable M. Desmet a également énoncé son opinion sur le tarif français. Son chiffre est moins élevé. Vous allez voir cependant qu’il excède le taux de 7 p. c. Voici ce que je lis dans un mémoire du 2 décembre dernier qui a été aussi livré à l’impression et distribué : « Depuis 1815 jusqu’à ce jour, les droits d’entrée (sur les toiles), surtout en France, ont été de plus en plus augmentés et montent actuellement à environ 20 p. c., qui font en effet beaucoup de tort à notre commerce. »

Dans la séance du 2 juin ce n’était plus 20 p. c., c’était 13 à 14 pour cent.

Résumons donc les chiffres 45, 30, 20, 15, 14 p. c. Tous sont loin de descendre au taux de 7 p. c. qu’on prétend nous faire adopter.

Le rapporteur de la section centrale, sur l’assertion émise par M. Trentesaux que le droit français montait, d’après les défenseurs mêmes du projet à 30 p. c., s’est empressé de nous communiquer les observations d’un négociant des environs de Gand qui a beaucoup de relations avec la France, et qui lui affirmait que le droit français est de 15 à 16 p. c.

Selon la commission d’industrie, le tarif français impose un droit de 15 à 20 p. c.

Le rapport de M. Serruys, en date du 27 mai 1832, porte que le droit est exorbitant. Dans l’état de perfection de notre industrie linière, s’il n’était que de 7 p. c., nos commerçants n’auraient pas élevé des plaintes aussi vives.

Consultons l’opinion de l’auteur d’un mémoire extrêmement remarquable, d’un ancien membre du congrès, dont les connaissances spéciales doivent donner un grand poids à ses paroles ; je fais allusion à M. de Béthune, dont le mémoire, en date du 6 février 1834, est également entre vos mains.

Il indique les motifs de la décadence des toiles de Bretagne, contre lesquelles il soutient que nos toiles luttent avec avantage.

« Cette fabrique, dit-il, ne compte plus dans le commerce ; elle est presqu’anéantie. La raison en est dans le tarif français même qui, en faisant baisser nos tissus dans nos marchés nous a mis dans le cas de fournir à l’Espagne, à peu près au prix des mauvaises toiles de Bretagne, nos bonnes toiles qui par leur force s’y sont acquis une préférence marquée. La consommation française rejetant elle-même les qualités légères, la fabrique de la Bretagne est perdue pour toujours. C’est ainsi que par l’établissement de ses droits élevés, la France se fermait à elle-même les débouchés extérieurs. »

Ainsi l’adoption du tarif français, précisément parce qu’il emporte des droits exorbitants, a, selon M. de Béthune, été fatale à l’industrie française elle-même !

C’est après que cette vérité a été proclamée par un homme ayant des connaissances spéciales que l’on vient vous proposer d’adopter le tarif français dont la conséquence serait d’élever les prix à l’intérieur, mais de fermer nos débouchés à l’extérieur.

En faisant d’autres comparaisons mes doutes augmentent. La section centrale nous a présenté un premier travail dont les chiffres diffèrent de ceux de son second travail.

Pour les toiles de 8 à 15 fils elle proposait d’abord un droit de 50 fr. par 100 kil. ; maintenant, invoquant des expériences faites sous la direction du ministre des finances, elle demande 65 fr. par 100 kil. ; et elle nous a dit dans l’un et dans l’autre cas que cela n’emportait qu’un droit de 7 p. c. à la valeur. Il y a opposition formelle entre ces deux assertions : s’il y a un droit de 7 p. c. au moyen de 50 fr., il y a 9 ou 10 p. c. au moyen d’un droit de 65 fr.

Voyons ce qui concerne le linge de table. Dans le premier tarif de la section centrale on nous demandait 250 fr., maintenant on demande 260 fr. ; pour le linge de table blanchi on demandait 400 fr., maintenant on demande 417 fr. (pour le linge damassé on demandait 450 fr., maintenant on demande 517 fr.) Le premier calcul, disait-on, établissait un droit de 7 p. c. à la valeur on assure que le second tarif établit un droit identique ; cela est-il concevable ?

L’honorable M. Bekaert avait, dans son premier discours, déclaré adopter la proposition faite par M. de Foere. Or, dans cette proposition on demandait 270 fr. sur le linge de table ouvragé et 450 fr. sur le linge de table damassé. M. de Foere présentait ces chiffres comme devant emporter un droit effectif de 10 p. c. à la valeur : eh bien, maintenant on augmente les chiffres et on soutient que le droit à la valeur sera diminué, sera de 7 p. c. : où donc est la vérité ?

Voilà un aperçu des différentes assertions de plusieurs de nos honorables collègues.

Je vous ai entretenus de l’opinion publiée par des hommes éclairés dans ces matières spéciales ; qu’en pourrez-vous conclure ? vous en tirerez, si vous voulez, la conséquence que d’après ce qu’on vous propose le droit à la valeur ne sera pas à 10 p. c., ni à 12 p. c., ni même à 15 p. c. ; mais à 20 p. c. et même plus.

J’ai dit que j’étais à même de prouver à la chambre que les chiffres que j’avais présentés étaient les chiffres les plus favorables aux défenseurs du projet. Ce que je viens de vous exposer est déjà un commencement de démonstration de cette vérité. J’ai soutenu encore que nous devions nous garder de voter autre chose qu’un droit modéré, (et je regarde 7 p. c. à la valeur comme un droit modéré), et que nous devions surtout nous garder d’adopter te tarif français qu’on nous propose maintenant en réalité.

Il faut surtout favoriser nos exportations, car nous possédons le marché à l’intérieur : relativement au marché intérieur j’avais dit que la consommation de toiles étrangères, allemandes ou françaises, était de 800,000 fr. ; il paraît qu’oubliant les coutils, qui dans le tableau officiel qui m’a été communiqué, n’étaient point portés avec les toiles, j’aurais dû porter le chiffre à 950,000 fr. environ ; mais comparez ce chiffre avec celui de la production que j’évaluais à 40 millions d’après M. A. Rodenbach, et qu’il faut évaluer à 55 millions d’après M. de Béthune, et vous verrez combien la consommation de toiles étrangères a peu d’influence sur votre industrie. Comparez encore ce chiffre de 950,000 fr. avec celui de 10 millions qui exprime la consommation intérieure, et vous serez encore convaincus du peu d’influence de l’importation des toiles étrangères sur notre fabrication de toiles.

C’est en présence de pareils faits que l’on veut faire peur à nos fabricants d’une importation de 950,000 fr. ; c’est par suite de cette peur qu’on veut faire adopter un tarif qui a été si nuisible à la fabrication française de toiles.

J’ai fait remarquer que les toiles allemandes n’entraient pas seules en Belgique ; qu’il en entrait un quart de toiles françaises ; je ferai remarquer en outre que les toiles d’Allemagne entrent aussi en France, cependant notre industrie a moins besoin de protection que l’industrie française ; nous fabriquons mieux.

Nous ne devons donc pas adopter le chiffre élevé du tarif français.

On dit dans le dernier rapport de la section centrale que le tarif français appliqué aux toiles belges et aux toiles allemandes emporte une différence de 2 à 1 ou un droit de 14 p. c. sur les toiles belges et un droit de 7 p. c. sur les toiles allemandes.

Dans le premier rapport on nous disait que la différence n’était pas aussi grande et qu’elle était dans le rapport de 1 à 1 et demi. Voilà deux calculs, quel est le vrai ?

D’après le rapport de la commission d’industrie, fait l’année dernière, les toiles d’Allemagne avaient éprouvé inopinément l’année dernière, une hausse de 40 p. c. par suite de commandes extraordinaires pour l’Amérique et c’est le moment de cette hausse momentanée peut-être, que l’on prend pour établir les calculs qu’on nous présente.

Remarquez que la conséquence doit être de faire peser d’une manière permanente les droits calculés à la valeur, dans un moment où cette valeur est élevée.

Plus les toiles sont à des prix élevés, plus le droit au compte-fils semble baisser lorsque vous le réduisez à la valeur.

Le renchérissement de la matière première, du lin, a causé une augmentation sur les toiles. Les prix des toiles sont augmentés, c’est un fait qui est constaté dans les documents même que nous avons sous les yeux ; c’est ce moment que l’on choisit pour faire des calculs afin d’établir le rapport du compte-fils avec le droit à la valeur. Eh bien, par suite de l’abondance des récoltes, que le lin reprenne un taux modéré, les toiles baisseront également de prix ; il en résultera que votre droit supposé n’être aujourd’hui que de 7 p. c. sera alors de 10 ou 15 p. c.

Pour établir un calcul véritable, il eût fallu prendre pour base le prix ordinaire, ou le prix moyen, et non le prix du moment, le prix qui résulte de circonstances accidentelles en temporaires.

Cette considération explique comment quelques membres de la section centrale et certains orateurs ont différé sur l’élévation d’un droit du tarif français ; les uns ayant dit que le droit était de 25 à 30 p. c., tandis que les autres ont dit qu’il était seulement de 15 à 20 p. c. Cette contradiction vient de ce que l’on a calculé tantôt sur le prix ordinaire, et tantôt sur le prix élevé. Puisque le prix est variable, il fallait, je le répète, prendre pour base le prix moyen.

Il me paraît évident que vous ne pouvez adopter le tarif qui vous est présenté.

M. Desmaisières, rapporteur. - On revient sans cesse sur des questions débattues, on vient contredire des chiffres dont la chambre a reconnu l’exactitude en adoptant ma proposition.

M. Dubus a soutenu de nouveau que le chiffre des importations en 1831 était de 600,000 fr. ; en 1832, de 800,000 ; en 1833, de 900 et tant de mille francs. D’abord, ainsi que je l’ai dit hier, je conteste l’exactitude de ces chiffres, et je n’ai besoin pour cela que d’une seule preuve. Un honorable membre qui assiste en ce moment à la séance, et qui habite une province où l’on consomme beaucoup de toiles d’Allemagne, a dit que nos provinces sont encombrées de toiles allemandes et que cet encombrement résulte particulièrement de ce que, depuis nos événements politiques, la fraude se faisait beaucoup plus facilement. L’honorable membre a ajouté que dans quelques provinces l’encombrement était tel, qu’il y avait des toiles pour plusieurs années. Je le demande, en présence d’une importation si considérable, les chiffres de l’honorable M. Dubus peuvent-ils être justes ?

Mais j’admets que ces chiffres soient exacts ; je le répète, il y a encore nécessité d’accorder une protection à notre industrie linière. Vous voyez d’après les chiffres mêmes que l’importation a été toujours en augmentant, si cette progression allait toujours croissant, dans quelques années l’importation des toiles s’élèverait à des millions. Ce n’est pas lorsqu’on aura introduit des toiles dont la valeur s’élèverait à des millions, qu’il faudrait prendre des mesures pour empêcher une importation si considérable.

L’honorable préopinant a essayé de nous mettre en contradiction avec nous-mêmes ; il a rappelé l’opinion que quelques membres ont eu autrefois et leur opinion d’aujourd’hui, et il a trouvé là une contradiction ; il a même insinué que j’étais aussi en opposition avec moi-même.

Messieurs, je l’ai dit, et je le répète, mon opinion est que les droits reviennent à 15 p. c., et que les droits perçus sur les toiles allemandes ne reviennent qu’à la moitié ; ainsi cela fait à peu près 7 p. c.

Quant aux autres membres que l’honorable préopinant a prétendu être en contradiction avec eux-mêmes, je dirai que ces membres ont pu penser que les droits perçus en France étaient de 25 à 30 p. c., leur opinions alors étaient fondées sur de pures hypothèses, comme l’est actuellement celle de l’honorable préopinant, tandis que leur opinion d’aujourd’hui est fondée sur des chiffres résultant de moyens purement mécaniques.

Je ne conçois donc pas que l’on vienne aujourd’hui répéter des assertions hasardées, je dirai presque des chicanes.

Maintenant que M. le ministre des finances, par des expériences, a prouvé que le droit, terme moyen, reviendrait à 7 p. c., on ne peut venir contester l’exactitude d’un calcul qui a été établi par la chambre de commerce de Courtray, par la section centrale, et le ministre des finances.

Je m’étais proposé de vous exposer les motifs qui ont déterminé la section centrale dans la rédaction du tarif : comme on vient attaquer chaque article du tarif, je défendrai successivement chaque article.


8 fils à 12 exclusivement. 65 francs. Pour un coupon de toile d’Allemagne de 10 fils, le ministère est arrivé à raison de 7 p. c., à un droit de 55 fr., et pour un coupon de toile d’Allemagne de 11 fils, à 70 fr.

La chambre de commerce de Courtray ainsi que la section centrale, pour une pièce entière de 9 fils et demi, sont arrivées à 50 fr.

Comme 10 fils et 9 fils et demi sont dans le degré le plus bas et se rapprochent assez par les résultats, nous avons pris la moyenne entre deux fois le droit de 11 fils et ceux de 9 et demi et 10 fils, 70 francs.

Le total est 245 francs.

Un quart, 61 francs.

Le droit français est de 65 francs.

Différence, 4 francs.

Point de difficulté ici donc, avons-nous dit, quant aux chiffres, à ce que nous nous conformions à la proposition de M. de Robaulx, qui, malgré tout ce qu’on a pu dire, a, selon nous du moins, été adoptée implicitement lorsque la chambre a admis le chiffre de 30 francs pour les toiles de moins de 8 fils.


12 fils à 16 exclusivement. 105 francs. Pour une toile de 15 fils le ministère est arrivé à un droit de 126 fr. ; la section centrale pour une toile de 14 fils, à 100 fr. ; le chiffre français est de 105 fr.

Comme l’opération du ministère porte sur une toile du maximum de la classification, que celle de la section centrale porte juste sur le nombre moyen, et qu’il n’y a entre son chiffre et celui français qu’une légère différence de 5 francs, nous avons de nouveau, par suite de l’adoption implicite de la proposition de M. de Robaulx, adopté le chiffre français.


16 fils à 18 exclusivement. 170 francs. Pour une toile de cette classification, la chambre de commerce de Courtray n’était arrivée qu’à un droit de 140 fr.

La section centrale n’avait pu se procurer une toile de cette espèce à Gand (venant d’Allemagne bien entendu) ; mais comme les autres chiffres s’accordaient avec ceux de Courtray, elle avait admis ce droit.

M. le ministre des finances a été plus heureux lui à Bruxelles, il a trouvé une toile d’Allemagne de 17 fils, et il est arrivé à un droit de 168 fr.

Le droit français étant de 170 francs, n’en diffère que de 2 fr. et par conséquent nous l’avons adopté.


18 fils à 20 exclusivement. 240 francs. La chambre de commerce de Courtray et la section centrale après elle, ayant pris pour classe extrême 18 et au-dessus, et ayant calculé sur une toile d’à peu près 19 fils, étaient arrivées à 220 francs.

Le ministère n’a pas pu trouver de toiles de cette classe ; mais comme il y avait déjà concordance parfaite entre tous ses résultats antérieurs et que le chiffre de la section centrale ne différait que de 20 francs avec celui français, nous avons toujours, par les mêmes motifs déduits ci-dessus, adopté ce dernier chiffre qui est de 240 fr.


20 fils et au-dessus. 350 francs. Ici c’est une classe supérieure à celle qu’avait d’abord proposée la section centrale ; il n’existe donc point des calculs antérieures à cet égard. Le ministère ayant pris pour moyenne de sa classification extrême le nombre de 23 fils, est arrivé, pour le droit calculé par les moyens purement mécaniques du mode de tarification vraiment admirable que vous avez adopté, précisément au même chiffre de 350 francs que porte le tarif français pour cette classe supérieure extrême.

Vous voyez que nos calculs et nos opérations sont parfaitement justifiés.

Je répondrai maintenant un mot à l’honorable M. Lardinois qui nous montre tant de crainte de ce que nos droits dépassent quelque peu 7 p. c., alors que lui-même reconnaît la nécessité d’accorder une protection à l’industrie linière, tandis que l’industrie de Verviers jouit depuis longtemps de la prohibition des draps français.

M. Lardinois. - Nous n’avons pas besoin d’une prohibition.

M. Desmaisières, rapporteur. - Vous n’en avez peut-être plus besoin maintenant, parce qu’à l’aide de la protection dont vous avez joui jusqu’à présent, vous êtes parvenus à perfectionner votre fabrication de manière à pouvoir soutenir avec avantage la concurrence avec les produits des autres pays.

M. Lardinois. - Après les observations lumineuses présentées par l’honorable M. Dubus, il me reste peu de chose à dire. Il doit être évident pour tout le monde que le tarif français ne peut être adopté à moins de se jeter dans le funeste système qui pèse sur la France.

Le seul moyen de sortir de la discussion actuelle, c’est de suivre la marche que j’ai proposée. Il faudrait que le rapporteur de la section centrale et le ministre des finances s’expliquassent franchement sur le taux auquel doit être porté le droit d’entrée sur les toiles. Quand nous aurons cette base, on pourra discuter sur chaque article ; et comme il y a contradiction dans les calculs, on renverra le tableau à une commission de vérification afin d’établir les chiffres définitifs au second vote.

L’honorable préopinant vient de dire qu’il y a eu accord parfait entre la section centrale, le ministre des finances et la chambre de commerce de Courtray. Je ne ferai qu’une seule observation, pour réfuter cette assertion. Comment se fait-il que dans le premier tableau, dont les calculs avaient été faits de manière à établir un droit de 7 p. c., la section centrale proposait de fixer le droit à 220 fr. pour 100 kil. pour les toiles de 18 à 20 fils et que maintenant, elle propose de porter ce droit à 350. Différence, 130 francs.

M. Desmaisières, rapporteur. - C’est pour les toiles de 20 fils et au-dessus, qu’on propose de fixer le droit à 350 francs.

M. Lardinois. - Vous ne demandiez que 220 francs pour les toiles de 18 fils et au-dessus.

Pour la toile écrue de 8 fils on ne proposait qu’un droit de 50 francs et aujourd’hui on l’élève à 120, c’est-à-dire de cent pour cent. Et cela toujours dans la vue de ne frapper ces objets que d’un droit de 7 p. c. sur la valeur.

Vous voyez qu’on ne peut avoir confiance dans tous ces calculs, qu’il faudra renvoyer le tableau à une commission qui vérifiera les opérations et le mettra en rapport avec la base adoptée de 7 ou 10 p. c. de la valeur. Je pense qu’on ne veut pas avoir un tarif à tout prix.

Je ne reviendrai pas sur l’origine des coupons qui ont servi de base aux opérations ; je dirai seulement que je n’ai pas aperçu de marque qui indiquât qu’ils fussent d’origine étrangère ; je pourrais dire comme l’honorable M. Trentesaux que le ministre a été mis dedans.

L’honorable préopinant pour répondre à la crainte que j’avais exprimée que le droit ne fût élevé de quelques pour cent m’a objecté que les draps de Verviers étaient mieux protégés que l’industrie linière, les draps français étant tout à fait prohibés.

Cela est vrai. Le roi Guillaume, dans un moment de colère, voulant user de représailles contre la France, établit la prohibition à l’entrée des draps, des cristaux et de quelques autres articles ; mais je considère cette mesure comme une sottise.

J’ai pour principe de ne jamais transiger avec mes convictions et mon vote ne sera jamais influencé par une question d’élection : quoique député de Verviers, si l’intérêt général exigeait que les draps français ne fussent soumis à l’entrée qu’à un droit de 10 p. c., je ne balancerai pas à donner mon assentiment à une pareille modification.

La concurrence que nous craignons le plus n’est pas celle des draps français, mais bien celle des draps allemands et cependant ceux-ci ne sont soumis à leur entrée en Belgique qu’à un droit de 6 à 8 p. c. Au reste, l’industrie de Verviers ne demande que des débouchés et l’on ne peut les obtenir par une guerre de douanes.

M. Bekaert. - J’ai pris la parole pour donner à M. Dubus les explications qu’il a provoquées de ma part.

Il ne peut s’expliquer comment il est possible qu’en adoptant le tarif français pour les toiles étrangères, nous puissions arriver à un droit de 7 p. c., tandis que dans le discours que j’ai prononcé dans la séance du 18 juin, j’avais avancé que nos toiles n’étaient admises chez nos voisins que moyennant le droit excessif de 30 à 40 p. c.

Je prie l’honorable membre d’observer que s’il veut se donner la peine de cumuler les chiffres des trois tarifs d’Allemagne, de France et d’Angleterre, il arrivera, pour les blanches, à la moyenne de 30 p. c. Si maintenant il veut prendre en considération que le tarif français double pour les toiles blanches le droit établi pour les écrues, tandis que le tarif que nous avons eu l’honneur de vous présenter ne porte que la moitié en sus, il trouvera une différence de 1/4 dans les droits respectifs, et ensuite, faisant la part de la différence qui existe entre les toiles allemandes et les nôtres, il arrivera à la conviction que les toiles de Silésie ne seront imposées qu’à 7 p. c. Ce calcul, qui est tout arithmétique, est de nature à donner tout l’apaisement qu’on a paru désirer.

Quant aux importations, je dirai que jamais on n’a pu en connaître le chiffre. Nous avions intérêt à ne pas déclarer la véritable valeur, afin de ne pas éveiller l’attention du gouvernement français. L’Allemagne en agissait de même. Ainsi, aucune statistique ne peut donner le chiffre de nos importations en France.

Pour les toiles que nous recevons, elles nous viennent toutes d’Allemagne, et si M. Dubus a trouvé qu’il était entré en Belgique des toiles venant de France, je lui dirai, j’en parle avec connaissance de cause, car j’ai une maison à Lille, que ce sont des toiles qu’au moyen d’un licet on fait rentrer, pour les repasser au blanc, et leur donner un nouvel apprêt. Jamais personne n’a acheté de toiles françaises dans le pays.

Quant aux observations de M. de Béthune, elles sont exactes. Depuis notre séparation de la France, nos toiles ont subi une grande diminution, qui nous a donné le moyen de soutenir la concurrence avec les toiles de France sur les marchés d’Espagne.

M. Lardinois peut se montrer généreux, après avoir joui longtemps d’une prohibition qui l’a mis à même de soutenir la concurrence avec les fabriques étrangères. Cependant, il demanderait encore un droit de 10 p. c., alors qu’il ne veut accorder que 7 à l’industrie linière.

M. Desmet. - Quoique je sois Flamand et que je ferai tout ce qui m’est possible pour protéger notre industrie linière, cependant je ne suis pas homme à vouloir mettre quelqu’un dedans, comme le disait tout à l’heure l’honorable député de Verviers qui siège derrière moi ; mais comme j’ai aussi vérifié le calcul du projet de tarif proposé par le ministre et la section centrale, je puis assurer nos honorables adversaires qu’ils ne seront pas mis dedans en adoptant le tarif présenté, et que réellement le droit ne sera qu’environ 7 pour cent de la valeur ; et si une fois quelques députés ont été mis dedans, ce sont certainement en partie ceux des Flandres ; qu’on se rappelle le vote du chemin de fer.

Mais j’ai demandé la parole pour répondre deux mots à notre honorable adversaire, député de Tournay, qui nous a accusés de contradiction, parce que dans les développements que nous avions donnés de notre proposition sur la sortie du lin, j’avais dit que les droits sur nos toiles à l’entrée, en France étaient encore de 20 p.c., tandis qu’il y a trois ou quatre jours j’avais avancé que ces droits ne montaient qu’à 14 et 15 p. c.

Il est vrai que dans ces développements j’avais avancé que les droits s’élevaient environ à 20 p. c., mais je n’avais pas fait alors le calcul moi-même ; je l’avais pris d’un écrit sur la matière, publié par l’ex-commissaire du district de St-Nicolas, M. Van den Bogarde : mais le calcul que j’ai présenté il y a quelques jours à la chambre a été fait par moi, et j’ose croire qu’il est exact ; si donc l’honorable M. Dubus eût voulu loyalement nous combattre, il aurait dû critiquer ce calcul, ce qu’il n’a pas fait.

M. Lardinois. - Je rappellerai à M. le rapporteur de la section centrale que je lui avait fait une question à laquelle il aura oublié de me répondre. Je ne puis l’y contraindre. Je voudrais cependant que l’on me dît à quel taux M. le ministre des finances a prétendu établir le droit sur les toiles étrangères.

- Voix nombreuses. - A 7 pour cent.

M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Il est résulté de toute la discussion que l’intention de la chambre est de fixer ce taux à 7 p. c. Les expériences faites au moyen du compte-fils dans les bureaux de mon département, ont été faites d’après cette base.

M. Lardinois. - Je propose à la chambre que les toiles d’emballage de 1 à 3 fils ne soient imposées que d’un droit de 5 fr. Si le droit de 10 francs était conservé, ce serait établir sur leur valeur un droit de 17 à 20 p. c.

M. Desmaisières, rapporteur. - Je ne m’oppose pas à ce que l’amendement de M. Lardinois soit adopté. Cependant il faut bien s’arrêter à une limite. Nous nous sommes arrêté à 5 fils. Mais que le droit soit de 15 francs ou de 1 franc, cela a peu d’importance. Les calculs de M. Lardinois portent sur les toiles de 1 à 2 fils qui sont extrêmement pesantes, et par conséquent entraînent des frais de transport trop considérables pour que leur importation soit de quelque valeur.

M. Lardinois. - Je modifierai mon amendement de la manière suivante. Je demande que les toiles au-dessous de 4 fils soient imposées à 5 francs par 100 kilogrammes. Le rapporteur de la section centrale vient de dire qu’il entrait fort peu de cette espèce de toiles dans notre pays. Je puis certifier que le commerce de Verviers ne se sert que des toiles d’emballage qui viennent de l’Allemagne, et qu’il en entre annuellement dans cette ville pour une valeur de cent mille francs.

M. de Robaulx. - Je demanderai s’il existe des toiles de 2 fils sur 3 millimètres.

- Une voix. - Il y en a d’un fil seulement.

M. de Robaulx. - En ce cas c’est de bonne toile. Elle ne s’usera pas facilement.

La section centrale avait décidé que les toiles de 5 fils et au-dessous seraient imposées d’un droit de 10 fr. par 100 kilog. Si vous faites une diminution de moitié en faveur des toiles au-dessous de 4 fils, il y aura une disproportion trop forte. La section centrale a basé ses chiffres sur des données certaines. Il me semble que nous devons avoir plus de confiance dans ses calculs que dans ceux d’un amendement improvisé. Je ne prétends pas que celui de M. Lardinois ne soit pas fondé ; mais je demande si ce n’est pas détruire l’échelle de proportion que la section centrale a cru devoir établir, que d’établir une différence de 50 p. c. entre les toiles à 3 fils et celles à 4 fils sur 5 millimètres.

M. Lardinois. - J’emploierai le même argument que celui dont vient de se servir le rapporteur de la section centrale. Je dis, messieurs, qu’il faut bien s’arrêter à un chiffre. Vous rencontrerez le même inconvénient dans tout le projet. Ainsi vous avez établi une différence de droit entre les toiles de 5 fils et celles de 8. Je vous ai présenté mon amendement parce que les toiles de 2 à 3 fils, qui sont des toiles d’emballage, si elles étaient imposées à 10 fr. par 100 kilogrammes, supporteraient à l’entrée un droit de 17 à 20 p. c. On a déclaré que l’intention de la chambre était que le droit ne fût que 7 à 10 p. c.

M. A. Rodenbach. - Si vous introduisez dans la loi des classifications nouvelles, vous ferez un dédale dont les employés de la douane auront peine à sortir. Je demande le maintien du tarif de la section centrale, parce que la fabrication des toiles d’emballage mérite votre sollicitude. Elle compose les moyens de subsistance de la classe pauvre de Renaix et de Zele.

On a prétendu que les importations de toiles étrangères dans notre pays ne s’élevaient qu’à une valeur de 800,000 fr. Quelques membres l’ont portée à 950.000 fr. Mais la révélation que vient de faire l’honorable député de Verviers, en constatant qu’il entre dans cette ville seule pour 100,000 fr. de toiles d’emballage, ne fait-elle pas présumer un chiffre beaucoup plus élevé pour les autres branches de l’industrie linière ?

On a attaqué les chiffres que j’ai présentés comme représentant le total des importations de cette matière. Je déclare avoir puisé ces données dans les renseignements que m’a fournis le département des finances, renseignements qui, loin d’être isolés comme on a voulu le faire entendre, présentent un tout bien complet, attendu que les employés du département des finances ont eu tout le temps nécessaire pour me les fournir.

Le premier semestre de 1833 présente d’après ces renseignements une importation de 505,086 fr. de toiles étrangères.

M. d’Huart. - J’appuie l’amendement de M. Lardinois. La difficulté de compter les fils n’existe pas ici ; dans les toiles d’emballage il y a moins de fils à compter. Mais, dit M. A. Rodenbach, dans deux communes pauvres on fabrique ces toiles grossières, et vous allez favoriser l’étranger. L’honorable membre ne remarque pas qu’il n’existe maintenant qu’un droit de un pour cent et que l’on propose d’en établir un de dix pour cent. Cette augmentation du droit est une protection suffisante.

M. de Robaulx objecte que la proportion n’est pas gardée entre la valeur des toiles grossières et l’impôt qui les frappe ; son objection est exacte ; mais la disproportion est bien plus grande quand on considère le tarif des toiles au-dessus de cinq fils.

Toute cette disproportion prouve le vice permanent du tarif. M. A. Rodenbach trouve que tous les chiffres statistiques qu’on a présentes sont erronés ; je suis de son avis et je dis de plus que tous les chiffres qui nous occupent sont erronés.

M. de Robaulx. - On dit que dans l’opération du compte-fils il faudra, dans le doute, adopter ce qui est à l’avantage du contribuable. On vient de m’assurer que des fils de toiles d’emballage ont jusqu’à trois millimètres de largeur ; faudra-t-il décompter ces fils ? Je crois qu’il ne faut faire qu’une catégorie des toiles de un à cinq fils.

M. Desmaisières, rapporteur. - On a fait des expériences d’après les calculs présentés par l’honorable M. Legrelle, et le droit a été établi, conformément aux expériences, à 7 p. c. Toutes les toiles à voiles ou d’emballage ont été soumises aux mêmes expériences ; c’est d’après leur poids et leur valeur que les droits ont été établis.

Dans mon opinion il n’entre pas de toiles d’emballage en Belgique. M. Lardinois affirme qu’il en entre et qu’il en fait usage ; il ajoute même qu’il en entre pour cent mille francs par année ; s’il en est ainsi, je m’oppose à l’amendement, parce que la toile d’emballage faite par les pauvres, et employant les plus mauvaises matières, mérite le plus protection et encouragement. (La clôture ! la clôture !)

M. le président. - Dix membres demandent-ils la clôture ?

M. Fleussu. - Toute la chambre demande la clôture.

M. Dubus. - C’est au moment où l’amendement de M. Lardinois vient d’être combattu par le rapporteur de la section centrale que vous voulez clore la discussion ; cela n’est pas possible, je me propose de réfuter M. le rapporteur ; je suis d’avis qu’il faut adopter l’amendement.

- La chambre, consultée, ferme la discussion.


L’article premier du tarif présenté par la section centrale, mis aux voix, est adopté.


L’article deux du même tarif est mis en délibération.

M. le président. - La section centrale propose le chiffre 30 fr. M. de Roo a proposé le chiffre 40 fr.

M. de Roo. - La section centrale elle-même, dans son premier travail, demandait pour les toiles de moins de huit fils un droit de 40 fr. ; m’emparant des motifs qu’elle exposait dans son rapport, je m’emparais de cette proposition ; mais d’après de nouvelles expériences la section centrale a réduit son chiffre ; éclairé par les explications qu’elle a données, je retire mon amendement et adhère à la proposition de la section centrale.

M. Dubus. - M. de Robaulx vient de vous faire remarquer que le chiffre des toiles de cette catégorie avec le chiffre des toiles de la première catégorie présentait trop de différence ; je le pense comme lui.

M. de Foere proposait de frapper la seconde catégorie, ou les toiles de moins de huit fils, d’un droit de 47 fr. ; il me semble que ce chiffre est le plus élevé de ceux qu’en peut admettre. Je proposerai formellement, par amendement, le chiffre 27 fr.

M. de Robaulx. - Il semblerait d’après ce que vient de dire M. Dubus que je serais en contradiction avec moi-même ; je ne veux pas que cette assertion subsiste.

Ce n’est pas moi qui suis l’auteur des fractionnements de l’article. J’avais proposé une catégorie de 1 à 8 fils, comme le tarif français, on a cru qu’il fallait une protection plus spéciale, et c’est M. Dubus lui-même, je crois, qui a demandé une modification du droit à l’égard des étoupes, en disant que le droit serait exorbitant. La section centrale a adopté la fraction du tarif ; quant à moi, je ne m’arrête pas à tous les calculs mécaniques.

Quant à la proposition de M. Dubus, vous avez adopté un droit de 30 p. c. conformément au tarif français, si maintenant vous adoptez un droit de 27 francs, nous allons retomber dans des calculs inextricables, et vous ne saurez plus quelle proportion établir pour les autres numéros du tarif.

Nous devons suivre le tarif français, car je crois qu’il a été fait par de plus savants que nous.

M. Desmaisières, rapporteur. - Si la section centrale avait proposé 40 fr. au lieu de 30 fr. qui est le droit français, c’est parce que n’ayant commencé ses calculs qu’à 8 fils et ayant trouvé pour les toiles de 8 à 12 fils un droit de 50 fr., elle a cru qu’en diminuant d’un cinquième pour les toiles de moins de 8 fils, il en résulterait bien que le droit eût peut-être été un peu forcé à l’égard de ces espèces, mais que cela ne serait jamais qu’en faveur des toiles d’étoupes faites par les plus ouvriers pauvres et servant aux vêtements de ces mêmes pauvres, qui ainsi n’ont d’autres déboursés à faire pour se vêtir que l’achat de la matière première et le travail de leurs bras.

Parmi les expériences faites par M. le ministre des finances, il en est une qui avait pour objet de vérifier cette assertion de la chambre de commerce de Courtrai, que les toiles d’Allemagne payent en France moitié moins de droit que les toiles belges. Je citerai à cet égard un exemple relatif aux toiles écrues dites Brondene de Gand ; un coupon de cette toile d’une aune de 73 grammes, du poids de 260 grammes, ayant 7 fils sur 5 millimètres de chaîne et du prix de 63 centimes, payerait d’après les calculs de M. le ministre, un droit de 16 fr. en l’établissant sur le pied de 7 p. c. Voilà pour la toile belge. Mais maintenant la toile d’Allemagne devant payer un droit dont le chiffre soit double, on arrive pour cette espèce de toiles allemandes au chiffre de 32 francs. Le chiffre français est de 30 fr. ; ainsi vous voyez qu’ici encore il y a concordance dans les divers calculs. Je demande le question préalable sur la proposition de M. Dubus.

M. Dubus. - Nous venons de voter que le droit sur les toiles ayant moins de 5 fils serait de 10 fr. par 100 kilogrammes, nous avons aussi remis en discussion le premier article du tarif ; or, une proposition est une conséquence de ce vote, je ne comprendrais pas comment l’honorable rapporteur pourrait soutenir à la fois que la chambre a pu modifier le premier article du tarif, et qu’elle ne le pourrait modifier qu’en ce qui concerne les toiles de moins de 5 fils.

Evidemment, la chambre ne peut décider le pour et le contre.

M. Lardinois. - Vous avez entendu mettre un droit de 7 p. c. sur les toiles. L’honorable rapporteur de la section centrale dit dans son rapport après diverses considérations :

« La section centrale a donc adopté à l’égard des toiles écrues les droits d’entrée suivants qui reviennent à 7 pour cent de la valeur. »

Et pour les toiles de 8 à 12 fils elle fixait ce droit à 50 fr. les 100 kil. Maintenant on demande que ce droit soit de 65 fr. Je propose de le réduire au taux primitivement proposé.

M. Desmaisières, rapporteur. - Je ne sais pas si je dois encore répéter des explications que j’ai données dix fois. Je pense qu’il y a des membres qui n’écoutent pas.

M. Lardinois. - J’écoute toujours avec beaucoup d’attention M. le rapporteur ; mais je n’ai jusqu’à présent entendu aucune explication sur la différence que je viens de signaler.

M. Dubus. - Je suis de ceux qui ne trouvent pas les explications suffisantes sur le point dont il s’agit.

La section centrale dans son rapport dit que ses calculs sont faits en prenant pour base un droit de 7 p. c. de la valeur. Lisez ce rapport page 61 et vous verrez que les calculs ont été faits d’après des toiles d’Allemagne, dont le poids est infiniment moindre que celui des autres. Eh bien, la section centrale a pensé que pour atteindre les toiles d’Allemagne de 8 à 12 fils d’un droit de 7 pour cent, il fallait fixer ce droit à 50 fr. par 100 fr. Maintenant on demande un droit de 30 p. c. plus élevé. Cette différence mérite une explication. On dit qu’elle a été donnée deux fois, quant à moi je ne l’ai pas entendue une seule.

- L’amendement de M. Lardinois est mis aux voix et rejeté.

La proposition de la section centrale est adoptée.


« Pour les toiles de 12 fils inclus à 16 exclus : entrée 105 ; sortie libre ; transit 0-25. »

- Adopté.


« Pour les toiles de 16 inclus à 18 exclus : entrée 170 ; sortie libre ; transit 0-25. »

- Adopté.


« Pour les toiles de 18 fils inclus à 20 exclus : entrée 240 ; sortie libre ; transit 0-25. »

M. de Robaulx. - Je demande la parole pour avoir des explications de M. le rapporteur sur un point. J’ai bien proposé le tarif français comme moyen de protéger notre industrie, mais nous ne devons pas l’adopter dans toutes ses parties ; car il en est qui ont pour objet de protéger des produits qui sont particuliers à la France. Par exemple, nous n’avons pas à adopter le tarif en ce qui concerne les batistes, car il ne s’en fabrique pas en Belgique. La France a pu vouloir, pour protéger ses batistes, frapper ce tissu d’un droit excessif à l’entrée. Nous n’avons pas le même intérêt.

M. A. Rodenbach. - C’est du luxe.

M. de Robaulx. - Nous ne votons pas ici une loi d’impôt, mais une loi de protection pour notre industrie, ainsi nous n’avons pas à examiner si tel produit doit être plus ou moins frappé comme objet de luxe. Si nous ne fabriquons pas de batiste nous ne devons pas les frapper d’un droit exorbitant qui porterait sur le consommateur sans utilité pour notre industrie.

Si donc les batistes sont comprises dans les toiles de 16 à 20 fils, la section centrale devrait s’en expliquer ; je crois qu’elles sont plutôt dans la catégorie de 20 fils et au-dessus, mais je fais cette observation parce que je crois qu’il serait inutile de faire payer au consommateur un droit qui ne profiterait pas à notre industrie.

M. Desmaisières, rapporteur. - Les batistes ne se fabriquent pas dans notre pays ou du moins s’il s’en fabrique, la production doit être regardée comme minime. Mais comme l’intérêt du consommateur a été la première règle qui nous a guidés dans la fixation des droits à imposer sur les toiles, notre premier tarif ne contenait pas les toiles de 20 fils et au-dessus.

Mais M. le ministre des finances a pensé qu’il fallait y comprendre les toiles de 25 fils, terme qui a été pris pour point extrême et qui se trouve être également la limite du tarif français. La section centrale toujours guidée par l’adoption implicite de la proposition de M. de Robaulx, a cru devoir proposer une nouvelle classification, afin de rentrer tout à fait dans le système français.

Quant à la classe qu’occupent les batistes dans le tarif, je crois qu’elles sont généralement de 20 fils, mais qu’il en est qui descendent dans la catégorie des toiles à 18 fils, parce que si la trame en est très fine, elle est cependant très espacée.

M. de Robaulx. - Quand j’ai demandé que le tarif français fût adopté, il avait été entendu que j’avais été amené à faire cette demande par le désir de nous rapprocher du système financier de la France. Je n’avais en vue que la nécessité de frapper les toiles d’Allemagne. Mais du moment que le rapporteur de la section centrale a déclaré que nous ne fabriquons pas de batistes, il est évident que ce n’est pas un droit que nous établissons, mais véritablement un impôt nouveau sur le consommateur.

Je demanderai aux membres qui ont quelques connaissances commerciale, si nous recevons des batistes d’autre part que de la France. Dans ce cas il serait ridicule, tout en cherchant à nous rapprocher de son système financier pour obtenir de ce pays une bonne loi de douanes d’aller frapper d’un droit exorbitant une branche d’importation dont elle aurait le monopole. Je ne puis donc me ranger du côté du tarif français, du moment que son application rigoureuse se trouve être en contradiction avec les principes politiques que j’ai mis en avant dans la question qui nous occupe.

Je demanderai à M. le ministre des finances le montant du droit actuel sur les batistes ; je propose de faire disparaître le droit établi sur les toiles de plus de 20 fils, puisqu’il est reconnu que si les toiles d’Allemagne soit légères, leur trame est assez espacée pour ne jamais présenter plus de 20 fils par 5 millimètres, et que ce sont les toiles d’Allemagne seules dont nous frappons l’entrée.

M. Desmaisières, rapporteur. - La proposition que vous fait M. de Robaulx est entièrement résolue par le tarif même. Les batistes rentrant dans la classe de 20 fils et en les taxant à 350 fr. par 100 kilogrammes, le droit ne sera que de 3 fr. 50 c. par kilogramme et ne différera guère du droit actuel.

Vous serez peut-être étonnés du peu d’élévation du droit français. Mais il font remarquer qu’elle arrive à la prohibition des batiste étrangères, en prohibant la sortie du fil de mulquinerie qui ne se fabrique guère que dans ce pays.

M. de Robaulx. - J’ai dans les mains le tarif de 1822, J’y vois que les batistes, cotons, etc., y sont imposés d’un droit de 2 pour cent sur la valeur, je suppose. Je ne conçois pas que ce droit soit égal à celui de 350 fr. par kilogramme.

M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Le tarif sur la batiste a été porté en 1826 ; elle paie 8 florins à l’entrée.

M. de Robaulx. - S’il en est ainsi, je n’ai plus rien à dire ; on diminue le droit sur la marchandise française au lieu de l’augmenter.

M. d’Huart. - Je demanderai quels motifs portent la section centrale à faire un changement aussi notable dans le droit. La batiste paie 8 florins 41 cents ; on veut n’établir qu’un droit de 3 fl. 50 c. ; ce n’est pas là protéger notre industrie que de diminuer le droit d’une manière si considérable.

M. Desmaisières, rapporteur. - J’ai déjà dit qu’ici on avait eu égard au consommateurs ; nous n’avons pas de fabriques de batiste à protéger.

M. A. Rodenbach. - Nous ne devons pas admettre une diminution aussi considérable sur un objet de luxe. Je ne sais même pas pourquoi on ferait une diminution. Gardons cette diminution, si on doit l’opérer, pour la faire entrer en ligne de compte dans nos relations avec la France. Nous avons à Paris des commissaires qui font des réclamations. On ne nous accordera ce que nous demandons qu’à condition que nous consentirons à des sacrifices ; mettons en réserve l’article des linons et des batistes pour le diminuer et le mettre au nombre des sacrifices que nous consentirons.

Au reste ne permettons pas si facilement l’entrée des tissus fins de la France ; il faut protéger notre industrie cotonnière : on entreprend de confectionner en Belgique des mousselines fines comme en Angleterre ; faisons en sorte qu’on leur accorde la préférence. Ne faisons pas une diminution que la France ne demande pas.

M. Dubus. - J’appuie de mon vote les considérations présentées par M. A. Rodenbach, il ne faut pas diminuer le droit mis sur les batistes et les linons. Le chiffre de l’importation de ces produits s’élève à plus d’un million. Ce sont des tissus de luxe, ils peuvent mieux que les autres supporter les droits. Il ne faut pas admettre la proposition de M. de Robaulx ni celle de la section centrale. Il faut mettre dans la loi : Les droits sur les batistes et les linons sont maintenus. J’en fais la proposition formelle.

M. de Robaulx. - Je n’ai pas fait de proposition ; j’ai voulu m’éclairer : à présent qu’il y a doute sur l’opportunité de la diminution, je crois qu’il faut renvoyer l’article à la section centrale ; elle s’entendra avec le ministre sur cet objet. Cela ne peut retarder les travaux de la chambre, et nous agirons avec maturité.

M. Desmaisières. - Je ne m’oppose pas au renvoi demandé. Si le droit actuel eût été établi à la valeur, j’aurais dit que le droit étant réduit d’environ la moitié, le fisc gagnera à cette diminution.

On a souvent opposé la section centrale à elle-même ; on a cherché, mais en vain, à la trouver en contradiction ; eh bien, dans cette occasion, c’est l’honorable M. Dubus qui est en contradiction avec lui-même. Je le prends en flagrant délit. Dans les calculs qu’il vous a présentés, il a compté les tissus de France importés en Belgique pour 6 à 800,000 fr., et maintenant il vous annonce que le chiffre des importations des batistes seules s’élève à plus d’un million.

M. Dubus. - L’honorable rapporteur de la section centrale serait heureux de pouvoir me trouver en contradiction avec moi-même ; j’ai dit que les toiles de France entraient en Belgique pour un chiffre de 200,000 fr., et cela est vrai ; et je dis ensuite que le chiffre des importations des batistes et des linons est supérieur à un million, et c’est encore vrai ; mais les batistes ne sont pas des toiles, et la prétendue contradiction est sans doute une plaisanterie de M. le rapporteur.

- Tous les députés quittent leurs banquettes ; plusieurs sortent de la salle.

M. le président. - L’article relatif aux batistes est renvoyé à la section centrale avec invitation de faire son rapport demain avant l’ouverture de la séance.

- La séance est levée à 5 heures moins un quart.