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d’intention
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Chambre des représentants de Belgique
Séance
du lundi 9 mars 1835
Sommaire
1) Pièces
adressées à la chambre
2)
Vérification des pouvoirs d’un membre de la chambre (Bosquet)
3) Proposition
de loi relative à la création d’un tribunal de première instance à
Philippeville (Seron, Pirson, Pollénus, Gendebien, Ernst, Pirson, Pollénus)
4) Projet
de loi portant organisation des communes. Second vote des articles.
a)
Question relative à la prise en considération des amendements (Dubus)
b)
Préambule (Dumortier)
c)
Conseil communal. Nombre des
conseillers communaux (Dumortier, Dubus,
de Theux, Dumortier),
conditions d’éligibilité des conseillers communaux (condition renforcée de
cens) (Seron, H. Dellafaille,
Dubus, Gendebien, Lebeau, Dubus, H.
Dellafaille, Dubus, de Theux,
Gendebien, Desmet, Pirson, de Theux, Gendebien, de Theux, Dumortier, Desmanet de Biesme, Dubus, Gendebien, F. de Mérode, Fallon, Dumortier, de Theux, Dubus, Desmanet de Biesme, Dumortier, Gendebien),
conditions d’éligibilité des conseillers communaux et/ou du bourgmestre
(condition de domicile) (Doignon, Dumortier,
Desmet, de Theux, F. de Mérode, Dumont, Dubus, Dumortier, de Theux, Desmet, de Theux, Dubus, Doignon,
de Brouckere, Dumortier, Dumont, de Theux, de Brouckere, de Muelenaere,
Dumortier, H. Dellafaille,
Dumont, de Muelenaere, F. de Mérode, de Brouckere, Dumortier, Gendebien, Dewitte, Milcamps, Gendebien, de Brouckere)
(Moniteur belge n°69, du 10 mars 1835)
(Présidence de M. Raikem.)
La séance est ouverte à une
heure.
M.
de Renesse fait l’appel nominal et donne lecture du procès-verbal de la
séance de vendredi dernier, dont la rédaction est adoptée.
L’honorable membre fait
connaître l’analyse des pièces suivantes envoyées à la chambre.
PIECES ADRESSEES A
« Le sieur L. Van den
Bosche adresse des observations sur le projet de loi relatif aux
los-renten. »
________________
« Plusieurs détenteurs de
certificats des domaines dits los-renten renouvellent leur demande qu’il soit
alloué au budget une allocation pour payer l’intérêt légal à raison de 5 pour
cent l’an sur les certificats de rentes remboursables. »
________________
« Les juges de paix ruraux de
l’arrondissement de Tournay demandent une augmentation de traitement. »
________________
« Le sieur P. Floris,
pharmacien, demande que la chambre modifie la loi du 12 mars 1818 dans les
dispositions qui permettent aux médecins du plat pays de fournir des
médicaments à leurs malades. »
________________
« Plusieurs propriétaires
du sol du Hainaut réclament contre la demande faite par les sociétés houillères
du couchant de Mons d’être autorisées à faire un chemin de fer pour transporter
leurs charbons aux rivages. »
________________
« Le sieur Dubois adresse
des observations sur les modifications à la loi sur le notariat introduites
dans le projet d’organisation judiciaire. »
- Ces pétitions sont renvoyées
à la commission chargée d’en faire le rapport.
M.
Dubus. - Messieurs, la commission qui a été désignée par le sort dans
votre dernière séance pour vérifier les pouvoirs de M. Bosquet, élu membre de
la chambre par le collège de Bruxelles, le 27 du mois de février, m’a chargé de
vous faire son rapport.
Il résulte du procès-verbal
qui a été mis sous les yeux de la commission que le nombre des suffrages
valables dans les bureaux entre lesquels était partagé le collège, s’est élevé
à 500 ; qu’il y a eu en outre 7 billets nuls ; que M. Bosquet, procureur du
Roi, a obtenu en tout 269 suffrages.
La majorité absolue, d’après
le nombre des suffrages valables, a été établi à 251 ; M. Bosquet s’est donc
trouvé avoir obtenu 18 voix de plus que cette majorité absolue ; et il a, en
conséquence, été déclaré membre de la chambre des représentants en remplacement
de M. Teichmann.
Je dois faire connaître à la
chambre que la commission n’a eu sous les yeux que le procès-verbal du bureau
principal ; les procès-verbaux des autres bureaux n’y étaient pas joints ;
cependant, comme il constate que toutes les formalités voulues par la loi ont
été remplies, et qu’aucune réclamation ni observation n’a été faite, et comme
jusqu’ici la chambre n’a exigé la représentation des procès-verbaux de tous les
bureaux que quand il y a réclamation, votre commission ne s’est point arrêtée à
cette circonstance. Il a été de plus justifié que M. Bosquet est Belge de
naissance et qu’il a l’âge requis ; en conséquence, au nom de la commission,
j’ai l’honneur de vous proposer l’admission de M. Bosquet comme membre de la
chambre des représentants en remplacement de M. Teichmann.
- Les conclusions de la
commission sont adoptées sans opposition.
M.
Seron est appelé à la tribune pour donner lecture et exposer les motifs
de la proposition qu’il a déposés sur le bureau de la chambre dans une séance
précédente.
Cette proposition a pour but
la création d’un tribunal de première instance à Philippeville.
M.
Pirson a la parole
pour présenter une proposition analogue, quant au but, à celle de l’honorable
M. Seron, mais différente quant au moyen : M. Pirson demande seulement qu’on
augmente le personnel du tribunal de Dinant de deux magistrats.
M. Seron fait observer que l’augmentation du personnel
du tribunal de Dinant ne remédiera pas aux graves inconvénients qui existent
dans cette localité ; et, par exemple, n’empêchera pas que beaucoup de
justiciables ne soient à 13 lieues de Dinant ou du siège du tribunal.
La création d’un tribunal à Philippeville,
ajouté l’honorable membre, n’entraînera le trésor dans aucune dépense, puisque
l’administration municipale de cette ville offre de faire les frais nécessaires
à l’établissement de ce tribunal.
- La proposition de M. Seron
est prise en considération et est renvoyée devant les sections avec
l’amendement de M. Pirson.
M. Pollénus. - Messieurs, ce que le gouvernement
a annoncé dans le discours du trône est bien propre à abréger la discussion sur
les propositions faites par les honorables membres et sur les propositions
semblables. Le discours du trône annonce en effet une nouvelle loi sur les
attributions et la compétence des corps judiciaires. La discussion de cette loi
montrerait s’il est nécessaire d’augmenter les judicatures existantes ou leur
personnel.
Je rappellerai donc au
gouvernement la promesse qu’il a faite à cet égard et je la lui rappelle
d’autant plus qu’un projet semblable a été présenté récemment aux chambres de
France. Je crois même qu’il est impossible qu’une discussion utile puisse
s’entamer relativement à la création de quelques tribunaux avant qu’une loi sur
leurs attributions et leur compétence soit portée.
M. Gendebien. - Il me paraît que l’observation
de M. Pollénus est parfaitement juste et qu’elle méritait une réponse de la
part du ministre de la justice. Je demande si le ministre est en effet dans
l’intention de présenter un projet de loi sur la compétence et les attributions
; car si telle était son intention, on pourrait aborder la discussion des
propositions qui nous sont présentées relativement à certaines localités
jusqu’à ce que cette loi soit connue.
Je ne dis pas qu’il faille que
la loi soit adoptée, mais il faudrait qu’elle fût présentée ; car on pourrait, à
son inspection, voir s’il convient d’augmenter le personnel des tribunaux et
dans quels tribunaux il faut faire cette augmentation.
M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Quoique
je n’aie pas répondu aux observations de l’honorable député du Limbourg, je ne
les considère pas moins comme dignes d’être prises en considération.
Si le
gouvernement n’a pas présenté un projet de loi sur les attributions et la
compétence, c’est qu’il a jugé que la chambre ne pourrait s’en occuper dans
cette session, attendu les nombreux travaux qu’elle a à terminer.
M.
Pirson. - Je pense qu’il faudrait en effet qu’un projet émané du
gouvernement, sur les attributions, fût examiné avant de discuter les
propositions relatives à l’augmentation et à la création des tribunaux, Le
gouvernement seul peut connaître ce qui se passe dans toutes les localités, et
aviser convenablement aux moyens de satisfaire tous les besoins.
M.
Pollénus. - Je ne puis laisser sans réponse ce que vient de dire M. le
ministre de la justice. Il croit, dit-il, que les travaux de la chambre sont
pour le gouvernement un motif suffisant d’abandonner le projet de loi
d’attributions. Messieurs, c’est dans les travaux de la chambre que moi je
puiserai des considérations qui, je pense, justifient la nécessité de la
présentation du projet de loi dont il s’agit. Rappelez-vous que plusieurs
projets de loi sur la création de judicatures nouvelles et sur des
augmentations de personnel sont en ce moment soumis à l’examen de la chambre :
comment M. le ministre de la justice veut-il que l’on discute et que l’on juge
l’utilité ou la nécessité de ces lois nouvelles, tant qu’un nouveau système
d’attribution et de compétence n’aura pas définitivement fixé la nature et
l’étendue des travaux de chaque corps judiciaire ? De quelle manière
déterminera-t-on le personnel nécessaire à tel ou tel tribunal, tandis que la
loi n’aura pas décidé quelle sera l’étendue de ses travaux et de ses
attributions, seule base possible des circonscriptions comme du personnel des
administrations judiciaires ?
Il est encore une autre
considération que je recommanderai à l’attention du ministre, c’est que le
projet de loi que je réclame demande un examen préparatoire long et détaillé,
pour lequel il est indispensable de consulter l’expérience des hommes spéciaux
placés dans les divers degrés de l’ordre judiciaire. Vous vous rappellerez que
les projets d’organisation judiciaires, de révision du code pénal, etc., ont
été envoyés à l’avis des cours et tribunaux : certes, le projet de compétence
n’est pas moins important, il n’offre pas moins de difficulté que plusieurs
autres sur lesquels on a jugé a propos de consulter les tribunaux. M. le
ministre de la justice ferait chose utile et nécessaire même de présenter ce
projet dans un bref délai ; c’est le seul moyen de rendre possible la
discussion des propositions de MM. Seron, Pirson et autres.
D’ailleurs, le projet de loi
est un des plus pressants besoins des justiciables, et il est l’objet de l’une
des promesses que renferme le discours du trône. En voilà plus qu’il n’en faut
pour que le gouvernement se fasse un devoir de nous présenter ce projet.
Je rappellerai que, lors de la
discussion sur l’augmentation du personnel de la cour d’appel de Bruxelles,
notre collègue M. de Behr a communiqué à la chambre ses vues sur les
améliorations qu’il conviendrait d’introduire dans la compétence des corps
judiciaires. Je recommande à M. le ministre de méditer les réflexions émises à
cette occasion par mon honorable ami ; il y verra que les intérêts du trésor
public sont parfaitement d’accord avec ceux des justiciables. Je le répète,
cette loi est promise par le discours du trône ; rien n’autorise, suivant moi,
M. le ministre à décliner une semblable promesse.
Second vote des articles
M. le
président. - Par décision prise par la chambre, les articles de la
section centrale auxquels le ministre adhère ne seront pas considérés comme
amendements et ne seront pas soumis à un nouveau vote ; et les articles du
projet du gouvernement, abandonnés par lui, mais repris par un membre de la
chambre, seront considérés comme amendements.
M.
Dubus. - Ce sont les articles proposés par la section centrale, et
auxquels le ministre a donné son assentiment avant la discussion, qui devront
être considérés comme proposition primitive, et n’être pas susceptibles d’un
second vote.
Cette distinction est
importante.
Chapitre 1er. - De la
composition du corps communal et de la durée des fonctions de ses membres
Section 1ère. De la
composition du corps communal
Article
premier
M. le
président. - Voici l’art. 1er de la loi :
« Il y a dans chaque
commune un corps communal composé de conseillers, du bourgmestre et des
échevins.
« Les conseillers sont élus
directement par l’assemblée des électeurs de la commune. »
M.
Dubus. - Je rappellerai à l’assemblée que lors du premier vote on a
suspendu la discussion sue le deuxième paragraphe de cet article, jusqu’à ce
que eût prononcé sur les articles relatifs à la nomination des bourgmestres et
échevins ; je demande que l’on fasse de même aujourd’hui.
- Cet avis est adopté.
M.
Dumortier, rapporteur. - Je ferai observer que lors du premier vote on
a omis de délibérer sur le préambule de la loi : « Léopold, etc., vu les art.
3, 31, 108, 109, 110, 129, 137, 139 de la constitution. » Ce préambule est
celui qui a été proposé par la section centrale.
Je demande qu’on s’en occupe
maintenant.
- Le préambule ou le
considérant de la loi, dont parle l’honorable M. Dumortier, est mis aux voix et
adopté.
Le premier paragraphe de
l’art. 1er est mis aux voix et adopté.
M.
Gendebien. - Bien entendu sauf rédaction.
M. le
président. - « Art. 2. Le corps communal est composé de 7 membres dans
les communes au-dessous de 1,000 habitants ;
« de 9 dans celle de
1,000 à 3,000 habitants ;
« de 11 dans celle de
3,000 à 10,000 habitants ;
« de 13 dans celle de
10,000 à 15,000 habitants ;
« de 15 dans celle de
15,000 à 20,000 habitants ;
« de 17 dans celle de
20,000 à 25,000 habitants ;
« de 19 dans celle de
25,000 à 30,000 habitants ;
« de 21 dans celle de
30,000 à 35,000 habitants ;
« de 23 dans celle de
35,000 à 40,000 habitants ;
« de 25 dans celle de
40,000 à 50,000 habitants ;
« de 27 dans celle de
50,000 à 60,000 habitants ;
« de 29 dans celle de
60,000 à 70,000 habitants ;
« de 31 dans celle de
70,000 et au-dessus. »
M. Dumortier, rapporteur. - Il est impossible
d’adopter cet article sans le modifier encore.
L’échelle de gradation
proposée par la section centrale, de 5 en 5 mille, était préférable ; il faut y
revenir. Je demande que l’on adopte l’article que la section centrale avait
présenté.
M. Dubus. - Je remarque que la proposition de
mon honorable ami, laquelle n’est que la reproduction de l’article de la
section centrale, tend à restreindre le nombre des conseillers communaux dans
les communes de 3 à 5 mille habitants. Je ne crois pas qu’il y ait à cela de
l’avantage, d’autant plus que si l’on revient au système de la section centrale
pour le mode de nomination du bourgmestre, en ne restreignant pas le nombre des
conseillers communaux, on aura plus de facilité pour choisir le bourgmestre
dans le sein du conseil.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Je ferai remarquer que la proposition de l’honorable M. Dumortier repose
uniquement sur la préférence qu’il convient de donner à une fraction décimale
exacte, ce qui ne peut pas entrer en comparaison avec l’utilité de la commune.
Or, quand une commune peut fournir onze conseillers, c’est un avantage pour
elle qu’on lui accorde ce nombre de conseillers pour régler ses intérêts, ses
impositions, ses aliénations de biens, enfin tout ce qui est d’intérêt
communal. Ce motif doit, ce me semble, déterminer la chambre à maintenir
l’article primitivement adopté.
M.
Dumortier, rapporteur. - Je reconnais que les motifs énoncés par M. le
ministre de l’intérieur sont fondés ; je retire donc ma proposition qui n’était
au reste que la reproduction de ce qu’avaient d’abord proposé le gouvernement
et la section centrale.
- La chambre confirme par son
vote l’adoption de l’art. 2.
Article 3
M. le
président. - « Art. 3. Dans les communes composées de plusieurs
sections ou hameaux détachés, la députation permanente du conseil provincial
peut déterminer, d’après la population, le nombre de conseillers à élire parmi
les éligibles de chaque section ou hameau.
« Dans ce cas, tous les
électeurs de la commune concourent ensemble à l’élection.
« Il y a néanmoins un
scrutin séparé pour chaque section ou hameau. »
Le gouvernement s’étant rallié
à cet article, il n’y a pas lieu à le mettre aux voix.
M. le
président. - « Art. 4. Nul n’est éligible s’il n’est âgé de 25 ans
accomplis, et s’il ne réunit en outre les qualités requises pour être électeur
dans la commune.
« Dans les communes ayant
moins de 400 habitants, un tiers au plus des membres du conseil peut être pris
parmi les citoyens domiciliés dans une autre commune, pourvu qu’ils paient le
cens électoral dans celle où ils sont élus et qu’ils satisfassent aux autres
conditions d’éligibilité.
« Les fils d’électeurs et
les fils de veuves payant le cens électoral, sont éligibles sans devoir
justifier du cens électoral, pourvu qu’ils remplissent les autres conditions
d’éligibilité.
« Nul ne peut être membre
de deux conseils communaux. »
M.
Seron. - Messieurs, les insurrections sont appelées révoltes quand les
tyrans parviennent à les comprimer ou à les vaincre. Je ne sais quelle épithète
elles méritent lorsqu’elles tournent uniquement au profit des intrigants et des
hypocrites qui les exploitent et s’en emparent. Mais, sans doute, il n’en est
pas de légitimes, hormis celles dont l’objet est de réintégrer les membres du
corps social dans la jouissance de leurs droits sacrés et imprescriptibles et
d’améliorer leur condition, en échange des sacrifices qu’elles leur imposent et
des malheurs dont elles sont nécessairement accompagnées.
Tel parut être le caractère de
votre révolution quand, à son origine, ses chefs, la proclamant toute populaire
dans son but, appelèrent le peuple à nommer lui-même ses magistrats et ses
représentants, et voulurent que tous les citoyens indistinctement fussent
éligibles aux fonctions publiques, quelle que fût d’ailleurs leur fortune. Mais
bientôt, un mouvement rétrograde fut imprimé à sa marche incertaine et timide.
D’abord, il y eut des sénateurs à 1,000 florins de contributions ; ensuite on
augmenta le cens des électeurs appelés à choisir les membres des deux chambres
législatives : récemment l’article 19 de votre loi provinciale a décidé que,
pour être électeur dans les plus petites communes, il faut payer une
contribution directe de 20 fr. ; et, enfin, si vous maintenez, tel qu’il est,
l’art. 4 maintenant en discussion, nul ne pourra remplir les fonctions municipales,
à moins d’être électeur dans la commune à laquelle il appartient. Il y a loin
de là aux promesses du gouvernement provisoire.
Cependant, malgré le dédain
des gens comme il faut pour les classes qu’ils croient au-dessous d’eux, il est
peu raisonnable, à mon avis, de prendre la fortune des citoyens pour mesure,
soit de leur patriotisme, soit de leur capacité, soit de leur valeur
intrinsèque. Les richesses ne donnent ni les vertus, ni les talents. La
possession de l’or, loin d’allumer en nous les passions nobles et généreuses,
fortifie, au contraire, l’égoïsme auquel nous ne sommes naturellement et
malheureusement que trop enclins. Ainsi, pour appuyer de faits mes assertions,
les révolutions qui ne manquent jamais de défenseurs prêts à répandre leur sang
pour les faire triompher, trouvent rarement des amis disposés à les aider de
leur bourse. Ainsi, lorsqu’en 1830 il fallut chasser les Hollandais du Parc, on
vit, de tous les points de
Mais quand, ensuite, le
gouvernement provisoire eut fait connaître à la nation le vide des caisses
publiques ; quand, afin de pourvoir aux besoins les plus pressants, il eut
ouvert un emprunt volontaire de 5 millions de florins, les capitalistes
demeurèrent sourds à cet appel, et dans un pays où ils sont nombreux, où le
numéraire abonde, la totalité des versements, après une attente de plusieurs
mois, à peine s’éleva à la modique somme de 200 mille florins.
L’expérience a également
prouvé que, souvent, dans les dangers et dans les malheurs de la patrie, les
riches, ou du moins beaucoup d’entre eux, au lieu de demeurer au poste du
citoyen, émigrent et portent à l’étranger leurs trésors avec lesquels ils se
trouvent bien partout. Ils sont insouciants sur le sort de leurs compatriotes
qu’une position et des inclinations toutes différentes attachent invinciblement
au sol natal, exposent à tous les dangers des discordes civiles et des guerres
étrangères, et soumettent à des prestations ruineuses. On n’a pas oublié
combien de maisons a Bruxelles, en 1830 et 1831, demeurèrent désertes, qui
n’étaient pas celles où les pauvres ont l’habitude de se loger.
Si les états annexés au
rapport de la section centrale sont exacts comme je dois le croire, les
électeurs chargés de nommer les membres de la législature et les
administrateurs des provinces, et faisant d’ailleurs partie des électeurs
communaux, n’excèdent pas le nombre de 48 mille. On compte, en outre, dans les
villes 29,425 électeurs municipaux. Supposons que les campagnes en fournissent
dans la même proportion, elles en donneront 47,749. Ainsi,
De plus, par la fixation à 20
fr. du minimum du cens électoral, le nombre des électeurs et des éligibles,
dans une foule de petites communes pauvres, se trouvera réduit à 3 ou 4 ; en
sorte que les art. 4 et 19 de votre loi ne pourront y recevoir leur exécution.
Est-ce là la récompense que le
peuple devait attendre de son dévouement et de ses services. Il est des hommes,
je le sais, qui le regardent comme un instrument méprisable et bon à briser
quand ils croient les révolutions finies. Ils oublient qu’ils doivent à son
courage leurs épaulettes à graines d’épinards et leurs habits galonnés. Pour
moi je n’oublierai pas que, sans la révolution, je n’aurais jamais eu l’honneur
de siéger ici. Je reviens à la question.
La section centrale prétend
qu’il faut exclure du droit de voter (et conséquemment des fonctions publiques)
ceux qui n’ont rien. Qu’entend-elle pas là ? Existe-t-il des hommes qui n’ont
rien ? L’intelligence, l’industrie, la bonne conduite jointe au travail ne
sont-elles pas une propriété ? Ne sont-elles pas aux yeux de la société, un
capital aussi précieux qu’une somme d’argent ou qu’un fonds de terre ? Elle ajoute : « Ceux qui n’ont rien sont
plus souvent des agents de troubles que des agents d’ordre public. » Cela
est bientôt dit, mais il faudrait le prouver. Elle ajoute encore : « Il ne
faut pas sacrifier l’ordre à la liberté. Avant tout, la tranquillité et
l’ordre. » Et moi aussi, messieurs, je veux l’ordre et la tranquillité ; mais
je n’ai pas peur de la liberté qui, au fond, n’est autre chose que l’ordre,
puisqu’elle permet seulement de faire ce qui ne nuit pas à autrui. Je ne viens
pas d’ailleurs plaider à cette commune la cause des pillards et des coquins qui
les ont mis en œuvre mais, « dans ce pays d’ordre par excellence où chaque
citoyen apporte en naissant l’amour de l’ordre et de la liberté » (rapport
de la section centrale), refuseriez- vous tout droit de cité à l’honnête
ouvrier vivant du travail de ses mains et ne pillant personne ? Opposeriez-vous
la même exception au pauvre villageois, dont toutes les propriétés se réduisent
à la chaumière où il se loge et au petit champ qu’il cultive ? Ne sont-ils pas
l’un et l’autre des amis de l’ordre, des observateurs de la loi, des patriotes
pratiques aussi respectables et plus utiles que le consommateur oisif et riche
? Offrent-ils à l’ordre social moins de garantie ?
On veut faire résulter leur
capacité d’élire ou d’être élus d’un cens électoral plus on moins élevé suivant
la population des localités qu’ils habitent. Mais, pour n’être pas inscrits aux
rôles des contributions directes, ou pour n’y figurer qu’à raison d’une faible
cotisation, peut-on les dire exempts des charges publiques ? Ne sont-ils pas
atteints démesurément, et bien plus que les riches, par les droits de
consommation et surtout par l’injuste gabelle du sel ? N’ont-ils pas comme lui,
et ordinairement en bien plus grand nombre, des enfants mâles frappés par les
lois de la milice et payant de leur sang à la patrie, en temps de guerre, un
tribut dont les riches se libèrent avec quelque argent en se faisant remplacer
?
Messieurs,
quand Bonaparte, dans cette expédition de 1815 la plus étonnante de toutes
celles qu’il eut jamais entreprises, vint, un bâton à la main, chasser les
Bourbons et se replacer, pour son malheur et pour le malheur de
Il n’est plus temps de revenir
sur l’article 19, puisqu’il faut le considérer comme définitivement adopté. Je
me borne donc à demander que tout Belge âgé de 25 ans pourra remplir les fonctions
municipales, soit qu’il paie ou non le cens électoral. Ainsi, mon amendement
consiste à laisser subsister ces mots du premier alinéa de l’article 4 :
« Nul n’est éligible s’il n’est âgé de 25 ans accomplis » et à
supprimer ceux-ci : « et s’il ne réunit, en outre, les qualités requises pour
être électeur dans la commune. »
M. H. Dellafaille. - Je ferai observer que
la disposition sur laquelle porte l’amendement de M. Seron est définitivement
adoptée, et que par conséquent cet amendement ne peut pas être mis en
discussion.
Le gouvernement avait proposé
en ces termes le 1er paragraphe de l’article :
« Nul ne peut être
conseiller s’il ne réunit les conditions nécessaires pour être électeur dans la
commune. »
La chambre a adopté cette
disposition avec une seule modification : au lieu de 21 ans, âge de majorité,
auquel on a le droit de voter, elle a fixé pour être électeur l’âge de 25 ans.
Quant à la disposition en elle-même, elle est définitivement adoptée ; je
demande donc la question préalable sur l’amendement.
M. Dubus. - Je ne pense pas que ce soit un
motif pour adopter la question préalable que de faire remarquer que l’on trouve
dans l’article définitivement adopté les mêmes principes qui étaient reconnus
dans l’article du gouvernement ? Si l’on pousse les choses à ce point-là, une
foule de questions seront décidées contre l’opinion de beaucoup de membres.
Dès qu’un article du projet du
gouvernement a subi une modification (et celui dont il s’agit en a subi
plusieurs), tout l’article doit être remis en question. On ne peut pas mettre
en discussion les modifications adoptées, sans mettre également l’article en
discussion. En effet, tel membre de l’assemblée peut préférer le contraire de l’article
du gouvernement à l’article de la section centrale sans les modifications avec
lesquelles il l’a voté.
Ce qui me détermine surtout à
repousser la question préalable, c’est que l’adopter serait poser un précédent
qui me paraîtrait très dangereux.
M.
Gendebien. - J’adhère en tous points à ce qu’a dit l’honorable M. Seron
; je me réfère aux raisons qu’il a donnés à l’appui de son opinion, opinion qui
est la mienne, sans aucune restriction. J’appuie également ce que vient de dire
l’honorable M. Dubus.
J’ajouterai qu’il serait par
trop rigoureux d’interpréter aussi judaïquement le règlement, alors qu’il
s’agit d’une loi aussi importante que la loi communale.
Il me semble au surplus que
c’est même se conformer au texte et à l’esprit du règlement que rejeter la
question préalable, attendu qu’il y a eu dans l’article un changement notable
qui légitime l’amendement de M. Seron sur le cens d’éligibilité. Le premier
projet fixait à 21 ans l’âge requis pour être électeur, vous avez exigé que les
électeurs eussent au moins 25 ans. Vous devez trouver dans cette différence
d’âge une garantie que vous n’aviez pas dans le cens. Il est certain, en effet,
que l’on trouve dans la maturité de l’âge une garantie plus solide que celle
que présente la richesse. C’est d’ailleurs la règle que le congrès a adoptée
pour la chambre. Il y aurait anomalie choquante à exiger un cens pour
l’administrateur de la plus mince commune, alors qu’on n’en exige pas pour la
législature.
La
garantie de l’âge est, selon moi, la seule qu’il convienne d’admettre ; en
ajouter une autre, ce serait une véritable anomalie ; il est constant, en
effet, que ce n’est pas parmi les hommes riches que l’on trouve le plus
d’instruction, de capacité et d’amour du travail. C’est au contraire parmi les
hommes laborieux, qui vivent du produit de leur travail, que l’on trouve
toujours les gens les plus capables, les plus expérimentés.
Je pense donc que vous devez
rejeter la question préalable et adopter la proposition de mon honorable ami M. Seron. Vous trouvez dans l’âge de
25 ans les garanties que vous recherchiez dans le cens d’éligibilité. Je
considère la proposition de M. Seron, avec le maintien de l’âge de 25 ans,
comme présentant aux communes des garanties plus réelles d’une bonne administration
que n’en offrait la proposition primitive du gouvernement.
M.
Lebeau. - Je n’entrerai pas dans l’examen du fond de l’amendement de
l’honorable M Seron, parce que je me propose d’appuyer la question préalable que
l’honorable M. H. Dellafaille vient de demander.
Je pense qu’en appuyant la
question préalable, je ne fais qu’invoquer une disposition formelle du
règlement. L’art. 45 porte : « Lorsque des amendements auront été
adoptés, ou des articles d’une proposition rejetés, le vote sur l’ensemble
(c’est-à-dire sur l’ensemble de la loi : je ne pense pas qu’on puisse
l’entendre autrement) aura lieu dans une autre séance que celle où les derniers
articles de la proposition auront été votés. Il s’écoulera au moins un jour
entre ces deux séances. Dans la seconde, seront soumis à une discussion, et à
un vote définitif, les amendements adoptés (mais non pas les articles amendés)
et les articles rejetés. Il en sera de même des nouveaux amendements qui
seraient motivés sur cette adoption ou ce rejet. Tous amendements étrangers à
ces deux points sont interdits.
Il me
semble donc évident que ce n’est pas l’ensemble de l’article, mais seulement le
paragraphe amendé qui doit subir l’épreuve d’une seconde discussion, l’épreuve d’un
second vote. Or, en fait, le gouvernement s’est rallié au premier paragraphe de
la proposition de la section centrale ainsi conçu : « Nul ne peut être
conseiller s’il ne réunit les conditions nécessaires pour être électeur dans la
commune. » Cette disposition a été admise par la chambre, avec une
modification consistant dans la fixation de l’âge de 25 ans pour être éligible,
modification à laquelle le gouvernement s’est rallié avant la discussion de
l’article.
M. Dubus. - Le gouvernement ne s’y est rallié
qu’après discussion.
M. Lebeau. - Je croyais que l’honorable M.
Dellafaille avait dit que le gouvernement s’y était rallié dès le commencement
de la discussion. Je demande au reste la vérification du fait.
Dans tous les cas je ferai
remarquer que l’on doit remettre en discussion, non l’ensemble de l’article,
mais les amendements introduits dans l’article. Si on adopte un autre système,
cette discussion durera au moins autant que la première. Il suffira en effet
qu’il y ait une modification dans un seul paragraphe d’un article pour que les
9 ou 10 autres paragraphes de cet article soient également remis en question.
M.
H. Dellafaille. - J’aurai l’honneur de faire observer que je n’ai pas
dit que le gouvernement se fût rallié à l’amendement introduit dans l’article.
J’ai soutenu seulement, en ce qui concerne le premier paragraphe, que la
disposition relative à l’âge d’éligibilité (seule modification introduite dans
ce paragraphe) devait être seule soumise à l’épreuve du second vote.
M.
Dubus. - Je viens de vérifier le fait allégué par un honorable
préopinant, à savoir que le ministre se serait rallié à la proposition de la
section centrale. Voici ce que je lis dans le Moniteur du 8 juillet dernier.
Après l’énoncé de l’article du projet du gouvernement et de celui de la
section centrale, je lis :
« M. le ministre de
l'intérieur. - Malgré le désir que j’ai d’abréger la discussion, je ne puis me
rallier à la proposition de la section centrale.
« M. le président. - Ainsi, si la proposition de la section centrale
est adoptée, elle sera considérée comme amendement. »
Vous voyez bien qu’il est
évident que le gouvernement ne s’est pas rallié à la proposition de la section
centrale.
Maintenant on veut en quelque
sorte disséquer les articles, séparer la proposition primitive des amendements
qui y ont été introduits, de telle sorte que les dispositions proposées par le
gouvernement seraient irrévocablement votées et qu’il n’y aurait à délibérer
que sur les amendements. Ceci me paraît une erreur tout à fait évidente. On ne
peut pas décider que la chambre a admis ce qu’elle n’a pas admis. Cependant,
avec un tel système, on en viendrait à décider cela. A coup sûr, tel membre qui
a admis une proposition du gouvernement avec une modification, ne l’admettra
pas sans cette modification,
On
prétend que les amendements doivent seuls être mis aux voix ; mais alors si
l’amendement est rejeté, que mettra-t-on aux voix ? Rien. L’article sera donc
adopté sans que l’on mette rien aux voix ; il sera adopté sans vote. Ce système
n’est pas admissible ; car, ainsi que je l’ai dit, si un amendement adopté au
premier vote est rejeté au second, il est possible qu’un membre préfère à la
proposition primitive sans cet amendement, une proposition toute contraire.
Je pense que la chambre doit
rejeter la question préalable et passer à la discussion de l’amendement de M. Seron.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Je crois que M. Seron peut soutenir sa proposition, par ce seul motif qu’elle
se fonde sur un amendement adopté, en ce sens que l’adoption de l’amendement
relatif à l’âge des éligibles rendrait inutile le cens d’éligibilité. L’art. 45
du règlement porte : « … Dans la seconde (séance) seront soumis à une
discussion et à un vote définitif les amendements adoptés et les articles
rejetés. Il en sera de même des nouveaux amendements qui seraient motivés sur
cette adoption ou ce rejet. Tous amendements étrangers à ces deux points sont
introduits. »
Je ne vois pas de difficulté à
mettre l’amendement en discussion. Au fond je ne crois pas qu’il doive être
adopté.
M.
Gendebien. - Je me proposais de dire ce qui vient d’être dit par M. le
ministre de l'intérieur. Le dernier paragraphe de l’art. 45 du règlement est si
clair que je ne conçois pas que l’on puisse révoquer en doute la recevabilité
de l’amendement de l’honorable M. Seron.
Pourquoi soumet-on à un second
vote les articles rejetés et les amendements adoptés ? afin qu’on puisse
réfléchir sur la portée des amendements adoptés et sur l’influence qu’ils
peuvent avoir et sur l’ensemble de l’article modifié et sur l’économie de toute
la loi. Or, ici on avait proposé d’abord, pour être éligible, l’âge de 21 ans
qui est la majorité ordinaire et un cens d’éligibilité ; vous adoptez un
amendement par lequel vous avez substitué l’âge de 25 ans. D’après la doctrine
de M. Lebeau, vous ne pourriez plus vous occuper que de la question de savoir
si vous maintiendrez oui on non à 25 ans l’âge de l’éligibilité. Mais il n’en
est point ainsi, vous devez encore examiner l’influence que cet amendement peut
avoir sur tout l’article. Or, il est incontestable qu’on a plus d’expérience à
25 ans qu’à 21 ans, et l’on peut agiter la question de savoir si cette
expérience peut dispenser du cens qu’à 21 ans on aurait jugé nécessaire. Du
moins telle est mon opinion : tout le monde ne la partage peut-être pas, mais
toujours est-il qu’on ne peut rejeter l’amendement par la question préalable,
puisqu’il peut exercer une influence sur toute l’économie de l’article. On a
donc le droit de revenir sur les conditions d’éligibilité, dès qu’une
modification a été apportée à l’une d’elles. Je n’en dirai pas davantage, je
craindrais d’abuser des moments de la chambre.
M. le président. - M. Seron propose de rédiger
ainsi l’article :
« Nul n’est éligible s’il
n’est âgé de 25 ans. »
Le reste de l’article adopté
serait supprimé.
M. H. Dellafaille a proposé sur
cet amendement la question préalable.
- La proposition de M.
Dellafaille n’est pas adoptée.
M.
Desmet. -
Messieurs, que, pour être éligible à une fonction municipale et faits partie
d’un conseil communal, il faille avoir un certain âge et appartenir à la
commune, cela se conçoit, mais je ne vois aucune nécessité ni même la moindre
utilité d’exiger qu’on paie un cens pour pouvoir remplir une place dans
l’administration de la commune.
Messieurs, il faut laisser à
la commune l’entière et pleine liberté de choisir ceux qu’elle veut prendre
pour ses agents et à qui elle veut donner le soin de son administration : je ne
vois pas l’utilité de priver les habitants d’une commune de cette liberté ;
chacun doit avoir le droit de diriger son propre ménage, et il me semble que
vous ne pouvez avoir le pouvoir de l’astreindre à des règles qui paralyseraient
ce droit.
Le pouvoir municipal, dit un
célèbre jurisconsulte, qui a le mieux traité la matière du pouvoir municipal,
n’est pas une création de la loi, il existe par la seule force des choses ; il
est parce qu’il ne peut pas ne pas être ; il est parce qu’il est impossible que
les habitants d’une même enceinte, qui consentent à faire le sacrifice d’une
portion de leurs moyens et de leurs facultés pour se créer des droits et des
intérêts communs soient assez imprévoyants pour ne pas donner de gardiens à ce
dépôt, et le confier à des personnes qui n’en seraient pas dignes. Ce sont les
habitants qui sont les meilleurs juges pour connaître ceux qui conviennent à la
commune pour administrer ses affaires.
je vous le demande encore, de
quelle utilité peut être la restriction que vous mettez à leur choix. Ce que
vous ferez, c’est qu’en plusieurs occasions vous priverez l’administration des
communes de personnes qui pourraient y rendre des services et que les habitants
auraient choisies si l’élévation du cens d’éligibilité ne s’y était pas
opposée.
D’ailleurs,
messieurs, veuillez remarquer dans quelle contradiction vous tomberiez si vous
alliez restreindre le choix des habitants d’une commune pour être ses
administrateurs, par un cens d’éligibilité. Le représentant de la nation qui,
du haut de la tribune aurait dirigé les affaires de l’État, une fois rentré dans
sa commune, n’aurait pas la faculté de se mêler des affaire privées de la
communauté à laquelle il appartient ; on lui confierait les affaires de l’Etat,
et il ne serait pas digne de s’occuper de celles de la commune ; vous pouvez
accepter le mandat de représentant de la nation et vous n’auriez pas la faculté
d’accepter celles que les habitants de votre commune vous confieraient !
Il me semble, messieurs, que
la contradiction est patente, et que vous ne pouvez pas la consacrer dans la
loi. C’est par ces motifs que j’appuie l’amendement qu’on vient de vous
proposer.
M.
Pirson. - M. Desmet vient d’ajouter une considération à toutes celles
présentées par mon honorable ami M. Seron ; il vous a fait remarquer que, pour
être représentant de la nation, la constitution n’exigeait aucun cens, et qu’il
serait irrationnel d’en exiger de celui qui n’est appelé qu’à administrer des
biens communaux.
Je ferai
une autre observation ; car si l’amendement de mon ami Seron ne passait pas,
j’en proposerais un pour les communes rurales dont le principal revenu consiste
en bois communaux et propriétés foncières. Il est de fait que les habitants les
plus riches des communes rurales où il y a beaucoup de propriétés foncières
appartenant à la commune, quand il se présente des besoins extraordinaires,
commencent par prendre sur les propriétés communales pour faire face à ces
dépenses, de manière que le plus pauvre de la commune y contribue pour autant
que le plus riche.
Nous avons été témoins de ces
abus de la part des riches propriétaires exerçant les fonctions municipales
dans les communes, à l’occasion des grandes dépenses auxquelles ont donné lieu
les fournitures faites aux troupes prussiennes et russes qui ont traversé notre
pays. Je connais une commune où on a vendu pour plus de cent mille francs de
propriétés pour payer ces subventions de guerre. Je pourrais en citer plusieurs
autres où la même chose est arrivée. Le plus riche n’a pas payé un sol de plus
que le plus pauvre habitant de la commune. Si l’amendement de mon honorable ami
n’était pas admis dans sa généralité, je voudrais que dans les communes rurales
où la plus grande partie des revenus consistent en bois ou propriétés
foncières, on n’exigeât pas de cens d’éligibilité, parce que là celui qui n’en
paie pas a plus d’intérêt à ce que la commune soit bien administrée que celui
qui en paie un considérable.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Vous admettez comme électeurs ceux qui paient 20 fr. de contribution, et vous
admettez en outre les fils d’électeurs et les fils de veuves payant le cens
électoral. Dès lors vous avez grandement étendu le cercle électoral et par
conséquent le cercle d’éligibilité. Je ne pense pas que celui qui ne paie ni
par lui, ni par ses parents, le cens électoral, puisse être réputé habile à
administrer la commune ; il n’offre pas de garantie des connaissances et de
l’indépendance qu’on doit trouver dans un administrateur de la commune.
Je pense même que la
proposition de l’honorable M. Seron pourrait avoir des conséquences opposées au
but qu’il se propose, car il pourrait arriver que celui qui par sa fortune
exercerait une grande influence dans la commune fît élire des prolétaires, des
hommes qui seraient dans sa dépendance, de telle sorte que le conseil lui
appartiendrait exclusivement. Je m’oppose donc à cet amendement parce qu’il
pourrait avoir un résultat tout opposé à celui que son auteur a eu en vue. (Aux voix ! aux voix !)
M.
Gendebien. - Messieurs, je serai très court, je n’ai qu’une observation
à faire. Vous n’exigez aucun cens, pour être élu membre de la législature, de
celui qui doit administrer ou au moins régler la fortune de l’Etat, qui peut la
compromettre ; et quand il s’agit d’administrer la plus mince commune du
royaume, vous voulez que celui qui pourra en être chargé, présente pour
garantie de son aptitude un cens électoral. Je vous le demande, n’y a-t-il pas
là une anomalie choquante qu’on ne manquera pas de vous faire remarquer plus
tard, quand on croira le temps venu de revenir sur la loi électorale et
d’exiger des conditions d’admission à la chambre. Comment, dira-t-on, vous
exigez un cens d’éligibilité pour la chose du monde la plus simple, pour faire
partie de l’administration de la plus petite commune du royaume ; et pourquoi
donc ne prendriez-vous pas la même précaution pour arriver à la chambre ? Voilà
ce qu’on ne manquera pas de vous dire.
M. le ministre de l'intérieur
a cherché à effrayer la chambre, il vous a parlé de prolétaires qui pourraient
exercer une grande influence sur une commune. Pour moi, je commencerai par dire
que je ne connais pas de prolétaires, je ne connais que des citoyens, et
j’ajouterai que le citoyen que vous appelez prolétaire, s’il a de l’influence dans
une commune, c’est qu’il est plus digne que tel préféré parce qu’il est plus
riche et qui en réalité est moins capable ; car, en général, le peuple juge
mieux le mérite réel que les hommes haut placés, parce qu’il les juge par les
services qu’ils peuvent rendre, et se laisse moins influencer par les
considérations de fortune tandis que, pour les hommes haut placés, il suffit
d’être riche : peu importe comment on a acquis sa fortune. Un individu a-t-il
volé un million, il est accueilli dans la haute société, il est traité comme un
honnête homme ; le pauvre, au contraire, fût-il le plus honnête homme du monde,
fût-il le plus capable, fût-il un ange descendu du ciel, il est rejeté, bafoué.
Voilà d’un côté le riche et de l’autre l’honnête
homme, que vous appelez dédaigneusement le prolétaire. On traite aujourd’hui de
prolétaires ceux qui ne paient pas de cens pour les exclure de toute
participation à l’administration de la commune ; plus tard on traitera de même
ceux qui ne paient pas de cens pour être envoyés à la chambre : on dira que ce
sont des prolétaires et qu’ils doivent être considérés comme indignes de faire
partie de la représentation nationale. Je pense donc que les raisons données
par M. le ministre de l'intérieur ne sont nullement décisives et que celles
présentées par l’honorable M. Seron doivent être préférées, car les prolétaires
qui seront élus par la commune, à moins qu’on ne l’accuse d’être à l’état
complet d’imbécillité, ce qu’on ne peut pas supposer, doivent être considérés
comme les plus dignes, comme les plus capables, par la raison qu’ils
inspireront plus de confiance que les hommes riches.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Je n’ai pas parlé de prolétaires exerçant de l’influence dans une commune,
mais de l’homme riche qui aurait assez pour faire d’influence pour faire entrer
dans le conseil des hommes qui seraient entièrement dans sa dépendance. Voilà
le seul argument sur lequel je me suis fondé, et je crois que cet argument est
incontestable.
M.
Dumortier, rapporteur. - Messieurs, dans le sein de la section
centrale, nous n’avons pas admis la proposition de M. Seron ; nous avons pensé
que celle qui exigeait un cens était plus favorable à la liberté, quoique la
proposition inverse fût en apparence plus libérale.
Voici
comment nous avons raisonné. C’est à peu près ce qu’a dit le ministre de
l’intérieur : nous avons pensé que, dans les communes rurales, il arriverait
que le seigneur qui aurait de l’influence, voulant avoir dans le conseil toutes
personnes à sa dévotion, y ferait entrer son jardinier, son cocher et son
laquais, et qu’en définitive le conseil, au lieu de représenter la commune, ne représenterait
plus que le seigneur de l’endroit, tandis qu’en exigeant un cens, il n’est pas
douteux que dans la composition du conseil ce sont les électeurs qui sont
représentés par leurs pairs.
L’expérience des temps ne nous
a que trop prouvé que souvent des personnes qui n’ont rien à perdre jouent les
libéraux jusqu’à ce qu’ils soient arrivés au pouvoir, et une fois qu’ils y sont
parvenus, se tournent contre la liberté pour conserver leur position. Je crains
que pareille chose n’arrive dans l’espèce. C’est pourquoi je préfère
l’amendement de la section centrale à celui de M. Seron.
M. Desmanet de Biesme. - Je demande la
parole pour motiver mon vote.
Messieurs, c’est une chose assez
singulière que pour appuyer la proposition de M. Seron, qui est faite dans un
but démocratique, je sois exposé à être accusé d’aristocratie. C’est du moins
ce qui résulte de ce que vient de dire le préopinant.
Pour moi, messieurs, ce qui
m’a frappé dans cette circonstance, c’est l’espèce d’anomalie qu’on veut
introduire dans nos institutions. Je trouve ridicule qu’alors qu’aucune
condition de cens n’est imposée pour faire partie de la chambre des
représentants, on en exige pour être membre d’un conseil communal. Je pense que
la plus grand perfection qu’on puisse apporter à nos institutions, c’est de les
mettre toutes en concordance. D’après cela, je voterai pour la proposition de M. Seron.
M. Dubus. - L’honorable préopinant paraît
réduire toute la difficulté à l’anomalie que présenterait une législation qui
n’exigerait aucun cens d’un législateur et en exigerait un d’un conseiller
municipal. Pour moi je ne vois pas là d’inconséquence. Je vous prie de
remarquer combien la position est différente. On vous a signalé les
inconvénients de la proposition de M. Seron ; vous les concevrez, si vous
songez combien il est facile d’influencer des élections dans une petite commune
où le nombre des électeurs est extrêmement restreint. Il n’en est pas de même
quand il s’agit de l’élection des membres de cette chambre, ce sont tous les
électeurs d’un district qui sont appelés à prendre part à cette nomination, ;
je demande s’il est possible que l’on exerce sur mille, quinze cents, deux mille
et même trois mille électeurs, la même influence que dans une petite commune un
homme puissant et riche exercerait sur trente ou quarante individus pour faire
nommer conseiller municipal une personne indigne de l’être, qui ne paierait pas
le cens.
Je pense qu’on peut, sans
inconséquence, exiger un cens de celui qui est nommé membre du conseil
communal, et ne pas en exiger des membres de la chambre des représentants ;
car, dans ce dernier cas, la précaution est inutile.
M.
Gendebien. - Je m’étonne qu’on puisse s’abuser au point de considérer
la nécessité de faire preuve d’un cens pour être éligible, comme plus libérale
que l’absence de tout cens. Il serait impossible de soutenir cette thèse prise
dans sa généralité. Aussi, s’est-on empressé de se jeter dans les exceptions
pour établir cette règle. On vous a dit : Supposez un seigneur dans une commune
exerçant de l’influence sur cette commune, il fera nommer qui il voudra, son
jardinier, son palefrenier, son domestique, et il aura ainsi tout le conseil à
sa disposition. Je dirai que si des seigneurs exercent de l’influence dans leur
commune, c’est la plus petite exception, parce que dans nos communes il suffit
d’avoir été seigneur pour être sous le poids de la réprobation du peuple, ou au
moins de sa défiance plus ou moins légitime, ce que je n’examine point.
Mais c’est un fait
qu’aujourd’hui les anciens seigneurs, au lieu d’exercer l’influence dont ils
ont abusé, n’en ont plus aucune ; ils se trouvent au contraire dans une espèce d’état
de suspicion.
M.
F. de Mérode. - Je demande la parole.
M.
Gendebien. - Au reste ces communes à seigneurs sont elles-mêmes
infiniment rares, elles sont encore dans un état d’exception ; ainsi c’est une
exception infiniment petite dans une exception que l’objection qui est faite,
et cela réduit l’argument de l’influence seigneuriale à un infiniment petit
nombre de cas. La règle générale est donc contre les inquiétudes émises par
l’honorable M. Dumortier. En
général les communes agiront d’après leur intérêt, sans céder à aucune espèce
d’influence, et dès lors la prévoyance législative devient inutile.
On nous a dit que dans les
petites communes, la position des électeurs n’était pas la même à l’égard de
l’administration communale qu’à l’égard de la chambre.
Je
trouve, moi, que s’il y a une différence entre les électeurs communaux et les
électeurs qui nomment les représentants, cette différence est en faveur des
électeurs communaux, car les électeurs d’arrondissement vont voter pour un
intérêt infiniment éloigné qui ne les touche pas personnellement, tandis que
l’électeur municipal va voter pour la nomination de l’administrateur de ses
biens, pour celui qui devra veiller à la sûreté de la commune et par conséquent
à la sienne : il est bien autrement intéressé à ce que le choix soit bon, que
celui qui va au chef-lieu de district nommer un député, lequel ne sera après
tout que pour une cent deuxième partie d’influence dans l’adoption de lois qui
atteignent bien rarement les électeurs personnellement, tandis que celui qui
vote pour l’administrateur de la commune, subit immédiatement les conséquences
de son vote. Vous avez donc moins à craindre les effets de l’influence d’un
habitant d’une commune que d’un habitant d’un chef-lieu de district, car ici
vous n’avez pas l’intérêt direct des électeurs qui vous serve de contrepoids
comme pour l’administration communale. Je pense donc qu’il y a lieu d’admettre
l’amendement de mon ami M. Seron, et qu’on ne doit pas s’arrêter aux craintes
exprimées par M. le ministre de l’intérieur.
M.
F. de Mérode. - Je suis de l’avis de ceux qui pensent qu’il est plus
libéral d’établir un cens d’éligibilité pour les membres des conseils communaux
que de n’en pas établir. Je ne puis donc adopter l’opinion de M. Desmanet qui
voudrait qu’on établît une corrélation entre le mandat de représentant et celui
de membre du conseil communal. L’honorable M. Dubus a parfaitement fait
ressortir la différence qui existait entre les deux mandats. Comme je n’aime
que ce qui se pratique, et que les théories ne sont pas grand-chose pour moi,
je voterai contre l’amendement de M. Seron, parce que je pense qu’en pratique
il est plus avantageux d’admettre un cens que de n’en pas admettre.
On a parlé de seigneurs et de
l’espèce d’état de suspicion dans lequel ils se trouveraient vis-à-vis du pays.
Je demanderai d’abord ce qu’on entend par seigneurs à l’époque actuelle, car
les seigneuries et les droits féodaux n’existant plus, il n’y a plus que de
grands propriétaires, et tel individu qui n’a jamais eu de titres de noblesse
peut avoir acquis des propriétés considérables et habiter la plus belle maison
de la commune qui précédemment portait le nom de château.
Mais
puisqu’on a établi que les seigneurs étaient en état de suspicion, je dirai que
cela me semble inexact pour
M. Fallon. - Je demanderai s’il est possible de
revenir sur l’article relatif à la fixation du cens, à l’article 19 ; il est
important de le savoir, car si l’amendement de M. Seron, qui supprime le cens
n’était pas adopté, et qu’on ne modifiât pas cet article 19, il en résulterait
que, dans plusieurs villes, des membres du conseil communal qui exercent
actuellement avec honneur leurs fonctions, ne pourraient pas les continuer,
parce qu’on a porte le cens trop haut.
M.
Dumortier, rapporteur. - Il est incontestable qu’on pourra revenir sur
l’article 19, car il a subi des amendements et des amendements considérables
pour le cens électoral des villes. En effet, dans le projet du gouvernement le
cens électoral le plus élevé était cent francs pour les communes de 35 mille
habitants et au-dessus, et dans l’article adopté le cens a été porté à 110 fr.
pour les communes de 40 à 60 mille, et à 120 pour celles de 60 mille et
au-dessous. Il y a donc eu amendement, et par conséquent il y aura lieu
d’examiner de nouveau cet article.
Plusieurs voix. - Le ministre s’est rallié à
l’amendement.
M. Dumortier, rapporteur. - On a déjà établi
que pour qu’un article soit définitivement adopté il fallait que le ministre se
fût rallié à l’article entier et non pas seulement à un numéro de cet article,
car toutes les dispositions d’un article sont corrélatives, et il importe peu
que le ministre se soit rallié à une de ces dispositions, s’il ne s’est pas
rallié à l’article intégral. Je pense que pour régulariser la discussion, pour
la rendre plus rationnelle, il faudrait s’occuper en même temps du cens
électoral et des conditions d’éligibilité.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Incontestablement aucun amendement ne devrait être proposé pour l’article 19.
La raison en est que les deux premiers paragraphes ont une identité parfaite,
et que le ministre s’est rallié au numéro 3°. L’article tout entier est à
l’abri de toute espèce d’amendement.
M. Dubus. - Il
me semble que l’on anticipe un peu sur l’ordre des questions. L’honorable M.
Fallon avait remarqué qu’il y avait un rapport entier entre l’article 19 et
l’article 4. Il aurait voulu qu’on s’occupât de l’article 19 avant l’article 4.
La résolution que la chambre aurait prise sur le premier de ces articles aurait
pu influer sur celle qu’elle devait prendre relativement à l’autre. A cela, on
répond que l’on ne peut plus revenir sur l’art. 19. Mais avant tout on devrait
s’en occuper et si quelqu’un voulait proposer la question préalable, on la
discuterait quoi que je pense que, même dans ce cas, elle ne doive pas être
admise. J’en reviens à la proposition de l’honorable M. Fallon, qui a pour but
de faire discuter l’art. 19 avant l’art. 4.
M. Desmanet de Biesme. - Je vais
d’abord faire la même remarque que M. le ministre, qu’il n’y a pas lieu de
revenir sur l’art.
M.
Dumortier, rapporteur. - L’honorable préopinant confond deux choses :
le cens électoral, et le cens d’éligibilité. L’art. 4 traite de la qualité
d’éligibilité, mais ces questions d’éligibilité se rapportent aux qualités électorales.
Par qualités électorales on a la faculté d’être électeur. Par celle
d’éligibilité on a la faculté d’être élu. Mais comme la qualité pour être élu
est plus grande que pour être électeur, il faut d’abord mettre la moindre en
discussion. Je pense donc qu’il y a lieu de s’occuper préalablement de l’art.
19.
M. le
président. - La proposition soumise à la chambre en ce moment est de
discuter l’art. 19 avant d’adopter l’art. 4.
- La proposition est mise aux
voix et rejetée.
M. le
président. - Comme il y a eu majorité contre l’adoption, on va voter
l’art. 4.
M. Dumortier, rapporteur. - Messieurs, en
lisant l’article 19, j’y remarque que le cens électoral ne doit pas être payé
dans la commune ; alors, je vous avoue que je ne comprends plus le but dans
lequel on exige ce cens.
Je pensais qu’on exigeait
cette garantie pour preuve que les membres du conseil étaient intéressés à ce
que les affaires de la commune fussent bien dirigées ; aujourd’hui, ce motif et
ce but disparaissent, puisqu’il suffit d’être domicilié dans une commune et
d’avoir son bien dans une commune éloignée. Alors, je vous avoue que je ne vois
plus de motifs suffisants pour adopter l’art. 4.
M.
Gendebien. - Je ne saurais trop vous faire remarquer combien votre
proposition est inutile. En effet, vous voulez que des hommes aptes à être élus
membres de la chambre des représentants ne puissent pas être élus membres d’un
conseil communal. C’est une anomalie tellement choquante, qu’il ne m’est pas
donné de comprendre quel est votre but.
M. le
président. - Je vais mettre aux voix la proposition de M. Seron.
Plusieurs membres. - L’appel nominal.
- On procède à l’appel nominal
; 68 membres y répondent.
17 ont répondu oui ;
51 ont répondu non.
En conséquence, la proposition
n’est pas adoptée.
Ont répondu oui : MM.
Dautrebande, de Brouckere, de Meer de Moorsel, Desmanet de Biesme, Desmet,
Dumont, Fleussu, Gendebien, Jadot, Lardinois, Pirson, Rouppe, Seron, Smits,
Verdussen, Vergauwen, Watlet.
Ont
répondu non : MM. Verrue, Berger, Coghen, Coppieters, Corbisier, Cornet de
Grez, de Behr, de Laminne, A. Dellafaille, H. Dellafaille, de Longrée, de Man
d’Attenrode, F. de Mérode, W. de Mérode, de Muelenaere, de Renesse, Deschamps,
de Sécus, de Stembier, de Terbecq, de Theux, Devaux, Dewitte, d’Hane, d’Huart,
Doignon, Donny, Dubois, Dubus, Dumortier, Eloy de Burdinne, Fallon, Helias
d’Huddeghem, Lebeau, Milcamps Morel-Danheel, Olislagers, Polfvliet, Pollénus,
Troye, Raikem, A. Rodenbach, Rogier, Schaetzen, Thienpont, Ullens, Vanderbelen,
Vanderheyden, L. Vuylsteke, Zoude.
M. le président. - On va passer à l’amendement de M. Doignon.
M.
Doignon. - Lorsqu’on discuta cet article, je l’ai combattu. Je ne crois
pas que l’expérience démontre qu’on ne trouvera pas dans les communes dont il
est question un nombre suffisant de personnes aptes à faire partie du conseil
communal. J’ai pensé que cela avait pour but d’introduire dans ces conseils des
propriétaires ou des seigneurs, quoi qu’en dise l’honorable M. de Mérode. On ne
peut établir cette distinction pour les bourgmestres et échevins ; ceux-ci ont
des fonctions qui les retiennent toujours dans la commune. Les habitants ont
sans cesse besoin de recourir à leurs lumières et à leur autorité. Il n’est
donc pas permis de prendre ces magistrats en dehors de la commune.
M.
Dumortier, rapporteur. - Il faut bien se rendre compte des motifs de la
section centrale relativement à la nomination des bourgmestres et échevins.
La section centrale avait
voulu que le bourgmestre fût au moins choisi dans le sein du conseil, et le
gouvernement au contraire voulait que ce fût en dehors du conseil. Comme notre
intention était de restreindre la faculté du gouvernement de choisir le
bourgmestre hors de la commune, nous avons voulu étendre la base de
l’éligibilité, de manière que ce que nous avons ôté d’une main nous l’avons
rendu de l’autre. C’est ainsi que l’article 25 du gouvernement voulait que le
cens fût payé dans la commune ; nous avons cru qu’il suffisait que le cens fût
versé sans qu’il fût nécessaire qu’il se payât dans la commune. Par l’article
20, nous avons autorisé le fermier à faire compter pour son cens électoral le
tiers de ce qu’il payait au nom de son propriétaire ; nous avons admis tous les
fils d’électeurs à être éligibles. C’était un troisième moyen pour étendre la
base électorale.
De plus nous avons admis que
dans les communes qui avaient moins de quatre cents âmes de population, le
tiers du conseil communal pouvait être pris dans une autre commune. Au moyen de
ces quatre extensions nous avons pu croire pour le moins que le bourgmestre serait
pris dans le sein du conseil.
L’amendement de l’honorable M.
Doignon a pour but de supprimer une de ces extensions. Je pense qu’il serait
sage d’ajourner l’amendement de l’honorable M. Doignon. Si le gouvernement ne demande pas la nomination en
dehors du conseil, je combattrai l’amendement de M. Doignon. Si le gouvernement demande le contraire, je prierai la
chambre d’ajourner l’amendement de mon honorable collègue.
Je voudrais savoir à quoi se rallie M. le ministre. Sans doute à la
proposition de la section centrale ? (On
rit.)
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Non pas.
M.
Dumortier, rapporteur. - Si la chambre, contre ma pensée, voulait
admettre ce que veut demander M. le ministre, je serais le premier à m’opposer
à toutes les augmentations dont je viens de parler, et je demanderais, commue
rapporteur de la section centrale, qu’on supprimât toutes ces facultés.
M. Desmet. - Je demande la suppression entière du paragraphe 2.
Je crois que ma proposition contient celle de l’honorable M. Dumortier. Elle s’applique aussi
bien aux officiers municipaux qu’aux bourgmestres et aux échevins.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Véritablement je ne comprends pas le motif de la question d’ajournement. Il
me semble que la chambre doit continuer à discuter les articles comme ils sont
présentés, de même qu’au premier vote. Autrement cela ne servira qu’à jeter de la
confusion et à arrêter la marche de la chambre. Chacun votera comme il
l’entendra.
M. F. de Mérode. - Il est positif que si l’on
accorde au gouvernement la nomination des bourgmestres en dehors du conseil, il
est possible de restreindre ce droit ; mais il faudrait que cette restriction
ne tombât pas sur les membres déjà élus, quoique habitant hors la commune.
Voilà une distinction que l’honorable M. Dumortier n’avait pas faite, et qu’il
m’a paru nécessaire d’indiquer à la chambre. D’ailleurs, il me semble que si
l’on ne suit pas la série des articles, on risquera de s’embrouiller.
M.
Dumont. - Il me paraît que la proposition de l’honorable M. Doignon est
mal placée à l’art. 4, et qu’elle trouverait mieux sa place après l’art. 6 ou à
l’art. 7.
M. Dubus. - On a repoussé la motion
d’ajournement sous le prétexte que ce serait troubler l’ordre de la
délibération que ne pas suivre l’ordre des articles. S l’ordre des articles
était conforme à l’ordre des idées, je comprendrais ce système ; mais lorsque
le vote sur un article peut dépendre de celui qui sera émis sur un autre
article, l’ordre des idées demande que l’on décide d’abord la question de la
solution de laquelle beaucoup de membres feront dépendre leur résolution sur la
matière en discussion.
Il me semble au reste inutile
de discuter plus longuement la question d’ajournement. Si, comme l’a demandé
l’honorable préopinant, l’honorable M. Doignon consent à faire de sa proposition
un article séparé, que l’on discuterait après l’art. 6 ou 7, l’ajournement
deviendra inutile.
M.
Dumortier, rapporteur. - Relativement au troisième paragraphe en
discussion, voici comment s’exprime le rapport de la section centrale :
« La section centrale
ayant admis que, dans tous les cas, le bourgmestre doit être pris dans le sein
du conseil, nous avons cru utile, sur l’observation de la cinquième section,
d’étendre l’éligibilité aux fils d’électeurs ; ceux-ci seront éligibles,
quoiqu’ils ne paient pas le cens, pourvu qu’ils remplissent les autres
conditions. En élargissant ainsi la base électorale, nous rendrons plus facile
le choix du bourgmestre dans le sein du conseil de régence.
« Nous avons apporté une
modification au deuxième alinéa. Le projet du gouvernement autorise les
électeurs à prendre un tiers au plus des membres du conseil parmi les personnes
domiciliées hors de la commune, pourvu qu’elles y paient le cens électoral. En
admettant cette disposition qui peut être utile, nous avons pensé que cela ne
suffisait pas, et qu’il fallait que ces personnes satisfissent aux autres
conditions d’éligibilité. »
L’intention de la section
centrale est ici manifeste ; elle n’a admis la disposition qui confère aux fils
d’électeurs le droit d’éligibilité sans qu’ils paient le cens, qu’à la
condition expresse que le bourgmestre serait pris dans le sein du conseil, il
faut donc, pour suivre un ordre rationnel, décider d’abord relativement au
bourgmestre. Car je suppose que le bourgmestre puisse être pris en dehors du
conseil, alors les motifs qui auront déterminé la section centrale à proposer
la disposition relative aux fils d’électeurs cessant d’exister, il y aurait
lieu à ne pas l’admettre.
Je ferai
remarquer combien il importe de voter les articles dans un ordre convenable. Au
premier vote cela était à peu près indifférent puisque l’on devait au vote
définitif revenir sur les articles ; il n’en est plus de même à présent que
chaque article que vous adoptez est définitivement adopté.
Je pense qu’il faut suivre non
l’ordre des articles, mais l’ordre des idées, et que c’est là le seul moyen de
marcher vite et bien. Je soutiens que si l’on suit l’ordre des articles, l’on
votera par des motifs différents des dispositions tout à fait incohérentes.
Je conclus à ce que la chambre
passe à la discussion de l’article 5, et ajourne la discussion des deuxième et
troisième paragraphe de l’art. 4 après l’adoption de l’art. 5.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Si l’on admet ce système de suivre l’ordre des idées et des principes plutôt
que l’ordre des articles, il en résultera un bouleversement complet dans
l’ordre de la discussion. Chacun en effet pouvant élever la prétention que tel
article doit d’après l’ordre des idées être discuté avant celui dont on veut
s’occuper, la discussion se trouvera, à tout montent, arrêtée.
Je ferai remarquer, au fond,
que rien n’empêche de déclarer éligibles les fils d’électeurs, alors même que
les bourgmestres seraient pris hors du sein du conseil.
En effet, dans la première
discussion, on a trouvé que, dans tous les cas, il y avait utilité et
convenance à déclarer éligibles les fils d’électeurs, afin de rendre plus
facile le choix des électeurs. Je n’ai rien entendu qui puisse faire dévier la
chambre de son premier vote à cet égard.
- L’ajournement est mis aux
voix ; il n’est pas adapté ; en conséquence, la discussion continue sur l’art.
4.
M. Desmet. - Messieurs, j’ai pris la liberté de
vous proposer la suppression du deuxième paragraphe, parce que je ne saurais
concevoir que des étrangers puissent faire partie de l’administration de la
commune : a-t-on jamais vu, je le demande, que des individus qui
n’appartiennent pas à la communauté viennent diriger ses affaires ? C’est comme
si vous laissiez entrer dans la représentation nationale des Prussiens et des
Russes, que vous laissiez faire vos lois par des individus qui n’appartinssent
pas au pays. Si, quand le congrès délibéra sur la constitution, un membre eût
fait la proposition de laisser entrer dans vos chambres législatives des
étrangers, je pense qu’on n’aurait pas crié assez haut ; cependant il n’y a pas
de différence notable dans ces deux cas. Ils sont bien les mêmes. La commune
doit appartenir à elle seule ; on doit lui laisser faire ses propres affaires,
et on n’a pas plus le droit d’y faire entrer des étrangers qu’on en aurait pour
en faire entrer dans la représentation nationale.
On craint, mais très
gratuitement, que dans quelques communes on ne trouve pas assez de capacités
pour diriger leurs affaires ; mais, messieurs, avec de telles craintes
paniques, on sacrifiera toujours la franchise communale, et à la fin vous
n’aurez qu’un simulacre de pouvoir municipal.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Je pense qu’il y a lieu de maintenir la disposition adoptée par la chambre.
Je ferai remarquer que le
paragraphe 2 proposé par le gouvernement s’appliquait à toutes les communes, quelle
que fût leur population. La chambre a restreint cette proposition aux communes
de moins de 400 habitants
Je pense
que, surtout dans les communes d’une aussi faible population, il est de
l’intérêt de la commune même que les électeurs puissent choisir une partie des
conseillers communaux en dehors de la commune. S’il n’en était pas ainsi, on
sent la liaison qui pourrait exister parmi les membres du conseil communal. Ce
serait un conseil de famille plutôt qu’un conseil communal. Sous ce rapport, je
crois qu’il convient que dans ces communes les électeurs puissent choisir le
tiers des conseillers hors de la commune. C’est une garantie pour la commune
même.
M.
Dubus. - Je désirerais savoir si l’amendement de M. Doignon est en discussion,
ou si, d’après l’observation judicieuse de M. Dumont, M. Doignon le retire pour
le représenter après l’adoption de l’art. 6.
M.
Doignon. - D’après les observations qui ont été faites, il me semble
préférable que mon amendement soit discuté après l’art. 6. Je pense qu’alors la
chambre pourra mieux statuer sur ma proposition en connaissance de cause. Je la
retire donc, quant à présent, me réservant de la reproduire quand l’assemblée
se sera prononcée sur l’art. 6.
M. le président. - M. Doignon ayant retiré pour le
moment son amendement, je n’ai plus qu’à mettre aux voix les divers paragraphes
de l’art. 4.
« § 1. Nul n’est éligible
s’il n’est âgé de 25 ans accomplis, et s’il ne réunit en outre les qualités
requises pour être électeur dans la commune. »
- Adopté.
« § 2. Dans les communes
ayant moins de 400 habitants, un tiers au plus des membres du conseil peut être
pris parmi les citoyens domiciliés dans une autre commune, pourvu qu’ils paient
le cens électoral dans celle où ils sont élus et qu’ils satisfassent aux autres
conditions d’éligibilité. »
M. de Brouckere. - Je ferai remarquer,
relativement à ce paragraphe, qu’en général, pour être éligible, il suffit de verser
le cens fixé par la loi ; c’est au moins dans ce sens qu’a été rédigé l’art 19.
Le gouvernement voulait que le cens fût payé dans la commune ; mais cette
disposition n’a pas été admise.
Maintenant je vois dans le
paragraphe en discussion qu’une partie des conseillers pourra être prise parmi
les citoyens domiciliés dans une autre commune, pourvu qu’ils paient le cens
électoral dans celle où ils sont élus. Est-ce à dessein que l’on a admis cette
dérogation au principe de l’art. 19 ? Je voudrais à cet égard une
explication de l’honorable rapporteur de la section centrale.
M.
Dumortier, rapporteur. - C’est à dessein que cette disposition a été
introduite dans le paragraphe en discussion. Celui qui n’est pas domicilié dans
une commune doit avoir un intérêt dans cette commune pour prendre part à son
administration. Cette disposition a été prise dans le projet du gouvernement,
et je la regarde comme indispensable. Vous savez à combien de réclamations a
donné lieu sous le roi Guillaume ce système de faire administrer les communes
par des personnes qui leur étaient tout à fait étrangères. Ne faisons pas
renaître de semblables plaintes.
Je pense
que celui qui n’a aucun intérêt dans une commune ne peut pas être reconnu apte
à gérer les intérêts de ses habitants.
- Le deuxième paragraphe de
l’art. 4 est mis aux voix et adopté.
M. le président. - « § 3 de l’art. 4. Les
fils d’électeurs et les fils de veuves payant le cens électoral, sont éligibles
sans devoir justifier du cens électoral, pourvu qu’ils remplissent les autres
conditions d’éligibilité.
M. Dumont. - Il me semble qu’il n’y a pas lieu de
maintenir dans ce paragraphe les mots : sans devoir justifier du cens
électoral. En effet les fils d’électeurs et les fils de veuves payant le cens
électoral devront justifier du cens électoral de leur père ou de leur mère
veuve.
Je proposerai la rédaction
suivante : « Le cens électoral payé par les électeurs et par les veuves profite
à leurs fils s’ils remplissent les autres conditions d’éligibilité. »
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- On pourrait dire : « Les fils d’électeurs et les fils de veuves payant le
cens électoral sont éligibles de ce chef, pourvu qu’ils remplissent les autres
conditions d’éligibilité. »
M. de Brouckere. - Je demanderai si les fils
d’électeurs ou de veuves payant le cens électoral, lesquels seront éligibles,
sans payer le cens d’éligibilité, devront, pour être éligibles. demeurer dans
la même commune que leur père.
Je m’explique : Un électeur,
je suppose, demeure à Liège, et paie 10 fois le cens électoral : son fils
demeure à Bruxelles et ne paie pas le cens électoral ; pourra-t-il être élu
membre du conseil communal de Bruxelles parce que son père est électeur à Liége
? ou bien faut-il que son père soit électeur à Bruxelles ?
M.
le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - L’observation
que vient de faire l’honorable M. de Brouckere tend à signaler une lacune qui
existe évidemment dans l’art. 4.
D’après l’art. 4, pour être
membre d’un conseil communal, il faut être domicilié dans la commune ; c’est là
le principe. Il faut payer la somme exigée par la loi pour être éligibles ; il
suffit de la payer dans le royaume, de la verser au trésor ; il ne faut pas la
payer nécessairement dans la commune du domicile.
Maintenant
les fils d’électeurs et les fils de veuves payant le cens électoral, lesquels
sont déclarés aptes à faire partie du conseil communal sans justifier du cens
électoral, sont-ils éligibles dans une commune autre que celle qu’habitent leur
père ou leur mère veuve ? Je ne le pense pas. Je crois que l’intention de la
section centrale a été de les rendre éligibles seulement dans la commune
habitée par leur père ou leur mère veuve.
Mais
cela ne se trouve pas dans l’art. 4. Si la rédaction reste telle qu’elle est,
je penserai avec l’honorable député de Bruxelles que le fils d’un électeur
domicilié à Liège et payant à Liége le cens électoral pourra être nommé membre
du conseil communal à Bruxelles.
Il y a, sous ce rapport, dans
l’art. 4, une lacune qu’il convient de combler.
M.
Dumortier, rapporteur. - On pourrait rédiger ainsi le troisième
paragraphe :
« Les fils d’électeurs et
les fils de veuves payant dans une commune le cens électoral, y sont éligibles
sans devoir justifier du cens électoral, pourvu qu’ils remplissent les autres
conditions d’éligibilité. »
M. H. Dellafaille. - Je crois qu’il
faudrait insérer dans le paragraphe, après les mot : « sont
éligibles, » ceux-ci : « dans la commune où leur père ou mère est
domicilié. »
M. le
président. - M. le ministre des affaires étrangères propose un
amendement par suite duquel le troisième paragraphe de l’art. 4 serait ainsi
rédigé : « Les fils d’électeurs et les fils de veuves payant le cens
électoral sont éligibles dans le lieu du domicile de leur père ou de leur mère,
sans devoir justifier un cens électoral, pourvu qu’ils remplissent les autres
conditions d’éligibilité. »
M. Dumont. - Il me paraît que le paragraphe en
discussion doit être rédigé d’après les principes que vous avez posés dans le
paragraphe précédent. C’est pour maintenir la distinction établie par ce
paragraphe, c’est pour que la loi soit conséquente avec elle-même, que
j’insiste pour que la chambre décide dans le paragraphe dont nous nous occupons
que le fils de l’électeur ou de la mère veuve payant le cens électoral, ne
pourra être éligible que dans la commune où son père ou sa mère veuve sera
domicilié.
Je pense que la chambre atteindrait son but en
adoptant cette rédaction : « Le cens électoral payé par l’électeur ou la
mère veuve profite à ses fils, pourvu qu’ils remplissent les autres conditions
d’éligibilité. »
M.
le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Je n’ai fait
ma proposition que pour mieux exprimer les intentions de la section centrale,
mais je ne tiens pas à ma proposition.
M.
F. de Mérode. - Il me semble que la rédaction proposée par M. Dumont
remplit le but que l’on doit atteindre ; elle est la plus juste et la plus
convenable.
M. de Brouckere. - La conséquence de
l’admission de la rédaction de M. le ministre des affaires étrangères sera
celle-ci : « que le fils d’une famille riche ne pourra remplir de
fonctions municipales dans une commune où il demeurerait et où son père ne
demeurerait pas ; » cependant ce fils pourrait rendre de grands services.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de
Muelenaere). - L’observation est vraie ; mais c’est dans des cas rares
qu’on a fait des exceptions en faveur du père.
M. Dumortier, rapporteur. - Je crois qu’il
faudrait rédiger ainsi le paragraphe : « Les fils d’électeurs et les fils
de veuves payant le cens d’éligibilité, sont éligibles dans la commune où leurs
parents paient ce cens, pourvu qu’ils satisfassent aux autres conditions
d’éligibilité. »
M. Gendebien. - La question se complique : il
faut modifier l’article ; mais il faut savoir en quel sens. Il faut dire que
les fils sont exigibles dans le domicile du père ou de la veuve, ou il faut
dire qu’ils sont éligibles ailleurs ; choisissez quel système vous admettrez,
et rédigez l’article en conséquence.
M. Dewitte. - IL faudrait dire que les fils sont
éligibles dans les communes où leurs pères sont eux-mêmes éligibles, ou dans
les communes habitées par leurs mères veuves.
M. Milcamps. - Je proposerai une rédaction
d’après laquelle les fils seront éligibles dans les communes où les pères
exercent les droits politiques, ou dans les communes habitées par les mères
veuves.
M.
Gendebien. - Il faut que le troisième paragraphe devienne le second,
sans quoi la rédaction en serait encore vicieuse, et s’entendrait dans un autre
sens que celui qu’on aurait voulu lui donner.
M.
de Brouckere. - Nous voilà en présence de cinq ou six amendements ; il
ne s’agit pas seulement de modifications à la rédaction, mais de choisir entre
plusieurs systèmes. Je demande que l’on fasse imprimer tous les amendements et
qu’on les renvoie à la section centrale.
- Cet avis est adopté.
La séance est levée à cinq
heures.