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Chambres des représentants de Belgique
Séance du lundi 28 juillet 1834

(Moniteur belge n°210, du 29 juillet 1834)

(Présidence de M. Dubus.)

La séance est ouverte à midi et demi.

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Liedts procède à l’appel nominal.

M. H. Dellafaille donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier ; la rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. Liedts fait connaître l’analyse des pétitions suivantes.

« Trois secrétaires des communes du district d’Ypres demandent que le traitement des secrétaires de communes soit augmenté, et que ces fonctions et celles de bourgmestre soient déclarées incompatibles avec les professions de notaire, instituteur et clerc d’église. »

- Dépôt au bureau des renseignements.


« Les sieurs Dupont et Moreau, membres du conseil municipal de la ville de Thuin, conjointement avec le sieur Pierard, avocat, réclament contre la perception de 6 centimes exigé par le distributeur des postes en sus de la taxe des lettres. »

- Renvoyée à la commission des pétitions.


« Les administrations communales et les habitants notables des communes composant le canton de Walcourt demandent la conservation de ce canton. »

- Déposé au bureau des renseignements.


M. Olislagers demande un congé de 10 à 12 jours pour affaires de famille.

- Accordé.


M. Davignon demande un congé de quelques jours pour raison de santé.

- Accordé.

Projet de loi communale

Discussion des articles

Titre I. Du corps communal

Chapitre premier. De la composition du corps communal et de la durée des fonctions de ses membres
Section I. De la composition du corps communal
Article 8

M. le président. - La chambre s’est arrêtée dans la séance dernière au troisième paragraphe de l’article 8.

Ce paragraphe est ainsi conçu :

« La liste de candidats est triple dans les communes qui ont quatre échevins ; elle est double dans les autres. »

M. Verdussen. - Je ferai remarquer que le paragraphe, tel qu’il est rédigé, renferme une exclusion plutôt qu’une admission à la candidature.

En effet, messieurs, d’après les articles déjà adoptés, les communes où il y a quatre échevins sont celles qui ont 20 à 25 mille habitants, et dont le conseil se composera de 17 membres. Il faut 12 candidats pour la présentation d’échevins ; en déduisant ces 12 membres, il ne restera plus que 5 membres parmi lesquels on pourra délivrer un brevet de capacité.

Il me semble qu’il faut limiter le nombre triple pour les communes qui ont au moins 21 conseillers ; c’est dans ce sens que je propose un amendement ainsi rédigé : « La liste des candidats est double dans les communes dont le conseil est composé de 19 membres au plus ; elle est triple dans les autres. »

M. H. Dellafaille - Je ferai remarquer que l’inconvénient signalé par M. Verdussen n’aura lieu que lorsqu’il s’agira d’une nomination simultanée. Je ne vois pas qu’il y ait lieu à changer la base adoptée par la section centrale.

M. de Theux. - Je ferai remarquer en outre que dans les communes de plus de 20,000 habitants où il y a quatre échevins à nommer, plus le collège est nombreux, plus il faut laisser au gouvernement de latitude pour le bien composer, pour le composer de manière que l’harmonie existe toujours entre les échevins et le bourgmestre. Si, dans les communes où il y a 4 échevins, vous restreignez la liste des candidats, le choix du gouvernement deviendra illusoire, soit quant au bourgmestre, soit quant aux échevins. Je crois qu’il faut maintenir la proposition de la section centrale qui me paraît avoir très bien distingué entre les communes où il y a 4 échevins, et les communes ou il n’y en a que deux.

M. Donny. - J’appuie l’amendement proposé par M. Verdussen, et je l’appuie par un autre motif que celui que l’honorable membre donne.

Il me paraît, messieurs, que si cet amendement n’est pas admis, il arrivera souvent qu’il y aura impossibilité légale d’organiser la commune dans certaines localités. En effet, si dans un conseil composé de 17 membres, vous devez choisir et le bourgmestre et 12 candidats pour les places d’échevins, il faudra de toute nécessité qu’il y ait, parmi ces 17 conseillers, 13 personnes ayant et la volonté et la capacité de faire partie du conseil échevinal, ou, en d’autres termes, il faudra qu’il n’y ait pas dans le conseil plus de 4 personnes non susceptibles d’être placées dans le collège. Dès qu’il s’y trouvera plus de 4 membres qui ne puissent ou ne veuillent accepter les fonctions de bourgmestre et d’échevin, il sera impossible de présenter la liste de candidats voulue par la loi.

Ce cas, messieurs, ne sera pas rare ; il suffira pour cela que dans un conseil de 17 membres, il y ait un membre du clergé, un ou deux membres de l’ordre judiciaire et un ou deux conseillers qui n’aient pas la volonté de faire partie du collège. Vous voyez dont qu’il peut arriver très facilement qu’on ne puisse trouver dans un conseil communal 12 membres aptes à remplir les fonctions d’échevin, et qu’il y ait, comme je l’ai dit, impossibilité légale d’organiser les communes dans certaines localités, parce qu’en augmentant le nombre des conseillers, il facilite le choix prescrit par la loi.

M. Dumortier, rapporteur. - Je pense que l’honorable préopinant est dans l’erreur. Je suppose une commune dans laquelle il y a 7 conseillers ; le gouvernement prendra d’abord un bourgmestre : qu’au nombre des membres du conseil, il en soit un ou deux qui ne puissent devenir échevins, il restera quatre candidats pou deux échevins. Il ne sera pas impossible de composer l’autorité communale ; mais il n’y aura pas de présentation ; le peuple perdra tous ses droits ; nous avons donc fortifié outre-mesure le pouvoir royal. Le système de la section centrale n’aura son effet que dans trois ans ; à la première nomination, la présentation est absolument illusoire.

M. Donny. - Je dois faire remarquer d’abord que l’hypothèse choisie par l’honorable préopinant n’a rien de commun avec l’amendement proposé. Dans cette hypothèse, il suppose un conseil de sept membres, c’est-à-dire celui d’une petite commune ; tandis que dans l’amendement, il est question d’un conseil de dix-sept membres, c’est-à-dire de celui d’une ville assez considérable. Ensuite le raisonnement de l’honorable membre n’est pas concluant même dans l’hypothèse qu’il a choisie. Il vous a dit : Si, dans un conseil de sept membres, on suppose deux membres incapables de remplir les fonctions d’échevin, il en restera encore quatre autres dont on peut disposer indépendamment du bourgmestre ; l’on peut donc remplir la disposition de la loi, qui ne demande que quatre candidats.

Cela est vrai, sans doute, lorsque le conseil ne renferme que deux membres incapables sur les sept ; mais lorsqu’au lieu de deux il se trouve trois ou quatre membres qui ne peuvent ou ne veulent devenir échevins, il est évident que l’organisation sera légalement impossible. Je persiste donc à croire que l’amendement doit être adopté.

M. Dumortier, rapporteur. - En poussant l’argument dans ses dernières conséquences on voit qu’il conduit à l’absurde. Ainsi on peut supposer 2, 3, 4 5, etc. membres du conseil qui ne veulent pas être échevins ou qui ne sont pas aptes à l’être, et la formation de l’autorité communale devient impossible ; mais il faut écarter une semblable supposition.

- Plusieurs membres. - Mais si cela arrivait ?

M. Dumortier, rapporteur. - A l’impossible nul n’est tenu. (On rit.) On ne peut composer la commune, je le répète ; dans les petites communes la présentation devient nulle ; dans les grandes villes il en est autrement ; là aussi il était plus important de restreindre le pouvoir exécutif.

M. Verdussen. - Tout ce que l’on vient de dire prouve l’utilité de mon amendement.

- L’amendement mis aux voix n’est pas adopté.

La proposition de la section centrale mise aux voix est adoptée.

L’article 8 dans son ensemble est adopté.

Article 9

M. le président. - « Art. 9 (du projet du gouvernement). Ne peuvent être ni bourgmestre ni échevin :

« 1° Les individus dénommés à l’article 6 ;

« 2° Les membres des cours et tribunaux de première instance et des justices de paix, y compris les officiers du parquet, les greffiers et commis-greffiers près des cours et tribunaux civils et de commerce ;

« 3° Les ministre des cultes ;

« 4° Les militaires et employés en activité de service ou en disponibilité ;

« 5° Les ingénieurs des ponts et chaussées et des mines en activité de service ;

« 6° Les membres des administrations de bienfaisance et les employés salariés par ces administrations. »

« Art. 9 (du projet de la section centrale). - Ne peuvent être ni bourgmestre ni échevins :

« 1° Les membres des cours, des tribunaux civiles et des justices de paix, non compris leurs suppléants, les officiers du parquet, les greffiers et commis-greffiers près des cours et tribunaux civils et des justices de paix ;

« 2° Les ministres des cultes ;

« 3° Les ingénieurs des ponts et chaussées et des mines en activité de service ;

« 4° Les agents et employés des administrations financières et des forêts ;

« 5° Les membres des administrations des hospices et des bureaux de bienfaisance ;

« 6° Les instituteurs qui reçoivent un traitement ou subside annuel de l’Etat, de la province ou de la commune. »

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) n’adhère pas à toutes les propositions de la section centrale.

M. Dumortier, rapporteur. - Je voudrais faire à la chambre une seule observation sur une modification apportée au n°2 du projet du gouvernement. Dans la section centrale, nous avons cru devoir borner l’exception aux seuls membres des tribunaux civils. Le projet du gouvernement, en faisant porter l’exception sur les tribunaux de première instance, aurait donné à entendre que les membres des tribunaux de commerce seraient exclus des fonctions de bourgmestre et échevin. La section centrale, considérant que les fonctions des membres des tribunaux de commerce étaient gratuites et temporaires, a pensé qu’on ne pouvait les écarter. Quant aux suppléants, il va sans dire qu’ils doivent pouvoir être bourgmestres et échevins, car ils n’ont pas de fonctions constantes. Ils ne doivent qu’accidentellement remplacer les tribunaux civils.

Nous avons cru devoir étendre l’exception aux greffiers et commis-greffiers des justices de paix, puisqu’on écartait les membres des justices de paix. C’est une conséquence du principe que le gouvernement a posé dans l’article.

M. de Muelenaere. - Je pense qu’il y a erreur dans la rédaction de la section centrale. On n’a pas voulu que l’incompatibilité prononcée par le n°2 de l’article 9 s’appliquât aux suppléants des tribunaux et justices de paix. L’incompatibilité ne peut en effet, et ne doit pas s’appliquer aux suppléants, car ils exercent des fonctions gratuites et de complaisance.

Mais dans la seconde partie, on exclut les officiers du parquet, les greffiers et les commis-greffiers près des cours et tribunaux civils et de commerce et des justices de paix. Dans les explications données par M. le rapporteur, je vois que la section centrale a voulu exclure non seulement les greffiers, mais les commis-greffiers des justices de paix. Il y aurait là erreur et injustice. Car les commis-greffiers des justices de paix exercent des fonctions de complaisance. Ils ne peuvent pas être assimilés aux commis-greffiers près des tribunaux de première instance. Les commis-greffiers près les cours et tribunaux de première instance sont salariés par l’Etat, ils appartiennent à l’ordre judiciaire. Il n’en est pas de même des commis-greffiers près des justices de paix, car c’est un acte de pure complaisance de la part de ceux qui en acceptent les fonctions.

- Une voix. - Il n’en existe pas !

M. de Muelenaere. - J’en demande pardon, dans presque toutes les grandes communes il y a près des justices de paix des commis-greffiers ou greffiers suppléants dont les fonctions sont gratuites et honoraires. Il supplée le juge de paix quand il est empêché par maladie ou autre circonstance indépendante de sa volonté. Je pense que c’est par erreur qu’on a étendu l’exception du n°9 aux commis-greffiers. Il faudra la borner aux greffiers des justices de paix.

M. le président. - D’après la proposition de M. de Muelenaere, le paragraphe serait ainsi conçu :

« Les membres des cours, des tribunaux civils et des justices de paix, non compris leurs suppléants ; les officiers du parquet, les greffiers et commis-greffiers, des cours et tribunaux civils et de commerce, et les greffiers des justices de paix.

M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - J’avais demandé la parole pour proposer un amendement dans le sens de celui qu’a présenté M. de Muelenaere. Je ferai remarquer qu’il n’existe pas des commis-greffiers dans tous les chefs-lieux de canton. Ils ne sont pas salariés, leurs fonctions ne sont point obligatoires. Ils aident le greffier quand il est avancé en âge, quand il est empêché.

Ils prêtent serment devant le juge de paix : mais l’Etat ne leur accorde aucun émolument. S’ils reçoivent quelques avantages, c’est du titulaire.

Il n’y a donc pas lieu d’exclure les commis-greffiers près des justices de paix ; je ne sais pas même s’il est bien prudent de prononcer l’exclusion absolue des greffiers. Je ne sais pas si, en la prononçant, vous n’allez pas restreindre excessivement le nombre des candidats aux fonctions de bourgmestre et d’échevin. Dans certains cas la loi sera inexécutable.

Voici, par exemple, une circonstance qui peut résulter des exceptions proposées par la section centrale. Il peut se faire qu’un conseil, composé de sept membres, ne renferme pas un seul candidat aux fonctions d’échevin ou de bourgmestre. Vous avez réputé aptes à être nommés conseillers le juge de paix, son greffier, son commis-greffier, les ministres des cultes, les percepteurs des contributions, les membres des bureaux de bienfaisance, les aubergistes et les cabaretiers, etc., etc. ; mais vous les excluez tous du collège échevinal. Eh bien, si un conseil se trouvait compose d’un juge de paix et de son greffier ou commis-greffier, d’un ministre du culte, du percepteur des contribution, d’un membre du bureau de bienfaisance, d’un aubergiste ou cabaretier, ou d’un meunier, vous n’avez plus un seul membre de ce conseil qui puisse être nommé bourgmestre ou échevin.

Ce cas, sans doute, ne se présentera pas souvent ; mais il suffit qu’il puisse se présenter pour qu’on y ait égard, et qu’on ne multiplie pas trop les exclusions.

Les greffiers des justices de paix sont, il est vrai, nommés et salariés par le gouvernement ; mais sont-ils pour cela tellement suspects qu’ils ne puissent pas, après avoir passé par l’élection directe, être nommés tout au moins échevin ou bourgmestre d’une commune autre que le chef-lieu de canton ? Je ne verrais pas d’inconvénient à ce qu’ils puissent être nommés bourgmestres, puisque la chambre, en donnant leur nomination au gouvernement, les a déjà considérés comme agents du pouvoir exécutif.

J’appelle sur ce point l’attention de la chambre, attendant la discussion pour juger s’il y a lieu de formuler un amendement, J’appuie pour le moment le retranchement proposé par M. de Muelenaere.

M. Dumortier, rapporteur. - Je ne pense pas que nous devions considérer les greffiers des justices de paix comme tellement suspects qu’on ne puisse leur confier aucune espèce de fonctions dans l’administration. Mais je ne pense pas non plus que les craintes de M. le ministre soient fondées. Je ne crois pas qu’en adoptant la proposition de la section centrale on s’expose à mettre le gouvernement dans l’impossibilité de former une administration communale. La supposition est commode, mais c’est une supposition gratuite que de dire qu’un conseil pourra être composé d’un juge de paix, de son greffier, d’un ministre des cultes, du percepteur des contributions, d’un membre du bureau de bienfaisance, d’un instituteur, d’un aubergiste ou d’un cabaretier, etc.

M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Je n’ai parlé d’instituteur.

M. Dumortier, rapporteur. - Il faudrait que l’assemblée des électeurs allât choisir, pour former le conseil, une personne de chacune des exceptions énumérées dans la loi. Au congrès, on disait toujours qu’il fallait avoir confiance dans le bon sens des électeurs. Eh bien, moi j’ai confiance dans le bon sens des électeurs et je suis persuadé qu’ils n’iront pas composer un conseil de manière à rendre impossible la formation de l’administration.

Voulez-vous la preuve que les exceptions proposées par la section centrale ne rendent pas impossible la formation de l’administration, lisez l’article 46 des anciens règlements :

« Les fonctions de bourgmestre et échevins, ainsi que celles de secrétaire et de receveur communal, sont incompatibles avec les fonctions judiciaires effectives. »

Or, les fonctions de greffier sont des fonctions judiciaires effectives, et l’on trouve qu’on ne pouvait pas composer une administration communale avec cette exception. Elle existe depuis 20 ans, nous n’avons fait que la reproduire.

Quant aux commis-greffiers des justices de paix, la loi n’en reconnaît pas. (Si ! si !) Ce ne sont que des greffiers suppléants ou des écrivains du greffier ; ils ne sont pas nommés par le gouvernement.

M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Les commis-greffiers des justices de paix exercent leurs fonctions en vertu d’une loi. Leur nomination est facultative selon les besoins du greffe. Les greffiers les proposent et les juges de paix les assermentent. Leur signature donne aux expéditions le caractère d’authenticité, comme celle du greffier. Ils ne sont pas nommés par le gouvernement, ni révoqués par lui.

M. Dumortier, rapporteur. - L’explication que vient de donner M. le ministre de la justice est très claire. Dans la section centrale nous n’avons jamais eu en vue d’empêcher que les commis-greffiers fussent membres du collège des échevins. Pour ce qui est de l’amendement présenté par M. le ministre de la justice, je dirai que l’intention de la section centrale a été d’exclure les greffiers nommés par le gouvernement et salariés par le trésor.

M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Je n’y tiens pas.

- Le sous-amendement de M. de Muelenaere, tendant à retrancher les mots commis-greffiers des justices de paix, est mis aux voix et adopté.

M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Je ne pense pas que la loi reconnaisse des commis-greffiers des tribunaux de commerce. Si ma mémoire ne me trompe pas, je ne crois pas qu’il existe une seule disposition qui fasse de ces aides du greffier des fonctionnaires publics.

J’invoquerai à cet égard les souvenirs de plusieurs de nos honorables collègues qui ont été envoyés à la chambre par des villes qui possèdent dans leur sein des tribunaux de commerce. Si en droit il n’existe pas de commis-greffiers des tribunaux de commerce, s’il n’y a auprès des greffiers que de simples scribes, la loi ne peut et ne doit pas commettre une erreur, en les désignant.

M. Donny. - M. le ministre de la justice en appelle au témoignage des personnes dans les villes desquelles existent des tribunaux de commerce, pour savoir s’il y avait des commis-greffiers attachés à ces tribunaux ; je lui répondrai qu’en fait il en existe. Dans la ville d’Ostende, il y a eu pendant longtemps un commis-greffier. Je crois, mais je ne pourrais l’assurer, qu’il y en a encore actuellement.

M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Je demande la suppression de l’exclusion des commis-greffiers des tribunaux de commerce, à cause de l’analogie qui existe entre ces fonctionnaires et les commis-greffiers des justices de paix.

La loi reconnaît des commis-greffiers pour les justices de paix et leur permet de valider des actes judiciaires. Mais les commis-greffiers des tribunaux de commerce n’ont aucun caractère légal et ne sont pas rétribués. Le budget vous le prouve. Jamais l’on ne vous a demandé l’allocation de traitements en leur faveur. Ils ne perçoivent pas une obole de l’Etat.

Il y aurait de l’injustice à prononcer l’inhabilité à la place d’échevin ou de bourgmestre contre des personnes qui ne reçoivent aucun traitement de l’Etat et qui, pour être appelées à exercer ces fonctions, devront réunir à la fois et la confiance du gouvernement, et le suffrage des électeurs.

- L’amendement présenté par M. le ministre de la justice est mis aux voix et adopté.


Le numéro 2° de l’article 9 du projet du gouvernement (qui devient le numéro 1°) modifié par les amendements de M. de Muelenaere et de M. le ministre de la justice, est mis aux voix et adopté.


Le numéro 3 du projet du gouvernement ainsi conçu : « 3° Les ministres des cultes, » est mis aux voix et adopté.


Le numéro 4° du projet du gouvernement (supprimé par la section centrale) est ainsi conçu :

« 4° Les militaires et employés militaires en activité de service et en disponibilité. »

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Je me rallie à la suppression proposée par la section centrale, attendu que le vote de la chambre a exclu les militaires du conseil communal.

- La suppression du numéro 4° est mise aux voix et adoptée.


M. le président. - Le numéro 5° est ainsi conçu :

« Les ingénieurs des ponts et chaussées et des mines en activité de service. »

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - On pourrait ajouter à ce paragraphe « les conducteurs des ponts et chaussées et des mines, » comme on l’a fait dans la loi provinciale.

- La proposition de M. le ministre de l'intérieur est mise aux voix et adoptée.

Le n°5° est mis aux voix et adopté.


M. le président. - Le numéro 4° du projet de la section centrale est ainsi conçu :

« Les agents et employés des administrations financières et des forêts. »

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Comme il faut être sobre d’exclusions je demanderai, avant de me rallier à paragraphe, que M. le rapporteur de la section centrale veuille bien m’expliquer les motifs qui l’ont déterminé à adopter cette exclusion

M. Dumortier, rapporteur. - Les motifs qui ont déterminé la section centrale à exclure du collège des échevins les agents et les employés des administrations et des forêts c’est leur dépendance trop grande vis-à-vis du gouvernement. Je crois, si ma mémoire est fidèle que cette exclusion existait dans les anciens règlements. C’est du reste un article que nous avons pris dans la loi française. Nous avons cru devoir le reproduire.

M. Desmanet de Biesme. - Je ne crois pas qu’il soit juste d’exclure des fonctions de bourgmestre et d’échevins les employés de l’administration des forêts. J’en connais beaucoup qui occupent ces fonctions dans les petites communes. Je conçois l’exclusion proposée par la section centrale à l’égard des grandes villes, mais réellement dans les communes rurales, dans les petites communes du pays wallon, si vous étendez trop les exceptions, il sera impossible de trouver les hommes en état de constituer l’administration communale.

Je ne vois pas d’inconvénient à adopter l’exclusion demandée pour les employés des finances. Mais je ne vois pas pourquoi un garde, un brigadier des forêts ne pourrait être nomme échevin. Je propose la suppression de cette dernière incompatibilité.

M. d’Huart. - J’appuie l’amendement de M. Desmanet de Biesme. Il pourrait être utile que dans les petites communes rurales, les agents forestiers pussent être nommés ou bourgmestres ou échevins. Cependant le vote que la chambre vient d’émettre sur l’exclusion des agents des ponts et chaussées et des mines me semble entraîner également l’exclusion des employés des forêts. Je regrette que la chambre ait adopté cette exclusion.

M. Dumortier, rapporteur. - L’amendement de la section centrale est indispensable, les agents des forêts ont la surveillance non seulement des bois du gouvernement mais des bois communaux. Voulez-vous qu’ils puissent se contrôler eux-mêmes ? S’il se trouve des agents forestiers dans les administrations communales, c’est un résultat de l’élection populaire. Mais ces fonctionnaires étaient exclus de ces emplois dans les anciens règlements et le sont dans la loi française. La raison en est simple, il est évident que l’on ne peut se surveiller soi-même.

M. d’Hoffschmidt. - J’ajouterai à ces observations, pour combattre l’amendement présenté par M. Desmanet de Biesme, que les agents des forêts ont des relations très fréquentes avec l’autorité communale. En effet c’est l’autorité communale qui demande pour les troupeaux de la commune le droit de pâture dans les bois de l’Etat, et c’est aux agents de l’administration des forêts qu’il appartient de donner ou de refuser l’autorisation nécessaire à cet effet. Evidemment ce ne peut être la même personne qui demande et qui accorde. Il y a donc incompatibilité. Je voterai contre l’amendement de M. Desmanet de Biesme.

M. Desmanet de Biesme. - Les employés des forêts n’étaient pas exclus par les anciens règlements. Ils ne doivent pas être exclus davantage à présent ; car la position est la même que sous le gouvernement hollandais.

M. d’Huart. - Les inconvénients de l’admission dans le conseil communal des employés des forêts ne me paraissent pas aussi grands qu’on le prétend. Si un garde communal fait partie du conseil et qu’il ne convienne pas comme échevin, le conseil ne le présentera pas, ou si le conseil le présente, le gouvernement ne le choisira pas. Car remarquez qu’il faut ces deux choix, indépendamment de celui des électeurs, pour que l’employé des forêts dont s’agit soit membre du conseil communal. Je conviens que si on maintient l’exclusion des agents des ponts et chaussées et des mines, vous n’avez pas de raison pour rejeter celle-ci. Mais j’espère qu’au second vote la chambre reviendra sur cette décision.

- L’amendement de M. Desmanet de Biesme est mis aux voix et adopté ; en conséquence le paragraphe 4 de l’article de la section centrale est adopté en ces termes : « Les agents et employés des administrations financières. »


- Le paragraphe 5 du projet de la section centrale, auquel le gouvernement se rallie, est adopté en ces termes « Les membres des hospices et des bureaux de bienfaisance. »


M. le président. - Paragraphe 6 de la section centrale : « Les instituteurs qui reçoivent un traitement ou subside annuel de l’Etat, de la province ou de la commune. »

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - La chambre a déjà adopté dans l’article 6 l’exclusion des personnes salariées par la commune. Cette exclusion s’applique aux instituteurs qui reçoivent un subside annuel de la commune ; et je crois qu’elle doit se borner là, qu’elle ne doit pas atteindre les instituteurs recevant un subside annuel de la province et de l’Etat.

Remarquez que dans un grand nombre de communes il y a peu d’habitants sachant lire et écrire, et ces conditions sont indispensables pour remplir les fonctions d’échevins, notamment pour la tenue des registres de l’état-civil. Vous devez donc faire attention à ne pas étendre l’exclusion sur un plus grand nombre d’instituteurs que vous ne l’avez fait dans l’article 6, à ne pas diminuer encore le nombre des personnes capables sur lequel pourront s’exercer le droit de présentation du conseil et le droit de nomination du gouvernement.

M. Dumortier, rapporteur. - Ceux qui ont appartenu à des administrations locales, ou qui ont vu les anciens règlements, n’ignorent pas que le paragraphe en discussion est la reproduction textuelle de l’article 45 des règlements.

En outre nous avons remarqué que dans le projet du gouvernement on proposait l’exclusion des ministres des cultes. Les instituteurs, dit-on, savent lire et écrire, et c’est un motif pour ne pas les exclure. Mais les ministres des cultes savent lire et écrire, et cependant vous les avez exclus. Vous ne pouvez écarter l’une de ces exclusions après avoir admis l’autre. Les ministres des cultes et les instituteurs doivent évidemment être mis sur la même ligne.

Il ne faut pas perdre de vue que les fonctions de bourgmestre et d’échevins absorbent tous les instants de ceux qui les exercent ; dès lors elles sont incompatibles avec les occupations qu’a l’instituteur et auxquelles il se doit tout entier. C’est ce motif qui vous a déterminés à prononcer l’exclusion des ministres des cultes.

Quant à ce qu’on a dit qu’après avoir exclu les instituteurs subsidiés par la commune vous ne deviez pas exclure ceux subsidiés par la province et par l’Etat, je ferai remarquer que vous vous êtes montrés bien plus sévères envers les ministres des cultes. En effet vous n’avez exclu que les instituteurs recevant un subside annuel de la commune, de la province et de l’Etat tandis que vous avez exclu tous les ministres des cultes. Je n’insisterai donc pas davantage sur ce point ; je pense que l’incompatibilité entre les fonctions d’échevins et les occupations d’instituteurs est suffisamment démontrée.

M. Verdussen. - Je partage l’opinion de M. le ministre de l’intérieur, et je pense que les instituteurs autres que ceux recevant un subside annuel de la commune ne doivent pas être exclus. Il est clair d’ailleurs que ce ne sont pas les instituteurs que l’on veut exclure, mais seulement, comme le porte l’article, les instituteurs recevant des subsides. Ce n’est pas leur qualité d’instituteurs, ce sont les subsides qu’ils reçoivent qui, dans l’opinion des membres de la section centrale, s’opposent à leur entrée dans le collège des échevins. En effet qu’a-t-on eu en vue ? D’empêcher le gouvernement d’exercer une trop grande influence. Mais depuis que vous avez forcé le gouvernement à choisir dans le conseil, et depuis, pour les échevins, parmi les membres que le conseil présente, je crois que la nation a toutes les garanties possibles.

Je suppose un instituteur qui depuis 5 ou 6 ans tienne une école et qu’il l’ait toujours soutenue à ses propres frais, mais que la 6ème année il reçoive un secours de 100 fr. ; dès lors il sera inhabile à être échevin. Je ne crois pas qu’il puisse en être ainsi. L’incompatibilité qu’on prétend établir n’existe pas.

M. Jullien. - S’il n’y avait pas d’autre raison, pour écarter les instituteurs des fonctions d’échevin, que de dire qu’ils en étaient exclus par les anciens règlements, peut-être ne me contenterais-je pas de cette raison. Cependant celle qu’a donnée l’honorable M. Dumortier me paraît devoir satisfaire l’assemblée. Il n’est guère possible, comme il l’a fait observer avec infiniment de justesse, que les instituteurs puissent se livrer en même temps à l’éducation de la jeunesse, qui demande tout leur temps, et aux fonctions d’échevins.

Mais, dit l’honorable M. Verdussen, ce ne sont pas les instituteurs qu'on veut exclure, ce sont les instituteurs qui reçoivent des subsides ; mais c’est précisément parce qu’ils reçoivent des subsides qu’on a le droit de demander qu’ils donnent tout leur temps à l’éducation de la jeunesse qui leur est confiée ; c’est à cause des subsides qu’ils reçoivent qu’on doit se montrer plus exigeant.

C’est justement à cause de ces subsides qu’on doit se montrer plus exigeant.

Si on vous proposait d’adopter l’exclusion de tous les instituteurs, je crois qu’il n’y aurait pas lieu de voter cette disposition ; mais je maintiens qu’il peut exclure tout instituteur subsidié, soit par l’Etat, soit par la province, soit par la commune.

L’honorable préopinant a dit : Vous voulez donc exclure un ancien instituteur qui, n’ayant plus le moyen de se livrer à ses travaux d’instituteur, aura reçu un subside ? Je répondrai que l’exclusion n’atteint pas les anciens instituteurs, les ex-instituteurs.

M. Desmanet de Biesme. - Messieurs, l’honorable préopinant a parle dans un sens trop absolu ; il pose en principe que le bourgmestre est occupé toute la journée, et que l’instituteur est également occupé. Messieurs, ni l’un ni l’autre de ces faits n’est exact, surtout dans les campagnes. Le bourgmestre dans les campagnes n’a point plus d’une ou deux heures à donner à l’administration communale ; d’un autre côté, les instituteurs n’ont des élèves qu’avec peine dans l’hiver, et ils n’en ont pas pendant l’été.

J’ajouterai que beaucoup d’instituteurs remplissent les fonctions de secrétaire de la commune. Ces fonctions donnent plus d’occupations que celles de bourgmestre ou d’échevin dans les communes, c’est le secrétaire qui est réellement chargé de la besogne du collège.

D’après ces considérations, je ne crois pas qu’il y ait lieu à adopter la proposition de la section centrale.

M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Si l’incompatibilité que l’on dit exister entre certaines professions et celles de bourgmestre et d’échevin devait toujours être des motifs d’exclusion, il faudrait exclure aussi des fonctions de bourgmestre et d’échevin les avocats, les médecins et les autres professions qui exigent de l’assiduité. Je dirai que c’est aux électeurs à faire la part des besoins de cette assiduité ; c’est aux personnes qui acceptent les fonctions publiques à savoir ensuite si elles sont capables de justifier la double confiance dont on les investit.

D’ailleurs, on a beaucoup exagéré, ainsi que l’a dit M. Desmanet de Biesme l’assiduité qu’exigent dans de petites communes les fonctions de bourgmestre, d’échevin et celles d’instituteur : dans beaucoup de petites communes, il y a des bourgmestres, des échevins surtout, qui ne sont guère occupés qu’une heure ou deux par semaine ; les fonctions d’instituteur sont aussi, dans ces localités, beaucoup réduites ; elles le sont surtout dans certaines saisons.

Dans les anciens règlements on pouvait trouver une apparence de raison politique pour exclure les instituteurs ; raison qui existera probablement beaucoup moins dans la nouvelle organisation de l’instruction publique. Dans la plupart des communes les instituteurs étaient à peu près les fonctionnaires du gouvernement ; ils étaient souvent placés dans sa dépendance ; mais les institutions qui seront proposées sur l’instruction publique n’auront pas pour but de renouveler une pareille dépendance de l’enseignement communal.

Je dirai ensuite que dans beaucoup de cas il peut être utile, indispensable même, vu le nombre des exclusions que vous avez déjà prononcées, d’admettre des instituteurs dans le collège échevinal, si on veut qu’il y ait possibilité de faire une présentation et même une élection directe.

Remarquez d’ailleurs qu’il y a ici une triple garantie : il faut d’abord que les électeurs nomment l’instituteur membre du conseil ; ensuite il faut que l’instituteur soit choisi par les membres du conseil pour être compris dans la liste des candidats aux fonctions d’échevin ; enfin, il faut que l’instituteur fixe le choix du gouvernement. Ce choix, messieurs, n’est pas sans importance : le gouvernement tiendra compte des considérations d’incompatibilité qui résulteraient, dans certaines communes, de la profession d’instituteur réunie aux fonctions de bourgmestre ou d’échevin. Cette difficulté varie suivant les localités : dans telle localité on fera très bien d’exclure l’instituteur, dans telle autre on devra l’admettre, et il y aura même impossibilité de ne pas l’admettre.

D’après ces considérations, je persiste à ne pas me rallier à la proposition de la section centrale.

M. Liedts. - Messieurs, si le paragraphe en discussion avait pour but d’exclure tous les instituteurs sans distinction, je serais le premier à le rejeter ; mais ce paragraphe n’excluant que les instituteurs qui reçoivent un traitement ou un subside de l’Etat ou de la province, je crois qu’il doit être adopté.

Il existe pour l’exclusion des instituteurs salariés un motif que l’on n’a pas encore fait valoir : dans la loi sur l’instruction publique, les instituteurs qui recevront un subside de la commune ou de l’Etat, seront soumis à la surveillance directe du bourgmestre. Or, ne serait-il pas absurde que celui qui est soumis à une surveillance soit celui qui doit surveiller ?

D’après ce motif, je crois qu’il faut exclure les instituteurs salariés de la place de bourgmestre et d’échevin.

M. Jullien. - M. le ministre de la justice a dit qu’on pourrait exclure des fonctions de bourgmestre et d’échevin tout ceux qui ont une profession qui demande de l’assiduité, qu’ainsi on pourrait exclure les médecins et les avocats. Je répondrai à M. le ministre que si les médecins étaient salariés par l’Etat ou par la province, pour remplir des fonctions qui intéresseraient l’Etat et la province, il existerait pour ces fonctions la même incompatibilité que celle qui existe dans le cas dont il s’agit ici.

Comme l’a dit M. Liedts, et comme nous l’avons déjà dit avant lui, ce n’est pas l’instituteur que l’on exclut, c’est l’homme salarié. Pourquoi donne-t-on un salaire à l’instituteur ? c’est parce qu’on en fait un homme de l’Etat, un homme qui doit donner tout son temps à l’instruction de la jeunesse, qui doit s’occuper de ses élèves du matin au soir. Eh bien, je le demande, comment les habitudes de l’instituteur pourraient-elles se concilier avec les fonctions de bourgmestre ou d’échevin ? Comment l’instituteur pourrait-il être distrait de ses fonctions pour répondre à tout moment, soit comme bourgmestre, soit comme échevin ?

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Messieurs, je persiste à croire qu’il serait dangereux d’exclure ceux qui, dans un grand nombre de communes, seront le plus capables de faire partie du conseil échevinal.

Vous avez exclu les instituteurs qui auront à être surveillés par le conseil de la commune dont ils reçoivent un subside ; restent maintenant les instituteurs qui recevront un subside de la province ou de l’Etat ; eh bien, pour ceux-là, je ne vois véritablement pas de raison de les exclure, car ils seront surveillés par une commission provinciale.

Dans leurs fonctions d’instituteur, je ne vois pas pourquoi ils ne pourraient pas exercer les fonctions d’échevin et même de bourgmestre.

J’ai déjà dit que dans beaucoup de communes il se rencontrait des échevins ne sachant ni lire ni écrire. J’ai sous les yeux un tableau duquel il résulte que dans le royaume il existe 700 échevins, assesseurs ou bourgmestres qui ne savent pas écrire lisiblement. Ce nombre est réparti diversement suivant les provinces, mais il y a des provinces où le nombre des échevins, assesseurs ou bourgmestres ne sachant pas écrire lisiblement se rapproche de 300.

Quand un instituteur aura été jugé par les électeurs capable de faire partie du conseil, et que le gouvernement l’aura jugé propre à faire partie du collège échevinal, je dis que toutes garanties sont assurées.

L’Etat a aussi son intérêt à ce que les fonctions de bourgmestre et d’instituteur soient bien remplies ; il ne nommera un instituteur pour remplir les fonctions de bourgmestre que lorsqu’il y aura nécessité pour le collège. Cette nécessité peut exister dans beaucoup de localités ; on ne saurait être trop avare d’exclusion, surtout dans les communes rurales.

On ne veut point, pour faire partie du collèges d’échevins, des seigneurs de village ; si vous en choisissez les membres dans la classe inférieure, ils peuvent être incapables de remplir leurs fonctions, et vous les livrez aux influences élevées que je ne redoute pas, mais que certains membres de cette chambre paraissent redouter beaucoup.

M. de Theux. - Je crois que cette discussion oiseuse puisque sans doute le gouvernement adopte le système proposé par la commission chargée de l’examen du projet de loi sur l’instruction publique. D’après ce système ce sont les provinces qui accordent les subsides aux instituteurs dans les communes, et l’administration municipale est chargée de surveiller l’instituteur communal. Dès lors, ainsi qu’on l’a dit, il y a incompatibilité entre le surveillant et le surveillé.

M. le ministre de l’intérieur a dit qu’il y avait un grand nombre de bourgmestres et d’échevins qui ne savent pas écrire lisiblement ; je ne sais quel argument on a voulu citer de là ; pour moi, je connais de savants jurisconsultes, des personnes remplissant des fonctions très importantes, des échevins très distingués qui ne savent pas écrire lisiblement.

M. Dumortier, rapporteur. - Les raisons données par M. le ministre relativement aux échevins et bourgmestres ne sachant ni lire ni écrire ne sont point de nature a faire impression. Je dirai d’ailleurs que les personnes qui sauront écrire lisiblement auront de l’influence en remplissant les fonctions de secrétaire.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Il faut qu’elles aient de l’influence comme bourgmestres.

M. Dumortier, rapporteur. - Je ne veux pas que les clercs des communes, parce qu’ils auront été utiles à tel ou tel ministre, puissent être nommés. Sous le roi Guillaume plusieurs instituteurs étaient de véritables agents du gouvernement ; il faut éviter cet inconvénient. Il faut que les instituteurs restent à leurs écoles. Ce n’est pas parce qu’ils sont instituteurs qu’ils sont exclus, mais parce qu’ils sont salariés. Nous avons admis une exception pour les ecclésiastiques à cause de leurs fonctions ; admettons une exception pour les instituteurs.

M. le ministre de l'intérieur vient de me communiquer le tableau qu’il vient d’invoquer. Il y a, d’après ce tableau, 9,000 bourgmestres et échevins en Belgique, sur lesquels il en est 700 seulement qui ne savent pas écrire lisiblement ou correctement. Sur 9,000 le nombre 700 est remarquablement très petit. Ce qu’il y a encore de plus remarquable, c’est qu’il n’y en a que trois qui ne savent ni lire ni écrire. Je signale ce fait parce qu’il est honorable à notre pays. Il y a beaucoup de lumières en Belgique. (Aux voix ! aux voix !)

- Le paragraphe 6, relatif aux instituteurs qui reçoivent un subside annuel de l’Etat, de la province ou de la commune, est mis aux voix et adopté.


M. le président. - Le paragraphe 7 relatif aux meuniers, cabaretiers, etc. est mis en délibération.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Je ne donne pas mon assentiment à ce paragraphe.

M. d’Hoffschmidt. - A chaque pas que nous faisons dans la discussion de la loi qui nous occupe, je m’aperçois que son plus grand vice viendra de ce que ses dispositions seront applicables aux communes rurales comme aux grandes villes, malgré l’énorme différence qui s’y fait remarquer facilement quant à l’administration.

Il en résulte que dans une foule de cas, ce qui doit s’appliquer à l’une ne peut s’appliquer à l’autre ; et la disposition que nous discutons dans ce moment, relativement aux incompatibilités des meuniers, aubergistes, etc., est dangereuses à appliquer dans les communes rurales où il faut restreindre les choix le moins possible.

Si vous rendez inhabiles à faire partie du collège des bourgmestre et échevins les citoyens qui exercent les professions que vous voulez frapper d’exclusion, vous ne trouverez personne dans certaines localités pour composer l’autorité communale, surtout, messieurs, qu’en adoptant l’article 5 vous avez déjà exclu des conseils communaux la plus grande partie des citoyens en rendant inéligibles tous ceux qui ne paient pas le cens électoral ; par là vous avez extrêmement restreint le nombre des habitants des campagnes aptes à faire partie des administrations ; si vous prononcez de nouvelles exclusions, il en résultera que dans bien des petites communes, on devra prendre des administrateurs hors de leur sein, ce qui serait un grave inconvénient ; car, messieurs, un meunier, un aubergiste convient mieux pour l’administration de sa commune, s’il jouit de la confiance de ses commettants, qu’un étranger qui demeurerait à une ou deux lieues de là.

L’on me répondra sans doutes que les aubergistes, les boulangers, les cabaretiers sont soumis comme tels à la surveillance des autorités communales ; je le sais ; mais, messieurs, en général cette surveillance est très rarement nécessaire, surtout à la campagne. Je ne me rappelle pas que des cas se soient présentés où on a dû la faire dans mon district. Dans les villes même elle se fait rarement ; voyez à Bruxelles si les chefs de la régence exercent cette surveillance sur les cafés et les hôtels.

D’ailleurs, si vous vouliez pousser le système que tous ceux qui sont soumis à la surveillance de l’autorité communale ne peuvent faire partie de cette autorité, vous arriveriez à l’absurde ; car il n’y a pas d’habitants qui ne soient soumis plus ou moins à être surveillés par mesure de police : l’administration doit veiller, par exemple, à ce que les cheminées de chaque habitant soient entretenues en bon état, etc.

Je suis donc d’avis qu’il vaut mieux se rapporter au bon sens des électeurs pour le choix de leurs administrateurs ; s’ils trouvent qu’un aubergiste, qu’un cabaretier même, a donné assez de preuves qu’il est ami de l’ordre, pourquoi ne le nommeraient-ils pas conseiller pour être présenté ensuite comme échevins.

Je voterai contre la proposition de la section centrale.

M. Donny. - J’ai dit précédemment que, dans un grand nombre de circonstances, il y aura impossibilité légale d’organiser la commune, et je persiste dans cette opinion. On m’a reproché de recourir, pour justifier mes prévisions, à des suppositions extrêmes qui ne se réaliseront pas.

Messieurs, si vous adoptez le paragraphe 7, l’on ne sera plus en droit de me faire ce reproche, car alors on sera souvent dans le cas de ne pas trouver les hommes nécessaires pour composer le collège des échevins. Il ne sera pas rare en effet que, dans une petite commune où il n’y a que 7 conseillers l’on trouve parmi eux et le curé, et le meunier du village et le principal cabaretier qui est assez ordinairement brasseur et par suite une des notabilités de la commune ; il ne sera pas rare de trouver en outre dans le conseil une ou deux personnes incapables de remplir les fonctions d’échevin, ou qui ne veulent pas les accepter et dans de telles circonstances, sur 7 conseillers il y en aura au moins 5 qui ne seront pas disponibles ; il n’en restera donc que 2 sur lesquels il faudra prendre et le bourgmestre et les quatre candidats échevins. Il y aura bien là impossibilité de remplir les dispositions de la loi et par conséquent impossibilité de constituer l’autorité communale d’une manière légale.

L’amendement peut-il conduire au but qu’on se propose ? Non. Supposons qu’il soit adopté ; que le boulanger, le meunier, etc., ne soient pas admis ; s’ils veulent néanmoins entrer au conseil échevinal, ils feront prendre la patente par leurs femmes, et l’on éludera votre disposition. Je crois que ce paragraphe doit être rejeté.

M. Coghen. - Je me range à l’avis de l’honorable député d’Ostende ; ce qu’il dit est le tableau fidèle de ce qui se passera dans une multitude de communes rurales. Il y a sans beaucoup d’inconvénients, et j’en ai été témoin, à ce que les membres de l’administration municipale exercent des professions, parce qu’ils prennent trop souvent des décisions dans leur intérêt privé ; mais s’il est possible d’éviter ces inconvénients dans les villes, il est impossible de les éviter dans les campagnes.

M. de Theux. - Je ferai remarquer que ces exclusions ont toujours été reconnues fondées en principe. Mais, comme l’a fort bien dit le préopinant, d’une part on élude la loi en faisant prendre la patente par sa femme, son enfant ou son domestique ; d’autre part, l’ancien règlement accordait à la députation des états la faculté de dispenser. Toutefois, si on maintient la disposition, il faudrait y insérer cette faculté. La disposition d’ailleurs ne produirait pas son effet, si elle n’excluait pas les personnes dont la femme ou les enfants demeurant dans la même maison exerceraient les professions déclarées incompatibles.

M. H. Dellafaille - Nous avons établi et extrait des anciens règlements les incompatibilités dont il est question par les motifs indiqués au rapport. Les professions relatées dans cet article sont soumises à la surveillance spéciale des bourgmestres et échevins. Ceci répondrait à l’observation faite, qu’on aurait dû comprendre également les brasseurs et les distillateurs. Les brasseurs et distillateurs ne sont pas soumis à la surveillance des bourgmestres. Les détaillants de pain et de farine sont soumis à cette surveillance, parce qu’il existe pour eux une mercuriale. Les aubergistes et les cabaretiers y sont également soumis, par rapport à l’observation des règlements de police.

Si on leur donnait à eux-mêmes la surveillance de cette police, si l’on donnait de même aux boulangers celle qui s’exerce sur le poids du pain, voilà une surveillance qui serait merveilleusement exercée. L’honorable député de Bastogne nous a dit que cette surveillance du poids du pain et de la police des auberges et des cabarets ne se faisait pas. Je ne puis mieux lui répondre à cet égard qu’en l’engageant à s’enquérir de la conduite des administrateurs placés sous son autorité. Pour moi, j’ai toujours vu les autorités locales qui entendaient quelque chose à leurs devoirs, exercer sur ce point une surveillance très active.

Le même orateur a dit que les personnes qui exerçaient les professions pour lesquelles nous avons établi des exceptions, étaient souvent les plus honnêtes de la commune. Je veux bien le croire pour ce qui regarde les boulangers, meuniers, etc., quoique l’opinion populaire ne soit pas toujours très favorable aux individus de cette classe. Quant aux cabaretiers, je ne les avais jamais vu présenter comme une classe qui se recommandât particulièrement par sa moralité.

Selon l’honorable député de Bastogne et quelques autres orateurs, la disposition que je défends serait inexécutable. Je leur répondrai qu’elle est tirée des anciens règlements qui sont exécutés depuis 16 ans, sans que jamais à cet égard une difficulté se soit présentée.

Le même député dit encore qu’en exigeant un cens des éligibles, on en rétrécissait trop le cercle. L’honorable membre oublie qu’au lieu de restreindre le cercle des éligibles, nous l’élargissons ; car, d’après les anciens règlements, il fallait payer 30 florins pour être éligible, et d’après la loi actuelle il suffira de payer 20 francs.

C’est surtout aux communes rurales qu’on faisait allusion quand on nous faisait ces objections. Mais je connais aussi les communes rurales ; car j’y passe la plus grande partie de l’année. Je puis dire que jamais les règlements que nous avons copiés n’ont excité la moindre difficulté. Quant à la possibilité d’éluder la loi en mettant la patente sous le nom de la femme, les habitants des communes rurales n’ont pas recours à ce moyen ; mais on pourrait obvier à cet inconvénient.

Je ne m’opposerais pas à ce qu’on attribuât à la députation provinciale la faculté d’accorder une dispense lorsque le cas l’exigerait ; mais quant à l’impossibilité de former l’administration qui résulterait de la disposition une expérience de 15 années prouve le contraire. Je voterai pour la proposition de la section centrale.

M. d’Hoffschmidt (pour un fait personnel). - Il est extrêmement commode, messieurs, lorsqu’on veut répondre à quelqu’un pour le combattre, de commencer par dénaturer entièrement ce qu’il a dit pour pouvoir ensuite argumenter contre lui, et c’est ce qu’a fait le préopinant, qui a prétendu à tort que j’ai dit tout à l’heure que dans mon district il ne se fait aucune surveillance, ce qui lui a procuré l’occasion de faire le facétieux en m’adressant, dit-il, ses compliments sincères sur une pareille administration.

Mais, messieurs, rien n’est plus facile que de plaisanter ainsi, si cela était admis dans cette enceinte ; par exemple, je pourrais dire à l’honorable M. Dellafaille, qui nous assurait tout à l’heure qu’il avait toujours habité la campagne, que cette assurance était inutile, puisque l’on s’en aperçoit facilement (on rit), et en cela je lui répondrais sur le même ton qu’il vient d’employer ; mais c’est un genre de discuter que je n’aime pas, et je me contenterai de prier M. Dellafaille de me rétorquer d’une autre manière à l’avenir.

M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - On a dit que la disposition était extraite des anciens règlements. C’est une erreur. Elle se trouve dans le règlement des campagnes, mais non dans le règlement des villes. Ensuite dans le règlement des campagnes, il existe une modification importante à laquelle il a été fait allusion par M. de Theux, mais que les défenseurs de la disposition ont passé sous silence ; c’est l’article 10 qui est ainsi conçu :

« Il est permis aux états de la province, aussi longtemps que le Roi ne jugera pas nécessaire de prendre d’autres dispositions à cet égard, d’accorder aux assesseurs et autres membres, excepté au bourgmestre, les dispenses des dispositions contenues dans ce chapitre, lorsqu’elles seront commandées par défaut de sujets propres aux fonctions, ou par d’autres raisons particulières de nécessité ou de grande utilité, pourvu qu’à la fin de chaque année les états transmettent au département de l’intérieur un relevé des dispenses accordées par eux pendant l’année écoulée, en y ajoutant les principaux motifs qui les ont nécessitées. »

Pour les bourgmestres, la loi s’en explique d’une manière non moins catégorique :

« Toutes les dispenses concernant les personnes des bourgmestres sont réservées au Roi. »

Ainsi le règlement, après avoir posé la règle générale pour les campagnes seulement, faisait une assez large part à l’exception. Vous avez du reste une garantie dans la présentation par le conseil et la nomination par le Roi. On ne présentera pas, on ne nommera pas tous cabaretiers ou tous meuniers. Au surplus, si cela présentait des inconvénients, on pourrait revenir sur la loi, dans le cas où M. de Theux ne voudrait pas donner suite à l’idée d’insérer dans l’article la faculté d’accorder de dispenses en certains cas.

M. H. Dellafaille - Je croyais avoir saisi les paroles de M. d’Hoffschmidt. La chambre me rendra la justice de croire que je n’ai rien voulu dire de personnel à l’honorable député de Bastogne. Je me suis borné à lui conseiller une plus grande surveillance sur les administrateurs de son district.

M. d’Hoffschmidt. - Je n’ai besoin des conseils de personne.

M. Hye-Hoys. - Je ne pourrai pas donner mon adhésion à la disposition qui exclut les boulangers.

Le lord maire de Londres est un boulanger ou au moins le fils d’un boulanger.

- Le paragraphe 7° est mis aux voix et rejeté.


M. le président. - Par suite des amendements adoptés, l’article 9 serait ainsi conçu :

« Art 9. - Ne peuvent être ni bourgmestre ni échevins :

« 1° Les membres des cours, des tribunaux civils et des justices de paix, non compris leurs suppléants, les officiers du parquet, les greffiers et commis-greffiers près des cours et tribunaux civils et les greffiers des tribunaux de commerce et des justices de paix ;

« 2° Les ministres des cultes ;

« 3° Les ingénieurs et conducteurs des ponts et chaussées et des mines en activité de service ;

« 4° Les agents et employés des administrations financières ;

« 5° Les membres des administrations des hospices et des bureaux de bienfaisance ;

« 6° Les instituteurs qui reçoivent un traitement ou subside annuel de l’Etat ou de la province. »

Article 10

M. le président. - « Art. 10 (du projet du gouvernement). - Le bourgmestre et les échevins peuvent être suspendus de leurs fonctions par le gouverneur ou par la députation des états, à charge d’en donner avis dans les 24 heures au gouvernement.

« La durée de la suspension ne peut excéder 3 mois. »

« Article 10 (du projet de la section centrale). - Les bourgmestre et échevins sont révoqués par le Roi.

« Ils peuvent être suspendu de leurs fonctions par la députation provinciale, à charge d’en donner avis dans les 24 heures au gouvernement.

« La durée de la suspension ne peut excéder 3 mois. »

Le premier paragraphe n’est qu’une transposition de dispositions qui se trouvent placés aux articles 7 et 8 du projet du gouvernement.

Le deuxième paragraphe modifie le projet du gouvernement.

M. le ministre se rallie-t-il au projet de la section centrale ?

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Je me rallie à la transposition, mais non au deuxième paragraphe. La section centrale propose de restreindre à la députation provinciale la faculté de suspendre les bourgmestre et échevins ; nous demandons qu’elle existe pour le gouverneur comme pour la députation.

M. le président. - Par conséquent, M. le ministre ne se rallie pas à la proposition de la section centrale.

La discussion est ouverte sur l’article 10 du projet du gouvernement.

M. Doignon. - Je me vois forcé de combattre de nouveau la proposition du gouvernement et de la section centrale, parce que encore une fois toutes deux confèrent au pouvoir exécutif plus de droits que le roi Guillaume lui-même ne s’en était attribué dans ses derniers règlements à l’égard des communes.

Si la chambre avait conservé l’élection populaire et directe du bourgmestre, j’aurais été le premier à proposer pour la garantie du gouvernement de lui accorder le droit de révocation et de la suspension de ce fonctionnaire dans des cas déterminés, et déjà dans une autre circonstance, dans la fameuse affaire de Liége, j’ai eu l’occasion d’émettre cette opinion. C’est en effet parce que le gouvernement a négligé ce moyen ou qu’il n’a point demandé depuis longtemps à la législature une disposition transitoire sur ce point, qu’on peut dire qu’il a lui-même été cause de quelques écarts dans certaines localités.

Mais aujourd’hui que le principe de l’élection directe est repoussé et que la nomination appartient au Roi, le gouvernement trouve la plus forte garantie dans cette nomination qui est son propre fait ; il ne peut choisir, pour remplir ces fonctions, que des hommes d’ordre et qui ont fait leurs preuves de dévouement. Ce mandat étant donné pour un terme et en même temps dans l’intérêt de la commune, le pouvoir exécutif ne peut et ne doit pas avoir la faculté de le révoquer avant l’expiration de ce terme, ainsi que cela était établi par les règlements de Guillaume pour les bourgmestres et échevins dans les villes, et pour les assesseurs et conseillers dans les campagnes.

L’article 66 de la constitution statue que le Roi nomme aux emplois d’administration générale et de relations extérieures, sauf les exceptions établies dans la loi ; qu’il ne nomme à d’autres emplois qu’en vertu de la disposition expresse de la loi.

Si les fonctions de bourgmestre étaient un emploi d’administration générale, on conçoit qu’elles seraient révocables à la volonté du gouvernement ; mais ces fonctions forment un emploi d’une autre nature. D’après l’article 108, le bourgmestre est aujourd’hui, comme toujours, le chef de l’administration communale, et le gouvernement tient le droit de le nommer, non de la constitution, mais de la loi qui peut et doit modifier le droit de révocation suivant le caractère particulier de ces mêmes fonctions.

Or, si l’on ne veut pas que le pouvoir communal soit pour la cité un être presque nul, il est indispensable que ce magistrat et les échevins puissent agir avec indépendance dans tout ce qui rentre au moins dans la sphère des intérêts communaux. Mais cette indépendance n’est plus qu’un vain mot du moment que l’un ou l’autre, ou même tous ensemble, ils peuvent être révoqués chaque jour ou à chaque instant par le ministère, ni plus ni moins que des serviteurs à gage de l’Etat. La nature de leurs fonctions veut donc qu’ils ne puissent être soumis à la révocation ad nutum comme les autres employés du gouvernement.

Vous n’avez pas voulu que ces fonctionnaires soient purement et simplement des hommes du pouvoir, et cependant ils le deviennent dans le fait s’ils demeurent exposés à être renvoyé à chaque moment par le ministre. Constamment menacés d’une révocation, ils perdent évidemment leur liberté d’action.

Vous avez voulu au contraire qu’ils fussent les protecteurs, les défenseurs de la commune ; mais ils ne le sont plus que de nom, dès l’instant qu’ils ne jouissent plus de leur indépendance pour défendre les intérêts communaux. Que sera-ce, messieurs, que cette indépendance, si placés entre la volonté du pouvoir et l’intérêt de la cité, ils se voient obligés de sacrifier celui-ci pour conserver leur place ? La révocation ad libitum que demandent le gouvernement et la section centrale, porterait donc évidemment un coup funeste au pouvoir communal : nous devons donc la rejeter.

Pour nous diriger en cette matière, il suffirait de rappeler cette règle bien simple : que ceux-là qui ont pris part à une nomination, ont naturellement droit à une part dans la révocation. Qui nomme révoque, c’est-à-dire, ceux qui ont concouru à la nomination doivent également intervenir dans la révocation.

Or, vous avez admis que la commune a sa part dans la nomination des bourgmestre et échevins. Le conseil, comme représentant la commune, désigne à sa majesté quelques candidats, afin de choisir les échevins. Mais cette désignation faite par le conseil est elle-même une nomination éventuelle de l’autre de ces candidats, puisque le Roi, en nommant, est obligé de se fixer sur eux. Il faut en dire autant du bourgmestre dont le choix est également restreint dans le conseil ; c’est la commune qui a aussi nommé les conseillers, dont le pouvoir exécutif est forcé de choisir de choisir l’un ou l’autre. D’après les systèmes établis, la commune ou ses représentants ont donc participé à la nomination ; et par conséquent ces derniers ont le droit d’intervenir dans la révocation.

Or, lorsque deux parties ont droit de concourir à un acte, il faut au moins qu’il y ait quelque réciprocité ; il n’est pas juste que l’une ait sur cet acte toute l’autorité à l’exclusion de l’autre. Les nominations dont s’agit ayant été faites ensemble par les deux parties et pour un terme fixe, il en résulte donc que l’une et l’autre sont tenues d’attendre l’expiration de ce terme, afin de pouvoir les révoquer.

Si, par exemple, l’administration d’un bourgmestre était toute au profit de l’Etat et au détriment évident de la commune, celle-ci se verrait obligée d’attendre le renouvellement périodique pour éliminer du conseil ce mauvais magistrat ; dans l’hypothèse contraire, le gouvernement se verrait dans la même position et réciproquement il n’aurait pas le droit d’anticiper sur cette époque. Mais la longue expérience qui a été faite sous l’ancien règlement de Guillaume, nous a prouvé que ces suppositions ne sont pas à craindre, et que dans le fait le Roi et la commune peuvent attendre l’accomplissement du terme.

Du côté du gouvernement, il y aurait d’ailleurs un inconvénient extrêmement grave, c’est que le conseiller repoussé comme bourgmestre ou échevin par le ministère rentrerait dans le conseil ; le gouvernement ne serait donc point débarrassé de son ennemi, mais il le rencontrerait plus hostile encore dans le sein du conseil.

Il n’est donc aucunement nécessaire, et il y aurait tout à la fois injustice et danger, de vouloir attribuer aujourd’hui au Roi plus de droits que n’en avait le roi Guillaume : loin de prétendre qu’ils ne lui donnaient point assez de force, l’on a eu à se plaindre des abus qu’il en a faits. Le gouvernement est en outre armé comme lui des dispositions du code pénal de l’empire, qui prévoient les cas de forfaiture et beaucoup d’autres dont les administrateurs peuvent se rendre coupables dans l’exercice de leurs fonctions.

Au surplus, si la majorité de cette chambre pouvait adopter le système de révocation avant l’expiration du terme fixé par les fonctions de ces magistrats, je lui ferai observer que la commune ayant participé elle-même aux nominations ainsi que je l’ai établi plus haut, son intervention ou au moins celle du pouvoir provincial ne pourrait être refusée dans les actes de révocation ou de suspension.

Le pouvoir provincial est le protecteur né de toutes les communes ; ce serait au moins à lui à les défendre dans ces circonstances et à veiller à ce qu’aucune révocation ou suspension ne puisse être faite arbitrairement. D’après le règlement des villes, jamais dans les villes le roi ne pouvait révoquer ou suspendre un bourgmestre ou un échevin ; mais les états seuls, et non le Roi, pouvaient suspendre et au besoin démettre dans les campagnes les assesseurs et autre membres du conseil.

Toutes les sections, sauf une seule, ont rejeté les droits de révocation et de suspension tels qu’ils sont proposés par le gouvernement et la section centrale ; toutes ont demandé des modifications en réclamant surtout l’intervention du conseil communal ou du pouvoir provincial.

Mais une garantie qu’il y aurait iniquité révoltante à refuser à la commune, c’est que la décision soit motivée, et que la personne puisse être entendue avant d’être jugée.

Sous le gouvernement déchu, et lorsque les états usaient du droit de suspension ou de destitution, la suspension ou la destitution devait au moins être motivée sur la négligence grave ou la mauvaise conduite des administrateurs ; mais, d’après les articles en discussion, le ministre aurait le pouvoir de suspendre et révoquer sans même rendre aucun compte de ses raisons.

La vague de ces deux causes : négligence ou mauvaise conduite, avait déjà été le sujet des plaintes les plus vives sous le régime hollandais : que pensera donc le peuple d’une disposition qui accorde au ministère un pouvoir illimité en pareil cas ?

Encore une fois l’expérience ne nous a nullement prouvé qu’un semblable moyen était indispensable pour faire marcher les administrations.

A cet égard on pourrait donc préciser et indiquer dans la loi les cas de prévarication ou de malversation qui emporteraient la suspension ou la destitution.

Qu’on ouvre les règlements, on verra quelles sont les principales obligations et les devoirs qui incombent aux bourgmestres et échevins. Or, dès que l’on connaît tous leurs devoirs, il n’est pas bien difficile de prévoir quand ils seront censés y avoir manqué assez gravement pour encourir la suspension ou la destitution. Parmi les cas punissables, on pourrait même comprendre le retard opiniâtre, la négligence grave et même d’autres cas moins répréhensibles, mais qu’au moins enfin ils soient jugés régulièrement, afin que le peuple puisse dire ici comme partout ailleurs qu’on a fait bonne justice.

Aux termes de l’article 100 de la constitution, les juges ne peuvent être privés de leur place que par un jugement motivé. L’article 124 déclare aussi que les militaires ne peuvent être privés de leur grade que de la manière déterminée par la loi.

Mais les bourgmestres et échevins, dans l’ordre administratif, exercent aussi une juridiction, une magistrature dans la commune ; pourquoi donc leur ravirait-on le droit naturel de la défense, pourquoi le jugement qui les condamne ne serait-il pas motivé ?

Qu’on ne s’y trompe pas, la crainte seule d’un jugement aussi solennel serait un bien plus grand frein que la menace d’une destitution brusque, sans motifs, qui toujours est taxée d’arbitraire lors même qu’elle serait juste.

En vain la section centrale observe-t-elle qu’il est dans l’intérêt des fonctionnaires que les motifs des révocations ne soient pas connus ; dites plutôt qu’il est de l’intérêt de l’arbitraire de pouvoir agir dans les ténèbres et de cacher aux yeux du peuple les causes réelles qui le dirigeraient en pareil cas. Cette observation de la section centrale n’est donc qu’un prétexte futile, d’autant plus que, quelle que puisse être la discrétion des autorités, le public parvient toujours à connaître les vrais motifs d’une révocation. Si donc on veut en faire un mystère, ce n’est réellement que parce que l’arbitraire, fuyant toujours la lumière, on sait fort bien que son action est d’autant plus libre qu’elle est mieux cachée.

L’on invoque l’intérêt du fonctionnaire, mais l’intérêt de son honneur et de sa réputation n’exige-t-il pas au contraire que l’affaire soit mise au grand jour ? S’il est innocent ou si l’autorité est induite en erreur, n’a-t-il pas le plus grand intérêt à parler ?

Le peuple lui-même, qui a pris une part dans sa nomination, n’a-t-il pas également le plus grand intérêt à connaître si ce magistrat a bien ou mal mérité de la commune ?

N’est-il pas nécessaire qu’il sache à quoi s’en tenir à l’égard de ce citoyen pour les élections futures, ou faut-il qu’à ses yeux ce citoyen demeure déshonoré pour toujours, à défaut d’avoir pu se justifier, et que par suite il reste ainsi frappé d’une sorte d’incapacité pour tout emploi communal ?

Telles sont cependant les conséquences du système de la section centrale et du gouvernement. Tout nous fait donc un devoir de maintenir le principe de publicité dans cette matière comme en toute autre.

En un mot, le gouvernement possède un moyen fort simple et bien facile de renvoyer dans des cas infiniment rares quelque mauvais bourgmestre, c’est de le laisser à l’écart lors des renouvellements périodiques. Veut-il rapprocher le terme de ce renouvellement ? Nous ne nous y opposerons pas.

En conférant un pouvoir illimité au ministère, la section centrale aurait-elle eu en vue de lui procurer le moyen de frapper les administrateurs dont les opinions politiques lui paraîtraient incompatibles avec l’ordre actuel des choses, ou qu’il ne serait pas possible d’atteindre par les voies légales ? Mais le renouvellement dont nous venons de parler peut encore remédier suffisamment à cet inconvénient qui ne peut d’ailleurs se présenter que très rarement. L’aversion du peuple pour la maison de Nassau est un sûr garant qu’il n’appellera point de tels hommes à l’administration de la commune. Dans tous les cas, on ne fait pas de lois pour des cas aussi extraordinaires ; on attend alors que l’expérience parle afin de prendre telle mesure qu’elle peut suggérer.

Je rejetterai donc les articles en discussion, et j’adopterai les amendements conformes à mes observations.

M. Milcamps. - J’ai demandé la parole pour exposer seulement les motifs qui ont porté la majorité de la section centrale à proposer d’accorder au Roi la révocation des bourgmestres et des échevins.

La considération que tous ces fonctionnaires sont ou peuvent être investis d’une portion de la puissance exécutive et sont en même temps administrateurs de la commune, a porté la section centrale à faire concourir les différents pouvoirs à leur nomination.

Ainsi, les électeurs participent à la nomination du bourgmestre.

Ainsi, les électeurs et le conseil participent à la nomination des échevins.

Si le pouvoir de révoquer était corrélatif de celui de nommer, si la faculté de nommer entraînait celle de révoquer, il serait rationnel que le bourgmestre et les échevins ne pussent être révoqués sans l’intervention de ceux qui ont concouru ou participé à leur nomination.

Mais le pouvoir de révoquer n’est pas corrélatif de celui de nommer. C’est le gouvernement, qui, dans quelque partie que ce soit, nomme les fonctionnaires inamovibles, et cependant il n’a pas le droit de les destituer.

Il s’agissait donc d’adopter ce qui était le plus convenable.

Il était impossible d’abord, quant aux bourgmestres, de conférer aux électeurs le pouvoir de les révoquer, et puisque la nomination de ce fonctionnaire a été abandonnée au pouvoir exécutif sous la seule condition de le choisir dans le sein du conseil, il était naturel d’accorder au même pouvoir la révocation.

Quant aux échevins, déclarer qu’ils seront révoqués par le Roi à la demande ou sur la proposition du conseil, c’eût été décider qu’aucune révocation ne pourrait avoir lieu sans le consentement du conseil, et cependant il s’agit ici de fonctionnaires investis d’une partie de la puissance exécutive, puisque c’est ordinairement un échevin qui est appelé à exercer les fonctions de police judiciaire, d’officier de l’état civil.

Mais, dit-on, en accordant cette révocation au pouvoir exécutif, c’est introduire des peines que le gouvernement précédent n’avait pas cru devoir se réserver ; mais je ferai observer que la constitution de l’an VIII réservait au chef du gouvernement le pouvoir de révoquer à volonté les fonctionnaires de tout ordre, que la charte fait la même réserve, et que le dernier règlement accordait au gouvernement le droit de révocation, on tout au moins celui de suspension pour le plat pays. Et dans cette chambre, messieurs, n’avons-nous pas eu, dans une circonstance que je ne veux pas rappeler, à regretter l’absence de dispositions législatives sur le droit de révocation ?

Mais remarquez-le bien, messieurs, votre section centrale ne propose pas cette révocation, du moins, quant aux échevins, dans l’intérêt du pouvoir, mais bien dans l’intérêt de la commune.

C’est une arme qu’elle a voulu donner au pouvoir contre l’échevin nommé qui ne répondrait pas à la confiance des électeurs et du conseil.

Avez-vous à craindre que le gouvernement use de la faculté de révocation dans l’intérêt du pouvoir et par caprice ? Mais, messieurs, l’exercice arbitraire d’un pareil droit tournerait contre lui. Le conseil ne manquerait pas de persister à présenter le même individu avec un autre d’une même opinion. La révocation n’aurait donc pas pour lui une grande utilité.

Je ne me prononce pas personnellement sur ces graves questions, j’attendrai les lumières de la discussion.

M. de Theux. - Les questions qui vous sont soumises à l’article 10 sont très importantes. Il me paraît qu’il convient d’examiner les dispositions antérieures sur la matière, de les comparer à celles qui vous sont présentées et d’approfondir les principes sur lesquels elles sont basées.

Quant aux dispositions antérieures, je dirai qu’il y avait une lacune absolue en ce qui concernait les villes. Le gouvernement était dans la nécessité de continuer sa confiance au bourgmestre d’une ville qui ne la méritait pas, tandis que dans les campagnes il pouvait les révoquer ; c’était une anomalie choquante. Le droit de révocation est bien plus nécessaire dans les grandes villes que dans les campagnes.

Le gouvernement n’établit aucune distinction entre le droit de suspension et le droit de révocation. C’est là une violation des principes. La révocation peut n’être fondée que sur un manque de confiance qui nécessite de la part de l’autorité qui nomme, le retrait du mandat qu’elle avait accordé à un fonctionnaire.

La suspension n’est jamais envisagée sous le même point de vue. Il faut que les causes qui doivent entraîner la suspension soient bien déterminées, parce que la suspension est une peine et que la loi doit fixer les motifs qui nécessitent l’application de toute pénalité. L’article 18 du règlement pour le plat-pays avait concilié les principes beaucoup mieux que ne le fait le gouvernement dans son projet.

Je crois, en ce qui concerne les bourgmestres, que le Roi qui les nomme doit pouvoir également les révoquer. Les bourgmestres sont évidemment, en partie au moins, les agents du gouvernement. C’est sur eux que repose la sûreté des communes. C’est à eux qu’il appartient de requérir la force armée pour réprimer un soulèvement populaire. S’ils négligeaient de le faire, le gouvernement ne pourrait être responsable des conséquences de leur inertie. Il est nécessaire dans l’intérêt de l’ordre public que ces magistrats puissent être révoqués par le pouvoir royal.

Je conçois qu’il y a moins de motifs plausibles pour accorder au gouvernement le droit de révoquer les échevins. Ceux-ci sont, d’après le projet, des fonctionnaires purement municipaux. Je ferai remarquer que l’article 18 du règlement du plat pays n’accordait qu’à la députation des états le droit de démissionner les échevins. Voici comme cet article était conçu. (L’orateur donne lecture de cet article).

Ainsi la démission du bourgmestre était donnée par le Roi sans que les motifs dussent accompagner l’arrêté. La démission des échevins ou plutôt des assesseurs était donnée par la députation des états pour des causes déterminées. Quant à la faculté de suspendre ces fonctionnaires, elle appartenait également à la députation des états et au gouverneur, toujours pour des causes déterminées. Je crois que ce système est le plus rationnel, en ce qu’il ne permet pas qu’il se commette un acte injuste de suspension.

Je ne puis, sous aucun prétexte, admettre en faveur du gouvernement la faculté de suspendre quand il n’y a pas de causes déterminées. C’est un blâme pour un fonctionnaire que de le suspendre de ses fonctions. Il faut que le fonctionnaire sache dans quelles circonstances il peut être suspendu. Pour ce qui est de la révocation, c’est un simple retrait de confiance qui n’a rien d’injurieux pour la personne qui en est frappée.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - L’article 10 du gouvernement demande pour le Roi la faculté de révoquer les bourgmestres et les échevins. Il semble que l’on est à peu près d’accord pour attribuer cette faculté au pouvoir, faculté qui n’est que la conséquence du droit de nomination que vient de lui conférer la chambre. Jusqu’à présent l’honorable M. Doignon est le seul qui ait combattu cette disposition.

Reste le droit de suspendre ces mêmes fonctionnaires. Ce droit appartiendra-t-il également au pouvoir qui a la faculté de révocation, ou sera-t-il laissé à une autre autorité qui ne l’a pas ? Dans notre opinion il serait contraire aux principes que celui-là qui a le droit de révoquer n’eût pas le droit de suspendre. Car la suspension n’est qu’un acte préliminaire, préalable à la révocation nécessaire pour que le gouvernement qui révoque n’agisse pas avec trop de précipitation. C’est une barrière contre les passions du pouvoir supérieur. Car le pouvoir a aussi ses passions. Si vous lui refusez le droit de suspension, vous le forcerez à révoquer irrévocablement un fonctionnaire qu’il aurait pu se contenter de suspendre.

On a dit que la révocation étant un simple retrait de confiance, il ne fallait pas que le pouvoir exprimât le motif qui pouvoir l’engager à prendre une pareille mesure. Il me semble que c’est précisément parce que c’est un retrait de confiance qu’il faut que les motifs en soient donnés. Il faut que le fonctionnaire sache pourquoi le gouvernement lui retire sa confiance. Il peut arriver que ce soit par des raisons de divergence d’opinions politiques, pour mauvaise administration, ou bien pour malversation dans la gestion des affaires communales.

Il sera bien plus nécessaire pour le fonctionnaire de savoir les motifs de sa révocation que ceux de sa suspension. Ce dernier acte n’étant que préparatoire et destiné à permettre au gouvernement de s’assurer si le fonctionnaire atteint de cette mesure est digne ou indigne de sa confiance.

On a dit que le droit de suspension était accordé sous l’ancien gouvernement à la députation des états et au gouverneur. On a ajouté que dans les deux cas l’exercice de ce droit ne pouvait avoir lieu que pour des motifs déterminés. Cette assertion n’est pas tout à fait juste.

Elle est vraie si elle ne s’applique qu’à la députation. Elle est erronée si elle s’applique au gouverneur ; car dans l’instruction des gouverneurs il est dit qu’ils pourront suspendre les bourgmestres et les échevins pour motifs graves. Or, cette définition est assez vague pour que la suspension n’ait jamais été déterminée.

J’entends dire que l’instruction des gouverneurs ne fait pas loi. L’on se trompe. Car elle se trouve formellement rappelée dans le règlement du plat pays qui était pour le royaume une disposition constitutionnelle.

Le droit de suspension ne se trouve pas, à la vérité comprise dans les dispositions du règlement des villes. Si l’on voulait interpréter d’une manière large l’instruction des gouverneurs on pourrait y trouver le droit de suspension. Car cette instruction se trouve également rappelée dans le règlement des villes. Mais j’admets que le droit de suspendre ne s’étendît pas aux villes.

Il se trouvait donc qu’en Belgique les bourgmestres et échevins de 96 villes n’étaient pas soumis à ce droit de suspension, tandis qu’il était en vigueur dans 2,642 communes rurales ; et la question était, comme on le sait, importante surtout pour les communes rurales.

Si vous accordez le droit de suspension au gouvernement et à la députation, vous établirez entre le pouvoir royal et le pouvoir provincial un singulier conflit. La députation des états voudra suspendre un bourgmestre qui, selon le gouvernement, n’aura pas mérité d’être frappé de cette mesure et réciproquement. De quoi droit la députation viendrait-elle suspendre un fonctionnaire du gouvernement, alors que le gouvernement croirait, lui, qu’il a bien exécuté la loi ?

Je suis d’accord sur la convenance d’accorder le droit de suspendre les bourgmestres à la députation permanente pour certains actes dont la surveillance est spécialement confiée à la députation. Ainsi, le bourgmestre néglige d’arrêter et d’envoyer le budget de la commune ; la députation le réclame, insiste ; le budget n’arrive pas ; elle suspend le bourgmestre. Voilà un cas où la députation aura bien fait de suspendre, où il est juste qu’elle en ait le droit.

Mais, pour les actes qui ressortissent de l’administration du royaume, la députation n’a rien à y voir. Il serait inconvenant, il serait inconséquent de lui donner dans ce cas le droit de suspension des bourgmestres, surtout quand vous le refusez au gouvernement.

Quant à la nécessité qu’il peut y avoir de suspendre et de révoquer les agents du pouvoir dans la commune, je crois qu’elle ne sera contestée par personne. Depuis la révolution, bien que, il faut le reconnaître, les choix aient été convenablement faits, il n’y a pas de jour où il n’arrive à l’administration provinciale et à l’administration supérieure des plaintes relatives aux actes des bourgmestres et assesseurs.

Bien que le gouvernement ait eu quelque doute sur son droit de suspendre les bourgmestres et échevins, il a été forcé dans un assez grand nombre de cas d’user de ce droit, malgré toute la réserve qu’il a dû y mettre en raison des scrupules qu’il éprouvait.

La suspension d’un bourgmestre a été quelquefois réclamée très vivement ; toute la commune protestait contre sa nomination en signalant un grand nombre d’abus qu’il avait commis. Je pourrais vous citer un grand nombre de faits de ce genre, vous lire des plaintes qui me sont parvenues sur ce que certaine commune était administrée par un bourgmestre et des échevins qui avaient perdu toute sa confiance.

Tout récemment j’ai reçu une délégation des notables d’une commune qui protestait contre la présence au pouvoir communal d’un bourgmestre et d’échevins qui depuis 3 ans n’avaient pas payé aux habitants de la commune un centime pour indemnité de logements militaires. Cette plainte s’est renouvelée dans plusieurs communes.

Je suis le premier à rendre hommage au bon sens des électeurs ; cependant ils peuvent se tromper. Ainsi ils ont nommé pour bourgmestre dans une commune un homme qui pour des malversations notoires avait été l’objet de poursuites judiciaires, un homme qui pour des délits, des crimes même, avait été condamné par les tribunaux.

Voici entre autres faits celui qui a été signalé à l’administration supérieure par un fonctionnaire public. Voici ce qu’écrivait au gouverneur du Hainaut un fonctionnaire de cette province. (Ici le ministre donne lecture de cette lettre.)

Vous voyez donc que la nécessité de donner au gouvernement le droit de suspendre les fonctionnaires des communes, moyen efficace de répression envers eux, était sentie par un fonctionnaire à l’expérience duquel je dois rendre hommage en cette circonstance.

J’ajouterai que le bourgmestre dont il est question ici appartient au district de Tournay.

J’insisterai donc sur la rédaction du projet du gouvernement ; et j’attendrai qu’il ait été combattu par de nouveaux motifs.

M. le président. - M. H. Dellafaille vient de déposer l’amendement suivant :

« Les bourgmestres et les échevins peuvent être suspendus de leurs fonctions par la députation permanente du conseil provincial pour cause d’inconduite ou de négligence grave.

« Il sera donné connaissance des motifs de la suspension au fonctionnaire inculpé, qui devra être entendu dans ses moyens justificatifs.

« La durée de la suspension ne pourra excéder trois mois, à moins que le fonctionnaire n’ait été mis en jugement.

« Dans le même délai de trois mois, le bourgmestre ou l’échevin suspendu de ses fonctions pourra être révoqué s’il y a lieu. La révocation du bourgmestre est prononcée par le Roi ; celle des échevins, par la députation permanente du conseil provincial.

« Le fonctionnaire révoqué ne pourra être présenté comme candidat pour la place d’échevin pendant les trois années qui suivront l’arrêté de révocation. »

La parole est à M. H. Dellafaille pour développer son amendement.

M. H. Dellafaille - Messieurs, sans partager l’opinion émise par l’honorable M. Doignon qui semble contester l’utilité du droit de révoquer et de suspendre les bourgmestres et les échevins, je ne saurais admettre ce droit dans toute l’étendue que demande le gouvernement et que lui accorde la section centrale.

En principe j’admets qu’il est nécessaire que les membres du collège puissent être, les cas échéants, suspendus et même révoqués de leurs fonctions.

Je crois, messieurs, que le droit de révocation et de suspension doit exister, sauf à prendre les précautions convenables pour en éviter les abus.

Le droit de révocation me semble nécessité et par l’intérêt du gouvernement et par celui de la commune elle-même.

Il serait difficile d’en affranchir le bourgmestre, considéré comme agent du pouvoir exécutif.

Pourquoi avez-vous donné au gouvernement le droit de nommer ce fonctionnaire ? Evidemment afin de laisser à des ministres responsables de leurs actes le choix de l’agent dont ils doivent se servir, afin de les garantir de la mauvaise volonté ou même de l’esprit hostile de leur subordonné. Cependant nul ministre ne peut se flatter de ne jamais se tromper dans ses choix ; tel homme d’ailleurs peut avoir fait honneur dans le principe au discernement de celui qui l’a choisi, et démentir ensuite ses commencements.

Obligeriez-vous cependant le gouvernement à se servir pendant six ans d’un homme qui se trouverait réellement indigne de sa confiance ? Accorder au ministre le droit de nomination et lui refuser celui de révocation, ce serait lui retirer d’une main ce que vous lui auriez donné de l’autre.

L’intérêt propre des habitants de la commune exige que les bourgmestres et échevins ne soient pas inamovibles pendant le terme assigné à leurs fonctions.

Les membres de l’administration locale ne peut-ils pas commettre les négligences les plus graves, compromettre par les impéritie ou leur légèreté les intérêts les plus vifs de la commune, devenir comme cela s’est vu trop souvent de véritables tyrans au petit pied ? Quelquefois la révocation d’un fonctionnaire de ce genre serait un véritable bienfait pour les habitants. A défaut de ce droit, si MM. les bourgmestres et échevins ont la précaution de lire le code pénal, ils peuvent en sûreté exploiter la commune à leur guise pendant six ans. Ce terme me semble un peu long.

La faculté de suspendre de leurs fonctions les membres du collège n’est pas moins indispensable que celle de les révoquer. Elle est d’ailleurs la conséquence nécessaire de celle-ci.

La suspension est une mesure moins acerbe que la révocation. Elle peut réprimer des fautes trop graves pour demeurer impunies, mais pour lesquelles la révocation serait néanmoins une peine trop forte.

La faculté de suspendre rend la révocation plus rare, en ce qu’elle permet à l’autorité supérieure d’user d’indulgence, surtout une première fois, et de réserver la révocation pour les cas extrêmes.

Comme préliminaire de la révocation, elle tend à en prévenir les abus, à la rendre plus juste et moins brutale, en donnant au fonctionnaire inculpé le temps de se défendre et à l’autorité supérieure le temps de réfléchir.

Enfin elle est indispensable dans les cas où un fonctionnaire serait recherché pour un crime ou délit. Si cette faculté n’existait pas, le bourgmestre ou l’échevin pourrait jusqu’à sa mise formelle en accusation continuer l’exercice de ses fonctions, quoique poursuivi par la clameur publique.

En admettant la faculté de révoquer et de suspendre les membres du collège, il nous reste à examiner par qui ce droit doit être exercé.

La révocation du bourgmestre ne peut être prononcée que par le Roi. Il est impossible d’admettre qu’une autre autorité puisse révoquer un fonctionnaire appartenant au pouvoir exécutif et nommé par le Roi.

Il n’en est pas de même de celle des échevins. Le projet du gouvernement était conséquent avec lui-même ; le Roi nommait et révoquait ces fonctionnaires ; mais le projet de la section centrale nous présente un système absurde à mon avis. Selon sa proposition déjà adoptée par la chambre, l’échevin est nommé par le concours du Roi et du conseil. Cependant c’est au Roi seul qu’on nous propose de conférer le droit de révocation. Il semble cependant que la révocation ne peut être prononcée par un seul des deux pouvoirs qui ont concouru à la nomination.

L’honorable M. Milcamps nous dit que le droit de révoquer est quelquefois indépendant de celui de nommer. Il en donne pour preuve l’exemple des juges inamovibles quoique institués par le Roi. Cet exemple prouve en effet que l’un de ces droits n’existe pas comme conséquence nécessaire de l’autre, mais il ne prouve nullement qu’un seul des deux mandants ait le droit de retirer un mandat commun. Il est d’ailleurs inexact de dire que les échevins soient agents du pouvoir exécutif. L’article 95 du projet du gouvernement dit formellement le contraire.

Il serait impraticable d’exiger le concours du Roi et du conseil communal pour la révocation d’un échevin. Dès lors il me paraît que rien n’est plus naturel que de chercher un autre moyen. Ce moyen est facile à trouver. Pourquoi ne donnerait-on pas le droit de révocation à la députation permanente modératrice née des autorités communales ? C’est le pouvoir hiérarchique immédiatement supérieur, et celui qui peut le mieux apprécier l’exigence des cas.

En ce qui concerne le droit de suspension, il me répugnerait de le laisser au gouverneur. Un seul homme se trompe aisément, peut agir légèrement dans un moment d’humeur ou sur la foi de rapports inexacts. La députation, composée de sept personnes n’est pas exposée à ce danger. Son intervention donne au fonctionnaire une garantie contre la précipitation du gouverneur ; elle donne aux citoyens l’assurance que les membres de leur administration ne seront pas légèrement frappés par cette mesure, elle donne au Roi le moyen de s’éclairer sur l’usage qu’il peut se trouver dans le cas de faire du droit de révocation.

J’ajouterai encore quelques mots sur mon amendement. Je demande que le fonctionnaire inculpé soit entendu dans ses moyens justificatifs. Ceci est tellement juste que je ne pense pas qu’on puisse le contester.

Je demande en outre que la suspension précède la révocation. Je ne saurais admettre avec l’honorable M. de Theux que le bourgmestre puisse être révoqué sans une cause grave. La révocation doit être une véritable pénalité justifiée par des torts réels de la part de celui qui se trouve frappé de cette mesure. La suspension préliminaire lui fournit les moyens de se justifier s’il le peut ; elle donne au gouvernement le temps de vérifier les faits et de n’agir qu’en connaissance de cause.

Enfin, j’ai ajouté le dernier paragraphe, parce qu’il m’a semblé qu’on ne pouvait pas permettre que le droit accordé au Roi de choisir les échevins sur une liste de deux candidats au moins fût éludé par une présentation dérisoire. J’ai voté contre ce droit ; mais puisque la chambre l’a admis, il doit être exercé en réalité. Comprendre au nombre des candidats un individu destitué pour inconduite ou négligence grave dans l’exercice de ses fonctions précédentes, ce serait ôter au gouvernement la liberté du choix que la loi lui aurait déféré. Il faut d’autant plus empêcher cet inconvénient que mon amendement tend à rendre les destitutions arbitraires à peu près impossibles et à restreindre l’usage de la faculté de révoquer aux seuls cas où cette mesure puisse se justifier.

M. A. Rodenbach. - je demande que la discussion de cet amendement soit renvoyée à demain. Il s’agit ici d’un principe essentiel à la loi communale ; c’est presque la loi tout entière. Il faut y réfléchir sérieusement.

M. Jullien. - Je désirerais savoir du ministre de l’intérieur si, dans son opinion, la révocation de bourgmestre ou d’échevin emporte la révocation de membre du conseil municipal : il faut connaître les intentions du gouvernement sur cet objet. Je pourrai à cet égard présenter un amendement. On ne peut enlever que ce qu’on a donné ; la Roi n’a donné que les fonctions de bourgmestre, on doit donc encore être membre du conseil.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier)- Oui !

M. Jullien. - Oui ; c’est fort bien ; mais il faut que la loi en dise autant.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Si la déclaration du gouvernement peut ajouter quelque chose à la loi, je la ferai ; je déclare donc que le retrait des fonctions de bourgmestre et d’échevin n’enlève pas la qualité de membre du conseil qui a été donnée par le peuple et qui ne peut être enlevée que par lui.

Quant à l’amendement, j’en appuierai la partie d’après laquelle un fonctionnaire révoqué ne pourrait être présenté comme candidat que trois ans après.

M. Dumortier, rapporteur. - Il a paru à la section centrale que le gouvernement ne pouvait révoquer que des fonctions qu’il avait conférées, et que les fonctions conférées par le peuple ne peuvent être révoquées que par le peuple ; cela nous a paru si évident que nous n’avons pas cru devoir en parler dans la loi.

M. le ministre de l’intérieur veut bien admettre la partie de l’amendement d’après laquelle un fonctionnaire révoqué ne pourrait être présenté sur la liste des candidats que trois ans après, c’est-à-dire qu’il admet de l’amendement ce qui est favorable au pouvoir ; cela est fort commode. Il ne peut en être ainsi. Au reste, le système de révocation n’a jamais existé dans ces contrées, et il ne faut pas l’introduire ; il ne faut pas rétrograder. Demain nous examinerons ces questions.

M. de Muelenaere. - J’avais demandé la parole pour faire observer que d’après le système que vous avez admis, la qualité de conseiller est antérieure à celle de bourgmestre. La qualité de conseiller lui a été conférée par les électeurs. Le pouvoir exécutif, en lui enlevant celle de bourgmestre dont il l’a revêtu, ne peut pas lui enlever la qualité de conseiller, à moins d’une disposition formelle dans la loi.

M. H. Dellafaille - Messieurs, je dois un mot de réponse à M. le ministre de l’intérieur qui veut bien adhérer au dernier paragraphe de mon amendement, mais non à ce qui le précède.

Ainsi que l’observe l’honorable M. Dumortier, M. le ministre n’est pas dégoûté. Il accepte ce qui lui convient et refuse le reste. Il y a cependant une petite difficulté ; c’est que si ce paragraphe peut être adopté sans inconvénients à la suite des dispositions que j’ai proposées, il devient totalement inadmissible à la suite des propositions ministérielles.

Dans mon système la révocation est une véritable pénalité prononcée pour des cas bien et dûment établis après information et le fonctionnaire bien entendu. Dans le système du ministre au contraire, la révocation est une simple mesure de bon plaisir. Il ne doit, il ne peut pas dépendre du bon plaisir d’un ministre de priver un citoyen de ses droits civiques. Aussi voterai-je contre ce même paragraphe si les dispositions précédentes dont il est la conséquence ne sont pas adoptées.

M. le président. - Voici un amendement qui vient d’être déposé :

« Les bourgmestre et échevins peuvent être suspendus de leurs fonctions par le gouverneur ou la députation provinciale pour le terme de trois mois au plus.

« Les échevins peuvent, dans les mêmes cas, être démis par la députation provinciale.

« Les bourgmestres peuvent être révoqués de leurs fonctions par le Roi. »

M. de Theux a la parole pour développer son amendement.

M. de Theux. - Je l’ai développé.

M. le président. - M. A. Rodenbach a proposé le renvoi de la séance à demain, afin que les amendements puissent être imprimés et distribués.

M. Dumortier, rapporteur. - Je propose un sous-amendement. Je demande que les arrêtés de révocation énoncent les faits qui se rapportent aux cas énumérés dans la loi.

- La discussion est renvoyée à demain.

La séance est levée à quatre heures et un quart.