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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 5 mars 1835

(Moniteur belge n°65, du 6 mars 1835)

(Présidence de M. Raikem.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Renesse fait l’appel nominal à une heure et demie.

M. Brixhe donne lecture du procès-verbal de la séance précédente. Il est adopté.

Pièces adressées à la chambre

M. de Renesse fait connaître l’analyse de la pièce suivante envoyée à la chambre.

« Le sieur Binon, chef de bureau au commissariat de district de Soignies, adresse des observations sur la disposition admise dans la loi communale qui établit l’incompatibilité entre les fonctions d’employé aux commissariats de district et celles de secrétaire communal. »


Il est fait hommage à la chambre d’un mémoire abrégé de la vie civile et militaire du major Auger.

Vérification des pouvoirs

Arrondissement d'Audenaerde

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). transmet à la chambre le procès-verbal de la réélection de M. Hippolyte Dellafaille d’Huysse à Audenaerde, comme membre de la chambre des représentants.

On procède par la voie du sort à la nomination de la commission chargée de vérifier les pouvoirs de M. Dellafaille, réélu membre de la chambre des représentants ; elle est composée de MM. Jadot, Legrelle, Polfvliet, Hye-Hoys, Verdussen, Desmanet de Biesme et Zoude

Proposition de loi relative à la classification du tribunal de première instance de Hasselt

Lecture

M. le président. - Une proposition signée de MM. Schaetzen, Olislagers, Vanderheyden, de Longrée, de Renesse et de Stembier, a été déposée sur le bureau. Les sections en ayant autorisé la lecture, j’invite un des signataires de cette proposition à monter à la tribune.

M. Schaetzen. - « Léopold, etc.

« Article unique. Le tribunal de première instance séant à Hasselt est compris dans la troisième classe. »

- L’honorable membre demande à présenter immédiatement les développements de cette proposition. (Nous les donnerons dans un prochain numéro.)

La chambre, consultée, prend la proposition en considération, et en ordonne le renvoi aux sections.

La proposition et les motifs qui l’accompagnent, seront imprimés et distribués.

Demandes en naturalisation

Motion d'ordre

M. Fallon. - La chambre, dans sa séance d’hier, a renvoyé au ministre de la justice différentes demandes en naturalisation dont elle avait ordonné le dépôt au bureau des renseignements. Je ferai observer qu’il existe beaucoup d’autres demandes semblables qui ont été adressées au congrès et qui sont déposées au greffe, qu’il en est aussi qui ont été adressées à la chambre, et qu’on a renvoyées à la commission qui devrait être ultérieurement nommée.

Le but de la décision prise par la chambre ayant été de faire instruire les diverses demandes de naturalisation, afin que le travail soit préparé lorsque nous aurons à nous occuper de la loi sur la matière, je fais la proposition de renvoyer au ministre de la justice, sur l’offre qu’il a faite de les instruire, non seulement les demandes de naturalisation dont la chambre a ordonné le dépôt au bureau des renseignements, mais encore celles qui ont été adressées au congrès et qui sont déposées au greffe, ainsi que celles qui ont été renvoyées à la future commission de naturalisation.

- La proposition de M. Fallon est mise aux voix et adoptée.

Projet de loi relatif à la taxe des barrières

Motions d’ordre

M. le président. - La commission a proposé de faire des divers projets de loi présentés par le gouvernement, une seule loi, divisée en trois titres.

M. le ministre se rallie-t-il à cette proposition ?

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je crois qu’il vaut mieux maintenir la division en trois lois. On est habitué à discuter la matière ainsi divisée ; de cette manière l’examen est plus facile, en ce qu’on peut comparer la loi présentée avec les lois précédentes. D’un autre côté, si plus tard on voulait apporter des modifications à une de ces lois, on ne serait pas obligé de remettre toute cette législation en question. Je pense donc qu’il vaut mieux maintenir l’ordre adopté jusqu’ici.

M. le président. - En conséquence je mettrai successivement les trois projets en discussion.

M. Rogier. - Je demande la parole.

M. Gendebien. - Je la demande pour une motion d’ordre.

M. Rogier. - C’est aussi pour une motion d’ordre que je demande la parole.

Messieurs, je ne pense pas que la chambre se propose de discuter en détail les trois lois formant la législation sur le droit de barrière.

On se rappellera que, l’année dernière, la loi des barrières a été votée en 3 articles. Je pense que nous devrions suivre la même marche cette année. Il est à remarquer que la loi des barrières fait exception à toutes les autres lois d’impôts pour lesquelles on se contente de voter au budget des voies et moyens le revenu présumé. On ne les discute pas séparément. On n’a fait exception à cette règle que pour la loi des barrières ; pendant quatre années, elle a été discutée en détail de telle sorte qu’on peut aujourd’hui la regarder comme assez perfectionnée pour n’avoir guère besoin d’être modifiée. Cependant le gouvernement propose quelques modifications ; on pourra les insérer dans la loi que nous allons voter, comme l’année dernière on a introduit dans la loi très courte qui a été votée les modifications qu’on a crues utiles.

Voici l’amendement que je proposerai de substituer aux dispositions présentées :

« La taxe des barrières continuera d’être perçue à partir du 1er avril 1835, à minuit, conformément aux lois du 18 mars 1832 et du 12 mars 1834, sauf les modifications ci-après… »

On examinera les modifications proposées, et on indiquera celles qu’on aura jugé à propos d’introduire.

De cette manière, nous n’entrerons pas dans la discussion des trois lois, qui me parait inopportune. Ce serait la cinquième fois qu’à l’exception des autres lois de finances on discuterait en détail les trois lois sur les barrières.

M. Gendebien. - Je m’oppose, par motion d’ordre, à ce qu’on discute la loi avant la question de savoir si la loi sur les barrières sera votée pour une année ou pour trois ans. Je demande qu’on s’arrête d’abord à la question si les baux seront de trois ans ou d’une année. En voici la raison :

Si vous maintenez pour une année seulement l’impôt des barrières sur les bases actuellement établies, votre loi pourra passer sans grande discussion, quoiqu’elle soit très défectueuse ; mais si vous voulez voter la loi pour trois ans, elle soulèvera des discussions très graves par la raison que depuis quatre ans on promet une loi définitive sur la matière, et particulièrement sur la classification des routes et sur le nombre des barrières. Or, je vous demande si ce ne serait pas aller en raison inverse du congrès, qui dans sa loi du 6 mars 1831, dont je vais vous citer le texte qui est très sommaire, a promis une nouvelle classification des routes, que de donner à la loi en discussion une durée de trois ans.

Voici ce que porte la loi du 6 mars 1831, au deuxième paragraphe de l’article 3 : « Sont considérées comme grandes communications du royaume les routes portées à la première classe dans les tableaux arrêtés. Une loi déterminera définitivement la classification des routes. »

Eh bien, nous attendons depuis quatre ans cette classification, et si nous adoptions la proposition qui nous est faite, nous nous priverions encore pendant trois ans du droit de cette classification.

Savez-vous sur quel pied est établie la classification actuelle ? Pour le Hainaut, par exemple, il y a mille cinquante-six barrières de première et de deuxième classe, et seulement treize barrières provinciales. Sur mille soixante-neuf barrières, il n’y a que treize barrières provinciales. Je vous demande si c’est là une classification. Vous sentez qu’une classification semblable n’est pas de peu d’importance pour le Hainaut qui fournit les 4/5 ou au moins les 2/3 des bénéfices que l’Etat fait sur les routes.

Je pense, au reste, que la constitution ne vous permet pas d’établir l’impôt de barrière non plus que tous les autres pour plus d’une année. Les articles 110 et 111 de la constitution sont formels.

L’article 110 porte : « Aucun impôt au profit de l’Etat ne peut être établi que par une loi. »

« Art. 111. Les impôts au profit de l’Etat sont votés annuellement.

« Les lois qui les établissent n’ont de force que pour un an, si elles ne sont renouvelées. »

Ainsi, messieurs, vous ne pouvez voter aujourd’hui une loi de finances à laquelle vous donneriez trois années d’existence. La loi que vous voterez finira de plein droit d’avoir ses effets au 31 mars 1836, à moins que vous ne la renouveliez avant cette époque. Elle ne pourra, sans repasser par la législature, continuer à subsister pour 1836, d’autant plus que la promesse et l’obligation de faire avant tout une loi définitive et complète n’a pas été remplie au vœu du décret du congrès du 6 mars 1831.

Ainsi donc je crois que non seulement il y a utilité et bénéfice de temps à ne pas agiter la question de savoir si vous voterez la loi pour trois ans, mais c’est un devoir pour vous de vous abstenir d’examiner s’il y a lieu quant à présent d’autoriser le gouvernement à percevoir le droit sur les barrières pendant trois ans d’après un mode quelconque. Vous ne pouvez pas aborder cette question, la constitution vous en fait la défense formelle : « Les impôts au profit de l’Etat sont votes annuellement. Les lois qui les établissent n’ont de force que pour un an, si elles ne sont renouvelées. »

Il y a là une espèce de pléonasme législatif qui prouve que le congrès a voulu bien nettement établir que dans aucun cas on ne pourrait voter un impôt pour plus d’une année.

Dans tous les cas on ne pourrait pas émettre un vote d’une semblable portée, sans avoir eu au moins le temps d’examiner les lois sur la matière et de prendre des renseignements, ce qu’il n’a été permis à personne de faire.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je ne pense pas qu’on puisse établir par une motion d’ordre que la loi n’aura qu’une année de durée. Si l’honorable M. Gendebien ne veut pas que la loi soit votée pour trois ans, quand nous en serons à la discussion des articles, il pourra présenter un amendement au projet. C’est là la marche que le règlement indique.

En ce qui concerne la question constitutionnelle, l’honorable préopinant est tout à fait dans l’erreur. Toutes les lois de finances ont une durée perpétuelle, et pour satisfaire au texte de l’article 111 de la constitution, il suffit de porter tous les ans au budget des voies et moyens les impôts à percevoir, et d’indiquer les lois et dispositions en vertu desquelles les impôts seront perçus.

C’est ainsi qu’on satisfait à l’article 111 de la constitution, pour tous les impôts de l’Etat, sans distinction, à l’exception de la loi sur les barrières qui est tous les ans mise en discussion.

Cette marche n’est pas rationnelle. On ne discute pas chaque année la loi des douanes, la loi sur la contribution personnelle et cent autres lois de finances. La seule marche à suivre, c’est de porter le produit de la taxe des barrières au budget des voies et moyens comme on y porte le produit des autres impôts. Je pense donc qu’il n’y a pas lieu de s’arrêter à la motion d’ordre : si l’auteur de cette motion veut que la loi ait un effet moins étendu que celui que le gouvernement propose de lui donner, il présentera un amendement quand nous en serons à la discussion des articles. Pour mon compte, je persiste à penser qu’il faut mettre un terme à ces discussions qui se reproduisent chaque année et font perdre à la chambre un temps que d’autres travaux réclament.

M. Dumont. - Je pense comme l’honorable M. Gendebien qu’il est inconstitutionnel de voter une loi d’impôt pour trois ans. Le ministre de l’intérieur dit que les lois de finances sont perpétuelles et qu’il n’en est aucune qui ne soit votée pour plus d’une année. Mais, messieurs, dans le budget des voies et moyens, il ne suffit pas de porter en recettes le produit de tel et tel impôt, j’ai toujours vu insérer une disposition portant que les lois en vertu desquelles ces impôts étaient perçus continueraient d’être en vigueur. Je pense qu’une disposition dans ce sens, insérée au budget des voies et moyens, pourrait suffire pour les droits des barrières et sauver l’inconstitutionnalité.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - C’est comme cela que nous l’entendons.

M. Dumont. - Mais voyez dans l’espèce si vous votez la loi actuelle pour trois ans, le principe posé par M. le ministre de l’intérieur ne peut pas recevoir son exécution. Car il reconnaît qu’on ne vote l’impôt que pour une année, et vous décréteriez que l’impôt sur les barrières serait perçu pendant trois ans. C’est ce que je ne puis pas concevoir.

Au surplus cette question de constitutionnalité à part, il y a encore assez de motifs pour ne voter les lois sur la perception des droits de barrière que pour une année. Les lois qui vous sont présentées sont à peu près les mêmes que celles qui ont été votées les années précédentes. Eh bien, toutes ces lois ont toujours été votées d’urgence et sans examen. Il me suffira de vous rappeler ce qui s’est passé il y a un an pour vous le prouver.

Voici ce que disait l’année dernière le rapporteur de la commission chargée d’examiner cette loi, qui est aujourd’hui ministre des finances :

« Le projet de loi, tel qu’il est présenté par le gouvernement, tend simplement, sauf trois légères modifications, à proroger les lois du 18 mars 1833 ; à cet égard la commission s’est demandé s’il convenait de s’en tenir à la forme de ce projet ou de présenter à la chambre l’admission d’une loi complète sur la matière.

« Cette question a été mûrement débattue : plusieurs imperfections dans les lois précitées ont été indiquées : en ce qui concerne les pénalités surtout plusieurs vices ont été signalés. La commission n’a cependant pas été d’avis d’y porter remède quant à présent par les raisons qui vont être développées.

« Le peu de temps qui reste avant l’instant où ces lois seront nécessaires ne permet pas de réclamer les délibérations des chambres sur un projet complet, qui deviendrait nécessairement étendu, et donnerait matière à de très longues discussions. D’ici au 31 mars, époque de l’expiration du relaissement des barrières, il ne restera que le terme rigoureusement nécessaire, quelle que soit la promptitude de la législature, pour publier convenablement les adjudications, et se réserver, avant le 15 avril, un délai suffisant pour opérer, le cas échéant, les réadjudications commandées par l’intérêt du trésor. »

Vous voyez que la section centrale de l’année dernière, d’après son rapport, n’a passé sur le projet que parce qu’il ne s’agissait que de le voter pour un an ; elle ne trouvait pas qu’il eût été assez mûrement élaboré pour devenir définitif.

Ce n’est pas tout, j’ai aussi recouru à la discussion qui eut lieu à cette époque. Voici ce que disait M. d’Huart, alors rapporteur :

« La commission ne vous a proposé l’adoption que parce qu’elle était dominée par l’urgence ; sans cela elle vous eut proposé des modifications. Cette loi étant reconnue vicieuse, vous devez lui donner le moins de durée possible ; la durée d’un an est suffisante. »

C’est cette même loi, qu’on vous présentait l’année dernière comme ayant besoin d’être modifiée, qu’on veut nous faire adopter aujourd’hui d’une manière définitive quoiqu’elle n’ait reçu aucune modification.

Outre tous ces motifs, il y a un inconvénient à affermer le produit des barrières pour trois années ; c’est que le placement des poteaux a été fait d’une manière arbitraire. Aux termes de la loi on doit placer les barrières à cinq mille mètres de distance ; on en a placé davantage pour forcer le produit de l’impôt. Je connais une localité où dans un intervalle de deux lieues on a placé quatre poteaux, où il y a trois distances à payer.

Plusieurs de mes collègues ont été témoins de pareils abus. On m’a assuré aussi que le placement des poteaux avait soulevé des discussions les années précédentes, que beaucoup de plaintes s’étaient élevées contre ce placement, mais que, vu l’urgence où on s’était trouvé chaque fois que la question s’était présentée, dans l’impossibilité de remédier à cela, on s’était réservé de le faire lors du vote de la loi définitive.

M. le ministre reconnaîtra que ce placement, qui plusieurs fois a été reconnu vicieux, n’a été ni modifié ni revu. Vous ne pouvez pas décréter qu’un impôt aussi mal établi sera perçu pendant trois ans. Il est impossible de voter sur cette matière une loi définitive, à moins d’avoir la preuve que les poteaux sont placés aux distances voulues par la loi.

Une autre considération pour ne prendre aucune mesure définitive aujourd’hui, c’est que dans les discussions précédentes on a senti qu’avant de faire une législation définitive sur la matière, il convenait de consulter les états provinciaux pour la classification.

Je citerai ce qui s’est passé à propos de la loi de 1833.

L’article 4 portait :

« Une loi déterminera définitivement la classification des routes ; les conseils provinciaux, ou les états députés, en leur absence, seront consultés dans le courant de l’année 1833, sur les modifications qu’il serait utile d’apporter à la classification actuelle. »

Sur la proposition de la section centrale, la deuxième partie de cet article, « les conseils provinciaux, etc., » a été supprimée. En voici les motifs :

« La disposition de l’article 4 qui prescrit de consulter les états députés en l’absence des conseils provinciaux, sur la classification des routes, a été critiquée dans la section centrale, comme n’offrant pas assez de garanties pour une matière aussi importante. On a d’ailleurs observé que le projet de loi sur l’organisation provinciale pourvoit à cet objet. D’autre part, il a paru inutile d’exprimer que le classement des routes sera provisoirement maintenu, conformément au tableau présenté.

La section centrale a adopté la disposition suivante : « Une loi déterminera ultérieurement la classification des routes. »

Il était reconnu qu’on ne pouvait rien faire sans au préalable avoir pris l’avis des conseils provinciaux. Pourquoi a-t-on effacé le paragraphe où cela a été établi ? Parce que ce paragraphe substituait aux conseils provinciaux les états-députés. On a dit : « Cela n’offre pas assez de garanties, » et on s’est contenté de dire : « Une loi déterminera ultérieurement la classification des routes. » Mais l’intention de la section centrale était d’ajourner le vote d’une loi définitive jusqu’à ce que les états provinciaux aient été consultés. Persistant dans cet esprit, nous devons nous borner à faire une loi pour une année et attendre que les états provinciaux aient été consultés pour faire une bonne loi sur la matière.

J’appuie donc la motion d’ordre de M. Gendebien.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je pense que la discussion suit une marche tout à fait irrégulière. Ce n’est pas par forme de motion d’ordre qu’on peut soulever la question de savoir si la loi sera votée pour une année ou pour trois, mais par forme d’amendement au projet en discussion. Je demande donc qu’on suive la discussion générale sur le projet, et qu’on écarte la motion d’ordre présentée par l’honorable M. Gendebien.

Quant au fond de la question, je dirai que si l’on affermait les barrières pour trois ans, le contrat renfermerait la faculté de renoncer au bail chaque année ; de telle manière que si la taxe des barrières cessait d’être portée au budget, la renonciation aurait lieu. De cette manière, il serait satisfait à l’article 111 de la constitution. J’aurai l’honneur de répéter à la chambre que c’est ainsi que cela se pratique pour toutes les lois financières, aucune n’est limitée à une seule année ; sans cela l’année ne suffirait pas pour discuter toutes les lois de finances.

Le budget porte le produit des diverses lois, mais on ne discute pas ces lois chaque année. Rentrons pour l’impôt des barrières dans cette marche qui est la seule régulière, et ne perdons pas un temps qui peut être plus utilement employé.

M. Dubus. - Messieurs, deux motions d’ordre ont été présentées avant que la discussion générale ait été ouverte, et il me semble que ces deux motions d’ordre ne se discutent pas à la fois. On ne discute que la seconde, celle de M. Gendebien. Cependant, il y a quelque rapport entre l’une et l’autre de ces motions d’ordre, en ce sens que si on écartait l’une, on aurait beaucoup plus de raison pour écarter l’autre. Cependant je remarque que le ministre de l’intérieur n’invoque le règlement que contre la motion d’ordre de l’honorable M. Gendebien. Aux termes du règlement, dit-il, la discussion sur l’ensemble doit avoir lieu ; quand nous en serons à la discussion des articles, M. Gendebien pourra présenter un amendement.

Cela est vrai ; seulement le règlement ne fait pas obstacle à ce que, quand la discussion sur l’ensemble aura été déclarée close, la chambre ne commence à discuter l’article auquel s’applique la motion d’ordre de l’honorable M. Gendebien.

La décision de la question soulevée par la motion d’ordre faciliterait la solution des autres questions auxquelles peut donner lieu la loi en discussion.

J’ajouterai que si le règlement s’oppose à ce que la motion d’ordre de M. Gendebien soit discutée et votée avant la discussion sur l’ensemble de la loi, à plus forte raison vous ne pouvez pas vous prononcer maintenant sur la proposition de M. Rogier qui, par forme de motion au projet de loi examiné par la section centrale et sur lequel on vous a fait un rapport, substitue un projet de sa façon, un projet incomplet, avec des, etc., etc., que l’assemblée remplira comme elle voudra, ou qu’elle chargera sa section centrale de remplir en lui renvoyant le projet.

Je ne pense pas que dans cette matière nous puissions improviser des projets de loi. Je pense que les formes qu’a subies le projet qui vous est présenté par la section centrale ne donnent pas déjà trop de garanties d’un examen approfondi ; nous ne devons pas nous en affranchir. Remarquez, vous avez tous le rapport sous les yeux ; je vous demande si, après l’avoir lu, vous pouvez être convaincus que le projet a été l’objet d’un examen approfondi.

M. Eloy de Burdinne. - Je demande la parole.

M. Dubus. - Je veux bien que la section centrale ait examine la loi, mais les considérations qui ont déterminé la section centrale ne sont pas consignées dans ce rapport.

S’il n’était question de ne voter que pour un an, comme le dit l’honorable M. Gendebien, nous pourrions passer plus légèrement ; mais, pour trois ans, cela doit être examiné avec plus de soin.

La commission a mis tout le soin qu’il lui a été possible d’apporter, mais elle a été si pressée de distribuer son rapport, puisque ce rapport n’a été présente que ce matin à quelques membres, et que, pour ma part, je ne l’ai reçu que tout à l’heure ; la commission, dis-je, a été si pressée que peut-être toute la maturité nécessaire n’a pas été apportée à l’examen de ce projet de loi. Eh bien, cette loi que nous aurions dû étudier à notre aise, nous devons la discuter sur un rapport distribué tout à l’heure, et nous prononcer à l’instant, non seulement sur elle, mais encore sur un autre projet de loi qu’on est venu mettre tout à coup en avant.

Le règlement, on ne l’invoque pas contre l’honorable M. Rogier, et on l’invoque contre l’honorable M. Gendebien. A cette dernière motion d’ordre qui peut amener des éclaircissements on oppose le règlement ; tandis qu’à l’autre il n’est apporte aucun obstacle ; ce que vous faites à l’un, vous devez le faire à l’autre ; vous ne devez pas avoir deux poids et deux mesures.

M. Gendebien. - M. le ministre de l’intérieur répond par une fin de non-recevoir à la motion que j’ai proposée. Si ma motion présente quelque chose d’irrégulier, ce que je ne pense pas, je la transformerai en question préalable, et je demande qu’on la discute avant les articles de la loi, parce que cette question est de très grande importance, d’abord parce qu’elle touche à la constitution, ensuite parce qu’elle doit exercer une grande influence sur la discussion de la loi.

On vous a cité le rapport de ministre des finances, alors député ; il vous a signalé lui-même les vices de la loi, et pour fiche de consolation, il vous a dit que la loi n’aurait qu’un an de durée. Depuis le décret du congrès du 6 mars 1831 qui nous a promis formellement une loi complètement réparatrice, tous les ministres nous ont promis chaque année de faire disparaître les griefs dont tout le monde se plaint, et toujours notre attente a été trompée ; et c’est lorsque nous serions en droit de nous plaindre plus fortement, qu’on cherche par surprise d’abuser de notre patience et qu’on veut perpétuer cette loi, ou au moins la maintenir provisoirement pour trois ans encore.

Je demande que la question préalable soit discutée avant toute autre, et d’après le règlement elle doit l’être avant toute autre.

Je ne répondrai pas à cette proposition au moins exorbitante, sinon absurde, que les lois de finances sont perpétuelles, et qu’elles ne sont pas faites que pour un an. J’ai déjà lu la constitution, je vais la relire encore. « Article 111. Les impôts au profit de l’Etat sont votés annuellement. Les lois qui les établissent n’ont de force que pour un an, si elles ne sont pas renouvelées. » Il faut donc les renouveler tous les ans.

M. le ministre croit nous répondre victorieusement en disant : Ce sont des baux qui peuvent être renouvelés chaque année. Il y aura faculté de résilier. Mais si vous ne faites pas cette résiliation, ils auront lieu dans toute leur durée, et de votre consentement exprès, en vertu d’une loi que vous aurez établie pour trois ans. Il ne s’agit pas d’une question de fait, mais d’une question de droit ; il s’agit de plus d’une question constitutionnelle et que vous ne pouvez résoudre par une question de fait. Toutes les lois sont perpétuelles de leur nature : en règle générale, c’est vrai, mais il faut en excepter les lois financières, c’est la constitution qui l’a dit textuellement.

Vous prétendez qu’en vous réservant la faculté de résilier, vous satisfaites à la constitution, parce qu’on pourra tous les ans rejeter la loi et faire cesser les baux. Et d’un autre côté vous dites qu’il y a un grand avantage à faire une loi définitive pour éviter des discussions annuelles. Mais de deux choses l’une : ou vous prétendez nous lier pendant trois ans par notre vote, et dans ce cas vous violez l’article 111 de la constitution ; ou vous ne prétendez pas vous lier, et dans ce cas votre demande de prolonger cette loi pendant trois ans devient oiseuse ; vous serez obligés si vous la remettez en discussion l’an prochain de la soumettre aux mêmes débats que cette année, que l’an passé, et toutes les précédentes.

On prétend que les lois de finances ne sont pas discutées tous les ans, qu’il n’y a d’exceptions que pour la loi des barrières. Mais lorsque la loi des barrières promise sera définitivement votée, il ne s’agira plus de la discuter tous les ans ; au reste, pour toutes les lois de finances constitutives du budget, si un membre prenait l’initiative et présentait une autre loi au budget, vous seriez obligés de la discuter tous les ans : on les adopte en masse parce que tous les ans on nous promet un système nouveau. Il me semble que le règlement ne s’oppose pas à ma proposition, que je convertis au reste en question préalable pour que l’on ne me suscite pas de nouvelles querelles. Je demande qu’elle soit discutée avant toute autre chose, c’est le règlement qui le veut. Je pose en fait qu’il est utile et même nécessaire de discuter cette proposition avant toute autre, parce qu’elle touche à une question constitutionnelle et qu’elle tend à une grande économie de temps.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - La discussion telle qu’elle est établie sur la constitution est vraiment dégénérée en une espèce de subtilité. Comment renouvelle-t-on les lois de finances ? en les portant au budget des voies et moyens. Pourquoi excepter les lois de barrières ? Si vous ne voulez plus de la loi de 1835 à l’expiration de l’année financière, vous ne la présenterez pas au 1er avril 1836. Adoptez donc une marche uniforme pour la taxe des barrières comme pour toute autre.

Mais, dit-on, notre bail sera de trois ans ; cela est sans importance puisque la loi accorde le droit de résilier ; il en résulte que dès que la loi ne sera plus au budget des voies et moyens, les baux seront naturellement résiliés. Ainsi donc il n’y a pas d’inconvénients à cela. Mais, dit l’honorable préopinant, je substitue la question préalable à ma motion d’ordre. Cette question préalable est aussi contraire au règlement que la motion d’ordre elle-même. Ainsi on viendrait faire prononcer la chambre sur l’opinion que l’on aurait émise et sans discuter un projet de loi présenté. Cela est irrégulier. Si l’honorable préopinant est d’avis que la durée de trois ans est inconstitutionnelle, qu’à cet article il oppose la question préalable ou un amendement, cela sera rationnel ; mais jamais la chambre ne consentira à ce qu’on puisse écarter un projet de loi ou proposer une opinion particulière.

M. Rogier. - Le système que j’ai l’honneur de présenter à la chambre n’est pas nouveau comme l’a dit l’honorable M. Dubus, c’est celui de l’année dernière. Si on ne veut pas l’admettre comme un projet, je le présenterai comme amendement à l’article premier, et alors on épargnera des moments précieux à la chambre, en ne la jetant pas dans des discussions interminables de trois lois fort étendues. Quant à moi, je regarde mon projet de loi comme tout à fait complet. Si j’ai ajouté : « ici viendront des modifications, » c’était pour me rapprocher davantage du projet du gouvernement.

Bien qu’une des lois dont il est question dise que la classification des routes sera réglée ultérieurement, je ne vois pas dans cette prescription un motif suffisant pour ne voter la loi de barrière que pour une année. On pense que la loi des barrières est faite pour trois ans d’une telle manière qu’elle lierait les voyageurs et ceux qui se servent des routes pour la durée de ce temps. Il n’en est pas ainsi. Le gouvernement a demandé à être autorisé de rendre exécutoire cette loi pour 3 ans : ce que M. le ministre de l'intérieur a demandé cette fois, M. le ministre des finances le demande chaque jour pour des adjudications. Les passages d’eau, par exemple, sont adjugés pour trois années ; et le ministre ne vient pas pour cela demander de permission à la législature.

La mesure qui adjuge pour trois ans les barrières est une mesure de bonne administration de la part du gouvernement, qui a pour but d’obtenir de meilleurs prix des adjudicataires et de réduire les frais résultant d’adjudications fréquemment répétées.

Je crois, en tout état de cause, que si de longues discussions devaient s’élever, le gouvernement ferait sagement de s’en tenir encore à la loi telle qu’elle a été votée l’an dernier. Je ne crois pas que la chambre ait l’intention d’entrer dans le détail de chaque loi. La loi des barrières n’est pas parfaite, je le veux bien, mais nous n’aurons jamais de lois parfaites ; celle-ci est plus perfectionnée que bien des lois de finances, parce que depuis quatre ans elle a passé chaque année par les sections et les discussions de la chambre. Si tous les ans on faisait passer par les mêmes filières beaucoup de lois de finances elles n’en seraient que meilleures ; mais ce qui existe aujourd’hui existera jusqu’à la fin des siècles, car il est de la nature de l’esprit humain de trouver toujours à reprendre pour faire mieux. Chaque année vous votez en masse le produit des impôts sans entrer dans le détail des lois qui établissent ces impôts.

Je crois que ma motion d’ordre peut venir avant comme après. M. le ministre demande de pouvoir adjuger les barrières pour trois ans ; M. Gendebien croit voir en cela de l’inconstitutionnalité ; qu’il le demande pour un an, et tout sera dit. Je présente mon projet tel qu’il est, on peut y proposer des modifications. En définitive, je dois déclarer que je suis content de la loi telle qu’elle est.

M. Eloy de Burdinne, rapporteur. - J’ai demandé la parole pour répondre à l’honorable M. Dubus qui trouve le travail de la commission incomplet.

Je conviendrai d’abord avec cet honorable membre que ce rapport est incomplet, mais j’avouerai que je m’étonne de ce reproche de sa part. En effet, la commission chargée de ce projet de loi a terminé son travail lundi dernier. Elle a demandé quelques renseignements à M. le ministre de l’intérieur. En ma qualité de rapporteur, je les ai communiqués, et je devais attendre la réponse du ministre pour faire mon rapport. Le mardi on vint me dire de faire ce rapport tout à coup, parce qu’il y avait urgence, et ce fut l’honorable M. Dubus qui me tint ce langage. J’ai fait observer que ce rapport n’étant pas fait, je ne pourrais présenter que l’opinion de la commission ; on m’a dit que c’était tout ce qu’il fallait. Je me suis acquitté de ce soin. Je crois que j’en ai dit assez sur le reproche adressé tout à l’heure à la commission dont j’ai l’honneur d’être rapporteur.

M. Pollénus. - Puisqu’il s’agit de question constitutionnelle, j’espère que la chambre me permettra de dire quelques mots dans la discussion qui s’est élevée. Je m’engage à donner lecture d’un rapport signé par deux personnes que la chambre écoute toujours avec beaucoup d’intérêt.

Ce rapport est signé de MM. de Muelenaere et d’Huart. Après avoir parlé de l’état de la législation sur les barrières, il est dit : (l’orateur donne lecture de ce passage.) Il n’en résulte pas moins de ce passage que l’on avait consacré à la perception du droit de barrière la qualité de loi temporaire, et je crois qu’on peut comparer la loi de barrière aux autres lois de finances, à qui on donne le nom de lois temporaires.

M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Je ne conçois pas que l’objection que l’on fait sur l’article 111 de la constitution puisse être sérieuse. Que dit cet article ? Que les impôts au profit de l’Etat seront votés annuellement. Qu’y a-t-il donc ici de contraire à cela ? Vous propose-t-on de voter les impôts pour plus d’un an ? nullement. M. le ministre de l’intérieur vous a déjà dit que les droits de barrières étaient votés annuellement, et portés au budget des voies et moyens, comme tous les autres droits, tels que droits de succession, etc. ; et de plus que vous serez appelés annuellement à émettre un vote sur cet impôt.

Messieurs, dans une discussion précédente, tous les membres de cette chambre qui ont des connaissances pratiques en cette matière ont, à diverses reprises, demandé que les adjudications n’aient pas lieu pour une année seulement. C’est par cette considération, émise successivement chaque année dans cette assemble, que s’est trouvée dominée la commission qui fut chargée l’an dernier de l’examen du projet de loi des barrières. L’honorable préopinant vous a déjà donné lecture d’une partie de ce rapport, d’où il résulte que la commission a établi une distinction essentielle, qu’elle a distingué entre les lois permanentes, les lois de principes qui ne doivent pas être mises en discussion chaque année, et les lois d’impôts qui doivent être votées chaque année.

Voici un autre passage de ce rapport :

« De cette manière, on épargnerait chaque année à la législature la perte d’un temps précieux, et on favoriserait les intérêts du trésor ; car, sous ce dernier rapport, nul doute que les adjudications étant offertes pour un terme de trois ans, par exempte, seraient plus productives que selon le mode suivi actuellement. La concurrence serait stimulée par le plus de stabilité et d’importance des marchés ; bien des personnes qui négligeaient de se présenter aux adjudications y seraient attirées par cette considération. L’Etat ainsi que les adjudicataires trouveraient d’ailleurs des économies notables dans ce changement, puisque les frais supportés chaque année seraient subdivisés et répartis sur un laps de temps triple.

Si l’honorable M. Pollénus avait lu avec plus d’attention le rapport dont il vient de citer quelques phrases, Il aurait vu que le travail de M. le ministre de l’intérieur est basé en partie sur ce rapport. C’est précisément pour éviter une partie des inconvénients signalés par la commission qui fut chargée l’année dernière de l’examen de la loi sur la matière, que l’on a proposé le projet de loi en discussion.

Après tout, je n’ai voulu qu’émettre mon opinion sur la question de constitution ; et je répète que l’on ne peut pas tirer de son article 111 une objection sérieuse ; il ne s’agit nullement de voter une loi d’impôt pour plusieurs années ; il s’agit uniquement d’adopter le principe que les adjudications des barrières se feront pour trois années ; mais le gouvernement et les adjudicataires auront la faculté de résilier le contrat.

Ainsi, si les chambres, l’année prochaine, ne votaient pas le droit de barrière, si cet impôt n’était plus consacré par la législature, les adjudications cesseraient de plein droit ; le gouvernement aurait le droit de résilier, ou plutôt le contrat serait résilié de plein droit, puisque la base du contrat, la perception du droit de barrières n’existerait plus.

La seule question que la chambre ait à examiner est celle de savoir si la loi est assez élaborée pour qu’on puisse en faire une loi de principe, à laquelle on imprimerait un caractère de durée plus ou moins longue.

Mais il est hors de doute que l’on doit séparer les dispositions de principe, des dispositions d’impôt, de celles qui peuvent varier chaque année.

Il faut arrêter définitivement les principes. Quant à l’impôt, il n’y a pas de doute ; il doit être voté chaque année, ainsi que certaines dispositions qui peuvent être plus ou moins soumises chaque année à la discussion.

M. Dubus. - Ce qui me détermine à demander la parole, c’est que l’honorable rapporteur de la commission a donné à des paroles que j’ai prononcées précédemment une portée qu’elles n’avaient pas. Il a supposé que j’avais accusé la commission de négligence.

M. Eloy de Burdinne, rapporteur. - Non pas la commission, mais le rapporteur.

M. Dubus. - Je n’ai accusé personne de négligence ; je n’ai rien dit qui emportât ce reproche. Tout en faisant remarquer combien le rapport était succinct, j’ai eu soin de dire que je savais fort bien ce qui en était cause : c’était le peu de temps que l’on avait eu pour la rédaction de ce rapport. Pour moi, je suis convaincu que la commission a mis tout le soin possible à l’examen de la loi.

Mais je ne suis plus d’accord avec l’honorable M. Eloy de Burdinne, quand il considère la loi comme une loi définitive. Sans doute l’examen de la commission eût suffi pour une loi provisoire ; mais son travail n’a pas pu suffire pour établir les bases d’un travail définitif, alors qu’il n’a été consacré à l’examen de la loi qu’une seule séance dont la moitié a dû être occupée par la seule lecture des projets de loi. La commission a examiné les projets de loi comme lois provisoires ; elle n’a pas eu d’examen à faire de ces projets considérés comme lois définitives et permanentes.

Sur ce point je prierai la chambre (comme ceci a trait à la motion d’ordre de l’honorable M. Gendebien) de fixer son attention sur le rapport de la section centrale de l’an dernier. Remarquez que l’année dernière la loi a été présentée le 8 février et le rapport le 15 février, tandis que cette année le rapport n’a été fait que le 3 mars, de sorte que l’on nous donne moins de temps cette année pour examiner un projet de loi auquel on veut donner un caractère définitif, qu’on n’en a eu l’an dernier pour examiner une loi provisoire.

Voici un passage du rapport fait dans la séance du 15 février 1834 sur le projet de loi présenté le 8 du même mois :

« Le projet de loi tel qu’il est présenté par le gouvernement tend simplement, sauf trois légères modifications, à proroger les lois du 18 mars 1833 : à cet égard, la commission s’est demandée s’il convenait de s’en tenir à la forme de ce projet, ou de présenter à la chambre l’admission d’une loi complète sur la matière.

« Cette question a été mûrement débattue, plusieurs imperfections dans les lois précitées ont été indiquées ; en ce qui concerne les pénalités surtout, plusieurs vices ont été signalés. La commission n’a cependant pas été d’avis d’y porter remède, quant à présent, par les raisons qui vont être développées.

« Le peu de temps qui reste avant l’instant où ces lois seront nécessaires ne permet pas de réclamer des délibérations des chambres sur un projet complet, qui deviendrait nécessairement étendu, et donnerait matière à de très longues discussions. D’ici au 31 mars (on était alors au 15 février ; maintenant nous sommes au 5 mars), époque de l’expiration du relaissement des barrières, il ne restera que le terme rigoureusement nécessaire quelle que soit la promptitude de la législature pour publier convenablement les adjudications, etc. »

De sorte que l’année dernière on ne pouvait, en raison du peu de temps que l’on avait, faire qu’un projet de loi provisoire ; et cette année, où l’on moins de temps encore, on ferait un projet de loi définitif.

Voici comment s’exprimait l’an dernier dans la discussion le rapporteur de la commission :

« M. d’Huart. - L’intention de la commission a été de n’accorder que la durée d’un an au projet de loi dont il s’agit. Ceci résulte de toutes les considérations qu’elle vous a présentées.

« Elle ne vous en a proposé l’adoption que parce qu’elle était dominée par l’urgence, sans cela elle vous eût présenté des modifications. Cette loi étant reconnue vicieuse, vous devez lui donner le moins de durée possible ; la durée d’un an est suffisante.

« Je puis assurer que l’intention de la commission a été, bien qu’elle n’en ait pas parlé, que la loi sur les barrières fût prorogée d’une année seulement. »

Sur quoi M. de Theux ajoute : « J’appuie les observations de l’honorable préopinant. » (On rit.)

C’est un immense travail, messieurs, qu’une loi définitive : ce travail a-t-il été fait ? Si cet immense travail a été fait, que l’on présente un rapport, un exposé de motifs, où toutes les questions soient soulevées, discutées, résolues. Sous ce rapport, je crois de mon devoir de bon et loyal député de m’opposer à ce que la loi soit votée comme loi définitive. Ce n’est pas sur un rapport de 20 lignes, alors que vous êtes obligés de voter d’urgence, que vous pouvez adopter pour plusieurs années une loi aussi importante. Pour moi, je ne le ferai pas. Je ne le veux pas ; en conscience, je ne le puis pas.

Ce travail immense a été fait ! Mais où est-il ? Il a été fait dans les bureaux du ministère de l’intérieur. Mais il ne suffit pas qu’un projet soit élaboré dans les bureaux d’un département ministériel ; il faut que la chambre puisse se livrer à une discussion approfondie. Or, le projet a été présenté trop tard pour qu’il puisse en être ainsi. Pour que la chambre pût s’occuper d’un projet de loi définitif, il faudrait qu’il fût présenté dans les premiers jours d’une session.

Sous ce rapport, j’appuie la motion de l’honorable M. Gendebien, contre laquelle il n’y a rien à objecter, car la chambre est toujours maîtresse de voter un article avant un autre, surtout lorsque, comme ici, cet article domine tout le projet.

Pour moi, je crois remplir mon devoir de député en m’opposant à ce qu’un impôt soit établi pour trois années, en demandant qu’il soit établi pour une année seulement. Je n’ai pas besoin de développer cette idée. Je renvoie aux raisons qu’a données l’an dernier M. d’Huart, rapporteur de la commission.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je ne pense pas qu’il puisse entrer dans les intentions de la chambre d’écarter par la question préalable un projet présenté par le gouvernement ; il faut au moins que ce projet soit discuté. La question peut être proposée sur un article, mais non pas sur le projet ; elle est donc proposée ici prématurément. Si elle était adoptée, on pourrait jeter le règlement au feu ; en effet, il dépendrait d’un membre de saisir l’assemblée d’une proposition antérieurement à toute discussion ; et si la question préalable était adoptée, le projet du gouvernement ne pourrait même pas être discuté.

J’invoque le règlement et les précédents de la chambre ; je demande que sa motion d’ordre soit écartée, et que l’on ouvre la discussion générale : alors je combattrai les opinions que l’on a émises contre le projet.

M. Fleussu. - Je ne sais si je dois parler sur la question de forme, sur la fin de non-recevoir que vient de faire valoir M. le ministre de l’intérieur. Si on allègue que la question préalable est contraire au règlement et aux précédents de la chambre, on peut, en changeant les mots, faire droit à toutes les susceptibilités, et la chose reviendra absolument au même.

Quoi qu’il en soit, je me prononce pour la motion qui tend à donner à la loi des effets pour une année seulement ; je me prononce pour cette motion par des considérations toutes spéciales, par des considérations de l’ordre le plus élevé et que je puise dans la constitution elle-même.

L’honorable M. Dubus a déjà présenté quelques-unes des observations que je voulais vous soumettre ; d’autres observations vous ont également été présentées par l’honorable M. Dumont. Ma tâche se trouve donc singulièrement abrégée.

Je pense que si, au lieu de faire des lois par parties, par lambeaux, nous pouvions nous décider un beau jour à faire des lois complètes, à adopter un système complet de législation sur chaque matière, cela éviterait toutes ces discussions inutiles qui nous arrêtent chaque jour.

Ainsi, dans la matière qui nous occupe, il faudrait adopter une loi qui réglât le système d’impôt, la classification des routes et des poteaux.

Je pense que la loi que l’on nous demande ne peut avoir d’effets que pour une année ; en effet quoi qu’en ait dit l’honorable M. de Muelenaere, il est bien évident que l’article 111 de la constitution ne permet pas de voter cette loi pour trois années. Pour faire valoir son opinion, il n’a cité qu’une partie de l’article : « Les impôts au profit de l’Etat sont votés annuellement. » Mais l’article porte en outre : « Les lois qui les établissent n’ont de force que pour un an, si elles ne sont renouvelées.»

D’après cela il est bien évident que nous ne pouvons voter que pour une année la loi dont nous nous occupons.

Quand il y aura une loi définitive, il suffira que la loi des barrières figure chaque année au budget des voies et moyens comme les autres lois de finances ; mais tant que vous n’aurez pas arrêté un système, vous serez dans l’obligation de voter une loi chaque année.

La constitution est si positive que je ne conçois pas que son texte puisse donner lieu à discussion ; elle dit expressément que « les lois qui établissent les impôts n’ont de force que pour un an, si elles ne sont pas renouvelées. » Or, si dans la loi qui nous est soumise, en présence de cet article de la constitution, nous donnions au gouvernement le droit d’adjuger les barrières pour trois années, il est certain que nous ferions une loi inconstitutionnelle.

On a parlé de la faculté qu’aurait le gouvernement de résilier le contrat ; mais ce serait une simple faculté que les adjudicataires auraient aussi bien que le gouvernement, et qui laisserait entier le droit qu’aurait le gouvernement de faire les adjudications pour trois années ; ce qui est évidemment contraire au texte et à l’esprit de la constitution.

Je voterai donc pour la motion de M. Gendebien.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Puisque l’on revient à la discussion du fond, je ferai quelques observations sur le fond de la question.

Je crois avoir entendu un honorable préopinant dire que j’aurais précédemment émis en cette matière une opinion différente de celle que je soutiens en ce moment. Je viens de relire ce que j’ai dit ; et cela se trouve parfaitement d’accord avec ma proposition où se trouve formulée l’opinion que j’avais précédemment émise.

Il s’agissait de la question de savoir s’il convenait de fixer l’échéance des baux des barrières au 31 décembre ; voici comment je m’exprimais à cet égard :

« J’appuie les observations de l’honorable préopinant ; il ne me paraît pas possible de changer l’échéance des baux des barrières, et c’est ce qui résulterait de la prorogation de la loi au 31 décembre. Les maisons des tenant-barriêres sont situées pour la plupart à la campagne, où on change de demeure en mars ; quant au projet de renouveler les baux pour 2 ou 3 ans, je suis loin de m’y opposer ; mais il ne me paraît pas convenant de changer l’époque de leur échéance. »

Un honorable préopinant vient de parler de la question constitutionnelle. L’on vous a déjà dit sur ce point qu’il suffisait, pour faire cesser les baux, que la taxe ne figurât plus au budget des voies et moyens ; et cette observation n’a pas été réfutée. Remarquez de plus que dans la loi même, le gouvernement se réserve la faculté de résilier les baux. Ce que le gouvernement propose est ce qui se pratique pour les baux concernant les bacs et les passages d’eau ; ils sont passés pour plusieurs années. Si vous ne portiez pas au budget des voies et moyens le produit des bacs et des passages d’eau, le gouvernement en cesserait la perception. Vous pouvez même dire, dans votre loi, qu’il en sera ainsi ; et de cette manière vous aurez satisfait à tous les scrupules.

A-t-on fait des objections contre l’impôt des barrières ? Aucune. Seulement quelques députés ont voulu abaisser cette taxe ; mais leur opinion, dans les sessions précédentes, n’a reçu aucun accueil favorable, parce que l’on comprend combien la taxe des barrières est utile et indispensable pour compléter le système de nos communications. A moins que l’on n’isole les provinces des provinces, les communes des communes, à moins que l’on ne déclare qu’il n’y aura plus de fonds commun pour être employé dans l’intérêt général, le système des partisans de l’abaissement des taxes sur les barrières ne peut prévaloir dans la représentation nationale ; car c’est un système étroit de localité.

L’idée de diminuer la taxe des barrières étant écartée, que peut-on réclamer encore ? La classification des routes. Mais cette classification est une matière tout à fait indépendante de l’impôt.

Si vous introduisez une autre classification, les produits seront perçus par ceux qui seront reconnus propriétaires des routes et chargés de leur entretien ; l’impôt ne sera pas pour cela changé. La question relative aux classifications doit faire l’objet d'une loi spéciale, et est tout à fait étrangère au mode de percevoir les taxes.

Passez en revue toutes les objections faites contre la loi, vous n’en trouverez aucune dirigée contre la taxe ; aussi, depuis quelques années n’a-t-on pu y introduire que quelques améliorations. Cette année on vous propose une amélioration plus considérable, dans l’intérêt général, c’est-à-dire, dans l’intérêt du trésor, puisqu’on veut rendre les routes plus productives. Le changement proposé est encore dans l’intérêt de la chambre, puisqu’il économisera son temps en ne remettant pas chaque année la même question en délibération. Messieurs, plus vous vous réserverez la révision annuelle des lois et moins vous procurerez de bien-être au pays ; car vous serez obligés de laisser une foule d’objets importants en souffrance sous prétexte de faire des améliorations à des lois existantes.

Le pays, vous le savez, est privé d’une foule de lois qu’il réclame ; pourquoi en est-il ainsi ? C’est parce que vous avez à discuter un grand nombre de lois annales. Il est donc important que vous adoptiez définitivement une loi sur l’objet qui nous occupe.

M. Milcamps. - Comme j’ai fait partie de la commission à laquelle vous avez renvoyé la loi, je trouve convenable de dire quelques mots sur la question constitutionnelle que l’on a agitée.

Il est très vrai que l’article 111 de la constitution porte que les impôts au profit de l’Etat sont votés annuellement. Or, on ne peut nier que l’établissement d’un droit de barrière ne soit un impôt au profit de l’Etat, donc ce droit doit être voté annuellement ; mais est-ce à dire qu’on ne puisse louer les barrières pour un terme de trois années ? Evidemment non ; il faut distinguer l’acte de location de l’établissement de l’impôt.

Lorsque la commission a examiné les différents projets de loi sur les barrières, la disposition constitutionnelle ne lui a pas échappé ; seulement elle a vu dans l’article 111 de la constitution la clause la plus formelle et la plus puissante d’une résiliation des baux après le terme d’une année si l’impôt n’était pas renouvelé : Elle a pensé qu’il était impossible, en présence de la constitution, que le bail eût une durée de plus d’une année, si l’impôt n’était pas continué ; et elle a cru que c’était pour concilier le terme de trois années avec la constitution qui veut des impôts annuels, que le gouvernement s’était réservé la faculté de résilier les baux au bout d’une année. Vous remarquerez ici que le gouvernement a précisément fixé l’époque de la résiliation au mois de décembre, qui est le moment où les chambres votent les budgets.

De là il résulte ce qui n’est pas à prévoir, que si dans le mois de décembre les chambres ne votaient pas l’impôt, le gouvernement ferait signifier la résiliation du bail. Mais je vais plus loin, et je dis que si le gouvernement ne signifiait pas la résiliation, par cela seul que l’impôt ne serait pas renouvelé, le bail cesserait à l’expiration de l’année. Il n’y a pas de tribunal qui pourrait forcer un contribuable à payer le droit s’il n’était pas autorisé par une loi.

Ainsi les craintes que l’on a manifestées ne me paraissent pas fondées.

Si la faculté de résilier ne donnait pas une garantie suffisante, rien n’empêcherait que l’on ne mît dans le projet de loi la disposition constitutionnelle. Vous seriez alors assurés que l’impôt ne se prolongerait pas au-delà d’une année.

Je n’examinerai pas la question d’utilité ; la question de savoir s’il convient d’établir l’impôt pour une année ; j’attendrai que la discussion générale s’ouvre pour traiter cette question.

M. Eloy de Burdinne, rapporteur. - Ou M. Dubus n’a pas voulu me comprendre, ou je me suis bien mal exprimé. Il a cru que j’avais voulu disculper la commission du reproche qu’on lui aurait adressé d’avoir mis de la négligence dans l’examen de la loi ; mais c’est le rapporteur de la commission que j’ai voulu disculper relativement à la précipitation de son travail. Quand une loi a été soumise trois années de suite à la législature, et discutée longuement, à quoi auraient servi de longs développements dans un rapport, sinon à retarder la délibération ?

Je m’abstiendrai d’en dire davantage, quoique ce soit bien à tort que l’on m’ait accusé de négligence.

M. Devaux. - L’opinion du ministre de l’intérieur est si claire, si évidente, que je ne conçois pas comment elle peut rencontrer d’objections. Quand un projet de loi est présenté par l’une des trois branches du pouvoir législatif on ne peut l’écarter par la question préalable, et il y a toujours lieu à délibérer.

La question constitutionnelle n’est pas moins évidente : En fait de finances nous avons des lois organiques qui règlent le taux des taxes, qui déterminent sur quoi elles sont assises, la manière dont les droits sont perçus, et on ne les renouvelle pas chaque année. Seulement pour que le code des lois financières soit exécutoire il faut un vote.

Ce vote peut être obtenu par le budget des voies et moyens, ou par une loi spéciale. Pour les douanes, pour les postes, pour les patentes, comme pour les barrières, pourrait-on dire que chaque année il faut remettre en question tous les tarifs ? Et serait-il possible de réviser toutes ces lois dans une session ? Ces lois ne sont donc pas nouvelles, seulement la constitution veut un vote dans le budget des voies et moyens pour leur donner activité chaque année.

On propose des baux pour trois années : cet article est si peu inconstitutionnel, que le ministre n’a pas besoin de la loi pour faire de telles adjudications : il peut passer des baux pour trois années, sauf à lui à se réserver la faculté de résilier, et de résilier au mois de janvier, si la loi établissant l’impôt était changée.

La proposition que fait le ministre est une précaution qu’il a voulu prendre ; elle n’a rien d’inconstitutionnel ; elle n’a même rien de législatif ; à la rigueur il n’est pas nécessaire qu’une loi sanctionne le bail de trois années.

Il y a des membres de cette assemblée qui trouvent de grands vices au projet de loi sur les barrières indépendamment des objections que nous venons d’examiner : Par exemple, j’ai entendu dire que les poteaux étaient mal placés, que la classification des routes était mal faite ; eh bien, si vous trouvez des vices au projet, signalez-les, discutez la loi ; exposez les améliorations que vous réclamez, nous les examinerons.

L’honorable M. Fleussu demande une loi complète, un véritable code pour nos routes. Quant à moi, je vous avoue que je ne suis pas partisan des lois complètes ; l’expérience que nous en avons faite n’est pas satisfaisante ; la loi communale en est un triste exemple. Des lois complètes ne sont pas faciles à discuter dans cette assemblée ; par la manière dont nous nous y prenons, on prétend que nous approfondissons tout ; mais cette manière entraîne tant de longueurs qu’il n’est pas probable qu’une loi complète puisse sortir de cette chambre.

On assure que nous devrions tout au moins consulter les états provinciaux sur les barrières. Si leur avis est nécessaire je crois qu’en attendant nous ne risquons pas grand chose à adopter le terme de trois années ; car la loi sur l’organisation des provinces ne sera probablement pas mise à exécution cette année ; et si les états provinciaux sont constitués l’an prochain, ce sera tout au plus vers l’été qu’ils pourront donner leur opinion sur le projet de loi concernant les barrières ; ainsi leur avis ne nous parviendra à peu près que vers la troisième année.

Il me semble que le mode de discussion dans lequel nous sommes entraînés est extrêmement irrégulier : Il y a véritablement deux amendements, et non des motions d’ordre : l’un de M. Rogier qui a la même portée que le projet ministériel ; l’autre de M. Gendebien.

Si les honorables membres qui partagent l’opinion de ce dernier ne veulent qu’une loi temporaire, ils pourront obtenir ce qu’ils désirent dans l’article premier ou dans l’article 2., ou en modifiant la rédaction : en ajoutant deux mots à l’article 2, la loi pourra être exécutoire jusqu’au 1er janvier 1836.

Je demanderai que l’on ferme la discussion à laquelle on s’est livré et que l’on passe à celle des articles ; si l’on agit autrement, nous aurons employé beaucoup de temps en discussions pour savoir comment on discutera.

M. Dumont. - Je crois que M. Gendebien, par sa motion, avait pour but d’épargner le temps de la chambre ; et il n’a pas dépendu de lui que son but ne fût atteint. Je ne parlerai pas de l’irrégularité de cette proposition, mais il est certain que si elle était accueillie la délibération serait terminée.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Oui ; mais vous n’auriez rien !

M. Dumont. - On veut profiter de l’état d’ignorance où se trouve la chambre relativement aux questions agitées afin d’enlever un vote qu’elle ne donnerait pas si elle agissait en connaissance de cause. Vous savez bien que le Hainaut et le Brabant se plaignent de la classification actuelle des routes.

M. Dubus. - Les Flandres se plaignent aussi.

M. Dumont. - Il faudrait savoir si ces réclamations sont équitables avant de prononcer sur la loi qui vous est soumise. Sous le gouvernement précédent, le Hainaut a constamment réclamé contre la classification des routes ; et je crois devoir vous citer un exemple, pour prouver que ces réclamations n’étaient pas dénuées de fondements.

En 1825, 1826 et 1827, la route de Charleroy à Philippeville a été construite aux frais de la province du Hainaut et de la province de Namur. Eh bien, croiriez-vous que ces provinces en sont dépouillées ?

C’est par un arrêté du 9 février 1824, n°42, que le Roi a accueilli les propositions des états, pour la construction de la route de Charleroy à la limite, vers Philippeville. Cet acte royal a autorisé les états-députes de la province du Hainaut : « A prendre avec la société générale pour favoriser l’industrie nationale des engagements pour un emprunt de 60,000 florins à intérêt annuel de cinq pour cent, et remboursable par dixième dans le laps de dix années, à commencer avec l’année 1828, etc. »

Les députés de Namur vous diront que ce sont les états de Namur et les communes intéressées qui ont fourni des fonds pour une partie de cette route : les états du Hainaut n’ont fourni des fonds que pour la portion de la route qui était sur le Hainaut.

Cependant cette route est au nombre de celles dont le gouvernement veut s’emparer. Il est donc impossible de prendre une décision pour trois années avant d’avoir entendu les états provinciaux.

Un orateur a prétendu que l’on ne pourrait guère consulter les états des provinces avant trois années ; je ne puis être de son avis. Quelle que soit l’époque où les lois provinciale et communale seront promulguées et appliquées, il y a des raisons de croire que les conseils provinciaux seront convoqués extraordinairement.

Nous savons que la plupart des affaires provinciales sont dans un si mauvais état que le remède le plus prompt doit être apporté au mal ; et qu’ainsi il n’est pas probable que l’on attendra encore trois années l’avis des députés des provinces.

Nous ne pouvons admettre une loi définitive ; nous voulons d’une loi temporaire ; parce que la révision de ces lois amène toujours une discussion sur la matière.

A propos du budget des voies et moyens on ne peut entrer dans la discussion d’objets spéciaux : l’époque où l’on présente les budgets est telle qu’il faut toujours les adopter d’urgence, et les réclamations les plus fondées ne peuvent être écoutées alors. Si on signalait des abus dans les lois on ne manquerait pas de nous renvoyer à un temps ou la chambre serait moins pressée.

M. F. de Mérode. - Les abus dureront éternellement ; il ne faut pas prétendre les déraciner tous.

M. Dumont. - Messieurs, il peut se glisser des imperfections dans toutes les lois ; mais la législature n’a rien à se reprocher quand elle a fait tout son possible pour les rendre bonnes. Mais s’il y a des vices, des abus dans la loi actuelle, c’est que nous n’avons pas jusqu’à ce jour été placés en position de la discuter convenablement ; nous avons toujours été forcés de la voter provisoirement et en hâte pour le terme d’une année.

M. Fallon. - Chaque année les mêmes discussions sont renouvelées. Depuis 4 ans nous avons eu à voter des lois d’urgence. Qui faut-il en accuser ? Est-ce la chambre ? Non. C’est le gouvernement.

Chaque année on a signalé de nombreux abus dans la loi sur les barrières. Quantité de pétitions ont été adressées à la chambre et ont démontré que ces abus étaient criants, et chaque année le gouvernement a présenté le projet de loi au dernier moment, alors qu’il était nécessaire que l’on votât d’urgence. Telle est encore notre position aujourd’hui.

Je viens de dire que c’était le gouvernement qu’il fallait accuser de cet état de choses. En effet, depuis 4 ans il est en retard, non seulement de remplir des promesses, mais de se conformer à une disposition positive de la législature. Sous le congrès, l’on avait déjà reconnu qu’il ne fallait voter la loi des barrières que pour un an, attendu que la révision de la législation sur les barrières était nécessaire.

En 1833 la discussion a été plus sérieuse. C’est alors que nous avons posé un principe. Vous remarquerez que dans le nouveau projet l’on a fait disparaître une partie du jugement porté par la chambre en 1833.

Un de nos honorables collèguest M. d'Elhoungne signalait de nombreux abus dans la classification des routes, dans le placement des poteaux et dans les distances des barrières. Je disais qu’il était nécessaire qu’une loi déterminât la distance moyenne d’une barrière à l’autre.

La loi qui nous est présentée n’a pas de bases. Le pouvoir exécutif peut rapprocher et multiplier les poteaux contre la volonté de la législature. Vous n’avez aucune loi qui décide positivement la distance légale.

- Un membre. - Le tableau !

M. Fallon. - L’on a changé le tableau chaque année. Il est tellement vrai que vous n’avez pas de loi sur les distances, que si vous comparez le tableau de chaque loi annale sur les barrières, vous verrez que les poteaux ont été dérangés. C’est ce qui arrivera aussi longtemps que vous n’aurez pas une loi positive. Voici ce que je lis dans la loi de 1833 sur les barrières, loi qui fut le résultat d’une discussion fort longue où l’on avait signalé de nombreux abus :

« Art. 4. Une loi déterminera ultérieurement une classification des routes et le placement des barrières. »

Ainsi il était reconnu en 1833 qu’il fallait qu’une loi réglât entre autres choses le placement des barrières. Cette loi ne nous a pas été soumise. Que l’on n’accuse donc pas la chambre de renouveler des discussions interminables sur les barrières.

Nous sommes aujourd’hui encore obligés de faire ce que nous avons fait les années précédentes, de voter une loi d’urgence sur les barrières.

N’accordons donc pas au gouvernement la faculté de faire des baux de 3 ans. Dans 4 ans la législation sur les barrières ne serait pas fixée. Ce n’est pas la question constitutionnelle qui a fait renouveler la discussion des années précédentes. C’est la nécessité toujours la même d’une loi nouvelle qui réprime les abus que l’on a signalés. Je voterai contre le terme de 3 ans demandé par le gouvernement et me prononcerai en faveur d’une loi annale.

M. F. de Mérode. - Messieurs, le plus grand des abus naît de l’impatience de les réprimer tous. Cette impatience donne lieu chaque année à une espèce de papillotage dans les lois. Car par le désir de rendre les lois aussi parfaites que possible, nous portons notre attention sur une foule de détails qui absorbent le temps de nos délibérations au point que nous ne statuons sur rien et que nous n’améliorons rien, tandis qu’un travail successif.... (L’orateur est interrompu par un membre.) Je parle dans l’intérêt des provinces... La marche que nous suivons fera que rien ne sera redressé.

Si nous avions le courage de voter sans discussion la loi des barrières, au lieu de recommencer un examen qui ne mène à rien, nous aurions successivement les améliorations reconnues nécessaires. En abordant tout à la fois, nous ne terminons rien.

Je parle dans l’intérêt même de la province du Hainaut qu’a défendue l’honorable M. Dumont. Il a parlé de la route de Philippeville à Charleroy. Il est possible que l’abus qu’il a signalé existe. Mais le meilleur moyen de redresser ces abus serait de les faire subsister 3 ans encore. (Hilarité générale.) Sans doute ; car ce n’est pas un abus tellement intolérable que les habitants du Hainaut en souffrent beaucoup. Au contraire tout le pays souffre de ces discussions constamment renouvelées sur le même objet sans résultat.

Si vous laissez les choses dans le même état pendant 3 ans, les conseils provinciaux pourront donner leur avis sur la loi des barrières comme l’a très bien fait observer mon honorable ami M. Devaux. Alors vous aurez suffisamment le temps de remédier aux défauts de la loi. Si vous voulez tout aborder à la fois, vous ne terminerez rien.

J’aime mieux des abus partiels et commencer par atteindre les abus les plus forts.. Peu à peu nous arriverons à ceux qui sont d’une importance moindre. (Aux voix ! aux voix !)

M. Rogier. - Je réserve ma proposition comme amendement au premier article du premier projet.

M. Gendebien. - Je demande la parole sur la position de la question.

M. le président. - Elle n’est pas posée. (Hilarité.)

M. Gendebien. - Je veux vous en éviter la peine.

M. le président. - Je vous remercie.

M. Gendebien. - Je demande que l’on mette aux voix la question de savoir si l’on percevra l’impôt des barrières au moyen de baux de 3 ans : que ce soit constitutionnel ou non, j’attache la plus haute importance à la solution de cette question.

Je déclare que si la chambre décide négativement, c’est-à-dire si elle se prononce contre le système du gouvernement, je crois que la loi pourra être immédiatement discutée et votée, tandis que dans le cas contraire, pour remplir consciencieusement mon devoir de député, je serai obligé ou de protester contre le vote de la chambre, ou d’entrer dans une longue discussion à chacun des articles. Il serait impossible à vous de voter une loi définitive sur les barrières. Je rappellerai ce qu’ont dit les honorables MM. de Muelenaere, d’Huart, de Theux, aujourd’hui ministres, sur l’impossibilité d’adopter une loi définitive alors que nous étions au 15 février 1834, et à plus forte raison aujourd’hui 5 mars 1835 : il nous est impossible de voter consciencieusement une loi définitive. Je persiste dans ma proposition.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - La proposition de M. Gendebien a fait perdre beaucoup de temps à la chambre. Il sera très facile de démontrer que cette proposition est prématurée, que c’est plutôt un amendement à l’article 2 du troisième projet présenté par le gouvernement. Cet article fixe à 3 ans la durée du bail des fermiers des barrières. M. Gendebien veut que ce bail n’ait qu’un an de durée. La discussion de son amendement serait donc arrivée tout naturellement au troisième projet, et peut-être si l’on n’avait pas perdu de temps serions-nous déjà fixés sur cette question. L’amendement de M. Gendebien ne portant que sur l’article 2 du troisième projet et ne devant être discutée que lorsque la discussion de cet article sera ouverte, je demande que l’on ne mette pas la motion d’ordre aux voix, attendu qu’il n’y a pas lieu de prendre une décision prématurée.

M. Gendebien. - Je ne sais pas pourquoi l’on se permettrait de décider que nous avons fait perdre du temps à la chambre.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - C’est mon opinion.

M. Gendebien. - Je vous défie d’en donner la preuve. Loin d’avoir fait perdre du temps à la chambre je lui en fait gagner. En effet si j’avais attendu la discussion de l’article 2 du troisième projet pour présenter ma proposition, les membres de cette assemblée qui partagent ma manière de voir dans l’incertitude où ils auraient été sur la fixation du terme de la durée des baux, auraient examiné scrupuleusement la loi article par article.

Car si vous décidez immédiatement que la loi durera 3 ans, nous disputerons le terrain pied à pied. Si vous décidez le principe dans le sens de ma proposition, la loi sera votée en un instant. Ce n’est donc pas moi qui ait fait perdre du temps à la chambre. Ce sont ceux qui n’ont pas voulu me comprendre. De ce nombre est M. le ministre des finances.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - La proposition de l’honorable M. Gendebien est tout simplement une violation du règlement. Je demande donc que le vote en soit ajourné jusqu’à la discussion des articles. Si vous admettez la proposition de M. Gendebien, vous détruisez votre règlement. Vous n’avez plus de garantie pour la discussion des projets de loi.

M. Fallon. - Il y a, il me semble, un moyen de concilier toutes les opinions. La motion de l’honorable M. Gendebien porte sur l’article 2 du troisième projet. Commençons par discuter le troisième projet. Notre règlement ne s’y oppose pas, (adhésion générale), nous éviterons ainsi la longueur des discussions qui résulteraient de l’incertitude où nous serions sur le vote de cet article 2 qui est le plus important de la loi.

M. Gendebien. - Je me rallie à la motion de l’honorable M. Fallon.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Moi aussi.

M. Rogier. - Je ne sais si la motion de M. Fallon ne repousse pas ma proposition qui consiste à faire discuter chaque article des 3 projets de loi en détail.

M. Fallon. - Ma proposition n’a pas pour but d’écarter celle de l’honorable préopinant. Je l’adopte complètement. Je la soutiendrai quand la discussion des deux premiers projets sera entamée, attendu qu’elle ne porte que sur ceux-ci et non sur le troisième.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Du moment que la question est posée ainsi, je ne vois aucune difficulté à l’admettre. Je me réserve de parler sur le fonds quand nous serons venus à l’article 2 du troisième projet.

- La proposition de M. Fallon est mise aux voix et adoptée.

Discussion des articles

Il n’y a pas de discussion générale.

Article premier

L’article premier est mis aux voix et adopté. Il est ainsi conçu :

« Art. 1er. Le droit de percevoir la taxe des barrières sera adjugé publiquement, et pour chaque barrière séparément. »

Article 2

« Art. 2. L’adjudication aura lieu par devant le gouverneur de chaque province ou un membre de la députation des états, délégué par lui, en présence de l’ingénieur en chef des ponts et chaussées et du directeur de l’enregistrement, à l’extinction des feux, par hausses successives, sur une mise à prix indiquée par le conseil et pour le terme de trois années commençant au 1er avril à minuit, et finissant au 31 mars, aussi à minuit.

« Le gouvernement et l’adjudicataire se réservent la faculté réciproque de résilier le marché chaque année, moyennant avertissement en due forme à donner dans le courant du mois décembre. »

M. Gendebien. - Je demande le rejet de cet article et je propose, par amendement, que l’on maintienne le délai d’une année comme pour les années précédentes. Il n’y a plus de raison pour demander la question préalable, parce que cette fois elle nous ferait véritablement perdre du temps.

J’aborderai seulement la question d’utilité sans reproduire ce que j’ai déjà dit au sujet de cet article 2.

On prétend en retirer un immense avantage. Je ne le vois pas. Lorsque l’on se présente pour se rendre adjudicataire d’une entreprise, on considère les chances de bénéfice et celles de perte. Dans un bail de longue durée, on a toujours soin d’examiner scrupuleusement toutes les chances possibles de perte. Dans trois années il y a plus de chances de pertes que dans une seule.

Pour ce qui est des chances de gain, sans considérer que l’entrepreneur n’envisage ordinairement que les chances de perte, je ferai observer que dans le cas dont il s’agit, les chances de gain ne seront pas très favorables puisque le gouvernement se réserve la faculté de résilier tous les ans les baux.

Il y a une autre considération à envisager, c’est que quand le bail d’une barrière se renouvelle tous les ans, beaucoup de gens disposés à soumissionner pour l’année suivante calculent le rapport de la barrière ; si le terme du bail est de trois ans, il y en aura bien peu dont la prévoyance et les calculs iront jusque-là. Ainsi, j’ai signalé deux inconvénients ; d’un côté, il y aura moins de concurrents parmi les adjudicataires, et ceux qui se présenteront soumissionneront à des taux plus élevés.

J’ai dit que l’on calculait principalement les chances de perte. En effet, ce sont celles que l’on couvre argent comptant ; et quand il s’agit d’un terme de trois années, on y regarde de près. J’en appelle à ce que vous feriez vous-même, si vous vous mettiez dans la position de l’adjudicataire.

Je finirai par une observation grammaticale. On dit dans l’article 2 que les 3 années de bail commenceront le 1er avril à minuit, et finiront le 31 mars à minuit. Il me semble qu’il y aurait à ce compte 24 heures d’intervalle.

La rédaction de ce passage devrait être changée.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je commencerai par répondre à la critique que l’on a faite de la rédaction de l’article. Cette rédaction est conforme à celle qui a été adoptée dans les lois antérieures. L’heure de minuit appartient tout aussi bien au 1er avril qu’au 31 mars. C’est une heure intermédiaire. Voilà pourquoi cette rédaction a été adoptée.

Quant au fond de la discussion, j’appellerai l’attention de l’assemblée sur un point important. Quelques personnes pourraient être tentées de repousser le terme de 3 années, dans le but d’abréger la discussion de la loi. Elles se tromperaient si elles croyaient que leur vote affirmatif dût prolonger cette discussion. Celle de l’article 2 est la seule qui puisse avoir quelque étendue. Lorsque cette question sera résolue d’une manière quelconque, les autres ne souffriront aucun retard.

L’on s’est demandé l’utilité de la durée de 3 ans demandée par le gouvernement. L’on a perdu de vue que les fermiers des barrières sont tenus de se déplacer lorsque l’époque de leur bail est expirée. La considération de ce déménagement annuel est très importante. Elle est de nature à éloigner une quantité de personnes des adjudications, tandis quelles s’y seraient présentées si l’entreprise avait eu la chance de durée que nous voulons lui donner maintenant.

Cette vérité avait été sentie par la commission qui a examiné l’année dernière le projet de loi sur la taxe des barrières. Elle a émis le vœu que le gouvernement fît une proposition à ces égard.

Le vœu de la commission n’a pas été combattu dans la discussion générale, il a même été favorablement accueilli. Maintenant, le gouvernement formule un projet d’après ce vœu bien accueilli et voilà que ce projet en arrivant à la chambre y rencontre de nouveau des contradicteurs. Je ne sais pas si c’est parce qu’il a passé du rapport de la commission dans le projet du gouvernement, si c’est cette circonstance qui lui procure des contradicteurs. Je ne trouve pas d’autres motifs que ceux aurait pu y opposer l’année dernière.

On refuse, dit-on, de voter la loi pour 3 ans, parce qu’on veut obtenir une nouvelle classification des routes. Eh bien cette loi de classification, vous ne pouvez pas la faire actuellement, mais à quelque époque que vous la fassiez, elle sera toujours indépendante de la loi de perception. Car le droit de barrière est le même sur toutes les routes soit provinciales, soit de première ou de seconde classe.

Ainsi qu’espère-t-on obtenir pour la classification et quant à l’assiette de la taxe ? Absolument rien. Il n’est pas un seul article, pas un seul mot des trois lois en discussion qui doive subir le moindre changement par l’effet d’une nouvelle classification des routes. Alors, pourquoi subordonner un projet de loi relatif à la taxe, à un projet de loi de classification ? On a déjà fait sentir un exemple du danger qu’il y a de réunir un trop grand nombre de questions dans une même loi. Ainsi la loi communale. C’est précisément à cause du grand nombre des dispositions que renferme cette loi que la discussion a tant traîné en longueur. C’est à cela que nous devons attribuer si nous sommes encore privés d’organisation communale.

Je pense donc, qu’il est tout à fait utile, dans l’intérêt de nos travaux, de discuter séparément les lois de perception et de classification. La loi relative à la perception est complète, comme je l’ai déjà dit, aucune objection grave n’a été faite contre la perception. Les seules qu’on ait fait valoir sont relatives à la classification. Ces questions se présenteront naturellement quand la chambre sera saisie de la loi sur cet objet.

Je pense qu’on peut adopter sans inconvénient et avec grand avantage la proposition du gouvernement, cette proposition a reçu un accueil favorable des gouverneurs des provinces qui sont à même d’en apprécier les effets, par la nature de leurs fonctions administratives.

Elle a reçu le même accueil de la part du corps des ponts et chaussées et du conseil qui s’en est occupé dans sa dernière session.

M. le président. - M. Gendebien propose de substituer le terme d’un an à celui de trois ans.

M. Dubus. - J’appuie la proposition de l’honorable M. Gendebien et je me prévaudrai pour l’appuyer des raisons sur lesquelles s’est appuyé M. le ministre de l’intérieur pour la combattre. M. le ministre s’est prévalu de ce qui a été dit au nom de la commission de la chambre dans la discussion qui a eu lieu à la session dernière. Le ministre n’a fait, dit-il, que satisfaire au vœu manifesté par la chambre de voir adjuger les barrières pour plusieurs années. Mais il sépare ce vœu des conditions qu’on y avait mises. Je me prévaux de ces conditions pour dire qu’on ne peut pas consentir à l’adjudication pour plusieurs années.

En effet, sommes-nous dans une autre condition que nous n’étions l’année dernière, pour faire une loi définitive ? Messieurs, nous sommes dans une condition pire. L’année dernière nous avons voté d’urgence et de confiance sans un examen suffisant, dès lors, nous devons procéder de la même manière et les raisons qui nous ont déterminés alors doivent nous déterminer aujourd’hui. Je suis à me demander comment M. le ministre peut sérieusement invoquer ce qui s’est passé l’année dernière pour faire adopter sa proposition. Il devrait tirer une conséquence tout à fait contraire.

Que disait alors le rapporteur ? Que le projet de loi avait été présenté trop tard, que la commission n’avait pas eu le temps de l’examiner avec assez de maturité pour proposer à la chambre une loi permanente, que le travail auquel il serait nécessaire de se livrer demanderait beaucoup de temps, il appelait cela un travail immense, à cause des vices nombreux qui existaient dans cette législation, et des plaintes qu’ils avaient soulevées. Il disait que parvenu au 15 février (le projet avait été présenté le 8), on n’avait pas le temps de se livrer à ce travail, qu’il fallait que la loi fût mise en discussion et votée, afin qu’on pût procéder aux adjudications avant l’expiration de la loi précédente. Or, messieurs, nous ne sommes plus au 15 février, mais au 5 mars. Le jour où on devra procéder aux adjudications est bien plus près de nous. Nous sommes plus pressés que nous ne l’étions en 1834, nous ne pouvons voter que d’urgence et sans examen.

Dira-t-on que la commission a examiné la loi ? Quand la loi a-t-elle été présentée ? et combien de temps la commission a-t-elle eu pour faire ce travail immense dont parlait le rapport de 1834 ? Un seul jour. Ainsi vous le voyez, il n’y a pas eu, il n’a pas pu y avoir d’examen, et on demande que vous donniez le caractère de permanence à une loi que vous nous forcez de voter de confiance et sans examen, tandis que, l’année dernière, le rapporteur de votre commission, M. d’Huart, vous disait que vous ne pouviez pas le faire. Il s’est opposé de toutes ses forces dans la discussion à ce qu’on fît une loi définitive.

Je crois que ce peu de paroles suffit pour vous démontrer que vous devez voter une loi temporaire. Si un autre parti était adopté, comme la division est de droit, il suffirait qu’un membre la demandât pour faire discuter les lois article par article, comme l’a annoncé l’honorable M. Gendebien.

M. Dumont. - On a parlé du temps qu’on perdait dans cette discussion. Je regrette d’être obligé de répéter ce que j’ai dit tout à l’heure sur la classification des routes, mais M. le ministre a répété mot pour mot les objections auxquelles on avait répondu, il faut bien répéter la réponse.

M. le ministre persiste à dire que le vote de la loi de perception ne préjuge rien quant à la classification et que c’est sur ce dernier point que porte toute la difficulté. Je dirai d’abord que toute la difficulté n’est pas dans les vues que présente la classification, il y en a encore une très grande dans le placement des poteaux qui, je pense, ont été singulièrement multipliés depuis la révolution.

J’ai cité un exemple, j’ai dit que sur la route de Namur, on avait placé un nouveau poteau entre Jenappe et Bruxelles. Je ne sais si d’après la loi qui fixe à cinq mille mètres la distance entre chaque barrière, on pouvait en placer sur cette route une de plus qu’il n’y en avait précédemment. Croyez-vous que le gouvernement hollandais qui percevait aussi les produits des barrières, aurait négligé d’en placer une là où d’après la loi il aurait pu en établir. Voilà un fait.

Je pose en fait que sur une distance de 11 mille mètres qui ne comporte que deux barrières, il y en a trois. Il est impossible qu’un pareil état de choses puisse être maintenu pendant trois années.

La perception, dit M. le ministre, est tout à fait indépendante de la perception. Si vous permettez d’adjuger le produit des barrières pour trois années, vous verrez que ce sera la même chose que si vous aviez maintenu la classification pour trois années, parce que d’ici-là le gouvernement ne nous aura pas présenté de projet de loi de classification. Disons-le franchement, l’opinion du gouvernement vous est trop connue, nous savons qu’il ne veut rien changer à cet égard, que son intention est d’enrichir plusieurs provinces, les provinces de Limbourg et du Luxembourg aux dépens des autres provinces. Si vous votez la loi pour trois ans, vous n’obtiendrez rien.

M. Desmanet de Biesme. - Je demande la parole pour motiver mon vote. Je faisais partie de la commission chargée d’examiner la loi en discussion, et je dois dire que je ne regardais pas cette loi comme définitive, mais il m’avait semblé qu’il valait mieux la voter pour trois ans, pour ne pas obliger le gouvernement à revenir chaque année demander une loi d’urgence qu’on n’avait jamais le temps d’examiner. Cependant, les observations faites dans le cours de la discussion, m’ont tellement frappé que je crois maintenant qu’il est préférable de ne voter la loi que pour un an. C’est dans ce sens que je voterai.

M. Fallon. - Je ne vois pas quel avantage M. le ministre peut trouver à adjuger les barrières pour trois ans, en se réservant la faculté de résilier le marché. Les adjudicataires ne lui offriront des conditions avantageuses qu’autant qu’ils auront une garantie de conserver la perception du droit pendant trois ans, et cette garantie ils ne l’ont pas dès l’instant que le ministre se réserve la faculté de résilier le bail. Il n’obtiendra donc aucun avantage. Je voterai contre le projet du gouvernement.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Il me serait impossible de répondre à l’interpellation de l’honorable M. Dumont. Je ne puis pas savoir si en 1831 une nouvelle barrière à été établie sur telle route. La chambre ne poussera pas l’exigence jusqu’à vouloir que je sache les changements qu’on a pu apporter depuis plusieurs années dans le placement des barrières. Si l’honorable membre m’avait adressé la question plus tôt, j’aurais fait prendre des informations et j’aurais pu lui donner une réponse péremptoire.

Je faisais partie de la commission qui a examiné l’année passée le projet de loi sur la taxe des barrières. La chambre a-t-elle indiqué aucune méthode nouvelle à suivre ? Je ne sache pas. Il est vrai que les années précédentes on avait indiqué des modifications, mais elles étaient telles qu’elles ne pouvaient avoir aucune chance de succès. Je me demande quels éclaircissements la chambre attend encore pour fixer une bonne fois son opinion sur une loi qu’elle a discutée trois années de suite.

Quelques orateurs ont semblé reprocher au gouvernement le retard apporté dans la présentation de la loi. Je ne pouvais la présenter plus tôt. Immédiatement après avoir reçu l’avis des autorités provinciales sur le projet, je l’ai soumis au conseil des ponts et chaussées dans la première séance et dès que j’ai obtenu son avis je me suis empressé de déposer la loi sur le bureau après l’avoir soumis à la signature du Roi.

Evidemment il n’y a pas eu de perte de temps. Je crois qu’une loi aussi simple, qui a déjà été tant de fois examinée, ne peut présenter aucune espèce de doute. Ce qui en arrête le vote est évidemment une question d’intérêt provincial. On veut se réserver la faculté de remettre tous les ans en discussion la taxe des barrières pour empêcher la distribution des fonds communs. Je suis obligé de le dire ; voilà le nœud gordien de la discussion actuelle. La chambre aura à décider si elle désire que l’on remette dans cette assemblée en discussion la loi sur la taxe des barrières. Je ne pense pas que son intention soit d’abandonner le fonds commun qui en provient.

M. Fleussu. - Ce n’est pas pour entraver la marche du gouvernement que je m’oppose à l’article en discussion. Il sera toujours loisible à un membre de cette assemblée de remettre en question la loi sur la taxe des barrières à propos du budget des voies et moyens. C’est une faculté que vous ne pouvez ôter à aucun membre de cette assemblée.

Si je m’oppose donc à la proposition ministérielle, c’est que je vois que nous ne sommes pas plus éclairés que l’année passée. Déjà plusieurs fois l’on a présenté cette considération que nous étions moins pressés l’année passée qu’aujourd’hui et cependant nous n’avons pas cru devoir adopter une loi définitive sur la taxe des barrières. En effet, l’année passée le rapport sur le projet de loi nous fut présenté le 15 février. Cette année-ci, il a été présenté le 4 mars, si tant est que l’on puisse qualifier de rapport ce peu de lignes.

Le rapporteur a proposé pour tout changement la conversion des cents en centimes. Rien de nouveau ne nous a donc été dit sur la loi des barrières.

Ce n’est pas précisément sur la taxe des barrières que les réclamations portaient, mais bien sur l’emplacement des poteaux. Si vous adoptez la proposition ministérielle, il est évident que vous maintiendrez pendant 3 ans les abus nombreux que l’on a signalés. Le gouvernement lui-même les reconnaîtrait qu’il ne serait plus possible d’y remédier que par une loi nouvelle.

En effet, il a dit à l’article 2 du premier projet que la taxe des barrières sera perçue conformément au tableau d’emplacement annexé à la loi. Le tableau fait donc partie de la loi. Si donc il y avait des abus flagrants, il faudrait qu’ils subsistassent pendant trois années avant que la loi y portât remède. Je demande quelle confiance vous pouvez avoir dans les tableaux annexés à la loi. Ils ont été donnés par le conseil des ponts et chaussées. Nous ne savons pas si les autorités provinciales ont été consultées.

M. Eloy de Burdinne, rapporteur. - Elles ont été consultées.

M. Fleussu. - Nous n’en savons rien : le rapport ni le projet n’en disent rien. Vous voyez que les tableaux ont été dressés par l’administration des ponts et chaussées. Si toutes les pièces nous avaient été présentées, nous verrions quel degré de confiance nous devons avoir dans le tableau qui nous est présenté.

Si nous ne votons la loi que pour un an, nous pourrons remédier l’année prochaine à beaucoup d’abus. C’est par ce motif que je n’adopterai pas l’article présenté par le gouvernement.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je ferai observer que les autorités provinciales ont été consultées. J’ai déjà dit que c’est après le retour de leurs rapports que j’ai soumis la loi à l’avis du conseil des ponts et chaussées. Quant à la distance des poteaux de barrières je rappellerai de la loi, elle doit être de 5,000 mètres sauf la tolérance également déterminée par la loi.

M. Fallon. - Si nous repoussons le délai de trois années demandé par le gouvernement c’est que nous voulons mettre un terme au déni de justice fait à l’égard des plaintes nombreuses qu’a occasionnées le placement des poteaux de barrières.

L’on a accusé l’honorable M. Dumont de s’être guidé par un esprit provincial, l’on ne me fera pas le même reproche à l’égard des abus que je vais signaler.

Je ne veux pas plus que les provinces perçoivent le droit de barrières au détriment du trésor, que je ne veux que le gouvernement multiplie les barrières aux dépens des contribuables. La province de Brabant perçoit au détriment du trésor une barrière de trop sur la route de Wavre. Celle de Namur est dans le même cas à l’égard de la route d’Andenne. Dans les deux cas que je cite l’on a ajouté une distance qui fait partie d’une route de première classe à celle de la route provinciale.

M. Gendebien. - Pour vous prouver combien le placement des poteaux est arbitraire, je citerai un seul fait. Malines est exactement située à mi-chemin d’Anvers à Bruxelles. En bien, entre Bruxelles et Malines il y a quatre barrières et entre Malines et Anvers, il y en a cinq.

Je ne comprends pas l’insistance de M. le ministre de l’intérieur à nos justes réclamations. Il répond par une espèce d’injure, il nous accuse d’esprit provincial. Il prétend que nous voulons diminuer le fonds commun.

Ce que nous désirons, comme l’a dit l’honorable M. Fleussu, c’est que le terme d’une année fixé à la loi des barrières nous permette de remédier aux nombreux abus qui ont été signalés. J’ai le droit de me plaindre de la distribution du fonds commun, parce qu’aux termes de l’article 3 de la loi du 6 mars 1831, ce fonds commun ne doit provenir que des routes de grande communication.

L’on ne peut nous accuser de vouloir faire disparaître ce fonds commun. Nous invoquons une disposition qui est dans nos lois et dans l’esprit de la constitution, disposition que n’a pas respectée le roi Guillaume, et que le gouvernement actuel n’a pas plus respectée.

M. le ministre voit dans un bail de trois ans une garantie de stabilité pour les adjudicataires. Mais ne vous êtes-vous pas réservé le pouvoir de résilier les baux tous les ans ?

Mais maintenant, il faut remarquer que tous les ans des fermiers résilieront ; vous allez donc faire des adjudications partielles. Quelle concurrence espérez-vous avoir dans de telles adjudications ? Qui se présentera pour reprendre un bail résilié ? Personne.

Il est donc évident qu’il y a plus d’inconvénients que d’avantages à votre nouveau système, à votre projet de loi définitif.

Vous avez entendu ce que l’honorable M. Dumont vous a dit au sujet de la route de Philippeville, ce que l’honorable M. Fallon vous a dit de la route de Bruxelles à Namur par Wavre, ce que je vous ai dit moi-même de la route de Malines à Anvers. Il est évident d’après cela qu’adopter la loi proposée, ce serait consacrer une injustice pour trois années. Or, vous devez faire en sorte qu’une injustice dure le moins possible. Quant à moi, je voterai contre la disposition qui autorise les adjudications pour trois années.

- Plusieurs membres. - Aux voix ! aux voix !

M. Eloy de Burdinne, rapporteur. - Je désirerais répondre à M. Dumont, relativement au placement des barrières.

Il a dit qu’il y avait des erreurs graves dans le placement de certaines barrières. J’aurai l’honneur de faire observer à cet égard que la chambre, à qui le projet de loi est distribué depuis quelque temps, a pu en juger ; mais que ce n’est pas dans un délai de quinze jours que la commission pouvait juger si toutes les barrières étaient bien placées. (Ah ! ah !)

Permettez ! les membres de la chambre qui connaissent chacun quelque localité, pouvaient donner des renseignements à la commission, c’est ce qu’a fait l’honorable M. Dumont.

Je me suis, quant à moi, transporté au ministère, où j’ai demandé des renseignements que j’ai obtenus ; il est certain que, dans certaines localités, les barrières sont trop rapprochées ; mais…

- Un grand nombre de voix. - La clôture !

M. Eloy de Burdinne. - Mais cela se trouve compensé par la distance de la barrière suivante...

- Les cris : « la clôture ! » couvrent la voix de l’orateur.

- Plusieurs membres. - L’appel nominal !

M. Seron. - On n’est pas en nombre.

M. Legrelle. - Puisque personne ne s’oppose à la clôture, je demande que l’appel nominal ait lieu non sur la clôture, mais sur l’amendement.

M. Gendebien. - Le vote par appel nominal établira si la chambre est en nombre ou non. Si nous ne sommes pas en nombre, le vote sera nul.

- L’amendement tendant à substituer un an à trois ans comme durée de l’adjudication des barrières est mis aux voix par appel nominal ; en voici le résultat :

50 membres sont présents et prennent part au vote.

30 votent pour l’adoption.

20 votent contre.

La chambre n’étant pas en nombre, le vote est déclaré nul.

Ont voté pour l’adoption de l’amendement : MM. Verrue-Lefrancq, Brabant, Brixhe, Corbisier, Dautrebande, Desmanet de Biesme, Desmet, de Stembier, Doignon, Dubus, Dumont, Dumortier, Fallon, Fleussu, Gendebien, Jadot, Lardinois, Legrelle, Morel-Danheel, Polfvliet, Pollénus, Quirini, A. Rodenbach, Seron, Thienpont, Vandenhove, Vanderbelen, Vanderheyden, Verdussen, Vergauwen.

Ont voté contre : MM. de Laminne, de Longrée, de Man d’Attenrode, F. de Mérode, de Muelenaere, de Renesse, de Sécus, de Theux, Dewitte, d’Huart, Dubois, Eloy de Burdinne, Milcamps, Olislagers, Raikem, Rogier, Schaetzen, Smits, Ullens, C. Vuylsteke.

M. Dumortier. - Je demande la parole pour un fait personnel. J’ai été inculpé ; j’espère que la chambre me permettra de lui donner quelques explications ; mais si elle le désire, je ne donnerai ces explications que demain.

- Plusieurs membres. - Oui, à demain.

- La séance est levée à 5 heures un quart.