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Chambre des représentants de Belgique
Séance
du lundi 28 juillet 1834
Sommaire
1) Pièces adressées à la
chambre
2) Projet de loi portant organisation des
communes. Discussion des articles.
a) Droit de nomination des échevins par le
Roi ou par le gouverneur (Verdussen, H. Dellafaille, de Theux, Donny, Dumortier, Donny, Dumortier, Verdussen)
b) Incompatibilité entre les fonctions de
bourgmestre et d’échevin et, notamment celles de membres des tribunaux de
commerce et/ou des justices de paix (Dumortier, de Muelenaere, Lebeau, Dumortier, Lebeau, Dumortier, Lebeau, Donny, Lebeau), des agents des
administrations fiscales et des forets (Rogier, Dumortier, Desmanet de Biesme, d’Huart, Dumortier, d’Hoffschmidt, Desmanet de
Biesme, d’Huart), des instituteurs (Rogier, Dumortier, Verdussen, Jullien, Desmanet de Biesme, Lebeau, Liedts, Jullien, Rogier,
de Theux, Dumortier, Rogier), des meuniers, boulangers et cabaretiers (Rogier, d’Hoffschmidt, Donny, Coghen, de
Theux, H. Dellafaille,
d’Hoffschmidt, Lebeau, H. Dellafaille, Hye-Hoys)
c) Droit de suspension et de révocation,
du bourgmestre et des échevins, par la députation provinciale, le gouverneur
et/ou le Roi (Rogier, Doignon, Milcamps, de Theux, Rogier, H. Dellafaille,
A. Rodenbach, Jullien, Rogier, Dumortier, de Muelenaere, H. Dellafaille, de Theux, Dumortier)
(Moniteur
belge n°210, du 29 juillet 1834)
(Présidence de M.
Dubus)
La séance est ouverte à midi et demi.
M. Liedts procède à l’appel nominal.
M. H.
Dellafaille donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier ; la rédaction
en est adoptée.
M. Liedts fait connaître l’analyse des pétitions
suivantes.
PIECES ADRESSEES A
« Trois secrétaires des communes du
district d’Ypres demandent que le traitement des secrétaires de communes soit
augmenté, et que ces fonctions et celles de bourgmestre soient déclarées
incompatibles avec les professions de notaire, instituteur et clerc
d’église. »
- Dépôt au bureau des renseignements.
________________
« Les sieurs Dupont et Moreau, membres du
conseil municipal de la ville de Thuin, conjointement avec le sieur Pierard, avocat, réclament contre la perception de 6
centimes exigé par le distributeur des postes en sus de la taxe des
lettres. »
- Renvoyée à la commission des pétitions.
________________
« Les administrations communales et les
habitants notables des communes composant le canton de Walcourt demandent la
conservation de ce canton. »
- Déposé au bureau des renseignements.
________________
M. Olislagers. demande
un congé de 10 à 12 jours pour affaires de famille.
- Accordé.
________________
M. Davignon
demande un congé de quelques jours pour raison de santé.
- Accordé.
Discussion des articles
Titre I. - Du corps
communal
Chapitre 1er. - De la
composition du corps communal et de la durée des fonctions de ses membres
Section 1ère. De la
composition du corps communal
Article 8
M. le président.
- La chambre s’est arrêtée dans la séance dernière au troisième paragraphe de
l’article 8.
Ce paragraphe est ainsi conçu :
« La liste de candidats est triple dans
les communes qui ont quatre échevins ; elle est double dans les autres. »
M. Verdussen.
- Je ferai remarquer que le paragraphe, tel qu’il est rédigé, renferme une
exclusion plutôt qu’une admission à la candidature.
En
effet, messieurs, d’après les articles déjà adoptés, les communes où il y a
quatre échevins sont celles qui ont 20 à 25 mille habitants, et dont le conseil
se composera de 17 membres. Il faut 12 candidats pour la présentation
d’échevins ; en déduisant ces 12 membres, il ne restera plus que 5 membres parmi lesquels on pourra délivrer un brevet
de capacité.
Il me semble qu’il faut limiter le
nombre triple pour les communes qui ont au moins 21 conseillers ; c’est dans ce
sens que je propose un amendement ainsi rédigé : « La liste des candidats
est double dans les communes dont le conseil est composé de 19 membres au plus
; elle est triple dans les autres. »
M. H.
Dellafaille - Je ferai remarquer que l’inconvénient signalé par M.
Verdussen n’aura lieu que lorsqu’il s’agira d’une nomination simultanée. Je ne
vois pas qu’il y ait lieu à changer la base adoptée par la section centrale.
M.
de Theux. - Je ferai remarquer en outre que dans les communes de plus
de 20,000 habitants où il y a quatre échevins à nommer, plus le collège est
nombreux, plus il faut laisser au gouvernement de latitude pour le bien
composer, pour le composer de manière que l’harmonie existe toujours entre les
échevins et le bourgmestre. Si, dans les communes où il y a 4 échevins, vous
restreignez la liste des candidats, le choix du gouvernement deviendra
illusoire, soit quant au bourgmestre, soit quant aux échevins. Je crois qu’il
faut maintenir la proposition de la section centrale qui me paraît avoir très
bien distingué entre les communes où il y a 4 échevins, et les communes ou il
n’y en a que deux.
M. Donny. -
J’appuie l’amendement proposé par M. Verdussen, et je l’appuie par un autre
motif que celui que l’honorable membre donne.
Il me paraît, messieurs, que si cet amendement
n’est pas admis, il arrivera souvent qu’il y aura impossibilité légale
d’organiser la commune dans certaines localités. En effet, si dans un conseil
composé de 17 membres, vous devez choisir et le bourgmestre et 12 candidats
pour les places d’échevins, il faudra de toute nécessité qu’il y ait, parmi ces
17 conseillers, 13 personnes ayant et la volonté et la capacité de faire partie
du conseil échevinal, ou, en d’autres termes, il faudra qu’il n’y ait pas dans
le conseil plus de 4 personnes non susceptibles d’être placées dans le collège.
Dès qu’il s’y trouvera plus de 4 membres qui ne puissent ou ne veuillent
accepter les fonctions de bourgmestre et d’échevin, il sera impossible de
présenter la liste de candidats voulue par la loi.
Ce cas, messieurs,
ne sera pas rare ; il suffira pour cela que dans un conseil de 17 membres, il y
ait un membre du clergé, un ou deux membres de l’ordre judiciaire et un ou deux
conseillers qui n’aient pas la volonté de faire partie du collège. Vous voyez
dont qu’il peut arriver très facilement qu’on ne puisse trouver dans un conseil
communal 12 membres aptes à remplir les fonctions d’échevin, et qu’il y ait,
comme je l’ai dit, impossibilité légale d’organiser les communes dans certaines
localités, parce qu’en augmentant le nombre des conseillers, il facilite le
choix prescrit par la loi.
M.
Dumortier, rapporteur. - Je pense que l’honorable préopinant est dans
l’erreur. Je suppose une commune dans laquelle il y a 7 conseillers ; le gouvernement
prendra d’abord un bourgmestre : qu’au nombre des membres du conseil, il en
soit un ou deux qui ne puissent devenir échevins, il restera quatre candidats
pou deux échevins. Il ne sera pas impossible de composer l’autorité communale ;
mais il n’y aura pas de présentation ; le peuple perdra tous ses droits ; nous
avons donc fortifié outre-mesure le pouvoir royal. Le système de la section
centrale n’aura son effet que dans trois ans ; à la première nomination, la
présentation est absolument illusoire.
M. Donny. - Je
dois faire remarquer d’abord que l’hypothèse choisie par l’honorable préopinant
n’a rien de commun avec l’amendement proposé. Dans cette hypothèse, il suppose
un conseil de sept membres, c’est-à-dire celui d’une petite commune ; tandis
que dans l’amendement, il est question d’un conseil de dix-sept membres,
c’est-à-dire de celui d’une ville assez considérable. Ensuite le raisonnement
de l’honorable membre n’est pas concluant même dans l’hypothèse qu’il a
choisie. Il vous a dit : Si, dans un conseil de sept membres, on suppose deux
membres incapables de remplir les fonctions d’échevin, il en restera encore
quatre autres dont on peut disposer indépendamment du bourgmestre ; l’on peut
donc remplir la disposition de la loi, qui ne demande que quatre candidats.
Cela est
vrai, sans doute, lorsque le conseil ne renferme que deux membres incapables
sur les sept ; mais lorsqu’au lieu de deux il se trouve trois ou quatre membres
qui ne peuvent ou ne veulent devenir échevins, il est évident que
l’organisation sera légalement impossible. Je persiste donc à croire que
l’amendement doit être adopté.
M. Dumortier,
rapporteur. - En poussant l’argument dans ses dernières conséquences on
voit qu’il conduit à l’absurde. Ainsi on peut supposer 2, 3, 4 5, etc. membres
du conseil qui ne veulent pas être échevins ou qui ne sont pas aptes à l’être,
et la formation de l’autorité communale devient impossible ; mais il faut
écarter une semblable supposition.
Plusieurs membres. - Mais si cela arrivait ?
M. Dumortier,
rapporteur. - A l’impossible nul n’est tenu. (On rit.) On ne peut composer la commune, je le répète ; dans les
petites communes la présentation devient nulle ; dans les grandes villes il en
est autrement ; là aussi il était plus important de restreindre le pouvoir
exécutif.
M. Verdussen.
- Tout ce que l’on vient de dire prouve l’utilité de mon amendement.
- L’amendement mis aux voix n’est pas adopté.
La proposition de la section centrale mise aux
voix est adoptée.
L’article 8 dans son ensemble est adopté.
Article 9
M. le président.
- « Art. 9 (du projet du gouvernement). Ne peuvent être ni bourgmestre ni
échevin :
« 1° Les individus dénommés à l’article 6
;
« 2° Les membres des cours et tribunaux de
première instance et des justices de paix, y compris les officiers du parquet,
les greffiers et commis-greffiers près des cours et tribunaux civils et de
commerce ;
« 3° Les ministre des cultes ;
« 4° Les militaires et employés en
activité de service ou en disponibilité ;
« 5° Les ingénieurs des ponts et chaussées
et des mines en activité de service ;
« 6° Les membres des administrations de
bienfaisance et les employés salariés par ces administrations. »
« Art. 9 (du projet de la section
centrale). - Ne peuvent être ni bourgmestre ni échevins :
« 1° Les membres des cours, des tribunaux
civiles et des justices de paix, non compris leurs suppléants, les officiers du
parquet, les greffiers et commis-greffiers près des cours et tribunaux civils
et des justices de paix ;
« 2° Les ministres des cultes ;
« 3°
Les ingénieurs des ponts et chaussées et des mines en activité de service ;
« 4° Les agents et employés des
administrations financières et des forêts ;
« 5° Les membres des administrations des
hospices et des bureaux de bienfaisance ;
« 6° Les instituteurs qui reçoivent un
traitement ou subside annuel de l’Etat, de la province ou de la commune. »
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) n’adhère pas à toutes les
propositions de la section centrale.
M. Dumortier, rapporteur. - Je voudrais faire à
la chambre une seule observation sur une modification apportée au n°2 du projet
du gouvernement. Dans la section centrale, nous avons cru devoir borner
l’exception aux seuls membres des tribunaux civils. Le projet du gouvernement,
en faisant porter l’exception sur les tribunaux de première instance, aurait
donné à entendre que les membres des tribunaux de commerce seraient exclus des
fonctions de bourgmestre et échevin. La section centrale, considérant que les
fonctions des membres des tribunaux de commerce étaient gratuites et
temporaires, a pensé qu’on ne pouvait les écarter. Quant aux suppléants, il va
sans dire qu’ils doivent pouvoir être bourgmestres et échevins, car ils n’ont
pas de fonctions constantes. Ils ne doivent qu’accidentellement remplacer les
tribunaux civils.
Nous avons cru devoir étendre l’exception aux
greffiers et commis greffiers des justices de paix, puisqu’on écartait les
membres des justices de paix. C’est une conséquence du principe que le
gouvernement a posé dans l’article.
M. de Muelenaere.
- Je pense qu’il y a erreur dans la rédaction de la section centrale. On n’a
pas voulu que l’incompatibilité prononcée par le n°2 de l’art. 9 s’appliquât aux suppléants des
tribunaux et justices de paix. L’incompatibilité ne peut en effet, et ne doit
pas s’appliquer aux suppléants, car ils exercent des fonctions gratuites et de
complaisance. Mais dans la seconde partie, on exclut les officiers du parquet,
les greffiers et les commis-greffiers près des cours et tribunaux civils et de
commerce et des justices de paix. Dans les explications données par M. le
rapporteur, je vois que la section centrale a voulu exclure non seulement les
greffiers, mais les commis-greffiers des justices de paix. Il y aurait là
erreur et injustice. Car les commis-greffiers des justices de paix exercent des
fonctions de complaisance. Ils ne peuvent pas être assimilés aux
commis-greffiers près des tribunaux de première instance. Les commis-greffiers
près les cours et tribunaux de première instance sont salariés par l’Etat, ils
appartiennent à l’ordre judiciaire. Il n’en est pas de même des
commis-greffiers près des justices de paix, car c’est un acte de pure
complaisance de la part de ceux qui en acceptent les fonctions.
Une voix. - Il n’en existe pas !
M. de Muelenaere.
- J’en demande pardon, dans presque toutes les grandes communes il y a près des
justices de paix des commis-greffiers ou greffiers suppléants dont les
fonctions sont gratuites et honoraires. Il supplée le juge de paix quand il est
empêché par maladie ou autre circonstance indépendante de sa volonté. Je pense
que c’est par erreur qu’on a étendu l’exception du n°9 aux commis-greffiers. Il
faudra la borner aux greffiers des justices de paix.
M. le
président. - D’après la proposition de M de Muelenaere, le paragraphe
serait ainsi conçu :
« Les membres des cours, des tribunaux
civils et des justices de paix, non compris leurs suppléants ; les officiers du
parquet, les greffiers et commis-greffiers, des cours et tribunaux civils et de
commerce, et les greffiers des justices de paix.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - J’avais demandé la parole pour proposer
un amendement dans le sens de celui qu’a présenté M. de Muelenaere. Je ferai remarquer qu’il n’existe pas des
commis-greffiers dans tous les chefs-lieux de canton. Ils ne sont pas salariés,
leurs fonctions ne sont point obligatoires. Ils aident le greffier quand il est
avancé en âge, quand il est empêché.
Ils prêtent serment devant le juge de paix :
mais l’Etat ne leur accorde aucun émolument. S’ils reçoivent quelques
avantages, c’est du titulaire.
Il n’y a donc pas lieu d’exclure les
commis-greffiers près des justices de paix ; je ne sais pas même s’il est bien
prudent de prononcer l’exclusion absolue des greffiers. Je ne sais pas si, en
la prononçant, vous n’allez pas restreindre excessivement le nombre des
candidats aux fonctions de bourgmestre et d’échevin. Dans certains cas la loi
sera inexécutable.
Voici, par exemple, une circonstance qui peut
résulter des exceptions proposées par la section centrale. Il peut se faire
qu’un conseil, composé de sept membres, ne renferme pas un seul candidat aux fonctions
d’échevin ou de bourgmestre. Vous avez réputé aptes à être nommés conseillers
le juge de paix, son greffier, son commis-greffier, les ministres des cultes,
les percepteurs des contributions, les membres des bureaux de bienfaisance, les
aubergistes et les cabaretiers, etc., etc. ; mais vous les excluez tous du
collège échevinal. Eh bien, si un conseil se trouvait compose d’un juge de paix
et de son greffier ou commis-greffier, d’un ministre du culte, du percepteur
des contribution, d’un membre du bureau de bienfaisance, d’un aubergiste ou
cabaretier, ou d’un meunier, vous n’avez plus un seul membre de ce conseil qui
puisse être nommé bourgmestre ou échevin.
Ce cas, sans doute, ne se présentera pas
souvent ; mais il suffit qu’il puisse se présenter pour qu’on y ait égard, et
qu’on ne multiplie pas trop les exclusions.
Les
greffiers des justices de paix sont, il est vrai, nommés et salariés par le
gouvernement ; mais sont-ils pour cela tellement suspects qu’ils ne puissent
pas, après avoir passé par l’élection directe, être nommés tout au moins
échevin ou bourgmestre d’une commune autre que le chef-lieu de canton ? Je ne
verrais pas d’inconvénient à ce qu’ils puissent être nommés bourgmestres,
puisque la chambre, en donnant leur nomination au gouvernement, les a déjà
considérés comme agents du pouvoir exécutif.
J’appelle sur ce point l’attention de la
chambre, attendant la discussion pour juger s’il y a lieu de formuler un
amendement, J’appuie pour le moment le retranchement proposé par M. de
Muelenaere.
M. Dumortier,
rapporteur. - Je ne pense pas que nous devions considérer les greffiers
des justices de paix comme tellement suspects qu’on ne puisse leur confier
aucune espèce de fonctions dans l’administration. Mais je ne pense pas non plus
que les craintes de M. le ministre soient fondées. Je ne crois pas qu’en
adoptant la proposition de la section centrale on s’expose à mettre le
gouvernement dans l’impossibilité de former une administration communale. La
supposition est commode, mais c’est une supposition gratuite que de dire qu’un
conseil pourra être composé d’un juge de paix, de son greffier, d’un ministre
des cultes, du percepteur des contributions, d’un membre du bureau de
bienfaisance, d’un instituteur, d’un aubergiste ou d’un cabaretier, etc.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Je n’ai parlé d’instituteur.
M. Dumortier,
rapporteur. - Il faudrait que l’assemblée des électeurs allât choisir,
pour former le conseil, une personne de chacune des exceptions énumérées dans
la loi. Au congrès, on disait toujours qu’il fallait avoir confiance dans le
bon sens des électeurs. Eh bien, moi j’ai confiance dans le bon sens des
électeurs et je suis persuadé qu’ils n’iront pas composer un conseil de manière
à rendre impossible la formation de l’administration. Voulez-vous la preuve que
les exceptions proposées par la section centrale ne rendent pas impossible la
formation de l’administration, lisez l’art. 46 des anciens règlements.
« Les fonctions de bourgmestre et
échevins, ainsi que celles de secrétaire et de receveur communal, sont
incompatibles avec les fonctions judiciaires effectives. »
Or, les fonctions de greffier sont des
fonctions judiciaires effectives, et l’on trouve qu’on ne pouvait pas composer
une administration communale avec cette exception. Elle existe depuis 20 ans,
nous n’avons fait que la reproduire.
Quant aux commis-greffiers des justices de
paix, la loi n’en reconnaît pas. (Si ! si
!) Ce ne sont que des greffiers suppléants ou des écrivains du greffier ;
ils ne sont pas nommés par le gouvernement.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Les commis-greffiers des justices
de paix exercent leurs fonctions en vertu d’une loi. Leur nomination est
facultative selon les besoins du greffe. Les greffiers les proposent et les
juges de paix les assermentent. Leur signature donne aux expéditions le
caractère d’authenticité, comme celle du greffier. Ils ne sont pas nommés par
le gouvernement, ni révoqués par lui.
M.
Dumortier, rapporteur. - L’explication que vient de donner M. le
ministre de la justice est très claire. Dans la section centrale nous n’avons
jamais eu en vue d’empêcher que les commis-greffiers fussent membres du collège
des échevins. Pour ce qui est de l’amendement présenté par M. le ministre de la
justice, je dirai que l’intention de la section centrale a été d’exclure les
greffiers nommés par le gouvernement et salariés par le trésor.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Je n’y tiens pas.
- Le sous-amendement de M. de Muelenaere,
tendant à retrancher les mots commis-greffiers
des justices de paix, est mis aux voix et adopté.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Je ne pense pas que la loi
reconnaisse des commis-greffiers des tribunaux de commerce. Si ma mémoire ne me
trompe pas, je ne crois pas qu’il existe une seule disposition qui fasse de ces
aides du greffier des fonctionnaires publics.
J’invoquerai à cet égard les souvenirs de
plusieurs de nos honorables collègues qui ont été envoyés à la chambre par des
villes qui possèdent dans leur sein des tribunaux de commerce. Si en droit il
n’existe pas de commis-greffiers des tribunaux de commerce, s’il n’y a auprès
des greffiers que de simples scribes, la loi ne peut et ne doit pas commettre
une erreur, en les désignant.
M. Donny.
- M. le ministre de la justice en appelle au témoignage des personnes dans les
villes desquelles existent des tribunaux de commerce, pour savoir s’il y avait
des commis-greffiers attachés à ces tribunaux ; je lui répondrai qu’en fait il
en existe. Dans la ville d’Ostende, il y a eu pendant longtemps un
commis-greffier. Je crois, mais je ne pourrais l’assurer, qu’il y en a encore
actuellement.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Je demande la suppression de
l’exclusion des commis-greffiers des tribunaux de commerce, à cause de
l’analogie qui existe entre ces fonctionnaires et les commis-greffiers des
justices de paix. La loi reconnaît des commis-greffiers pour les justices de
paix et leur permet de valider des actes judiciaires. Mais les commis-greffiers
des tribunaux de commerce n’ont aucun caractère légal et ne sont pas rétribués.
Le budget vous le prouve. Jamais l’on ne vous a demandé l’allocation de
traitements en leur faveur. Ils ne perçoivent pas une obole de l’Etat. Il y
aurait de l’injustice à prononcer l’inhabilité à la place d’échevin ou de bourgmestre
contre des personnes qui ne reçoivent aucun traitement de l’Etat et qui, pour
être appelées à exercer ces fonctions, devront réunir à la fois et la confiance
du gouvernement, et le suffrage des électeurs.
- L’amendement présenté par M. le ministre de la
justice est mis aux voix et adopté.
Le numéro 2° de l’art. 9 du projet du
gouvernement (qui devient le numéro 1°) modifié par les amendements de M. de
Muelenaere et de M. le ministre de la justice, est mis aux voix et adopté.
Le numéro 3 du projet du gouvernement ainsi
conçu : « 3° Les ministres des cultes, » est mis aux voix et adopté.
Le numéro 4° du projet du gouvernement
(supprimé par la section centrale) est ainsi conçu :
« 4° Les militaires et employés militaires
en activité de service et en disponibilité. »
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Je me rallie à la suppression
proposée par la section centrale, attendu que le vote de la chambre a exclu les
militaires du conseil communal.
- La suppression
du numéro 4° est mise aux voix et adoptée.
M. le président.
- Le numéro 5° est ainsi conçu :
« Les ingénieurs des ponts et chaussées et
des mines en activité de service. »
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - On pourrait ajouter à ce
paragraphe « les conducteurs des ponts et chaussées et des mines, »
comme on l’a fait dans la loi provinciale.
- La proposition de M. le ministre
de l'intérieur est mise aux voix et adoptée.
Le n°5° est mis aux voix et adopté.
M. le président. - Le numéro 4° du projet de
la section centrale est ainsi conçu :
« Les agents et employés des
administrations financières et des forêts. »
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Comme il faut être sobre
d’exclusions je demanderai, avant de me rallier à paragraphe, que M. le
rapporteur de le section centrale veuille bien m’expliquer les motifs qui l’ont
déterminé à adopter cette exclusion
M. Dumortier, rapporteur. - Les motifs qui ont
déterminé la section centrale à exclure du collège des échevins les agents et
les employés des administrations et des forêts c’est leur dépendance trop
grande vis-à-vis du gouvernement. Je crois, si ma mémoire est fidèle que cette
exclusion existait dans les anciens règlements. C’est du reste un article que
nous avons pris dans la loi française. Nous avons cru devoir le reproduire.
M.
Desmanet de Biesme. - Je ne crois pas qu’il soit juste d’exclure des
fonctions de bourgmestre et d’échevins les employés de l’administration des
forêts. J’en connais beaucoup qui occupent ces fonctions dans les petites
communes, je conçois l’exclusion proposée par la section centrale à l’égard des
grandes villes. Mais réellement dans les communes rurales, dans les petites
communes du pays wallon, si vous étendez trop les exceptions, il sera
impossible de trouver les hommes en état de constituer l’administration
communale.
Je ne vois pas d’inconvénient à adopter
l’exclusion demandée pour les employés des finances. Mais je ne vois pas
pourquoi un garde, un brigadier des forêts ne pourrait être nomme échevin. Je
propose la suppression de cette dernière incompatibilité.
M. d’Huart. - J’appuie l’amendement de M. Desmanet de Biesme. Il pourrait
être utile que dans les petites communes rurales, les agents forestiers pussent
être nommés ou bourgmestres ou échevins. Cependant le vote que la chambre vient
d’émettre sur l’exclusion des agents des ponts et chaussées et des mines me
semble entraîner également l’exclusion des employés des forêts. Je regrette que
la chambre ait adopté cette exclusion.
M. Dumortier, rapporteur. - L’amendement de la
section centrale est indispensable, les agents des forêts ont la surveillance
non seulement des bois du gouvernement mais des bois communaux. Voulez-vous
qu’ils puissent se contrôler eux-mêmes ? S’il se trouve des agents forestiers
dans les administrations communales, c’est un résultat de l’élection populaire.
Mais ces fonctionnaires étaient exclus de ces emplois dans les anciens
règlements et le sont dans la loi française. La raison en est simple, il est
évident que l’on ne peut se surveiller soi-même.
M. d’Hoffschmidt. - J’ajouterai à ces observations,
pour combattre l’amendement présenté par M. Desmanet de Biesme, que les agents
des forêts ont des relations très fréquentes avec l’autorité communale. En effet
c’est l’autorité communale qui demande pour les troupeaux de la commune le
droit de pâture dans les bois de l’Etat, et c’est aux agents de
l’administration des forêts qu’il appartient de donner ou de refuser
l’autorisation nécessaire à cet effet. Evidemment ce ne peut être la même
personne qui demande et qui accorde. Il y a donc incompatibilité. Je voterai
contre l’amendement de M Desmanet de Biesme.
M. Desmanet
de Biesme. - Les employés des forêts n’étaient pas exclus par les
anciens règlements. Ils ne doivent pas être exclus davantage à présent ; car la
position est la même que sous le gouvernement hollandais.
M. d’Huart. - Les inconvénients de l’admission dans le
conseil communal des employés des forêts ne me paraissent pas aussi grands
qu’on le prétend. Si un garde communal fait partie du conseil et qu’il ne
convienne pas comme échevin, le conseil ne le présentera pas, ou si le conseil
le présente, le gouvernement ne le choisira pas. Car remarquez qu’il faut ces
deux choix, indépendamment de celui des électeurs, pour que l’employé des
forêts dont s’agit soit membre du conseil communal. Je conviens que si on
maintient l’exclusion des agents des ponts et chaussées et des mines, vous n’avez
pas de raison pou rejeter celle-ci. Mais j’espère qu’au second vote la chambre
reviendra sur cette décision.
- L’amendement de M. Desmanet de Biesme est mis
aux voix et adopté ; en conséquence le paragraphe 4 de l’article de la section
centrale est adopté en ces termes : « Les agents et employés des
administrations financières. »
- Le paragraphe 5 du projet de la
section centrale, auquel le gouvernement se rallie, est adopté en ces termes «
Les membres des hospices et des bureaux de-bienfaisance. »
M. le président.
- Paragraphe 6 de la section centrale : « Les instituteurs qui reçoivent
un traitement ou subside annuel de l’Etat, de la province ou de la
commune. »
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - La chambre a déjà adopté dans
l’article 6 l’exclusion des personnes salariées par la commune. Cette exclusion
s’applique aux instituteurs qui reçoivent un subside annuel de la commune ; et
je crois qu’elle doit se borner là, qu’elle ne doit pas atteindre les
instituteurs recevant un subside annuel de la province et de l’Etat.
Remarquez que dans on grand nombre de communes
il y a peu d’habitants sachant lire et écrire, et ces conditions sont
indispensables pour remplir les fonctions d’échevins, notamment pour la tenue
des registres de l’état-civil. Vous devez donc faire attention à ne pas étendre
l’exclusion sur un plus grand nombre d’instituteurs que vous ne l’avez fait
dans l’article 6, à ne pas diminuer encore le nombre des personnes capables sur
lequel pourront s’exercer le droit de présentation du conseil et le droit de
nomination du gouvernement.
M. Dumortier,
rapporteur. - Ceux qui ont appartenu à des administrations locales, ou qui
ont vu les anciens règlements, n’ignorent pas que le paragraphe en discussion
est la reproduction textuelle de l’article 45 des règlements.
En outre nous avons remarqué que dans le projet
du gouvernement on proposait l’exclusion des ministres des cultes. Les
instituteurs, dit-on, savent lire et écrire, et c’est un motif pour ne pas les
exclure. Mais les ministres des cultes savent lire et écrire, et cependant vous
les avez exclus. Vous ne pouvez écarter l’une de ces exclusions après avoir
admis l’autre. Les ministres des cultes et les instituteurs doivent évidemment
être mis sur la même ligne.
Il ne faut
pas perdre de vue que les fonctions de bourgmestre et d’échevins absorbent tous
les instants de ceux qui les exercent ; dès lors elles sont incompatibles avec
les occupations qu’a l’instituteur et auxquelles il se doit tout entier. C’est
ce motif qui vous a déterminés à prononcer l’exclusion des ministres des
cultes.
Quant à ce qu’on a dit qu’après avoir exclu les
instituteurs subsidiés par la commune vous ne deviez pas exclure ceux subsidiés
par la province et par l’Etat, je ferai remarquer que vous vous êtes montrés
bien plus sévères envers les ministres des cultes. En effet vous n’avez exclu
que les instituteurs recevant un subside annuel de la commune, de la province
et de l’Etat tandis que vous avez exclu tous les ministres des cultes. Je
n’insisterai donc pas davantage sur ce point ; je pense que l’incompatibilité
entre les fonctions d’échevins et les occupations d’instituteurs est
suffisamment démontrée.
M.
Verdussen. - Je partage l’opinion de M. le ministre de l’intérieur, et
je pense que les instituteurs autres que ceux recevant un subside annuel de la
commune ne doivent pas être exclus. Il est clair d’ailleurs que ce ne sont pas
les instituteurs que l’on veut exclure, mais seulement, comme le porte
l’article, les instituteurs recevant des subsides. Ce n’est pas leur qualité
d’instituteurs, ce sont les subsides qu’ils reçoivent qui, dans l’opinion des
membres de la section centrale, s’opposent à leur entrée dans le collée des
échevins. En effet qu’a-t-on eu en vue ? d’empêcher le
gouvernement d’exercer une trop grande
influence. Mais depuis que vous avez forcé le gouvernement à choisir
dans le conseil, et depuis, pour les échevins, parmi les membres que le conseil
présente, je crois que la nation a toutes les garanties possibles.
Je suppose un instituteur qui depuis 5 ou 6 ans
tienne une école et qu’il l’ait toujours soutenue à ses propres frais, mais que
la 6ème année il reçoive un secours de 100 fr. ; dès lors il sera inhabile à
être échevin. Je ne crois pas qu’il puisse en être ainsi. L’incompatibilité
qu’on prétend établir n’existe pas.
M. Jullien. -
S’il n’y avait pas d’autre raison, pour écarter les instituteurs des fonctions
d’échevin, que de dire qu’ils en étaient exclus par les anciens règlements,
peut-être ne me contenterais-je pas de cette raison. Cependant celle qu’a
donnée l’honorable M. Dumortier me paraît devoir satisfaire l’assemblée. Il
n’est guère possible, comme il l’a fait observer avec infiniment de justesse,
que les instituteurs puissent se livrer en même temps à l’éducation de la
jeunesse, qui demande tout leur temps, et aux fonctions d’échevins.
Mais, dit l’honorable M. Verdussen, ce ne sont
pas les instituteurs que veut exclure, ce sont les instituteurs qui reçoivent
des subsides ; mais c’est précisément parce qu’ils reçoivent des subsides qu’on
a le droit de demander qu’ils donnent tout leur temps à l’éducation de la jeunesse
qui leur est confiée ; c’est à cause des subsides qu’ils reçoivent qu’on doit
se montrer plus exigeant.
C’est
justement à cause de ces subsides qu’on doit se montrer plus exigeant.
Si on vous proposait d’adopter l’exclusion de
tous les instituteurs, je crois qu’il n’y aurait pas lieu de voter cette
disposition ; mais je maintiens qu’il peut exclure tout instituteur subsidié,
soit par l’Etat, soit par la province, soit par la commune.
L’honorable préopinant a dit : Vous voulez donc
exclure un ancien instituteur qui, n’ayant plus le moyen de se livrer à ses
travaux d’instituteur, aura reçu un subside ? Je répondrai que l’exclusion
n’atteint pas les anciens instituteurs, les ex-instituteurs.
M.
Desmanet de Biesme. - Messieurs, l’honorable préopinant a parle dans un
sens trop absolu ; il pose en principe que le bourgmestre est occupé toute la
journée, et que l’instituteur est également occupé. Messieurs, ni l’un ni
l’autre de ces faits n’est exact, surtout dans les campagnes. Le bourgmestre
dans les campagnes n’a point plus d’une ou deux heures à donner à
l’administration communale ; d’un autre côté, les instituteurs n’ont des élèves
qu’avec peine dans l’hiver, et ils n’en ont pas pendant l’été.
J’ajouterai que beaucoup d’instituteurs
remplissent les fonctions de secrétaire de la commune. Ces fonctions donnent
plus d’occupations que celles de bourgmestre ou d’échevin dans les communes,
c’est le secrétaire qui est réellement chargé de la besogne du collège.
D’après ces considérations, je ne crois pas
qu’il y ait lieu à adopter la proposition de la section centrale.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Si l’incompatibilité que l’on dit
exister entre certaines professions et celles de bourgmestre et d’échevin
devait toujours être des motifs d’exclusion, il faudrait exclure aussi des
fonctions de bourgmestre et d’échevin les avocats, les médecins et les autres
professions qui exigent de l’assiduité. Je dirai que c’est aux électeurs à
faire la part des besoins de cette assiduité ; c’est aux personnes qui
acceptent les fonctions publiques à savoir ensuite si elles sont capables de
justifier la double confiance dont on les investit.
D’ailleurs, on a beaucoup exagéré, ainsi que
l’a dit M. Desmanet de Biesme l’assiduité qu’exigent dans de petites communes
les fonctions de bourgmestre, d’échevin et celles d’instituteur : dans beaucoup
de petites communes, il y a des bourgmestres, des échevins surtout, qui ne sont
guère occupés qu’une heure ou deux par semaine ; les fonctions d’instituteur
sont aussi, dans ces localités, beaucoup réduites ; elles le sont surtout dans
certaines saisons.
Dans les anciens règlements on pouvait trouver
une apparence de raison politique pour exclure les instituteurs ; raison qui
existera probablement beaucoup moins dans la nouvelle organisation de
l’instruction publique. Dans la plupart des communes les instituteurs étaient à
peu près les fonctionnaires du gouvernement ; ils étaient souvent placés dans
sa dépendance ; mais les institutions qui seront proposées sur l’instruction
publique n’auront pas pour but de renouveler une pareille dépendance de
l’enseignement communal.
Je dirai ensuite que dans beaucoup
de cas il peut être utile, indispensable même, vu le nombre des exclusions que
vous avez déjà prononcées, d’admettre des instituteurs dans le collège
échevinal, si on veut qu’il y ait possibilité de faire une présentation et même
une élection directe. Remarquez d’ailleurs qu’il y a ici une triple garantie :
il faut d’abord que les électeurs nomment l’instituteur membre du conseil ;
ensuite il faut que l’instituteur soit choisi par les membres du conseil pour
être compris dans la liste des candidats aux fonctions d’échevin ; enfin, il
faut que l’instituteur fixe le choix du gouvernement. Ce choix, messieurs,
n’est pas sans importance : le gouvernement tiendra compte des considérations
d’incompatibilité qui résulteraient, dans certaines communes, de la profession
d’instituteur réunie aux fonctions de bourgmestre ou d’échevin. Cette
difficulté varie suivant les localités : dans telle localité on fera très bien
d’exclure l’instituteur, dans telle autre on devra l’admettre, et il y aura
même impossibilité de ne pas l’admettre.
D’après ces considérations, je persiste à ne
pas me rallier à la proposition de la section centrale.
M. Liedts.
- Messieurs, si le paragraphe en discussion avait pour but d’exclure tous les
instituteurs sans distinction, je serais le premier à le rejeter ; mais ce
paragraphe n’excluant que les instituteurs qui reçoivent un traitement ou un
subside de l’Etat ou de la province, je crois qu’il doit être adopté.
Il existe pour l’exclusion des instituteurs
salariés un motif que l’on n’a pas encore fait valoir : dans la loi sur
l’instruction publique, les instituteurs qui recevront un subside de la commune
ou de l’Etat, seront soumis à la surveillance directe du bourgmestre. Or, ne
serait-il pas absurde que celui qui est soumis à une surveillance soit celui
qui doit surveiller ?
D’après ce motif, je crois qu’il faut exclure
les instituteurs salariés de la place de bourgmestre et d’échevin.
M. Jullien.
- M. le ministre de la justice a dit qu’on pourrait exclure des fonctions de
bourgmestre et d’échevin tout ceux qui ont une profession qui demande de
l’assiduité, qu’ainsi on pourrait exclure les médecins et les avocats. Je
répondrai à M. le ministre que si les médecins étaient salariés par l’Etat ou
par la province, pour remplir des fonctions qui intéresseraient l’Etat et la
province, il existerait pour ces fonctions la même incompatibilité que celle
qui existe dans le cas dont il s’agit ici.
Comme l’a dit M. Liedts, et comme nous l’avons
déjà dit avant lui, ce n’est pas l’instituteur que l’on exclut, c’est l’homme
salarié. Pourquoi donne-t-on un salaire à l’instituteur ? c’est
parce qu’on en fait un homme de l’Etat, un homme qui doit donner tout son temps
à l’instruction de la jeunesse, qui doit s’occuper de ses élèves du matin au
soir. Eh bien, je le demande, comment les habitudes de l’instituteur
pourraient-elles se concilier avec les fonctions de bourgmestre ou d’échevin ?
Comment l’instituteur pourrait-il être distrait de ses fonctions pour répondre
à tout moment, soit comme bourgmestre, soit comme échevin ?
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Messieurs, je persiste à croire
qu’il serait dangereux d’exclure ceux qui, dans un grand nombre de communes,
seront le plus capables de faire partie du conseil échevinal.
Vous avez exclu les instituteurs qui auront à
être surveillés par le conseil de la commune dont ils reçoivent un subside ;
restent maintenant les instituteurs qui recevront un subside de la province ou
de l’Etat ; eh bien, pour ceux-là, je ne vois véritablement pas de raison de
les exclure, car ils seront surveillés par une commission provinciale.
Dans leurs fonctions d’instituteur, je ne vois
pas pourquoi ils ne pourraient pas exercer les fonctions d’échevin et même de
bourgmestre.
J’ai déjà dit que dans beaucoup de communes il
se rencontrait des échevins ne sachant ni lire ni écrire. J’ai sous les yeux un
tableau duquel il résulte que dans le royaume il existe 700 échevins,
assesseurs ou bourgmestres qui ne savent pas écrire lisiblement. Ce nombre est
réparti diversement suivant les provinces, mais il y a des provinces où le
nombre des échevins, assesseurs ou bourgmestres ne sachant pas écrire
lisiblement se rapproche de 300.
Quand un instituteur aura été jugé par
les électeurs capable de faire partie du conseil, et que le gouvernement l’aura
jugé propre à faire partie du collège échevinal, je dis que toutes garanties
sont assurées.
L’Etat a aussi son intérêt à ce que les
fonctions de bourgmestre et d’instituteur soient bien remplies ; il ne nommera
un instituteur pour remplir les fonctions de bourgmestre que lorsqu’il y aura
nécessité pour le collège. Cette nécessité peut exister dans beaucoup de
localités ; on ne saurait être trop avare d’exclusion, surtout dans les
communes rurales.
On ne veut point, pour faire partie du collèges
d’échevins, des seigneurs de village ; si vous en choisissez les membres dans
la classe inférieure, ils peuvent être incapables de remplir leurs fonctions,
et vous les livrez aux influences élevées que je ne redoute pas, mais que
certains membres de cette chambre paraissent redouter beaucoup.
M. de Theux. - Je crois que cette
discussion oiseuse puisque sans doute le gouvernement adopte le système proposé
par la commission chargée de l’examen du projet de loi sur l’instruction
publique. D’après ce système ce sont les provinces qui accordent les subsides
aux instituteurs dans les communes, et l’administration municipale est chargée
de surveiller l’instituteur communal. Dès lors, ainsi qu’on l’a dit, il y a
incompatibilité entre le surveillant et le surveillé.
M. le ministre de l’intérieur a dit qu’il y
avait un grand nombre de bourgmestres et d’échevins qui ne savent pas écrire
lisiblement ; je ne sais quel argument on a voulu citer de là ; pour moi, je
connais de savants jurisconsultes, des personnes remplissant des fonctions très
importantes, des échevins très distingués qui ne savent pas écrire lisiblement.
M.
Dumortier, rapporteur. - Les raisons données par M. le ministre
relativement aux échevins et bourgmestres ne sachant ni lire ni écrire ne sont
point de nature a faire impression. Je dirai
d’ailleurs que les personnes qui sauront écrire lisiblement auront de l’influence
en remplissant les fonctions de secrétaire.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Il faut qu’elles aient de
l’influence comme bourgmestres.
M. Dumortier,
rapporteur. - Je ne veux pas que les clercs des communes, parce qu’ils
auront été utiles à tel ou tel ministre, puissent être nommés. Sous le roi
Guillaume plusieurs instituteurs étaient de véritables agents du gouvernement ;
il faut éviter cet inconvénient. Il faut que les instituteurs restent à leurs
écoles. Ce n’est pas parce qu’ils sont instituteurs qu’ils sont exclus, mais
parce qu’ils sont salariés. Nous avons admis une exception pour les
ecclésiastiques à cause de leurs fonctions ; admettons une exception pour les
instituteurs.
M. le ministre de l'intérieur vient de me
communiquer le tableau qu’il vient d’invoquer. Il y a, d’après ce tableau,
9,000 bourgmestres et échevins en Belgique, sur lesquels il en est 700
seulement qui ne savent pas écrire lisiblement ou correctement. Sur 9,000 le
nombre 700 est remarquablement très petit. Ce qu’il y a encore de plus
remarquable, c’est qu’il n’y en a que trois qui ne savent ni lire ni écrire. Je
signale ce fait parce qu’il est honorable à notre pays. Il y a beaucoup de
lumières en Belgique. (Aux voix ! aux
voix !)
- Le
paragraphe 6, relatif aux instituteurs qui reçoivent un subside annuel de
l’Etat, de la province ou de la commune, est mis aux voix et adopté.
M. le président.
- Le paragraphe 7 relatif aux meuniers, cabaretiers, etc. est mis en
délibération.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Je ne donne pas mon assentiment à
ce paragraphe.
M. d’Hoffschmidt. - A chaque pas que nous faisons dans la discussion
de la loi qui nous occupe, je m’aperçois que son plus grand vice viendra de ce
que ses dispositions seront applicables aux communes rurales comme aux grandes
villes, malgré l’énorme différence qui s’y fait remarquer facilement quant à
l’administration ; il en résulte que dans une foule de cas, ce qui doit
s’appliquer à l’une ne peut s’appliquer à l’autre ; et la disposition que nous
discutons dans ce moment, relativement aux incompatibilités des meuniers,
aubergistes, etc., est dangereuses à appliquer dans les communes rural soù il faut
restreindre les choix le moins possible.
Si vous rendez inhabiles à faire partie du
collège des bourgmestre et échevins les citoyens qui exercent les professions
que vous voulez frapper d’exclusion, vous ne trouverez personne dans certaines
localités pour composer l’autorité communale, surtout, messieurs, qu’en
adoptant l’article 5 vous avez déjà exclu des conseils communaux la plus grande
partie des citoyens en rendant inéligibles tous ceux qui ne paient pas le cens
électoral ; par là vous avez extrêmement restreint le nombre des habitants des
campagnes aptes à faire partie des administrations ; si vous prononcez de
nouvelles exclusions, il en résultera que dans bien des petites communes, on
devra prendre des administrateurs hors de leur sein, ce qui serait un grave
inconvénient ; car, messieurs, un meunier, un aubergiste convient mieux pour
l’administration de sa commune, s’il jouit de la confiance de ses commettants,
qu’un étranger qui demeurerait à une ou deux lieues de là.
L’on me répondra sans doutes que les
aubergistes, les boulangers, les cabaretiers sont soumis comme tels à la
surveillance des autorités communales ; je le sais ; mais, messieurs, en
général cette surveillance est très rarement nécessaire, surtout à la campagne.
Je ne me rappelle pas que des cas se soient présentés où on a dû la faire dans
mon district. Dans les villes même elle se fait rarement ; voyez à Bruxelles si
les chefs de la régence exercent cette surveillance sur les cafés et les hôtels.
D’ailleurs, si vous vouliez pousser le système que tous ceux qui sont soumis à
la surveillance de l’autorité communale ne peuvent faire partie de cette
autorité, vous arriveriez à l’absurde ; car il n’y a pas d’habitants qui ne
soient soumis plus ou moins à être surveillés par mesure de police :
l’administration doit veiller, par exemple, à ce que les cheminées de chaque
habitant soient entretenues en bon état, etc.
Je suis donc d’avis qu’il vaut mieux
se rapporter au bon sens des électeurs pour le choix de leurs administrateurs ;
s’ils trouvent qu’un aubergiste, qu’un cabaretier même a donné assez de preuves
qu’il est ami de l’ordre, pourquoi ne le nommeraient-ils pas conseiller pour
être présenté ensuite comme échevins.
Je voterai contre la proposition de la section
centrale.
M. Donny. - J’ai
dit précédemment que, dans un grand nombre de circonstances, il y aura
impossibilité légale d’organiser la commune, et je persiste dans cette opinion.
On m’a reproché de recourir, pour justifier mes prévisions, à des suppositions
extrêmes qui ne se réaliseront pas. Messieurs, si vous adoptez le paragraphe 7,
l’on ne sera plus en droit de me faire ce reproche, car alors on sera souvent
dans le cas de ne pas trouver les hommes nécessaires pour composer le collège
des échevins. Il ne sera pas rare en effet que, dans une petite commune où il
n’y a que 7 conseillers l’on trouve parmi eux et le curé, et le meunier du
village et le principal cabaretier qui est assez ordinairement brasseur et par
suite une des notabilités de la commune ; il ne sera pas rare de trouver en
outre dans le conseil une ou deux personnes incapables de remplir les fonctions
d’échevin, ou qui ne veulent pas les accepter et dans de telles circonstances,
sur 7 conseillers il y en aura au moins 5 qui ne seront pas disponibles ; il
n’en restera donc que 2 sur lesquels il faudra prendre et le bourgmestre et les
quatre candidats échevins. Il y aura bien là impossibilité de remplir les
dispositions de la loi et par conséquent impossibilité de constituer l’autorité
communale d’une manière légale.
L’amendement peut-il conduire au but
qu’on se propose ? Non. Supposons qu’il soit adopté ; que le boulanger, le
meunier, etc., ne soient pas admis ; s’ils veulent néanmoins entrer au conseil
échevinal, ils feront prendre la patente par leurs femmes, et l’on éludera
votre disposition. Je crois que ce paragraphe doit être rejeté.
M. Coghen.
- Je me range à l’avis de l’honorable député d’Ostende ; ce qu’il dit est le
tableau fidèle de ce qui se passera dans une multitude de communes rurales. Il
y a sans beaucoup d’inconvénients, et j’en ai été témoin, à ce que les membres
de l’administration municipale exercent des professions, parce qu’ils prennent
trop souvent des décisions dans leur intérêt privé ; mais s’il est possible
d’éviter ces inconvénients dans les villes, il est impossible de les éviter
dans les campagnes.
M. de Theux. - Je ferai remarquer que
ces exclusions ont toujours été reconnues fondées en principe. Mais, comme l’a
fort bien dit le préopinant, d’une part on élude la loi en faisant prendre la
patente par sa femme, son enfant ou son domestique ; d’autre part, l’ancien
règlement accordait à la députation des états la faculté de dispenser.
Toutefois, si on maintient la disposition, il faudrait y insérer cette faculté.
La disposition d’ailleurs ne produirait pas son effet, si elle n’excluait pas
les personnes dont la femme ou les enfants demeurant dans la même maison exerceraient
les professions déclarées incompatibles.
M. H.
Dellafaille - Nous avons établi et extrait des anciens règlements les
incompatibilités dont il est question par les motifs indiqués au rapport. Les
professions relatées dans cet article sont soumises à la surveillance spéciale
des bourgmestres et échevins. Ceci répondrait à l’observation faite, qu’on
aurait dû comprendre également les brasseurs et les distillateurs. Les
brasseurs et distillateurs ne sont pas soumis à la surveillance des
bourgmestres. Les détaillants de pain et de farine sont soumis à cette
surveillance, parce qu’il existe pour eux une mercuriale. Les aubergistes et
les cabaretiers y sont également soumis, par rapport à l’observation des
règlements de police.
Si on leur donnait à eux-mêmes la surveillance
de cette police, si l’on donnait de même aux boulangers celle qui s’exerce sur
le poids du pain, voilà une surveillance qui serait merveilleusement exercée.
L’honorable député de Bastogne nous a dit que cette surveillance du poids du
pain et de la police des auberges et des cabarets ne se faisait pas. Je ne puis
mieux lui répondre à cet égard qu’en l’engageant à s’enquérir de la conduite
des administrateurs placés sous son autorité. Pour moi, j’ai toujours vu les
autorités locales qui entendaient quelque chose à leurs devoirs, exercer sur ce
point une surveillance très active.
Le même orateur a dit que les personnes qui
exerçaient les professions pour lesquelles nous avons établi des exceptions,
étaient souvent les plus honnêtes de la commune. Je veux bien le croire pour ce
qui regarde les boulangers, meuniers, etc., quoique l’opinion populaire ne soit
pas toujours très favorable aux individus de cette classe. Quant aux
cabaretiers, je ne les avais jamais vu présenter comme une classe qui se
recommandât particulièrement par sa moralité.
Selon l’honorable député de Bastogne et
quelques autres orateurs, la disposition que je défends serait inexécutable. Je
leur répondrai qu’elle est tirée des anciens règlements qui sont exécutés
depuis 16 ans, sans que jamais à cet égard une difficulté se soit présentée.
Le même député dit encore qu’en exigeant un
cens des éligibles, on en en rétrécissait trop le cercle. L’honorable membre
oublie qu’au lieu de restreindre le cercle des éligibles, nous l’élargissons ;
car, d’après les anciens règlements, il fallait payer 30 florins pour être
éligible, et d’après la loi actuelle il suffira de payer 20 francs.
C’est
surtout aux communes rurales qu’on faisait allusion quand on nous faisait ces
objections. Mais je connais aussi les communes rurales ; car j’y passe la plus
grande partie de l’année. Je puis dire que jamais les règlements que nous avons
copiés n’ont excité la moindre difficulté. Quant à la possibilité d’éluder la
loi en mettant la patente sous le nom de la femme, les habitants des communes
rurales n’ont pas recours à ce moyen ; mais on pourrait obvier à cet
inconvénient.
Je ne m’opposerais pas à ce qu’on attribuât à
la députation provinciale la faculté d’accorder une dispense lorsque le cas
l’exigerait ; mais quant à l’impossibilité de former l’administration qui
résulterait de la disposition une expérience de 15 années prouve le contraire.
Je voterai pour la proposition de la section centrale.
M. d’Hoffschmidt (pour un fait personnel). - Il est extrêmement
commode, ms, lorsqu’on veut répondre à quelqu’un pour le combattre, de
commencer par dénaturer entièrement ce qu’il a dit pour pouvoir ensuite
argumenter contre lui, et c’est ce qu’a fait le préopinant, qui a prétendu à
tort que j’ai dit tout à l’heure que dans mon district il ne se fait aucune
surveillance, ce qui lui a procuré l’occasion de faire le facétieux en
m’adressant, dit-il, ses compliments sincères sur une pareille administration.
Mais, messieurs, rien n’est plus facile que de plaisanter ainsi, si cela était
admis dans cette enceinte ; par exemple, je pourrais dire à l’honorable M.
Dellafaille, qui nous assurait tout à l’heure qu’il avait toujours habité la
campagne, que cette assurance était inutile, puisque l’on s’en aperçoit
facilement (on rit), et en cela je
lui répondrais sur le même ton qu’il vient d’employer ; mais c’est un genre de
discuter que je n’aime pas, et je me contenterai de prier M. Dellafaille de me
rétorquer d’une autre manière à l’avenir.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - On a dit que la disposition était
extraite des anciens règlements. C’est une erreur. Elle se trouve dans le
règlement des campagnes, mais non dans le règlement des villes. Ensuite dans le
règlement des campagnes, il existe une modification importante à laquelle il a
été fait allusion par M. de Theux, mais que les défenseurs de la disposition
ont passé sous silence ; c’st l’article 10 qui est ainsi conçu :
« Il est permis aux états de la province,
aussi longtemps que le Roi ne jugera pas nécessaire de prendre d’autres
dispositions à cet égard, d’accorder aux assesseurs et autres membres, excepté
au bourgmestre, les dispenses des dispositions contenues dans ce chapitre,
lorsqu’elles seront commandées par défaut de sujets propres aux fonctions, ou
par d’autres raisons particulières de nécessité ou de grande utilité, pourvu
qu’à la fin de chaque année les états transmettent au département de
l’intérieur un relevé des dispenses accordées par eux pendant l’année écoulée,
en y ajoutant les principaux motifs qui les ont nécessitées. »
Pour les
bourgmestres, la loi s’en explique d’une manière non moins catégorique :
« Toutes les dispenses concernant les
personnes des bourgmestres sont réservées au Roi. »
Ainsi le règlement, après avoir posé la règle
générale pour les campagnes seulement, faisait une assez large part à
l’exception. Vous avez du reste une garantie dans la présentation par le
conseil et la nomination par le Roi. On ne présentera pas, on ne nommera pas
tous cabaretiers ou tous meuniers. Au surplus, si cela présentait des
inconvénients, on pourrait revenir sur la loi, dans le cas où M. de Theux ne
voudrait pas donner suite à l’idée d’insérer dans l’article la faculté
d’accorder de dispenses en certains cas.
M. H.
Dellafaille - Je croyais avoir saisi les paroles de M. d’Hoffschmidt.
La chambre me rendra la justice de croire que je n’ai rien voulu dire de
personnel à l’honorable député de Bastogne. Je me suis borné à lui conseiller
une plus grande surveillance sur les administrateurs de son district.
M. d’Hoffschmidt. - Je n’ai besoin des conseils de personne.
M. Hye-Hoys.
- Je ne pourrai pas donner mon adhésion à la disposition qui exclut les
boulangers.
Le lord maire de Londres est un boulanger ou au
moins le fils d’un boulanger.
- Le paragraphe 7° est mis aux voix et rejeté.
M. le président.
- Par suite des amendements adoptés, l’article 9 serait ainsi conçu :
« Art 9. - Ne peuvent être ni bourgmestre
ni échevins :
« 1° Les membres des cours, des tribunaux
civils et des justices de paix, non compris leurs suppléants, les officiers du
parquet, les greffiers et commis-greffiers près des cours et tribunaux civils
et les greffiers des tribunaux de commerce et des justices de paix ;
« 2° Les ministres des cultes ;
« 3° Les ingénieurs et conducteurs des
ponts et chaussées et des mines en activité de service ;
« 4° Les agents et employés des
administrations financières ;
« 5° Les membres des administrations des
hospices et des bureaux de bienfaisance ;
« 6° Les instituteurs qui reçoivent un
traitement ou subside annuel de l’Etat ou de la province. »
M. le président.
- « Art. 10 (du projet du gouvernement). - Le bourgmestre et les échevins
peuvent être suspendus de leurs fonctions par le gouverneur ou par la députation
des états, à charge d’en donner avis dans les 24 heures au gouvernement.
« La durée de la suspension ne peut
excéder 3 mois. »
« Article 10 (du projet de la section
centrale). - Les bourgmestre et échevins sont révoqués par le Roi.
« Ils peuvent être suspendu de leurs
fonctions par la députation provinciale, à charge d’en donner avis dans les 24
heures au gouvernement.
« La durée de la suspension ne peut
excéder 3 mois. »
Le premier paragraphe n’est qu’une
transposition de dispositions qui se trouvent placés aux articles 7 et 8 du
projet du gouvernement.
Le deuxième paragraphe modifie le projet du
gouvernement.
M. le ministre se rallie-t-il au projet de la
section centrale ?
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Je me rallie à la transposition,
mais non au deuxième paragraphe. La section centrale propose de restreindre à
la députation provinciale la faculté de suspendre les bourgmestre et échevins ;
nous demandons qu’elle existe pour le gouverneur comme pour la députation.
M. le président.
- Par conséquent, M. le ministre ne se rallie pas à la proposition de la
section centrale.
La discussion est ouverte sur l’article 10 du
projet du gouvernement.
M. Doignon. -
Je me vois forcé de combattre de nouveau la proposition du gouvernement et de
la section centrale, parce que encore une fois toutes deux confèrent au pouvoir
exécutif plus de droits que le roi Guillaume lui-même ne s’en était attribué
dans ses derniers règlements à l’égard des communes.
Si la chambre avait conservé l’élection
populaire et directe du bourgmestre, j’aurais été le premier à proposer pour la
garantie du gouvernement de lui accorder le droit de révocation et de la
suspension de ce fonctionnaire dans des cas déterminés, et déjà dans une autre
circonstance, dans la fameuse affaire de Liége, j’ai eu l’occasion d’émettre
cette opinion. C’est en effet parce que le gouvernement a négligé ce moyen ou
qu’il n’a point demandé depuis longtemps à la législature une disposition
transitoire sur ce point, qu’on peut dire qu’il a lui-même été cause de
quelques écarts dans certaines localités.
Mais aujourd’hui que le principe de l’élection
directe est repoussé et que la nomination appartient au Roi, le gouvernement
trouve la plus forte garantie dans cette nomination qui est son propre fait ;
il ne peut choisir, pour remplir ces fonctions, que des hommes d’ordre et qui
ont fait leurs preuves de dévouement. Ce mandat étant donné pour un terme et en
même temps dans l’intérêt de la commune, le pouvoir exécutif ne peut et ne doit
pas avoir la faculté de le révoquer avant l’expiration de ce terme, ainsi que
cela était établi par les règlements de Guillaume pour les bourgmestres et
échevins dans les villes, et pour les assesseurs et conseillers dans les
campagnes.
L’article 66 de la constitution statue que le
Roi nomme aux emplois d’administration générale et de relations extérieures,
sauf les exceptions établies dans la loi ; qu’il ne nomme à d’autres emplois
qu’en vertu de la disposition expresse de la loi.
Si les fonctions de bourgmestre étaient un
emploi d’administration générale, on conçoit qu’elles seraient révocables à la
volonté du gouvernement ; mais ces fonctions forment un emploi d’une autre
nature. D’après l’art. 108, le bourgmestre est aujourd’hui, comme toujours, le
chef de l’administration communale, et le gouvernement tient le droit de le
nommer, non de la constitution, mais de la loi qui peut et doit modifier le
droit de révocation suivant le caractère particulier de ces mêmes fonctions.
Or, si l’on ne veut pas que le pouvoir communal
soit pour la cité un être presque nul, il est indispensable que ce magistrat et
les échevins puissent agir avec indépendance dans tout ce qui rentre au moins
dans la sphère des intérêts communaux. Mais cette indépendance n’est pas qu’un
vain mot du moment que l’un ou l’autre, ou même tous ensemble, ils peuvent être
révoqués chaque jour ou à chaque instant par le ministère, ni plus ni moins que
des serviteurs à gage de l’Etat. La nature de leurs fonctions veut donc qu’ils
ne puissent être soumis à la révocation ad nutum comme les autres employés du
gouvernement.
Vous n’avez pas voulu que ces fonctionnaires
soient purement et simplement des hommes du pouvoir, et cependant ils le
deviennent dans le fait s’ils demeurent exposés à être renvoyé à chaque moment
par le ministre. Constamment menacés d’une révocation, ils perdent évidemment
leur liberté d’action.
Vous avez voulu au contraire qu’ils fussent les
protecteurs, les défenseurs de la commune ; mais ils ne le sont plus que de
nom, dès l’instant qu’ils ne jouissent plus de leur indépendance pour défendre
les intérêts communaux. Que sera-ce, messieurs, que cette indépendance, si
placés entre la volonté du pouvoir et l’intérêt de la cité, ils se voient
obligés de sacrifier celui-ci pour conserver leur place ? La révocation ad
libitum que demandent le gouvernement et la section centrale, porterait donc
évidemment un coup funeste au pouvoir communal : nous devons donc la rejeter.
Pour nous diriger en cette matière, il
suffirait de rappeler cette règle bien simple : que ceux-là qui ont pris part à
une nomination, ont naturellement droit à une part dans la révocation. Qui
nomme révoque, c’est-à-dire, ceux qui ont concouru à la nomination doivent
également intervenir dans la révocation.
Or, vous avez admis que la commune a sa part
dans la nomination des bourgmestre et échevins. Le conseil, comme représentant
la commune, désigne à sa majesté quelques candidats, afin de choisir les
échevins. Mais cette désignation faite par le conseil est elle-même une
nomination éventuelle de l’autre de ces candidats, puisque le Roi, en nommant,
est obligé de se fixer sur eux. Il faut en dire autant du bourgmestre dont le
choix est également restreint dans le conseil ; c’est la commune qui a aussi
nommé les conseillers, dont le pouvoir exécutif est forcé de choisir de choisir
l’un ou l’autre. D’après les systèmes établis, la commune ou ses représentants
ont donc participé à la nomination ; et par conséquent ces derniers ont le
droit d’intervenir dans la révocation.
Or, lorsque deux parties ont droit de concourir
à un acte, il faut au moins qu’il y ait quelque réciprocité ; il n’est pas
juste que l’une ait sur cet acte toute l’autorité à l’exclusion de l’autre. Les
nominations dont s’agit ayant été faites ensemble par les deux parties et pour
un terme fixe, il en résulte donc que l’une et l’autre sont tenues d’attendre
l’expiration de ce terme, afin de pouvoir les révoquer. Si, par exemple,
l’administration d’un bourgmestre était toute au profit de l’Etat et au
détriment évident de la commune, celle-ci se verrait obligée d’attendre le
renouvellement périodique pour éliminer du conseil ce mauvais magistrat ; dans
l’hypothèse contraire, le gouvernement se verrait dans la même position et
réciproquement il n’aurait pas le droit d’anticiper sur cette époque. Mais la
longue expérience qui a été faite sous l’ancien règlement de Guillaume, nous a
prouvé que ces suppositions ne sont pas à craindre, et que dans le fait le Roi
et la commune peuvent attendre l’accomplissement du terme.
Du côté du gouvernement, il y aurait d’ailleurs
un inconvénient extrêmement grave, c’est que le conseiller repoussé comme
bourgmestre ou échevin par le ministère rentrerait dans le conseil ; le
gouvernement ne serait donc point débarrassé de son ennemi, mais il le
rencontrerait plus hostile encore dans le sein du conseil.
Il n’est donc aucunement nécessaire, et il y
aurait tout à la fois injustice et danger, de vouloir attribuer aujourd’hui au
Roi plus de droits que n’en avait le roi Guillaume : loin de prétendre qu’ils
ne lui donnaient point assez de force, l’on a eu à se plaindre des abus qu’il
en a faits. Le gouvernement est en outre armé comme lui des dispositions du
code pénal de l’empire, qui prévoient les cas de forfaiture et beaucoup
d’autres dont les administrateurs peuvent se rendre coupables dans l’exercice
de leurs fonctions.
Au surplus, si la majorité de cette chambre
pouvait adopter le système de révocation avant l’expiration du terme fixé par
les fonctions de ces magistrats, je lui ferai observer que la commune ayant
participé elle-même aux nominations ainsi que je l’ai établi plus haut, son
intervention ou au moins celle du pouvoir provincial ne pourrait être refusée
dans les actes de révocation ou de suspension.
Le pouvoir provincial est le protecteur né de
toutes les communes ; ce serait au moins à lui à les défendre dans ces
circonstances et à veiller à ce qu’aucune révocation ou suspension ne puisse
être faite arbitrairement. D’après le règlement des villes, jamais dans les
villes le roi ne pouvait révoquer ou suspendre un bourgmestre ou un échevin ;
mais les états seuls, et non le Roi, pouvaient suspendre et au besoin démettre
dans les campagnes les assesseurs et autre membres du conseil.
Toutes les sections, sauf une seule, ont rejeté
les droits de révocation et de suspension tels qu’ils sont proposés par le
gouvernement et la section centrale ; toutes ont demandé des modifications en
réclamant surtout l’intervention du conseil communal ou du pouvoir provincial.
Mais une garantie qu’il y aurait iniquité
révoltante à refuser à la commune, c’est que la décision soit motivée, et que
la personne puisse être entendue avant d’être jugée.
Sous le gouvernement déchu, et lorsque les états
usaient du droit de suspension ou de destitution, la suspension ou la
destitution devait au moins être motivée sur la négligence grave ou la mauvaise
conduite des administrateurs ; mais, d’après les articles en discussion, le
ministre aurait le pouvoir de suspendre et révoquer sans même rendre aucun
compte de ses raisons.
La vague de ces deux causes : négligence ou
mauvaise conduite, avait déjà été le sujet des plaintes les plus vives sous le
régime hollandais : que pensera donc le peuple d’une disposition qui accorde au
ministère un pouvoir illimité en pareil cas ?
Encore une fois l’expérience ne nous a
nullement prouvé qu’un semblable moyen était
indispensable pour faire marcher les administrations.
A cet égard on pourrait donc préciser et
indiquer dans la loi les cas de prévarication ou de malversation qui
emporteraient la suspension ou la destitution.
Qu’on ouvre les règlements, on verra quelles
sont les principales obligations et les devoirs qui incombent aux bourgmestres
et échevins. Or, dès que l’on connaît tous leurs devoirs, il n’est pas bien
difficile de prévoir quand ils seront censés y avoir manqué assez gravement
pour encourir la suspension ou la destitution. Parmi les cas punissables, on
pourrait même comprendre le retard opiniâtre, la négligence grave et même
d’autres cas moins répréhensibles, mais qu’au moins enfin ils soient jugés
régulièrement, afin que le peuple puisse dire ici comme partout ailleurs qu’on
a fait bonne justice.
Aux termes de l’article 100 de la constitution,
les juges ne peuvent être privés de leur place que par un jugement motivé.
L’art. 124 déclare aussi que les militaires ne peuvent être privés de leur
grade que de la manière déterminée par la loi.
Mais les bourgmestres et échevins, dans l’ordre
administratif, exercent aussi une juridiction, une magistrature dans la commune
; pourquoi donc leur ravirait-on le droit naturel de la défense, pourquoi le
jugement qui les condamne ne serait-il pas motivé ?
Qu’on ne s’y trompe pas, la crainte seule d’un jugement
aussi solennel serait un bien plus grand frein que la menace d’une destitution
brusque, sans motifs, qui toujours est taxée d’arbitraire lors même qu’elle
serait juste.
En vain la section centrale observe-t-elle
qu’il est dans l’intérêt des fonctionnaires que les motifs des révocations ne
soient pas connus ; dites plutôt qu’il est de l’intérêt de l’arbitraire de
pouvoir agir dans les ténèbres et de cacher aux yeux du peuple les causes
réelles qui le dirigeraient en pareil cas. Cette observation de la section
centrale n’est donc qu’un prétexte futile, d’autant plus que, quelle que puisse
être la discrétion des autorités, le public parvient toujours à connaître les
vrais motifs d’une révocation. Si donc on veut en faire un mystère, ce n’est
réellement que parce que l’arbitraire, fuyant toujours la lumière, on sait fort
bien que son action est d’autant plus libre qu’elle est mieux cachée.
L’on invoque l’intérêt du fonctionnaire, mais
l’intérêt de son honneur et de sa réputation n’exige-t-il pas au contraire que
l’affaire soit mise au grand jour ? S’il est innocent ou si l’autorité est
induite en erreur, n’a-t-il pas le plus grand intérêt à parler ?
Le peuple lui-même, qui a pris une part dans sa
nomination, n’a-t-il pas également le plus grand intérêt à connaître si ce
magistrat a bien ou mal mérité de la commune ?
N’est-il pas nécessaire qu’il sache à quoi s’en
tenir à l’égard de ce citoyen pour les élections futures, ou faut-il qu’à ses
yeux ce citoyen demeure déshonoré pour toujours, à défaut d’avoir pu se
justifier, et que par suite il reste ainsi frappé d’une sorte d’incapacité pour
tout emploi communal ?
Telles sont cependant les conséquences du
système de la section centrale et du gouvernement. Tout nous fait donc un
devoir de maintenir le principe de publicité dans cette matière comme en toute
autre.
En un mot, le gouvernement possède un moyen
fort simple et bien facile de renvoyer dans des cas infiniment rares quelque
mauvais bourgmestre, c’est de le laisser à l’écart lors des renouvellements
périodiques. Veut-il rapprocher le terme de ce renouvellement ? Nous ne nous y
opposerons pas.
En
conférant un pouvoir illimité au ministère, la section centrale aurait-elle eu
en vue de lui procurer le moyen de frapper les administrateurs dont les
opinions politiques lui paraîtraient incompatibles avec l’ordre actuel des
choses, ou qu’il ne serait pas possible d’atteindre par les voies légales ;
mais le renouvellement dont nous venons de parler peut encore remédier
suffisamment à cet inconvénient qui ne peut d’ailleurs se présenter que très
rarement. L’aversion du peuple pour la maison de Nassau est un sûr garant qu’il
n’appellera point de tels hommes à l’administration de la commune. Dans tous
les cas, on ne fait pas de lois pour des cas aussi extraordinaires ; on attend
alors que l’expérience parle afin de prendre telle mesure qu’elle peut
suggérer.
Je rejetterai donc les articles en discussion,
et j’adopterai les amendements conformes à mes observations.
M. Milcamps.
- J’ai demandé la parole pour exposer seulement les motifs qui ont porté la
majorité de la section centrale à proposer d’accorder au Roi la révocation des
bourgmestres et des échevins.
La considération que tous ces fonctionnaires
sont ou peuvent être investis d’une portion de la puissance exécutive et sont
en même temps administrateurs de la commune, a porté la section centrale à
faire concourir les différents pouvoirs à leur nomination.
Ainsi, les électeurs participent à la
nomination du bourgmestre.
Ainsi, les électeurs et le conseil participent
à la nomination des échevins.
Si le pouvoir de révoquer était corrélatif de
celui de nommer, si la faculté de nommer entraînait celle de révoquer, il
serait rationnel que le bourgmestre et les échevins ne pussent être révoqués sans
l’intervention de ceux qui ont concouru ou participé à leur nomination.
Mais le pouvoir de révoquer n’est pas
corrélatif de celui de nommer. C’est le gouvernement, qui, dans quelque partie
que ce soit, nomme les fonctionnaires inamovibles, et cependant il n’a pas le
droit de les destituer.
Il s’agissait donc d’adopter ce qui était le
plus convenable.
Il était impossible d’abord, quant aux
bourgmestres, de conférer aux électeurs le pouvoir de les revoquer,
et puisque la nomination de ce fonctionnaire a été abandonnée au pouvoir
exécutif sous la seule condition de le choisir dans le sein du conseil, il
était naturel d’accorder au même pouvoir la révocation.
Quant aux échevins, déclarer qu’ils seront
révoqués par le Roi à la demande ou sur la proposition du conseil, c’eût été
décider qu’aucune révocation ne pourrait avoir lieu sans le consentement du
conseil, et cependant il s’agit ici de fonctionnaires investis d’une partie de
la puissance exécutive, puisque c’est ordinairement un échevin qui est appelé à
exercer les fonctions de police judiciaire, d’officier de l’état civil.
Mais, dit-on, en accordant cette révocation au
pouvoir exécutif, c’est introduire des peines que le gouvernement précédent
n’avait pas cru devoir se réserver ; mais je ferai observer que la constitution
de l’an VIII réservait au chef du gouvernement le pouvoir de révoquer à volonté
les fonctionnaires de tout ordre, que la charte fait la même réserve, et que le
dernier règlement accordait au gouvernement le droit de révocation, on tout au
moins celui de suspension pour le plat pays. Et dans cette chambre, messieurs, n’avons-nous pas eu, dans une
circonstance que je ne veux pas rappeler, à regretter l’absence de dispositions
législatives sur le droit de révocation ?
Mais remarquez-le bien, messieurs, votre
section centrale ne propose pas cette révocation, du moins, quant aux échevins,
dans l’intérêt du pouvoir, mais bien dans l’intérêt de la commune.
C’est une arme qu’elle a voulu
donner au pouvoir contre l’échevin nommé qui ne répondrait pas à la confiance
des électeurs et du conseil.
Avez-vous à craindre que le gouvernement use de
la faculté de révocation dans l’intérêt du pouvoir et par caprice ? Mais, messieurs, l’exercice
arbitraire d’un pareil droit tournerait contre lui. Le conseil ne manquerait
pas de persister à présenter le même individu avec un autre d’une même opinion.
La révocation n’aurait donc pas pour lui une grande utilité.
Je ne me prononce pas personnellement sur ces
graves questions, j’attendrai les lumières de la discussion.
M. de
Theux. - Les questions qui vous sont soumises à l’article 10 sont très
importantes. Il me paraît qu’il convient d’examiner les dispositions
antérieures sur la matière, de les comparer à celles qui vous sont présentées
et d’approfondir les principes sur lesquels elles sont basées.
Quant aux dispositions antérieures, je dirai
qu’il y avait une lacune absolue en ce qui concernait les villes. Le
gouvernement était dans la nécessité de continuer sa confiance au bourgmestre
d’une ville qui ne la méritait pas, tandis que dans les campagnes il pouvait
les révoquer ; c’était une anomalie choquante. Le droit de révocation est bien
plus nécessaire dans les grandes villes que dans les campagnes.
Le gouvernement n’établit aucune distinction
entre le droit de suspension et le droit de révocation. C’est là une violation
des principes. La révocation peut n’être fondée que sur un manque de confiance
qui nécessite de la part de l’autorité qui nomme, le retrait du mandat qu’elle
avait accordé à un fonctionnaire. La suspension n’est jamais envisagée sous le
même point de vue. Il faut que les causes qui doivent entraîner la suspension
soient bien déterminées, parce que la suspension est une peine et que la loi
doit fixer les motifs qui nécessitent l’application de toute pénalité.
L’article 18 du règlement pour le plat-pays avait concilié les principes
beaucoup mieux que ne le fait le gouvernement dans son projet.
Je crois, en ce qui concerne les bourgmestres,
que le Roi qui les nomme doit pouvoir également les révoquer. Les bourgmestres
sont évidemment, en partie au moins, les agents du gouvernement. C’est sur eux
que repose la sûreté des communes. C’est à eux qu’il appartient de requérir la
force armée pour réprimer un soulèvement populaire. S’ils négligeaient de le
faire, le gouvernement ne pourrait être responsable des conséquences de leur
inertie. Il est nécessaire dans l’intérêt de l’ordre public que ces magistrats
puissent être révoqués par le pouvoir royal.
Je conçois qu’il y a moins de motifs plausibles
pour accorder au gouvernement le droit de révoquer les échevins. Ceux-ci sont,
d’après le projet, des fonctionnaires purement municipaux. Je ferai remarquer
que l’art. 18 du règlement du plat pays n’accordait qu’à la députation des
états le droit de démissionner les échevins. Voici comme cet article était
conçu. (L’orateur donne lecture de cet
article).
Ainsi la démission du bourgmestre
était donnée par le Roi sans que les motifs dussent accompagner l’arrêté. La
démission des échevins ou plutôt des assesseurs était donnée par la députation
des états pour des causes déterminées. Quant à la faculté de suspendre ces
fonctionnaires, elle appartenait également à la députation des états et au
gouverneur, toujours pour des causes déterminées. Je crois que ce système est
le plus rationnel, en ce qu’il ne permet pas qu’il se commette un acte injuste
de suspension.
Je ne puis, sous aucun prétexte, admettre en
faveur du gouvernement la faculté de suspendre quand il n’y a pas de causes déterminées.
C’est un blâme pour un fonctionnaire que de le suspendre de ses fonctions. Il
faut que le fonctionnaire sache dans quelles circonstances il peut être
suspendu. Pour ce qui est de la révocation, c’est un simple retrait de
confiance qui n’a rien d’injurieux pour la personne qui en est frappée.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - L’article 10 du gouvernement
demande pour le Roi la faculté de révoquer les bourgmestres et les échevins. Il
semble que l’on est à peu près d’accord pour attribuer cette faculté au
pouvoir, faculté qui n’est que la conséquence du droit de nomination que vient
de lui conférer la chambre. Jusqu’à présent l’honorable M. Doignon est le seul
qui ait combattu cette disposition.
Reste le droit de suspendre ces mêmes
fonctionnaires. Ce droit appartiendra-t-il également au pouvoir qui a la
faculté de révocation, ou sera-t-il laissé à une autre autorité qui ne l’a pas
? Dans notre opinion il serait contraire aux principes que celui-là qui a le
droit de révoquer n’eût pas le droit de suspendre. Car la suspension n’est
qu’un acte préliminaire, préalable à la révocation nécessaire pour que le
gouvernement qui révoque n’agisse pas avec trop de précipitation. C’est une
barrière contre les passions du pouvoir supérieur. Car le pouvoir a aussi ses
passions. Si vous lui refusez le droit de suspension vous le forcerez à
révoquer irrévocablement un fonctionnaire qu’il aurait pu se contenter de
suspendre.
On a dit que la révocation étant un simple
retrait de confiance, il ne fallait pas que le pouvoir exprimât le motif qui
pouvoir l’engager à prendre une pareille mesure. Il me semble que c’est
précisément parce que c’est un retrait de confiance qu’il fait que les motifs
en soient donnés. Il faut que le fonctionnaire sache pourquoi le gouvernement
lui retire sa confiance. Il peut arriver que ce soit par des raisons de
divergence d’opinions politiques, pour mauvaise administration, ou bien pour
malversation dans la gestion des affaires communales.
Il sera bien plus nécessaire pour le
fonctionnaire de savoir les motifs de sa révocation que ceux de sa suspension.
Ce dernier acte n’étant que préparatoire et destiné à permettre au gouvernement
de s’assurer si le fonctionnaire atteint de cette mesure est digne ou indigne de
sa confiance.
On a dit que le droit de suspension était
accordé sous l’ancien gouvernement à la députation des états et au gouverneur.
On a ajouté que dans les deux cas l’exercice de ce droit ne pouvait avoir lieu
que pour des motifs déterminés. Cette assertion n’est pas tout à fait juste.
Elle est vraie si elle ne s’applique qu’à la députation. Elle est erronée si
elle s’applique au gouverneur ; car dans l’instruction des gouverneurs il est
dit qu’ils pourront suspendre les bourgmestres et les échevins pour motifs
graves. Or, cette définition est assez vague pour que la suspension n’ait
jamais été déterminée.
J’entends dire que l’instruction des
gouverneurs ne fait pas loi. L’on se trompe. Car elle se trouve formellement
rappelée dans le règlement du plat pays qui était pour le royaume une
disposition constitutionnelle.
Le droit de suspension ne se trouve pas, à la
vérité comprise dans les dispositions du règlement des villes. Si l’on voulait
interpréter d’une manière large l’instruction des gouverneurs on pourrait y
trouver le droit de suspension. Car cette instruction se trouve également
rappelée dans le règlement des villes. Mais j’admets que le droit de suspendre
ne s’étendît pas aux villes. Il se trouvait donc qu’en Belgique les
bourgmestres et échevins de 96 villes n’étaient pas soumis à ce droit de
suspension, tandis qu’il était en vigueur dans 2,642 communes rurales ; et la
question était, comme on le sait, importante surtout pour les communes rurales.
Si vous
accordez le droit de suspension au gouvernement et à la députation, vous
établirez entre le pouvoir royal et le pouvoir provincial un singulier conflit.
La députation des états voudra suspendre un bourgmestre qui, selon le
gouvernement, n’aura pas mérité d’être frappé de cette mesure et réciproquement.
De quoi droit la députation viendrait-elle
suspendre un fonctionnaire du gouvernement, alors que le gouvernement croirait,
lui, qu’il a bien exécuté la loi ?
Je suis d’accord sur la convenance d’accorder
le droit de suspendre les bourgmestres à la députation permanente pour certains
actes dont la surveillance est spécialement confiée à la députation. Ainsi, le
bourgmestre néglige d’arrêter et d’envoyer le budget de la commune ; la
députation le réclame, insiste ; le budget n’arrive pas ; elle suspend le
bourgmestre. Voilà un cas où la députation aura bien fait de suspendre, où il
est juste qu’elle en ait le droit.
Mais, pour les actes qui ressortissent de
l’administration du royaume, la députation n’a rien à y voir. Il serait
inconvenant, il serait inconséquent de lui donner dans ce cas le droit de
suspension des bourgmestres, surtout quand vous le refusez au gouvernement.
Quant à la nécessité qu’il peut y avoir de
suspendre et de révoquer les agents du pouvoir dans la commune, je crois
qu’elle ne sera contestée par personne. Depuis la révolution, bien que, il faut
le reconnaître, les choix aient été convenablement faits, il n’y a pas de jour
où il n’arrive à l’administration provinciale et à l’administration supérieure
des plaintes relatives aux actes des bourgmestres et assesseurs.
Bien que le gouvernement ait eu quelque doute
sur son droit de suspendre les bourgmestres et échevins, il a été forcé dans un
assez grand nombre de cas d’user de ce droit, malgré toute la réserve qu’il a
dû y mettre en raison des scrupules qu’il éprouvait.
La suspension d’un bourgmestre a été
quelquefois réclamée très vivement ; toute la commune protestait contre sa
nomination en signalant un grand nombre d’abus qu’il avait commis. Je pourrais
vous citer un grand nombre de faits de ce genre, vous lire des plaintes qui me
sont parvenues sur ce que certaine commune était administrée par un bourgmestre
et des échevins qui avaient perdu toute sa confiance.
Tout récemment j’ai reçu une délégation des
notables d’une commune qui protestait contre la présence au pouvoir communal
d’un bourgmestre et d’échevins qui depuis 3 ans n’avaient pas payé aux
habitants de la commune un centime pour indemnité de logements militaires.
Cette plainte s’est renouvelée dans plusieurs communes.
Je suis le premier à rendre hommage au bon sens
des électeurs ; cependant ils peuvent se tromper. Ainsi ils ont nommé pour
bourgmestre dans une commune un homme qui pour des malversations notoires avait
été l’objet de poursuites judiciaires, un homme qui pour des délits, des crimes
même, avait été condamnée par les tribunaux.
Voici entre autres faits celui qui a été
signalé à l’administration supérieure par un fonctionnaire public. Voici ce
qu’écrivait au gouverneur du Hainaut un fonctionnaire de cette province. (Ici le ministre donne lecture de cette
lettre.)
Vous voyez donc que la nécessité de donner au
gouvernement le droit de suspendre les fonctionnaires des communes, moyen
efficace de répression envers eux, était sentie par un fonctionnaire à
l’expérience duquel je dois rendre hommage en cette circonstance.
J’ajouterai
que le bourgmestre dont il est question ici appartient au district de Tournay.
J’insisterai donc sur la rédaction du projet du
gouvernement ; et j’attendrai qu’il ait été combattu par de nouveaux motifs.
M. le président.
- M. H. Dellafaille vient de déposer
l’amendement suivant :
« Les bourgmestres et les échevins peuvent être
suspendus de leurs fonctions par la députation permanente du conseil provincial
pour cause d’inconduite ou de négligence grave.
« Il sera donné connaissance des motifs de
la suspension au fonctionnaire inculpé, qui devra être entendu dans ses moyens
justificatifs.
« La durée de la suspension ne pourra
excéder trois mois, à moins que le fonctionnaire n’ait été mis en jugement.
« Dans le même délai de trois mois, le
bourgmestre ou l’échevin suspendu de ses fonctions pourra être révoqué s’il y a
lieu. La révocation du bourgmestre est prononcée par le Roi ; celle des
échevins, par la députation permanente du conseil provincial.
« Le fonctionnaire révoqué ne pourra être
présenté comme candidat pour la place d’échevin pendant les trois années qui
suivront l’arrêté de révocation. »
La parole est à M. H. Dellafaille pour
développer son amendement.
M. H.
Dellafaille - Messieurs, sans partager l’opinion émise par l’honorable
M. Doignon qui semble contester l’utilité du droit de révoquer et de suspendre
les bourgmestres et les échevins, je ne saurais admettre ce droit dans toute
l’étendue que demande le gouvernement et que lui accorde la section centrale.
En principe j’admets qu’il est nécessaire que
les membres du collège puissent être, les cas échéants, suspendus et même
révoqués de leurs fonctions.
Je crois, messieurs, que le droit de révocation
et de suspension doit exister, sauf à prendre les précautions convenables pour
en éviter les abus.
Le droit de révocation me semble nécessité et
par l’intérêt du gouvernement et par celui de la commune elle-même.
Il serait difficile d’en affranchir le
bourgmestre, considéré comme agent du pouvoir exécutif.
Pourquoi avez-vous donné au gouvernement le
droit de nommer ce fonctionnaire ? Evidemment afin de laisser à des ministres
responsables de leurs actes le choix de l’agent dont ils doivent se servir,
afin de les garantir de la mauvaise volonté ou même de l’esprit hostile de leur
subordonné. Cependant nul ministre ne peut se flatter de ne jamais se tromper
dans ses choix ; tel homme d’ailleurs peut avoir fait honneur dans le principe
au discernement de celui qui l’a choisi, et démentir ensuite ses commencements.
Obligeriez-vous cependant le gouvernement à se
servir pendant six ans d’un homme qui se trouverait réellement indigne de sa
confiance ? Accorder au ministre le droit de nomination et lui refuser celui de
révocation, ce serait lui retirer d’une main ce que vous lui auriez donné de
l’autre.
L’intérêt propre des habitants de la commune
exige que les bourgmestres et échevins ne soient pas inamovibles pendant le
terme assigné à leurs fonctions.
Les membres de l’administration locale ne
peut-ils pas commettre les négligences les plus graves, compromettre par les
impéritie ou leur légèreté les intérêts les plus vifs de la commune, devenir
comme cela s’est vu trop souvent de véritables tyrans au petit pied ?
Quelquefois la révocation d’un fonctionnaire de ce genre serait un véritable
bienfait pour les habitants. A défaut de ce droit, si MM. les bourgmestres et
échevins ont la précaution de lire le code pénal, ils peuvent en sûreté exploiter
la commune à leur guise pendant six ans. Ce terme me semble un peu long.
La faculté de suspendre de leurs fonctions les
membres du collège n’est pas moins indispensable que celle de les révoquer.
Elle est d’ailleurs la conséquence nécessaire de celle-ci.
La suspension est une mesure moins acerbe que
la révocation. Elle peut réprimer des fautes trop graves pour demeurer
impunies, mais pour lesquelles la révocation serait néanmoins une peine trop
forte.
La faculté de suspendre rend la révocation plus
rare, en ce qu’elle permet à l’autorité supérieure d’user d’indulgence, surtout
une première fois, et de réserver la révocation pour les cas extrêmes.
Comme préliminaire de la révocation, elle tend
à en prévenir les abus, à la rendre plus juste et moins brutale, en donnant au
fonctionnaire inculpé le temps de se défendre et à l’autorité supérieure le
temps de réfléchir.
Enfin elle est indispensable dans les cas où un
fonctionnaire serait recherché pour un crime ou délit. Si cette faculté
n’existait pas, le bourgmestre ou l’échevin pourrait jusqu’à sa mise formelle
en accusation continuer l’exercice de ses fonctions, quoique poursuivi par la
clameur publique.
En admettant la faculté de révoquer et de
suspendre les membres du collège, il nous reste à examiner par qui ce droit
doit être exercé.
La révocation du bourgmestre ne peut être
prononcée que par le Roi. Il est impossible d’admettre qu’une autre autorité
puisse révoquer un fonctionnaire appartenant au pouvoir exécutif et nommé par
le Roi.
Il n’en est pas de même de celle des échevins.
Le projet du gouvernement était conséquent avec lui-même ; le Roi nommait et
révoquait ces fonctionnaires ; mais le projet de la section centrale nous
présente un système absurde à mon avis. Selon sa proposition déjà adoptée par
la chambre, l’échevin est nommé par le concours du Roi et du conseil. Cependant
c’est au Roi seul qu’on nous propose de conférer le droit de révocation. Il
semble cependant que la révocation ne peut être prononcée par un seul des deux
pouvoirs qui ont concouru à la nomination.
L’honorable M. Milcamps nous dit que le droit
de révoquer est quelquefois indépendant de celui de nommer. Il en donne pour
preuve l’exemple des juges inamovibles quoique institués par le Roi. Cet
exemple prouve en effet que l’un de ces droits n’existe pas comme conséquence
nécessaire de l’autre, mais il ne prouve nullement qu’un seul des deux mandants
ait le droit de retirer un mandat commun. Il est d’ailleurs inexact de dire que
les échevins soient agents du pouvoir exécutif. L’article 95 du projet du
gouvernement dit formellement le contraire.
Il serait impraticable d’exiger le concours du
Roi et du conseil communal pour la révocation d’un échevin. Dès lors il me
paraît que rien n’est plus naturel que de chercher un autre moyen. Ce moyen est
facile à trouver. Pourquoi ne donnerait-on pas le droit de révocation à la
députation permanente modératrice née des autorités communales ? C’est le
pouvoir hiérarchique immédiatement supérieur, et celui qui peut le mieux
apprécier l’exigence des cas.
En ce qui concerne le droit de suspension, il
me répugnerait de le laisser au gouverneur. Un seul homme se trompe aisément,
peut agir légèrement dans un moment d’humeur ou sur la foi de rapports
inexacts. La députation, composée de sept personnes n’est pas exposée à ce
danger. Son intervention donne au fonctionnaire une garantie contre la
précipitation du gouverneur ; elle donne aux citoyens l’assurance que les
membres de leur administration ne seront pas légèrement frappés par cette
mesure, elle donne au Roi le moyen de s’éclairer sur l’usage qu’il peut se
trouver dans le cas de faire du droit de révocation.
J’ajouterai encore quelques mots sur mon
amendement. Je demande que le fonctionnaire inculpé soit entendu dans ses
moyens justificatifs. Ceci est tellement juste que je ne pense pas qu’on puisse
le contester. Je demande en outre que la suspension précède la révocation. Je
ne saurais admettre avec l’honorable M. de Theux que le bourgmestre puisse être
révoqué sans une cause grave. La révocation doit être une véritable pénalité
justifiée par des torts réels de la part de celui qui se trouve frappé de cette
mesure. La suspension préliminaire lui fournit les moyens de se justifier s’il
le peut ; elle donne au gouvernement le temps de vérifier les faits et de
n’agir qu’en connaissance de cause.
Enfin,
j’ai ajouté le dernier paragraphe, parce qu’il m’a semblé qu’on ne pouvait pas
permettre que le droit accordé au Roi de choisir les échevins sur une liste de
deux candidats au moins fût éludé par une présentation dérisoire. J’ai voté
contre ce droit ; mais puisque la chambre l’a admis, il doit être exercé en
réalité. Comprendre au nombre des candidats un individu destitué pour
inconduite ou négligence grave dans l’exercice de ses
fonctions précédentes, ce serait ôter au gouvernement la liberté du choix que
la loi lui aurait déféré. Il faut d’autant plus empêcher cet inconvénient que
mon amendement tend à rendre les destitutions arbitraires à peu près
impossibles et à restreindre l’usage de la faculté de révoquer aux seuls cas où
cette mesure puisse se justifier.
M. A. Rodenbach.
- je demande que la discussion de cet amendement soit renvoyée à demain. Il
s’agit ici d’un principe essentiel à la loi communale ; c’est presque la loi
tout entière. Il faut y réfléchir sérieusement.
M. Jullien.
- Je désirerais savoir du ministre de l’intérieur si, dans son opinion, la
révocation de bourgmestre ou d’échevin emporte la révocation de membre du
conseil municipal : il faut connaître les intentions du gouvernement sur cet
objet. Je pourrai à cet égard présenter un amendement. On ne peut enlever que
ce qu’on a donné ;
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier)- Oui !
M. Jullien. -
Oui ; c’est fort bien ; mais il faut que la loi en dise autant.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Si la déclaration du gouvernement
peut ajouter quelque chose à la loi, je la ferai ; je déclare donc que le
retrait des fonctions de bourgmestre et d’échevin n’enlève pas la qualité de
membre du conseil qui a été donnée par le peuple et qui ne peut être enlevée
que par lui.
Quant à l’amendement, j’en appuierai la partie
d’après laquelle un fonctionnaire révoqué ne pourrait être présenté comme
candidat que trois ans après.
M. Dumortier, rapporteur. - Il a paru à la section
centrale que le gouvernement ne pouvait révoquer que des fonctions qu’il avait
conférées, et que les fonctions conférées par le peuple ne peuvent être
révoquées que par le peuple ; cela nous a paru si évident que nous n’avons pas
cru devoir en parler dans la loi.
M. le ministre de l’intérieur veut bien
admettre la partie de l’amendement d’après laquelle un fonctionnaire révoqué ne
pourrait être présenté sur la liste des candidats que trois ans après,
c’est-à-dire qu’il admet de l’amendement ce qui est favorable au pouvoir ; cela
est fort commode. Il ne peut en être ainsi. Au reste, le système de révocation
n’a jamais existé dans ces contrées, et il ne faut pas l’introduire ; il ne
faut pas rétrograder. Demain nous examinerons ces questions.
M. de Muelenaere. - J’avais demandé la
parole pour faire observer que d’après le système que vous avez admis, la
qualité de conseiller est antérieure à celle de bourgmestre. La qualité de
conseiller lui a été conférée par les électeurs. Le pouvoir exécutif, en lui
enlevant celle de bourgmestre dont il l’a revêtu, ne peut pas lui enlever la
qualité de conseiller, à moins d’une disposition formelle dans la loi.
M. H.
Dellafaille - Messieurs, je dois un mot de réponse à M. le ministre de
l’intérieur qui veut bien adhérer au dernier paragraphe de mon amendement, mais
non à ce qui le précède.
Ainsi que l’observe l’honorable M. Dumortier,
M. le ministre n’est pas dégoûté. Il accepte ce qui lui convient et refuse le
reste. Il y a cependant une petite difficulté ; c’est que si ce paragraphe peut
être adopté sans inconvénients à la suite des dispositions que j’ai proposées,
il devient totalement inadmissible à la suite des propositions ministérielles.
Dans mon système la révocation est une
véritable pénalité prononcée pour des cas bien et dûment établis après
information et le fonctionnaire bien entendu. Dans le système du ministre au
contraire, la révocation est une simple mesure de bon plaisir. Il ne doit, il
ne peut pas dépendre du bon plaisir d’un ministre de priver un citoyen de ses
droits civiques. Aussi voterai-je contre ce même paragraphe si les dispositions
précédentes dont il est la conséquence ne sont pas adoptées.
M. le
président. - Voici un amendement qui vient d’être déposé :
« Les bourgmestre et échevins peuvent être
suspendus de leurs fonctions par le gouverneur ou la députation provinciale
pour le terme de trois mois au plus.
« Les échevins peuvent, dans les mêmes cas,
être démis par la députation provinciale.
« Les bourgmestres peuvent être révoqués de
leurs fonctions par le Roi. »
M. de
Theux a la parole pour développer son amendement.
M. de
Theux. - Je l’ai développé.
M. le président.
- M. A. Rodenbach a proposé le renvoi de la séance à demain, afin que les
amendements puissent être imprimés et distribués.
M. Dumortier,
rapporteur. - Je propose un sous-amendement. Je demande que les arrêtés
de révocation énoncent les faits qui se rapportent aux cas énumérés dans la
loi.
- La discussion est renvoyée à demain.
La séance est levée à quatre heures et un
quart.