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d’intention
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Chambre des représentants de Belgique
Séance
du mardi 16 décembre 1834
Sommaire
1)
Projet de loi portant le budget des voies et moyens pour l’exercice 1835.
Opportunité d’une contribution extraordinaire de guerre au regard de la situation
diplomatique générale et/ou d’éventuelles manœuvres de l’armée hollandaise.
Demande d’ajournement (Pirson, Desmanet
de Biesme, Coghen, Pirson, Gendebien, d’Huart, Desmanet de Biesme, de
Muelenaere, (+budget de la guerre) Evain, Coghen, de Muelenaere, Lardinois, de Brouckere, de Muelenaere, Meeus, de Theux, Gendebien, de Muelenaere), répartition de cette contribution
entre les impôts notamment entre la contribution foncière et les droits de
douane (Pirson, Lardinois, (+droit
sur les bois) Gendebien, (+impôt sur le sel) Verrue-Lafrancq, d’Huart, A. Rodenbach, Dumortier), fait
personnel et confiance à accorder au gouvernement (Gendebien,
Ernst), demande d’ajournement (Desmanet
de Biesme, d’Huart, Dumortier,
Desmanet de Biesme, Dumortier,
Meeus), répartition de cette contribution entre les
impôts notamment entre la contribution foncière et les droits de douane (Meeus, Coghen), demande d’ajournement
(Dumortier, Desmanet de Biesme,
d’Huart, Gendebien, Trentesaux, de Muelenaere,
Desmanet de Biesme, Coghen, d’Huart, Coghen, d’Huart,
Jullien)
(Moniteur belge n°351, du 17 décembre 1834)
(Présidence de M. Raikem.)
M.
Dechamps. procède à l’appel nominal à une
heure 3/4.
M. H. Dellafaille donne lecture du
procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.
_______________
M. Van den Wiele demande un
congé pour cause de maladie.
Discussion des articles
Article 2 nouveau
(subvention de guerre)
M.
le président. - La chambre continue la discussion de l’article nouveau
présenté par M. le ministre des finances.
M.
Pirson présente sur cet article un amendement ainsi conçu :
« Il sera en outre
prélevé dix centimes à titre de subvention éventuelle de guerre sur le
principal et les additionnels ordinaires et extraordinaires, au profit du
trésor, de la contribution foncière et des patentes, qui produiront ; savoir :
« Foncier : fr. 1,826,122 50 c.
« Personnelle : fr.
814,000 00 c.
« Patentes : fr.
fr. 253,499 40 c.
« Plus une
contribution réellement personnelle répartie comme suit, sur la population
numérique du royaume ; savoir :
« Un quart de la
population paiera par tête, ci : néant
« Le 2ème quart, par
tête un franc, soit : fr. 100,000
« Le 3ème quart, 1
fr. 50, soit : fr. 150,000
« Le 4ème quart, 2
fr., soit : fr.200,000
« Ensemble : fr.
450,000 00 c.
« Total : fr. 7,343,621 90. »
M. Desmanet de Biesme (pour une motion
d’ordre). - Vous sentez, messieurs, que des projets tels que celui que présente
l’honorable préopinant, méritent d’être mûris par la chambre. Il est très
possible que l’on présente encore des amendements dans la discussion.
M.
Lardinois. - J’ai l’intention d’en présenter un.
M. Desmanet de Biesme. - Il me semble
donc qu’il vaudrait mieux commencer par voter le budget ordinaire des voies et
moyens, et si M. le ministre des finances persiste dans sa proposition, il
conviendrait qu’il nous présentât un projet de loi séparé. Nous serions, si
l’on suivait cette marche, plus à même de nous décider sur le meilleur mode à
adopter pour percevoir la subvention éventuelle de guerre que demande le
gouvernement.
M.
Coghen - Messieurs, je viens appuyer la proposition de M. Desmanet de Biesme. Elle est d’autant
plus utile que la discussion entamée sur l’art. 2 du projet peut encore durer.
S’il en était ainsi, le vote du budget des voies et moyens se trouverait
retardé et nous ne pourrions envoyer ce budget à l’autre chambre que pour la
forme.
Quelle garantie
d’ailleurs avons-nous que le sénat adopte le subside éventuel de guerre ? S’il
le rejetait, nous n’aurions pas de budget de voies et moyens pour le 1er
janvier, parce que la proposition du gouvernement ferait corps avec ce budget.
Je
crois donc qu’il y a lieu de prier les membres qui ont à déposer des
amendements de les faire connaître, de les renvoyer à la section centrale du
budget des voies et moyens, d’inviter les auteurs des amendements et M. le
ministre des finances a se rendre dans le sein de cette section centrale.
Celui- ci pourrait alors nous présenter un projet de loi qui n’exciterait pas
les réclamations que je crains que la proposition actuelle n’excite dans le
pays.
M. Pirson. - Je voulais faire exactement la même
proposition que l’honorable M. Desmanet
de Biesme. Si la chambre m’avait permis de développer mon amendement,
elle aurait entendu que j’en demande le renvoi à la section centrale. Je désire
seulement que la chambre veuille bien, avant de décider le renvoi des
amendements, entendre les développements de leurs auteurs, lesquels donneront
ainsi aux membres de cette section et à M. le ministre
lui-même des éclaircissements préalables sur les motifs qui les leur ont fait
déposer.
M.
Gendebien. - J’allais précisément faire la même proposition que
l’honorable M. Pirson. Je
voulais demander que tous les membres qui ont à proposer ces amendements
fussent entendus préalablement.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je
demanderai à l’honorable M. Desmanet de Biesme ce qu’il entend par la motion
d’ordre qu’il a présentée à la chambre. Je lui demanderai si son intention, en
séparant l’art. 2 nouveau du budget des voies et moyens, est d’en renvoyer la
discussion après le premier janvier prochain. S’il en était ainsi, ce serait
renverser tonte l’économie du projet. Que voulons-nous ? C’est d’imposer pour
le premier janvier les centimes additionnels jugés nécessaires pour la
subvention de guerre. Il est donc indispensable qu’ils soient votés avant le
premier janvier. Je ne vois pas que rien s’oppose à ce que la chambre continue
l’article 2. Tous les arguments que l’on a employés pour le combattre ne me
paraissent pas assez forts pour arrêter l’assemblée. Ils sont tous plus
spécieux que justes.
Je déclare donc que le
gouvernement ne peut se rallier à la motion de M. Desmanet. Il maintient son
projet pour bon. Il persiste à demander que l’on passe outre sur la motion
d’ordre et que l’on continue la discussion.
M. Desmanet de Biesme. - Je dois avoir
été singulièrement mal compris par M. le ministre des finances pour qu’il
puisse croire que je demande l’ajournement de la proposition du gouvernement.
J’ai seulement demandé, comme l’honorable M. Gendebien vient de le faire, le
développement préalable, le renvoi des amendements à la section centrale. Je
vous avoue pour ma part que j’espère que ce délai pourra éclairer M. le
ministre des finances sur la nécessité du subside qu’il nous demande. On dit
que la section centrale a reçu des communications du gouvernement. Cela est
possible. Mais jusqu’à présent elles ne sont pas parvenues à la connaissance de
la chambre.
Le
projet du budget des voies et moyens étant présenté, l’honorable M. Dumortier
fit des interpellations à M. le ministre des affaires étrangères, qui répondit
que rien n’annonçait des projets sinistres de la part de nos ennemis ; que si
le gouvernement avait besoin du concours de la législature, il s’empresserait
de s’adresser aux chambres. Quatre jours après, le ministre des finances est
venu nous proposer une subvention de guerre. Le gouvernement avait donc reçu
dans cet intervalle des communications particulières. Il faut que nous soyons
éclairés à cet égard.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de
Muelenaere). - Je désire que dans cette discussion l’on ne dénature pas
les paroles que j’ai prononcées dans une séance précédente. Il n’est pas exact
de dire que j’aurais donné l’assurance qu’il n’y avait rien de changé dans la
position de nos ennemis à notre égard. Mes considérations n’ont porté que sur
la politique extérieure, sur la politique des cabinets de France et
d’Angleterre. Mais d’un autre côté j’ai fait entendre à la chambre, je l’ai
même dit positivement, que je croyais, d’après les renseignements parvenus au
gouvernement, que
Mon honorable collègue,
M. le ministre de la guerre a demandé la parole. Je prie la chambre de vouloir
bien prêter son attention aux considérations qu’il va développer, afin de
passer au vote sur la motion d’ordre proposée par M. Desmanet de Biesme.
M.
le ministre de la guerre (M. Evain). - Messieurs, deux honorables
membres de cette chambre ont parlé, dans votre séance précédente, du budget
présenté par le gouvernement hollandais aux états-généraux, et l’un des
orateurs a fait observer que le budget présenté pour l’exercice 1835 était
moindre de 4,330,000 fl. que celui de 1834.
Le fait est vrai, et
cette réduction se compose de :
fl. 1,110,000
sur le département de la guerre.
fl. 1,750,000
sur le département de la marine.
fl. 835,000 sur le département des
finances.
fl. 645,000 sur les autres
départements.
Total : fl. 4,330,000.
Cette assertion, toute
réelle qu’elle est, m’a paru de nature à devoir être expliquée à la chambre,
ainsi que la fixation des dépenses de la guerre, à la somme de fl. 11,000,000 pour l’exercice 1835.
Ayant aujourd’hui à ma
disposition tous les budgets imprimés par ordre du gouvernement hollandais,
depuis l’exercice 1831, jusques et y compris l’exercice 1835, je suis à même,
après les avoir attentivement étudiés, de donner à la chambre des informations
certaines sur la valeur que l’on doit attacher aux budgets annuellement
présentés aux états-généraux ; mais, pour ne pas compliquer inutilement les
détails que je puis présenter, je me bornerai à la seule spécialité qui me
concerne, les dépenses réelles du ministère de la guerre.
Vous savez, messieurs,
qu’une loi du 24 décembre 1829 fixa le budget décennal du royaume des Pays-Bas
à la somme totale de fl. 60,750,000,
et qu’une autre loi de
la même date fixa le budget annal de 1830 à celle de fl. 17,103,200.
Vous vous rappelez aussi
que le budget décennal était fixé aussi pour les dix années de 1830 à 1840, et
que le budget annal devait seul être discuté et arrêté pour chacun de ces
exercices.
Dans le premier de ces
budgets, le département de la guerre était compris pour une somme de fl. 16,580,000 et dans le second, pour celle de fl. 1,630,000.
Total, fl. 18,210,000.
Il résulte de l’examen
attentif que j’ai fait de la discussion qui a précédé le vote de ces budgets,
et de la décomposition que j’ai opérée des sommes allouées pour des troupes,
que le nombre de celles de toutes armes à entretenir sous les drapeaux pendant
l’année entière était de 32,000 hommes, et que le budget allouait en outre les
fonds nécessaires pour réunir 30,000 miliciens pendant un mois sous les armes.
La dépense résultant de
cette réunion momentanée et de la masse d’absence de ces 30,000 hommes peut
être évaluée au plus à un million de florins, d’où il résulte que la dépense de
32,000 hommes de toutes armes pour l’année, avec les dépenses accessoires de
l’administration générale, des services de l’artillerie et du génie, du service
sanitaire, de l’école militaire, des haras, de la maréchaussée, etc., etc.,
s’élevait à la somme de fl. 17,200,000.
Remarquez, messieurs,
que les dépenses de l’armée étaient calculées pour 1830 sur le pied de paix le
plus absolu, et que si elles avaient été calculées sur le pied de guerre, avec
vivres de campagne et autres allocations qui en dérivent, le montant de ces
dépenses eût été d’un quart en sus de celles qui sont allouées sur le pied de
paix.
Ainsi 32,000 sur le pied
de guerre doivent coûter, d’après les tarifs de solde et d’allocations
diverses, au moins fl. 21,500,000.
Or,
Le gouvernement
hollandais a aujourd’hui 50,000 hommes sous les armes, et ne demande pour le
budget du département de la guerre que fl. 11,000,000
D’où vient donc,
messieurs, une telle disproportion entre les demandes faites par le
gouvernement à la représentation nationale et les besoins réels du service ?
C’est ce que je vais
tâcher de vous expliquer pour vous prémunir contre la comparaison de nos
budgets respectifs, en apportant, dans ce rapide exposé, toute la bonne foi que
je dois y mettre et que vous pouvez attendre de l’étude consciencieuse que j’ai
faite, pour me rendre compte à moi-même d’une si énorme différence, quand
j’apporte tous mes soins à diminuer les dépenses du département qui m’est
confié.
En 1831, le gouvernement
hollandais soumit aux états généraux le budget extraordinaire des dépenses du
département de la guerre, montant à la somme de fl. 28,07,475,
indépendamment du budget ordinaire fixé à fl. 12,100,000. Ce qui portait les
dépenses de ce département à plus de fl. 40,000,000
pour l’année 1831.
Je possède ce budget
extraordinaire imprimé en hollandais, et j’en ai fait faire la traduction :
toutes les dépenses y sont bien calculées et bien établies, et présentent
celles qui sont relatives à un surcroît de 30,000 hommes en sus du budget
ordinaire qui n’accorde les fonds nécessaires pour l’entretien de 18 à 20,000
hommes au plus.
Ce budget extraordinaire
fut soumis aux chambres à la fin de 1830. ou au commencement de 1831 ; mais je
doute qu’il en ait été présenté de semblables pour les exercices suivants, car
il m’a été impossible de me les procurer ; mais celui-ci peut servir de type
pour ceux des exercices 1832, 1833, 1834 et 1835, en faisant varier son chiffre
d’après l’effectif des troupes entretenues sous les armes par
A partir de l’exercice
1832 le gouvernement hollandais s’est borné à présenter des budgets des
dépenses pour le service ordinaire de tous les départements, et jusqu’à
concurrence des ressources ordinaires du royaume, non compris celles qui sont
versées à la caisse du syndicat, et c’est ainsi que le budget général des
dépenses ordinaires de l’Etat a été fixé :
- pour l’année 1832, à
48,693,643 florins.
- pour l’année 1833, à
49,385,849 florins.
- pour l’année 1834, à
53,892,828 florins.
- pour l’année 1835, à
49,562,134 florins.
Mais toutes ces dépenses
sont, je le répète, pour le service ordinaire des départements ministériels et
de la liste civile ; et toutes les dépenses extraordinaires ont été payées par
la caisse du syndicat, dont la gestion et la comptabilité sont hors du contrôle
des chambres représentatives, et même de la cour des comptes.
Et ne croyez pas
messieurs, que ce soit le seul département de la guerre qui fasse des dépenses
extraordinaires, et en dehors du budget patent : je vois, dans celui de
l’exercice 1831, qu’indépendamment des 28,000,000 fl.
alloués au département de la guerre, celui de la marine y est compris pour la
somme de 706,442 fl., et celui des finances pour celle de 13,597,208 fl.
J’ignore si ces deux départements
ont continué de figurer dans le budget extraordinaire des autres exercices,
mais ce que je puis assurer, c’est que celui de la guerre a dû y figurer pour
l’exercice 1832 pour une somme beaucoup plus forte que les 28 millions de
florins portés à celui de 1831, et que les dépenses des exercices 1833 et 1884
ont dû également être couvertes par d’autres ressources que celles du budget
ordinaire de 12,000,000 de florins.
Il en sera
nécessairement de même pour l’exercice 1835 ; mais comme toutes les opérations
de la caisse du syndicat sont occultes, il n’est plus possible de préciser le
montant des dépenses extraordinaires du département de la guerre.
Cependant, par suite de
quelques investigations que j’ai été à même de faire sur le budget de
l’exercice courant de 1834, j’ai vu que le chiffre du budget ordinaire de 1834
avait été définitivement fixé par la loi du 21 décembre 1833 à la somme de :
fl. 53,892,828
Mais qu’il avait été
ajouté divers suppléments :
1°Pour dépenses
imprévues, fl. 500,000.
2° Par la loi du 23
décembre, fl. 10,895,215.
3° Par la loi du 28
avril 1834, fl. 10,500,000.
Total : fl. 75,788,043.
Cet excédant de
22,000,000 fl. de crédits supplémentaires ne pouvait avoir d’autre objet que de
mettre la caisse du syndicat, à laquelle ils étaient destinés, en mesure de
couvrir une partie du moins des dépenses extraordinaires de l’exercice.
C’est à cette caisse
qu’ont été versés les produits de tous les emprunts contractés depuis 1830.
C’est elle qui est chargée de toutes les opérations relatives à la conversion
des rentes, et des armements de fonds qui en sont résultés. Elle est
propriétaire de capitaux considérables qu’elle fait nécessairement valoir, et
elle a en outre un grand nombre de ressources et de produits spéciaux qui lui
sont affectés.
Il est donc naturel de
penser qu’elle a été en mesure de solder le montant des dépenses
extraordinaires des quatre derniers exercices, et cela explique suffisamment
pourquoi et comment le gouvernement hollandais peut réduire de 4 à 5 millions
son budget patent soumis aux états-généraux, sans pour cela diminuer ses
dépenses, et qu’il peut même les augmenter, en en réservant le solde à la
caisse du syndicat, suivant les ressources qu’elle présente ou qu’elle peut
réaliser.
Vous conclurez de là,
messieurs, que le cabinet de La Haye peut augmenter ses forces, prendre des
mesures de prévision pour ses futurs projets, faire des approvisionnements,
former des magasins et des dépôts, etc., et généralement faire tout ce qui lui
convient pour en assurer la réussite sans qu’il soit dans nécessité d’en
prévenir les chambres représentatives, et encore moins de demander des fonds
pour l’exécution de ses projets.
Comparez maintenant
notre situation sous ce dernier rapport, et voyez quel désavantage offre notre
position militaire, toute sur la défensive, et rendue publique par les
discussions qui s’élèvent dans nos chambres.
Notre budget renferme et
détaille toutes nos dépenses quelconques du département de la guerre ; il faut
y calculer et supputer le nombre d’hommes de tous grades, de chevaux, les
diverses allocations des masses, le chapitre des vivres de campagne, les frais
des corps, s’il doit y en avoir, et une infinité de notions dont tout militaire
versé en administration déduit, non seulement la force et la composition de nos
troupes de toutes armes, mais encore qu’elle peut être leur organisation
intérieure et quelle pourra être leur répartition.
Ajoutez à cela que le
plus petit mouvement opéré dans la position de nos troupes est rendu public par
la voie de la presse quotidienne, et que souvent même elle les annonce à
l’avance ; que les actes administratifs qu’il serait sage de tenir secrets
quand ils ont rapport aux opérations militaires, sont immédiatement divulgués
par nos journaux qui se plaignent même qu’on ne les publie pas dans le Moniteur.
Et c’est, messieurs,
dans une telle situation qu’on nous demande aujourd’hui quel est le but, quel
sera l’emploi du crédit extraordinaire que demande le gouvernement ?
Vous sentirez qu’il
n’est ni prudent, ni même convenable, de rendre publiques de telles
informations, et qu’il suffit qu’elles soient communiquées à la commission que
vous avez nommée pour l’examen du budget de la guerre.
Je mettrai sous les yeux
de cette commission le projet de budget extraordinaire et éventuel que je
propose, et il me suffira sans doute, de déclarer, messieurs, qu’il porte en
entier sur des dépenses non prévues au budget ordinaire.
Cependant, messieurs, je
me permettrai de vous faire observer que le secret est la première condition de
toute opération militaire, et qu’il est le gage le plus assuré de sa réussite.
Un honorable membre de
cette chambre a objecté que le budget ordinaire des dépenses du ministère de la
guerre allait mettre à la disposition du gouvernement une somme égale à celle
du budget précédent, et que je pourrais faire toutes les dépenses qui seront
jugées nécessaires, sauf à demander un crédit supplémentaire pour les derniers
mois de l’année.
Je lui répondrai d’abord
que le budget ordinaire de 1835 ne sera pas de 45 millions, comme celui de
1834, mais bien de 38 à 39 millions, ce qui constitue d’abord, à très peu près,
la différence qui sera couverte par le crédit extraordinaire demandé.
Et je lui ferai
observer, en second lieu, que ce crédit extraordinaire est destiné à des dépenses
non prévues au budget ordinaire, et que je ne pourrais faire sans exposer ma
responsabilité, puisqu’il n’y a pas de crédits ouverts pour les dépenses de
l’espèce dont il s’agit. Je ne me rappelle qu’avec amertume les reproches qui
me furent adressés, lors de la discussion des crédits supplémentaires au mois
d’août dernier, quelque injustes qu’ils aient été, et je ne veux pas m’exposer
encore à en recevoir de semblables. Divers orateurs ont voulu mettre en
opposition le langage tenu par M. le ministre des affaires étrangères et celui
de M. le ministre des finances dans la même séance du 8 de ce mois : mais, en
citant un passage du discours du premier de ces ministres, ils se sont gardés
de reproduire ce qu’il disait sur la demande du crédit extraordinaire, et c’est
à moi, messieurs, à vous le rappeler : « Appuyée sur une armée brave,
disciplinée, et qui a le sentiment de ses devoirs, sur une armée dans laquelle,
au besoin la nation tout entière viendrait se confondre,
« Ce serait une
négligence bien coupable de notre part de laisser
« Il en résultera,
à la vérité, une augmentation de dépenses.
« C’est un mal, un grand
mal, j’en conviens ; mais ce sacrifice,
Je vous le demande,
messieurs, est-il une concordance plus manifeste entre les motifs exposés par
l’un et l’autre ministre et ces prévisions ne s’accordent-elles pas entièrement
avec ce que je viens d’avoir l’honneur de vous exposer ?
C’est maintenant à moi,
messieurs, à appuyer la demande de crédit extraordinaire sollicité pour assurer
le service du département qui m’est confié : je vous rappellerai à cet égard que
la même marche fut suivie au mois de juin 1832, quand le gouvernement vous
demanda un crédit extraordinaire avec autorisation d’en disposer d’après les
événements et sauf à vous rendre compte ensuite de son emploi.
Voulez-vous, messieurs,
en votant un budget calculé sur le pied de paix, que le ministre mette
cependant l’armée sur le pied de guerre, si un événement imprévu vient
nécessiter cette mesure ? Mais ce serait vouloir l’impossible, et telle n’est
pas sûrement votre intention.
C’est lorsque nous savons
que le gouvernement hollandais augmente ses forces, rappelle ses miliciens en
congé, lève les classes de schutters, envoie des
renforts à l’armée active, approvisionne ses places, réunit des magasins, que
son armée est toujours tenue sur le pied de guerre avec tous les services
organisés pour pouvoir entrer en campagne au premier ordre ; c’est, quand nous
savons qu’il fait tous ses préparatifs sans le concours des chambres ; c’est,
messieurs, lorsque nous avons appris naguère que le vœu unanime des six
sections de la seconde chambre des états-généraux sur la question de la dette
belge a été que le pays ne pouvait supporter plus longtemps un tel état de
choses, qu’il fallait promptement y mettre un terme, soit par un arrangement
juste et raisonnable avec
Non,
messieurs, je ne puis croire que vous hésitiez un instant, après les
explications que je viens de vous donner, et pour ma part, je dois vous
déclarer que la sûreté du pays exige ce nouveau sacrifice, et que, sans le
crédit éventuel et la faculté d’en disposer, je ne puis assumer sur moi la
responsabilité des événements militaires et celle qui m’est imposée de me
renfermer dans les limites du budget des dépenses ordinaires calculées sur le
pied de paix le pins absolu.
M.
Coghen - Messieurs, lorsque j’ai appuyé la motion d’ordre présentée par
l’honorable M. Desmanet de Biesme, il me semble que M. le ministre des finances
n’a pas compris mes intentions. Je n’ai pas voulu écarter la subvention que le
gouvernement demande pour la guerre, la commission a été unanime pour
l’adoption de cette mesure. Je n’ai appuyé la motion d’ordre que parce qu’il y
a dans la chambre division, non sur le projet en lui-même, mais sur le mode de
répartition des centimes additionnels. Aucun de nous ne reculera devant les
sacrifices que l’on nous demandera pour soutenir notre nationalité.
J’ai
d’autant moins envie d’écarter la subvention de guerre que je la crois
nécessaire, non pas que je regarde la guerre comme possible, mais parce que
cette subvention pourra servir à amortir notre dette flottante. La subvention
rapportera 7 millions. Les corps de l’armée qui sont endettés envers l’Etat lui
paieront, en 1835, quatre millions. Ce sont onze millions qui pourront effacer
une partie de notre dette flottante. Dans tous les cas, je crois prudent de
songer à ce paiement, parce que s’il arrivait que nos affaires fussent
arrangées avec
M. le ministre des affaires étrangères (M. de
Muelenaere). - Je désirerais répondre aux observations que vient de
présenter l’honorable M. Coghen.
Il serait très utile
peut-être qu’une certaine somme fût consacrée à la réduction de notre dette
flottante. Mais le gouvernement, en vous proposant une augmentation de 10 p. c.
sur toutes les contributions, n’a eu nullement la pensée que lui prête M.
Coghen. Je n’ai pas besoin d’expliquer l’accord parfait qui se trouve entre mes
paroles et celles prononcées par M. le ministre des finances. M. le ministre de
la guerre vient de s’acquitter de cette tâche.
Si je prends la parole,
c’est pour faire remarquer à la chambre que le gouvernement, en demandant ce
crédit éventuel, n’a eu qu’une seule intention, qu’une seule pensée qu’il a
révélée de prime abord. C’est de mettre le gouvernement à même de pourvoir à
certaines éventualités qui pourraient se présenter. Je demande si, après les
paroles que vient de prononcer M. le ministre de la guerre, la chambre pourrait
hésiter à voter le crédit réclamé par le gouvernement.
On me dira : Vous pensez
donc que la guerre est prochaine, imminente ? Je n’en sais rien. Mais M. le
ministre de la guerre vient de déclarer à cette tribune qu’il résulte de
renseignements certains que
Il me semble que la
prudence la plus vulgaire conseille d’en agir ainsi. Il était du devoir du
gouvernement de vous proposer les mesures à prendre dans de pareilles
circonstances. Vous auriez le droit de l’accuser d’impéritie, de négligence,
s’il ne venait pas vous rendre compte de ce qu’il sait, s’il ne venait pas vous
demander les fonds nécessaires pour que le pays soit préparé contre tous les
événements.
Il avait devant les yeux
le souvenir de ce qui s’est passé en 1831. Il ne faut pas que la surprise du
mois d’août se renouvelle en 1835. Si à cette époque on avait pris les mesures
de précaution que nous vous demandons, si nos armements avaient été augmentés
en proportion de ceux de
Il me semble que, dans
de pareilles circonstances,
Il à été fait à la
vérité des objections contre le mode...
M.
Fleussu. - C’est le fond.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de
Muelenaere).. - Je crois en avoir dit assez pour faire sentir que la
motion d’ordre de M. Desmanet de Biesme ne peut être admise, et que la chambre
doit se prononcer sur la proposition qui lui a été faite par M. le ministre des
finances.
Lorsque la motion
d’ordre aura été écartée, je demanderai la permission de présenter des
observations sur le fond. Je tâcherai de prouver que ce mode de répartition de
l’augmentation des impôts est peut-être le meilleur de tous, comme l’a fait
observer un honorable membre dans la séance précédente, parce qu’il fait
contribuer aux besoins du trésor toutes les ressources, toutes les industries,
et que, partagée par le pays tout entier, l’augmentation de l’impôt sera moins
onéreuse que si elle ne pesait que sur une classe de la nation.
M. Lardinois. - Je ne crois pas que
l’ajournement proposé par l’honorable M. Desmanet de Biesme soit admissible,
parce que la scission du projet de loi en discussion, qui en serait le
résultat, n’étant pas appuyée par M. le ministre des finances, il s’ensuivrait
que la subvention de guerre ne pourrait être votée pour le 1er janvier
prochain. Je propose à la chambre que la discussion continue et qu’on entende
les développements des amendements que les membres de cette assemblée croiront
devoir présenter. Ces amendements pourront être renvoyés à la section centrale,
et la discussion générale continuera sur le nouveau rapport qu’elle nous aura présenté.
M. de Brouckere. - Il est indispensable,
messieurs, de remettre sous les yeux de l’assemblée le résumé de ce qui s’est
passé dans le cours de cette discussion. Je l’ai déjà fait remarquer. Entre le
4 et le 8 décembre une révolution s’était opérée dans la conviction du
ministère. Mais depuis hier voici une révolution bien plus remarquable encore.
Hier, à l’appui du projet de M. le ministre des finances, on ne parlait que de
la possibilité d’une guerre. Ce qui rendait cette guerre possible c’était le
changement de ministère arrivé en Angleterre. Aujourd’hui ce n’est plus cela.
Aujourd’hui que l’on voit que la proposition du ministre des finances
périclite, qu’elle ne reçoit pas un accueil général, que beaucoup de membres se
prononcent contre son adoption on a recours à un nouveau moyen.
Remarquez, je vous en
prie, la tactique du ministère. Ce n’est plus le ministère anglais que l’on
craint. Ce ne sont plus ni Wellington, ni les torys. Ce sont les armements de
Je demanderai aux
ministres pourquoi ils n’ont pas révélé ces choses dans les séances
précédentes. Pourquoi nous abordez-vous aujourd’hui avec un langage qui semble
annoncer la terreur, nous parler d’ennemi qui nous menace alors que rien n’est
changé depuis hier ?
Ce n’est pas seulement
chez M. le ministre des affaires étrangères que l’on peut observer ce
changement dans le langage. Vous avez entendu M. le ministre de la guerre. Vous
avez pu voir que les propositions du gouvernement sont tout à fait changées. On
ne vous demande plus 10 centimes additionnels comme subside éventuel sur les
contributions pour le cas possible de la guerre. Non, M. le ministre de la
guerre, si je l’ai bien compris, a terminé son discours en disant que si l’on
n’augmentait pas dès à présent les crédits alloués son budget, il ne répondait
pas de l’avenir et de la sûreté du pays.
Ainsi, vous le voyez,
tout est changé. Ce n’est plus une demande d’impôts qu’on doit mettre en
réserve pour ce cas éventuel de guerre. On vient solliciter 10 p. c.
d’augmentation sur les contributions, afin de mettre dès à présent notre armée
sur un pied plus respectable.
Eh
bien, messieurs, le changement de proposition nécessite selon moi, de la
manière la plus impérative, le renvoi à une commission, parce que, je le
répète, ce n’est plus la même proposition que nous avons discutée hier, mais
une proposition toute nouvelle.
D’après ces motifs,
j’appuie le renvoi à la commission, et de la proposition, et de tous les
amendements qui seront présentés.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de
Muelenaere). - L’honorable préopinant vient de dire que non seulement
il s’est opéré une révolution complète dans l’esprit du gouvernement du 4 au 8
décembre, mais qu’il s’est opéré une autre révolution, plus considérable que la
première, dans les 24 heures qui viennent de s’écouler. Et en effet,
ajoute-t-il, il y a quelques jours on nous demandait un crédit ; pourquoi ? parce que le ministère anglais avait éprouvé des
modifications. Il me semble que l’honorable préopinant ne se rappelle pas
exactement les paroles prononcées dans cette enceinte.
Je n’ai jamais prétendu
que
Ainsi, ce n’est pas
parce qui s’est opéré une modification dans le cabinet d’un pays voisin que
l’on a demandé un crédit ; mais le crédit a été demandé dès le principe, parce
qu’on a compris que le gouvernement hollandais pouvait ne pas considérer sous
le même point de vue l’événement arrivé en Angleterre ; et on vous a fait
entendre que le gouvernement hollandais, toujours disposé à se faire illusion,
pouvait croire que l’instant était favorable pour lui d’être hostile. Voilà ce
que j’ai dit dans les séances précédentes ; si l’on en doute, je vais rappeler
mes paroles ; elles sont presque mot pour mot dans le Moniteur.
Plusieurs membres. - Il est inutile de lire le Moniteur, nous nous rappelons très bien
ce que vous avez dit.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de
Muelenaere). - Les motifs que nous avions alors pour demander un crédit
sont encore les mêmes aujourd’hui.
Mais, objecte
l’honorable préopinant, je viens d’entendre des paroles effrayantes ; on
représente l’ennemi comme étant à nos portes. Ce n’est pas là encore le sens
des expressions que j’ai employées : j’ai demandé s’il serait prudent, dans les
conjonctures, d’attendre que l’ennemi fût à nos portes, pour aviser aux moyens
de les garder.
L’honorable
préopinant, continuant ses objections, s’écrie : Pourquoi ne nous a-t-on pas
donné plus tôt connaissance de ce qui se passe en Hollande ? Si on ne vous en a
pas donné connaissance plus tôt, c’est parce que les faits sont récents, c’est
parce qu’ils viennent de se passer ces jours derniers ; c’est parce que le
ministre de la guerre vient d’apprendre à présent même que
Mais ce qui aurait pu
être révoqué en doute, il y a quelques jours, paraît se réaliser aujourd’hui ;
on n’est plus aux prévisions ; et peut-être que d’ici à très peu de temps M. le
ministre de la guerre vous fera connaître encore d’autres faits ; car les
motifs sur lesquels le gouvernement s’appuyait, pour demander un crédit,
acquièrent chaque jour de nouveaux degrés de gravité et d’importance.
M. Meeus. - Je viens appuyer la motion d’ordre faite
par M. Desmanet de Biesme. C’est
principalement depuis que j’ai entendu le discours prononcé par M. le ministre
de la guerre, discours qui se corrobore par les paroles prononcées par M. le
ministre des affaires étrangères, que je suis disposé à appuyer la motion
d’ordre.
Hier, lorsque j’ai émis
mon opinion, bien certainement je n’étais pas convaincu qu’il y eût nécessité,
qu’il y eût seulement opportunité que le ministre de la guerre obtînt de la
législature un supplément de crédit ; mais après les communications qu’il vient
de faire, après nous avoir déclaré positivement qu’on armait en Hollande, il
n’y a pas de doute que la législature doit accorder les crédits que le
gouvernement juge nécessaires pour faire face aux dépenses qu’exigent des
préparatifs de guerre, soit qu’elle soit probable, soit qu’elle soit imminente.
Et c’est précisément parce que cette nécessité ou opportunité semble démontrée
qu’il est essentiel que la section centrale s’occupe de nouveau de la
proposition du gouvernement et des amendements présentés par nos collègues.
En peu de mots, je crois
pouvoir vous prouver la nécessité de ce renvoi.
Le
projet du gouvernement est principalement appuyé sur les ressources que doit
procurer la subvention de dix centimes ; mais cette subvention ne devant
procurer que douze millions six cent quarante mille francs ne produira que deux
cent mille francs par mois. Cette ressource est assez faible ; indépendamment
de cette considération, il faut aussi remarquer que si la guerre est probable,
l’enregistrement, les accises, les douanes, ne vous procureront pas le montant
de l’évaluation du produit des dix centimes de subvention, et ne vous donneront
même pas les produits ordinaires.
Nous sommes aujourd’hui
dans la situation où il faut appliquer la maxime tant de fois répétée que la
propriété doit être ménagée, doit être mise en réserve pour les circonstances
extraordinaires, pour les dépenses qu’un cas de guerre pourrait exiger. Nous
avons donc besoin de méditer sur notre situation avant de prendre un parti.
Je ne m’étendrai pas
davantage : ces réflexions me paraissent assez puissantes pour justifier la
motion d’ordre qui a été faite, et pour déterminer à l’adopter.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- M. le ministre des affaires étrangères vous a démontré l’accord qui règne sur
les bancs des ministres relativement à la question qui vous occupe. Il n’y a
pas de dissentiment entre eux à cet égard. Et c’est parce qu’il n’y a pas
dissentiment que le projet a été présenté par le ministre des finances de
l’avis du conseil, qu’il a été appuyé immédiatement par M. le ministre des
affaires étrangères, et que M. le ministre de la guerre a donné aujourd’hui de
nouveaux développements aux motifs qui ont déterminé le cabinet à vous
soumettre la loi. Ainsi, elles tombent devant cet accord, toutes les
accusations de tergiversations adressées au gouvernement ; et sans donner plus
d’étendue à ces réflexions, je vais examiner la motion d’ordre.
Quelles questions
devons-nous agiter ? Je crois que nous avons à résoudre celles-ci : Est-il
nécessaire d’accorder un crédit ? Les bases proposées à l’impôt subventionnel
sont-elles fondées ?
Quant à la nécessité du
crédit, je crois qu’elle a été suffisamment démontrée ; si ce qui a été dit
sous ce rapport n’est pas suffisant, les ministres sont prêts à vous donner les
preuves que vous pourrez désirer ; mais ce n’est pas en renvoyant le projet à
la commission que la chambre acquerra de nouvelles lumières sur ce point.
Déjà le projet a été
soumis à la commission et il a obtenu son assentiment unanime ; qu’est-il
besoin d’un nouveau renvoi ? Les motifs que le gouvernement a présentés pour
appuyer le projet, ont-ils été énervés ? Non, messieurs, et de nouveaux motifs
au contraire viennent se joindre aux premiers ; des faits sont arrivés pour
justifier la prévision du gouvernement. Le renvoi à la commission serait donc
superflu.
Mais, dit-on, le renvoi
à la commission pourrait être utile à la détermination des bases sur lesquelles
la contribution sera établie.
De même que M. le
ministre de la guerre a justifié la nécessité de l’allocation, de même M. le
ministre des finances, dans la séance d’hier, a justifié les bases de la
recette. M. Pirson, il est vrai, propose un amendement, ou plutôt propose un
système différent qui est la capitation ; et un honorable membre a demandé le
renvoi de l’amendement et du projet à la commission. Mais cette proposition de
capitation est-elle donc si compliquée que la chambre ne puisse la discuter
sans suspendre ses délibérations ? Messieurs, nous nous sommes trouvés souvent
dans le cas de voter des subventions extraordinaires ; le système de la
capitation a été présenté, et n’a jamais obtenu de succès au premier aperçu, on
est convaincu que la capitation proposée grèverait davantage les classes
moyennes que les classes riches ; le projet du gouvernement n’a pas ce
désavantage.
Quels sont les autres
amendements qui ont été présentés ? Je n’en connais aucun ; mais s’il en est
présenté, ils devront être développés et discutés avant de savoir s’il faut les
renvoyer à une commission. Pourquoi les renverrait-on à la commission, comme on
le demande, quand on ne les connaît pas, quand on ne sait pas sur quelles bases
ils reposent ?
Messieurs, quittons un
moment en pensée cette enceinte, allons en Hollande et voyons ce qu’on y
pensera de
« Mais, dit l’honorable
député de Bruxelles, hier, je ne demandais pas le renvoi à la commission,
aujourd’hui, que les motifs donnés par M. le ministre de la guerre me semblent
plus concluants, je demande que ce renvoi ait lieu. »
Mais, si les motifs
exposés déjà par mes honorables collègues les ministres des finances et des
affaires étrangères n’eussent pas été justes, la commission vous eût-elle
proposé à l’unanimité l’adoption du projet de loi ? C’est donc reculer que
d’agir ainsi. « Mais s’il y a guerre, ajoute l’honorable député de Bruxelles,
votre projet sera inefficace. Les impôts ne vous rapporteront plus rien. »
C’est encore une erreur.
Si
vous adoptez le projet de loi, ces graves inconvénients n’auront pas lieu.
M. Gendebien. - Je demande la parole sur la
motion d’ordre ! Vous avez entendu M. le ministre de l’intérieur vous dire
qu’il n’y avait pas d’amendement et qu’il ne les connaissait pas. Mais qu’on
veuille donc bien, avant même de s’occuper de l’amendement de l’honorable M.
Desmanet de Biesme, écarter la motion d’ordre. Qu’on invite les membres qui ont
des amendements à les déposer et à les développer, et nous verrons s’ils
doivent être renvoyés à la commission. Nous sommes dans un véritable chaos.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de
Muelenaere). - Nous sommes parfaitement d’accord avec l’honorable
préopinant. Nous demandons que la discussion continue, et c’est là continuer
que de donner la parole à ceux qui ont des amendements.
- La proposition est
mise aux voix et adoptée : en conséquence M. Pirson est admis à développer son
amendement.
Article 2 nouveau
(subvention de guerre)
M.
Pirson. s’exprime en ces termes :
« Amendement au
projet du gouvernement intitulé : Art. 2 nouveau à introduire dans la loi des
voies et moyens.
« Il sera en outre
prélevé dix centimes à titre de subvention éventuelle de guerre sur le
principal et les additionnels ordinaires et extraordinaires, au profit du
trésor, de la contribution foncière, personnelle et des patentes, qui
produiront :
« Foncier : fr. 1,826,122 50 c.
« Personnelle : fr.
814,800 00 c.
« Patentes : fr.
253,499 40
« Plus une
contribution réellement personnelle de 4,500,000,
répartie comme suit sur la population numérique du royaume :
« Un quart de la
population paiera par tête, néant.
« Le second quart,
par tête un franc.
« Le troisième, un
franc cinquante.
« Le quatrième,
deux francs.
« Total : fr. 7,313,621 90. »
Si ce mode ne convient
pas à la chambre, ou si l’on ne propose point d’amendement plus opportun, je
voterai pour le projet du gouvernement.
Mais ce que je
préférerais, ce serait de voir l’honorable député de Bruxelles qui, dans plus
d’une occasion, a énuméré les grands services que la banque a rendus à l’Etat
belge, employer toute son influence auprès des directeurs pour les engager à
payer, sans chicane, à compte de l’encaisse revenant au trésor, une somme égale
à celle que le gouvernement nous demande comme subvention extraordinaire de
guerre, et ce au fur et à mesure des besoins du service.
Messieurs, vous
remarquerez que je ne mets point en question la nécessité d’un supplément au
budget des voies et moyens. Je reconnais moi cette nécessité, non que je croie
à une guerre générale, mais précisément parce que les grandes puissances, aussi
bien celles qui ont paru nous protéger que celles qui nous ont toujours été
défavorables, sont aujourd’hui dans une position telle qu’à moins d’être
attaquées directement sur leur territoire, elles ne se résoudront point à la
guerre. En effet, messieurs, tous les gouvernements absolus ou soi-disant
constitutionnels marchent de conserve dans la voie de résistance, de résistance
non envers les uns ou les autres, mais contre tout progrès des principes
libéraux : ils sont tous d’accord.
Au milieu de ce
guet-apens politique, nous sommes toujours un embarras. Eh bien, le roi
Guillaume, aussi bon observateur que nous, ne peut-il pas, comme il l’a déjà
fait une fois, rompre l’armistice et nous attaquer à l’improviste ? S’il
obtenait d’abord des succès dus à notre imprévoyance, il faudrait, pour
reprendre nos avantages, des efforts bien plus grands que ceux commandés par la
prudence. Sans doute le gouvernement qui en pareille circonstance est venu à
notre secours, a encore intérêt à tenir éloignées de sa frontière les troupes
de la vieille Sainte-Alliance ; il a même un intérêt dynastique ; mais il n’est
pas certain que, dans sa position nouvelle, il lui soit permis de faire
dépasser sa frontière à ses troupes.
Quoi qu’il en soit, ne
comptons que sur nos propres moyens et n’en négligeons aucun.
Le budget des dépenses
pour 1835, qui nous a été présenté par l’ancien ministre, s’élève à 87,622,122 fr.
Il n’avait pas joint le
budget des voies et moyens. Son intention était sans doute de faire cadrer
celui-ci avec celui-là. A cette époque tout était pacifique ; on prit des
mesures économiques en délivrant des congés à partie de notre armée.
Mais au moment qu’on y
pensait le moins, ce ministère se retire. La veille de sa chute, il paraissait
aussi ferme que possible sur le banc ministériel, discutant avec nous la loi
communale. J’observerai en passant que personne ne nous a donné d’explication à
ce sujet. Si les motifs eussent été plausibles ou honorables, on n’aurait point
manqué de nous les faire connaître.
Je dois encore faire
observer en passant que M. le ministre de la guerre, membre de l’ancien et du
nouveau cabinet, n’est pour rien dans tout ce que l’on peut dire de l’un ou de
l’autre sous le rapport génériquement gouvernemental, puisqu’il n’est
responsable que des actes spéciaux de son ministère.
Quoi qu’il en soit,
l’ancien ministère a pris l’initiative des économies et celui-ci a continué ;
économies toutefois qu’on ne pouvait trouver que dans le budget de la guerre.
Nous étions à nous applaudir de cet état de choses, nous avions sous les yeux
un budget des voies et moyens dont le chiffre était inférieur à celui du budget
des dépenses, lorsque la scène politique de l’Europe vient à changer :
l’intrigue de la nouvelle pièce ne se fait point deviner, les acteurs français
et anglais font une exposition claire et nette. Leur mot est résistance, il
passe de bouche en bouche. Attendons-les au dénouement, et prenons aussi à
notre manière une attitude de résistance. Pour cela il faut rappeler nos
permissionnaires et mettre en activité les deux tiers du contingent de la
milice de l’année 1834, restée jusqu’aujourd’hui dans ses foyers ; il faut
exercer ces miliciens avant de les exposer au besoin devant l’ennemi. Ainsi
tous nos projets d’économie s’évanouissent. Mais pourquoi vous alarmer, dit-on
? aucun mot, aucun acte, aucun fait n’annonce de
projet hostile contre nous. Cela est vrai, mais je l’ai dit et je le répète,
c’est parce que les grandes puissances qui nous environnent, nous et
Maintenant examinons par
quel moyen nous pouvons procurer au gouvernement la somme dont il a besoin en
pareille circonstance.
Une taxe de 10 p. c. sur
les droits de douanes et accises me paraît entraîner bien des inconvénients : déjà
plusieurs orateurs les ont signalés. Je n’ajouterai rien à leurs observations ;
je pense aussi que les droits de timbre, d’enregistrement et de succession sont
assez élevés et ne peuvent supporter d’augmentation.
On
a suffisamment parlé aussi de la contribution foncière avec plus ou moins de
prévention. Il semblerait qu’ici on voudrait poser deux camps : d’un côté
seraient les commerçants, de l’autre les propriétaires fonciers. je ne vois, moi, que des consommateurs ; ce sont toujours
ceux-ci qui paient les avances faites par les premiers : commerçants ou
propriétaires, en dernière analyse, tous sont réciproquement consommateurs. Le
gouvernement doit chercher ses moyens d’existence là où la gêne se fait le
moins sentir ; dans le cas de besoins extraordinaires, il y a lieu à réfléchir
mûrement lorsque l’on n’est point poussé tout à fait l’épée dans les reins ;
c’est pourquoi j’invite les membres de cette chambre à formuler leurs
amendements ou propositions nouvelles sur l’objet en discussion, pour le tout être
renvoyé à la commission du budget des voies et moyens.
M. le président. - La parole est à M. Lardinois,
pour développer son amendement ; il est ainsi conçu :
« J’ai
l’honneur de proposer l’amendement suivant sur le projet de loi pour une
subvention de guerre :
« Sur
le principal (montant par approximation)
« Foncier,
15 p.c., soit fr. 2,380,000.
« Personnelle,
10 p. c., soit fr. 740,000.
« Patentes,
10 p. c., soit fr. 182,000.
« Redevances,
10 p. c., soit fr. 10,000.
« Douanes,
5 p. c., soit fr. 400,000.
« Accises
sur les vins et eaux-de-vie étrangers, 20 p. c., soit
fr. 400,000.
« Sur
le sel, bières et vinaigres, sucre, timbre collectif, 5 p. c.,
soit fr. 500,000
« Eaux-de-vie
indigène, 20 p. c., soit fr. 300,000
« Successions,
15 p. c., soit fr. 400,000
« Timbre,
enregistrement, greffe et hypothèques, 10 p. c., soit
fr. 1,050,000.
« Total
: fr. 6,362,700. »
M. Lardinois. - J’avais demandé hier la parole,
pour répondre quelques mots à M. le ministre des finances, qui me semblait peu
soucieux des intérêts industriels, tandis qu’il défendait avec une sollicitude
toute particulière l’impôt foncier. Les honorables MM. Meeus et de Robaulx ont
réfuté les arguments ministériels, et il me reste peu de choses à dire sur cet
objet.
Je
vous ferai remarquer d’abord que mon intention n’est pas de m’opposer à la
subvention demandée, parce que je crois que c’est une mesure politique plutôt
que financière. Nous pouvons nous rendre compte des motifs qui l’ont fait
naître, et qui la justifient. L’événement survenu en Angleterre qui a remplacé
un ministère libéral par un ministère tory, peut amener des réactions dans la
politique de l’Europe, et je trouve qu’il est prudent de prendre ses
précautions.
Mais
si je ne m’élève pas contre la proposition en elle- même, je ne pourrai jamais
consentir à la perception de cette contribution extraordinaire d’après
l’assiette établie dans le projet du gouvernement.
En
règle générale, messieurs, les impôts doivent être établis dans un rapport
proportionnel avec la fortune de chaque citoyen. Ce grand principe est écrit
dans beaucoup de constitutions, mais on le rencontre bien rarement appliqué
dans les lois de finances. Cependant aussi longtemps que son application ne
sera pas franchement adoptée il est à craindre qu’il y aura toujours guerre en
matière fiscale, entre le propriétaire et l’industriel, le producteur et le
consommateur.
Un
exemple récent de déviation à ce principe doit vous avoir frappés, messieurs.
Le ministre des finances ayant trouvé, à son entrée au ministère, la situation
du trésor satisfaisante, a eu la pensée heureuse ou malheureuse de diminuer les
charges publiques. A cet effet il est venu vous proposer de réduire de dix pour
cent la contribution foncière ; et lorsqu’on lui demande pourquoi il n’a pas
fait également porter la réduction sur la contribution personnelle et les
patentes qui sont aussi chargées extraordinairement, il vous répond
sérieusement que c’est pour faire acte de justice distributive. Vous le voyez,
messieurs, plus nous nous éloignons de la révolution et plus la puissance du
propriétaire se fait sentir sur l’action du gouvernement lorsqu’il s’agit des
bases de l’impôt. En 1831 et 1832 les intérêts du peuple étaient différemment
compris. Deux emprunts ont eu lieu successivement l’un de 12 millions et
l’autre de 10 millions : le premier a été acquitté par imposition sur les
contributions foncière et personnelle, et le second par l’impôt foncier et 80
pour cent sur la contribution personnelle. Pour couvrir les besoins
extraordinaires, on a demandé et alloué au budget de 1833 :
40 p.
c. additionnels nouveaux sur la contribution foncière.
13 p.
c. additionnels nouveaux sur la contribution personnelle.
13 p.
c. additionnels nouveaux sur les patentes.
On
exempta de ces additionnels les accises et les douanes, parce qu’alors on était
d’avis qu’il fallait favoriser le commerce et que l’intérêt du peuple
s’opposait aux droits sur les objets de consommation.
D’après
qui précède, vous remarquerez que la contribution foncière supportait presque
toute la charge des besoins extraordinaires : je ne veux pas conclure de ce
fait que la proportion était juste ; au contraire, je crois que le propriétaire
était sacrifié aux exigences du moment. Aussi la législature s’empressa-t-elle
un peu plus tard à dégrever de 20 p. c. la contribution foncière.
Au
moyen de ce dégrèvement, je dis que la proportion était rétablie entre les
contributions foncière personnelle et les patentes ; la justice distributive
commandait donc que pour l’année prochaine il y eût une réduction
proportionnelle sur ces trois branches de revenus publics, et non pas
uniquement sur la contribution foncière, car alors vous établissez un
privilège.
A
entendre M. le ministre des finances, la propriété foncière est surchargée.
Attendez, s’écrie-t-il, que la péréquation cadastrale vous soit soumise, et
nous verrons si la législature trouvera que le propriétaire foncier ne paie pas
assez ! Je pense que M. le ministre prévoit juste, et que la contribution foncière
sera plutôt diminuée qu’augmentée mais cela ne veut pas dire qu’une pareille
mesure sera fondée ni sur la raison, ni sur la justice.
Vous
n’ignorez pas que le système de la contribution est dû à l’assemblée
constituante ; elle décréta, je crois, en principe que l’impôt foncier ne
pourrait dépasser un cinquième du revenu net des propriétés foncières. D’après
cette doctrine, la contribution foncière fut élevée en 1791 à 240 millions, et
en 1830 elle était réduite à 154 millions, quoique les propriétés eussent
augmenté de valeur.
Cette
réduction s’explique par l’influence des propriétaires dans les assemblées
législatives.
Dans
mon opinion la contribution foncière n’est pas surchargée comme le prétend M.
le ministre. Lorsque l’allivrement cadastral sera achevé, vous verrez que le
revenu des propriétés foncières s’élèvera à une somme de 200 millions ; ainsi
la contribution foncière en Belgique n’atteint pas le dixième du revenu net.
Lorsque
le gouvernement a présenté le budget des voies et moyens, il ne pouvait
s’imaginer qu’il y aurait un bouleversement ministériel en Angleterre et qu’il
serait obligé de revenir sur ses pas. A propos de cet événement, des discours
belliqueux ont retenti dans cette enceinte, et le ministère profitant de cette
circonstance, et sachant qu’il peut tout obtenir de notre patriotisme, vient
vous demander un nouvel impôt de 7 millions pour le cas éventuel de guerre.
Je le
répète, je veux bien accordé cette subvention, mais je
repousse de toutes mes forces la base que vous présentez dans votre projet.
Je ne
reprocherai pas avec d’autres orateurs au ministre des finances que son projet
n’est ni élaboré ni mûri, car je suis sûr qu’il avouera lui-même que ce travail
a été fait avec précipitation. Je crains que le ministre actuel, se défiant
trop de son inexpérience, ne s’abandonne légèrement à quelques faiseurs
présomptueux, espèce de gens qu’il faut redouter quand on est à la tête d’une
grande administration. Je me plais à croire que si M. le ministre s’était
laissé aller à la rectitude de son jugement, il n’aurait pas frappé
uniformément toutes les branches du revenu public.
Et je
vous le demande ; est-il convenable, juste, opportun, d’imposer les douanes et
les accises à l’égal des contributions directes ? N’y a-t-il pas aussi une
différence à établir entre ces dernières, et assimilerez-vous les patentes et
la personnelle à la contribution foncière ? Vous vous y refuserez, messieurs,
j’aime à le croire, par sentiment de justice et par raison d’ordre public.
Evitons d’exciter des plaintes fondées sur des griefs ; n’entravons pas
davantage le commerce et l’industrie, car leur position n’est déjà que trop
critique ; permettons que le prolétaire puisse vivre de sa journée déjà réduite
par la détresse des manufactures.
Je ne
me dissimule pas que l’agriculture a également ses souffrances, mais elles ne
sont nullement comparables à celle de l’industrie manufacturière qui depuis les
malheureuses affaires du mois d’avril se trouve dans une situation déplorable.
J’appelle sur ce fait l’attention du gouvernement. Qu’il redouble d’activité
pour nous ouvrir des débouchés à l’extérieur. C’est le moyen salutaire de
sauver les manufactures du péril qui les menace !
En
résumé le gouvernement a besoin d’une somme de 8,000,000,
et pour se la procurer, il vous propose d’imposer extraordinairement tous les
revenus publics de 10 p. c.
Le
système des subventions de guerre n’est pas nouveau ; le gouvernement français
a eu plusieurs fois recours à cet expédient ; mais il adoptait des bases
d’impositions différentes, ce que l’administration aurait dû imiter.
La
première subvention de guerre a eu lieu en mars 1793, et le décret portait
qu’elle serait payée par les riches. Je sais qu’à cette époque on taillait dans
le vif, et je n’approuve pas cette manière de faire.
En
l’an VII, cinq lois furent décrétées le même jour pour la perception d’une
subvention extraordinaire de guerre. Le rapport de la commission des voies et
moyens ne mentionne qu’une de ces lois, et c’est sans doute par tendresse pour
l’impôt foncier, car on a simplement cité ce qui est relatif aux droits
d’enregistrement, de timbre, d’hypothèque, de douanes, etc. Je crois que ce
n’est pas sans intention qu’on a rapporté textuellement l’article 1er de la loi
du 6 prairial an VII, parce qu’alors on vous mettait sous les yeux que les
douanes n’avaient pas alors été exemptes de la subvention de guerre. Je vous
ferai observer, messieurs, que sous l’empire on a levé aussi des contributions
extraordinaires de guerre, mais jamais les droits d’accises et de douanes ne
furent atteints de ce chef.
En
examinant les lois qui ont imposé des contributions extraordinaires en France,
on est obligé de reconnaître qu’on a eu la justice d’établir des différences dans
la perception de l’impôt, et c’est toujours la propriété qui a été le plus
fortement chargée. C’est pour obtenir le même résultat que je vous ai proposé
mon amendement ; je suis loin de croire qu’il est bien établi, mais je suis
d’avis qu’il vaut mieux que la proposition du gouvernement qui viole toutes les
lois de l’économie politique.
Je
ferai aussi observer que j’adopterai une réduction sur le taux de 15 p. c. pour
les droits de succession, parce que je pense que je me suis écarté d’une juste
proportion.
Il me resterait peut-être quelques mots de
réponse à faire à M. le commissaire du Roi, car il me semble qu’il a préconisé
hier le système prohibitif ; au reste, ce qu’il dirait à ce sujet ne peut être
la pensée du gouvernement, et je me propose de revenir sur ce chapitre à la
première occasion.
M. le président. - La parole est à M. Gendebien
pour développer son amendement.
M. Gendebien. - Je crois pouvoir être bref dans
le développement de ma proposition, puisque déjà l’année dernière, de concert
avec l’honorable M. Jadot, j’ai présenté la même disposition. Elle tendait à
reproduire le paragraphe 5 de la loi de l’an VII, qui établissait 2 1/2 p. c.
sur tous objets mobiliers, bois, etc. Cette proposition avait été admise par la
chambre à une immense majorité. Au sénat elle fut rejetée, parce que, dit-on,
on ne pouvait la peser avec maturité, le budget étant arrivé au dernier
instant. Il y a lieu de l’admettre aujourd’hui. Le ministre des finances d’alors
avait dit qu’il proposerait de rétablir le paragraphe.
Pourquoi son successeur n’a-t-il pas tenu cette promesse, au lieu de se lancer
dans un système prohibitif qui doit tuer l’industrie ? Je n’ai pas ici l’art.
5, je ne puis donc en donner lecture. Mais qu’on veuille bien l’examiner et
lorsque la commission se sera convaincue de sa conformité avec la disposition
que je propose, je donnerai de nouveaux développements à mon amendement.
M. le président. - Voici l’amendement de M.
Verrue-Lafrancq ; il est ainsi conçu :
« Les
10 centimes de subvention éventuelle de guerre ne seront perçus sur l’accise du
sel qu’après la mise à exécution de la loi à intervenir sur cet impôt. »
La
parole est à M. Verrue-Lefranc pour développer son amendement.
M.
Verrue-Lafrancq. - L’exception temporaire que je réclame en faveur de l’accise sur les
sels est de la plus stricte équité ; la fraude est si patente en ce moment, que le sel raffiné se vend à un
prix inférieur au montant des droits de l’accise ; d’ailleurs cette fraude est
reconnue par le ministre des finances lui-même dans l’exposé des motifs
accompagnant le projet des voies et moyens en ces termes :
« Ce serait donc le consommateur loyal, qui seul serait grevé du
subside de guerre de 10 p. c., auquel se
soustrairaient évidemment aussi ceux qui maintenant ne paient pas l’accise
établie. »
Du
reste l’adoption de l’amendement que je propose ne devra nécessiter en rien le
changement du chiffre des produits présumés des accises et timbres collectifs.
Que le ministre des finances ou la commission de révision s’empresse de
soumettre le projet de loi sur le sel ; la législature, après l’examen
convenable, l’adoptera, puisque ce projet rendra la fraude à peu près impossible,
produira davantage au trésor et est vivement sollicité par un très grand nombre
de pétitions adressées à cet effet à la chambre.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Il
vous a été facile, messieurs, de saisir la portée de l’amendement de
l’honorable M. Gendebien. Vous ne pouvez vous dissimuler que son admission
serait le rejet de la loi sur le budget des voies et moyens. Car le sénat qui a
déjà repoussé cette proposition, à coup sûr ne changerait pas d”opinion, si on
la déférait de nouveau à sa sanction. Ce ne serait pas incidemment en tous cas
qu’il faudrait modifier une législation, ce serait par une loi spéciale.
Le
préopinant dit que je me suis lancé dans un système prohibitif qui doit tuer
l’industrie. Je ne sais où il a été puiser cette inculpation. J’ai dit, au
contraire, qu’il fallait toujours agir prudemment et avec réserve en ce qui
concerne la tarification sur les douanes et attendre le résultat de nos
négociations commerciales avant de rien innover. Je crois avoir émis plusieurs
fois ce principe. D’où vient donc l’étrange allégation de l’honorable M.
Gendebien ?
Quant
à l’amendement de l’honorable M. Lardinois, on conçoit qu’il est assez facile
d’en proposer de semblables qui ont pour but de réduire la somme que demande le
gouvernement. Mais cet amendement s’écarte tellement de la proposition que nous
discutons, en ce que le chiffre se trouve éloigné outre mesure de celui qui est
réclamé, que rien ne peut faire croire à la possibilité de son adoption-.
L’amendement
de cet honorable membre paraît lui avoir été suggéré par l’idée de la
prédilection qu’il suppose au gouvernement pour la contribution foncière. Il
s’étonne qu’on l’ait dégrevée alors qu’on est obligé de surcharger tous les
impôts. Je répondrai pour la vingtième fois que la contribution foncière n’a
nullement été dégrevée, que seulement on l’a mise sur la même ligne que les
autres taxes ; parce qu’on n’avait pas de raison pour traiter moins
favorablement les propriétaires fonciers que les autres contribuables. Il y
aurait partialité, injustice criante, quoi qu’on en ait dit, si on faisait
peser sur la contribution foncière seule une augmentation que les autres impôts
ne sont pas moins en état de supporter ; la situation du commerce et de
l’industrie est tout aussi prospère que celle de l’agriculture, elle permet dès
lors de faire concourir dans la même proportion à la surtaxe, toutes les
branches de la fortune publique.
Au
congrès, dit-on, lorsqu’il s’est agi de pourvoir à des besoins extraordinaires,
on a ménagé les droits de douanes et d’accises, parce qu’on comprenait mieux
alors le patriotisme et les vrais intérêts du pays.
Mais,
depuis cette époque, les circonstances ont bien changé. Au commencement de la
révolution, le commerce et l’industrie étaient morts ; on a eu raison de ne
rien leur demander, parce qu’on pu rien en obtenir, tandis qu’aujourd’hui le
commerce et l’industrie sont comme je viens de le dire, dans un état au moins
aussi prospère que l’agriculture, et peuvent, aussi bien qu’elle, supporter les
charges publiques.
Au
reste, messieurs, si malheureusement la guerre éclatait et devait avoir quelque
durée, les sept millions qu’on vous demande ne suffiraient pas ; au lieu de 10
centimes additionnels, ce serait peut-être 50 ou 60 que nous devrions vous
demander ; alors vous seriez heureux de pouvoir trouver ces ressources chez les
propriétaires fonciers ; alors vous vous féliciteriez de ne l’avoir pas épuisée
lorsqu’il était possible de faire autrement
On a
parlé de nouveau des patentes, et on a dit que les additionnels sur cet impôt
étaient plus forts que sur la contribution foncière. Mais, messieurs, on semble
avoir oublié que le principal a été réduit aux trois quarts, et qu’avec les
centimes additionnels que nous proposons, les patentes sont encore beaucoup
au-dessous de ce qu’elles étaient avant cette réduction. En effet, avec tous
les additionnels, ce qui se paiera aujourd’hui à raison de 114, se payait
auparavant à raison de 135.
On
s’est appuyé de l’exemple d’une ancienne loi de subvention de guerre, semblable
à l’article en discussion, en prétendant qu’on avait ménagé dans cette loi les
impositions indirectes. D’abord je répondrai que la citation est erronée, et
que les impôts indirects ont subi la même surcharge à cette époque ; ensuite je
demanderai à l’honorable orateur qui a présente cet argument, s’il serait
disposé à nous accorder les droits de douane et d’accises qui existaient à
l’époque de la loi qu’il a citée.
Avec
de semblables taxes, nous n’aurions pas besoin de recourir à des centimes
additionnels, car le principal serait plus élevé que ne le seront vos droits
actuels avec la subvention.
M.
Lardinois prétend que nous n’avons pas mûri notre projet, et que nous n’avons
rien trouvé de plus facile que de porter sur tous les impôts la même quotité de
centimes additionnels. Je demanderai à cet honorable membre s’il a étudié
davantage le projet qu’il vient de lancer dans l’assemblée. Celui du
gouvernement offre du moins cet avantage, qu’il n’a de prédilection pour
personne ; il frappe uniformément toutes les classes de contribuables qui
peuvent et doivent concourir également aux besoins de l’Etat.
D’après
ces considérations, je pense que l’amendement de M. Lardinois n’est pas
admissible. D’abord, comme je l’ai déjà dit, il réduit de beaucoup la somme
demandée par le gouvernement, et cette somme, loin d’être trop élevée, serait
plutôt insuffisante. En second lieu, les combinaisons sur lesquelles il se
fonde sont loin d’être préférables à celles du projet
En
effet, on nous a beaucoup reproché de venir changer le tarif des douanes. Votre
subvention, a-t-on dit, aura pour résultat de jeter la perturbation dans le
commerce en changeant la tarification. Mais cela résulterait bien davantage du
système de M. Lardinois, puisqu’il grève certaines denrées de 15 centimes
additionnels, tandis qu’il n’en frappe d’autres que de cinq centimes. Certes,
c’est là changer la tarification des douanes bien autrement que ne le fait la
proposition ministérielle.
Quant
à l’amendement de M. Pirson, il est facile d’en apercevoir tous les inconvénient et de reconnaître qu’il serait
inexécutable. En effet, quels moyens aurait-on pour déterminer les quarts de la
population qui devraient supporter telle ou telle partie de la capitation qu’il
veut imposer ? En abandonnerait-on l’exécution au gouvernement ? Le
gouvernement ne pourrait l’accepter, il faudrait donc régler cette exécution
par une loi. Mai cette loi elle-même, il y aurait impossibilité de la faire,
car je n’admets pas qu’on doive consacrer l’arbitraire dans les lois.
Le
dernier orateur qui a pris la parole a proposé d’excepter le sel de
l’augmentation du droit. Ce que j’ai dit hier de l’exiguïté de la surtaxe sur
cet impôt suffit pour faire voir qu’elle ne peut influer sur la situation de la
classe pauvre. J’ai démontré que pour une famille composée de dix personnes, la
subvention n’augmenterait pas d’un franc sa dépense annuelle. Cette
considération engagera, j’espère, l’honorable membre à ne pas insister sur
l’exception qu’il propose. Quant à la fraude dort il a parlé, il est évident
que la légère majoration que le droit sur le sel subira, ne pourra lui
présenter un nouvel appât.
D’honorables
membres s’opposent au projet que le gouvernement vous présente, le critiquent ;
mais ils se gardent bien d’indiquer quelque chose de mieux. Je désirerais
qu’ils voulussent nous éclairer de leurs lumières et proposer les modifications
qu’ils croient dans l’intérêt du pays ; ce serait faire acte de bons citoyens
que de proposer de meilleurs moyens pour faire face aux charges publiques.
En
définitive, messieurs, que veut-on en critiquant en termes généraux le projet
du gouvernement ? veut-on y substituer un autre
système, veut-on nous conduire à des emprunts ? Qu’on le dise ouvertement et
nous discuterons cette question. Toutefois, pour ma part, je le déclare
d’avance, je serai opposé aux emprunts, tant que le pays pourra faire face à
ses besoins par ses propres ressources ; je m’opposerai à ce qu’on grève son
avenir, et la législature agira sagement selon moi, en n’ayant recours à cet
expédient qu’à la dernière extrémité. Je l’ai dit dans une précédente séance,
c’est par les emprunts qu’on compromet l’avenir et l’indépendance des Etats.
Je
bornerai là mes observations. J’engage les honorables membres qui connaissent
des bases plus avantageuses pour subvenir aux charges du moment, à nous les
communiquer. Si ces bases n’affectent pas l’avenir du pays et sont moins
onéreuses pour les contribuables que celles proposés par le gouvernement, je
m’y rallierai avec empressement.
M. A. Rodenbach. - Je demande la parole
contre toutes les propositions.
M. Dumortier. - Je la demande contre toutes les
motions d’ordre.
M. Gendebien. - Je l’ai demandée pour un fait
personnel, et je la demande en outre pour un rappel au règlement.
Messieurs,
aux termes de l’art. 19 de votre règlement, toute imputation de mauvaise
intention, toute personnalité, toute approbation ou improbation sont
interdites.
Or, M.
le ministre des finances vient de m’adresser un reproche qui touche fort à
l’imputation de mauvaises intentions. A entendre le ministre des finances, je
n’aurais proposé mon amendement que dans le but de faire rejeter tout le budget
des voies et moyens ou au moins sa proposition.
Est-ce
bien à moi qu’un pareil reproche peut s’adresser ? moi
qu’on n’accuse ordinairement que de montrer trop de franchise ; moi qui n’ai
pas encore ouvert la bouche sur le mérite de la proposition, et dont, par
conséquent, il ne connaît pas l’opinion ? Il ne se trompe pas cependant s’il
croit que je ne lui donnerai pas mon vote, car je voterai contre tout ce que
les membres actuels nous proposeront, parce qu’ils n’ont pas ma confiance.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Nous
le savons, vous l’avez écrit.
M. Gendebien. - Oui, je l’ai écrit et je l’ai
publié, et je le ferai toutes les fois que je le jugerai à propos, me souciant
peu des critiques que les ministres pourront faire.
N’est-il
pas étonnant, messieurs, que ce soit du banc des ministres que partent toutes
les attaques ? C’est ainsi que l’autre jour on nous appelait la montagne ! Et c’est le ministre de la
justice, en descendant de ce même banc, qu’il appelle la montagne, qui nous jette cette accusation !
Pour
moi, j’ai vu une insulte dans cette parole du ministre de la justice. Oui,
messieurs, il y avait une insulte dans cette parole par le souvenir d’une autre
montagne. Mais est-ce bien à moi que vous deviez adresser un pareil reproche ;
moi qui, pendant cinq mois, me suis trouvé au milieu de la tourmente
révolutionnaire ; à moi qui, pendant cinq mois, fus à la tête du mouvement et
ai conjuré les excès ; à moi qui, pendant cinq mois, ai dirigé la révolution ?
Quel reproche peut-on donc m’adresser ? Le gouvernement provisoire, dont
j’avais l’honneur de faire partie, a-t-il fait couler une seule goutte de sang,
a-t-il commis un seul excès ?
Eh
bien, vous M. le ministre de la justice, je désire pour votre honneur que vous
ne vous trouviez pas dans de semblables circonstances ; car, à en juger par
votre peu de respect pour la loi, maintenant que nous sommes dans un temps
calme, on a peine à croire que vous en sortiriez aussi pur que nous.
Ne
croyez-pas, messieurs, que mon intention soit ici de me justifier. Non. Depuis
que l’ex-montagnard est descendu au marais, il a beau se débattre pour lancer
ses éclaboussures jusqu’à moi ; ma robe, sans être virginale comme la sienne,
n’en sera jamais souillée.
Je
défie qui que ce soit d’y trouver ou d’y faire la moindre souillure.
Je ne
répondrai pas au ministre des finances, ce n’est pas le moment. Mais quand il
s’agira de discuter ma proposition, je prouverai qu’elle n’a nullement été
faite dans le but de faire rejeter la demande du gouvernement.
Il me semble que le ministre a fort mauvaise grâce à venir menacer la
chambre du sénat. Quoi ! parce que le sénat aura rejeté une fois une
proposition, il ne sera pas permis à nous représentants de premier ordre, de
représenter un projet ! Mais vous le savez, d’ailleurs, la décision du sénat ne
portait pas sur le fond de la proposition, elle ne portait que sur ce que cette
proposition n’était pas arrivée à maturité. Eh bien, mettons-y la maturité.
Depuis un an le sénat a eu le temps de mûrir la question ; il arrivera pour
l’examiner avec ses méditations de onze mois. D’ailleurs, il est inconvenant et
antiparlementaire de menacer une chambre de l’influence de l’autre chambre.
M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Si je
n’étais pas naturellement porté à la modération, l’exempte de l’honorable
préopinant me rappellerait à ce devoir. Je lui dois une explication, parce
qu’il n’était pas présent à la séance dans laquelle je me suis servi de
l’expression de la montagne dont on a
fait un si grand bruit.
Je ne
sais à, quel propos je me trouve lancé dans cette discussion ; quoi qu’il en
soit, sans descendre à une justification dont je n’ai pas besoin,
j’interpréterai sincèrement mes paroles d’après mes intentions.
En
parlant de la montagne, je n’ai
nullement entendu faire allusion à la fameuse montagne. Lorsque j’ai dit :
« L’on riait sur la montagne, c’est que, vous le savez, l’honorable M. de
Brouckere ne se trouvait pas au banc qu’il occupe d’ordinaire ; j’ai voulu dire
: « L’on riait dans le petit coin tout en haut qu’occupe habituellement M. de
Brouckere. » Voilà, messieurs, ce que j’ai voulu dire, et pas autre chose.
Et en quoi, je vous le demande, messieurs,
pouvais-je comparer à la montagne française les bancs où siège l’opposition,
les bancs où moi-même j’ai longtemps siégé, et je crois pouvoir le dire, siégé
avec quelque honneur ? Qui y a-t-il de commun entre les montagnards et mes
honorables amis ? Pourquoi donc me supposer une pareille intention ? Pourquoi,
messieurs, l’honorable M. de Brouckere est-il venu parler de la montagne
française ? Il savait fort bien que ce n’était pas là ma pensée ; mais il était
difficile de répondre à ce que j’avais dit. Cette interprétation était une
tentative pour me séparer de mes honorables amis. Mais c’est en vain que l’on a
eu recours à de semblables moyens.
L’honorable
préopinant a parlé de mon peu de respect pour les lois. Qu’il n’attende pas de
moi une réponse. Qu’il soit bien persuadé que je ne sortirai jamais des
convenances, que jamais je n’insulterai à personne. Quant à lui, je lui
rappellerai ce que je lui ai dit dans une autre circonstance, c’est que
l’exagération de son langage a toujours plus servi la cause qu’il attaque que
celle qu’il défend.
M. Desmanet de Biesme. -
Je dois le dire, messieurs, j’ai éprouvé bien de la surprise en voyant le
gouvernement combattre ma motion qui est si simple, et qui n’avait d’autre but
que de gagner du temps.
Je savais
que l’honorable M. Pirson avait proposé un amendement qui changeait totalement
le système d’impôt ; que l’honorable M. Lardinois comptait également en
proposer un. Je croyais qu’un autre membre présenterait aussi un amendement
qu’il m’avait fait voir hier. Dans cette occurrence, j’ai demandé la discussion
immédiate du budget des voies et moyens, afin d’assurer, dans tout état de
cause, les ressources ordinaires. Mais elle a été bien loin de moi l’idée qui
m’a été prêtée par un organe du gouvernement de vouloir retarder, pour ainsi
dire indéfiniment, le vote sur la nouvelle demande qu’il a faite à la chambre,
de le renvoyer à un temps presqu’illusoire, c’est-à-dire au-delà du 1er
janvier. Non, messieurs, telle n’a pas été ma pensée.
Je
conviens que dans mon opinion le discours de M. le ministre de la guerre a
changé la question. Loin de m’opposer au subside, si la position le réclame, je
suis disposé à l’accorder. Ma façon de penser est assez connue pour ne laisser
aucun doute à cet égard. Je pense qu’il ne faut pas laisser le gouvernement
dans l’embarras, lorsqu’il s’agit de répondre à l’agression ennemie.
Avec
le mot magique de patriotisme on est sûr d’être accueilli avec faveur par cette
assemblée, et c’est une gloire pour elle ; cependant, comme représentants de la
nation, nous devons examiner mûrement les choses, quand il s’agit de demandes
de cette importance.
Je
dois dire ce qui s’est passé dans une circonstance analogue et qui doit nous
rendre méfiants. L’an dernier, à propos de l’affairé d’Hanno,
il y eut une demande de subsides, et M. le ministre des finances doit s’en
souvenir comme moi, car comme moi il était membre de la commission à qui cette
demande fut envoyée. Les fonds demandés furent accordés. Mais que fit-on ? Il y
eut quelques semblants de démonstrations dans le Luxembourg ; mais ce que l’on
fit se réduisit à rien. En définitive on apprit que les sommes votées étaient
destinées à payer des corps de l’armée que l’on avait oubliés dans le budget de
la guerre. Il ne faut pas se le dissimuler, l’esprit du pays est de s’opposer
par tous les sacrifices possibles à l’invasion hollandaise ; mais l’esprit du
pays est aussi que l’on doit examiner avec attention toute demande de nouveaux
fonds.
Dans les propositions qui vous sont faites, il en est une qui mérite
votre attention, c’est celle qui tend à donner au gouvernement la faculté
d’avancer la rentrée des contributions en cas d’événement grave. Cette
proposition aurait pour résultat de mettre de grandes ressources à la
disposition du gouvernement, au cas où nous aurions la guerre au printemps.
D’après
les explications que je viens d’avoir l’honneur de donner à la chambre, il est
évident que mon intention était qu’on ajournât à un court terme, c’est-à-dire à
3 ou 4 jours, la discussion de l’article nouveau, et des amendements qui y sont
relatifs, et que le gouvernement a très mal jugé s’il a cru que je voulais
qu’on ajournât le projet indéfiniment.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Je dois déclarer à l’honorable M. Desmanet de
Biesme que je n’ai pas dit que son intention fût de faire renvoyer la
discussion du projet après le 1er janvier ; mais j’ai tâché de démontrer que
tel était le résultat de sa proposition. Comme il est nécessaire que les impôts
et surtout les impôts indirects soient perçus avec les centimes extraordinaires
à partir du 1er janvier, cette proposition apporterait la perturbation dans le
trésor, porterait un préjudice réel au trésor. Mais je n’ai nullement voulu
inculper l’honorable préopinant. Je me suis peut-être mal expliqué, ou il
m’aura mal compris.
M. Dumortier. - A voir ce qui se passe depuis
quelques jours dans cette enceinte, je serais porté à croire, si je connaissais
moins chacun de vous, que la chambre a perdu de son patriotisme. L’an dernier
on est venu vous demander des millions afin d’appuyer les réclamations de la
diplomatie en notre faveur. Vous avez voté ces millions spontanément et à
l’unanimité. Aujourd’hui le gouvernement signale d’une part la position de
notre armée, de l’autre les armements de
Après
tout, que sont toutes ces motions d’ordre ? Elles ne sont, je dois le dire, que
des motions de désordre. (Réclamations.)
Oui, messieurs, elles jettent le désordre dans la discussion ; elles retardent
un vote qui aurait dû être spontané et unanime. Pour moi, je les considère
comme des moyens dilatoires. Elles peuvent avoir pour résultat de nuire à notre
crédit public, d’affaiblir l’esprit de patriotisme si nécessaire au pays.
A quoi
bon proposer un nouveau système d’impôt, une innovation aux lois existantes,
lorsqu’il s’agit de procurer des fonds au trésor public, de suppléer au déficit
existant, de créer des ressources pour le cas éventuel de la reprise des
hostilités ?
Déjà
depuis plusieurs jours je l’avais déclaré ; la communication que le ministre de
la guerre avait faite à la section centrale chargée de l’examen du budget de la
guerre, ne laissait aucun doute sur la nécessité de l’augmentation des
contributions. Quant à moi, je regrette que M le ministre de la guerre ait cru
nécessaire de communiquer à cette tribune des détails qu’il eût été plus sage
de ne pas communiquer. Je le regrette (car chacun de vous doit sentir tout ce
qu’il y a de délicat dans ces communications) ; et je ne doute pas que notre
ennemi ne profite des révélations qu’a faites M. le ministre de la guerre.
M. de Robaulx. - Le ministre de la guerre n’a
rien dit.
M. Dumortier. - Je prie l’honorable M. de
Robaulx de vouloir bien me laisser parler ; s’il me fait ensuite l’honneur de
me répondre, je l’entendrai avec infiniment de satisfaction.
Vous
n’ignorez pas que le gouvernement demande au budget des dépenses 25 millions de
bons du trésor, et que, d’après les comptes qui vous ont été présentés ces
jours derniers, le trésor public est à découvert de 40 millions. Je demande si,
en présence d’un tel état financier et des armements de
Quant
à moi, je repousse un tel système. Ce n’est pas quand il y a lieu à tirer
l’épée, qu’il faut argumenter. Je sais qu’il y a des gens qui trouvent mon
système mauvais ; mais l’intérêt du pays est mon guide par-dessus tout.
M. Lardinois. - Nous entendons le patriotisme
aussi bien que vous.
M. Dumortier.
- Alors votez l’article nouveau du projet du gouvernement avec autant de
plaisir que je le ferai moi-même. C’est ainsi que vous prouverez votre
patriotisme.
Je demande
la clôture, car cette discussion ne servirait à rien ; toutes les opinions sont
formées ; chacun sait s’il doit admettre ou rejeter le projet. Je demande que
l’on termine cette discussion qui nous ridiculise et nous perd dans l’opinion
du pays. Je demande que l’on procède à l’appel nominal sur le projet.
M.
Desmanet de Biesme. - Quoique habitué que je sois aux incartades
extra-parlementaires de l’honorable M. Dumortier, celle à laquelle il vient de
se livrer m’a, je dois le dire, fortement surpris. Comment ! j’explique
le but de ma motion d’ordre ; j’établis qu’elle tendait à assurer les
ressources ordinaires du pays. Je déclare que mon intention était que l’on
délibérât dans un délai de deux ou trois jours. C’est alors qu’on vient
m’accuser d’être un artisan de désordres ! Je prie l’honorable M. Dumortier de
croire que jamais et dans aucune occasion je n’ai été artisan de désordres. Je
crois en avoir donné autant de preuves que lui dans cette assemblée.
M. Dumortier. - Je proteste contre ce
que vient de dire l’honorable préopinant en prétendant que je l’aurais présenté
comme un artisan de désordres. Je dis que les motions d’ordre amenaient un
grand désordre dans la discussion, et que sous ce rapport elles étaient des
motions de désordres. Personne ne peut avoir aucun doute à cet égard, d’après
la discussion d’aujourd’hui.
Plusieurs membres. - La clôture !
M. Meeus. - Je demande la parole contre la clôture,
afin d’avoir l’honneur de faire observer que la discussion, quoi qu’en dise
l’honorable M. Dumortier, n’est pas assez mûrie. Il prétend que chacun a son
opinion formée. Toutefois j’ai été le premier à avouer qu’hier j’aurais voté
contre parce que l’opportunité de la demande ne me paraissait pas prouvée ;
mais qu’aujourd’hui, après le discours de M. le ministre de la guerre, qui est
entré dans tous les détails que l’on pouvait désirer, après les paroles de M.
le ministre des affaires étrangères qui ont corroboré le discours de M. le
ministre de la guerre, l’opportunité du crédit m’était démontrée. Que l’on
s’occupe donc seulement de discuter le moyen proposé par M. le ministre des
finances, d’établir le crédit demandé, que la discussion n’ait pas d’autre but,
mais qu’elle ne soit pas fermée sur ce point. Je m’oppose à la clôture. Tous
les amendements n’ont été ni lus ni discutés.
M. le président. - M. Meeus propose un amendement
ainsi conçu :
« Je
propose que la subvention de guerre soit portée à 30 centimes sur la
contribution foncière en déduction des 10 centimes sur les patentes, douanes,
transit, tonnage, accise et timbre collectifs. »
M. Jullien. - Voilà un amendement qui n’est pas
développé.
M. le président. - L’amendement de M. Meeus va être
développé. On mettra ensuite aux voix la motion d’ordre.
M. Meeus. - Comme je viens de vous le dire,
je suis convaincu maintenant qu’il est urgent pour la sûreté du pays que le
ministre de la guerre obtienne le crédit qui sera jugé nécessaire pour tenir
notre armée sur un pied respectable. C’est parce que j’ai cette conviction
qu’il me paraît logique d’exiger toute sécurité relativement à la rentrée des
fonds qui doivent faire face à des dépenses d’une si grande utilité.
Or,
j’ai eu l’honneur de vous dire hier que votre loi transitoire s’appliquant aux
impôts indirects aurait cela de fâcheux que la plus grande partie des produits
ne seraient perçus que l’année suivante. En présence de votre loi transitoire
beaucoup de contrats qui auraient été passés en 1835, ne se passeront qu’en
1836 ; beaucoup de marchandises en entrepôt qui auraient été déclarées en 1835,
ne le seront qu’en 1836 ; non seulement vous ne recevrez pas les dix centimes
de subvention, mais vous n’opérerez pas la perception de vos revenus
ordinaires.
Je
suis tellement persuadé de ce que j’ai avancé que si, malgré les arguments
qu’ont fait valoir plusieurs de nos honorables collègues, la proposition
ministérielle est adoptée, j’ose prédire, et je n’aime pas à faire des
prédictions, que pendant l’année 1835 on n’obtiendra pas les droits de tonnage,
d’enregistrement et d’accises perçus pendant l’année 1834, que ces droits
donneront un revenu inférieur à celui de 1834. Et telle est ma foi à cet égard,
c’est que j’ose vous assurer maintenant que ma prédiction sera vérifiée par
l’expérience.
Vous
comprenez que dans cette foi, et dans la conviction que le gouvernement a
besoin de sommes nouvelles pour satisfaire aux demandes du ministre de la
guerre, force m’est de venir vous proposer de percevoir ce que dans tous les
cas vous serez certains de toucher. Il y a là danger de guerre, il y a
nécessité de se mettre en mesure de résister aux armements que fait
Si la
guerre éclate, les fonds ne vous manqueront pas. En effet, par une subvention
foncière, une imposition de ce genre ne peut vous échapper. Je sais bien que
les impôts indirects ne rentrent pas moins en temps de guerre qu’en temps de
paix, mais ils rentrent plus lentement et peuvent se retarder presque d’une
année.
Je vous fatiguerais si j’entrais dans de plus longs développements. Ma
pensée est assez claire : elle est aussi patriotique que toute autre, et pour
répondre à M. Pirson, je dirai que l’établissement auquel il a fait allusion,
paiera quelques mille fr. si c’est la propriété foncière qui est frappée.
Il
paiera comme tout autre propriétaire. On sait, dans cet établissement, que tous
ceux qui ont de l’argent doivent en donner au trésor, quand il y a danger ou
apparence de danger ; que ce ne sont pas des mesures incertaines qu’il faut
prendre dans de semblables situations.. mais bien des
mesures dont le succès est immanquable. J’ai dit.
M. Coghen. - Messieurs, puisqu’il ne m’est permis
de parler que pour proposer le développement d’un amendement, j’en dépose un et
je pourrais en exposer les motifs. Permettez-moi toutefois de vous parler d’un
objet d’une grande importance : du crédit public. Toujours je m’en suis
constitué le défenseur, et cette tâche je la remplirai encore aujourd’hui.
Qu’on médite la situation des finances du pays ; qu’on en présente la situation
réelle ; c’est remplir son mandat ; mais aggraver cette position, entasser
millions sur millions, vous conviendrez avec moi que c’est porter un grand
préjudice au crédit public de l’Etat. Je me plais donc laisser sans réponse les
assertions de M. Dumortier.
M. le président. - Développez les motifs de votre
amendement
M. Pirson. - Laissez répondre ; ce qui est permis
à l’un est permis à l’autre ; on a bien parlé d’autre chose que des
amendements.
M. Coghen. - M. Dumortier prétend que l’on est
obligé de créer des bons du trésor pour 25 millions, et qu’indépendamment de
cette somme, il y a encore un déficit de 10 millions. Le fait est qu’on vous
demande la faculté d’émettre 25 millions de bons du trésor, dont 11 millions
doivent servir à balancer le découvert du trésor pour combler les déficits des
budgets des exercices antérieurs, et le restant pour faciliter le mouvement de
caisse. Les 10 millions que vous avez consentis pour la route en fer ont une
destination spéciale, et l’émission ne s’en fait provisoirement qu’en attendant
que le gouvernement trouve convenable de contracter un emprunt afin de couvrir
la dépense de la route en fer, lorsqu’il jugera que le moment opportun sera
venu.
Ainsi,
messieurs, des 25 millions des bons du trésor, 10 millions ont une destination
spéciale, 11 millions servent à égaliser le découvert du trésor, pour le
déficit sur les exercices antérieurs, et 4 millions, si on trouve nécessaire
d’en émettre pour anticiper sur les contributions qui doivent rentrer dans le
courant de l’année 1835.
Laisser
sans réponse les allégations de l’honorable député de Tournay, ce serait faire
supposer qu’il y a un déficit bien plus considérable que les 11 millions.
J’arrive
au projet de loi en discussion, et voici en quoi consiste mon amendement :
Je
propose de supprimer les centimes additionnels extraordinaires que M. le
ministre des finances présente comme subside éventuel de guerre, sur le droit
de douane, de transit, de tonnage, sur les vinaigres et sur le sel, pour les
porter sur les vins et eaux-de-vie étrangers, sur le sucre, que je considère
comme objets de luxe, et 5 p. c. sur la propriété foncière, au-delà des 10 p.
c. proposés par MM. les ministres.
Cette
suppression s’élèverait ensemble à environ 1,430,000
fr., et le cens supplémentaire que je propose porterait à environ 1,500,000
francs.
Si je
demande ces changements, c’est que le sel dont la valeur en entrepôt n’est que
de 3 fr. 50 c. pour 100 kil. se trouve déjà être
imposé par les lois actuelle au-delà de 17 fr. pour 50 kil., c’est-à-dire que
l’impôt est cinq fois plus fort que le coût réel de la marchandise. La classe
pauvre n’a d’autre assaisonnement pour les aliments dont elle se nourrit que le
sel et le vinaigre ; déjà soumise à tant de privations, je ne crois pas
qu’équitablement nous puissions la frapper davantage.
M. Jullien. - C’est le beurre du pauvre !
M. Coghen. - Puisque une majoration des impôts est
nécessaire, frappez de préférence les vins, sucres, eaux-de-vie, qui ne sont
que des objets de luxe consommés par le riche, et la majoration de 5 p. c. sur
la propriété foncière se trouve suffisamment justifiée, tant par les discours
de la séance d’hier que par ceux prononcés par les orateurs qui m’ont précédé
aujourd’hui.
Cette
contribution était avant la révolution frappée de 5 centimes additionnels ; ils
n’ont pas été majorés en 1831 et 1832 ; mais en 1833 on a porté les centimes
additionnels à 40 centimes extraordinaires ; en 1834 on les a réduits à 20, et
pour 1835 vous avez voté provisoirement 10 centimes additionnels.
Si je
ne propose pas de majorer la demande du gouvernement sur les patentes dont le principal
et additionnel s’élevaient à 138 fr. 60 c. avant la révolution, et qui
aujourd’hui s’élèveront à 114 et 94 p. c. d’après le projet de M. le ministre
des finances, c’est que le commerce, qui a été si violemment froissé par les
circonstances politiques, n’a pas encore repris généralement toute son ancienne
activité. Il y a encore des branches en souffrance ; il est vrai, elles sont en
petit nombre ; majorer davantage l’impôt, ce serait accabler.
La contribution personnelle est, à mon avis,
assez élevé. Avant les événements du mois de septembre 1830, elle était frappée
de 22 centimes additionnels qui ont été supprimés pour les exercices de 1831 et
1832 ; rétablies à l3 p. c. en 1833 ; à 10 p. c. en 1834 et d’après les budgets
à 10 centimes additionnels pour 1835, plus les 10 cent. extraordinaires
proposés par le gouvernement ; ce qui rétablit la contribution personnelle à
peu près au même taux qu’elle était sous l’ancien régime ; toutefois la
disposition qu’on a établie pour le budget de 1832 et suivants, en permettant
de faire les déclarations sur les bases de celles de 1831, ont adouci cette
loi, dont l’application se fait aussi d’une manière moins rigoureuse, parce que
jamais on n’en force le sens ou on n’en interprète les dispositions contre les
contribuables.
M. Dumortier.
- Pour un fait personnel. Messieurs, il n’y a rien de plus facile, quand on ne
sait que répondre à un orateur, que de dénaturer ce qu’il a pu dire.
L’honorable M. Coghen prétend m’avoir entendu avancer que je voulais émettre 25
millions de bons du trésor. Je n’ai pas dit un mot de cela, messieurs. Voici
exactement le langage que j’ai tenu : j’ai dit qu’il y avait au budget des
voies et moyens une somme de 25 millions que le gouvernement demandait. Telles
ont été mes paroles, je défie qu’on prouve le contraire.
Quant à ce que vous avez dit sur le chemin de fer, je sais qu’on a eu le
plus grand tort de voter cette loi et vous avez tort de vouloir à cet égard me
mettre en contradiction avec moi-même, car je pense être très conséquent sur ce
point.
M. Desmanet de Biesme. -
Je désire, d’après mon amendement, que tous les amendements soient renvoyés à
la section centrale et que le gouvernement propose un projet, de loi séparé.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Messieurs, la proposition de l’honorable M.
Desmanet de Biesme tend à diviser le projet en deux parties, à faire de l’art.
2. nouveau un projet de loi spécial. Le gouvernement ne peut admettre cette
proposition. L’art. 2 nouveau a été présenté comme un
amendement, et nous déclarons nous opposer à ce qu’il devienne l’objet d’un
projet spécial.
M. Gendebien.
- Quel inconvénient y a-t-il pour qui que ce soit en Belgique de voter le
budget des voies et moyens aujourd’hui ou demain, et dans 3 ou 4 jours
l’article dont il s’agit. Je ne conçois pas M. le ministre des finances dans la
persistance qu’il met à s’y opposer. Je désire que dans le renvoi à la commission,
il soit demandé un rapport sous 3 jours, afin que nous puissions aux yeux du
pays nous disculper du reproche que l’on paraît vouloir nous faire de retarder
les mesures que l’on juge à propos de prendre. Nous nous opposons seulement au
mode que l’on emploie pour y parvenir. Il nous reste encore 15 jours d’ici au
premier janvier. Admettons que nous nous occupions 7 jours encore de cette
question. Il en restera 9 au sénat pour l’examiner et la décider.
M. Trentesaux.
- J’ai demandé la parole pour vous dire ce que vient de dire l’honorable M. Gendebien. Le gouvernement a
proposé d’abord le projet de loi, puis l’art. 2 qui est aussi l’objet d’un
projet de loi. Je ne vois pas pourquoi il s’opposerait à cette division ; il
aurait déjà son budget sans cette opposition de sa part. Dans trois, quatre ou
cinq jours vous pourrez voter le décime de subvention éventuelle.
M. le ministre
des affaires étrangères (M. de Muelenaere).. - Messieurs, je n’accuse
jamais les intentions de personne, je rends même hommage à celles de M.
Desmanet de Biesme, qui a fait la motion d’ordre sur laquelle vous avez à
prononcer. Mais il n’en est pas moins vrai que cette motion est de nature à
reculer d’un temps plus ou moins long le vote que vous êtes appelés à émettre.
Le gouvernement croit devoir se prononcer contre toute espèce de retard. C’est
donc parce que la motion dont il s’agit doit amener un retard que le
gouvernement demande qu’elle ne soit pas adoptée.
M. Desmanet de Biesme.
- Je me rallie à la proposition de M.
Gendebien.
- La
motion d’ordre modifiée par M. Gendebien est mise aux voix. Elle n’est pas
adoptée.
En
conséquence la discussion continue.
Un grand nombre de
membres. - A
demain ! à demain !
M. Coghen. - Je demande que tous les amendements
soient imprimés et distribués.
M. le président. - L’impression et la distribution
sont de droit.
M. Coghen. - Je demande en outre qu’ils
soient renvoyés à la commission des voies et moyens ; les auteurs voudront bien
se donner la peine de s’y rendre ainsi que le ministre des finances, et on
pourra demain à l’ouverture de la séance présenter un projet qui réunisse à peu
près toutes les opinions.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - La
chambre vient de décider cette question. Il résulte de son vote que la discussion
continuera demain. Chacun soutiendra l’amendement qu’il croira utile.
Je
suis surpris de l’instance que met l’honorable préopinant à demander le renvoi
à la commission, lui qui faisait partie de cette commission qui a été unanime
pour proposer l’adoption du projet que nous discutons. Je ne sais pas, après
tout, quel pourrait être le résultat de ce renvoi.
La commission s’est prononcée sur ce projet. II est possible qu’un de
ses membres ait changé d’opinion, mais je n’ai pas appris qu’aucun des autres
membres soit revenu sur son vote. Le renvoi serait donc inutile, la majorité de
la commission se refuserait à revoir un travail qu’elle a sans doute mûri, car
nous ne pouvons pas lui faire l’injure de croire qu’elle l’ait fait légèrement.
Les membres qui la composent sont trop éclairés, ont trop de patriotisme, ont
trop à cœur les intérêts de la nation, pour passer légèrement sur un projet qui
a pour but d’augmenter les charges du peuple. Nous pensons que la commission
serait conséquente avec elle-même et ne voudrait pas revenir sur son travail.
En conséquence, nous nous opposons au renvoi.
M. Coghen. - Je demande la parole pour un fait
personnel.
Messieurs, le ministre des finances vient d’avancer un fait faux. Il a
dit qu’il y aurait eu unanimité dans la commission pour adopter la proposition
du gouvernement. Non- il n’y a pas eu unanimité. Voici comment les choses se
sont passées : Nous avons été convoqués pour 10 heures, c’est-à-dire 10 heures
1/2.
Je me
suis rendu à la commission exactement à l’heure. Je suis resté dans le bureau
avec M. le président jusqu’à 11 heures trois quarts, heure à laquelle j’ai
quitté la salle ; et quand je suis rentré, la décision était prise. Je l’ai
approuvée quant au principe du subside, je l’aurais également approuvée quand
la somme eût été dix fois plus forte, mais je n’ai pas approuvé les moyens de
se la procurer.
M. le ministre des finances (M. d'Huart).
- Messieurs, je suis étonné que l’honorable M. Coghen m’accuse d’avoir avancé
un fait faux, quand je m’appuie sur le rapport de la commission que je tiens
sous les yeux. Ce rapport dit formellement qu’il y a eu en tous points
unanimité dans la commission pour adopter la proposition du gouvernement. Pour
moi ce rapport fait foi, et ce n’est pas la parole de l’honorable préopinant
qui pourra faire changer la foi que je dois avoir dans un rapport. (A demain ! à demain !)
M. Jullien. - Mais la commission n’a pas pu
deviner les amendements qu’on présenterait.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Ils
sont inutiles.
M. Jullien. - Décidément ces messieurs ont un
trou à boucher.
- La
séance est levée à 4 heures et demie.