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Chambre des représentants de Belgique
Séance
du jeudi 7 mai 1835
Sommaire
1) Pièces
adressées à la chambre
2) Projet
de loi relatif au canal de Charleroy
3) Projet
de loi portant organisation des communes (titre Ier), amendé par le sénat.
Discussion des articles. Mode d’élection et/ou de désignation du bourgmestre et
des échevins (Dubus, Eloy de Burdinne,
Jullien, de Brouckere, de Robaulx), droit de nomination (dans ou hors du conseil) du bourgmestre par le Roi (Dubus, de Theux, de Brouckere, de Theux, de Brouckere, Rogier, Jullien, Legrelle, Gendebien, de Muelenaere, Dumortier, Dechamps, Legrelle, de Theux, Dubus, Dechamps,
Gendebien, Dubus, de Robaulx, de Theux, Dumortier, de Robaulx, Eloy de Burdinne, Dubus, Fleussu, Eloy de Burdinne, Dubus, de Brouckere, de Theux, Dubus, Verdussen, Legrelle, Dubus)
(Moniteur belge n° 128, du 8 mai 1835 et Moniteur belge n°129, du 9 mai
1835)
(Présidence de M. Raikem.)
(Moniteur belge n° 128, du 8 mai 1835) M. de Renesse
procède à l’appel nominal à une heure.
M.
Dechamps donne lecture du procès-verbal de la précédente séance ; la
rédaction en est adoptée.
M.
de Renesse fait connaître l’analyse des pétitions adressées à la
chambre.
PIECES ADRESSEES A LA
CHAMBRE
« Le sieur A. Parent, à
Thuin, renouvelle la demande de fixation à Braine-le-Comte du chef-lieu du
canton aujourd’hui situé à Soignies. »
_________________
« Les actionnaires et
régisseurs des charbonnages du levant de Mons demandent la prompte exécution
des embranchements du canal de Charleroy. »
_________________
« Le baron de
Scherpenzeel-Heusch, colonel commandant la garde civique de Ruremonde,
renouvelle sa demande en naturalisation. »
_________________
« Plusieurs propriétaires et
habitants de la ville d’Anvers se plaignent de l’élévation de la contribution
foncière pour cette année. »
_________________
« Le sieur Gilbert-Frère,
instituteur, demande qu’il soit établi des écoles dans lesquelles, outre l’enseignement
primaire, on apprendrait les principaux métiers. »
- Ces mémoires sont renvoyés â
la commission spéciale des pétitions.
PROJET DE LOI RELATIF AU
CANAL DE CHARLEROI
M.
Desmaisières, rapporteur de la commission chargée de l’examen du projet
de loi relatif au canal de Charleroy, dépose son travail sur le bureau.
- La chambre ordonne
l’impression et la distribution de ce rapport.
Discussion des articles
Titre I. - Du corps
communal
Chapitre 1er. - De la
composition du corps communal et de la durée des fonctions de ses membres
Section 1ère. De la
composition du corps communal
Article premier
M. le président.
- La discussion générale a été close hier.
Voici l’article premier de la
loi :
« Il y a dans chaque
commune un corps municipal compose de conseillers, du bourgmestre et
d’échevins.
« Les conseillers sont élus
directement par l’assemblée des électeurs de la commune. »
La section centrale a adopté
cet article.
M.
Dubus. - L’article premier ne peut être mis en délibération qu’après
avoir voté sur l’article 2, car on a fait un retranchement dans cet article premier
en conséquence d’un retranchement fait dans l’art. 2.
M. le
président. - L’honorable M Dubus propose de commencer par l’article 2 ;
s’il n’y a pas d’opposition, je vais faire lecture de l’art. 2.
Article 2 et article 3 (nouveau)
« Art. 2. Le Roi nomme le
bourgmestre dans le sein du conseil.
M. le
président. - « Néanmoins il peut, lorsque des circonstances
extraordinaires l’exigent, et après avoir reçu l’avis motivé de la députation
du conseil provincial, nommer le bourgmestre hors du conseil, parmi les
éligibles de la commune. »
La section centrale propose de
diviser l’art. 2. La première partie serait ainsi conçue :
« Le Roi nomme le
bourgmestre dans le sein du conseil.
« Néanmoins il peut, lorsque
des circonstances extraordinaires l’exigent, et après avoir reçu l’avis motivé
de la députation du conseil provincial, nommer le bourgmestre hors du conseil,
parmi les éligibles de la commune. »
La seconde partie formerait un
article 3 nouveau qui serait ainsi conçu :
« Le Roi nommera les
échevins sur présentation d’une liste de candidats choisis par le conseil parmi
ses membres.
« La liste des candidats
est triple des échevins à nommer dans les communes qui ont quatre échevins, et
d’un nombre double dans les autres. »
M.
Eloy de Burdinne. - Je n’ai pas demandé la parole pour prolonger une
discussion qui selon moi est épuisée, mais bien pour motiver mon vote qui ne
sera pas le même que celui que j’ai émis sur la nomination des échevins.
J’ai voté pour que cette
nomination fût directe, dans le doute où j’étais si la constitution ne
prescrivait pas ce mode impérieusement.
Aujourd’hui que la question
constitutionnelle est résolue et que mes doutes sont dissipés ; convaincu que
je suis que la nomination des échevins peut être l’acte du gouvernement,
moyennant que cette nomination ait lieu dans le sein du conseil, je voterai
dans ce sens, ou j’admettrai la proposition de la section centrale.
Divers motifs me portent à accueillir
l’article 2 du sénat de laisser la nomination des échevins au gouvernement pris
dans le sein du conseil et pour ne pas prolonger la discussion, je me bornerai
à n’en citer qu’un. Si nous modifions encore l’art. 2 du projet de loi à nous
transmis par le sénat, il en résultera que nous ne pourrons continuer le titre
II et les suivants de la loi communale, ce qui retardera le moment de doter le
pays de l’organisation et communale et provinciale, si vivement réclamées de
toute part pour les conséquences qui en dérivent, et particulièrement sous le
rapport de compléter les cours d’appel, etc., etc., comme vous l’a dit
l’honorable M. Gendebien dans une séance précédente.
Ce seul motif me paraît être
impérieux, et il nous impose le devoir de terminer le plus tôt possible les
lois d’organisation des communes et des provinces.
Je m’abstiendrai de signaler
d’autres motifs d’urgence, que celui de compléter les députations des conseils
provinciaux, de discuter les budgets des provinces par un plus grand nombre
d’hommes, ainsi que de provoquer des améliorations là où les besoins se font le
plus sentir, et tant d’autres actes attribués aux conseils provinciaux.
C’est le désir que j’éprouve
de voir terminer ces diverses lois, qui m’impose le devoir d’être laconique. Ce
fut le même motif qui m’a arrêté souvent dans le cours de la discussion de la
loi communale.
Les divers discours prononcés
contre la proposition de la section centrale, de faire nommer les échevins sur
présentation des conseils, nous ont signalé des inconvénients qui me font
préférer la nomination dans le conseil sans présentation. Selon moi, la
nomination sera plus directe, vu que, d’après mes prévisions, le gouvernement,
intéressé à maintenir l’harmonie entre lui et les communes, nommera presque toujours
bourgmestres et échevins les hommes qui auront obtenu le plus de suffrages des
électeurs, lorsqu’il n’y aura pas incompatibilité ou des motifs graves de les
exclure ; il pourrait en être autrement si la nomination avait lieu sur
présentation par le conseil. D’ailleurs, comme dans la grande majorité des
communes, il n’y aura que 7 ou 9 conseillers, si les conseils présentaient deux
candidats pour chacune des places, un seul membre seulement serait exclu de la
présentation dans le premier cas, et trois dans le second ; ne vaut-il pas
mieux que tous les élus en conseil soient candidats ? Pour moi je le préfère.
Une autre considération me
porte à voter pour l’article amendé par le sénat, c’est que le gouvernement,
nommant les échevins, se rend par ce fait responsable de la gestion des
collèges des bourgmestre et échevins ; il en serait autrement s’il n’avait à sa
nomination que le bourgmestre, vu que telle disposition prise en conseil
pourrait l’être par deux échevins contre l’opinion du bourgmestre et alors
l’acte qui en émanerait ne serait pas le fait du fonctionnaire nommé par le
gouvernement, et pour cela il n’en serait pas responsable, et le ministre à
l’abri de tout reproche et d’interpellations, ce qui ne peut assurément lui
déplaire.
Une autre considération qui
mérite l’attention de la chambre :
Si l’élection des échevins
était directe, et qu’il arrive que les deux échevins soient des hommes
tracassiers et en opposition systématique au bourgmestre, quel est l’homme qui
voudrait remplir les fonctions de bourgmestre pour être continuellement en
lutte et traversé sans motif dans ses vues ? Bien certainement il renoncerait à
la place, et il en résulterait que l’homme qui conviendrait ne voudrait pas le
remplacer.
Les places de bourgmestre ne
sont pas recherchées en général ; au contraire, dans nombre de localités, on
peine à en trouver de convenables.
Pour ces motifs, ne dégoûtons
pas les hommes qui conviennent à la place, pour les voir remplacer par ceux à
qui la place convient.
Je n’en
dirai pas davantage pour motiver le changement que je me propose d’apporter
dans mon vote. En continuant, je ne pourrais que répéter ce qui a été dit et
répété plusieurs fois. Il me reste à supplier la chambre de faire en sorte que
la Belgique soit dotée le plus tôt possible de l’organisation communale et
provinciale ; tâchons qu’elle le soit pendant le cours de cette année. Pour
cela, terminons la loi en discussion dans la présente session, et nous aurons
bien mérité de nos commettants, et ils nous en sauront gré.
Si ces lois ne sont pas
parfaites, comme rien ici-bas n’est parfait, au moins on ne pourra pas nous
reprocher d’avoir agi avec trop de précipitation ; on pourrait peut-être nous
faire le reproche de trop de lenteur.
Au surplus ; l’expérience nous
démontrera les inconvénients qui résulteront de telle ou telle disposition
adoptée, et on pourra revenir par la suite.
M. Jullien. - Je demande la parole pour faire une
motion d’ordre, Il paraît que l’honorable préopinant a interverti l’ordre de la
discussion. D’après le projet de la section centrale, l’art. 2 qui est en
discussion concerne les bourgmestre seulement ; et cet honorable préopinant a
parlé de l’article 3 nouveau, relatif à la nomination des échevins. Il y a un
ordre d’idées qu’il faut suivre. Le sénat confondait le bourgmestre avec les
échevins ; la section centrale fait une distinction. N’embrouillons pas la
discussion ; sachons si nous délibérerons sur le projet du sénat ou sur le
projet de la section centrale.
M. le président. - On peut mettre en discussion ce
qui concerne la nomination des bourgmestres ; on discuterait ensuite ce qui est
relatif à la nomination des échevins.
M. Eloy de Burdinne. - J’ai parlé sur
l’art. 2 tel qu’il résulte des délibérations du sénat ; il comprend les
bourgmestres et échevins.
M. le
président. - Mais, d’après la proposition faite, il faut mettre d’abord
en délibération ce qui concerne les bourgmestres ; on viendra ensuite à ce qui
est relatif à la nomination des échevins.
M. de Brouckere. - Je ne m’oppose pas à
qu’on propose de suivre. Je ferai remarquer que relativement aux bourgmestres,
il n’y a, selon moi, qu’un seul point qui doive être discuté ; c’est de savoir
si le bourgmestre, lorsqu’il sera pris en dehors du conseil, y aura voix
délibérative ou simplement voix consultative, Mais en ce qui concerne la
nomination du bourgmestre en elle-même, le sénat, la chambre, le ministère, je
me trompe, une partie des ministres, sont d’accord. Occupons-nous donc de la
seule question que soulève la nomination des bourgmestres.
M.
de Robaulx. - Veut-on prétendre que nous n’avons pas le droit de
discuter la question de la nomination des bourgmestres par le peuple ?
M. de Brouckere. - Non, M. de Robaulx peut
soutenir son opinion ; tous les membres de la chambre ont ce droit. Mais pour
agir convenablement, il faudrait qu’un amendement fût déposé sur le bureau.
Tant qu’il n’y aura pas d’amendement déposé, nous ne serons qu’en présence de
trois projets qui sont tous d’accord. Il est inutile, ce me semble, de
délibérer sur une question tranchée.
Si M. de Robaulx, ou tout
autre membre, présente un amendement pour revenir sur ce qui a été admis par
les deux chambres et par le ministère, libre à lui de le soutenir.
M.
de Robaulx. - A la bonne heure !
M. le
président. - Il est entendu que nous délibérons sur l’article 2
présenté par la section centrale ; cet article est formé de la première partie
de l’article 2 du projet du sénat.
M.
Dubus. - Messieurs, c’est pour la troisième fois que je ferai la même
motion. Nous en sommes aux articles ; c’est donc le moment où M le ministre
doit s’expliquer. Je désirerai, savoir quel parti le gouvernement prend. Le
temps est venu où il doit nous faire connaître son opinion.
M. le
président. - Mais cette première partie de l’article est la même
disposition adoptée déjà par la chambre.
M.
Dubus. - J’y trouve une différence essentielle. On a retranché de cette
partie de l’article un paragraphe important ; c’est le paragraphe portant que
le bourgmestre nommé en dehors du conseil n’y aurait que voix consultative.
Cette disposition a été soutenue par beaucoup d’orateurs entre autres par M. de
Muelenaere, ministre des affaires étrangères ; j’ai ici l’extrait de son opinion.
M.
de Robaulx. - Mais on change d’opinion.
M.
Eloy de Burdinne. - On doit avoir la bonne foi de reconnaître son
erreur.
M. Dubus. - Le
ministre actuel de l’intérieur vous a dit qu’il était incontestable qu’en règle
générale le bourgmestre devait être pris dans le conseil, qu’il n’avait voulu
faire une exception que dans le cas de nécessité. Et pour montrer que le
gouvernement n’abuserait pas de la nomination des bourgmestres en dehors du
conseil, il a fait remarquer qu’il n’aurait dans ce cas que voix consultative.
Le
gouvernement aura toujours, a-t-il dit, intérêt à prendre ce magistrat dans le
conseil, pour qu’il y ait voix délibérative. Le sénat a fait disparaître cette
distinction ; la disposition n’est donc plus la même. Je le répète, je pense
que le moment est venu pour le ministre de l’intérieur de s’expliquer.
M. le
président. - Voici un amendement déposé par M. de Brouckere :
« Dans ce dernier cas (la
nomination du bourgmestre en dehors du conseil), le bourgmestre n’aura que voix
consultative au conseil. »
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- L’honorable M. Dubus demande si le gouvernement admet la disposition adoptée
par le sénat, et par laquelle le bourgmestre pris en dehors du conseil y aurait
voix délibérative ; je déclare que oui. J’avais, dans la première discussion
devant cette chambre, déposé un amendement dans ce sens ; si j’y ai renoncé
pour me réunir à la proposition faite par M. de Brouckere, ç’a été pour mettre
un terme à la discussion qui, dans l’état où étaient alors les choses, menaçait
de se prolonger indéfiniment, attendu que l’on élevait questions incidentes sur
questions incidentes, et que d’un autre côté je ne considérais pas la
disposition comme assez importante pour qu’on dût prolonger, en la soutenant,
la discussion de plusieurs jours.
Mais, du reste, mon opinion
était alors comme elle est aujourd’hui, que le bourgmestre pris en dehors du
conseil doit avoir voix délibérative.
L’honorable préopinant a été
exhumer un passage dans un discours que j’avais prononcé pendant la première
discussion de la loi communale ; il a supposé que j’avais combattu depuis
l’opinion que j’avais d’abord émise. Je suis heureux de pouvoir montrer à
l’honorable membre que mes opinions sont toujours les mêmes.
Devant
cette chambre, lors de la première discussion, le projet du gouvernement
portait que le Roi pourrait nommer les bourgmestres en dehors du conseil, et
aucune condition n’était, dans ce cas, imposée à son choix.
Aujourd’hui il en est
autrement ; la nomination du bourgmestre en dehors du conseil ne peut avoir
lieu que dans des circonstances extraordinaires, et après avoir pris l’avis de
la députation provinciale : la disposition n’est pas la même ; on
pouvait, dans le premier cas., n’accorder que voix consultative au bourgmestre
parce que la faculté de le choisir hors du conseil était illimitée ; mais quand
elle est restreinte aux cas extraordinaires, il convient de lui accorder voix
délibérative. Je crois que cette raison paraîtra prépondérante à chacun des
membres de cette assemblée.
M.
de Brouckere. - Vous vous rappelez sans doute que la proposition qui a
été adoptée par la chambre des représentants relativement à la nomination des
bourgmestres en dehors du conseil, et qui consistait à ne leur accorder que
voix consultative, a été présentée par moi. Le ministre de l’intérieur, au nom
du gouvernement, a déclaré adhérer à cette proposition. Sur ce point le sénat a
été d’un autre avis et nous avons à nous prononcer, c’est-à-dire, que nous
avons, ou à voter de nouveau la résolution que nous avons prise, ou à reconnaître
que nous avons eu tort, et que le vote de l’autre chambre est plus sage que le
nôtre.
Si l’on peut me prouver qu’il
y a des inconvénients à ôter aux bourgmestres le droit d’avoir voix
délibérative quand ils sont pris en dehors du conseil, je déclare que j’appuierai
ce système, et que je voterai comme le sénat ; mais pour cela il faut que l’on
me donne de bonnes raisons.
Voyons, messieurs, jusqu’à
quel point le raisonnement que vient de faire le ministre de l’intérieur est
prépondérant, pour me servir de l’épithète qu’il a employée.
Autrefois, a-t-il dit, il
pensait comme nous, que lorsque le bourgmestre était pris en dehors du conseil,
il ne pouvait avoir que voix consultative ; mais alors le gouvernement pouvait,
quand il lui plaisait, prendre le bourgmestre en dehors du conseil.
Aujourd’hui c’est tout
différent, puisqu’on ne peut prendre le bourgmestre en dehors du conseil que
dans les cas extraordinaires ; ainsi il n’est pas étonnant qu’il ait changé
d’opinion : je voudrais bien savoir ce qu’il y a de prépondérant dans un
semblable raisonnement. M. le ministre de l’intérieur a reconnu qu’il n’y avait
pas d’inconvénient à ce que le bourgmestre pris en dehors du conseil n’ait pas
voix délibérative ; eh bien, qu’y a-t-il donc de changé ? C’est que le cas se
présentera moins fréquemment. Or, s’il n’y a pas d’inconvénient quand le cas
peut se présenter fréquemment, quel inconvénient peut-il y avoir quand il se
présentera très rarement ?
Ce ne
serait pas un argument contraire. S’il y a quelque chose de saillant, c’est ce
que je viens de dire. S’il n’y avait pas d’inconvénient à ce que le bourgmestre
n’eût pas voix délibérative dans la première hypothèse, il y en aura bien moins
maintenant que le cas est réduit à un très petit nombre d’exceptions. Le
raisonnement mis en avant par M. le ministre de l’intérieur ne peut être
d’aucun poids. Je pense qu’à moins qu’il étaie l’opinion que l’on veut faire
prévaloir par d’autres arguments, la chambre n’aura pas la faiblesse de
renoncer à la première opinion, uniquement parce qu’on le lui demande. L’on n’a
fait valoir aucun motif pour la faire revenir à cet égard. M. le ministre de
l’intérieur lui-même s’est rallié à notre opinion dans deux circonstances : lors du premier vote, quand il siégeait
dans cette enceinte comme député, et lors du second vote, lorsqu’en qualité de
ministre il défendait la loi communale au nom du gouvernement. Pourquoi ce que
l’on a trouvé bon, il y a deux mois, est-il devenu mauvais aujourd’hui ? Que
l’on fasse valoir de bonnes raisons. Je n’y mettrai pas d’entêtement. Je
changerai franchement d’opinion. Mais jusque là je dis que la chambre ne doit
pas avoir la faiblesse de revenir sur sa première décision.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- L’honorable préopinant est tombé dans une erreur lorsqu’il a cru qu’en
admettant, dans le courant de la discussion de la loi communale, que le
bourgmestre pris hors du sein du conseil n’eût que voix consultative, je
n’avais trouvé aucun inconvénient dans cette restriction. Je n’ai pas dit que
je n’y voyais aucun inconvénient. Je ne me suis pas expliqué sur ce point. Mais
si j’ai pensé alors qu’il y avait quelque inconvénient à ce que le bourgmestre
nommé hors du sein du conseil n’eût pas voix délibérative dans le conseil, j’ai
pensé aussi que, si le gouvernement choisissait habituellement le bourgmestre
pris hors du sein du conseil, il y aurait un inconvénient plus grave. C’est
dans ce sens, c’est pour ce seul motif que, tout en admettant que le
bourgmestre fût choisi indifféremment en dehors et en dedans du sein du
conseil, attendu que l’on élevait beaucoup de difficultés contre les exceptions
que j’aurais voulu voir consacrer, je ne me suis nullement opposé à ce que le
bourgmestre pris hors du sein du conseil n’eut pas voix délibérative. Mais
aujourd’hui que la loi impose en règle générale au gouvernement l’obligation de
choisir le bourgmestre dans le sein du conseil, et que ce n’est que, par
exception qu’il peut être pris hors du sein du conseil, il est évident que le
gouvernement ne pourra plus abuser de cette exception.
Je crois qu’il est indispensable que le
bourgmestre ait voix délibérative dans le conseil. Déjà, dans la dernière
discussion plusieurs orateurs de cette assemblée ont partagé cette opinion.
C’est peut-être aller trop loin que de dire, comme M. de Brouckere, que la
chambre viendrait ainsi se déjuger elle-même. Il est très permis de croire que
beaucoup de membres de cette assemblée, peut-être même la majorité, se seraient
prononcés pour la proposition que j’avais faite d’accorder voix délibérative au
bourgmestre pris hors du sein du conseil, si je n’avais pas cru devoir me
rallier à la proposition de l’honorable M. de Brouckere, si je n’avais pas eu
pour motif les longues discussions dans lesquelles l’on allait être entraîné
sur ce que certains membres prétendaient que la question se trouvait déjà
préjugée par des articles irrévocablement adoptes. J’ai cru m’apercevoir que
tel était le sentiment dominant de l’assemblée.
L’on a dit dans cette enceinte
et dans le sénat que le bourgmestre présidant le conseil et n’y ayant pas voix
délibération se trouverait dans une position moins favorable qu’il ne serait à
désirer pour qu’il eût dans la commune toute l’influence dont il a besoin.
Voilà le seul argument qu’il y ait a faire valoir. C’est à chacun de nous à
l’apprécier. Ce motif me paraît suffisant pour accorder au bourgmestre pris
hors du sein du conseil voix délibérative.
M.
de Brouckere. - L’honorable M. de Theux vient de dire que, dès
l’origine, il aurait préféré que l’on eût accordé dans tous les cas voix
délibérative au bourgmestre, alors même qu’il était pris en dehors du sein du
conseil. Je demanderai à l’honorable M. de Theux comment en sa qualité de
ministre et de représentant du gouvernement il a pu se rallier à ma
proposition. Si vous avez cru que ma proposition était mauvaise, si vous étiez
parvenu à en formuler une meilleure, il était de votre devoir de soutenir votre
opinion comme ministre aussi consciencieusement que nous soutenons la nôtre
comme députés. L’honorable M. de Theux ne reconnaîtra pas qu’il a manqué à son
devoir. Si c’est par faiblesse qu’il a cédé, cela ne serait pas plus excusable.
La faiblesse dans un représentant du gouvernement n’est pas chose excusable. Si
votre opinion valait mieux que la mienne, il fallait la soutenir. Vous ne
l’avez pas fait, et vous venez maintenant nous déclarer que c’est en quelque
sorte.... si je dis par faiblesse, l’honorable M. de Theux n’aura pas lieu
d’être satisfait de l’épithète ; cependant c’est la seule conclusion que je
puisse tirer de ses paroles... C’est en quelque sorte par faiblesse que vous
vous êtes laissé aller, vous, représentant du gouvernement, à admettre ma
proposition. Mais, dites-vous, c’est une affaire très peu importante. Pour vous
peut-être, mais pour moi j’y attache le plus grand prix. J’engage donc M. de
Theux à nous céder sur ce point, à nous qui y attachons la plus grande
importance. Nous, nous voyons un très grave inconvénient à introduire un étranger
dans le conseil et à lui donner voix délibérative. Vous, vous voyez des
inconvénients à ce que cette faculté ne leur soit pas accordée.
Signalez-les-nous. Mais je ne crois pas que quelqu’un de nous soit tenté de
croire qu’ils existent sur votre simple assertion. Je vous assure que s’ils
sont réels, moi-même je changerai d’avis.
Je
n’ajouterai qu’un mot. Quelques personnes semblent craindre une zizanie entre
les deux chambres si nous n’adoptons la modification que le sénat a proposée.
Je suis persuadé que le sénat ne fera pas de difficultés à consentir aux
changements que nous y introduirons. Car il doit se trouver dans cette
assemblée des membres qui, comme l’honorable M. de Theux, trouvent la chose
très peu importante.
Qui doit céder, de ceux qui regardant
la chose comme très importante, ou de ceux qui n’y attachent aucune importance
?
Je regarde la chose comme
tellement importante, que je me rappelle avoir répondu à M. de Theux qui était
venu me trouver pour me demander si je consentirais à modifier mon amendement
et à accorder la voix délibérative au bourgmestre pris hors du sein du conseil,
que jamais je n’y consentirais. J’attache, je le répète, la plus grande
importance au maintien de cette disposition.
M.
Rogier. - La disposition qui nous occupe comme beaucoup d’autres paraît
à certains membres dirigée contre l’indépendance communale, contre les libertés
populaires. Dans mon opinion cette disposition comme beaucoup d’autres existe
dans l’intérêt des libertés communales et de la véritable indépendance des
habitants de nos communes et surtout de nos communes rurales. Pour peu,
messieurs, que l’on se soit occupé d’administration, l’on reconnaît
l’impossibilité assez fréquente dans les communes rurales de trouver des hommes
véritablement capables de les administrer.
Ailleurs on en trouverait bien
de capables. Mais ce sont précisément ceux qui, en raison de leurs capacités
qui les appellent ailleurs, refusent d’accepter le mandat de bourgmestre, afin
de consacrer leur temps et leurs peines à un emploi plus éminent ou plus
lucratif.
Forcer le gouvernement de
choisir le bourgmestre dans le cercle très restreint de 7 ou 9 personnes, c’est
l’obliger souvent à mettre à la tête d’une commune un homme qui ne lui convient
pas. Vous trouverez bien un certain nombre d’habitants qui voudront accepter le
mandat de conseillers, attendu qu’il ne les astreint à aucune formalité
gênante.
Mais parmi eux il ne s’en
trouvera peut-être aucun qui veuille des fonctions de bourgmestre, parce
qu’elles entraînent plus de soins et plus de responsabilité.
Le choix de ce premier
magistrat présentera donc des obstacles matériels. J’entends par bourgmestre un
homme convenable et non pas un pis-aller. Sans doute il ne manquera pas d’hommes
déconsidérés ou ignorants qui ne demanderont pas mieux que d’accepter les
fonctions de bourgmestre, parce qu’elles les relèveront et entraîneront la
présomption de leur moralité ou de leur capacité. Ce n’est pas de ces hommes-là
que nous voulons faire des bourgmestres. Nous défendons des communes aussi
consciencieusement que ceux qui s’en sont déclarés les champions exclusifs.
La concession que des membres
voudraient faire au gouvernement dans le cas où le bourgmestre serait choisi
hors du sein du conseil, cette concession n’en est pas une du moment que le
bourgmestre ne doit siéger dans le conseil que comme intrus, n’ayant simplement
qu’une voix consultative. Une telle restriction paralyse la faculté que l’on
donne au gouvernement de choisir le bourgmestre hors du sein du conseil. Si le
bourgmestre ne peut exercer dans le conseil les mêmes droits, y siéger au même
titre que les conseillers, une telle faculté est illusoire pour le gouvernement
qui ne pourra en faire usage. Il ne rencontrera pas d’hommes capables qui
veuillent accepter ces fonctions à des conditions humiliantes.
Il est possible, messieurs,
que l’on me trouve en contradiction avec moi-même. Si cela est, je n’occuperai
pas longtemps les moments de la chambre pour prouver que j’ai raison d’avoir
changé d’avis. Je le reconnaîtrai tout simplement.
Il est certain que le projet
du gouvernement, que j’ai en l’honneur, comme ministre, de revêtir de ma
signature, ne donnait pas de voix délibérative au bourgmestre pris hors du sein
du conseil. Et c’est cela que je viens de combattre ; je le dis nettement, la
proposition du gouvernement était mauvaise. Je pourrais, si une excuse était
nécessaire, faire observer que la position n’est plus la même. Dans le premier
projet, le gouvernement avait le droit de choisir le bourgmestre partout où il
le jugerait convenable. Maintenant il est obligé de le prendre au moins parmi
les éligibles. C’est donc une restriction nouvelle imposée au gouvernement. Je
pourrais dire qu’il était juste alors que par forme de compensation le
bourgmestre eût voix délibérative dans le conseil. Je crois que le gouvernement
a eu tort de présenter cette disposition, qui n’était au reste que la
proposition de la commission dont j’ai eu plusieurs fois occasion de rappeler
la composition.
Je crois que le gouvernement
ferait mieux de renoncer à cette faculté de nommer le bourgmestre hors du sein
du conseil, si elle est restreinte par l’amendement de l’honorable, M. de
Brouckere, qui n’accorde, dans ce cas que voix consultative au bourgmestre.
Il faut remarquer que l’on a
tiré un très grand parti de cette faculté accordée au gouvernement de choisir
le bourgmestre hors du sein du conseil, dans la question de la nomination des
échevins. L’on est venu vous dire : L’on a accordé au gouvernement un pouvoir
exorbitant, celui de nommer le bourgmestre hors du sein du conseil ; faites
donc une concession pour la nomination des échevins, et ne combattez pas leur
élection par le peuple.
Il ne
faut pas que le gouvernement se laisse prendre à cette espèce de marche, dans
lequel il serait véritablement dupe. L’on demande les grands inconvénients
qu’il y aurait à refuser au bourgmestre voix délibérative dans le conseil ; je
crois que ces inconvénients sautent tellement aux yeux, qu’il est inutile d’en
entreprendre l’énumération.
J’approuve fort le silence de
M. le ministre de l’intérieur. Chacun est frappé des inconvénients qu’il y
aurait à refuser voix délibérative au premier magistrat de la commune dans le
sein du conseil.
Je voterai pour l’article tel
qu’il a été amendé par le sénat. Je voterais contre l’article, si l’amendement
de M. de Brouckere venait à être adopté.
M.
Jullien. - L’honorable préopinant pouvait se dispenser de s’accuser
d’avoir, comme ministre de l’intérieur, proposé de n’accorder au bourgmestre
pris hors du sein du conseil que voix consultative. Je l’engage à ne pas faire
acte de contrition à cet égard. (Hilarité.)
Il trouvera encore dans l’assemblée beaucoup de membres qui seront de son
premier avis.
Pourquoi la chambre, dans son
premier vote, n’a-t-elle pas accordé voix délibérative au bourgmestre pris hors
du sein du conseil ? Par une raison bien simple, qu’il ne faut pas chercher
bien loin : parce que le bourgmestre, dans ce cas, ne fait pas partie du conseil
municipal. Pourquoi lui donneriez-vous voix délibérative dans un corps auquel
il n’appartient pas ? Voilà les motifs qui ont déterminé cette assemblée à ne
lui accorder que voix consultative.
Il est bien permis au
gouvernement de nommer, en vertu de l’art. 108, un bourgmestre qui n’a pas subi
l’épreuve de l’élection directe. Mais il ne lui appartient pas de créer un
conseiller municipal. La création d’un conseiller municipal est nécessairement
l’effet de l’élection populaire, l’élection populaire qui est la source de tous
les pouvoirs. Si donc le pouvoir exécutif ne peut créer un conseiller
municipal, il ne peut pas accorder à son agent près de la commune la principale
qualité qui appartient à un conseiller municipal, le pouvoir de délibérer dans
le conseil. Je pense que telle a été la raison qui a déterminé votre premier
vote.
Mais, dit M. le ministre de
l’intérieur, ce ne sera que dans des cas très rares que le gouvernement fera
usage de cette exception de prendre le bourgmestre hors du sein du conseil. Puisque
ces cas seront très rares, pourquoi à de cas très rares sortir de la règle
générale, de la loi commune ? C’est pour les cas rares, d’après la doctrine sur
l’application des lois, que les exceptions sont faites. Il ne peut donc être
question, à l’occasion de cas qui se présenteront très rarement, de sortir de
la loi commune.
L’honorable M. Rogier a dit
que la proposition à laquelle l’on revenait était tout à fait dans l’intérêt de
la liberté communale. Il a montré l’embarras où l’on serait quelquefois dans
les communes rurales de trouver un bourgmestre convenable. Il a prétendu que
l’on ne trouverait personne qui voulût accepter les fonctions de bourgmestre,
du moment que celui-ci n’aurait pas voix délibérative dans le sein du conseil.
En supposant que cela fût vrai, faudrait-il étendre cette règle aux grandes
villes ? Faudrait-il, par exemple, que le gouvernement, dans des circonstances
qu’il aurait le pouvoir de déclarer extraordinaires, pût selon son bon plaisir
nommer dans une des principales villes du royaume un étranger, qui siégeât sur
les bancs d’un conseil municipal qui le verrait de mauvais œil, et qu’il eût
voix délibérative dans une assemblée où il serait en présence d’hommes qui
n’auraient aucune espèce de sympathie pour lui, qui seraient tentés de lui
témoigner de l’éloignement ? Voilà à quoi l’on s’expose avec des utopies.
Dans le
cours de cette discussion, j’ai été le premier à signaler les embarras de cette
loi, et à démontrer que les difficultés que l’on éprouvait à son
perfectionnement provenaient de la distinction que l’on aurait dû faire presque
toujours entre les villes et les communes rurales. Comme il n’y a plus moyen
maintenant de formuler deux systèmes, il faut bien adopter celui qui, tout en
présentant quelques inconvénients pour les communes rurales, offre cependant
des règles sûres, ne viole pas les principes certains. Ce serait aller contre
un principe que de revenir sans raison de notre première décision pour adopter
l’amendement proposé par le sénat. Je maintiendrai l’article tel qu’il a été
voté par la chambre.
M.
Legrelle. - Je regrette toujours qu’à côté de l’organisation du conseil
communal nous n’ayons pas stipulé quelles seront ses attributions. Il y a
quelque chose de vague dans la question qui nous occupe. Nous ne pouvons nous
prononcer en connaissance de cause parce que nous ne savons quelles seront les
attributions du conseil communal.
Dans l’impossibilité où nous
sommes de pouvoir, dès aujourd’hui, adopter tel ou tel système, je crois que le
meilleur principe d’attribution est celui qui maintiendra sur la même ligne les
membres du collège, qui n’établira aucune distinction entre le bourgmestre et
les échevins ; il faut qu’ils soient des égaux, des pares dont le bourgmestre sera le président.
Si le système qu’a indiqué M.
Gendebien sans le défendre dans la séance d’hier pouvait prévaloir (celui qui
consiste à établir une ligne de démarcation entre le bourgmestre et les
échevins), je conçois que l’on pourrait établir une différence dans le mode de
nomination des uns et des autres.
J’adopte le système qui
consiste à mettre le moins de distinction possible entre les bourgmestres et
les échevins, il faut qu’il existe entre les membres du collège municipal
l’homogénéité la plus grande. J’accorderai donc au bourgmestre la voix
délibérative, et si l’amendement de M. de Brouckere n’était pas admis, je
voudrais que l’on restreignît autant que possible l’exception dont la faculté
est accordée ; non seulement un avis motivé, mais aussi un avis conforme
de la députation provinciale. Cette proposition je la fais afin que la
nomination du bourgmestre hors du sein du conseil soit le plus rare possible.
Mais il est nécessaire que le bourgmestre dans ce cas ait voix délibérative.
Messieurs,
si vous agissez autrement, vous rendrez la position du bourgmestre
insoutenable. Comme l’ont dit d’honorables préopinants, il sera impossible de
trouver pour bourgmestre un homme qui convienne, alors que vous lui donnez une
position, non pas même égale, mais même inférieure à celle du dernier
conseiller.
Je pense que les cas
d’exception doivent être réduits à l’exception la plus rigoureuse, et je
demande que l’on substitue dans l’art. 4 les mots « avis conforme » à
ceux « avis motivé. » Moyennant que cette modification soit admise,
je voterai pour la proposition du sénat qui assimile le bourgmestre aux
échevins, c’est-à-dire qui donne toujours voix délibérative au bourgmestre.
M.
Gendebien. - L’honorable M. Legrelle ayant prononcé mon nom dans cette
discussion, et n’ayant pas précisément rendu ma pensée, je crois devoir
l’expliquer. Je n’ai prôné aucun système ; j’ai répondu aux observations
présentées hier par M. Lebeau et particulièrement par M. Nothomb, qui
prétendaient tirer un argument de l’art. 101 qui, disaient-ils, rend multiple
le pouvoir exécutif, et d’après lequel le bourgmestre ne peut rien faire sans
l’assistance des échevins. J’ai combattu cette opinion, et pour cela il suffit
de lire cet article. Il est ainsi conçu :
« Art. 101. Les
bourgmestre et échevins veillent à l’exécution immédiate des lois, ordonnances
et arrêtés de l’administration générale, sauf le cas où la loi, l’ordonnance ou
l’arrêté confierait au bourgmestre seul le soin de son exécution.
« Le collège peut, du consentement
du bourgmestre, charger un ou plusieurs de ses membres de l’exécution des
mesures dont la surveillance lui est confiée. »
Vous voyez donc bien,
messieurs, que cet article n’a pas la portée qu’on lui suppose, puisqu’une
disposition des ordonnances et arrêtés suffit pour en conférer l’exécution au
bourgmestre. Mais, disais-je, si, pour faire crouler tout l’échafaudage que
l’on a présenté à la chambre, il suffit de reconnaître la nécessité d’un
pouvoir unique (en effet, pour l’exécution il faut une seule pensée, et pour le
conseil il en faut plusieurs), je suis prêt à concéder au bourgmestre
l’exécution de toutes les lois et ordonnances ; mais alors, que ce soit un
bourgmestre tel que la constitution l’entend, un bourgmestre élu par le peuple
; car c’est là la règle générale, ou au moins que le bourgmestre soit toujours
et dans tous les cas pris dans le sein du conseil.
Je trouve une garantie pour le
peuple dans son suffrage accordé au bourgmestre, comme membre du conseil ; je
trouve une garantie de bonne exécution dans l’unité de pouvoir. Je voterais
pour un amendement qui serait présenté dans ce sens, soit par un ministre, soit
par un membre de cette assemblée ; mais sous la condition sine qua non que j’ai
indiquée.
Maintenant je me permettrai
deux observations. On vous a dit que si vous contraignez le gouvernement à
prendre le bourgmestre dans le sein du conseil, le conseil étant restreint à un
très petit nombre, vous rendrez le choix du gouvernement très difficile, vous
le contraindrez à nommer des administrateurs qui ne lui conviennent pas. Mais
si le gouvernement est si difficile, si dédaigneux, qu’il laisse faire les
électeurs ; ils ne seront ni si difficiles ni si dédaigneux ; ils trouveront
bien un bourgmestre qui leur conviendra et qui conviendra à ces fonctions.
Une seconde observation, c’est
que si vous autorisez le gouvernement à nommer le bourgmestre hors du conseil
et que vous lui donniez voix délibérative, vous serez amenés par la force des choses
à lui donner voix prépondérante, parce que le conseil tel qu’il est institué
est composé d’un nombre impair de membres
: de 7, 9, 11, 13, 15 membres, et ainsi progressivement. Si vous nommez
un bourgmestre en dehors du conseil, le conseil sera composé de 8, 10, 12, 14,
16 votants. Il y aura souvent partage de voix ; la question ne sera pas
décidée, il faudra cependant que l’administration marche, et vous arriverez à
donner voix prépondérante au bourgmestre.
Ainsi un bourgmestre qui ne
fait pas partie du conseil, qui ne devrait pas y avoir voix délibérative,
puisqu’il n’en fait pas partie, aura voix prépondérante dans le conseil. Ainsi
l’homme qui n’aura pas été appelé par les électeurs à siéger dans le conseil,
aura dans ce même conseil une voix de plus que les membres désignés par les
électeurs pour en faire partie. Voyez où vous mène votre système.
On
vous a dit qu’il s’agissait d’une espèce de marché, et que le gouvernement
serait dupe et ferait un mauvais marche si on n’adoptait pas sa proposition.
Quand le gouvernement saisit à son profit toutes les libertés garanties par la
constitution, non, il ne s’agit pas de marché, il s’agit de quelque chose de
plus relevé ; c’est un partage et un noble partage ; c’est le partage du lion.
Il prenait, vous le savez, la première part, parce qu’il était le lion ; la
deuxième et la troisième par des raisons aussi bonnes ; la quatrième enfin,
parce qu’il était le plus fort. Bon courage au gouvernement s’il se croit le
plus fort ! Toutefois, qu’il prenne garde ; car le gouvernement qui se croit si
fort est souvent bien faible ; l’histoire est là pour le prouver. Et un
gouvernement n’est vraiment fort, et surtout en Belgique, que quand il départit
au peuple le plus de liberté possible, quand il fait moins ostentation de
force, quand il vise le moins au gouvernement de la force.
M.
le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Messieurs, je
ne pense pas que l’on puisse avec la moindre apparence de raison et d’équité
accuser un homme de manquer à ses devoirs, lui adresser le reproche de
faiblesse, parce qu’après une discussion longue et laborieuse, il croit devoir,
par transaction, par conciliation, se rallier à une opinion qui ne diffère pas
essentiellement de l’opinion qu’il avait émise antérieurement. C’est ce qui
arrive à tout moment dans les corps délibérants ; il faut parfois se faire des
concessions mutuelles lorsqu’il ne s’agit pas de points essentiels ; c’est ce
qu’a fait mon honorable ami, M. de Theux ; après une discussion à laquelle il
faut nécessairement mettre un terme, il a consenti à abandonner une opinion
qu’il avait défendue ultérieurement sur la voix délibérative donné au
bourgmestre lorsqu’il est pris hors du conseil. Mon honorable ami n’a jamais
considéré ce point comme vital, comme essentiel dans l’organisation communale.
Sous ce rapport, je suis parfaitement de son avis.
Il ne faut pas perdre de vue,
que le gouvernement prendra presque toujours le bourgmestre dans le conseil ;
ce ne sera que par exception qu’il le prendra hors du conseil. J’ose ajouter
que dans mon opinion cette exception sera extrêmement rare.
S’il ne s’agissait que des
bourgmestres des grandes communes, des villes, je considérerais la chose comme
indifférente ; car si le sénat donne voix délibérative au bourgmestre pris hors
du conseil, je pense que le motif qui l’y a déterminé, c’est que dans certaines
petites localités la présence du bourgmestre dans le conseil, avec voix
délibérative, est indispensable pour diriger utilement ses travaux.
Je pense avec un honorable
préopinant que, pour arriver à une bonne organisation communale, il aurait
fallu faire deux lois : une pour les grandes villes et une pour les autres
localités. Il est impossible de revenir là-dessus ; mais, par ce motif, il faudra
faire des concessions aux deux systèmes. Vous voyez donc qu’il n’y a aucune
contradiction dans la conduite de mon honorable ami.
Je le répète, la voix
délibérative donnée au bourgmestre n’est pas d’un grand intérêt pour les
grandes localités. Les conseils communaux des grandes villes sont nombreux et
contiennent nombre de personnes propres par leur instruction et leur position
sociale à occuper et à accepter les fonctions de bourgmestre. Ainsi l’exception
ne devra être appliquée que dans quelques localités.
Vous voyez donc que la
question est d’une moindre importance qu’elle ne paraît être. Je ne pense pas
que si vous accordez voix délibérative au bourgmestre dans les cas rares où il
sera pris hors du conseil, il puisse en résulter de grands inconvénients.
M. le président. - Deux amendements viennent
d’être déposés sur le bureau ; ils sont ainsi conçus :
« Amendement de M.
Dumortier : Le bourgmestre est nommé par le Roi sur une liste triple de
candidats qui lui est présentée par le conseil. »
« Amendement de M.
Dechamps : Le Roi nomme le bourgmestre dans le sein du conseil ; néanmoins, il
peut le nommer hors du conseil, et parmi les éligibles de la commune, lorsque
les 2/3 des membres du conseil y consentent. »
La parole est à M. Dumortier,
pour développer son amendement.
M.
Dumortier. - Vous venez d’entendre, messieurs, l’invitation à changer
d’avis que vient de vous adresser M. le ministre des affaires étrangères. Je
viens vous faire une invitation semblable dans un sens différent. Je viens vous
inviter à revenir sur ce que vous avez admis pour admettre une proposition qui
est plus dans les intérêts du peuple et dans les intérêts bien sentis du
gouvernement.
La proposition que je vous
fais n’est autre que la disposition que le bon roi Guillaume octroya à son
peuple en l’an de grâce 1817. Tout ce que je vous demande, c’est de ne pas vous
montrer moins libéraux que le roi Guillaume. Pendant dix ans les communes ont
été sous l’empire de cette disposition ; jamais l’administration communale n’a
mieux marché qu’alors ; jamais il n’a régné plus d’ordre dans l’administration
communale.
Ce que je propose est la
reproduction textuelle de l’art. 37 des premiers règlements. « Art. 37. Le
bourgmestre et nommé par le Roi sur une liste triple de candidats qui lui est
présentée par le conseil. »
Maintenant il me reste
quelques mots à ajouter pour justifier ma proposition.
Je demanderai d’abord
qu’est-ce que nous devons vouloir, qu’est-ce que le ministère et le pays doivent
vouloir ; sans doute, l’ordre dans la commune, la bonne harmonie dans
l’administration communale. Or, pour qu’il y ait harmonie dans l’administration
communale, il faut que la personne chargée de l’exécution de ses actes ait la
confiance de ses collègues. Tant que l’administration ne répond pas à la
confiance publique, elle marche incessamment à sa ruine ; il n’y a à attendre
d’elle que chaos et bouleversement.
Si le bourgmestre n’a pas la
confiance du collège de régence, le collège cherchera à l’entraver ; il y aura
en petit ce que nous voyons dans les gouvernement représentatifs. Le collège
abreuvera le bourgmestre de dégoûts, cherchera en un mot à lui faire donner sa
démission.
Il n’y aura que du désordre
dans l’administration, tandis que si le bourgmestre est l’homme du conseil, si
le conseil présente une liste de candidats parmi lesquels le gouvernement devra
choisir, le bourgmestre nommé aura la confiance du conseil, et vous trouverez
là une garantie d’ordre et de bonne administration.
En fait d’exemples, on a cité
ce qui passé dans le conseil d’une grande ville. Il y avait dans ce conseil une
majorité et une minorité en présence ; c’étaient des collisions continuelles ;
la minorité se retire ; depuis lors l’ordre a constamment régné dans le conseil.
Je déplore les faits qui ont déterminé la retraite de la minorité ; mais je ne
ferme pas les yeux à l’évidence. Je conviens que l’ordre a régné tout aussitôt
après dans le conseil, parce que l’administration a répondu au vœu de la
majorité.
Dans l’intérêt même du
pouvoir, et pour que l’ordre règne dans le conseil, il faut que le bourgmestre
sympathise avec la majorité.
M.
Nothomb. - Que deviennent avec cela vos expressions de « régence
factieuse ! »
M.
Dumortier. - J’ai dit que je déplorais les événements qui ont donné
lieu à la retraite de la minorité. Mais lorsque je vois un conseil, parmi
lequel depuis la retraite de cette minorité, l’ordre n’a pas cessé de régner,
jamais je n’aurai l’injustice de le nier ; la vérité avant tout. Une régence
factieuse peut gouverner avec ordre ; le fait que j’ai cité l’a prouvé.
Maintenant voulez-vous
autoriser le gouvernement à prendre hors du conseil le bourgmestre qui doit en
être le président ? jamais il n’y aura d’harmonie entre eux. Ce qui s’est passé
dans les assemblées délibérantes en Belgique, en Hollande, en France, en est la
preuve. Au sujet de la nomination du président, qu’a fait le congrès, qu’a fait
la chambre des députés de France ?
Ces deux corps ont eux-mêmes
nommé leur président, ils n’ont plus voulu être sous la tyrannie d’un président
nommé par le pouvoir central. Ferez-vous moins pour le conseil des communes que
ces assemblées n’ont fait pour elles-mêmes ? Les mêmes motifs qui ont déterminé
ces assemblées ne militent-ils pas en faveur de la commune ?
D’ailleurs, messieurs,
qu’est-ce que la nomination du bourgmestre par le gouvernement ? C’est la
nomination de personnes inconnues au gouvernement même. Je veux bien que dans
cinq ou six grandes villes les ministres connaissent telle ou telle personne
qu’ils désirent voir occuper les fonctions de bourgmestre. Mais quant aux
autres communes, comment en connaîtraient-ils les citoyens lorsqu’ils ignorent
même, assurément, le nom de ces communes ?
Vous voyez donc que la
nomination des bourgmestres par le gouvernement, qui est une fort belle chose
écrite sur le papier, est dans la pratique une véritable absurdité. Le conseil,
au contraire, connaît les hommes qui conviennent à la localité. Mais, dira-t-on,
on s’en rapportera au gouverneur : soit ; mais croyez-vous que les bourgmestres
connaissent bien le personnel des communes composant la province qu’ils
administrent ? On a fait faire il y a une année environ un chassez-croisez aux gouverneurs de la Belgique. (On rit.) Le gouverneur de la province du
Luxembourg a été envoyé dans le Hainaut. Certes, c’est un homme d’un grand
mérite ; mais quel que soit son mérite, il est certain qu’il ne connaît
personne dans le Hainaut. Comment voulez-vous alors qu’il nomme les
bourgmestres ? Il y a 500 communes dans cette province, et le gouverneur n’y
connaît pas 500 personnes.
Il y a à Namur comme
gouverneur un ex-ministre arrivé depuis peu de temps dans cette province ;
comment voulez-vous aussi qu’il désigne au gouvernement les personnes qui
conviennent pour exercer les fonctions de bourgmestre, alors que sans doute il
ne sait pas par coeur le nom des communes qui composent la province qu’il
administre ?
A qui donc s’en remettra-t-on
? Aux commissaires de district. C’est cela ; ainsi le choix du Roi, dont on
parle tant, ce sera tout bonnement le choix des commissaires de district. (On rit.) Ce n’est pas tout ; car le
commissaire de district ne fera que des présentations, La nomination par le
commissaire de district serait encore préférable à la nomination par le Roi ;
car le commissaire de district doit connaître un peu le personnel des communes
; mais le commissaire de district ne fait que proposer des candidats au
gouverneur. Or chez le gouverneur il se trouvera tel petit employé qui ne se
fera pas scrupule de substituer son candidat à celui proposé par le commissaire
de district.
Le gouverneur ne nomme pas
encore lui-même ; il ne fait que présenter des candidats au ministre de
l’intérieur. Eh bien, au ministère de l’intérieur il se trouvera encore tel
petit employé qui changera le nom des personnes proposées par le commissaire de
district et le gouverneur. Vous arriverez à ce résultat, que ce sera un employé
à 400 florins du ministère de l’intérieur qui fera les nominations de
bourgmestres.
Je vous le demande, messieurs,
le conseil communal ne connaît-il pas mieux le personnel de la commune que
l’administration centrale ? Ne fera-t-il pas de meilleurs choix qu’un petit
commis du ministère de l’intérieur ?
J’ai vu beaucoup de communes
très bien administrées depuis la révolution par de bons fermiers qui ne
songeaient nullement à l’intrigue, mais seulement aux intérêts de leur commune
; ceux-là ne viendront pas intrigailler, ne viendront pas graisser la main de
tel employé du ministère. (Bruyante
hilarité.)
Messieurs, je sais bien que si
M. le ministre de l’intérieur avait connaissance de tels abus, il les
réprimerait ; mais ce sont des abus aussi réels que difficiles à constater et
qui existeront tant qu’il y aura des hommes.
Les bons fermiers resteront
chez eux, et qui fera des démarches pour arriver aux fonctions de bourgmestre ?
Des intrigants, de mauvais drôles. (On
rit.)
M. le
président. - J’invite l’orateur à rentrer dans la question.
M.
Dumortier. - En quoi m’écarté-je de la question ? Je ne le comprends
pas ; je prie M. le président de vouloir bien me le dire.
M. le
président. - Ce que vous venez de dire n’est pas, ce me semble, relatif
à votre amendement ; vous n’avez la parole que pour le développer.
M.
Dumortier. - Je développe les motifs de mon amendement.
M. le
président. - Il est inutile de rentrer pour cela dans le fond de la
question.
M.
Dumortier. - Je demanderai en combien de paroles je dois développer mon
amendement.
M. le
président. - M. Dumortier a-t-il terminé son discours ?
M.
Dumortier. - Non, M. le président, et je tiens à le continuer.
M. le
président. - Alors la parole vous est continuée, mais ne vous écartez
pas de la question.
M.
Dumortier. - Je ne me suis pas écarté de la question.
Il est donc incontestable,
comme je le disais, qu’on ne verra que les hommes les plus intrigants, de
mauvais drôles qui viendront pour solliciter et tâcher de corrompre les
employés, tandis qu’il est aussi incontestable, d’un autre côté, qu’un conseil
communal est bien plus à même d’apprécier les personne auxquelles il convient
de confier la gestion des intérêts de la commune qu’un ministre qui ne connaît
pas même les individus.
J’ai entendu M. le ministre
des affaires étrangères nous dire qu’il fallait se faire des concessions
mutuelles, et en même temps nous proposer d’admettre les amendements votés par
l’autre chambre, J’aurai l’honneur de lui faire observer qu’il aurait dû donner
ce conseil au sénat, et l’engager à faire quelques concessions à l’opinion de
la chambre des représentants, à ne pas s’écarter autant qu’il l’a fait des
principes qu’elle avait posés dans son projet. Ce n’est pas quand le sénat
vient se mettre dans une position plus reculée que le ministère lui-même, que
nous irions pousser la condescendance au point d’adopter sa proposition.
Le ministère n’avait pas cru
pouvoir vous présenter la proposition pour laquelle on veut vous faire voter
aujourd’hui. La proposition primitive du gouvernement portait que dans le cas
où le gouvernement choisirait le bourgmestre en dehors du conseil, il n’aurait
que voix consultative. Voilà quelle était la proposition du gouvernement.
Pourquoi le gouvernement
avait-il fait cette proposition ? parce qu’il reconnaissait qu’il pouvait créer
un bourgmestre, mais non un conseiller. Ce serait, en effet, une flagrante
inconstitutionnalité. La constitution vous permet de faire une exception au
principe de l’élection directe, pour le chef de l’administration communale,
mais non pour le chef du conseil. Le chef du conseil doit commencer par être
élu par le peuple. Toutes les raisons de convenance données par M. Legrelle
pour en agir autrement pourraient être d’une très haute considération si nous
faisions la constitution, mais elles sont très faibles en présence de la
constitution faite.
Si vous avez la faiblesse
d’admettre la proposition du sénat, la limite que vous prétendez mettre à
l’exception, en disant qu’elle ne pourra avoir lieu que dans les circonstances
extraordinaires, sera nulle, car le gouvernement aura autant d’intérêt à
choisir le bourgmestre en dehors que dans le sein du conseil, et il le prendra
en dehors du conseil non plus dans les circonstances extraordinaires, mais
quand cela lui conviendra, de manière que l’exception serait substituée à la
règle.
D’après
ces motifs, je pense que la chambre ne trouvera aucune difficulté à adopter mon
amendement qui n’est que la reproduction de l’article du roi Guillaume, car je
ne suppose pas qu’elle veuille se montrer moins libérale.
M. le
président. - Voici maintenant l’amendement de M. Dechamps :
« Le Roi nomme le
bourgmestre dans le sein du conseil ; néanmoins il peut le nommer hors du
conseil et parmi les éligibles de la commune lorsque, les deux tiers des
membres du conseil y consentent. »
La parole est à l’auteur de
cet amendement pour le développer.
M.
Dechamps. - Je ne rentrerai pas dans le fond de la discussion
relativement à la nomination des bourgmestres. Je dirai cependant en passant que
je ne puis être totalement de l’avis de mon honorable ami M. Dumortier, parce
qu’en général je n’aime pas le système des candidatures. La raison en est
qu’elles sont toujours illusoires pour celui qui nomme. J’aimerais mieux donner
au conseil lui-même la nomination des bourgmestres ; car, en dernière analyse,
la présentation de candidats revient au même.
Je n’ai l’intention de vous
parler que de l’exception qui donne au gouvernement le droit de choisir dans
les circonstances extraordinaires, graves, le bourgmestre hors du conseil. J’ai
examiné attentivement et sans prévention cette proposition et son résultat
pratique. Je suis resté convaincu que cette exception est dangereuse pour les
communes et pour le gouvernement lui-même. Je vous prie de me prêter quelques
moments d’attention.
Tous les faits qu’on puisse
imaginer, tous les cas rentrent inévitablement dans les deux catégories
suivantes. De deux choses l’une : ou le bourgmestre choisi hors du sein
du conseil sera du gré des membres du conseil, avec leur consentement, ou
contre leur gré et leur consentement. Dans ce dernier cas, c’est-à-dire toutes
les fois que le bourgmestre sera choisi en dehors du conseil et sans son
consentement, le remède qu’on voudra employer sera mille fois pire que le mal
qu’on voudra éviter ; car il ne peut en résulter que des oppositions
continuelles, une guerre intestine dans le conseil ; et comme dit M. Dumortier,
le résultat final sera qu’on suscitera tant d’oppositions et de tracasseries au
bourgmestre ainsi nommé, qu’il sera forcé de donner sa démission.
Toutes les fois que le
bourgmestre sera choisi hors du sein du conseil et contre son gré, ce sera
évidemment un affront, un soufflet donné à ce conseil. Or, je vous le demande,
comment est-il possible qu’un bourgmestre introduit sous de tels auspices dans
le sein d’un conseil, qui y sera toujours regardé comme un intrus, puisse y
amener l’ordre, la paix et l’harmonie ? Le seul résultat qu’une semblable
nomination puisse amener, je le répète, est de susciter une guerre intestine.
Supposez, messieurs, un
conseil formé d’hommes qui n’ont pas la confiance du gouvernement, supposez
même que ce conseil soit composé d’hommes contraires à l’ordre de choses
établi, eh bien, le gouvernement, pour rétablir l’équilibre, va choisir pour bourgmestre
un homme ayant sa confiance et en opposition avec les membres de ce conseil. Je
ne comprends pas le résultat qu’on peut espérer obtenir d’un bourgmestre isolé,
seul de son opinion, et opposé à tous les conseillers. Ce bourgmestre ne pourra
rien par lui-même, et sa nomination n’aura d’autre résultat que d’exciter dans
le conseil une guerre civile qui n’aurait pas existé sans cela.
Je comprends que lorsque le
conseil consent lui-même à ce que le Roi choisisse les bourgmestres hors de son
sein, il puisse y avoir utilité à le faire, car les inconvénients
disparaissent. Les conseillers pourraient refuser tous d’être nommés
bourgmestre ; il pourrait arriver que deux partis se balançassent dans le
conseil et qu’ils priassent le Roi d’être leur arbitre et de choisir pour
bourgmestre un homme hors de leur sein. Beaucoup d’autres cas pourraient se
présenter. Quand le conseil consent, je ne vois aucun inconvénient à choisir le
bourgmestre hors de son sein, je reconnais même qu’il peut y avoir souvent
utilité, mais dans tous les cas où le conseil s’y opposera, je défie qu’on en
cite un seul ou le remède ne soit pas mille fois pire que le mal qu’on veut
éviter.
Mon amendement a deux grands
avantages. Le premier est qu’il conserve le principe. Le ministre des affaires
étrangères vous a dit que le ministère adoptait aussi le principe que nous
voulons faire prévaloir, que la commune doit participer à la nomination de ses
magistrats, mais que par exception, il admettait l’amendement du sénat. Eh
bien, par mon amendement, ce principe est conservé en ce que le conseil donne
son consentement et que le consentement du conseil peut, sous quelques
rapports, équivaloir à une élection.
Le second avantage de mon
amendement est qu’il permet de donner au bourgmestre voix délibérative, ce
qu’on ne peut pas faire d’après l’exception telle qu’elle est formulée par la
section centrale.
Comme l’a dit hier M. Nothomb,
il est fort difficile de concevoir comment le gouvernement pourra créer un
conseiller.
Ainsi mon amendement a
l’avantage pratique de prévenir les inconvénients que présente l’article de la
section centrale et de conserver le principe et de permettre d’accorder au
bourgmestre voix délibérative dans le conseil.
Ce dernier avantage est
extrêmement important, car il ne faut pas se le dissimuler, un bourgmestre qui
n’aurait que voix consultative, serait un singulier bourgmestre ; il sera
toujours placé au-dessous du dernier conseiller, et son influence ne pourra
jamais contrebalancer celle des conseillers.
J’ai dit que l’exception telle
qu’elle est formulée dans l’article du sénat, est dangereuse pour le
gouvernement lui-même et je vais le prouver. Les mots : « circonstances extraordinaires et
graves, » sont très vagues et très élastiques ; ils prêtent beaucoup à
l’interprétation. Or, si le gouvernement, de son côté, peut souvent user de ces
mots vagues à son profit, il n’en est pas moins vrai que ses adversaires dans
la chambre pourront s’en servir aussi à leur profit, chaque fois que le
gouvernement aura nommé un bourgmestre hors du sein du conseil, et en supposant
qu’il ait bien fait, et qu’il ait usé de l’exception dans les circonstances
données, car ils viendront lui demander raison de ces nominations et ils
pourront toujours soutenir avec une apparence de raison qu’elles n’ont pas été
faites dans des circonstances extraordinaires et graves. C’est cette lutte, que
je veux éviter, en refusant aujourd’hui au gouvernement une arme qu’on pourrait
demain tourner contre lui.
Je pense
que mon amendement est seul rationnel, qu’il pourvoit à tous les inconvénients
qu’on a voulu prévoir, qu’il est dans l’esprit de la constitution et qu’il est
d’accord avec les principes que nous voulons à peu près tous faire prévaloir.
M. le
président. - Nous passons à l’amendement de M. Legrelle, qui propose de
substituer dans le deuxième paragraphe de l’article les mots :
« avis conforme » à ceux-ci : « avis motivé » de la députation permanente.
M.
Legrelle. - Je crois avoir fait connaître les motifs de mon amendement.
Je pense comme l’honorable M. Dechamps qu’il importe de ne pas laisser le
gouvernement seul juge des cas extraordinaires, et c’est cependant ce qui
arriverait si on adoptait l’article 2 tel qu’il est rédigé. Relisez-le et vous verrez
qu’en ne prescrivant au gouvernement que de prendre l’avis motivé de la
députation, c’est comme si on ne faisait rien, car il peut établir l’exception
quelque soit l’avis de la députation. Il lui suffit de demander cet avis, mais
il n’est pas tenu de s’y conformer.
Je vous demande si le
gouvernement, malgré l’avis motivé de la députation usait de la faculté qu’on
lui donne par exception, je vous demande, dis-je, quel mauvais effet, il n’en
résulterait pas. Je pense donc qu’il est dans l’intérêt du gouvernement qu’on
exige l’avis conforme de la députation, pour user de l’exception. J’y vois un
autre avantage, c’est que les exceptions seront plus restreintes. Car le
gouvernement avant de demander cet avis dans la crainte de ne pas l’obtenir
conforme, n’aura recours à l’exception que quand il y aura nécessité.
Je vous
dirai même que je ne serais pas éloigné de partager l’opinion de M. Dechamps
qui demande le consentement du conseil. Mais il demande le consentement des
deux tiers des membres, et je trouve que c’est mettre le gouvernement dans le
cas d’être entraîné par trois individus dans les petites communes, et il y en a
1,500 qui sont dans cette catégorie. Dans ces communes il suffirait au mauvais
vouloir de trois individus pour que des mesures exceptionnelles indispensables
ne pussent pas être employées. Je pense que M. Dechamps consentirait à modifier
son amendement et se contenterait du consentement du conseil exprimé par la
majorité.
Par mon amendement, j’établis
un juge intermédiaire entre les communes et le gouvernement, je fais cesser
l’arbitraire du gouvernement et de la commune. Je place entre eux une autorité
intermédiaire qui contrôle et les actions du gouvernement et les actions du
conseil de régence.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Il est à regretter que cette troisième discussion voie surgir autant
d’amendements et se prolonge autant que les deux premières qui déjà nous
avaient absorbé tant de temps. Pour ma part, désireux d’arriver au terme de
cette pénible discussion, je me renfermerai dans les limites les plus strictes.
L’honorable député de Tournay
a demandé que la nomination du bourgmestre eût lieu sur la présentation de 3
candidats. L’argument le plus saillant dont il ait appuyé son amendement, est
le fameux règlement de 1817. Mais l’honorable membre qui invoque si volontiers
ce règlement, semble avoir perdu de vue qu’aux termes de ce règlement, la
première nomination de tous les magistrats municipaux appartenait au roi, et
que quand de ce droit a été épuisé, les règlements de 1817 ont été remplacés
par les règlements de 1821, dans lesquels le gouvernement s’est de nouveau
réservé la première nomination de tous les magistrats municipaux. Voilà le
gouvernement modèle qu’on semble regretter aujourd’hui.
Encore est-ce pour les villes,
car dans les campagnes les habitants n’ont jamais concouru à la nomination des
magistrats municipaux. Je croirais abuser de vos moments, si je m’attachais à
réfuter les autres arguments présentés par l’auteur de l’amendement dont je
viens de parler.
J’arrive maintenant à
l’amendement de M. de Brouckere.
L’honorable député de Bruxelles s’est demandé comment le gouvernement pourrait
créer un conseiller municipal. Je lui répondrai qu’aux termes de la
constitution, la loi peut lui accorder cette faculté, quant aux chefs des
administrations communales.
En effet, que dit l’art. 108
de la constitution ? La loi d’organisation communale consacrera le principe de
l’élection directe sauf les exceptions qu’elle croira devoir établir pour les
chefs des administrations communales, c’est ce que fait le projet actuel.
L’élection directe est la règle. L’exception, c’est la nomination du
bourgmestre par le Roi. Et la voix délibérative qui lui est accordée par le
sénat, est, ainsi que je l’ai déjà dit, dans la constitution.
Ce droit, puisque la
constitution s’est occupée des exceptions à y apporter, peut être restreint.
Ainsi que je viens de le dire, nous avons eu des exemples fréquents de
nominations de conseillers municipaux qui n’étaient pas attribuées aux
habitants des communes. Mais l’honorable député de Bruxelles a senti que son
amendement n’était pas absolu, car il a laissé apercevoir une distinction entre
les communes rurales et les villes, et c’est, surtout quant aux villes qu’il
s’est opposé à ce qu’un bourgmestre pris hors du sein du conseil pût avoir dans
le conseil voix délibérative.
Je ferai observer que la
question de principe est la même pour les campagnes que pour les villes. Dés
lors qu’il reconnaît qu’on peut établir cette exception pour les campagnes sans
inconstitutionnalité, il n’y en a pas davantage à l’établir pour les villes.
J’ajouterai que si par extraordinaire il arrivait qu’un bourgmestre étranger au
conseil fût nommé dans une ville et qu’il eût voix délibérative, il exercerait
moins d’influence que si c’était dans une commune rurale où les conseillers
sont beaucoup moins nombreux.
L’honorable député d’Anvers
demande que le bourgmestre ne puisse être pris hors du conseil que sur l’avis
conforme de la députation des états. Je lui répondrai que ce sera toujours avec
beaucoup de réserve que les députations s’exprimeront sur de questions de
personnes, de telle manière qu’il ne sera pas facile d’en avoir une opinion
bien nette, bien tranchée.
De sorte que cet avis conforme
tendrait à détruire dans les circonstances délicates et peut être les plus
essentielles, la faculté que la loi accorde au gouvernement dans l’intérêt de
l’ordre public.
Quant à la proposition de l’honorable
député d’Ath, qui veut que la nomination hors du conseil ne puisse avoir lieu
que sur la proposition des deux tiers des membres du conseil, elle ne me paraît
pas plus admissible. Je lui demanderai d’abord pourquoi il exige le
consentement des deux tiers des membres, pourquoi il ne se contente pas de la
majorité.
Dans un conseil de village où
il n’y a que six conseillers, il faudra que quatre membres en expriment le
désir pour que le gouvernement puisse prendre le bourgmestre hors du sein du
conseil. Voyez à quels inconvénients cette disposition donnerait lieu. Il
faudrait que le conseil s’assemblât pour délibérer sur la question de savoir si
on demanderait au gouvernement de choisir le bourgmestre hors du conseil.
N’arriverait-il pas bien souvent que dans les cas où cela serait nécessaire, le
conseil n’oserait pas donner cet avis en présence d’un de ses membres, qui
viserait à la place de bourgmestre et en imposerait à ses collègues.
Vous voyez que cette
disposition n’est nullement pratique.
En ce qui concerne la voix
délibérative, j’ai oublié de répondre a l’honorable député de Mons. Si vous
donnez, a-t-il dit, voix délibérative au bourgmestre lorsqu’il est pris en
dehors du conseil, le nombre des votants se trouvera être pair : il y aura
partage de voix, et l’on ne pourra pas prendre de résolution. Mais l’honorable
membre a répondu lui-même à cette proposition ; dans ce cas la proposition ne
sera pas adoptée. C’est ce qui peut arriver journellement parmi nous. La
chambre est composée de 102 membres ; s’il y a 51 suffrages pour l’adoption
d’une proposition, 51 pour le rejet, elle ne sera pas adoptée.
La même
difficulté peut d’ailleurs se présenter si toutefois c’en est une, dans le cas
où vous ne donneriez pas voix délibérative au bourgmestre pris hors du conseil
; car par suite de l’absence d’un ou de plusieurs conseillers les votants
peuvent être en nombre pair.
Je ne vois donc aucun
inconvénient à donner dans tous les cas voix délibérative au bourgmestre. Je
crois que c’est cette disposition qu’il convient d’adopter.
(Moniteur belge n°129, du 9 mai 1835) M.
Dubus. - Nous nous occupons, messieurs, d’organiser un des pouvoirs de
l’Etat : le pouvoir communal ; car je le rappelle à la chambre, il s’agit
d’organiser un pouvoir et non pas d’organiser une des branches du pouvoir
exécutif ; je le rappelle à la chambre parce que l’on perd toujours cela de
vue, parce que tous les défenseurs du projet du gouvernement et du sénat
supposent constamment qu’il s’agit d’organiser une de branches du pouvoir
exécutif.
La constitution a reconnu
l’existence du pouvoir provincial et du pouvoir communal ; elle nous a légué la
mission de les organiser. Je regrette que le congrès n’ait pas lui-même
appliqué les principes qu’il a posés dans la constitution. Je le regrette avec
l’honorable M. Fleussu. A ce
sujet je dirai que c’est très à tort qu’un honorable préopinant, député de
Bruxelles, et qui est en même temps gouverneur d’une province...
M.
Lebeau. - Il n’y a pas de gouverneur ici, il n’y a que des députés.
M.
Dubus. - Je puis néanmoins vous désigner par les fonctions que vous
occupez en dehors de cette chambre.
M.
Lebeau. - Non ; ce n’est pas parlementaire.
M.
Dubus. - Je soutiens, moi, que l’expression est très parlementaire.
M.
Lebeau. - Elle l’est si peu, que si j’étais président, je vous
rappellerais à l’ordre. (Mouvement en
sens divers.)
M.
Desmet. - A l’ordre !
M.
de Robaulx. - A l’ordre l’interrupteur !
M. le
président. - La parole est continuée à M. Dubus. Je lui rappelle que les membres de la chambre n’agissent
ici que comme député, et que quand ils parlent, c’est comme députés, et non
comme titulaires de fonctions qu’ils exercent en dehors de la chambre.
M.
Dubus. - Je sais que les membres de la chambre ne parlent ici qu’en
qualité de députés ; mais je sais aussi que c’est l’usage dans toutes les
assemblées délibérantes de désigner les orateurs non par leur nom, mais en
faisant allusion à la qualité qu’ils ont dans le royaume. Je pourrais en citer
mille exemples dans les discussions du parlement anglais et dans celles de la
chambre des députés de France. Je répète donc ce que j’ai dit. C’est très à
tort qu’un membre de cette assemblée, député de Bruxelles (il y a plusieurs
députés de Bruxelles ; mais je veux parler de celui qui est en même temps
gouverneur d’une province ; et en rappelant sa qualité, je le désigne plus
parfaitement) ; qu’un député de Bruxelles, dis-je, en même temps gouverneur
d’une province, a fait hommage à la sagesse du congrès, dès qu’il n’a pas
appliqué dans des lois organiques les principes de la constitution.
Le congrès n’a pas entendu
faire en cela acte de sagesse ; il a fait simplement acte de nécessité ; il a
voulu, et le temps lui a manqué ; les délibérations du congrès sont là pour
prouver qu’il a voulu voter des lois d’organisation communale et provinciale ;
qu’il a réclamé du pouvoir exécutif la présentation d’une loi communale et
d’une loi provinciale, et que le ministre de l’intérieur d’alors présenta des
projets rédigés en très peu de temps et dont il n’avait pas eu le temps de
rédiger l’exposé des motifs. Tons les anciens membres du congrès doivent se le
rappeler. On fit un grief au gouvernement de ce qu’il n’avait pas présenté plus
tôt ces projets ; mais d’autres discussions, surtout celles relatives à la
constitution de l’Etat, absorbèrent tout le temps du congrès. Il fut impossible
de discuter. Il ne faut donc pas attribuer cela à la sagesse du congrès, mais
seulement à la nécessité.
Je débutais par dire que c’est
un pouvoir que nous devons organiser. La constitution établit en principe qu’il
sera organisé un pouvoir. Ce pouvoir, on veut imposer à ses délibérations des
entraves dont cette assemblée n’a pas voulu pour elle-même et qu’ont également
repoussées les assemblées délibérantes des autres pays. Cependant il est
impossible que vous ne donniez pas au pays au moins autant de liberté qu’à
l’époque des règlements tant rappelés du roi Guillaume. Eh bien, d’après les
premiers règlements, le bourgmestre était nommé sur présentation du conseil, il
était toujours pris dans le conseil. Ces règlements ont existé pendant dix
années. On dit que leur exécution était facile parce que la première nomination
appartenait au roi Guillaume. Mais la première nomination n’était faite que
pour un terme. Au bout de ce terme, les bourgmestres ont été nommés de la
manière que je viens d’indiquer.
Pour ma part, je me rappelle
parfaitement que j’ai vu à Tournay les bourgmestre et échevins nommés sur
présentation du conseil, et je dirai que jamais antérieurement il n’a régné
plus d’harmonie entre le collège et le conseil qu’à cette époque où on
exécutait ainsi les dispositions des règlements donnés par le roi Guillaume.
Les bourgmestres et échevins
furent d’abord nommés par le roi sans présentation. Le bourgmestre était un
homme de mérite, et néanmoins il ne put s’entendre avec le conseil communal. Ce
fut seulement quand il fut remplacé que l’harmonie fut parfaite ; et s’il y eut
harmonie parfaite, ce ne fut pas parce que les bourgmestre et échevins avaient
été nommés par le roi, mais parce qu’ils avaient été nommés sur présentation du
conseil.
Tous ceux qui ont connu les
errements de l’administration communale de Tournay savent combien il y a eu de
désordre dans le conseil tant qu’il a été présidé par un bourgmestre nommé par
le roi sans présentation ; et ils savent aussi que ce désordre a cessé dès que
ce bourgmestre a été remplacé par un bourgmestre nommé sur présentation du
conseil.
Ces règlements ont été changés
; les échevins devaient toujours être pris dans le conseil ; mais le
bourgmestre pouvait être pris en dehors du conseil ; toutefois il devait être
domicilié dans la commune ; C’était une première condition. Et vous voulez
faire moins en présence des dispositions libérales de la constitution, qui vous
prescrivent d’organiser la commune comme un pouvoir. Car vous voulez que l’on
puisse prendre le bourgmestre en dehors de la commune. Il importe de saisir
toute la portée de l’article ; il est ainsi conçu :
« Art. 2. Le Roi nomme le
bourgmestre et les échevins dans le sein du conseil.
« Néanmoins il peut,
lorsque des circonstances extraordinaires l’exigent, et après avoir reçu l’avis
motivé de la députation du conseil provincial, nommer le bourgmestre hors du
conseil parmi les éligibles de la commune. »
Il résulte de là que l’on peut
dans toutes les communes de la Belgique prendre le bourgmestre non seulement
hors du conseil, mais même hors de la commune, imposer à la commune un
bourgmestre étranger. Veuillez réfléchir que c’est là ce que l’on vous demande.
Car, remarquez-le, d’après la proposition de la section centrale, tous ceux qui
paient le cens électoral exigé pour la commune la plus populeuse de la Belgique
sont éligibles dans toutes les communes. C’est là la proposition de la section
centrale.
Or, comme le bourgmestre peut
être pris parmi les éligibles, il peut être pris parmi ceux qui dans toute la
Belgique paient le cens électoral. Ainsi pourra se réaliser la possibilité
indiquée par l’honorable député de Roulers ; c’est-à-dire que le gouvernement
pourra, s’il le veut, nommer bourgmestre de telle ou telle commune un commis de
ses bureaux. Un ministre, dira-t-on, ne fera pas cela. Mais la loi le lui
permet-elle ? Sans doute. Or nous n’avons-pas à examiner ce que fera le
ministre, mais ce que la loi lui permet de faire. Et n’est-ce pas en faire une
satire sanglante que de faire voir qu’elle autorise de telles monstruosités !
Il faudra, dit-on, des
circonstances extraordinaires ; il faudra l’avis motivé de la députation
provinciale.
Quant aux circonstances extraordinaires,
c’est une précaution qui ne signifie rien ; car il dépendra toujours du
gouvernement de dire qu’il ne trouve dans le conseil aucun membre en qui il ait
assez de confiance pour lui conférer les fonctions de bourgmestre. Dès lors il
y aura cas extraordinaire, et le bourgmestre pourra être pris hors du conseil.
L’avis motivé signifie moins
encore s’il est possible ; car le ministre n’est pas tenu de le suivre. De ce
que la députation donné son avis, il ne s’ensuit pas que le gouvernement est obligé
de s’y conformer. Cela est si vrai que le ministre veut bien qu’on dise
« avis motivé, » mais il ne veut pas qu’on dise « avis
conforme. » Dès lors cette disposition ne vous offre aucune garantie.
L’article peut donc être bon
pour faire croire aux simples que l’on ne prendra le bourgmestre hors du
conseil que dans des circonstances extraordinaires et en se conformant à l’avis
du conseil communal ; mais il demeure vrai que le gouvernement fera à cet égard
tout ce qu’il voudra, et que quand par des motifs étrangers à l’intérêt de
l’Etat et de la commune, par des motifs puisés uniquement dans des intérêts de
parti, il lui conviendra de prendre le bourgmestre hors du conseil et hors de
la commune, il pourra le prendre hors du conseil et hors de la commune.
Cependant ce droit de prendre
le bourgmestre hors du conseil et hors de la commune a donné lieu à de graves
abus. On s’en est plaint comme d’un grief ; car ce droit existait pour les
campagnes ; et l’on disait aussi qu’il ne serait exercé qu’en cas de nécessité.
Mais qu’en est-il résulté ? Sur ce point, comme il s’agit d’attester un fait,
je crois pouvoir invoquer l’opinion d’un orateur, naguère membre très distingué
de cette assemblée (dont il a cessé de faire partie pendant la dernière
session), et ancien membre des états-généraux, de l’honorable M. Angillis qui
parlait de ce qu’il avait vu. Voici comment il s’exprimait sur ce point, en
juillet dernier :
« J’ai vu combien, sous
l’ancien gouvernement, l’on a abusé d’une pareille disposition. L’on nommait bourgmestres
des seigneurs qui habitaient des châteaux situés à plusieurs lieues du siège de
leur administration, par le seul motif qu’ils y possédaient quelques
propriétés. Ils s’abstenaient de la résidence pendant la plus grande partie de
l’année, et lorsqu’ils venaient rendre visite à leurs administrés, c’était pour
agir en petits souverains. Ils abandonnaient le soin des affaires à l’une de
leurs créatures. »
Ces abus messieurs, vous devez
craindre qu’ils ne se renouvellent, si vous rétablissez le système
d’organisation dont le pays a été si heureusement délivré.
Les faits que j’ai cités se
passaient dans les Flandres, et c’est un député des Flandres qui les signalait.
On me cite maintenant le nom d’une commune de ces mêmes provinces à laquelle on
avait imposé pour bourgmestre une personne qui n’habitait pas habituellement la
commune et qui avait pour échevin délégué : qui ? son jardinier. (On rit.) Voilà ce que l’on voyait dans
les Flandres sous l’empire de la législation que l’on veut rétablir, je me trompe,
sous l’empire d’une législation meilleure encore que celle dont on veut doter
maintenant le pays ; car alors tout au moins le bourgmestre d’une ville devait
être domicilié dans la commune. L’on ne pouvait pas voir dans une même commune
un bourgmestre, des échevins, des conseillers étrangers à cette commune. Voilà
cependant une des possibilités monstrueuses que présente le projet.
J’ai soutenu, lors de la
première discussion, qu’il n’y avait pas de motif pour ôter au peuple ni en
totalité ni en partie les libertés dont il est en possession, pour lui ôter
même le droit de nommer le bourgmestre. Je dirai, après avoir entendu tous les
avis, que je conserve le mien. Je crois qu’il y avait lieu à perfectionner la
loi, à la corriger en ce qui touche le système électoral, à la compléter en ce
qui concerne l’action à donner au gouvernement sur les actes de l’autorité
communale ; mais tout cela est dans la loi ; elle contient même un luxe de
dispositions répressives : révocation, suspension du bourgmestre, suspension
des échevins, exécution forcée de la loi aux frais de l’administration
communale par des commissaires envoyés auprès d’elle, annulation de tous les
actes de l’administration communale. Vous voyez qu’il y a un véritable luxe
dans cette partie de la loi.
Après cela j’ai peine à
comprendre que l’on veuille enlever au peuple le droit d’élection ; si
l’élection avait produit généralement de mauvais résultats, alors je dirais
qu’il y a des raisons suffisantes pour demander des modifications sur ce point
; mais au contraire, le peuple n’a guère fait que de bons choix. Ici je ne
parle pas d’après moi, mais d’après M. le ministre de l’intérieur. Voilà ce que
disait précédemment l’honorable M. de Theux
: « Il faut en convenir, les élections faites jusqu’à présent ont
en général répondu aux intérêts des communes ; mais il n’est pas moins vrai
qu’il y a bien des exceptions. »
Ainsi en général l’élection
directe a produit de bons effets. Il y a eu des exceptions ; cela était
inévitable avec une loi qui présentait un système électoral imparfait ; mais
puisque vous avez corrigé le système électoral, ces exceptions ne se
reproduiront plus ou seront beaucoup plus rares : elles ne présenteront
d’ailleurs plus de danger. Le bourgmestre n’est plus nommé à la majorité relative
; ce mode de nomination favorisait l’intrigue et le triomphe d’une minorité qui
s’était concertée. La nomination à la majorité absolue garantit le triomphe de
la majorité. Le cens électoral est un autre perfectionnement. En troisième lieu
les bourgmestre et échevins seront maintenus dans le cercle de leurs
attributions ; et en même temps qu’ils seront contraints de remplir toutes les
obligations que la loi leur impose, ils ne pourront prendre aucune disposition
contraire à la loi. Mais pourquoi, lorsque vous introduisez dans la loi des
améliorations, des modifications tendant à faire disparaître les abus, pourquoi
ne pas croire que vous ne verrez plus disparaître ces abus qui ne se
présentaient que par exception ?
Mais nous avons à comparer le
système de l’ancien gouvernement avec celui que la révolution nous a donné, le
résultat de l’élection directe, conquête de la révolution, avec le résultat des
règlements du roi Guillaume. N’y a-t-il jamais eu d’abus sous l’empire des
règlements ? Est-ce que tous les bourgmestres répondaient aux besoins des
communes ? Etait-ce dans l’intérêt des communes les meilleurs bourgmestres que
l’on pût avoir ? On a dit (et cela a été dit par d’honorables membres qui ne
partagent pas mon opinion) qu’il y avait plus d’abus sous l’empire des
règlements que sous celui de l’arrêté du gouvernement provisoire ; qu’en
général l’administration, produit de l’élection directe, répondait mieux aux
besoins des localités. Alors, je ne vois pas pourquoi nous reviendrions à un
système qui nous a donné des résultats plus défavorables, pourquoi nous
n’aurions pas foi dans le système actuel, avec les perfectionnements introduits
dans la loi, quant au système électoral et à la répression des abus que
pourraient se permettre les bourgmestre et échevins.
Messieurs, lorsque l’on
repousse le système que je défends, le système de l’élection par le peuple, en
ce qui concerne le bourgmestre et les échevins, on se rejette sur le besoin de
la centralisation. Un honorable membre que j’ai déjà cité, en commentant mon
discours, a fait l’éloge de la centralisation. La centralisation renfermée dans
de justes limites, a-t-il dit, est une des plus précieuses conquêtes de la
révolution de 89. La centralisation renfermée dans de justes limites : on pourrait être de son avis si on
connaissait à quelles limites il fait allusion. Puisqu’elle est une conquête de
la révolution de 89, apparemment que l’honorable membre avait en vue les
limites des lois de 89 ; eh bien je ne demande pas davantage ; je ne demande
que les limites posées par les lois de cette époque.
Quelles étaient ces lois de 89
qui ont établi la centralisation ? Ce sont celles qui, voulant détruire
l’esprit de province, ont créé les départements ; or, elles reconnaissaient un
pouvoir municipal, elles ne faisaient pas de cette autorité une délégation du
pouvoir exécutif. Tous les membres de ce pouvoir municipal étaient nommés par
le peuple, directement, depuis le président jusqu’aux simples conseillers. Un
orateur qui a répondu au député dont j’examine l’opinion, a cité les lois de
91, de 93 pour le réfuter ; il aurait pu remonter plus haut et aller jusqu’à
89. dont les lois prescrivaient la nomination directe, par le peuple, de
l’autorité municipale.
En même temps ces lois
déterminaient les fonctions propres au pouvoir municipal. Selon une de ces
lois, il y avait des fonctions propres à ce pouvoir et des fonctions purement
administratives ou générales, que l’autorité centrale pouvait déléguer au corps
municipal. Voilà comme l’immortelle assemblée entendait la centralisation. Elle
n’entendait pas que cette centralisation fût l’absorption du pouvoir municipal
par le pouvoir central. Si ce sont là les limites dont l’honorable orateur a
fait l’éloge, je dis que nous serons d’accord, lui et moi.
Mais l’honorable orateur
l’entend autrement. Tout en vantant la centralisation de 89, c’est celle de
Bonaparte qu’il veut ; il en préconise une et il en veut une autre. Il veut que
les bourgmestres et les échevins soient les agents du gouvernement ; c’est ce
que voulait Bonaparte, et c’est ce qui a tué toutes les communes. Aussi depuis
l’an VIII il n’y a plus eu de mandataires communaux ; il n’y a eu dans tout
l’Etat qu’un chef et des individus. C’est là, messieurs, la centralisation du
despotisme ; nous devons la repousser de toutes nos forces.
Je désirerais donc, messieurs,
et je le dis avec une profonde conviction, que l’on en revînt à l’élection
directe du bourgmestre. Je sois persuadé qu’avec les améliorations que nous
avons introduites dans l’élection, on se trouverait généralement bien de ce
système. Je trouve impolitique, pour ne pas dire plus, injuste tout à la fois,
d’enlever au peuple la liberté qu’il a conquise par la révolution, quand la
nécessité n’en est pas démontrée.
M.
Desmet. - Bien ! bien ! très bien !
M.
Dubus. - On prétend que l’on n’a pas entendu, par l’arrêté du 8 octobre
1830, concéder au peuple, comme une liberté, l’élection des magistrats
municipaux, que cette élection n’étant qu’un moyen révolutionnaire employé pour
changer toutes les administrations locales du royaume. J’ai déjà réfuté cette
objection. Il faut combiner les diverses dispositions, les diverses mesures
prises à cette époque pour en connaître le véritable esprit.
Quand le gouvernement
provisoire proclamait le principe de l’élection des magistrats municipaux, il
l’appuyait sur un considérant qui n’a pas une portée d’un moment ; ce
considérant n’est pas celui d’une mesure révolutionnaire, il a une portée
d’avenir. Il y est dit, en substance, que c’est pour que la révolution faite
par le peuple soit faite pour le peuple. Je ne me souviens pas des termes ;
mais j’en donne le sens.
Ainsi, quand le gouvernement
provisoire accordait au peuple des administrations municipaux, ce n’était pas
seulement pour opérer un changement dans le personnel des municipalités,
c’était pour restituer au peuple un droit dont il n’aurait jamais dû être
privé.
Voici les termes mêmes de
l’arrêté qu’un honorable ami me met sous les yeux :
« Voulant pourvoir à la
recomposition des régences d’après les principes d’une révolution toute
populaire dans son origine et dans son but. »
Dans son origine :
parce qu’elle était faite par le peuple. Dans
son but : parce qu’elle était faite pour le peuple. C’était donc une
liberté qui devait lui être précieuse à tout jamais que celle d’élire les
magistrats municipaux.
Mais lorsque nous comparons
cet acte du 8 octobre avec ceux qui ont paru dans le même moment, avec le
projet de constitution qui a reçu du gouvernement provisoire, nous voyons que
l’on entendait conserver au peuple l’élection directe sans exception. C’est
dans les sections du congrès qu’est née l’idée d’exception ; non pas l’idée de
l’exception que l’on demande d’introduire dans le système municipal, mais d’une
exception dont on voulait abandonner à la législature l’opportunité pour les
temps à venir. On voulait qu’éclairée par l’expérience, la législature pût
introduire les exceptions que la nécessité commanderait.
Le projet de constitution
proclamait le principe d’élection directe sans exception ; et il a été compris
de tout le monde qu’il s’agissait réellement d’élection directe sans aucune
exception.
Un honorable membre m’a
répondu hier sur ce point, que lorsqu’il a proposé l’article dans le comité de
constitution, il n’entendait pas l’élection directe sans exception ; car ce
serait une absurdité, selon lui, que de ne pas vouloir d’exception pour le
commissaire du gouvernement près le conseil provincial. Mais ni le congrès, ni
le comité de constitution, personne n’a pensé au commissaire près l’autorité
provinciale, parce qu’il ne fait pas partie du pouvoir provincial.
Il est étranger à cette
autorité ; il n’est qu’un agent du pouvoir central, et rien de plus. Ce n’est que
plus tard que l’on a joint le nom de ce fonctionnaire à celui du bourgmestre :
et d’abord on voulait l’élection directe sans exception ; on voulait que tous
les mandataires de la commune fussent nommés directement par le peuple.
Si, à mon grand regret, la
chambre veut retirer au peuple l’élection du bourgmestre, dans ce cas-là je
voterai pour la disposition qui diminue le moins la liberté dont le peuple est
maintenant en possession ; dans ce cas-là, je voterai pour l’amendement de mon
honorable ami M. Dumortier, c’est-à-dire pour la nomination sur une
présentation faite par le conseil.
Je crois, messieurs, avec mon
honorable ami, que dans l’intérêt du gouvernement il vaudrait mieux la
nomination sur présentation par le conseil que la nomination dans tout le
conseil ; la présentation est le véritable moyen que le bourgmestre marche
d’accord avec le conseil et lui soit agréable, nous en avons fait l’expérience
à Tournay, et cette expérience m’a donné la conviction qu’en effet un pareil
système produirait d’heureux effets.
Si cette proposition était
écartée, alors je m’arrêterais à la première disposition de l’art. 2 : « Le Roi
nomme le bourgmestre dans le sein du conseil, » et je rejetterais toute la
seconde, quelque amendement que l’on y introduisît. Je pense que si le
gouvernement obtient le droit de nommer le bourgmestre dans le sein du conseil,
il doit se contenter de cette prérogative, et ne point formuler d’exception.
D’abord c’est que l’exception
est impossible à formuler en termes satisfaisants. La disposition que l’on vous
soumet présentera toujours du vague ; dès que vous ouvrez la porte à
l’exception, celle-ci peut récuser la règle. Tout dépendra de l’application. Et
comme on vous la dit, le ministre ne pourra pas voir par ses propres yeux… Il
sera presque toujours trompé ; quand il nommera un bourgmestre hors du sein du
conseil, ce sera le résultat d’intrigues qu’il n’aura pu déjouer. Il croira
qu’il y a nécessité, parce qu’on le lui aura dit, tandis que le conseil
contiendra des hommes habiles à remplir les fonctions de bourgmestre.
Messieurs le système que nous
défendons est celui que nous voyons pratiquer en France. Remarquez-le bien. Pas
une voix ne s’est élevée dans la chambre des députés pour demander au profit du
gouvernement le droit de nommer le maire hors du conseil municipal. Je crois,
si mes souvenirs sont exacts, que quand on a discuté le point qui nous occupe,
il ne s’est présenté que deux systèmes, l’un pour l’élection directe du maire
par le peuple, l’autre pour le choix du Roi dans le sein du conseil ; je ne
pense pas qu’il se soit trouvé personne qui voulût accorder au Roi le droit de
choisir le maire hors du sein du conseil.
Maintenant, je le demande,
nous défierons-nous plus des choix du peuple que l’on ne s’en est défié en
France ? croyez-vous qu’il y ait plus de lumières en France dans les campagnes
que dans notre pays ? C’est le contraire qu’il faut croire. L’instruction est
bien moins répandue en France qu’en Belgique. Toutes les statistiques le
prouvent. Indépendamment des statistiques, vous avez des faits positifs. Il y a
en Belgique 9,000 bourgmestres et échevins nommés par le peuple. On vous a dit
précédemment que sur ces 9,000, il n’y en a que 3 qui ne sachent ni lire, ni
écrire. N’est-ce pas là la preuve que l’instruction est très répandue dans nos
campagnes, la preuve qu’il n’y a pas lieu de se défier des choix du peuple, que
ce principe de défiance de l’élection ne doit pas être introduit dans la loi
communale. Mais, messieurs, l’on vous l’a dit aussi ; c’est sur l’élection que
repose le gouvernement représentatif lui-même. Ceux qui critiquent les
résultats de l’élection attaquent donc par sa base le gouvernement
représentatif. Enfin, si la chambre persistait à vouloir admettre la deuxième
disposition de l’article maintenant en discussion, pour ce cas-là, pour ce cas
seulement, et afin de rendre moins mauvaise cette disposition que je regarde
comme très mauvaise, je voterais pour les sous-amendements proposés.
Je crois que pour ce cas la
chambre, à moins de formuler l’article de manière a ce que l’avis de la
députation présente une garantie véritable, doit exiger l’avis conforme de ce
corps. Telle était, messieurs, l’opinion de la commission instituée par arrête
du 16 septembre 1831 : « Le Roi aura la faculté de nommer,
etc. » Mais seulement sur la demande motivée de la députation des états.
C’était donc l’avis conforme qu’il fallait. Cette condition présente quelque
garantie, tandis que si vous vous contentez de demander un avis que l’on ne
sera pas tenu de suivre, il n’y a là aucune garantie, Je crois encore que pour
ce cas vous devrez, sinon rejeter, du moins modifier une autre disposition que
l’on présente actuellement, par laquelle on pourrait choisir le tiers des
conseillers communaux hors du sein de la commune, pour toutes les communes de
la Belgique.
Cette disposition a une très
grande portée. La chambre se tromperait si elle prenait seulement en
considération les motifs du rapport, lequel n’y trouve pas d’inconvénient parce
que ce sont les électeurs qui nomment les conseillers. La portée de cette
disposition est de rendre éligibles partout, sans la condition du domicile,
tous ceux qui paient un certain cens électoral.
Comme le gouvernement sera
seulement tenu de prendre le bourgmestre parmi les éligibles, il pourra toujours
nommer un bourgmestre étranger. Le cas de nécessité irait jusque là que, sous
prétexte de nécessité pour la plus importante commune de la Belgique comme pour
la dernière, le gouvernement pourrait toujours choisir pour bourgmestre un
individu étranger à la commune, dès qu’il paierait le cens électoral suffisant
pour être éligible dans cette commune. Il faudra donc modifier cette
disposition, cela me paraît absolument nécessaire.
En troisième lieu, je crois
qu’il faudra rejeter la proposition du sénat qui donne voix délibérative au
bourgmestre lorsqu’il est choisi hors du sein du conseil. C’est imposer aux
communes non seulement un bourgmestre, mais un conseiller.
On dit que la constitution le
permet ; je crois que l’on tranche la question légèrement,. La constitution
autorise bien la nomination du chef de l’administration communale. Mais la
constitution ne dit dans aucun article qu’il pourra avoir entrée dans le
conseil communal.
Cette question présente selon
moi une grave difficulté. Je crois que nous ne devons pas nous occuper de la
résoudre contre le peuple et dans le sens le plus illibéral. Je crois que quand
il se présente ainsi un doute grave, nous devons être assez sages pour ne rien
faire qui puisse blesser la constitution dans l’opinion de qui que ce soit.
Dans ce doute, nous devons nous abstenir, surtout si nous réfléchissons que
nous détruirions par là l’une des principales garanties présentée pour faire
admettre la disposition que j’ai combattue tout à l’heure.
Il est si vrai, a-t-on dit,
que le gouvernement n’usera de la faculté de nommer le bourgmestre hors du sein
du conseil que dans le cas d’extrême nécessite, qu’il aura toujours intérêt à
donner à son agent voix délibérative dans le conseil. Du moment que l’on
accorde d’emblée voix délibérative à l’éligible nommé bourgmestre sans être
conseiller, l’on fait disparaître le motif plus grave qui militait en faveur de
la deuxième disposition de l’article en discussion. Cela a été reconnu par M.
le ministre de l’intérieur lui-même lors de la première discussion, Il vous
disait que le choix dans le conseil serait véritablement la règle, que le choix
hors du conseil serait l’exception très rare ; que dans le cas où il ne serait
pas écrit que l’exception serait très rare, cela résultait formellement de la
disposition qui refusait au bourgmestre ainsi nommé voix délibérative dans le
conseil. Messieurs, un autre motif très puissant se joint à celui-ci pour le
maintien de la disposition qui n’accorde que la voix consultative au
bourgmestre non conseiller. Il arrivera d’une part que le gouvernement aura
intérêt à choisir pour bourgmestre quelqu’un qui puisse obtenir par sa bonne
conduite, par sa bonne administration, le suffrage des électeurs, qui puisse se
faire nommer membre du conseil.
D’un
autre côté, le bourgmestre pris hors du sein du conseil, sera déterminé par là
à mériter les suffrages des électeurs qui, s’ils sont contents de son
administration, ne manqueront pas de le nommer conseiller communal, tandis que
vous faites cesser ce double intérêt, en donnant dès l’abord voix délibérative
au bourgmestre. Celui-ci n’aura plus aucun intérêt à ménager ses administrés, à
se concilier l’affection générale. Il pourra, s’il le veut, se conduire en
tyran. Il n’en aura pas moins voix délibérative dans le conseil. Il y a donc un
grand nombre de motifs pour rejeter les nouvelles modifications proposées sur
ce point par le sénat.
C’est dans ce sens que je
voterai.
M. Dechamps. - Puisque, comme a dit M. le
ministre des affaires étrangères, nous sommes dans la voie des concessions, je
consens à modifier mon amendement, et à substituer aux 2/3 des voix la majorité
simple. Mon amendement se terminerait ainsi : « Néanmoins il (le Roi)
peut, sur l’avis conforme du conseil, nommer le bourgmestre hors de son
sein. »
Il me semble que si la
majorité du conseil y consent, mon but est suffisamment rempli, puisque la
majorité ainsi acquise au bourgmestre doit lui rester. C’est une garantie de la
bonne harmonie qui régnera dans le conseil.
M.
Gendebien. - J’ai élevé une question très grave à laquelle il n’a pas
été donné de solution par M. le ministre de l’intérieur qui seul y a répondu.
J’ai dit que si on
introduisait dans le conseil un bourgmestre pris en dehors du conseil, le
conseil qui est en nombre impair se trouverait en nombre pair, et qu’ainsi il y
aurait souvent partage de voix.
M. le ministre a répondu qu’il
n’en pouvait résulter aucun inconvénient ; il a cité l’exemple de cette
assemblée, qui est composée du nombre pair de 102 membres ; il a dit que dans
le conseil communal comme dans la chambre, lorsqu’il y aurait partage de voix,
la proposition ne serait pas adoptée.
Veuillez remarquer, messieurs,
la différence qu’il y a entre un conseil communal et une assemblée législative
; ici, il s’agit de faire des lois, de modifier des lois ; d’après le nombre
des votants, il est probable qu’il n’y aura que rarement égalité de voix. Mais
dans un conseil communal où le nombre pair sera très limité, où il s’agit
d’actes d’administration de tous les jours, si vous donnez voix délibérative au
bourgmestre pris hors du conseil, il n’y aura plus moyen d’administrer.
Maintenant je suppose que dans
une commune où le conseil communal sera composé de sept membres on nomme un
bourgmestre pris hors du conseil ; le bourgmestre formera le nombre pair de 8
membres ; ce bourgmestre, réuni à trois membres du conseil, fera rejeter toutes
les propositions qui ne lui conviendront pas ; la majorité du conseil sera
obligée de céder à l’opinion de trois de ses membres, parce qu’elle sera
partagée par un bourgmestre étranger à la commune. Qu’il s’agisse de centimes
additionnels à la contribution foncière pour un travail utile à la commune, et
que le bourgmestre, espèce de seigneur, ayant bon nombre de propriétés, ne
veuille pas de cette contribution extraordinaire, la majorité le voulût-elle,
il suffira de la minorité de trois membres pour faire prévaloir la volonté du
bourgmestre.
Veuillez réfléchir que si vous
n’adoptez pas la proposition du gouvernement, vous arriverez à la nécessité de
donner deux voix dans le conseil à un homme étranger à ce conseil.
Un grand nombre de membres. - Aux voix ! aux voix !
M. le
président. - S’il n’y a pas d’opposition, je mettrai d’abord aux voix
l’amendement de M. Dubus qui s’éloigne le plus du projet. (Adhésion.)
Cet amendement est ainsi
conçu :
« Le bourgmestre est élu
directement par l’assemblée des électeurs de la commune. »
Plusieurs membres. - L’appel nominal !
- La chambre procède au vote
par appel nominal sur l’amendement de M. Dubus ; en voici le résultat :
83 membres prennent part au
vote.
14 votent pour l’adoption.
69 votent contre.
La chambre n’adopte pas.
Ont voté pour l’adoption
: MM. de Meer de Moorsel, de Robaulx, de Roo, Desmet, Doignon, Dubus,
Dumortier, Frison, Gendebien, Jadot, Jullien, Seron, Trentesaux, Vergauwen.
Ont voté contre : MM.
Bekaert, Berger, Bosquet, Brabant, Coghen, Cols, Coppieters, Cornet de Grez,
Dautrebande, Davignon, de Behr, de Brouckere, de Laminne, A. Dellafaille, H.
Dellafaille, de Longrée, de Man d’Attenrode, F. de Mérode, W. de Mérode, de
Muelenaere, de Nef, de Puydt, de Renesse, Dechamps, de Sécus, Desmanet de
Biesme, de Stembier, de Terbecq, de Theux, Devaux, Dewitte, d’Hane,
d’Hoffschmidt, Eloy de Burdinne, Fallon, Fleussu, Hye-Hoys, Lardinois, Lebeau,
Liedts, Milcamps, Nothomb, Olislagers, Polfvliet, Quirini, Raikem, A.
Rodenbach, C. Rodenbach, Rogier, Rouppe, Schaetzen, Simons, Smits, Troye,
Ullens, Vandenhove, Vanderwiele, Vanderbelen, Vauderheyden, Verdussen,
Verrue-Lafrancq, H. Vilain XIIII, C. Vuylsteke, L. Vuylsteke, Wallaert, Zoude,
Legrelle, Desmaisières.
M. le
président. - Je vais maintenant mettre aux voix l’amendement de M.
Dumortier, ainsi conçu :
« Le bourgmestre est
nommé par le Roi sur une liste triple de candidats qui lui est présentée par le
conseil. »
Plusieurs membres. - L’appel nominal !
La chambre procède au vote par
appel nominal sur l’amendement de M. Dumortier ; en voici le résultat :
83 membres prennent part au
vote.
16 votent pour l’adoption.
67 votent contre.
La chambre n’adopte pas.
Ont voté pour l’adoption
MM. de Meer de Moorsel, de
Robaulx, de Roo, Desmet, Doignon, Dubus, Dumortier, Frison, Gendebien,
Legrelle, Desmaisières, Jadot, Julien, Seron, Trentesaux, Vergauwen.
Ont voté pour le rejet : MM.
Bekaert, Berger, Bosquet, Brabant, Coghen, Cols, Coppieters, Corbisier, Cornet
de Grez, Dautrebande, Davignon, de Behr, de Brouckere, de Laminne, A.
Dellafaille, H. Dellafaille, de Longrée, de Man d’Attenrode, F. de Mérode, W.
de Mérode, de Muelenaere, de Nef, de Puydt, de Renesse, Dechamps, de Sécus,
Desmanet de Biesme, de Stembier, de Terbecq, de Theux Devaux, Dewitte, d’Hane,
d’Hoffschmidt, Eloy de Burdinne, Fallon, Fleussu, Hye-Hoys, Lardinois, Lebeau,
Liedts, Milcamps, Nothomb, Olislagers, Polfvliet, Quirini, Raikem, A.
Rodenbach, C. Rodenbach, Rogier, Rouppe, Schaetzen, Simons, Smits, Troye,
Ullens, Vandenhove, Vandenwiele, Vanderbelen, Vanderheyden, Verdussen,
Verrue-Lafrancq, H. Vilain XIIII, C. Vuylsteke, L. Vuylsteke, Wallaert, Zoude.
M. le président. - M. Fleussu demande la
division.
Je vais mettre d’abord aux
voix la première partie de l’article qui est ainsi conçue :
« Le Roi nomme le
bourgmestre dans le sein du conseil. »
M. Dubus. - Je remarque que plusieurs membres
pensent que la disposition ainsi formulée exclut l’exception, mais d’après la
manière dont M. le président a annoncé qu’il mettait cette disposition aux
voix, l’exception viendra au second paragraphe.
Je ferai observer que le vote
qu’on va émettre n’aura de portée que quand le second paragraphe aura été mis
aux voix. On devrait consulter la chambre sur la question de savoir s’il y aura
exception.
M.
de Robaulx. - Je conçois qu’on puisse voter la disposition principale
quand on saura si l’exception est ou non adoptée : par exemple, moi je ne veux pas
d’exception...
Un membre. - Si on l’admet, vous voterez contre l’article.
M. de Robaulx. - Je sais que je puis voter
contre l’article comme contre la loi ; mais, pour me prononcer en connaissance de
cause et pour émettre un vote consciencieux sur la disposition dont il s’agit,
j’ai besoin de connaître ce à quoi cette disposition entraînera. Si je savais
qu’elle n’aura pas de modification, je voterais pour son adoption. Mais je ne
puis l’adopter si tout à l’heure vous voulez admettre que le Roi pourra
également nommer le bourgmestre hors du conseil.
Je pense que la question à
mettre aux voix doit être celle-ci : Le bourgmestre sera-t-il nommé
exclusivement dans le sein du conseil ? Si on décide que non, vous formulerez
vos amendements pour le nommer en dehors du conseil.
M. le président. -
Si on adoptait la première disposition de l’article et qu’on rejetât la
seconde, il s’en suivrait que le bourgmestre serait nommé exclusivement dans le
sein du conseil. Cependant puisque des membres expriment le désir que la
question soit posée autrement, je vais consulter la chambre.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- La proposition de M. de Robaulx n’a d’autre but que de nous faire émettre un
vote inutile ; suivons nos antécédents, votons sur la première partie de
l’article, nous voterons ensuite sur la seconde, et si elle est adoptée, nous
voterons sur l’ensemble. Mais je m’oppose à ce qu’on provoque un vote inutile
par un amendement proposé après la clôture de la discussion. Je demande qu’on
suive la règle ordinaire.
M. Dumortier. - Je demande la parole pour la
rectification d’un fait. (La clôture !
Aux voix !)
M.
de Robaulx. - Je demande qu’on laisse répondre au ministre.
M. Eloy de Burdinne. - Je demande la
parole pour soutenir le ministre. (Aux
voix ! La clôture !)
M. Dumortier. - Messieurs qui demandez la
clôture, vous perdrez plus de temps à discuter sur la clôture que sur la
question, car je ne veux que rectifier un fait. (Non ! Non ! la clôture ! la clôture ! Bruit.)
M. le ministre a commis une
grave inexactitude, en disant qu’on avait procède au premier vote comme il
demande qu’on le fasse aujourd’hui. C’est la proposition de M. de Robaulx qui
est conforme à ce qu’on a fait au premier vote. (Le bruit continue.)
M.
de Robaulx. - M. le président, rappelez donc à l’ordre ceux qui font un
tapage aussi indécent !
M.
Dubus. - Il paraît que c’est à coups de pied qu’on veut maintenant
faire les lois.
M. le
président. - J’engage tout le monde à observer le silence.
M.
Dubus. - Je demande la parole contre la clôture parce qu’il est
nécessaire qu’il soit répondu quelques mots à M. le ministre de l’intérieur. M.
le ministre prétend que ce qu’il demande s’est pratiqué au premier vote, tandis
que c’est le contraire. Je démontrerai en outre que pour faciliter à tous les
moyens d’exprimer leur opinion, il faut mettre aux voix toutes les questions, à
commencer par celle qui s’éloigne le plus du point où le sénat veut nous
ramener. C’est ainsi qu’on a toujours procédé jusqu’à présent. On a mis d’abord
aux voix l’élection directe par les électeurs ; mettez maintenant aux voix la
question de savoir si la nomination par le Roi sera faite exclusivement dans le
conseil ; si cette proposition est rejetée, vous mettrez aux voix les divers
amendements en commençant par ceux qui limitent le plus le choix hors du
conseil.
Je
demande qu’il me soit permis de démontrer qu’il est nécessaire de suivre
jusqu’au bout cet ordre pour que chacun puisse émettre un vote consciencieux.
La deuxième
disposition étant une modification de la première, on ne sait pas comment on
doit voter sur la première séparée de la seconde. (Aux voix ! aux voix ! La clôture !)
- La chambre consultée ferme
la discussion.
M. le
président. - Je vais mettre aux voix la question de savoir si on
accordera la priorité à la proposition de M. de Robaulx ou à celle de M.
Fleussu.
M.
Fleussu. - Je retire ma proposition.
M.
Eloy de Burdinne. - Je la reprends.
- La chambre consultée
n’accorde pas la priorité à la proposition de M. de Robaulx.
M. le
président. - Je vais mettre aux voix, comme le proposait M. Fleussu, la
première partie de l’article qui est ainsi conçue :
« Le Roi nomme le
bourgmestre dans le sein du conseil. »
- Ce paragraphe est adopté.
M. le président. -
Le deuxième paragraphe de l’article est ainsi conçu :
« Néanmoins il peut,
lorsque des circonstances extraordinaires l’exigent, et après avoir reçu l’avis
motivé de la députation du conseil provincial, nommer le bourgmestre hors du
conseil, parmi les éligibles de la commune. »
Trois amendements sont
présentés. Celui qui s’éloigne le plus de la proposition de la section centrale
est l’amendement de M. Dechamps, qu’il a modifié de la manière suivante :
« Il peut (le Roi), sur l’avis
conforme du conseil, nommer le bourgmestre hors de son sein. »
M. Dubus. - Je
désire mettre les membres qui partagent mon opinion, à même de pouvoir voter.
D’après ce que la chambre vient de décider, je ne pourrais me prononcer sur les
amendements proposés que pour le cas où la majorité voudrait admettre une
exception. En conséquence, je déclare que je voterai pour les amendements que
je considérerai comme améliorant la deuxième partie de l’article que je regarde
comme mauvaise mais quand l’article amendé sera mis aux voix, je me réserve la
faculté de voter contre. (Oui ! oui !)
Je crois qu’on simplifierait
beaucoup la discussion, si on mettait aux voix le principe de la deuxième
disposition : Y aura-t-il exception ?
M. de Brouckere. - Je crois qu’en procédant
ainsi vous entravez le vote de ceux qui ne veulent de l’exception qu’autant que
le bourgmestre pris en dehors du conseil n’ait pas voix délibérative. Pour moi
je ne veux de l’exception qu’à cette condition.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- A moins de décider qu’on ne votera plus sur l’ensemble de l’article, tout le
monde peut voter. Si on peut voter tout à l’heure sur de l’article, il est
inutile de poser en ce moment la question comme le propose M. Dubus : Y
aura-t-il exception : car ceux à qui l’amendement tel qu’il sera formulé ne
plaira pas, rejetteront l’ensemble de l’article. Cette marche est conforme à
nos précédents.
M.
Dubus. - Ce que je propose s’est pratiqué au premier vote, pour les
articles dont nous nous occupons. On a posé des questions de principe pour
faciliter la délibération ; si la chambre décide qu’il n’y aura pas
d’exception, nous évitons trois ou quatre appels nominaux sur les trois ou
quatre amendements présentés pour modifier la proposition de la section
centrale. Je demande qu’on mette aux voix la question ainsi posée : Y aura-t-il
exception ?
M.
Verdussen. - Il est impossible de procéder de cette manière. La chambre
est composée de 83 membres. Je la divise en trois séries de 28. Après avoir
admis le principe de l’exception, il se pourrait que tous les amendements
appuyés par 28 membres fussent repoussés par 56, et votre principe restera là
sans application. (Aux voix ! aux voix !)
- La chambre, consultée, donne
la priorité à la proposition de M.
Dubus.
Plusieurs voix. - L’appel nominal ! l’appel nominal !
M. le
président. - On va procéder à l’appel nominal sur la question proposée
par M. Dubus : Y aura-t-il exception ?
L’appel nominal donne le
résultat suivant :
Nombre des votants, 83.
Oui, 54.
Non, 29.
En conséquence la chambre
décide qu’il y aura exception.
Ont répondu oui : MM. Bekaert,
Berger, Bosquet, Brabant, Coghen, Cols, Coppieters, Corbisier, Cornet de Grez,
Dautrebande, Davignon, de Behr, de Brouckere, de Laminne, A. Dellafaille, H.
Dellafaille, de Longrée, de Man d’Attenrode, F. de Mérode, W. de Mérode, de
Muelenaere, de Nef, de Puydt, de Renesse, de Sécus, Desmanet de Biesme, de Stembier,
de Terbecq, de Theux, Devaux, Dewitte, d’Hane, Eloy de Burdinne, Fallon,
Hye-Hoys, Lardinois, Lebeau. Legrelle, Liedts, Milcamps, Nothomb, Olislagers,
Rogier, Seron, Trentesaux, Simons, Smits, Ullens, Vandenhove, Vanderbelen,
Verdussen, Verrue-Lafrancq, H. Vilain XIIII, Zoude et Raikem.
Ont répondu non : MM. de
Meer de Moorsel, de Robaulx, de Roo, Dechamps, Desmaisières, Desmet,
d’Hoffschmidt, Doignon, Dubus, Dumortier, Fleussu, Frison, Gendebien, Jadot,
Jullien, Polfvliet, Quirini, A. Rodenbach, C. Rodenbach, Rouppe, Seron,
Trentesaux, Troye, Vandenwiele, Vanderheyden, Vergauwen, C. Vuylsteke, L.
Vuylsteke et Wallaert.
M. le
président. - D’après le vote de la chambre il y aura exception. Maintenant
je vais mettre aux voix les diverses propositions relatives à l’exception.
Voici la proposition de M.
Dechamps :
« Néanmoins il peut, sur
l’avis conforme du conseil, nommer le bourgmestre hors de son sein. »
L’amendement de M. de
Brouckere est ainsi conçu :
« Dans ce dernier cas le
bourgmestre n’a que voix consultative au conseil. »
M.
Dubus. - Ces amendements sont indépendants.
M. le
président. - On va procéder à l’appel nominal sur l’amendement de M. Dechamps.
83 membres sont présents.
22 votent l’adoption ; 61
votent le rejet.
L’amendement de M. Dechamps
n’est pas admis.
Ont voté pour : MM. de Meer de
Moorsel, de Robaulx, Dechamps, Desmet, d’Hoffschmidt, Doignon, Dubus,
Dumortier, Fleussu, Frison, Gendebien, Jadot, Jullien, Polfvliet, Quirini, A
Rodenbach, Seron, Trentesaux, Troye, Vandenwiele, Vergauwen, Vuylsteke.
Ont voté contre : MM. Bekaert, Berger, Bosquet, Brabant, Coghen, Cols, Coppieters, Corbisier, Cornet de Grez, Dautrebande, Davignon, de Behr, de Brouckere, de Laminne, A. Dellafaille, H. Dellafaille, de Longrée, de Man d’Attenrode, F. de Mérode, W. de Mérode, de Muelenaere, de Nef, de Puydt, de Renesse, de Roo, de Sécus, Desmaisières, Desmanet de Biesme, de Stembier, de Terbecq, de Theux, Devaux, Dewitte, d’Hane, Eloy de Burdinne, Fallon, Hye-Hoys, Lardinois, Lebeau, Legrelle, Liedts, Milcamps, Olislagers, Raikem, C. Rodenbach. Rogier, Rouppe, Schaetzen, Simons, Smits, Ullens, Vandenhove, Vanderbelen, Vanderheyden, Verdussen, Verrue-Lafrancq, H. Vilain XIIII, Vuylsteke, Wallaert, Zoude.
M. le président. - Je vais mettre aux voix
l’amendement de M. Legrelle.
M.
Legrelle. - Je n’ai pas proposé mon amendement d’une manière absolue,
mais dans la supposition du rejet de celui de M. de Brouckere ; je demande donc
la priorité pour ce dernier.
M.
Dubus. - Pour qu’il ne s’élève pas de débat sur la question de priorité,
je déclare faire mien l’amendement de M.
Legrelle.
La chambre vote par appel
nominal sur l’amendement de M. Legrelle.
82 membres prennent part au
vote.
41 adoptent.
41 rejettent.
En conséquence il n’est pas
adopté aux termes de l’art. 38 du règlement.
Ont répondu oui :
MM. Bekaert, Bosquet,
Corbisier, Dautrebande, de Behr, de Brouckere, de Meer de Moorsel, de Puydt, de
Robaulx, de Roo, Dechamps, Desmanet de Biesme, Desmet, d’Hoffschmidt, Doignon,
Dubus, Dumortier, Fallon, Fleussu, Frison, Gendebien, Hye-Hoys, Jadot, Jullien,
Legrelle, Liedts, Polfvliet, Quirini, A. Rodenbach, Rouppe, Seron, Trentesaux,
Troye, Van den Wiele, Vanderheyden, Verdussen, Vergauwen, C. Vuylsteke, L.
Vuylsteke, Wallaert, Zoude.
Ont répondu non :
MM. Berger, Brabant, Coghen,
Coppieters, Cornet de Grez, Davignon, de Laminne, A. Dellafaille, H.
Dellafaille, de Longrée, de Man d’Attenrode, F de Mérode, W. de Mérode, de
Muelenaere, de Nef, de Sécus, Desmaisières, de Stembier, de Terbecq, de Theux,
Dewitte, Eloy de Burdinne, Lardinois, Lebeau, Milcamps, Nothomb, Olislagers,
Raikem, C. Rodenbach, Schaetzen, Simons, Smits, Ullens, Vandenhove,
Vanderbelen, Verrue-Lafrancq, H. Vilain XIIII, de Renesse, Devaux, d’Hane,
Rogier.
L’amendement de M. de
Brouckere est mis aux voix par appel nominal.
82 membres prennent part au
vote.
47 adoptent.
35 rejettent.
En conséquence l’amendement
est adopté.
Ont répondu oui : MM. Bekaert, Berger, Brabant, Corbisier,
Dautrebande, de Brouckere, A. Dellafaille, de Meer de Moorsel, de Puydt, de
Renesse, de Robaulx, de Roo, Dechamps, de Sécus, Desmaisières, Desmanet de
Biesme, Desmet, de Stembier, Dewitte, d’Hoffschmidt, Doignon, Dubus, Dumortier,
Fallon, Fleussu, Frison, Gendebien, Hye-Hoys, Jullien, Liedts, Nothomb,
Polfvliet, Quirini, A. Rodenbach, C. Rodenbach, Rouppe, Seron, Trentesaux,
Troye, Vandenwiele, Vanderbelen, Vanderheyden, Vergauwen, C. Vuylsteke, L.
Vuylsteke, Wallaert.
Ont répondu non : MM. Bosquet, Coghen, Coppieters, Cornet de
Grez, Davignon, de Laminne, H. Dellafaille, de Longrée, de Man d’Attenrode, F.
de Mérode,W. de Mérode, de Muelenaere, de Nef, de Terbecq, de Theux, Devaux,
d’Hane, Eloy de Burdinne, Lardinois, Lebeau, Legrelle, Milcamps, Olislagers,
Raikem, Rogier,
Schaetzen, Simons, Smits, Ullens, Vandenhove, Verdussen, Verrue-Lafrancq, H.
Vilain XIIII, Zoude, de Behr.
On procède au vote par appel
nominal sur l’ensemble de l’article.
Il donne le résultat suivant :
82 membres répondent à
l’appel.
53 répondent oui.
28 répondent non.
1 s’abstient.
- En conséquence l’article est
adopté.
Ont répondu oui : MM. Bekaert, Berger, Bosquet, Brabant,
Coghen, Coppieters Corbisier, Cornet de Grez, Dautrebande, Davignon, de Behr,
de Brouckere, de Laminne, A. Dellafaille, H. Dellafaille, de Man d’Attenrode,
F. de Mérode, W.de Mérode, de Muelenaere, de Nef, de Puydt, de Renesse, de Roo,
de Sécus, Desmanet de Biesme, de Stembier, de Terbecq, de Theux, Devaux,
Dewitte, d’Hane, Eloy de Burdinne, Fallon, Hye-Hoys, Jadot, Lebeau, Milcamps,
Nothomb, Olislagers, Polfvliet, A. Rodenbach,C. Rodenbach, Rouppe, Schaetzen,
Simons, Vanderbelen, Vanderheyden, Verrue-Lafrancq, C. Vuylsteke, L. Vuylsteke,
Wallaert, Zoude et Raikem.
Ont répondu non : MM. de
Longrée, de Meer de Moorsel, de Robaulx, Desmaisières, Desmet, d’Hoffschmidt,
Doignon, Dubus, Dumortier, Fleussu, Frison, Gendebien, Jullien, Lardinois,
Liedts, Quirini, Rogier, Seron, Smits, Trentesaux, Troye, Ullens, Vandenhove,
Vandenwiele, Verdussen, Vergauwen, H. Vilain XIII.
M. le
président. - M. Legrelle, qui s’est abstenu, est invité aux termes du
règlement à énoncer les motifs de son abstention.
M.
Legrelle. - Je me suis abstenu, parce que je n’ai pas voulu rejeter un
article que je regarde comme intégrant, mais je n’ai pas voulu donner mon
adhésion à une disposition que je trouve mauvaise.
- La discussion est continuée
à demain.
La séance est levée à 5 heures
1/2.