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Chambres des représentants de Belgique
Séance du samedi 20 décembre 1834

(Moniteur belge n°355, du 21 décembre 1834 et Moniteur belge n°356, du 22 décembre 1834)

(Moniteur belge n°355, du 21 décembre 1834)

(Présidence de M. Raikem.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Renesse procède à l’appel nominal à une heure et demie.

M. Brixhe lit le procès-verbal de la dernière séance, la rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Renesse fait connaître l’objet des pièces adressées à la chambre.

« Le sieur Max. Delsarte, peintre en équipages, victime de l’agression hollandaise, demande le paiement de l’indemnité qui lui revient de ce chef. »

« Le sieur J. A. Pardon, saunier à Tirlemont, adresse des observations sur la loi de 1822 relative aux sels. »

« Plusieurs fermiers de la commune de Commines demandent que les droits sur les tourteaux de graine grasse soient supprimés. »

- Renvoi à la commission des pétitions.

Composition des bureaux de section

Première section

Président : M. Vanderbelen

Vice-président : M. Desmaisières

Secrétaire : M. Corbisier

Rapporteur des pétitions : M. Doignon


Deuxième section

Président : M. Fallon

Vice-président : M. Berger

Secrétaire : M. de Man d’Attenrode

Rapporteur des pétitions : M. Dewitte


Troisième section

Président : M. de Behr

Vice-président : M. Coppieters

Secrétaire : M. Quirini

Rapporteur des pétitions : M. Hye-Hoys


Quatrième section

Président : M. Zoude

Vice-président : M. Vanderheyden

Secrétaire : M. Dechamps

Rapporteur des pétitions : M. Helias d’Huddeghem


Cinquième section

Président : M. Eloy de Burdinne

Vice-président : M. Schaetzen

Secrétaire : M. Watlet

Rapporteur des pétitions : M. de Terbecq


Sixième section

Président : M. Dubus

Vice-président : M. Thienpont

Secrétaire : M. Desmet

Rapporteur des pétitions : M. de Roo

Proposition de loi relative aux droits sur le café

Lecture

M. le président. - Les sections ont autorisé la lecture de la proposition déposée sur le bureau par M. A. Rodenbach.

Cette proposition est ainsi conçue :

« Par modification au tarif actuel de douanes, j’ai l’honneur de proposer à la chambre que l’on frappe à l’entrée le café d’un droit de 10 francs par 100 kilogrammes, à la sortie de 10 centimes, et de 20 pour le transit. »

M. A. Rodenbach. - Vu les travaux dont la chambre doit s’occuper, je demanderai à développer ma proposition le 13 janvier prochain, après les vacances.

- Cette proposition est adoptée.

Projet de loi transférant des crédits au sein du budget du ministère de l'intérieur

Discussion générale

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux) demande que la chambre veuille fixer à lundi la délibération sur un projet de loi relatif à son département et dont le rapport vient d’être déposé sur le bureau.

- Cette proposition est également admise.

Projet de loi communale

Discussion des articles

Titre II. Des attributions municipales

Chapitre VI. De la nomination de quelques agents de l’autorité municipale
Article 121 (du projet de la section centrale)

M. Seron. - Je demande la parole pour faire une motion. Messieurs, retenu à la municipalité de Bruxelles dont il est membre, l’honorable M. Gendebien, mon ami, ne peut être ici qu’à deux heures et demie ; il désire, et je demande que l’on retarde de quelques instants la discussion de l’amendement qu’il a proposé sur l’article 121 de la loi communale. Ce retard doit éprouver d’autant moins de difficulté à être accordé que l’article auquel il est relatif a été lui-même ajourné. Le retard ne sera pas long, puisque l’honorable auteur de l’amendement sera ici à deux heures et demie.

- La proposition de M. Seron est admise.

Article nouveau

M. Pollénus. - Je viens de déposer sur le bureau une disposition qui tend à compléter l’article adopté dans la séance d’hier. Je crois que la chambre pourrait en entendre le développement actuellement.

M. le président. - Voici la proposition faite par M. Pollénus. Elle formerait un article nouveau à placer entre les articles 122 et 123 du projet du gouvernement :

« Si l’administration communale refuse ou reste en défaut de présenter la liste des candidats, ou lorsqu’elle y comprend un ou plusieurs candidats révoqués précédemment par le Roi, dans ces cas, la liste est faite par la députation permanente du conseil provincial. »

M. Pollénus. - D’après les observations présentées hier par M. Fallon et par M. le ministre des affaires étrangères, il a été bien démontré qu’il serait possible que les administrations locales pussent rester en défaut ou s’obstiner à ne pas présenter la liste des candidats dont il a été parlé dans la séance précédente. M. le ministre des affaires étrangères a même signalé un fait qui montre que ce cas s’est déjà présenté ; j’ai cru indispensable que la loi contînt une disposition pour parer à l’inconvénient éventuel dont il s’agit.

Le défaut de liste, ou la volonté de n’en pas présenter, ne sont pas les seuls cas qu’il faut prévoir : il y a encore celui où une régence formerait une liste de candidats avec les noms de personnes précédemment révoquées de leurs fonctions par le Roi ; et je propose aussi, par mon amendement, de combler cette lacune.

J’ai reconnu dans une précédente discussion que ces cas seraient rares ; mais la possibilité seule de leur existence suffit, à mon avis, pour que la chambre consacre une disposition qui empêche cet abus. Ceci est d’autant plus indispensable que la chambre a voté un article dans lequel elle laisse aux administrations locales le choix des personnes qui auront la place, puisque le Roi est forcé de nommer l’un des candidats présentés ; il résulte de ce droit accordé aux communes qu’elles rendraient illusoire la prérogative par laquelle le Roi révoque les fonctionnaires, en le forçant à nommer un individu qu’il aurait révoqué.

Si la chambre veut reconnaître quelque effet au droit de révocation attribué au Roi par le vote d’une des précédentes séances, on sentira la nécessité de mon amendement.

Je crois qu’il est inutile d’entrer dans de plus longs développements. On voit que je ne propose pas de déroger aux droits de la commune. L’intervention de la députation permanente n’a lieu que dans deux cas, c’est-à-dire quand la commune ne veut pas exercer ses droits ou quand elle veut en faire abus : il faut donc alors qu’une autorité supérieure la ramène à l’ordre, et en proposant la députation permanente qui puise ses pouvoirs dans l’élection populaire, c’est proposer une autorité qui mérite autant de confiance que l’administration communale elle-même.

M. Jullien. - Je n’ai pas saisi complètement la proposition faite par M. Pollénus. On ne doit pas introduire des amendements dont tous les membres de l’assemblée n’ont pas connaissance même par une simple lecture. Il y a toujours des inconvénients à formuler des articles nouveaux, je contesterai même ce droit.

M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Quand M. Jullien aura pris lecture de l’amendement, il ne fera plus d’objections. On veut que la commune présente les candidats parmi lesquels les commissaires de police doivent être choisis ; si la commune ne présentait pas ces candidats, elle empêcherait l’exercice de la prérogative attribuée au Roi de nommer les commissaires de police, et elle abuserait de son droit en n’en faisant pas usage. Il faut donc que pour les cas où elle ne présente pas de candidats et pour les cas où elle en présenterait qui ne pourraient être nommés, on substitue une autre autorité à la sienne, Or, quelle autre autorité peut mieux la remplacer que la députation permanente du conseil provincial ? On voit donc que M. Pollénus ne propose que de remplir une lacune.

M. Fallon. - Je crois qu’on peut ajourner la délibération sur l’amendement de M. Pollénus jusqu’au moment où la section centrale aura fait son rapport sur les autres amendements présentés hier. Il est question de savoir si la nomination des commissaires de police sera obligatoire ou facultative. Si elle n’est que facultative, la disposition proposée par M. Pollénus devient inutile : une administration communale qui voudra un commissaire de police présentera toujours des candidats. Si la nomination du commissaire de police est obligatoire, il est évident que quand la commune ne présente pas de candidats, on doit le nommer d’office, ou si vous voulez, que la liste doit être présentée par le conseil permanent provincial.

M. H. Dellafaille. - L’article renvoyé à la section centrale parle de la création des places de commissaire de police ; voilà ce que l’on peut rendre facultatif ; mais l’amendement de M. Pollénus s’applique aux places de commissaire de police déjà établies par les communes.

Le renvoi à la section centrale de cet amendement est donc tout à fait inutile. Toutefois, l’amendement ne me paraît pas complet. On y prévoit le cas où les régences resteront en défaut, mais on ne dit pas comment on constatera le défaut, Il y a donc quelque chose à ajouter à l’amendement,

M. Pollénus. - Comme vient de le faire observer l’honorable préopinant, il ne s’agit pas ici des places à créer, mais de la nomination aux places créées. Que la création de commissaires de police dans certaines communes soit obligatoire ou facultative, mon amendement trouve également son application.

On vient de dire que mon amendement était incomplet ; qu’il ne prescrit rien sur la manière de constater le défaut : évidemment ce défaut doit être constaté dans les formes administratives ordinaires. Du reste, je ne m’oppose pas à une correction qu’on voudrait faire à ma proposition, pourvu que les prérogatives royales ne soient pas entravées.

M. Fallon. - Je ne suis pas touché des observations que viennent de présenter MM. Pollénus et H. Dellafaille. Je persiste dans la demande d’ajournement. Si vous aviez décidé qu’il y aura des communes où des commissaires de police pourront être créés sans le consentement du conseil communal, l’amendement de M. Pollénus pourrait être discuté. Mais je ne vois pas que la chambre ait encore adopté l’article 121 de la section centrale où cette question se trouve résolue. Dès lors, que vient faire l’amendement proposé ? Je persiste donc dans ma proposition.

M. Jullien. - Il me semble qu’il n’y a rien à ajouter à ce que vient de dire l’honorable M. Fallon et que l’amendement de M. Pollénus ne peut pas être discuté maintenant, à moins qu’on ne puisse établir dès à présent qu’il s’applique seulement aux places de commissaire de police nécessaires et non sujettes à contestation. Mais vous n’avez pas encore décidé la question de savoir si des commissariats de police pourront être maintenus ou créés sans le consentement du conseil communal. Ce n’est qu’après la discussion de ce principe que l’amendement peut venir.

Dans tous les cas, je ferai à la chambre une observation dont elle sentira, je pense, la justesse. L’amendement de M. Pollénus semble être inspiré par la défiance qu’on devrait avoir de l’administration communale. On a l’air de croire que lorsqu’une commune est obligée par la loi à faire une présentation pour un emploi, elle ira, sans raison et de son autorité privée, refuser ou retarder cette présentation. Cependant on ne peut se livrer à une telle supposition sans faire injure à l’esprit qui doit diriger et qui dirigera probablement les administrations communales.

J’ajouterai que si la chambre est touchée des motifs qui ont déterminé l’honorable M. Pollénus à présenter son amendement, elle doit l’appliquer à toutes les nominations faites sur la présentation du conseil communal ; par exemple, de secrétaires, de receveurs, et toutes autres fonctions à la nomination desquelles le gouvernement concourt avec le conseil communal.

Si l’on suppose que le conseil communal ne dressera pas la liste de présentation pour la place de commissaire de police indispensable pour la sûreté des habitants, on doit supposer que le même esprit d’hostilité l’empêchera de présenter des candidats pour les places de secrétaire et de receveur. Si l’on fait application de ce principe, il faut que ce soit d’une manière générale, et non pas isolément, pour les places de commissaire de police.

Je ferai encore une autre observation qui porte également sur l’amendement en discussion. Je ne vois pas la raison pour laquelle le conseil communal ne pourrait pas porter sur la liste de présentation un commissaire de police qui aurait été précédemment révoqué par le gouvernement. On a l’air de croire que ce serait là faire injure au gouvernement. Cependant il peut arriver qu’un commissaire de police soit révoqué sans raisons plausibles ; il peut arriver que le gouvernement, mieux éclairé par les observations de ce commissaire de police révoqué ou du conseil communal, consente à rendre sa confiance à ce fonctionnaire. Pourquoi donc le gouvernement ne pourrait-il pas revenir sur cette révocation ? Pourquoi ce fonctionnaire révoqué ne pourrait-il pas aspirer à l’emploi qu’il occupait, ou à un semblable ? Pourquoi donc en feriez-vous un paria dans la société ? Pourquoi s’imaginer que le gouvernement trouvera mauvais qu’on attire son attention sur une révocation injuste qu’il aurait faite ? Il n’y a qu’un mauvais gouvernement qui puisse ne pas vouloir revenir sur une mauvaise décision.

Si le conseil communal pense que le gouvernement doit donner sa confiance à un individu précédemment révoqué, il en soumettra les motifs au gouvernement ; peut-être dans ce cas le gouvernement lui rendra-t-il sa confiance, D’ailleurs, si le gouvernement ne le veut pas, il ne choisira pas ce commissaire de police. Dans ce cas, un autre candidat sera présenté par le conseil communal, et à son défaut, par la députation provinciale. Alors l’amendement tiendra son effet. Mais l’amendement, tel qu’il est présenté, a une portée que je ne puis admettre ; il fait tort au fonctionnaire ; il fait injure au gouvernement, en supposant qu’il à ne pas vouloir reconnaître une injustice qu’il aurait commise, une erreur dans laquelle il serait tombé. Je m’oppose donc à l’amendement ; et quant à présent, par les motifs que j’ai d’abord énoncés, j’en demande l’ajournement.

M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Je ferai une seule observation. La supposition qu’une commune ne voudrait pas d’un commissaire de police, alors que la loi lui impose l’obligation de le recevoir, et que le gouvernement a le droit de le nommer, n’est pas purement gratuite. Je pourrais citer une commune où, après le décès du commissaire de police, le conseil communal décida qu’il ne serait pas remplacé, et s’obstina à ne pas présenter de candidats.

Cependant, messieurs, si le gouvernement réclame des droits à cet égard, moins dans son intérêt que dans celui de la société, ce n’est pas dans un but politique, mais c’est en vue de l’intérêt général, c’est dans l’intérêt de la police judiciaire. Ainsi une disposition importante de la loi serait paralysée par la volonté du conseil communal.

Si l’on veut que des commissaires de police existent dans certaines communes malgré le conseil communal, il faut bien qu’à défaut de présentation de sa part, la nomination puisse néanmoins avoir lieu.

Qu’un conseil communal porte sur la liste de présentation un commissaire de police que précédemment le gouvernement aurait révoqué ; que le gouvernement n’ait aucune répugnance à lui rendre ses anciennes fonctions, je conçois cela. Mais le contraire peut arriver ; et si un conseil communal porte sur la liste de présentation deux candidats précédemment révoqués des fonctions de commissaire de police et un troisième qui n’a pas la confiance de la commune, pour forcer le gouvernement à revenir sur sa première révocation, voulez-vous donc dans ce cas forcer le gouvernement à faire une nomination qui ne remplirait pas le but de l’institution ?

M. Pollénus. - Je dois une réponse à l’honorable M. Jullien. Ce n’est pas une méfiance qui doive étonner la chambre qui a donné lieu à mon amendement. Veuillez remarquer en effet que je ne propose l’intervention de la députation que dans trois cas bien et clairement définis.

L’honorable M. Jullien demande pourquoi l’on n’appliquerait pas les principes de mon amendement à toutes les nominations faites sur la présentation du conseil communal, par exemple à celle du secrétaire. Mais je prie la chambre de faire attention qu’il y a une grande différence entre les attributions du commissaire de police et celles du secrétaire.

Le commissaire de police a des rapports avec le gouvernement ; il est appelé à l’exécution de mesures générales tandis que le secrétaire comme on l’a soutenu dans la discussion de l’article relatif à ses fonctions est simplement l’employé de la commune, appelé à s’occuper seulement des affaires du ménage de la commune ; ses attributions se bornent à tenir la plume pour les affaires de la commune. Il est impossible de comparer le commissaire de police, agent de la commune et du gouvernement, au secrétaire qui n’est même pas l’homme de la commune, qui est plutôt l’homme de l’administration communale.

M. Fallon. - Je demande la parole pour un rappel au règlement ; c’est le fond.

M. Pollénus. - On a laissé parler sur le fond l’honorable M. Jullien. Il est juste qu’on me laisse lui répondre.

M. Jullien. - Vous avez tous parlé sur le fond ; j’ai fait comme vous.

M. Pollénus. - Je n’ajouterai qu’un mot. Mon amendement ne tend pas à interdire au gouvernement le moyen de revenir sur une erreur qu’il aurait commise. Mais il a pour but d’empêcher le conseil communal d’insulter le gouvernement en lui présentant obstinément dans un but hostile des candidats qu’il aurait précédemment révoqués des fonctions de commissaire de police.

M. Fallon. - Je rappellerai encore que tant que vous n’avez pas décidé la question de savoir s’il y aura ou non des communes où il pourra exister des commissaires de police sans le consentement du conseil communal, vous ne pouvez vous occuper de l’amendement de M. Pollénus. Je persiste dans ma demande d’ajournement.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Messieurs, si déjà l’on n’avait pas discuté le fond, je ne verrais pas de difficulté à l’adoption de la motion d’ordre. Mais, après la discussion qui a eu lieu à la précédente séance, il est hors de doute que dans certaines communes les places de commissaire de police doivent être obligatoires. Il ne peut y avoir divergence d’opinions sur cette question. Comment en effet n’y aurait-il pas nécessairement des places de commissaire de police dans certaines villes où la tranquillité peut être à tout moment compromise ! Ce n’est sans doute l’opinion d’aucun membre de cette assemblée. D’ailleurs, le projet du gouvernement et celui de la section centrale sont d’accord sur ce point ; et si je suis bien informé la section centrale, dans sa réunion d’hier soir, a consacré le même principe.

Puisque la question soulevée par l’honorable M. Pollénus a été longuement débattue dans la chambre, et que chacun a pu former à cet égard son opinion, je crois que l’on doit voter sur sa proposition, et qu’elle doit être adoptée ; en effet, n’est-il pas nécessaire, dans l’intérêt de la sûreté des habitants, que le gouvernement puisse d’office ou sur la présentation de la députation provinciale, nommer un commissaire de police, lorsque le conseil a éludé l’obligation que la loi lui imposait, lorsqu’il s’est abstenu de présenter des candidats ?

M. le ministre de la justice a cité tout à l’heure un cas qui s’est présenté et où l’on n’a pas pu pourvoir à la place, parce qu’il n’y avait pas dans la loi de disposition qui autorisât à passer outre.

Je crois donc, messieurs, que la proposition qui vous est soumise est une proposition d’ordre public, qu’elle ne porte pas la moindre atteinte aux libertés communales. Ne perdons pas de vue que si d’un côté il faut assurer les libertés communales selon l’esprit de la constitution, il faut d’un autre côté assurer franchement au gouvernement la part d’interventions que le pacte fondamental lui donne. Comme tel est le but de la proposition de l’honorable M. Pollénus, je déclare que je m’y rallierai.

M. Jullien. - La discussion actuelle sur l’amendement de M. Pollénus ne peut faire perdre du temps à la chambre puisqu’elle tend à en faire comprendre la portée. Il est impossible de soutenir que les grandes communes au moins puissent se passer de commissaires de police ; je crois que cela n’est entré dans l’idée de personne, encore moins dans celle de l’honorable M. Fallon. La faculté d’établir un commissaire de police n’est en question que pour les communes de 5,000 âmes et au-dessus. Nous sommes donc placés sur un terrain où nous pouvons rester.

Je répondrai à M. le ministre de la justice que le cas qu’il a cité a eu lieu dans un ordre de choses qui n’existera plus dès que la loi communale aura été mise à exécution. Il est possible que, dans l’état actuel de la législation sur la nomination des commissaires de police, l’on ait voulu imposer à une commune un fonctionnaire dont elle n’aura pas voulu parce qu’elle n’en aura pas senti le besoin. Dans l’état actuel des choses, je ne vois pas trop comment on aurait pu forcer cette commune à faire une dépense qui lui semblait inutile. Mais aujourd’hui il s’agit de fonctions déclarées obligatoires par la loi.

Je vous demande si lorsqu’il sera établi que dans telles communes il y aura un commissaire de police en raison de telle population, vous pouvez supposer qu’il se trouve des administrations municipales assez mal conseillées pour vouloir se refuser à l’exécution de la loi, c’est-à-dire à présenter à la nomination du Roi une liste de candidats à des fonctions instituées par la loi. Je vous demande si une pareille défiance n’est pas injurieuse pour l’autorité communale ? Pourquoi ne pas prévoir le même refus lorsqu’il s’agira de la nomination d’un secrétaire communal ? L’on a déjà répondu à cela que les secrétaires communaux sont des hommes chargés du ménage de la commune, que le cas est tout différent. Un secrétaire dans une commune, messieurs, est un homme tout aussi important, un fonctionnaire tout aussi considérable que peut l’être un commissaire de police. Le même principe devrait s’appliquer à l’un comme à l’autre.

Quant à la partie de l’amendement qui prévoit le cas où un conseil communal porterait sur la liste des candidats déjà révoqués par le gouvernement, j’admets l’explication donnée par M. le ministre de la justice lui-même. Car cette explication tend à repousser l’amendement de M. Pollénus. M. le ministre de la justice a dit : Si le gouvernement reconnaît qu’il s’est trompé sur le compte du fonctionnaire qu’il aura éliminé de ses fonctions, il n’y a pas de raison pour qu’il ne puisse revenir de sa première décision. C’est précisément ce que l’amendement de M. Pollénus ne veut pas. Il ne permet pas qu’une régence porte sur la liste des candidats un commissaire de police révoqué.

Mais, me dit-on, vous voulez forcer la main au gouvernement, le mettre dans l’obligation de nommer, malgré lui, un fonctionnaire qu’il aura révoqué. Je ne pousse pas l’exigence ni la déraison aussi loin. Je ne veux pas qu’un conseil ait le pouvoir de forcer le pouvoir central à reprendre un fonctionnaire auquel il aurait retiré sa confiance. Ce serait une contradiction trop choquante ; mais je demande que le gouvernement lui-même ne soit pas empêché de réhabiliter plus tard un fonctionnaire destitué par lui.

Si le gouvernement juge qu’il ne peut admettre la proposition du conseil, il demandera à l’autorité municipale qu’elle lui présente un autre candidat, et si elle persiste dans son choix ce sera à la députation permanente à faire une liste nouvelle. Tous les droits se trouveront ainsi conservés, et ceux de l’administration municipale, quant aux hommes en qui elle aura mis sa confiance, et ceux du gouvernement, en ce qu’il ne sera pas contraint d’admettre des fonctionnaires qu’il aura cru devoir destituer une première fois.

M. Dumortier, rapporteur. - Je désirerais savoir si M. Fallon persiste dans sa motion d’ordre. S’il la retirait, je demanderais à parler sur le fond.

M. Fallon. - Maintenant que l’on est entré dans la discussion du fond, ma motion d’ordre me paraît sans objet. Je la retire.

M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Il serait facile de s’entendre avec l’honorable M. Jullien. Il vient d’expliquer une partie de l’amendement de M. Pollénus dans le sens même que lui a donné son auteur. Il doit être loisible au gouvernement de rétablir dans ses fonctions un titulaire qu’il aura révoqué et sur le compte duquel il aura reconnu son erreur, ou lorsqu’il aura acquis la certitude que celui-ci se sera amendé. Mais il ne faut pas que le gouvernement soit contraint de renommer un fonctionnaire auquel il aura retiré sa confiance. Je suis donc d’accord sur un point avec l’honorable M. Jullien.

Du moment que l’honorable M. Jullien admet une partie de l’amendement de M. Pollénus, il ne peut s’empêcher d’admettre l’autre partie. On nous dit que nous montrons une défiance injurieuse à l’égard de l’autorité communale. Quand la loi prévoit un cas rare, elle ne montre de défiance pour personne.

J’ai cité un exemple qui s’est présenté dans une des communes du royaume. L’honorable M. Jullien a prétendu que ce cas ne se représenterait plus sous l’empire de la loi communale. Il est dans l’erreur. La commune que j’ai citée comprend plus de 5,000 habitants. Par conséquent, le cas s’est présenté dans une commune qui, sous l’empire de la loi nouvelle, serait obligée de salarier un commissaire de police. L’administration communale n’en sentait pas la nécessité, ou plutôt elle ne voulait pas payer les appointements d’un commissaire de police, tandis que le gouvernement insistait de son côté pour que la commune ne fût pas dépourvue d’un agent qui est en même temps chargé de la police.

Il ne doit pas dépendre, messieurs, d’une autorité communale de suspendre l’exercice de la police judiciaire. L’honorable M. Jullien doit savoir que la police judiciaire est en souffrance dans un grand nombre de communes du royaume.

J’ai reçu à cet égard un grand nombre de rapports circonstanciés ; et si beaucoup de crimes se commettent actuellement et restent impunis, c’est au défaut d’action de la police judiciaire qu’il faut en attribuer la cause en grande partie. Nous ne devons rien faire, messieurs, qui puisse porter atteinte à la puissance de la police judiciaire. J’invite fortement la chambre à lui donner dans toutes les circonstances une force nouvelle. Car il faut séparer la police judiciaire de la police politique, avec laquelle on la confond trop souvent. La police politique n’est que temporaire. La police judiciaire concourt à la défense de la société. Prenons garde de la paralyser. Nous en souffririons les premiers.

M. Dumortier, rapporteur. - En admettant ainsi une foule de propositions pour des cas particuliers, nous ferons une loi par trop considérable, par trop volumineuse et aussi par trop ridicule. Je ne pense pas qu’il faille montrer, comme le voudrait M. Pollénus, une pareille défiance à l’égard de l’autorité communale. Nous devrions bien nous en rapporter au patriotisme des conseils communaux, et à force de prévoir dans la loi les cas où ils se mettraient en rébellion avec le pouvoir central, on finirait par les faire passer aux yeux de la nation pour ennemis de tout ordre légal.

L’honorable M. Jullien l’a déjà fait remarquer. Si vous admettez avec M. Pollénus qu’il faille établir des dispositions en faveur du gouvernement dans le cas où les conseils communaux ne voudraient pas mettre à exécution la législation sur la nomination des commissaires de police, appliquez ces dispositions aux secrétaires communaux. Comme les commissaires de police, les secrétaires sont nommés par le Roi sur la présentation d’une liste de candidats émanée du conseil communal.

On a répondu à cela que ces deux places étaient d’une nature différente, que les attributions en étaient toutes utiles. C’est précisément parce que ces deux places sont d’une nature diverse qu’elles existent simultanément. Sans cela, il n’y aurait qu’une espèce de fonctionnaires dans les communes. Cette différence ne change rien quant aux moyens coercitifs dans le cas où les commissaires de police ne rempliraient pas leur devoir.

Mais en admettant même que la différence des attributions des secrétaires communaux et des commissaires de police exige des moyens de coercition différents, je citerai à mon tour les échevins qui, comme les commissaires de police, sont des agents de la police judiciaire. Les échevins, vous le savez, sont nommés sur la présentation du conseil. Mais si le conseil se refusait à présenter une liste de candidats, est-ce que vous déféreriez au gouvernement le droit de nommer les échevins sans l’intervention du conseil ? Une pareille loi tendrait à l’absurdité.

La loi laisse encore au gouvernement la nomination des receveurs sur la présentation du conseil. Irez-vous insérer une disposition qui stipule que si le conseil se refuse à faire une présentation, le collège provincial aura le droit de la faire d’office cette nomination ? Encore une fois cette loi serait absurde.

Suivez le projet de loi communale. Vous verrez qu’il est plus bas des articles concernant les gardes champêtres. C’est le gouverneur qui les nomme, d’après le projet de la section centrale, sur la présentation des conseils communaux. Lui accorderez-vous le droit de les nommer d’office en cas de refus de présentation ?

Etablissez donc franchement dans la loi un moyen coercitif qui prévoie tous les cas où l’autorité communale jugerait convenable de ne pas user de ses droits de nomination. Vous aurez fait une loi qui sera, j’ose le dire, un grand scandale contre l’autorité communale. Vous aurez reconnu tacitement ce reproche si souvent adressé par la domination étrangère à notre pays, que le peuple belge est ingouvernable ; vous aurez établi que, pour le gouverner, il faut le lier, le garrotter. Quant à moi, je ne voudrai jamais d’une loi qui signifiera de pareilles choses.

Depuis que les communes existent en Belgique, depuis la formation du royaume des Pays-Bas, la législation sur les commissaires de police a toujours été telle que l’établit la section centrale. Jamais nous n’avons vu qu’il y ait eu rébellion de la part des communes. Il ne faut donc pas supposer ce qui n’a jamais existé. Je m’oppose de toutes mes forces à ce que l’on introduise dans la loi une disposition qui tend à flétrir l’autorité communale.

Elle est injurieuse pour les administrations communales, en les présentant comme un corps en rébellion constante avec le pouvoir, n’avez-vous donc pas dans le code pénal des dispositions contre ces mêmes cas de rébellion, s’ils se présentaient ? Vous n’avez donc pas besoin de nouvelles dispositions. Je crois, messieurs, que le gouvernement, en appuyant l’amendement de l’honorable M. Pollénus, perd de vue que la présentation des commissaires de police se fait sur liste de candidats par le collège des bourgmestre et échevins et par le conseil de régence.

Dans le collège des bourgmestre et échevins, vous avez vos hommes. Vous avez les droits de nominations, de révocations, enfin toutes les gentillesses établies au premier vote.

Ne venez donc pas mettre absurdités sur absurdités. Quant à moi, je proteste contre un pareil système. Je déclare que si on établit des mesures coercitives de cette nature contre les conseils de régence, vous légitimerez ce qu’on dit des Belges, qu’ils sont ingouvernables, et votre loi aux yeux de tous ne sera plus qu’un grand scandale.

M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Messieurs, je n’abuserai pas de votre attention ; mais voyons un instant si, en admettant l’amendement de l’honorable M. Pollénus, amendement auquel on va proposer quelques modifications, voyons si, comme l’a dit l’honorable préopinant, on garrotterait les administrations communales, si on commettrait un grand scandale.

M. Dumortier, rapporteur. - Je n’ai pas dit qu’on garrotterait les administrations communales.

M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - J’avais cru l’entendre. Voyons alors comment on commettrait un grand scandale. Il faut partir d’un principe. C’est qu’il y aura présentation obligatoire de commissaire de police dans certains cas, c’est que le Roi nommera les commissaires sur présentation des administrations communales. Or, sans qu’il y ait grand scandale, on peut supposer qu’une commune ne présente pas de candidats, qu’elle peut rester en retard dans l’accomplissement de ce fait. Que vous demande-t-on alors ? On vous demande que si des communes, après deux appels successifs, n’ont pas fait de présentation par négligence, il soit délégué dans la loi une autorité chargée de présenter les candidats à sa place.

Cette autorité, c’est la députation des états que l’on vous propose de substituer à l’administration communale, dans le cas où celle-ci, par négligence notoire, aurait omis de présenter des candidats au Roi. C’est dans cette seule hypothèse que ce remplacement s’effectuerait. En tout cela, messieurs, je ne vois pas de scandale, mais bien une simple sanction donnée à la loi. Je vois un moyen de ne pas permettre à une administration communale de fouler aux pieds ce qui a été statué par la législation. C’est, au contraire, le moyen de prévenir un scandale. Il n’y a rien de plus simple.

Si vous conférez aux administrations communales le droit de présenter des candidats, c’est assurément pour qu’elles usent de ce droit. Il est possible, sans que cela prouve en rien que les Belges sont ingouvernables, qu’une commune se refuse à proposer des candidats ; qu’après deux ou trois appels successifs, elle s’y refuse encore ; qu’elle persiste à ne pas remplir son devoir. Que ferez-vous alors ? De deux choses, l’une. Ou vous devez donner sanction à la loi, et pour cela il faut qu’une autorité déléguée remplace l’autorité communale qui résisterait, ou permettre qu’on foule aux pieds les actes émanés de la législation.

Mon honorable collègue, le ministre de la justice, va proposer un sous-amendement, à ce qu’il paraît. Il vous a dit qu’il n’entrait pas dans les vues du gouvernement de défendre qu’un fonctionnaire pût être réintégré dans sa place, quand on verra que l’autorité communale s’est méprise sur son compte, ou quand on aura la certitude que ce fonctionnaire s’est amendé. Il me semble que l’amendement de l’honorable M. Pollénus, ainsi modifié, est une proposition très convenable et très admissible.

M. Dumortier, rapporteur. - M. le ministre des affaires étrangères a sans doute reconnu la difficulté qu’il y avait de répondre aux arguments que j’avais posés, puisqu’il a dénaturé ce que j’avais dit. J’ai dit qu’en accumulant des mesures coercitives contre les administrations communales, en les exposant ainsi à l’animadversion du pays, on courait le risque de faire considérer la loi comme un grand scandale. Voilà quel a été le sens de mes paroles.

On vient toujours raisonner sur des possibilités. On dit qu’il est possible qu’une administration vienne méconnaître la loi. Mais, encore une fois, on ne fait pas des lois pour des possibilités. N’avez-vous pas tous les moyens de faire rentrer les administrations communales dans le devoir dont elles se seraient écartées ? N’avez-vous pas le droit de destitution pour les bourgmestre et échevins, sans avoir besoin d’en rendre aucun compte ? Pouvez-vous supposer que vos serviles agents se refuseront de présenter une liste de candidats, quand ils s’y sauront obligés ?

On n’ignore pas, messieurs, que lorsque le gouvernement, dans la disposition de la loi du 28 pluviôse an VIII, voulut imposer des commissaires de police aux communes, beaucoup d’entre elles résistèrent, parce que, dirent-elles, elles ne voulaient pas chez elles d’espions. Il faut que ce soit une cause réelle que celle que mettaient en avant les communes, puisque le gouvernement apporte tant dans d’insistance dans sa proposition. Mais, messieurs, voyons ce qui existait sous le roi Guillaume. Je vous citerai l’article 96 du règlement des villes ; il est ainsi conçu :

« Au collège des bourgmestre et échevins est attribuée par continuation la faculté de présenter, en cas de vacance, des candidats au Roi pour la place de commissaire de police existante déjà dans la ville, ou qui pourrait y être créée par la suite, etc. » Ainsi, messieurs, voici les règlements des villes qui autorisent les conseils de présenter des candidats et ne stipulent rien s’ils s’y refusent. Que dit ensuite le règlement du plat pays ? « Art. 72. Lorsque la place de commissaire de police de la commune, là où cet emploi existe ou pourra être établi par la suite par le Roi, vient à vaquer, le bourgmestre et les assesseurs sont chargés de présenter à Sa Majesté quelques personnes propres à cet emploi. »

Vous voyez, messieurs, que sous le roi Guillaume, sous un gouvernement avide de despotisme, on n’a pas trouvé nécessaire de mettre une disposition coercitive à l’égard des fonctionnaires dont il s’agit. Et nous serions plus défiants envers eux que ne l’était le gouvernement de Guillaume ? Je ne puis croire qu’après une révolution qui donne des libertés à toute une nation, on puisse sans scandale recourir à des mesures que n’a point mises en usage un gouvernement despotique. Ne montrez pas dans la loi communale une pareille défiance des administrations communales : elles ont toujours montré l’exemple en ce qui concernait l’accomplissement de tous les devoirs ; elles ont toujours concouru à la stricte exécution des lois.

J’allais oublier une réflexion, messieurs. On nous a dit : Si la régence se refuse à présenter des candidats, il faut bien que les états députés en présentent. Puisque vous entrez dans les éventualités, et si les états-députés s’y refusent aussi ? J’entends murmurer autour de moi : eh ! bien, messieurs, si vous prétendez que je viens de dire une absurdité, vous en avez dit une aussi. Rejetez l’amendement, et nous serons quittes. (On rit.)

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Il est vraiment étonnant qu’on vienne comparer les anciens règlements avec le projet que nous discutons, pour tirer de cette comparaison des arguments favorables à la liberté, contre le projet actuel qu’on accuse d’être empreint de despotisme. Il suffit de porter attention aux textes des deux législations, pour se convaincre du contraire.

L’article 72 du règlement du plat pays autorise le Roi à créer des places de commissaire de police dans le plat pays. Le projet que nous discutons ne lui donne pas ce droit. D’après l’article 72 les nominations ont lieu sur présentation faite par le collège des bourgmestre et échevins. Le projet actuel attribue cette présentation au conseil communal. Je ferai de plus observer que ce collège des bourgmestre et échevins n’est pas électif, mais est nommé d’office. Vous voyez si, en comparant les anciens règlements à la loi dont nous nous occupons, on peut en conclure que nous restreignons la liberté des communes. En vertu de la législation existante, il suffit d’un arrêté royal pour créer des places de commissaire de police, et ce sont des agents nommés par le gouvernement qui présentent les candidats pour les remplir.

L’article 96 du règlement des villes confère également au Roi le droit de créer des places de commissaire de police, et c’est aussi le collège des bourgmestre et échevins qui présente les candidats. D’après ce même article, le gouvernement donne aux commissaires de police ses instructions comme il l’entend. Vous voyez donc que la police a toujours été entre les mains du gouvernement.

Ainsi tombent les arguments tirés de la comparaison de l’une et l’autre législation.

J’ai annoncé l’intention de proposer un changement de rédaction à l’amendement présenté par M. Pollénus. Je pense que ce changement satisfera aux observations faites par l’honorable M. Jullien. Voici comment serait rédigée la disposition :

« Si l’administration communale refuse ou reste en défaut de présenter la liste des candidats, pendant 30 jours à partir de celui de la réception, constatée par correspondance, de l’invitation faite par le gouverneur, la liste des candidats est formée par la députation provinciale,

« Si, parmi les candidats, il s’en trouve un ou plusieurs qui aient été révoqués de leurs fonctions de commissaire de police, le gouverneur pourra inviter le conseil à les remplacer sur la liste, dans la quinzaine. A défaut d’y satisfaire, la députation pourra remplacer d’office ces candidats. »

Je crois que ce changement satisfait à toutes les observations.

M. Fallon. - Je crois en effet que l’amendement de M. le ministre de l’intérieur répond aux désirs exprimés par plusieurs membres. Mais il me semble que pour faite cesser l’espèce de bizarrerie qu’il y a à prendre pour les commissaires de police seuls la mesure dont il s’agit, alors que d’autres nominations sont faites sur présentation, on devrait porter à la fin de la loi une disposition qui s’appliquerait à tous les cas où le conseil communal est chargé de présenter une liste de candidats.

Ce serait mieux, ce me semble, que d’accoler cette disposition à l’article relatif aux commissaires de police.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - L’observation de M. Fallon mente d’être examinée. Cependant je ne vois pas pour tous les cas la nécessité de remplacer par la députation le conseil communal pour la présentation de candidats. Quant aux commissaires de police, la nécessité de cette mesure doit être évidente à tous les yeux. Ainsi, on pourrait quant à présent adopter cette disposition, si plus tard on jugeait nécessaire de remplacer mon amendement par une disposition générale, celui-ci tomberait.

M. Fallon. - Je retire ma proposition. On verra ultérieurement s’il n’y a pas lieu de faire une disposition générale.

- L’amendement de M. le ministre de l’intérieur est mis aux voix et adopté.

Article 123 (du projet du gouvernement) et article 123 (du projet de la section centrale)

M. le président. - Nous passons à l’article 123 du gouvernement, 123 de la section centrale.

« Art. 123 du gouvernement. Les inspecteurs et les agents subalternes de la police sont nommés par le collège des bourgmestre et échevins. »

« Proposition de la section centrale. Les inspecteurs et agents subalternes de la police, dont le nombre et la qualité sont déterminés par le conseil, sont nommés, révoqués et suspendus par le collège des bourgmestre et échevins.

M. le ministre déclare se rallier à cet amendement.

M. Jullien. - Messieurs, je crois que cet article est une dérogation formelle à la disposition que vous avez adoptée dans l’article 81 de la loi, qui laisse au conseil de régence la nomination et la révocation de tous les employés de l’administration communale, quels qu’ils soient. Il est vrai que l’article ajoute : « sauf les modifications qui pourront être apportées pas la loi. » Mais y a-t-il ici une raison pour introduire cette modification ? On veut que le collège ait la nomination et la révocation des officiers de police subalterne. Je voudrais bien savoir d’abord ce qu’on entend par officiers de police subalterne.

La qualité de ces agents diffère complètement dans presque toutes les grandes villes du royaume. On s’est déterminé dans la section centrale à proposer cet article, sur des observations faites par la régence de Mons. Il est possible que dans cette localité, après le commissaire de police, il y ait des agents subalternes à qui je ne sais quel nom donner. Mais il est des villes où il se trouve des organisations complètes, telles que l’institution des sergents de police à Bruges, qui sont connus sous le nom de schaed-beletters, ce qui signifie empêcheurs de dommages. Ces hommes-là ont toujours été considérés chez nous comme de véritables agents de police, à ce point que leurs procès-verbaux sont admis devant les tribunaux.

Cette organisation est complète et coûte assez cher à la commune. Elle est placée sous la surveillance du conseil communal qui a la nomination et la révocation des agents qui la composent. Voulez-vous lui retirer ce droit de nomination et de révocation pour l’attribuer au collège des bourgmestre et échevins ?

Je ne vois pas de raison pour déroger à l’article 81 et retirer au conseil communal un droit de nomination et de révocation dont il est en possession ; d’autant plus que cette disposition n’aurait qu’une portée infiniment restreinte pour certaines localités tandis que dans d’autres elle retirerait au conseil une partie de sa surveillance et de son autorité sur la police, sur les véritables acteurs de la police communale.

Je m’opposerai à l’adoption de cet article 123. Je demanderai que la nomination des agents subalternes de la police soit laissée au conseil communal, comme celle des autres employés.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - J’ignore ce qui se passe à Bruges relativement à la nomination des agents subalternes de la police. Cependant j’ai lieu de douter que l’honorable M. Jullien en soit bien instruit lui-même. Car si je consulte le règlement de la régence de Liége qui régit aussi la régence de Bruges, je ne trouve pas dans la liste des agents qui doivent être nommés par le conseil de régence, les agents subalternes de la police communale. Or, d’après ce règlement, tout ce qui n’était pas expressément attribué au conseil était à la nomination du collège des bourgmestre et échevins.

Je crois donc que le préopinant est dans l’erreur, et qu’à Bruges comme ailleurs la nomination des agents subalternes de la police appartient au collège de régence.

M. Jullien. - Il ne serait pas pardonnable que je fusse dans l’erreur sur ce qui se passe à Bruges à cet égard, étant membre du conseil communal. M. le ministre des affaires étrangères, qui a été gouverneur de la Flandre occidentale, doit connaître cette institution des schaed-beletters. Elle est très ancienne. Ces schaed-beletters étaient autrefois les seuls agents de la police municipale sous la surveillance des commissaires de police qui avaient alors des fonctions plus relevées.

Ces agents sont nommés par le conseil communal, et j’ai moi-même assisté plusieurs fois à des nominations de ce genre. Je ne vois pas pourquoi on retirerait le droit de les nommer au conseil communal, qui les paie et qui a un intérêt trop direct à une bonne administration de la police, pour ne pas avoir le choix de ceux qui en seront chargés.

Dans les villes où il n’y a pas de schaed-beletters, vous avez une autre force auxiliaire de la police locale, le corps des pompiers, qui peut être assimilé à une garde municipale, notamment dans les villes d’Ypres et de Courtray. Le conseil communal est toujours intervenu dans l’organisation de ce corps et la nomination de ses membres. Comme je l’ai déjà dit, je ne vois aucune raison pour retirer aux conseils communaux des villes où ces institutions existent, une autorité et des attributions qui étaient tout entières dans l’intérêt d’une bonne police. Il convient, au contraire, de rester dans le droit communal consacré par l’article 81 que vous avez déjà adopté, et par suite, de voter la suppression de l’article 123.

M. Dumortier, rapporteur. - Je ferai remarquer que nous devons d’autant plus supprimer l’article dont il s’agit, qu’il y a dans l’article 81 une disposition spéciale qui autorise le conseil de régence à déléguer au collège les nominations d’employés inférieurs. De sorte que dans les villes où le conseil a senti qu’il était inutile qu’il se chargeât lui-même de certaines nominations, il continuera à déléguer au collège le droit de le faire et dans celles où le conseil exerce lui-même ce droit il continuera à l’exercer. Il n’y a pas de raison pour le lui ôter. Je me réunis donc à l’honorable préopinant pour demander le retranchement de cet article.

- L’article 123 est mis aux voix. Il n’est pas adopté.

Article 126 (du projet du gouvernement) et article 124 (du projet de la section centrale)

M. le président. - « Art. 126 du gouvernement. Tout corps armé de sapeurs-pompiers, de soldats de ville, ou sous quelque dénomination quelconque, ne peut être établi ou organisé que du consentement du conseil municipal et avec l’autorisation du Roi.

« Le Roi nomme les officiers. »

« Article correspondant de la section centrale, n° 124. Tout corps armé de sapeurs-pompiers, soldats de ville, ou sous quelque dénomination que ce soit, ne peut être établi ou organisé que du consentement du conseil municipal et avec l’autorisation du Roi.

« Le Roi nomme les officiers, sur la présentation du conseil. »

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux) déclare ne pas se rallier à la proposition de la section centrale.

M. Dumortier, rapporteur. - Je voudrais que M. le ministre nous fît connaître les motifs pour lesquels il repousse la proposition de la section centrale. Moi, je fais plus que la section centrale : je demande que le conseil nomme ces officiers, car ce sont des agents de la police, des agents communaux ; on ne doit pas enlever leur nomination aux conseils communaux.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je crois qu’en principe la nomination de tout commandant d’une force armée doit appartenir au gouvernement. Vous avez dans la ville de Gand un corps de sapeurs-pompiers assez considérable. Le commandant de ce corps est un officier supérieur qui a toujours été à la nomination du Roi. Je pense qu’il convient de lui maintenir ce droit de nomination.

Pour les grades inférieurs, je ne pense pas que la nomination doive avoir lieu sur présentation faite par la régence, parce que si l’on veut qu’il y ait dans ces corps harmonie, bonne discipline, encouragement, il faut que le commandant puisse présenter pour l’avancement des candidats parmi les hommes qui sont sous son commandement. C’est ainsi que cela se pratique aujourd’hui, et je ne vois aucune nécessité d’y déroger.

M. Dumortier, rapporteur. - M. le ministre dit que l’article du gouvernement consacre ce qui se pratique. Je lui répondrai qu’il fait l’inverse. Il existe à Tournay un corps de volontaires-pompiers dont la régence nomme et révoque les officiers. Le Roi n’y intervient pour rien.

J’ai remarqué depuis la discussion de la loi communale une tendance constante du gouvernement à mettre dans les moindres choses un peu, un tantinet de Roi, par manière d’assaisonnement. (On rit.)

Je ne vois pas la nécessité de faire intervenir le Roi dans les affaires de la commune. Qu’on appelle le Roi quand son intervention est nécessaire, rien de mieux. Mais je m’opposerai à ce qu’on vienne, comme on le fait ici, introduire un petit morceau de Roi partout. (Nouvelle hilarité.)

Je conçois que l’organisation d’un corps armé soit soumise à l’autorisation du Roi ; mais donner au Roi la nomination des officiers de tous ces corps, c’est ce que je ne conçois pas. Où puise-t-on ce droit ? Nulle part. Qui paie les officiers de ces corps ? La ville. Si la ville les paie, elle a le droit de les nommer. D’ailleurs, ces corps font partie de la garde civique, et dans la garde civique, ce n’est pas le Roi qui nomme les officiers, ce sont les citoyens eux-mêmes, du moins jusqu’au grade de capitaine inclusivement.

Voilà des officiers qui aux termes d’une décision ministérielle doivent être nommés par leurs concitoyens ; car je pourrais citer un arrêté ministériel, signé, je crois, de Theux, déclarant que les corps de pompiers font partie de la garde civique ; et maintenant celui-là même qui a rendu cet arrêté vient dire que c’est le Roi qui doit en nommer les officiers. Ce serait non seulement une dérogation à la loi sur la garde civique, mais une violation de la constitution.

Une semblable question doit être écartée. Si le ministre veut que le Roi nomme les officiers supérieurs, je ne crois pas qu’on puisse s’y opposer, parce que dans la garde civique la nomination aux grades au-dessus de celui de capitaine lui appartient.

Mais s’il persiste à étendre sa proposition à tous les grades, la chambre doit la repousser, car elle ne peut l’adopter sans violer la constitution. Si donc le ministre veut faire passer sa disposition, il faut de toute nécessité qu’il la restreigne aux officiers supérieurs.

M. Jullien. - Je partage l’opinion de M. le ministre de l’intérieur. Il ne peut appartenir à aucun corps communal de conférer des grades militaires. On ne peut donner au conseil de régence l’autorisation d’en conférer, sans porter atteinte à la prérogative royale.

Que les conseils communaux, avec l’autorisation du gouvernement, organisent une force pour assurer la police de la commune, rien de mieux ; mais quand il s’agit de donner des épaulettes, un grade militaire, je crois qu’alors il faut de toute nécessité recourir à l’autorité royale, et qu’aucune autorité municipale ne peut réclamer le droit de conférer ces grades.

Cela s’applique également à l’officier supérieur et à l’officier inférieur, car c’est toujours un officier. Si vous accordiez un pareil privilège aux conseils communaux, il en résulterait des conflits entre ces officiers et les officiers des différentes armes.

Si vous voulez rendre respectable le grade de commandant de la force militaire d’une ville, il faut que ce soit le Roi qui le nomme.

Maintenant, cette nomination doit-elle avoir lieu sur la présentation ? C’est ici que commence la difficulté. Si la nomination doit être faite sur la présentation, l’autorité communale pourra présenter le premier venu pour lui faire conférer un grade militaire. On dit : Cela se fait pour la garde civique. Mais dans la garde civique, ces nominations se font en vertu d’une loi. Ce n’est peut-être pas la meilleure chose qu’on ait faite, que de laisser les citoyens se nommer eux-mêmes, car dans beaucoup de communes on n’a pas eu lieu de s’en louer.

Si dans les communes qui le comportent on organisait des forces de la nature de celle dont il s’agit, et qu’on laissât au gouvernement le droit de conférer les grades, ce serait un moyen de récompenser de vieux militaires qui ne pourraient plus servir dans l’armée active, mais qui seraient très propres à être officiers dans ces gardes sédentaires. On aurait ainsi un moyen de plus de reconnaître d’anciens services.

J’appuierai donc sous ce rapport la rédaction du gouvernement.

M. H. Dellafaille. - J’ai demandé la parole pour adresser à l’honorable rapporteur une interpellation sur la portée de l’amendement de la section centrale. Est-il bien entendu que le Roi a le droit de ne pas admettre les présentations ? Car s’il était vinculé dans de sa prérogative, son droit de présentation pourrait devenir illusoire et avoir les plus graves inconvénients. Je m’abstiendrai de faire des citations. Mais si l’honorable rapporteur voulait passer au ministère de l’intérieur, il pourrait voir quelles espèces de présentations on fait quelquefois pour certains grades de la garde civique.

M. Dumortier, rapporteur. - J’ai quelques observations à faire sur l’amendement et sur les observations faites par l’honorable M. Jullien. D’après cet honorable membre le gouvernement aurait la nomination des officiers des corps de pompiers, parce que le Roi a seul le droit de nommer et de révoquer les officiers.

Il suffit d’énoncer un pareil fait pour faire voir combien il est inexact. Car, qui nomme les officiers de la garde civique ? Ce sont les citoyens eux-mêmes, jusqu’au grade de capitaine inclusivement. Et le congrès, en établissant cette prérogative en faveur des gardes civiques, n’a pas porté atteinte aux prérogatives royales. Si le pouvoir royal est investi du droit de nommer les officiers de l’armée, c’est parce que ce droit lui a été conféré par le congrès ; mais il n’est pas de l’essence du pouvoir royal d’avoir droit de nomination partout.

Messieurs, j’ai déclaré tout à l’heure que, d’après la législation actuelle, le Roi avait la nomination des officiers supérieurs des corps de soldats de ville. Je vous ai fait connaître ce qui se passe à Tournay à l’égard du corps des pompiers. Je vous ferai voir ce qui se passe à Mons. Je lis dans le cahier que la régence de cette ville a envoyé à la chambre :

« Nous admettons le principe de l’approbation royale pour toute organisation de corps armés dans la commune. Mais le droit d’en nommer les officiers ne paraît pas être la conséquence de ce principe… L’autorité municipale donne assez de garantie pour ne pas être dépouillée du droit de nommer les officiers de corps purement municipaux. »

Vous voyez donc, messieurs, que la régence de Mons pense que les communes ne doivent pas être dépouillées du droit de nommer les officiers des corps municipaux ; ce droit leur est acquis par la législation actuelle. D’ailleurs la loi dit formellement que dans la garde civique les titulaires de tous les grades jusqu’à celui de capitaine inclusivement sont nommés par les membres mêmes de la garde civique ; de plus il y a une disposition formelle qui établit que les corps désignés dans l’article en discussion font partie de la garde civique. Ce serait donc déroger à la fois à cette disposition et à la constitution que d’attribuer ces nominations au pouvoir royal. Je ne crois pas que l’intention de la chambre soit de violer la constitution.

M. le ministre de l'intérieur se souviendra de la disposition que je cite. Elle est signée de Theux. Je propose donc que dans le cas dont il s’agit, on ne laisse au pouvoir royal que la nomination des officiers supérieurs.

M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Ainsi, pour ne pas violer la constitution, d’après l’opinion de M. Dumortier, et pour rester dans les termes de l’exemple cité par M. Jullien, il résulterait nécessairement que les officiers des schaede-beletters devraient être nommés par les schaede-beletters eux-mêmes. (Hilarité.)

M. Dumortier, rapporteur. - Je ne sais ce que c’est que des schaede-beletters. Tout ce que je demande c’est que la nomination des officiers des corps de pompiers non salariés soit soumise à la législation de la garde civique dont ils font partie.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je n’ai pas assez présente à la mémoire la disposition rappelée par M. Dumortier, ni ne me souviens dans quel sens cette disposition a été portée. Mais je ne crois pas que ce soit dans le sens que cet honorable membre lui attribue. S’il était vrai d’ailleurs que les corps dont il parle fassent partie de la garde civique, la marche du gouvernement est tracée par la loi ; il ne peut s'en écarter. Il ne s’agit dans l’article en discussion que d’autres cas qu’il faut prévoir.

M. Dumortier, rapporteur. - Je proposerai, dans ce cas, à l’assemblée un sous-amendement qui consistera à introduire les mots de « corps salariés » dans l’article 121.

M. Van Hoobrouck. - Je demanderai s’il est possible qu’il y ait des corps armés organisés par les administrations communales qui ne soient pas payés sur la caisse locale. Il ne faut pas que les conseils communaux soient déshérités du droit d’intervenir dans la nomination d’officiers dont ils ont la surveillance. Les corps municipaux sont des corps organisés pour le maintien de l’ordre public. Il faut que les officiers qui en font partie aient des connaissances autres que des connaissances militaires. Sans vouloir que le conseil communal ait la nomination directe de ces officiers, je ne veux pas que sa participation soit nulle à cet égard. Je proposerai donc l’amendement suivant :

« Le Roi nomme les officiers sur une liste de cinq candidats présentes par le conseil communal. »

Il me paraît qu’il y a une certaine latitude pour le choix du pouvoir royal et en même temps pour la commune que le choix ne lui sera pas désagréable. Je le répète, je ne veux pas que l’on déshérite les communes du droit d’intervention dans la nomination des officiers des corps qu’elles ont organisées et qu’elles paient de leurs propres fonds.

M. Dumortier, rapporteur. - Voici mon amendement. Je ferai remarquer qu’il rend parfaitement les intentions de la section centrale. Voici ce que dit la section centrale ; après avoir proposé comme modification à l’article du gouvernement, que le Roi nomme les officiers des corps organisés par les villes sur la présentation du collège communal, elle ajoute :

« La section centrale croit devoir rappeler qu’il ne s’agit pas ici des corps armés, non salariés par la ville ; ceux-ci rentrant dans les dispositions générales de la loi sur les gardes civiques, la nomination de leurs officiers doit avoir lieu conformément à la constitution et aux lois qui régissent cette institution. »

C’est pour qu’il n’y ait aucun doute à cet égard et parce que les motifs du rapport de la section centrale ne font pas partie de la loi, que je propose de dire :

« Tout corps armé de sapeurs pompiers, soldats de ville, ou sous quelque dénomination que ce soit, salarié par la commune, ne peut être établi, etc. »

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Il résulterait de l’amendement de l’honorable M. Dumortier que les communes pourraient organiser autant de corps armés qu’elles voudraient, pourvu qu’ils ne fussent pas salariés par elles. Il me semble, messieurs, qu’il ne faut pas perdre de vue que la loi sur la garde civique règle tout ce qui est considéré comme faisant partie de la garde civique, et que la loi sur l’organisation communale s’occupe des corps armés spécialement affectés au service des villes, qui n’en font pas partie.

Renvoyons donc à la loi d’organisation de la garde civique les dispositions relatives aux corps de volontaires non salariés. Mais ne confondons pas les deux lois.

M. Dumortier, rapporteur. - Si mon amendement n’est pas bien placé à l’article 124, comme je suis tenté de le croire depuis les observations de M. le ministre de l’intérieur, je consens volontiers à le retirer.

M. Gendebien. - Messieurs, je ne comprends pas en vérité quel grave inconvénient il y aurait à laisser aux conseils communaux la nomination de officiers des corps de pompiers. Comment ! les administrés, les simples citoyens, ont le droit de nommer les officiers de la garde civique, et les élus de ces citoyens ne pourraient nommer les officiers des corps de pompiers. Je ne sais jusqu’où ira la terreur qu’a le gouvernement du peuple et des institutions populaires.

Les officiers de pompiers font partie d’un corps affecté à la police locale, à la sûreté de la commune. L’on veut soustraire leur nomination aux communes, parce qu’on craint que les communes n’en abusent. En vérité, il faut avoir la conscience bien bourrelée pour voir des ennemis partout. Comme moi, je n’attache pas à la chose une aussi grande importance que semble y mettre le gouvernement, je me rallierai à l’amendement de M. Van Hoobrouck de Fiennes, avec cette réserve cependant que je demande la réduction du nombre de 5 candidats à trois. Il est plus facile de désigner trois hommes capables que cinq. Si l’on présente cinq candidats, il pourra s’en trouver trois tout à fait inadmissibles. C’est donc en réalité pour ne pas restreindre le choix du gouvernement que je modifie l’amendement de M. van Hoobrouck de Fiennes.

M. Jullien. - Messieurs, lorsque j’ai dit, en émettant la première fois mon opinion sur cette question, que si on donnait tout pouvoir de nomination des officiers de pompiers à l’autorité municipale, il me semblait que l’on portait atteinte à la prérogative royale, j’ai entendu le cas où l’administration pourrait conférer des grades tels que ceux de capitaine, de colonel. S’il en est ainsi, je persiste à dire qu’il serait préférable que la prérogative royale seule conférât ces grades. Car si vous considérez ces officiers comme des sergents de police, si ce sont de simples fonctionnaires dans ce genre, leur donnerez-vous des épaulettes ? Les assimilerez-vous aux autres officiers ? Mais vous les mettrez alors en conflit avec tous les officiers de l’armée, qui ne voudront pas les reconnaître pour leurs égaux. Si vous voulez que les officiers de pompiers soient de vrais officiers, laissez-en la nomination au Roi.

L’honorable M. Van Hoobrouck de Fiennes, qui demande en ce moment la parole, ne s’aperçoit sans doute pas que je suis de son opinion, car je pense qu’il veut aussi déférer la nomination au Roi. Quant à la présentation, je suis d’avis avec les honorables MM. Gendebien et Van Hoobrouck qu’il faut la laisser au conseil municipal. Ma raison est celle-ci :

C’est que ces places pourront très bien convenir à d’anciens officiers capables encore de rendre de véritables services, et connus dans ces communes où ils se seront retirés ; tandis que si vous laissez la nomination au Roi, sans présentation du conseil communal, on s’expose à ce qu’il y soit envoyé des officiers étrangers, peu au fait des localités et des usages de la commune où ils arrivent. Ces inconvénients, je le répète, ne seront pas à craindre quand la présentation aura été faite par le conseil communal, qui ne mettra sur la liste des candidats que des officiers à lui connus, qui auront vécu longtemps dans le sein de la commune. C’est en revenant sur ma première opinion que je voterai pour l’amendement de l’honorable M. Van Hoobrouck de Fiennes.

M. le président donne une seconde lecture du sous-amendement de M. Van Hoobrouck de Fiennes.

- Il est rejeté. On passe ensuite à l’amendement de la section centrale, qui est également rejeté.

M. le président. - Je vais mettre aux voix l’article 126 du gouvernement ainsi conçu :

« Art. 126. Tout corps armé de sapeurs-pompiers, de soldats de ville, ou sous une autre dénomination quelconque, ne peut être établi ou organisé que du consentement du conseil communal et avec l’autorisation du Roi.

« Le Roi nomme les officiers. »

- L’article 126 est adopté.

Rapport de la section centrale sur plusieurs amendements

M. Dumortier, rapporteur. de la section centrale, monte à la tribune pour faire un rapport sur les amendements présentés hier par MM. les ministres de l’intérieur, des affaires étrangères, et M. Gendebien. (Moniteur belge n°356, du 22 décembre 1834) - Vous avez renvoyé à l’examen de la section centrale, messieurs, trois amendements relatifs aux commissaires de police, présentés hier par l’honorable M. Gendebien et M. le ministre des affaires étrangères.

Celui de l’honorable M. Gendebien qui s’éloigne le plus du projet de la section centrale était ainsi conçu :

« Dans les communes de 5,000 habitants et au-dessus, il peut être créé par le Roi, du consentement du conseil communal, une ou plusieurs places de commissaire de police. »

Vous le voyez, messieurs, dans cet amendement on laisse à la commune le soin de voir s’il convient de créer des commissariats de police.

L’amendement de M. le ministre des affaires étrangères stipule quelles seraient les communes où il fallait des commissaire de police, en quel nombre ils seraient établis, et indépendamment de cela il donne au Roi la faculté de créer des commissariats dans celles de ces localités où il n’en existe pas aujourd’hui, même sans le consentement du conseil communal.

Enfin celui de M. le ministre de l’intérieur s’exprime en ces termes :

« Lorsqu’il y a dans une commune plusieurs commissaires de police, le Roi peut désigner celui d’entre eux auquel les autres sont subordonnés dans l’exercice de leurs fonctions. »

Dans le sein de la section centrale on a examiné d’abord l’amendement de l’honorable M. Gendebien comme celui qui s’éloigne le plus du projet primitif du gouvernement. La section centrale a pensé que cet amendement avait pour but de remettre en question tout ce qui avait été décidé déjà. Elle a cru qu’il ne fallait pas laisser aux administrations communales la trop libre faculté que lui concédait cet amendement, attendu qu’il est des localités où l’existence de commissaire de police est indispensable pour la sûreté publique. Elle a donc écarté cet amendement comme remettant en question ce qui existe aujourd’hui.

Vient ensuite l’amendement de M. le ministre des affaires étrangères. Ici se présente la question de savoir s’il convient de fixer dans la loi le nombre des commissaires de police dans chaque commune, ou s’il convient de continuer un fait aujourd’hui existant et de n’y pouvoir apporter de modifications que par le concours des conseils de régence et du Roi.

Le nombre des commissaires de police est établi par la loi du 28 pluviôse an VIII. L’article 12 stipule que, dans toutes les villes de 5,000 à 20,000 âmes, il y aura un commissaire de police, deux quand la population sera de 20,000 à 30,000, ainsi de suite par dix mille habitants de plus.

Remarquez, messieurs, que la loi ne stipule que pour les villes et ne dit rien pour les communes rurales. Cependant l’extension de cette loi a été donnée aux communes rurales. Quand on voulut mettre cet article à exécution, il éprouva de la résistance. Certaines communes même s’y refusèrent avec obstination. Celles-là, ayant peu de ressources, peu d’argent, ne voulaient pas d’un agent dont elles ne reconnaissaient pas l’indispensable nécessité.

On a cité, à cet égard, des faits desquels il résulte qu’une règle absolue pourrait grever inutilement la commune. Telle est la ville de Tongres, dans laquelle il n’y a pas de commissaire de police, quoique la population soit supérieure à 5,000 habitants. Or, dans cette ville il y a déjà un procureur du Roi, deux substituts, un juge de paix, officiers de police judiciaire, un bourgmestre et deux échevins, et des gardes champêtres aussi agents de police judiciaire.

On a demandé si en présence de tant d’agents de la police judiciaire, il était nécessaire d’imposer la charge d’un commissaire de police à une commune qui n’a pas de grands moyens, tandis que l’état des routes des chemins vicinaux réclame des dépenses indispensables, et qu’il est une foule d’objets qui présentent un meilleur emploi des deniers communaux. D’après cela, nous avons reconnu, messieurs, qu’il n’était pas nécessaire de prendre une règle absolue. On a encore cité la ville de Tournay qui a 29,500 habitants et seulement deux commissariats de police.

Si la population de cette ville vient à augmenter et arrive au chiffre de 30,001 habitants, le gouvernement serait donc en droit de nommer un troisième commissaire de police, nomination dont personne ne reconnaît la nécessité, puisque là naguère, l’administration locale a pensé que si l’on réduisait le nombre actuel des commissaires de police, le service serait mieux fait. D’un autre côté, si après la nomination de ce troisième commissaire de police, la population vient à décroître et descend au-dessous du chiffre de 30,000, il y aurait lieu à la suppression d’une place de commissaire de police. Vous voyez donc que ce système donnerait lieu à une foule de vicissitudes contraires au bien-être du service, et qu’ainsi il n’est pas admissible. Par ces considérations, la section centrale pense que la chambre doit maintenir sa rédaction primitive.

J’aurai l’honneur de faire remarquer que le système du projet de la section centrale diffère essentiellement de celui de la loi du 28 pluviôse an VIII ; cette loi consacrait une règle comme obligatoire, sans qu’on pût y déroger. La section centrale au contraire s’écarte de cette règle ; au lieu de la rendre obligatoire elle établit qu’il sera facultatif d’y déroger. Elle considère d’abord le nombre existant des commissaires de police comme un fait consommé qu’elle maintient ; et pour qu’il soit créé de nouvelles places de commissaire de police elle exige le consentement de la commune et du gouvernement.

Je ferai d’ailleurs observer que la rédaction de l’article telle que la désire M. le ministre des affaires étrangères serait, sinon impossible, au moins très difficile. Cependant,tout en maintenant le paragraphe premier du projet de la section centrale, on pourrait y apporter une légère modification ; on pourrait stipuler plus clairement que les places actuelles sont conservées et dire : « les places de commissaire de police actuellement existantes sont conservées, etc. » Dès lors il n’y aurait plus aucun doute sur la conservation des places actuellement existantes.

D’un autre côté, pour satisfaire au désir de M. le ministre affaires étrangères, la majorité de la section centrale a également modifié la deuxième partie du même paragraphe. Il était ainsi conçu : « Elles ne peuvent être supprimées qu’avec l’autorisation du roi. » Cette rédaction semblait indiquer que le conseil communal pouvait demander la suppression d’une place de commissaire de police ; la section centrale propose de dire : « Elles ne peuvent être supprimées que par le roi. » D’après cette rédaction nouvelle, la commune ne pourra plus demander la suppression d’une place de commissaire de police ; le gouvernement seul aura à cet égard l’initiative. Cette rédaction a été admise par la majorité de la section centrale ; M. le ministre des affaires étrangères s’y est rallié.

Maintenant vient l’article nouveau présenté par M. le ministre de l'intérieur ; il est ainsi conçu : « Lorsqu’il y a dans une commune plusieurs commissaires de police, le Roi peut désigner celui d’entre eux auquel les autres sont subordonnés dans l’exercice de leurs fonctions. » Au premier abord cet amendement avait paru aux membres de la section centrale de nature à rappeler l’existence des anciens directeurs de police, dont le nom est devenu odieux par les vives réclamations auxquelles ces agents ont donné lieu dans le pays à l’époque de la révolution.

Néanmoins, la majorité de la section centrale a reconnu qu’il pouvait être très utile de consacrer dans la loi la faculté de désigner l’un des commissaires de police d’une commune comme au-dessus des autres. Mais elle a repoussé le système qui tendrait à faire nommer ce commissaire en chef par le Roi.

La section centrale a donc cru ne pouvoir accorder au gouvernement la faculté de désigner celui des commissaires de police qui serait supérieur aux autres ; elle a jugé que, puisque le gouvernement ne procédait pas seul à la nomination des commissaires de police, il ne devait pas non plus nommer à lui seul le commissaire supérieur de police. Suivant elles, c’est le collège des bourgmestre et échevins qui doit avoir la faculté de désigner un commissaire en chef lorsqu’il le croirait utile. Mais ce choix doit être subordonné à l’autorisation du Roi. En conséquence, la section centrale propose la rédaction suivante :

« Lorsqu’il y a dans une commune plusieurs commissaires de police, le collège de bourgmestre et échevins peut désigner, sous l’approbation du Roi, celui d’entre eux auquel les autres sont subordonnés dans l’exercice de leurs fonctions. »

Vous remarquez, messieurs, que cette disposition n’est pas obligatoire, qu’elle est purement facultative. Si le collège des bourgmestre et échevins ne trouve pas qu’il soit utile pour la commune d’avoir un commissaire en chef, il n’en proposera pas au Roi. Si au contraire elle le trouve utile, elle pourra en désigner un et cette nomination sera soumise à l’approbation du Roi.

Ainsi nous écartons les craintes que l’amendement de M. le ministre de l'intérieur avait faire naître de voir rétablir sous un autre nom les directions de police odieuses à tout le pays.

M. Gendebien. - Je prie la chambre de vouloir bien ajourner la discussion du rapport que vient de présenter l’honorable M. Dumortier. J’avoue que si elle avait lieu maintenant, il ne me serait pas possible d’y prendre part, n’ayant pas cessé de travailler depuis 7 heures du matin, ayant notamment passé 3 heures dans le conseil communal à prendre part à la délibération sur le budget de la ville. Je ne crois pas qu’il y ait d’inconvénient à ce que cette discussion soit ajournée.

M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Je ne m’oppose pas à ce que la discussion soit remise. Mais je déclare que si j’ai retiré mon amendement, ce n’est pas parce que la nouvelle rédaction de la section centrale rend mieux que la première l’idée que je désirerais faire prévaloir, mais parce que j’étais convaincu qu’il n’y avait pas moyen de faire adopter à la section centrale dans sa réunion d’hier le principe que j’avais proposé.

- La chambre ajourne la discussion du rapport de la section centrale ; elle passe à la discussion de l’article 127 du projet du gouvernement correspondant à l’art. 125 du projet de la section centrale.

Article 127 (du projet du gouvernement) et article 125 (du projet de la section centrale)

M. le président. - « Art. 127 (du projet du gouvernement). Les gardes champêtres sont soumis par le gouvernement parmi les candidats présentés par le collège des bourgmestre et échevins.

« Le gouverneur les révoque ou les suspend de leurs fonctions, s’il y a lieu. »

« Art. 125 (du projet de la section centrale.) Les gardes champêtres sont nommés par le gouverneur sur une liste double de candidats présentés par le conseil.

« Le gouverneur les révoque ou les suspend de leurs fonctions, s’il y a lieu.

« Le conseil communal peut également les révoquer et les suspendre. »

M. le président. - M. le ministre de l’intérieur se rallie- t-il au projet de la section centrale ?

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Non, M. le président.

M. Dumortier, rapporteur. - Je prierai alors M. le ministre de vouloir bien dire pourquoi il ne se rallie pas. Comment chaque citoyen a le droit de nommer un garde champêtre ! et vous refuseriez à la commune le droit d’intervenir dans la nomination de ces agents. Je demande s’il y a là justice.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je ferai remarquer d’abord qu’il y a une sorte de contradiction entre les divers paragraphes de l’article de la section centrale. En effet, je trouve dans le premier : « Les gardes champêtres sont nommés par le gouverneur sur une liste double de candidats présentés par le conseil. » Dans le deuxième le gouvernement les révoque ou les suspend de leurs fonctions s’il y a lieu. » Enfin dans le troisième : « Le conseil communal peut également les révoquer et les suspendre. » Je ne vois pas réellement plus à quoi sert la nomination du gouverneur du moment que le conseil communal peut révoquer. Il y a là véritable contradiction.

Le dernier paragraphe offre un autre inconvénient : ainsi, dans une commune un garde champêtre fera son devoir ; mais dans l’exercice de ses devoirs il vient à déplaire à quelques membres du conseil, en constatant une contravention aux règlements sur la chasse ou toute autre. Voilà un individu qui peut devenir victime de son zèle, être révoqué on suspendu. Je crois que le droit de révocation et de suspension doit appartenir au gouverneur, si l’on veut que le garde-champêtre soit indépendant dans l’exercice de ses fonctions.

Si un garde champêtre se conduit mal, le conseil communal adressera sa plainte au gouverneur et lui demandera la suspension ou la révocation de cet agent. Mais il serait, je crois, fâcheux qu’il fût dans la dépendance absolue de l’autorité locale.

M. H. Dellafaille. - Je crois en ce qui concerne le premier paragraphe de l’article en discussion que la proposition du gouvernement qui donne au collège des bourgmestre et échevins le droit de présenter des candidats pour la place de garde-champêtre est préférable à celle de la section centrale qui donne ce même droit au conseil communal.

Il y a dans mon opinion, deux choses nécessaires à un garde champêtre : la première qu’il soit étranger à la commune, afin qu’il ne soit pas gêné dans l’exercice de ses fonctions par des liens de parenté ; la deuxième qu’il ait servi, parce que ses fonctions exigent une exactitude, une fermeté que l’on ne trouve guère que chez ceux qui ont été au service.

Le collège qui s’occupe spécialement de la police de la commune me paraît plus propre à choisir les candidats, à juger s’ils remplissent les conditions nécessaires, que ne le serait le conseil communal qui ne s’assemble qu’à de longs intervalles, qui ne connaît la police que par les règlements qu’il fait, mais qui ne la connaît pas dans son application. Je crois que si le conseil présentait les candidats, les relations de parenté et d’amitié pourraient prévaloir sur les intérêts de la commune et qu’en définitive ce serait peut-être l’homme le moins propre à ce service qui serait nommé. J’insiste donc pour que la présentation soit faite par le collège des bourgmestre et échevins.

En ce qui concerne le droit de révocation et surtout le droit de suspension, je ne partage pas tout à fait l’avis de M. le ministre de l’intérieur. Je ne vois pas l’inconvénient qu’il peut y avoir à ce que ce droit appartienne à la commune. Si un garde champêtre doit être indépendant dans de ses fonctions, s’il ne faut pas non plus qu’il soit totalement indépendant du conseil communal. Je ne puis croire que la commune suspende ou destitue légèrement l’un de ces fonctionnaires, qu’elle compromette légèrement leur existence. Je demande donc que la chambre adopte le dernier paragraphe de la section centrale et qu’elle maintienne le premier paragraphe de l’article du projet du gouvernement.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je vois que l’honorable préopinant et moi sommes à peu près d’accord. Il suffira de modifier le dernier paragraphe de l’article de la section centrale et de le rédiger ainsi : « Le conseil communal peut également les suspendre pour un terme de 15 jours. » Mais il est inadmissible que la commune ait le droit de révoquer un garde-champêtre nommé par le gouverneur, ce serait détruire le droit de nomination accordée au gouverneur.

La disposition rédigée ainsi que je le propose, mettra d’ailleurs de l’harmonie dans la loi ; elle accordera au conseil relativement aux gardes champêtres la même faculté que lui donne relativement aux commissaire de police un article précédemment adopté.

M. Gendebien. - J’admire la persistance avec laquelle le gouvernement poursuit son système et vient l’appliquer aux fonctions les plus infimes. M. le ministre de l’intérieur trouve maintenant des contradictions dans la proposition de la section centrale. Je laisse aux membres de la section centrale le soin de se justifier à cet égard ; mais pour moi, je ne vois aucunement ces contradictions ; je trouverais plutôt de la contradiction dans les paroles du ministre. Il faut, dit-il, que les gardes champêtres soient indépendants, qu’ils jouissent de la plus grande indépendance ; sans cela, ils ne feront pas leur devoir. Ainsi il n’y aura plus que les gardes champêtres qui soient indépendants. L’administration communale n’aura même pas la faculté de les nommer pour que leur indépendance soit mieux garantie.

Le gouverneur nomme, dites-vous ; donc le conseil ne peut révoquer. Si le gouverneur nommait à lui tout seul, à la bonne heure ; votre système alors serait admissible. Mais, comme le ministre reconnaît qu’il est à peu près d’accord avec M. Dellafaille et que d’après les deux projets, l’administration nomme sur la présentation de deux candidats par le conseil ou le collège, je dis qu’il y a plutôt contradiction de la part du ministre que de la part de la section centrale.

La commune présente deux candidats, et c’est le gouverneur qui choisit. Si le garde champêtre, une fois nommé, ne remplit pas bien ses fonctions, la commune le destitue et présente une nouvelle liste de candidats au gouverneur qui use encore sa prérogative, et nomme un nouveau garde champêtre. En vérité, messieurs, la chose ne mérite pas d’être discutée. Pour moi, je ne comprends pas pourquoi le conseil communal ne pourrait ni nommer ni révoquer les gardes champêtres. Je ne comprends pas à plus forte raison pourquoi, après la présentation des deux candidats au gouverneur qui nommerait le garde champêtre, le conseil communal ne pourrait plus exercer son droit de présentation. J’appuie la rédaction de la section centrale.

En vérité, l’on demande pour les gardes champêtres plus d’indépendance que pour tous les fonctionnaires, quels qu’ils soient, de la commune et de la province.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - L’honorable M. Dellafaille a soutenu comme moi la rédaction du premier paragraphe de l’article du projet du gouvernement. Le deuxième paragraphe du projet du gouvernement est adopté par la section centrale. Enfin la section centrale ajoute un troisième paragraphe ainsi conçu : « Le conseil communal peut également les révoquer et les suspendre. » Je pense encore que l’on ne saurait admettre que le gouverneur nomme et que le conseil communal ait le droit de révoquer.

Pour maintenir l’harmonie dans la loi en accordant au collège les mêmes droits sur les gardes champêtres que sur les commissaires de police, et aussi par les motifs que j’ai indiqués de l’indépendance dont les gardes champêtres doivent jouir dans l’exercice de leurs fonctions, je pense que le conseil communal ne doit avoir que le droit de suspendre pour un terme déterminé. J’ai en conséquence proposé de modifier la rédaction de la section centrale en disant : « Le conseil communal peut également les suspendre pour un terme de 15 jours. »

M. Dumortier, rapporteur. - Je me vois forcé de combattre la proposition de M. le ministre de l’intérieur. Je regrette de voir M. le ministre persister dans la défense d’un projet que toute la chambre avait désapprouvé. Je regrette que l’on oublie à chaque instant et dans les plus petites choses que nous avons fait une révolution.

Quand un citoyen veut avoir un garde champêtre, il lui met un habit sur le dos et voilà un garde champêtre nommé. Le gouvernement n’entre pour rien dans sa nomination.

- Plusieurs voix. - Pardon, vous êtes dans l’erreur.

M. Dumortier, rapporteur. - Le gouvernement n’intervient en rien dans la nomination des gardes champêtres particuliers.

M. Gendebien. - S’il y a intervention, c’est de la part de l’autorité locale.

M. Dumortier, rapporteur. - Ainsi il faut qu’il y ait intervention de la part de l’autorité locale et nullement du gouvernement. Eh bien, n’est-ce pas une chose étrange de voir qu’ici M. le ministre de l’intérieur vient prétendre qu’au gouvernement appartient la nomination des gardes champêtres, sans que les conseils de régence aient le droit de les suspendre ou révoquer, dans le cas où ils auraient été infidèles à leur devoir.

Je vois que l’on veut étendre sans aucune raison les attributions du pouvoir royal aux dépens des droits de l’autorité communale. Je le regrette pour mon pays : mais je suis forcé de le dire ; la loi d’organisation communale que nous discutons, nous représentants d’une nation où les institutions communales ont pris naissance pour servir de modèle à toutes les autres nations, est infiniment moins libérale que celle qui a été votée par la chambre des députés de France. J’en fournirai la preuve. Elle est moins libérale que le projet présenté par le gouvernement français à cette assemblée, et certes en matière d’instructions communales on ne prétendra pas que la France fût aussi avancée que nous à la révolution de juillet. Je lis dans la loi française :

« Le conseil municipal délibère (vous savez que dans la loi française la délibération porte le sens de décision) délibère sur, etc., sur la nomination et la révocation des gardes champêtres, gardes des bois communaux et pâtres. »

Ainsi toute nomination et révocation des gardes champêtres est attribué par la loi française au conseil municipal par la proposition même du gouvernement, et cette nomination, cette révocation se forme sans l’intervention du pouvoir central. Voilà donc le gouvernement français lui-même qui reconnaît ce droit au pouvoir municipal et c’est après des révolutions de septembre et de juillet que l’on vient en Belgique nous demander de conférer au pouvoir royal la nomination et la révocation des gardes champêtres, alors que le premier particulier a le pouvoir que l’on refuse à la commune.

Je regrette, je le répète, que M. le ministre de l’intérieur vienne soutenir dans les articles les moins importants, dans les attributions des fonctionnaires de l’ordre le moins élevé un projet qui dès sa présentation avait été désapprouvé hautement par la chambre. J’aurais désiré qu’on nous eût présenté dans la loi belge d’organisation communale des dispositions au moins semblables à celles qu’avait cru devoir adopter le gouvernement français.

Mon honorable collègue, M. Dellafaille, soutient la proposition du gouvernement. Suivant lui, il faudrait que le collège des bourgmestre et échevins présentât une liste de candidats au gouverneur provincial. Je refuse la participation du conseil dans la nomination de ces agents de la commune. Si la chambre juge convenable d’accorder la nomination des gardes champêtres au gouverneur, au moins persisté-je à demander que la présentation se fasse par le conseil communal.

On a objecté l’influence de la parenté dans le conseil. Si le népotisme peut trouver accès c’est bien plutôt dans un collège composé de trois membres, et non dans un conseil où se trouvent 20 à 30 membres. Dans une assemblée délibérante un peu nombreuse, les liens de parenté se réduisent à peu de chose. Mais dans un collège les considérations de parenté, et plus souvent de servilité, sont toutes puissantes. On a vu dans tels villages des seigneurs imposer à la commune leurs propres gardes champêtres.

M. Seron. - C’est très vrai.

M. Dumortier, rapporteur. - Il ne faut pas qu’un pareil abus se renouvelle. Je persiste donc à demander la présentation des candidats par le conseil, si vous maintenez la nomination par le gouverneur.

Quant à ce qui est de la révocation et de la suspension des gardes champêtres, je ne saisis pas bien toutes les contradictions que M. le ministre de l’intérieur signale. Tout ce que nous faisons ne sont que des concessions que nous accordons au gouvernement. En principe quel droit le gouvernement a-t-il de nommer des agents purement communaux ? La constitution abandonne aux communes tout ce qui est d’intérêt communal. Un garde champêtre est bien un fonctionnaire communal. Ce n’est que par exception, par modification, que nous donnons au gouvernement une intervention dans les affaires communales. Si nous accordons quelque chose, c’est que nous le voulons bien. Il n’y a pas d’inconvénient à dire que le conseil aura le droit de suspendre ou de révoquer un garde champêtre infidèle à ses devoirs.

Aussi pour être conséquent avec les principes que je viens d’exposer, je déclare que si quelque membre propose la nomination des gardes champêtres par le conseil, je m’empresserai de me rallier à son amendement, parce que je le regarderai comme plus constitutionnel que celui de la section centrale.

M. Jullien. - Il est très vrai que les particuliers peuvent se donner des gardes sans l’intervention du gouvernement ; la seule formalité à laquelle ceux-ci soient astreints, c’est de prêter serment devant les tribunaux. Cette formalité a pour but de donner foi aux procès-verbaux qu’ils sont dans le cas de dresser contre les délinquants saisis par eux dans les bois placés sous leur surveillance.

Quant aux gardes champêtres, je ne verrais non plus de raison d’en retirer la nomination au conseil communal, si ce n’était que d’après le code d’instruction criminelle, les gardes champêtres sont placés au dernier degré de la nomenclature des officiers de police judiciaire. Ils doivent donc avoir plus de connaissances que de simples gardes de bois ; sans cela, dans les communes rurales, ils pourraient être choisis sans discernement.

Sous ce rapport, je ne vois pas d’inconvénient à ce que la nomination appartienne au gouvernement, mais évidemment sur la présentation d’une liste double de la commune. On fait encore alors une part très large au gouvernement. Je suis disposé à adopter l’article présenté par la section centrale.

- L’amendement de la section centrale est adopté.

L’article 125 de la section centrale est mis aux voix et est également adopté ; il est ainsi conçu :

« Les gardes champêtres sont nommés par le gouverneur sur une liste double de candidats présentés par le conseil.

« Le gouverneur les révoque ou les suspend de leurs fonctions, s’il y a lieu.

« Le conseil communal peut également les révoquer et les suspendre. »

La séance est levée à 4 heures et demie.