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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 14 mai 1835

(Moniteur belge n°136, du 16 mai 1835 et Moniteur belge n°137, du 17 mai 1835)

(Moniteur belge n°136, du 16 mai 1835)

(Présidence de M. Raikem.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Renesse fait à l’appel nominal à une heure. Il donne lecture du procès-verbal de la dernière séance précédente, dont la rédaction est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

Il présente ensuite l’analyse des pétitions suivantes.

« Plusieurs habitants des communes de Wondelghem et de Everghem (Flandre orientale) demandent que la chambre maintienne, dans le vote définitif de la loi communale, l’élection directe des échevins, et l’étende même aux bourgmestres. »

« Les bourgmestre et échevins de la ville de Bruges demandent que, sauf les 10 p. c. à titre de subvention éventuelle de guerre, la contribution foncière, dans la province de la Flandre occidentale continue de se percevoir sur le pied de l’année 1834, jusqu’à ce que la péréquation ait eu lieu entre toutes les provinces du royaume, et qu’après révision les évaluations des propriétés bâties aient été réduites, ainsi que l’équité le réclame. »

- Ces mémoires sont renvoyés à la commission des pétitions.


M. Helias d’Huddeghem écrit pour demander un congé de trois semaines.

M. Dumortier. - Je ne pense pas que, d’après le vote que l’on a émis hier, on aurait l’intention d’accorder le congé demandé par l’honorable M. d’Huddeghem : quelle que soit l’estime que nous professions pour cet honorable membre, on ne peut lui accorder sa demande sans se mettre en opposition avec la décision de la chambre.

- La chambre, consultée, décide que le congé sera accordé à M. Helias d’Huddeghem.

Projet de loi communale (titre premier), amendé par le sénat

Motion d'ordre

M. le ministre de la guerre (M. Evain). - Messieurs, c’est avec autant de peine que d’étonnement que j’appris hier, à l’issue de votre séance, qu’on avait supposé à mes collègues le projet d’éloigner un des honorables membres de cette chambre pendant le vote de la loi communale ; et je commence par déclarer positivement qu’aucun de mes collègues n’a été informé de ma décision sur l’envoi de M. le lieutenant-colonel de Puydt à Diest, qu’ils y sont restés complètement étrangers, et que cette mission n’a qu’un but purement militaire et rentrant dans les attributions spéciales des fonctions dont cet officier supérieur est chargé en sa qualité de chef de l’armée du génie à l’armée en campagne.

Je vous avoue aussi que j’ignorais complètement si la loi en question devait être ou non votée pendant l’absence de 3 jours de l’honorable représentant, et même quel avait été son premier vote, particularité qui m’est totalement étrangère.

J’assume donc sur moi seul toute la responsabilité de la mesure que j’ai cru devoir prendre, mais je repousse l’inculpation d’un des orateurs sur les motifs qui m’ont fait prendre cette mesure.

J’ai agi dans le cercle de mes pouvoirs en donnant une mission à un officier de l’armée, et je ne crois pas encourir le moindre blâme à ce sujet.

Il me suffira, messieurs, de vous en faire connaître l’objet et l’opportunité pour faire évanouir les suppositions erronées qu’on a faites sur son motif.

Ayant arrêté, lundi 11 dans la matinée, l’ensemble des dispositions que je voulais prendre au sujet de l’établissement de nos camps, et sachant que M. le chef de l’état-major général de l’armée devait être, d’après les ordres que je lui ai donné à cet effet, il y a plus de huit jours, hier 13 à Hasselt, et se porter de là à Courseil, l’un des points désignés pour l’établissement d’un camp, j’écrivis, dans la même journée du 11, à M. le colonel de Puydt que je désirais conférer avec lui, le lendemain 12, à 10 heures du matin, sur l’objet dont il est question.

Après lui avoir fait connaître mes projets pour la translation d’une partie du matériel existant à Diest au nouveau camp de Courseil, je le chargeai de s’assurer de la possibilité de l’exécution des moyens les plus économiques pour l’opérer, de me proposer les mesures qu’il jugerait nécessaires pour la prompte exécution, et je lui ordonnai de se rendre en conséquence à Diest et à Courseil où il devait trouver M. le chef de l’état-major général, chargé également de concourir à l’exécution de mes projets.

M. le lieutenant-colonel de Puydt me quitta à dix heures et demie, en m’annonçant qu’il allait se rendre à la séance d’une commission de la chambre à laquelle il était convoqué, et qu’il partirait dans la journée pour remplir la mission que je lui donnais.

Cet officier supérieur ne m’a fait aucune espèce d’observation sur son absence momentanée des séances de la chambre, ni sur la nécessité d’y donner son vote, et je puis assurer la chambre que s’il eût présenté la moindre objection qui eût trait à la politique, je n’aurais pas manqué d’en référer à mes collègues qui suivent les débats de la chambre.

Cette mission n’a donc aucun but politique, elle est purement militaire, et elle rentre tout à fait dans les attributions des fonctions dont M. le lieutenant-colonel de Puydt est chargé à l’armée.

Voilà, messieurs, comme d’un fait très simple en lui-même la prévention semble en faire ressortir une tactique pour diminuer d’une voix le nombre des votants contre un amendement dont je ne me suis nullement occupé, n’ayant pris aucune part à la discussion de cette loi.

- Un grand nombre de membres. - Bien ! bien ! très bien !

Motion d'ordre

Mise en oeuvre de la péréquation cadastrale

M. A. Rodenbach. - Messieurs, dans une précédente séance, j’ai interpellé les ministres pour savoir si on avait l’intention de présenter la péréquation générale du pays. M. le ministre des finances était absent, et on ne put me répondre ; maintenant je le prie de me dire si il a l’intention de présenter cette loi réclamée par tout le pays. Je dirai que dans ma province il y a des surtaxes considérables. Je voudrais savoir si, endéans l’année, les surtaxes étant prouvées, les contribuables pourront les réduire dans leurs contributions.

M. Liedts. - Chaque fois qu’il a été question dans cette enceinte du cadastre, nous avons réuni notre voix à celle des autres députés des Flandres pour réclamer la prompte exécution de cette importante opération. C’est qu’en effet, messieurs, nous appelions de tous nos vœux une époque où devait enfin cesser pour la Flandre orientale une iniquité révoltante.

Vous le savez, messieurs, avant la révolution comme depuis, les députés des Flandres n’ont cessé de se plaindre de la surtaxe dans l’impôt foncier, dont ces provinces sont victimes depuis 36 ans. Lorsqu’à l’occasion du budget de 1832 je disais dans cette enceinte que, depuis plus d’un quart de siècle, la Flandre orientale payait plus d’un demi-million par an au-delà de sa quote-part, on me taxait d’exagération, et l’on en appelait à l’achèvement du cadastre pour me prouver mon erreur. Ce moment est enfin arrivé, et qu’en résulte-t-il, messieurs ? c’est que cette province est surtaxée de plus de 700,000 fr. par an ; ce qui fait, depuis 36 ans, au-delà de 24 millions que nos bons Flamands ont payés de trop.

Qui aurait cru, messieurs, que le redressement d’un grief si énorme devait être précédé d’une mesure peut-être plus injuste, plus criante !

Avant de faire disparaître les inégalités qui existent, dit-on, de province à province, avant de pouvoir introduire la péréquation pour tout le royaume, il faut préalablement faire disparaître les inégalités de répartition qui existent dans la même province. Soit, admettons cela pour un instant. Mais l’a-t-on fait ? A-t-on fait disparaître les inégalités dans la même province ? Non, messieurs ; voici ce qui est arrivé.

Le comité de conservation de Gand, composé de grands propriétaires fonciers, de crainte d’indisposer la ville de Gand, a imaginé de ne pas faire la péréquation pour toute la province, mais de se borner à faire une nouvelle répartition de la contribution dans chaque canton, sans égard à l’allivrement cadastral des autres cantons ; et il s’en est suivi cette absurdité qu’au lieu de faire disparaître ces inégalités de répartition dans la province, on n’a fait que les augmenter. Chaque canton a aujourd’hui un marc le franc différent.

Ainsi à Gand le marc le franc est de 11 1/3.

A Alost, 19 1/2.

A Audenaerde, 20 1/3.

A Nederbrakel, même province, 23 3/4.

De sorte qu’une maison d’un revenu net de 100 francs, paie à Gand 11 francs de contribution foncière, et à Nederbrakel, plus que le double, 23 3/4.

Est-ce là, messieurs, redresser l’inégalité de répartition dans la province ! Aussi, messieurs, les plaintes sont générales dans les villes, et excitent d’autant plus de sympathie que ces injustices ne profitent qu’aux grands propriétaires, et sont tout au préjudice de cette classe moyenne de la société, cette classe si patriote, si attachée à nos institutions nouvelles, et qu’on avait tant d’intérêt à ménager. Et quelle année a-t-on choisie ? celle précisément où la contribution foncière venait de recevoir une augmentation de 10 p. c.

Que le ministère ne prétende pas que la faute ne peut être attribuée qu’au comité de conservation de Gand ; car le ministre chargé de l’exécution des lois de cette nature devait veiller à ce que celle du 20 mars 1813 fût exécutée. Aux termes de l’article 14 de cette loi, lorsque tons les cantons d’une province ont été cadastrés, le contingent de toute la province dans la contribution foncière doit être réparti entre tous les cantons au prorata de leur allivrement cadastral.

Or, c’est ce qu’on n’a pas fait ; on a méconnu le vœu de cette loi, et l’on a fait la répartition du contingent d’un canton entre les communes de ce canton, sans égard aux autres cantons : en d’autres mots, on a fait une péréquation cantonale, au lieu d’une péréquation provinciale.

En résumé, que demandons-nous pour redresser ces griefs ? La justice, et rien que la justice ; qu’il n’y ait pas deux poids et deux balances, que tous les Belges soient égaux devant la loi, en un mot, qu’il n’y ait pas de privilèges en fait d’impôt. Voilà ce que nous réclamons de toutes nos forces, parce que nous avons le bon droit pour nous, et qu’il parle trop haut pour qu’on n’écoute pas sa voix.

Nous demandons en conséquence que le ministre des finances présente la loi de péréquation pour tout le royaume, cette loi promise depuis tant d’années !

En second lieu, puisque le ministère ne croit pas devoir ou pouvoir exécuter provisoirement la péréquation provinciale, qu’au moins, en attendant la péréquation générale, tout le monde soit traité de la même manière, et qu’il présente une loi pour suspendre dans les deux Flandres la péréquation partielle.

M. de Nef. - Chacun sait que l’injustice qui depuis un si grand nombre d’années existe dans la perception de l’impôt foncier est double ; d’abord répartition inégale entre les provinces, et ensuite répartition inégale entre les communes respectives de chaque province. Il aurait certainement été à désirer qu’une loi complète eût pu être présentée et mûrement discutée pour faire disparaître l’injustice dans toutes ses parties, mais les élections prochaines qui nous forcent à nous séparer rendent la réalisation de ce désir malheureusement impossible.

Dans cet état de choses il ne reste qu’à réparer l’injustice, du moins autant que possible, en rétablissant l’égalité entre les localités de la même province.

Dans la province d’Anvers l’inégalité était réellement révoltante, et je citerai entre autres la commune de Rhely qui a constamment payé huit mille francs au-delà de ce qu’elle aurait dû payer pour sa quote-part.

Il est donc plus que temps que cet abus cesse, et si par suite d’autres communes de la province paient plus que précédemment, elles auraient tort de se plaindre, puisqu’elles ne sont pas même obligées à restituer une partie des sommes payées pendant si longtemps à leur décharge par les communes surtaxées.

D’après ces considérations je pense qu’en attendant la péréquation entre toutes les provinces, le gouvernement a agi sagement en faisant au moins disparaître l’injustice dans sa partie la plus criante.

M. de Brouckere. - Messieurs, les honorables préopinants ne vous ont entretenus que du cadastre et de la loi de péréquation. La motion faite dans la séance d’avant-hier avait cependant un double but qui était non seulement relatif au cadastre et à tout ce qui s’y rapporte, mais encore aux 10 p. c. qui se perçoivent sur toutes les contributions.

M. Legrelle. - C’est une autre question.

M. de Brouckere. - Je prie M. Legrelle de ne pas m’interrompre ; s’il veut demander la parole, je vais m’asseoir et l’écouterai très patiemment.

Je commencerai par adresser à M. le ministre des finances une interpellation relative au cadastre ; mais après cela je dirai aussi quelques mots sur les centimes additionnels.

On insiste pour que M. le ministre présente dans le plus court délai possible un projet de loi sur la péréquation du cadastre ; moi aussi je le désire, mais je ne pense pas que ce soit possible avant la fin de cette session. Vous n’ignorez pas, messieurs, qu’il s’est fait, en matière de cadastre, une innovation qui, cette année, a jeté le trouble dans certaines localités ; jusqu’à présent, les billets d’avertissement avaient été envoyés aux locataires ou aux fermiers ; cette année, par une idée bizarre, on s’est avisé de les envoyer aux propriétaires, et comment a-t on fait ces billets ? On y a porté sans aucune division la totalité de la contribution foncière due par un seul propriétaire. De sorte que quand un propriétaire possède vingt-cinq parcelles de terrains, ou vingt-cinq propriétés dans une même commune, on lui dit : Vous devez pour votre contribution foncière la somme totale de... Maintenant c’est au propriétaire à faire la répartition entre les locataires.

Cette répartition est toujours très difficile et quelquefois impossible. On doit se rendre près des employés du cadastre, près des receveurs des contributions, et ces messieurs exigent toujours une petite contribution qui, par exemple, est de 50 centimes par parcelle. C’est un procédé insolite, et que je serai curieux de voir s’expliquer. J’espère que M. le ministre voudra bien se donner la peine de le faire. Maintenant, j’arrive aux 10 p. c. additionnels.

Lorsque le gouvernement nous a demandé ce subside extraordinaire, c’était, disait-il, pour se préparer à soutenir l’attaque des Hollandais, si cette attaque se réalisait. La guerre, s’il fallait en croire les ministres, était imminente au mois de décembre 1834. Pour moi, je n’y ai jamais cru, et je l’ai déclaré alors ; mais enfin, le langage positif de M. le ministre de la guerre particulièrement était de telle nature qu’on ne put refuser. On affirma toutefois que les 10 p. c. ne seraient pas employés si la guerre n’avait pas lieu, si le besoin d’augmenter nos forces militaires ne devenait pas urgent.

Tous les ministres l’ont déclaré, et lorsque l’on manifesta des doutes, lorsque l’on a prétendu que MM. les ministres trouveraient bien moyen d’employer cette perception, ils se sont récriés contre notre défiance, c’était en quelque sorte injurieux pour eux. Voici entre autres un petit passage prononcé par M. le ministre des finances : « On l’a dit, messieurs, si les fonds en réserve ne sont pas nécessaires, la législature pourra en disposer ; si l’horizon politique s’éclaircit, on pourra cesser la perception des fonds demandés. Le gouvernement renouvelle l’engagement de cesser cette perception s’il en reconnaît la possibilité. Il est d’honorables préopinants qui n’ont pas, à ce qu’il paraît, confiance dans les assurances du ministère ; libre à eux dans ce cas de voter contre la proposition. » Et je suis du nombre de ceux qui ont pris cette liberté.

Messieurs, je demande maintenant si l’horizon politique ne s’est pas éclairci ; je demande aux ministres et aux députés s’il peut y avoir encore apparence d’attaque de la part des Hollandais. M. les ministres et les députés me répondront : Non. Pourquoi le gouvernement ne tient-il pas ses engagements, et ne vient-il pas lui-même proposer de faire cesser cette perception ? Qu’on veuille m’expliquer cette singulière conduite. Le gouvernement va plus loin, il ne propose pas de lui-même de faire cesser cet impôt ; mais chaque fois qu’un membre de cette assemblée élève la voix à cet égard, on a des réponses évasives à lui faire. La dernière nous vient du ministre des affaires étrangères, qui d’ailleurs n’est jamais embarrassé.

Il vous a dit que cette perception se rattachait au projet de loi de fortifications, c’est-à-dire que vous percevrez les 10 p. c. pendant 1835 ; car il est certain que nous ne discuterons pas ce projet avant la fin de la session. La chambre entend-elle que le gouvernement tienne ainsi ses engagements, que la nation reste obérée d’une contribution extraordinaire, alors que le but a cessé d’exister. Si la chambre le décide ainsi, je respecterai sa décision, mais je proteste de la manière la plus formelle contre une perception aussi onéreuse.

M. Jullien. - J’ai déposé tout à l’heure sur le bureau une pétition des bourgmestre et échevins de la ville de Bruges ; comme cette pétition se rattache à ce qui se discute en ce moment, et que d’ailleurs elle n’est pas longue, je demande à la chambre la permission de lui en donner lecture.

- Plusieurs membres. - Il n’y a pas d’opposition.

M. Jullien. (L’orateur donne lecture de cette pétition.)

Vous voyez, messieurs, que le vœu exprimé par la régence de Bruges est tout à fait conforme à ce que vous a dit l’honorable M. Liedts, dans l’intérêt de la Flandre orientale. Je sais, messieurs, et je m’attends déjà que M. le ministre des finances va se rejeter sur la légalité de l’application. On rappellera qu’en vertu des lois de 1807 et 1814, on a pu faire ce qu’on a fait.

Il est très possible que sous ce rapport le ministre ait raison ; et cependant on n’aura pas trouvé en lui, ni l’homme prudent, ni l’homme politique, qualités que je me plais à lui reconnaître en d’autres circonstances. Car, bien que l’on puisse soutenir les mesures légales, il n’est pas moins vrai qu’aux yeux du peuple qui peut bien avoir oublié que vous avez des lois de 1807 et de 1814, et sur lequel cette surtaxe est tombée comme à l’improviste, cela doit avoir tout l’air d’une iniquité et d’une vexation.

Voulez-vous savoir comment raisonne le contribuable, qui ne sait même pas si vous avez des débats, et qui travaille depuis le 1er janvier jusqu’au 3l décembre pour payer ses impôts ; eh bien, il raisonne ainsi : On nous avait promis dans le discours du trône une diminution d’impôts ; on nous a donné, au lieu de cette diminution, une augmentation de 10 p. c. Ce grief se grave profondément dans son esprit. Maintenant, pour le cadastre, c’est la même chose. La ville de Bruges, au lieu de 61,000 fr., en paie 119. Celle d’Ostende, au lieu de 12,000, en paie 35 ; à peu près le triple.

Maintenant, quelles conséquences voulez-vous que le peuple tire de ces résultats, lui qui ne juge que par eux ! Si encore le gouvernement n’avait pas fait tomber sur les villes le poids de ces surtaxes, sur les villes, là où il est plus difficile de conserver l’ordre, où les émeutes ont lieu plus aisément. Les villes sont horriblement surchargées, tandis que la diminution opérée sur les campagnes est à peu près insensible. L’augmentation tombe sur quatre ou cinq villes, et la diminution se disperse sur un grand nombre de petites communes.

Il en résulte que ceux qui sont surchargés crient contre la mesure du gouvernement, en sont indignés ; qu’ils embarrassent de leurs réclamations l’administration locale, tandis que ceux qui éprouvent une légère diminution sur les biens ruraux se taisent. C’est ainsi que le monde est fait. Il était de la prudence du gouvernement de prévoir toute la portée de cette modification. J’espère que M. le ministre des finances pourra donner des explications satisfaisantes ; je le désire pour lui-même.

Je ne parlerai pas des 10 p. c., car je pense qu’on donnera aussi des explications sur ce point. Si elles ne me satisfont pas, je demanderai de nouveau à être entendu.

Quant aux billets cités par l’honorable M. de Brouckere, il est vrai qu’on en a vu de tels dans la Flandre occidentale ; mais il faut dire aussi qu’on a fait cesser cette mesure. Je prie M. le ministre des finances de toucher à cet objet qui avait encore augmenté le mécontentement, déjà très grand, produit par l’application du cadastre.

M. Devaux. - Messieurs, je ne parlerai pas des 10 p. c. additionnels. Lorsqu’on est venu demander à la chambre cette augmentation de l’impôt, j’ai pensé que c’était chose définitive, et j’ai regretté que M. le ministre des finances ait pris l’engagement de renoncer à cette perception si la guerre n’avait pas lieu. J’ai bien compris que le trésor garderait ce qu’il recevrait, ou du moins n’en sortirait que pour satisfaire à des besoins imprévus qui ne manquent jamais de surgir. Je ne parlerai donc que du cadastre.

Je crois que la mesure prise par le ministre des finances, relativement à quatre provinces, est rigoureusement légale. Depuis longtemps, à ce qu’il paraît, les propriétés urbaines et rurales étaient imposées d’une manière disproportionnelle. Ce fait était assez généralement ignoré ; mais il vient d’être révélé à tout le monde par l’introduction des nouveaux rôles de la contribution foncière. Quoi qu’il en soit, dans plusieurs provinces où on s’attendait à un dégrèvement, où l’on se croyait près de l’obtenir, on a été frappé d’une augmentation à laquelle on ne songeait guère.

L’augmentation a été énorme à Bruges. Cette ville, vous venez de l’entendre, qui ne payait que 5 p. c., paie actuellement 17 p.c. environ du revenu. C’est presque le double. A Ostende, la différence est encore plus grande : là, on n’était imposé qu’à 5 p. c. du revenu, et, d’un seul trait de plume, ou s’y trouve imposé à 17 p. c. Si vous descendez dans le détail des cotes individuelles, les différences sont plus choquantes. On vient de me dire qu’une personne qui payait 30 fr. de contributions en paie 150 ; qu’une, qui ne payait que un franc et demi, est portée au rôle pour 15 ou 16 fr.

Voilà des augmentations énormes et qui sont venues à l’improviste, alors que l’on s’attendait à des dégrèvements ; une mesure semblable, quelque légale qu’elle soit, est très impolitique. La justice pour la perception des impôts n’est pas seulement dans l’assiette de ces impôts, mais encore dans la manière de les percevoir. Il est injuste de frapper subitement. Il faut que le contribuable puisse se préparer à payer sa quote-part. De ce que la mesure est injuste, elle est impolitique puisqu’elle sévit contre des populations entières.

Si le gouvernement était légalement obligé d’appliquer le cadastre, s’il ne pouvait ajourner cette application, il pouvait demander des pouvoirs aux chambres pour retarder la péréquation. Les propriétés urbaines ne sont pas en aussi grand nombre que les propriétés rurales ; la somme que l’on ôte sur celles-ci fait un effet insensible sur chaque parcelle, tandis que la même somme ajoutée à celles-là, étant répartie entre un nombre déterminé de bâtiments, produit une augmentation considérable pour chacun.

Etait-ce d’ailleurs l’année actuelle qu’il fallait choisir pour produire un mécontentement aussi général et aussi fondé ? Je ne le crois pas.

Le gouvernement a cependant compris la portée de sa mesure puisqu’il a été obligé de faire une exception. La ville de Gand a réclamé, et le gouvernement n’a pu appliquer la péréquation cadastrale à cette ville ; elle n’a pas été augmentée dans ses impôts. Le ministre a senti que là l’obstacle politique était trop grand. Mais le même obstacle existe avec plus ou moins d’intensité dans toutes les grandes villes ; pourquoi le créer, pourquoi lui donner un aliment ?

Je trouve la péréquation juste dans la loi de 1813 et dans celle de 1807. Quand ces lois ont été portées, on était loin du terme des travaux du cadastre ; mais aujourd’hui que la péréquation est prête, il fallait prendre des précautions avant de l’appliquer. On pouvait retarder la mesure d’une année, et personne n’aurait réclamé. Pendant ce temps on aurait pu préparer les esprits, et le cadastre aurait achevé sa tâche pour toute la Belgique. Quand ce travail sera complet, l’impôt sera en Belgique de 11 p. c. du revenu ; on n’aurait donc pas eu à frapper Bruges et Ostende d’une manière aussi extraordinaire et à imposer jusqu’à 17 p. c. du revenu.

Je crois qu’on peut revenir sur la mesure prise. Si le ministre des finances ne trouve pas dans la loi des pouvoirs suffisants pour opérer une suspension de l’application du cadastre, qu’il demande aux chambres ces pouvoirs ; elles ne les lui refuseront pas. Quant à moi, je suis prêt à appuyer une mesure semblable à celle dont M. Liedts a parlé.

M. Legrelle. - Je viens joindre mes pressantes réclamations à celles des députés des Flandres. Ces honorables membres vous ont fait voir, avec autant de modération que de vérité, l’injustice de la mesure. Je puis dire comme eux qu’elle a produit de déplorables effets sur tous les esprits et qu’en cela elle est extrêmement impolitique. Elle a jeté la province que j’ai l’honneur de représenter dans une fâcheuse position. Un grand nombre de citoyens se sont associés à Anvers, à l’effet d’examiner la question de légalité de la mesure qui les mécontente, et ils sont disposés à s’opposer à son exécution par toutes les voies légales.

Le gouvernement va donc se trouver engagé dans une lutte judiciaire qu’il aura à soutenir contre une multitude de citoyens, et je doute fort que la somme que nous avons votée dans le budget soit suffisante pour soutenir les prétentions fiscales de l’administration.

Le ministère a été obligé de reculer devant les réclamations de la ville de Gand, d’une ville qu’il lui importe de ménager ; mais n’a-t-il pas des ménagements à garder envers toutes les grandes villes du royaume ?

Aurait-il été favorable à la ville de Gand parce que sa municipalité a fait de promptes démarches pour l’avertir de ce qu’il y avait d’impolitique dans la mesure cadastrale ? Mais les autres municipalités auraient fait les mêmes démarches si elles avaient pu connaître les projets du fisc : si j’avais été averti à temps, j’aurais demandé aussi que la ville d’Anvers restât imposée comme auparavant.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Vous ne l’auriez pas obtenu.

M. Legrelle. - Maintenant je demanderai autre chose. Je demanderai que la chambre prenne une mesure générale pour suspendre l’application du cadastre jusqu’à l’achèvement du travail cadastral. Ainsi, je réclame que les choses restent comme elles étaient jusqu’à la péréquation de tout le royaume. Je ne sais si le ministre pourra présenter une loi sur cet objet avant la fin de la session ; mais s’il ne le peut, je déposerai sur le bureau, comme projet de loi, la demande que je fais.

Etait-il prudent, était-il sage, quand le pays oscille encore par suite des mouvements révolutionnaires, d’imprimer une nouvelle impulsion à des passions qu’il faudrait assoupir ? Pourquoi rouvrir les plaies ? Pourquoi exciter les plaintes de tant d’intérêts froissés ? Pourquoi produire le mécontentement partout ?

Il était impossible de prendre une mesure plus imprudente, plus intempestive ; elle fournit des armes aux ennemis de l’ordre actuel des choses, et je désire l’arrêter de tout mon pouvoir.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Tout ce qui s’est passé relativement à l’application des opérations cadastrales n’a rien que de très régulier, que de très légal. Avant de le démontrer, je dois quelques mots de réponse aux orateurs qui ont prétendu que le travail cadastral a été appliqué inopinément.

Je ne puis, messieurs, m’empêcher de témoigner tout mon étonnement de ce qu’alors que depuis nombre d’années l’on a réclamé constamment devant les chambres, et en dehors, l’achèvement et l’application du cadastre, l’on vienne prétendre aujourd’hui que les choses se sont passées à l’improviste ; s’il était nécessaire de donner une preuve irrécusable que ce qui s’est pratiqué a dû être connu de tout le monde à l’avance, je la trouverais surtout dans un rapport fait à la chambre elle-même, le 4 février 1834, au nom d’une commission qui était composée de MM. Zoude, Angillis, Dumont, Seron, Desmet, Eloy de Burdinne, Domis, de Theux et Meeus.

Voici, en effet, ce que M. Zoude disait comme rapporteur de cette commission : « Suivant les tableaux dont je viens de parler, les travaux sont terminés dans les provinces de Liége et de Namur ; et si l’on parvient à lever une difficulté survenue dans le canton de Namur-nord, la répartition de la contribution foncière de l’exercice courant sera faite dans ces deux provinces d’après les matrices cadastrales. »

Ainsi vous le voyez, on annonçait, tout au commencement de l’année dernière, que l’on espérait bientôt obtenir une partie de la répartition cadastrale, contre laquelle on s’élève maintenant. On ajoutait dans le rapport : « Quant aux provinces de la Flandre orientale, de la Flandre occidentale, du Hainaut, du Brabant et d’Anvers, l’inspecteur-général garantit qu’à moins d’un empêchement imprévu et de force majeure, les nouvelles matrices pourront y servir de base à la répartition, à partir de l’année prochaine. »

On comptait, vous l’entendez, voir l’application des opérations cadastrales en 1835 ; et c’est ce qui vient de se faire. Quel fondement ont donc, après cela, les allégations de surprise, de précipitation que l’on nous reproche ?

Je passerai maintenant à la question de légalité, et j’examinerai si le gouvernement pouvait faire autre chose que ce qu’il a fait.

Je citerai d’abord l’article 33 de la loi du 15 septembre 1807, lequel stipule que, lorsque les opérations cadastrales seront terminées dans les communes d’un canton, la répartition du contingent affecté à ce canton sera faite entre toutes les communes qui le composent.

Voici l’article :

« Art. 33. Le sous-préfet enverra ce procès-verbal (celui de l’assemblée cantonale), avec ses observations, au préfet, qui, sur un rapport du directeur des contributions, et après avoir pris l’avis du conseil de préfecture, statuera sur les réclamations par un arrêté qui fixera définitivement l’allivrement cadastral de chacune des communes intéressées, et répartira entre elles la masse de leurs contingents actuels, au prorata de leur allivrement cadastral. »

Il résulte de là évidemment que lorsque les communes d’un canton sont complètement cadastrées, son contingent dans l’impôt doit être immédiatement réparti entre elles d’après les bases estimatives du cadastre.

Si je consulte l’article 14 de la loi du 20 mars 1813, je trouve que lorsque tous les cantons d’une province ont été cadastrés, il est devenu obligatoire de faire la péréquation du contingent provincial, entre tous les cantons de cette province.

Voici cet article :

« L’article 33 de la loi du 15 septembre 1807, portant que la masse des contingents actuels pour la contribution foncière des communes composant un canton définitivement cadastré, sera répartie entre elles au prorata de leur allivrement cadastral, est applicable à tous les cantons cadastres d’un même département. En conséquence la masse des contingents actuels de ces cantons sera répartie entre eux à partir de 1814, au prorata de leur allivrement cadastral réuni. »

Il s’est trouvé qu’à la fin de 1834, ou plutôt qu’au commencement de cette année, plusieurs provinces ayant été cadastrées, on s’est vu dans l’obligation, dans la nécessité légale de faire pour chacune d’elles la répartition de son contingent d’après les résultats du cadastre.

Il n’est pas inutile de faire remarquer que c’est l’autorité provinciale qui opère cette répartition, et que dans six provinces aucune opposition des députations des états ne s’est élevée contre la mesure. Une seule administration provinciale (ce n’est pas une régence, comme on dit erronément tout à l’heure), a présenté des observations. J’expliquerai la nature de ces objections, et l’on verra que ce qui a été fait dans la province de la Flandre orientale est conforme à la loi que j’ai citée, ainsi qu’à la prudence.

En 1834 le cadastre avait déjà reçu son application dans les provinces de Namur et de Liége (ce qui prouve, je le répéterai en passant, que la péréquation du cadastre dans les provinces n’est pas une mesure si nouvelle et si inattendue qu’on voudrait le faire croire). Là aussi il y avait des inégalités choquantes à faire disparaître dans la distribution de l’impôt foncier ; la ville de Verviers, par exemple, vit tripler, quadrupler ses contributions ; cependant aucune opposition de la régence ni des habitants de cette ville ne s’est fait entendre ici. Les contribuables furent bientôt convaincus de la légalité et de la justice de la mesure.

A la vérité, le patriotisme éclairé de deux membres de cette chambre et d’un membre du sénat ont puissamment contribué à la résignation des habitants de la ville de Verviers ; ils leur ont démontré la régularité et l’équité de la nouvelle répartition, ils ont prêché par l’exemple, et leurs cohabitants se sont soumis en bons citoyens à la loi et à la raison, malgré les augmentations de charge qu’ils devaient subir.

L’honorable sénateur auquel je viens de faire allusion, habite la ville de Verviers ; par suite de l’application du cadastre ses propres contributions se sont trouvées élevées de plusieurs milliers de francs, et cependant il a fait tous ses efforts pour que sa conviction sur l’équité de la péréquation cadastrale passât dans l’esprit de ses concitoyens. Je me plais à rendre un hommage public à un si rare désintéressement, à un civisme aussi louable.

Cette année, la péréquation provinciale a été appliquée dans les provinces d’Anvers, du Brabant, du Hainaut et de la Flandre occidentale ; c’est-à-dire que dans ces provinces, le cadastre étant complètement terminé, le contingent total de chacune a été subdivisé respectivement entre les cantons et entre toutes les communes qui les composent.

Il est résulté de cette mesure, commandée par la loi de 1813, et dont le gouvernement ne pouvait suspendre l’exécution, le redressement d’inégalités considérables ; la ville d’Anvers, dont l’on s’expliquera aisément les plaintes, ne payait précédemment en principal que sept et un quart p. c. de son revenu imposable, tandis que de pauvres cantons de la Campine, tels que Arendonck, Westerloo, Mol, payaient de treize 1/2 à dix-sept 1/6 p. c. C’était depuis trente à quarante années que ces malheureux cantons étaient surchargés ; ils ne réclamaient pas, ils payaient sans murmurer ; il était bien temps de faire un acte d’équité en leur faveur, et s’il est une chose à regretter, c’est que cet acte d’équité soit arrivé si tard. Aujourd’hui toutes les localités de la province sont placées sur la même ligne ; elles paient toutes la même proportion de 10 97/100 p. c de leur revenu, en principal.

Dans la province de la Flandre occidentale tous les cantons ont aussi été mis sur la même ligne, et il en est dont les contributions ont été augmentées par suite de la mesure ; mais chacun paie de même proportionnellement à son revenu imposable. L’égalité dans les charges foncières entre tous les habitants de la Flandre occidentale y est introduite.

Mais, dit-on, pourquoi la péréquation provinciale n’a-t-elle pas été appliquée dans la Flandre orientale ? Pourquoi ne pas faire jouir les cantons d’Audenaerde, d’Alost, du bienfait du cadastre ? Pourquoi ne pas établir là aussi l’égalité proportionnelle des charges, ne pas placer tous les cantons et toutes les communes sur la même ligne ? Voici les causes de cette exception :

Le comité de conservation représentant la province a fait connaître au gouvernement que les opérations cadastrales n’étant pas dans une situation qui permît d’opérer convenablement de suite la péréquation provinciale, il était impossible de satisfaire aux prescriptions de l’article 14 de la loi du 20 mars 1813, et qu’il était forcé de s’en tenir à l’exécution de l’article 33 du 15 septembre 1807, c’est-à-dire à la péréquation cantonale.

Ainsi on ne pouvait appliquer la péréquation provinciale.

Mais ce motif, à lui seul péremptoire, était encore appuyé par un autre très grave. L’administration provinciale de la Flandre orientale a démontré de quelles difficultés la péréquation serait environnée, en ce qu’elle pourrait se rattacher à des considérations politiques qu’il vous sera facile d’apprécier, et qui sont puisées dans la situation industrielle de la ville de Gand ; et si la loi existante eût été impérieuse pour l’adoption de la péréquation provinciale dans la Flandre orientale, le gouvernement n’eût pas hésité à vous demander l’autorisation de faire, par exception, à l’article 14 de la loi du 20 mars 1813, ce qu’il a été en droit et même dans la nécessité d’adapter, en exécution de l’article 33 de la loi du 15 septembre 1807.

D’ailleurs, messieurs, le gouvernement ne pouvait voir rien que de raisonnable dans la péréquation cantonale, puisque, décidé qu’il était à vous soumettre dans le courant de cette année la loi générale de péréquation, il pouvait vous proposer d’admettre alors un décompte dans les contributions payées pendant les premiers mois de 1835, selon le mode mis en ce moment à exécution. Ainsi la perception des impôts faite jusqu’à l’époque de la mise à exécution de la péréquation générale pourra très bien n’être admise plus tard par les chambres que comme provisoire et comme n’ayant eu lieu que pour qu’il n’y ait pas d’interruption dans les recettes du trésor public.

Je dois prier la chambre de vouloir bien faire une remarque à l’occasion de la question qui nous occupe. C’est que le trésor de l’Etat n’est en aucune manière intéressé à l’application des opérations cadastrales. Il ne recevra pas par là un denier de plus. Il ne faut pas que l’on suppose que le gouvernement les a mises à exécution dans des intentions fiscales. S’il tient à ce qu’elles produisent leurs effets, c’est par un sentiment de justice distributive et rien autre chose. Chacun doit le reconnaître. C’est uniquement parce que le gouvernement veut l’égalité dans les charges publiques, qu’il fera tous ses efforts afin que, dans une session extraordinaire ou ordinaire des chambres, la péréquation générale du cadastre soit adoptée cette année et qu’elle porte bientôt ses fruits.

L’honorable député de la Flandre orientale, en parlant de l’inégalité qui existe dans la répartition de l’impôt foncier, a paru croire que les contingents des cantons avaient varié dans cette province ; il est dans l’erreur, les contingents cantonaux sont restés les mêmes. La seule innovation introduite provient de ce que la répartition a été faite entre les communes de chaque canton, conformément aux bases du cadastre.

Le même honorable préopinant s’est demandé s’il ne convenait pas de suspendre l’application de la loi de 1807 et de celle du 20 mars 1813 ; je crois que l’examen de cette question trouvera seulement sa place lorsque la chambre sera saisie de la loi de péréquation générale. Si l’on trouvait alors qu’il serait convenable d’apporter de telles modifications à la législation en vigueur, au lieu de lui donner son complément par l’adoption pure et simple de la péréquation générale, ce serait le moment de le faire. Mais ne nous dissimulons pas qu’en suspendant l’application des deux lois que je viens de citer, ce serait annihiler les résultats du cadastre désirés depuis longtemps et obtenus tout récemment, ce serait rendre inutile un beau travail qui a coûté tant de peine aux hommes de l’art et tant d’argent au pays.

Un honorable député de Bruxelles a trouvé étrange que cette année les avertissements pour le recouvrement de l’impôt foncier qui se distribuaient partiellement aux locataires, aient été envoyés en un seul tout au propriétaire principal. C’est une obligation qui résulte de tous les règlements sur la matière. Mais le gouvernement ne s’est pas dissimulé qu’il y avait dans cette disposition quelque chose de gênant pour les contribuables, et il s’est empressé de porter remède à cet inconvénient en ordonnant à ses comptables de distribuer les avertissements partiellement aux personnes qui le désireraient, en continuant toutefois à considérer le propriétaire comme seul responsable vis-à-vis de la caisse publique et à conserver leur recours vers celui-ci. Les règlements du cadastre envisagent ainsi le propriétaire sous ce dernier rapport, et ils s’accordent tous à le faire porter seul sur les rôles, sans division des cotes.

M. de Brouckere. - Est-ce que les avertissements seront délivrés gratis ?

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Non pas, mais moyennant une indemnité de 50 centimes.

M. de Brouckere. - Par parcelle ?

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Par article.

Ce n’est pas au surplus une innovation. La perception assez rare de ces 50 centimes est autorisée dans le Recueil méthodique, et elle est très faible, puisque les receveurs n’ont à l’exiger que du propriétaire principal, selon la division de cotes qu’il demande lui-même. Il serait injuste de supprimer cette rétribution qui n’est que salaire bien mérité d’un service gratuit. Les receveurs sont, de tous les employés de l’administration des finances, les plus mal rétribues ; les priver de ces petits émoluments, serait aggraver leur position déjà si fâcheuse.

Un honorable député de Bruges s’est récrié contre l’augmentation que la ville d’Ostende supporte par la péréquation provinciale de la Flandre occidentale. Ceci s’explique très aisément. Ostende ne payait presque rien dans le contingent primitif. Cette ville, déjà trop ménagée dès le principe de l’impôt foncier, s’est étendue considérablement depuis. Beaucoup de constructions nouvelles se sont élevées, et maintenant que les communes et les cantons ne paient plus isolement leur ancien contingent, qu’ils participent tous ensemble, dans une égale proportion de leur revenu imposable, dans le contingent total de la province, il est tout simple que la ville d’Ostende reçoive une augmentation notable dans ses contributions.

Il me reste à répondre à une dernière observation présentée par un honorable député d’Anvers.

Il se plaint amèrement de ce que la régence de cette ville n’ait pu été prévenue de l’exécution des opérations cadastrales, de ce que les évaluations qui y sont relatives n’aient pas été suffisamment communiquées à cette administration locale. Cette réclamation est loin d’être fondée. Les avertissements prescrits ont été donnés selon les règlements sur la matière, et le dépôt des pièces au greffe de cette régence a été prolongé, par exception toute particulière à la ville d’Anvers, de deux à trois semaines de plus que ces mêmes règlements ne le prescrivent.

Du reste, la ville d’Anvers a envoyé ses délégués à l’assemblée du conseil cantonal comme toutes les autres localités, et leurs observations y ont été également entendues et discutées. Ils ont pu se convaincre que les bases cadastrales étaient, pour la ville d’Anvers, les mêmes que pour les autres communes, et qu’elles ont été placées toutes sur la même ligne.

Si j’ai omis de répondre à toutes les interpellations qui m’ont été faites au sujet du cadastre, je prie les honorables orateurs de vouloir bien me le faire remarquer par une courte analyse. Je m’empresserai de déférer à leur désir.

Il me reste à parler de la question des centimes additionnels, soulevée de nouveau par un honorable député de Bruxelles.

Vous vous rappellerez, messieurs, que depuis l’adoption du budget général des dépenses, un crédit supplémentaire a dû être accordé au département de la guerre ; les craintes qu’excitaient des mesures prises dans le commencement de l’année par la puissance vis-à-vis de laquelle nous sommes en état d’hostilité, avaient rendu nécessaire l’emploi de mesures de précautions extraordinaires dont M. le ministre de la guerre n’avait pu prévoir l’adoption et dont les frais dépassaient les limites de son budget ordinaire. Voilà donc déjà une dépense extraordinaire de guerre, à laquelle il faut pourvoir extraordinairement.

Dans une séance précédente, un de nos honorables collègues a dit que la question des dix centimes additionnels pouvait se rattacher à l’établissement de nouvelles forteresses sollicitées par M. le ministre de la guerre. Je suis tout à fait de son avis. Si la chambre pensait que l’établissement de forteresses du côté de la Hollande importe à l’avenir du pays, non seulement sous le rapport de la défense du territoire, mais aussi sous le rapport financier (puisque l’existence d’une ligne de défense vers le Nord nous permettrait de diminuer l’effectif actuel de l’armée), il y aurait à examiner si ce n’est pas au moyen des 10 centimes additionnels que la dépense devra être couverte.

Un membre. - Mais en attendant !

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - En attendant, les fonds existent dans les caisses de l’Etat.

Le gouvernement ne peut pas disposer d’un centime de ce qui y entre de ce chef. Il ne suffit pas, pour que le gouvernement emploie une recette, que la chambre vote les voies et moyens ; il faut que la chambre ouvre des crédits pour la dépense.

Si, à l’occasion de la question des forteresses, la législature ne veut pas que le gouvernement entame les 10 centimes additionnels, ou bien si elle rejette le projet, ces rentrées extraordinaires resteront dans le trésor, et serviront à améliorer la situation financière du pays.

M. Legrelle. - Je demande la parole pour un fait quasi-personnel. (Hilarité.) M. le ministre des finances prétend que j’ai avancé que le travail de la péréquation du cadastre dans le canton d’Anvers n’avait pas été soumis au conseil cantonal. Ce n’est pas de cela que je me suis plaint.

Je me suis plaint seulement de ce que la péréquation dans le canton d’Anvers n’avait pas été la même que dans les autres cantons. Nous n’avons pu savoir si la ville d’Anvers qui se trouve surtaxée d’une contribution de 113,000 fr., l’a été en proportion avec les autres cantons de la province. C’est à quoi M. le ministre des finances n’a pas répondu un seul mot.

Si le conseil cantonnal d’un district avait pu comparer la péréquation cadastrale de ce district avec celle d’un autre district, alors je pourrais dire qu’il y a eu justice ; je ne pourrais me plaindre d’un défaut d’examen. Mais l’on a frappé sans rien dire la ville d’Anvers d’une surtaxe de 40 p. c. Qu’a pu faire le conseil cantonal ? Il n’a pu que comparer la péréquation des différentes localités du même canton entre elles. Ce n’est pas sans observations qu’il a fait son travail. Seulement l’on n’a fait droit à aucune de ses observations.

Aussi longtemps que la comparaison entre la péréquation des différents cantons de la province n’a pu se faire, la répartition est illégale et irrégulière. C’est pour ces motifs et pour beaucoup qu’un grand nombre de contribuables se refuseront au paiement de leurs contributions.

Je voulais proposer un remède. C’était que la chambre votât une loi par laquelle tout serait remis sur le même pied qu’en 1831. M. le ministre en a indiqué un autre auquel il se rallie. Il nous promet de nous présenter dans une session ordinaire ou extraordinaire un projet de loi sur la péréquation générale. Alors on pourra revenir sur les erreurs qui ont été commises en 1835. Ma proposition deviendra inutile si M. le ministre entend que la loi ait son effet pour tout le courant de l’année 1835.

(Moniteur belge n°137, du 17 mai 1835) M. Dumortier. - J’ai toujours professé cette pensée qu’il était dangereux de toucher aux impôts existants. Tout ce qui vient d’être dit dans cette séance prouve combien cette doctrine est fondée.

L’on réclamait à grands cris la mise à exécution des opérations cadastrales. Cette mise à exécution a eu lieu, et ceux-là mêmes qui la réclamaient avec le plus d’instance sont les premiers à s’en plaindre ; ce qui prouve combien il est dangereux de toucher aux impôts existants. Tous les efforts d’un gouvernement sage, au lieu de déranger l’assiette de l’impôt, doivent tendre à maintenir ce qui existe. Le gouvernement aurait montré de la sagesse s’il avait résisté à quelques demandes intempestives et déplacées, surtout dans la situation particulière où se trouve la Belgique.

Quant à la mesure qui nous occupe, malgré ce qu’a dit M. le ministre des finances pour prouver le contraire, je dis qu’elle était inattendue. Il est bien vrai qu’une commission chargée d’examiner, non pas les opérations cadastrales, mais les indemnités à payer à l’occasion de ces opérations, est venue annoncer dans cette assemblée la possibilité d’exécuter la perception partielle du cadastre.

Mais ce n’était pas une information du gouvernement. Comme on n’a pas délibéré sur le rapport de la commission, la chambre n’a pas été informée par l’organe des membres du gouvernement de l’exécution partielle des opérations cadastrales. Je suis persuadé que si nous avions reçu une notification de ce genre, nous nous serions opposés à l’exécution d’une mesure éminemment injuste.

Telle ville, dit-on, paie aujourd’hui 2 p. c. au-delà de ce qu’elle doit payer. Telle ville, au contraire, paie au-dessous. Admettons que cette assertion du gouvernement soit exacte. Il y aurait lieu de réparer cette injustice, lors de la formation des listes générales. Mais lorsque vous ne redressez que des erreurs partielles, vous bouleversez le contingent de toute une province sans aucun profit pour la généralité. Ainsi, lors de la péréquation générale, la ville de Gand, celle d’Anvers, etc., auraient pu se voir dégrevées, tandis qu’elles se trouvent surtaxées par une opération partielle. C’est ce qui donne lieu maintenant à des plaintes aussi graves que fondées. La mesure est arrivée à l’improviste, et outre qu’elle est inopportune, elle est illégale, puisque l’on n’a pas fait la péréquation des cantons entre eux.

Oui, dans mon opinion, la mesure est illégale ; c’est dans ce sens que je voulais faire des interpellations à M. le ministre des finances.

Examinons la question du cadastre d’un point de vue différent ; sa mise à exécution dans les circonstances actuelles où le pays se trouve. Qu’est-ce que l’application du cadastre à l’impôt foncier ? C’est un bouleversement total opéré dans la quotité de l’impôt payé par chaque particulier.

J’entends des personnes dire : C’est une opération d’une grande injustice. Je ne suis pas de cet avis. Je suis le premier à soutenir que si, quelques années après l’établissement d’un cadastre, l’on opère des rectifications sur des bases plus justes, plus équitables, il y a réparation d’injustices. Mais il est un principe positif en économie politique. C’est que les propriétés sont amovibles, c’est qu’elles passent de main en main tous les vingt ans. Voilà quarante années que les bases actuelles du cadastre sont établies. Depuis cette époque les propriétés foncières ont dû passer deux fois de main en main. Il n’existe plus actuellement une seule propriété dans les mains de ses premiers possesseurs, lorsque l’on mit à exécution la loi sur l’impôt foncier tel qu’il existe aujourd’hui.

- Plusieurs membres. - Qu’est-ce que cela fait à la question ?

M. Dumortier. - Maintenant, messieurs, je demanderai comment se formule la valeur des propriétés ? incontestablement sur le revenu, déduction faite de l’impôt que le gouvernement perçoit.

Ainsi, par exemple, la valeur des propriétés est formulée, aujourd’hui, non pas comme il y a 40 ans, mais sur le revenu de l’époque actuelle. Vous voulez améliorer le sort des cultivateurs. Je vous dis que vous ne l’améliorerez pas.

La valeur des propriétés est formulée sur le revenu de l’époque où nous sommes. Toutes les personnes qui ont des propriétés foncières, les ont acquises sous le régime de la législation actuelle. Elles ont donné un capital en raison du denier qu’elles reçoivent aujourd’hui. Ceci est incontestable. Si donc vous dégrevez l’impôt de l’une pour en surtaxer l’impôt de l’autre, vous ne réparez pas une injustice, puisqu’il n’y avait pas d’injustice, attendu que le capital d’achat avait été réglé d’après la valeur de la propriété sous la législation existante. Loin de là, vous créez une injustice ; car vous augmentez le denier de telle propriété, et vous diminuez celui de telle autre.

J’ai entendu dire : C’est le fermier qui paie. Il importe de dégrever le fermier.

Si cette particularité était exacte, il y aurait lieu d’y attacher une très grande importance. Mais comment les choses se passent-elles en réalité ? Il est vrai que c’est le fermier qui paie, mais il est vrai aussi que du jour que vous aurez diminué l’impôt foncier dans telle localité, le propriétaire augmentera aussitôt son bail dans la proportion de la diminution. Si la diminution est de 20 p. c., le propriétaire viendra dire à son fermier. Vous avez 20 p. c. de moins d’impôt à payer. J’augmente mon bail de ces 20 p. c. Il n’entendrait pas ses intérêts s’il ne le faisait pas. Ainsi, ce que l’on présente comme la réparation d’une injustice, n’est que la création d’une injustice nouvelle. Elle tend à dégrever telle province aux dépens de telle autre, à surtaxer tel propriétaire au profit de tel autre.

Vous conviendrez avec moi que, dans l’établissement du cadastre, l’on n’a pas assez tenu compte d’une chose que l’on n’aurait jamais dû perdre de vue, c’est la situation particulière des villes. Il résulte incontestablement des réclamations qui nous ont été adressées, que les villes sont surtaxées en comparaison des campagnes.

On aurait dû cependant faire entrer en ligne de compte dans l’établissement de l’assiette de l’impôt la position du fermier qui ne paie ni patentes, ni impôt personnel, ni portes et fenêtres, qui n’a en un mot à payer que son impôt foncier. Imposer aux villes le summum de l’impôt foncier, c’est commettre une grande injustice, c’est omettre l’une des principales considérations que l’on n’aurait jamais dû oublier.

Indépendamment des contributions que je viens d’énumérer, les villes n’ont-elles pas à payer les impôts d’octroi qui sont quelque fois très considérables ? Je sais bien que les revenus de ces impôts n’entrent pas dans le trésor public. Mais vous conviendrez que si ces villes établissent des impôts d’octroi, c’est pour servir de marchés aux campagnes. L’on aurait dû, en établissant la contribution foncière dans les villes, songer aux autres impôts qui pèsent sur elles. Il ne faut pas sous prétexte de justice commettre une véritable injustice.

Messieurs, vous avez vu dans cette discussion que l’on s’est plaint d’une chose en particulier, c’est qu’il s’était commis des grandes fautes relativement à la comparaison d’un canton avec un autre, que la péréquation avait démontré que des abus avaient existé.

N’en doutez pas, messieurs, lorsque l’on en viendra à l’application du cadastre de province à province, de semblables abus seront démontrés. Or, pour empêcher que ces abus n’existent, il eût été à désirer que le gouvernement n’eût pas mis trop de précipitation dans l’application d’une loi qui touche aux droits de propriété, que le gouvernement eût attendu l’avis des conseils que la loi provinciale doit créer dans chaque province : jusque là la mesure qu’il a prise est éminemment vicieuse. Je la signale comme telle.

Dans telle province, il n’y a plus aucun membre des villes pour représenter les villes dans la députation provinciale. Dans telle autre cette députation se trouve réduite à deux ou trois individus maladifs qui ne peuvent assister aux séances des états provinciaux. Depuis longtemps la chambre désire vivement voir mettre à exécution la loi provinciale que le pays réclame, dont la non-exécution tend à saper dans sa base toute l’organisation judiciaire.

Voilà un an entier que cette loi est votée et est arrêtée à l’autre chambre. Si la chambre connaissait son devoir...

M. Lardinois. - Ce n’est pas là la question.

M. Dumortier. - Vous ne savez pas ce que je vais dire. Quand j’aurai parlé, vous saurez si je suis dans la question.

Je dis que si la chambre connaissait son devoir, elle prendrait la résolution de n’envoyer à l’autre chambre aucune loi, jusqu’à ce qu’elle eût statué sur une loi constitutionnelle aussi urgente. Je dis donc pour mon compte que le gouvernement ne devrait pas mettre à exécution la loi du cadastre avant l’installation des conseils provinciaux et avant d’avoir obtenu leur avis sur ce point. Car, dans l’état actuel des choses, nos députations provinciales ne représentent rien. D’après la constitution, il n’y a plus d’ordre équestre. Cependant les députations contiennent de prétendus membres de l’ordre équestre, et présentent le maintien de distinctions contraires à la constitution. Je le répète donc, les députations provinciales ne représentent rien. Vous ne pouvez donner leur avis comme l’expression de l’opinion publique.

Je demande donc que l’on suspende les opérations cadastrales jusqu’à ce que les conseils provinciaux aient pu éclairer cette question par leur avis.

Quant aux 10 centimes additionnels, je dois à cet égard deux mots de réponse à M. le ministre des finances. Lorsque le gouvernement est venu nous demander cette augmentation d’impôt, j’ai été le premier à l’appuyer de tous mes moyens ; j’ai insisté pour qu’elle fût votée par la chambre. Pourquoi ? Parce qu’à cette époque on nous faisait entrevoir des éventualités de guerre immédiate. On venait de nous faire voir des rapports de généraux sur les dispositions que l’on prenait à la frontière et d’où il résultait qu’il pouvait y avoir danger réel pour le pays.

On pourrait aujourd’hui considérer tout cela comme de la fantasmagorie ; mais alors il n’en était pas ainsi, et il était du devoir de tout député de prêter appui au gouvernement, en lui accordant les fonds qu’il demandait.

Depuis lors, les craintes que l’on manifestait se sont dissipées en fumée ; jamais peut-être à aucune époque le pays n’a joui d’autant de calme et de sécurité qu’à présent.

Le ministère avait d’abord pris l’engagement que si la tranquillité continuait de régner entre la Hollande et la Belgique, il ne continuerait pas la perception de l’impôt. J’attendais l’exécution de cette promesse ; mais, d’après ce que vient de dire M. le ministre des finances, nous devons nous attendre au contraire à voir continuer la perception des 10 centimes additionnels. Cependant des plaintes s’élèvent à ce sujet dans le pays ; et il est de notre devoir de les faire cesser.

Mais, dit M. le ministre des finances, lorsque le budget est voté, cela n’a d’autre résultat que de faire arriver des fonds dans le trésor public ; il faut ensuite des crédits pour en faire l’application. Or ce sera à la législature à voir si elle veut voter ces crédits. Je répondrai à M. le ministre des finances que la législature est d’autant plus portée à accorder des fonds qu’elle en trouve dans le trésor public ; qu’elle consentira plus volontiers à des dépenses s’il y a de l’argent dans le trésor que s’il n’y en avait pas, et que ce n’est pas là répondre à la question.

Pour ma part, je déclare que puisque le gouvernement ne tient pas la promesse qu’il avait faite, je dépose sur le bureau un projet de loi ainsi conçu :

« Art. unique, A partit du 1er juin 1835, les 10 centimes additionnels établis par la loi du … cesseront d’être perçus. »

Voila la proposition que je dépose sur le bureau. Je demande que la chambre veuille bien en déclarer l’urgence, afin qu’elle puisse la voter avant sa séparation.

Je me résume.

En ce qui concerne les opérations cadastrales, je m’oppose à ce qu’il ne soit apporté aucun changement aux opérations faites précédemment, avant que les conseils provinciaux aient donné leur avis.

En ce qui concerne les 10 centimes additionnels, je dépose un projet de loi tendant à en faire cesser la perception à partir du 1er juin prochain. Le gouvernement aura perçu ainsi environ trois millions ; c'est bien assez pour les dépenses qu’il a faites jusqu’à présent.

M. Gendebien. - Depuis deux heures nous nous occupons du cadastre sans savoir où nous allons ni dans quel but nous parlons. Tout ce qui aura été dit n’est pas perdu. Cela nous fixe sur le vote à émettre au sujet de la proposition de M. Legrelle. Mais puisque cet honorable membre a formulé une proposition, je crois que nous perdons notre temps en continuant la discussion. Une proposition a également été faite par l’honorable M. Dumortier. Que la chambre décide le renvoi de ces deux propositions soit aux sections, soit à des commissions spéciales, et qu’après leur rapport on discute, rien de mieux. Les observations que l’on peut avoir à présenter trouveront leur place dans la discussion de ces propositions. Toute discussion relative à ces propositions me paraît inutile maintenant. Je demande que l’on passe à la suite de l’ordre du jour.

M. de Brouckere. - J’appuie la proposition de l’honorable préopinant. Je demande que les propositions de MM. Legrelle et Dumortier suivent la filière ordinaire, que les sections en autorisent la lecture, et qu’on s’en occupe dans les sections. Cependant je dois déclarer, avant que la chambre ferme la discussion, que je ne suis pas satisfait de ce qu’a dit M. le ministre des finances relativement à la contribution qu’il prélève sur tous les propriétaires. Je ne trouve pas cette perception suffisamment motivée.

Si M. le ministre des finances trouvait ce nouveau mode plus à propos, il était facile, lors de la discussion du budget, d’annoncer qu’il serait suivi. Mais non, c’est à l’improviste, sans avoir donne aucun avis aux propriétaires, qu’on les charge en masse de toute la contribution foncière, et qu’on leur laisse le soin d’en faire la répartition, les forçant ainsi indirectement à s’adresser aux employés des finances à l’avantage desquels se trouve prélevée une contribution subsidiaire. Cette manière d’agir est irrégulière ; et je ne suis nullement satisfait de ce que M. le ministre des finances a répondu aux observations que j’ai présentées sur ce point.

M. Eloy de Burdinne. - Je demande la parole pour répondre un mot à l’honorable M. de Brouckere, et lui faire remarquer qu’il n’y a rien de nouveau dans ce système qui consiste à imposer globalement au propriétaire la contribution foncière, et à lui faire payer 50 centimes par article quand il demande la division. C’est là un mode établi depuis 15 ou 20 ans.

- Plusieurs membres. - Non ! non !

M. Eloy de Burdinne. - je répète qu’il en est ainsi dans tous les cantons cadastrés. (Dénégations.) J’en appelle aux membres qui habitent des cantons cadastrés. Je défie que l’on prouve le contraire.

M. de Brouckere. - Ce que dit l’honorable M. Eloy de Burdinne est complètement inexact. Je ne sais ce qui se passe dans le village de M. Eloy de Burdinne (on rit), mais je sais ce qui se passe dans la Flandre orientale ; je viens de cette province, et je puis dire que le nouveau système introduit par M. le ministre des finances y soulève des plaintes générales.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - L’honorable préopinant parle toujours d’un nouveau mode de perception inventé par le ministre des finances. Mais le mode de perception que l’on emploie pour les 50 centimes dont il s’agit n’a pas été inventé par moi ; il est conforme à des règlements anciens qui prescrivent que dans tous les cantons cadastrés, comme l’a dit l’honorable M. Eloy de Burdinne, toutes les cotes soient réunies par propriétaire en un seul tout, et que le propriétaire qui veut la division des cotes doit légitimement supporter le paiement de cette légère indemnité.

Je n’ai donc fait que me conformer aux règlements ; et que l’honorable membre se rassure, ce n’est pas moi qui tenterai jamais d’imposer de mon chef, aux contribuables, aucune charge illicite, quelque minime qu'elle puisse paraître.

M. Liedts. - Malgré la proposition qui est faite de remettre la discussion sur le cadastre au moment où l’on s’occupe de la proposition de l’honorable M. Legrelle, je demanderai à la chambre la permission de répondre deux mots à ce qu’a dit M. le ministre des finances relativement à la Flandre orientale. (Parlez ! parlez !)

Lorsque j’ai pris la première fois la parole, j’ai dit à M. le ministre des finances qu’en supposant qu’il y eût eu légalité pour les autres provinces, il y avait illégalité pour la Flandre orientale, puisque là il n’y avait pas de péréquation provinciale, qu’il n’y avait qu’une péréquation par cantons, d’où il résultait des inégalités telles entre les divers cantons, que tandis qu’à Gand on payait 11 p. c, à Audenaerde on payait jusqu’à 20 et 23 p. c.

Qu’a répondu M. le ministre les finances pour justifier cette illégalité ? Il a dit que les opérations cadastrales n’étaient pas assez avancées dans le canton de Gand, pour que la péréquation provinciale pût avoir lieu. Voyons si ce fait est vrai.

Pour moi je le nie complètement, ce n’est là qu’un prétexte ; il est si peu vrai que les opérations cadastrales ne fussent pas terminées dans le canton de Gand, que le ministre a déclaré que la loi générale de péréquation était prête dans les cartons de son ministère. Or, si les opérations cadastrales n’étaient pas terminées dans le canton de Gand, le ministre ne pourrait pas présenter une loi générale de péréquation.

D’ailleurs, a ajouté M. le ministre des finances, je suppose que les opérations cadastrales eussent été terminées dans le canton de Gand, il y avait des circonstances politiques qui devaient détourner d’introduire la péréquation dans ce canton. Or, il est positif que cette considération est la seule qui ait empêché le ministre d’introduire la péréquation dans le canton de Gand. Mais je le demande, était-ce aux ministres à se constituer juges d’une considération politique ? Je suppose qu’il fût politique de ne pas trop heurter le canton de Gand ; le ministre était-il compétent pour le décider ? Ne devait-il pas s’adresser aux chambres pour avoir une loi spéciale relative à la Flandre orientale ?

Cette loi n’existant pas, je persiste à dire que le ministre des finances a méconnu le prescrit de la loi de 1802 qui lui ordonnait d’introduire dans toutes les communes de la Flandre orientale, comme dans les autres provinces, la péréquation cadastrale.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je tiens à justifier ce que ai eu l’honneur de dire qu’au commencement de l’année 1835, époque où il était indispensable de mettre en recouvrement les rôles de la contribution foncière, les opérations cadastrales n’étaient pas dans une situation qui permît d’opérer la péréquation provinciale.

Je demanderai à la chambre la permission de lui donner lecture d’un passage d’un rapport fait par le directeur des contributions de la Flandre orientale au gouverneur de cette province à propos d’une réclamation de la régence d’Alost, dont il a été question récemment dans cette assemblée.

Je n’avais pas engagé le directeur à faire ce rapport ; j’ignorais que le gouverneur de la province eût demandé son avis. Ce n’est que lorsqu’il a su par le Moniteur qu’il serait question ici d’interpellations relatives au cadastre, que ce directeur s’est empressé de me transmettre cette pièce. Voici un passage de ce rapport

« Il reste à examiner si au moment d’effectuer la sous-répartition du contingent total, assigné à la province pour 1835, entre les villes et communes qui la composent, les opérations cadastrales y étaient assez avancées pour que les mesures ordonnées par la loi du 20 mars 1813 pussent y recevoir leur exécution.

« Vous savez, M. le gouverneur, que la plupart des nouvelles matrices cadastrales n’ont été terminées et présentées à votre approbation que bien après l’époque de la souscription du contingent provincial de 1815, entre les villes et les communes.

« Aussi longtemps que ces matrices n’étaient pas confectionnées et arrêtées par vous, M. le gouverneur, on ne pouvait péréquationner les communes de toute la province entre elles ; c’est ce qui suit de la nature de la chose, et c’est ce qu’avait dit surabondamment M. le ministre des finances de France dans sa circulaire, aux préfets en date du 16 juin 1813, n°133, dont j’ai l’honneur de joindre une copie à la présente. Cette circulaire porte : « Ce travail (la péréquation entre les cantons cadastrés du département) n’est susceptible d’aucune difficulté et il doit comprendre tous les cantons qui se trouvent aujourd’hui définitivement cadastrés sur plans parcellaires, c’est-à-dire ceux dont toutes les matrices cadastrales sont faites et pour lesquels vous avez fait l’arrêté portant fixation des allivrements (Recueil méthodique, article 794).

« Si vous avez d’autres cantons où l’assemblée des délégués ait eu lieu, mais dont les opérations subséquentes ne soient pas encore terminées, il faut renoncer à les comprendre cette année dans la péréquation départementale. Lorsque les matrices de rôles seront faites, vous prendrez, comme à l’ordinaire, l’arrêté (article 794), et les rôles de 1814 seront expédiés d’après les nouveaux contingents qui résulteront de la nouvelle répartition cantonale. Ce ne sera que l’année prochaine qu’ils entreront dans la péréquation pour le recouvrement de 1815 ».

« C’était ainsi que le ministre des finances de France comprenait et ordonnait l’exécution des dispositions de la loi du 20 mars 1813. C’était d’ailleurs le seul moyen d’exécution possible, car la loi du 20 mars ne peut ordonner de se servir des pièces cadastrales pour peréquationner les communes que pour autant que les pièces cadastrales servant de base à cette péréquation existent au moment qu’elle doit s’établir ; or, ici les matrices n’étaient pas généralement confectionnées ni arrêtées lorsque la péréquation dut avoir lieu pour la sous-répartition du contingent provincial entre les villes et communes, et partant on a dû se borner à établir la sous-répartition et expédier les rôles d’après les nouveaux contingents qui sont résultés de la nouvelle répartition cantonale. Ce qui a eu lieu est parfaitement conforme aux dispositions et explications contenues dans la lettre du ministre, du 16 juin 1813. »

Mais, dit l’honorable préopinant, la preuve que les opérations cadastrales sont assez avancées pour que la péréquation provinciale ait pu avoir lieu, c’est que le ministre des finances ne fait aucune difficulté de reconnaître que le projet de loi de péréquation générale est prêt. Sans doute, ce projet de loi est prêt, et je le présenterais immédiatement, s’il était possible d’en obtenir immédiatement l’adoption. Mais les opérations cadastrales n’étaient pas, dans les premiers jours de janvier, au point où elles sont maintenant ; et cependant il fallait dès le commencement de l’année, sauf régularisation ultérieure, mettre en recouvrement les rôles de la contribution foncière.

Ici, je crois ne pouvoir mieux justifier ce que j’ai fait à l’égard de la province de la Flandre orientale, qu’en disant à la chambre ce que je répondais au comité de conservation au sujet de la question agitée en ce moment.

Voici ce que j’écrivais, le 8 janvier :

« M. le gouverneur,

« J’ai reçu la lettre qui a été adressée le 6 courant, par le comité de conservation remplaçant les états-députés de votre province, au sujet de la répartition du contingent de la contribution foncière de 1835.

« Appréciant les considérations et observations développées dans cette lettre, et qui tendent à faire modifier le principe émis dans ma dépêche du 31 décembre dernier, je ne crois pas devoir m’opposer à ce que le contingent actuel de chaque canton soit, pour le moment, réparti au prorata de l’allivrement cadastral entre chacune des villes et communes qui le composent, ainsi que le demandent les représentants de la dite province.

« Par ce moyen, et en attendant que la péréquation générale puisse être adoptée par la législature, ce qui, j’espère, aura lieu prochainement, les recouvrements, dont la rentrée régulière au trésor ne saura être suspendues, s’effectueront provisoirement d’après le matrices cadastrales et les contingents des villes et communes, ainsi que les cotisations individuelles, ne subiront de cette manière ni augmentation, ni diminution sensibles. Il serait possible d’ailleurs que la loi de péréquation générale, en fixant l’époque de son introduction, permît d’admettre le décompte de ces cotisations avec celles résultant de la péréquation définitive.

« Veuillez, M. le gouverneur, communiquer ce qui précède au comité de conservation, afin de donner une suite immédiate à l’objet de la présente. »

Vous voyez donc, messieurs, qu’on n’a pas placé la province de la Flandre orientale dans une position exceptionnelle, et que les instructions que j’ai données n’ont rien que de légal et de raisonnable. Vous voyez que ces instructions ne sont en rien contraires à ce que la péréquation générale place les habitants de cette province, même pour cette année, dans l’égalité proportionnelle de l’impôt foncier de tout le royaume.

Ceci prouvera, j’espère, à l’honorable député d’Audenaerde, que dans la Flandre orientale on n’a suspendu l’exécution d’aucune loi, et qu’on s’est borné à prendre des mesures provisoires pour assurer les rentrées du trésor jusqu’à ce qu’il fût possible de régulariser les choses par une loi.

M. Desmet. - Je demande la parole et je vous prierai de me l’accorder car je serai très court. D’ailleurs, je viens appuyer la motion d’ordre faite par l’honorable député de Mons, et, par la raison que la discussion qui a occupé toute la séance de ce jour devra nécessairement se renouveler quand on discutera le projet de loi sur la péréquation des provinces, que le gouvernement ne tardera, sans doute, pas à nous présenter. On doit même trouver très étrange que depuis longtemps il ne l’ait pas fait, tandis qu’au département des finances on a mis tant d’empressement à mettre à exécution le nouvel allivrement cadastral, qui cependant est généralement critiqué, et ce que le ministre doit savoir, et à organiser la conservation du nouveau cadastre, laquelle organisation, de la manière illégale qu’elle est commencée au département des finances, chargera encore une fois le pays d’une nouvelle administration qui sera très coûteuse, et dont il ne retirera aucune utilité, qui ne servira qu’à faire manger au râtelier du budget quelques privilégiés qui n’auront rien à faire.

Je ne veux dire que deux mots sur la question qui est en discussion, c’est uniquement pour prier M. le ministre des finances de me répondre positivement si le contingent par canton a été ou non augmenté par les opérations de la nouvelle répartition qui ont eu lieu dans la province de la Flandre orientale, en faisant remarquer à M. le ministre que la régence d’Alost se plaint que ce contingent a été augmenté pour le canton d’Alost, et dit positivement que la répartition cantonale a été faite arbitrairement.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je réponds positivement que, dans la province de la Flandre orientale, le contingent des cantons n’a pas été augmenté, et qu’il est resté le même que les années précédentes.

M. Desmet. - Alors je suis satisfait.

M. le président. - Je vais mettre aux voix le renvoi aux sections des propositions de MM. Legrelle et Dumortier.

M. Lebeau. - Je ferai observer que le renvoi en sections est de droit, et que le mettre aux voix ce serait mettre en question le règlement.

M. Dubus. - Il a été donné lecture des deux propositions faites à la chambre. Vous avez pu voir qu’elles ne contiennent rien d’inconvenant. Vous avez vu aussi qu’elles étaient relatives à des objets urgents. Dès lors pourquoi les renvoyer en sections afin qu’elles en autorisent la lecture ? Pourquoi plutôt la chambre ne s’en considérerait-elle pas comme saisie dès à présent ? Il conviendrait alors de les renvoyer à une commission avec demande d’un prompt rapport.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je n’insiste pas si la chambre veut autoriser immédiatement la lecture des propositions qui lui sont faites. Je crois cependant qu’il vaudrait mieux rester dans les termes du règlement. Les articles 34 et 35 sont ainsi conçus :

« Art. 34. Chaque membre a le droit de faire des propositions et de présenter des amendements. »

« Art. 35. Chaque membre qui voudra faire une proposition, la signera et la déposera sur le bureau pour être communiquée immédiatement dans les sections de la chambre.

« Si une section au moins est d’avis que la proposition doit être développée, elle sera lue à la séance qui suivra la communication dans les sections.

« Le président de chaque section transmettra l’avis de la section au président de la chambre. »

Voilà donc la marche ordinaire. Si la chambre a des motifs pour en dévier, je ne m’y oppose pas. Je ne prévois pas cependant quels motifs il y aurait pour cela.

M. Gendebien. - Il y a un motif légitime pour nous mettre au-dessus du règlement. Il s’agit d’arrêter la perception des 10 centimes additionnels à dater du 1er juin prochain. Or d’ici là nous n’avons pas beaucoup de temps. Je demande donc que la chambre, en raison de l’urgence, ordonne le renvoi direct des propositions à des commissions spéciales.

M. le président. - Je vais d’abord mettre aux voix la question du renvoi des propositions de MM. Legrelle et Dumortier, afin qu’elles en autorisent la lecture.

- Ce renvoi est ordonné après deux épreuves.

Clôture de la session parlementaire

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux) monte à la tribune et s’exprime ainsi. - Messieurs, le gouvernement, ayant acquis la conviction que l’époque très prochaine du renouvellement des chambres ne laisse pas d’espoir fondé de voir convertir en loi aucun des projets qui sont à l’ordre du jour, a pensé qu’il est plus convenable de clore la session, sauf à convoquer les chambres avant l’époque ordinaire de leur réunion.

Les propositions qui ont été énoncées aujourd’hui étaient imprévues ; toutefois elles ne nous ont pas paru de nature à devoir modifier la résolution que le Roi a sanctionnée et dont il m’a chargé de vous donner communication.

« Léopold, Roi des Belges,

« A tous présents et à venir, salut,

« Vu l’article 70 de la constitution ;

« De l’avis de notre conseil des ministres,

« Nous avons arrêté et arrêtons ce qui suit :

« Art. 1er. La session de 1834 de la chambre des représentants et du sénat est close.

« Art. 2. Le présent arrêté sera communiqué à la chambre des représentants et au sénat par notre ministre de l’intérieur.

« Donné à Bruxelles, le 14 mai 1835.

« Léopold.

« Par le Roi :

« Le ministre de l’intérieur, de Theux. »

(Un rire de surprise se manifeste sur plusieurs bancs).

M. le président. - Il est donné acte à M. le ministre de l’intérieur de la communication de l’arrêté royal de clôture de la session.

- La séance est levée.

(M. le ministre de l’intérieur, en descendant de la tribune, est entouré, ainsi que ses collègues, d’un grand nombre de députés qui semblent leur témoigner leur satisfaction de cette mesure).

Il est 3 heures et demie, l’assemblée se sépare.