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Chambre des représentants de Belgique
Séance
du lundi 31 août 1835
Sommaire
1) Pièces
adressées à la chambre, notamment acte constitutif de la société de l’industrie
cotonnière de Gand
2) Projet
de loi relatif à la transaction conclue avec les concessionnaires de la canalisation
de la Sambre (Fallon)
3)
Fixation de l’ordre des travaux de la chambre. A : Industrie cotonnière.
B : canalisation de la Sambre et situation de la société générale
vis-à-vis du trésor. C : droits d’entrée et transit du bétail. (A (Manilius, A. Rodenbach), B (Verdussen, Fallon, de Theux), A et C (Desmet), A (Pirmez, Dumortier, A. Rodenbach, Manilius, Desmaisières, Legrelle, A. Rodenbach, Lardinois, Lebeau, de Muelenaere, Rogier, Zoude, F.
de Mérode, Gendebien, de
Theux, Pirmez, Lardinois, Desmaisières, Zoude, Manilius), B (d’Huart, Lebeau, de Theux), A (Zoude, Lardinois, Zoude,
Dumortier, Desmaisières,
Lardinois, de Muelenaere,
H. Vilain XIIII)
4) Projet
de loi relatif au droit d’expulsion des étrangers (Fallon,
Jullien, Ernst, Dumortier, Gendebien, Ernst, Pollénus, Jullien,
Ernst, Trentesaux, Gendebien, Dumortier, Gendebien, de Theux)
5) Proposition
de loi relative au personnel du tribunal de première instance de Bruxelles
6)
Proposition de loi relative à la reconnaissance de la nationalité belge de
certains officiers nés Belges et ayant servi à l’étranger (+annulation de
l’élection du général Nypels) (F.
de Mérode, Gendebien, Dubus,
F. de Mérode, Gendebien, Dumortier, Liedts, Dubus, Fallon, Gendebien,
Dubus, Fallon, F.
de Mérode, de Behr, Dubus)
(Moniteur belge n°245, du 1er septembre 1835)
(Présidence de M. Raikem.)
M.
de Renesse procède à l’appel nominal à midi et demi.
M.
Schaetzen lit le procès-verbal ; la rédaction
en est adoptée.
M.
de Renesse lit l’analyse suivante des pièces suivantes envoyées à la chambre.
PIECES ADRESSEES A LA
CHAMBRE
« Le sieur Polea, instituteur, réclame l’intervention de la chambre,
pour obtenir une indemnité. »
______________
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux)
adresse à la chambre l’acte constitutif de la société de l’industrie cotonnière
de Gand, les arrêtés qui y sont relatifs, et le tableau des expéditions faites
à l’étranger par cette société.
PROJET DE LOI RELATIF A LA TRANSACTION CONCLUE AVEC LES CONCESSIONNAIRES
DE LA CANALISATION DE LA SAMBRE
M.
Fallon, rapporteur de la commission chargée d’examiner la transaction
conclue entre M. le ministre des finances et les concessionnaires de la
canalisation de
- La chambre ordonne
l’impression de ce rapport.
M.
Fallon, rapporteur. - La commission conclut à l’approbation de cette
transaction. Je suis persuadé que la chambre, dès qu’elle aura connaissance du
rapport, n’hésitera pas à s’occuper tout de suite de son examen. Je proposerai
donc de fixer cet examen, qui ne peut durer longtemps, après la discussion de
la loi sur les naturalisations.
FIXATION DE L’ORDRE DES
TRAVAUX DE LA CHAMBRE
M.
Manilius. - Dans la séance de vendredi dernier, la chambre a décidé
qu’elle examinerait la question de savoir quand serait fixée la discussion de
la loi sur l’industrie cotonnière, immédiatement après la distribution du
rapport. Cette distribution a eu lieu. Je viens rappeler à la chambre sa
promesse et demander que la loi dont je parle soit discutée après celle sur la
naturalisation.
M. le président. -
Je ferai observer que la chambre a déjà fixé l’ordre de ses discussions ainsi
qu’il suit :
1° L’examen du rapport
présenté par M. Dubus sur la proposition de M. de Mérode.
2° La loi sur les
naturalisations.
3° L’examen du rapport sur
la situation de la banque.
M.
A. Rodenbach. - Vendredi l’on a décidé que l’on ne fixerait la
discussion de la loi sur l’industrie cotonnière qu’après que la distribution du
rapport. Cette distribution a eu lieu ; il me semble que la proposition de
l’honorable M. Manilius doit être prise en considération. Voilà bientôt un an
que l’on remet toujours au lendemain la discussion de la loi sur les cotons. Il
me semble qu’il est urgent de fixer enfin cette discussion après celle de la
loi sur les naturalisations. Voilà des années que le provisoire dure. L’on ne
peut continuellement en reculer le terme. Personne dans cette chambre ne
s’opposera, je l’espère, à la juste demande de l’honorable M. Manilius.
M. Verdussen. - L’honorable M. Fallon
vient de déposer sur le bureau le rapport d’un projet de loi qui mérite selon
lui l’attention de la chambre. Quelque crédit que puisse avoir l’assertion de
l’honorable membre, je crois que l’assemblée doit attendre l’impression et la
distribution pour juger de l’importance de la loi et voir si elle mérite
d’obtenir la priorité sur la loi cotonnière.
Je propose en conséquence à
la chambre d’attendre l’impression du rapport de M. Fallon, pour en fixer le
rang de la discussion de ce rapport et de la loi sur l’industrie cotonnière.
M.
Fallon. - Je conviens que la chambre ne peut pas prendre une décision
sur la simple opinion d’un rapport. Mais il me semble qu’elle peut s’en
rapporter au gouvernement qui est à même de connaître le degré d’importance de
la loi. Je prierai M. le ministre de l'intérieur de vouloir bien faire savoir à
l’assemblée s’il est important que le gouvernement soit mis en situation de
pourvoir à l’exécution de la transaction qu’il a faite au sujet de
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Je désire certainement que la transaction relative à la canalisation de
M.
Desmet. - Messieurs, je viens appuyer la motion d’ordre de l’honorable
M. Manilius qui tend à s’occuper immédiatement de la discussion pour fixer le
jour où on commencera la discussion du projet de loi sur l’industrie
cotonnière, et je pense, messieurs, que nous ne pouvons en conscience refuser
encore une fois une solution à la question cotonnière, ni par une perfide fin
de non-recevoir fermer nos oreilles aux doléances des fabricants et des
ouvriers et les renvoyer chez eux avec des promesses qu’on ne croira plus et
qu’on ne devra plus croire ; si nous le faisions, on pourrait avec fondement
nous reprocher un déni de justice.
Non, messieurs, nous ne
pouvons certainement refuser une décision sur la question cotonnière, nous ne
pouvons la remettre à la prochaine session ; il est absolument nécessaire que
les fabricants sachent quel parti prendre avec le commencement de l’hiver, ils
doivent savoir s’ils peuvent ou non conserver leurs ouvriers. C’est surtout
nécessaire dans un moment que les laines de coton sont à un prix si élevé que
les bénéfices qu’offre la fabrication sont si minimes,
car les fabricants qui déjà n’ont pas de gains à attendre à cause de la cherté
de la matière première, ne se risqueront pas de continuer leur travail, quand
on les laisse dans l’incertitude si leur industrie recevra la protection dont
elle a besoin. Si donc nous voulons donner la décision qu’on nous demande dans
cette session, ne devons-nous pas attendre des calamités pour la classe
ouvrière, et ne devrons-nous peut-être pas nous faire de reproches pour ne pas
avoir pris en temps des mesures qui auraient pu les prévenir, et qui nous
auraient conservé une industrie qui donne le pain à un si grand nombre de
prolétaires et dont les frais généraux ont englouti tant de capitaux, et qui
tomberait en pure perte, si on ne leur donnait pas la protection dont elle a un
urgent besoin.
J’appuierai donc la motion,
et je ne doute pas que la chambre ne l’adopte, et ne fixe jour pour délibérer
sur le projet de loi sur l’industrie cotonnière ; il m’est assez indifférent
que cette délibération commence d’ici en huit on en quinze jours, il me suffit
qu’elle ait lieu pendant cette session et que la chambre donne sa décision
avant le commencement de l’hiver prochain afin que les industriels puissent prendre
un parti et sachent ce qu’ils auront à faire à l’égard de leurs ouvriers
pendant l’hiver.
On a parlé de
mettre à l’ordre du jour le projet de loi dont vient de faire rapport
l’honorable M. Fallon ; je ne voudrais pas m’opposer à la proposition qu’on a
faite à ce sujet, mais je dois observer à l’assemblée qu’il y a un projet de
loi présenté par M, le ministre des finances, qui exige urgemment d’être
discuté et voté, c’est celui qui concerne les droits à élever dans le tarif sur
les bestiaux qui de l’étranger entreront dans le pays ; car si on ne le votait
pas pendant cette session, mieux vaudrait de pas l’avoir présenté, car vous
sentez, messieurs, qu’elle va éveiller les étrangers et particulièrement les
Hollandais qui y trouveront un motif pour accélérer et augmenter les envois de
leur bétail dans le pays, et surtout que nous approchons de l’époque de l’année
où les bestiaux vont sortir des pâturages, où on les avait mis pendant l’été
pour s’engraisser. Je fais donc la proposition que ce projet de loi soit mis à
l’ordre du jour immédiatement, après celui sur le coton, et j’ose engager la
commission de l’industrie et du commerce â faire au plus tôt son rapport sur le
projet de loi sur le bétail étranger que la chambre lui a envoyé.
M. Pirmez. - Le rapport sur
l’industrie cotonnière nous a été distribué ; mais l’on ne doit pas vouloir que
nous discutions sans connaître ce que dira le gouvernement à l’égard de ce
projet. Les faits ont été présentés d’une manière inexacte par les rédacteurs
du rapport. Il faut que nous ayons le temps de les rétablir.
Je ne citerai pour exempte
que l’analyse des avis des chambres de commerce. Ces avis sont entièrement
dénaturés dans le rapport (réclamations)
; je soutiens qu’ils sont dénaturés et j’en
ai la preuve dans la manière dont est analysé l’avis de la chambre de commerce
de Charleroy, dont j’ai été le rédacteur. On n’en analyse qu’une seule phrase,
et cette phrase, on en pervertit le sens. Voici comment…
M. le président. -
Je prie M. Pirmez de vouloir bien parler sur la fixation de l’ordre du jour.
M.
Pirmez. - Je demanderai à M. le président la permission
de lui faire remarquer que je me renferme dans la question. Nous avons un très
grand intérêt à examiner si les faits sont présentés avec exactitude dans le
rapport. Il faut qu’on nous laisse pour cela le temps nécessaire, et nous
sommes d’autant plus fondés à demander du temps que nous avons sous les yeux la
preuve de la manière dont on a perverti dans la section centrale les avis des
chambres de commerce.
Nous avons donc raison de
demander du temps. Si l’on me défiait de prouver que l’on a dénaturé les avis
des chambres de commerce, je le démontrerais.
M.
Dumortier. - Je ne crois pas qu’il soit dans l’intention de la chambre
de chercher à enlever d’assaut une loi aussi importante que celle sur
l’industrie dite cotonnière. Discuter dès demain une loi semblable avant d’en
connaître les éléments, c’est, je le répète, l’enlever d’assaut.
M.
A. Rodenbach. On ne demande pas qu’on la discute demain. Il y a quatre
ans que l’on attend la loi.
M.
Dumortier. - Je prie M. Rodenbach de ne pas m’interrompre. Qu’il montre
à me laisser parler les mêmes égards que je mets à l’écouter. Il y a quatre
ans, dites-vous, que le pays réclame cette loi. C’est possible, mais il n’y a
pas vingt-quatre heures que le rapport nous a été distribué. De deux choses
l’une : ou vous avez tort ou vous êtes dans votre droit ; si vous êtes dans
votre droit, vous ne devez pas craindre que la chambre se prépare à la
discussion, si vous avez tort, nous voulons avoir le temps de pouvoir vous le
démontrer.
L’on veut faire entrer le
pays dans une voie tout à fait nouvelle, dans une voie de prohibition qui
pourrait avoir les conséquences les plus fâcheuses, non seulement pour
l’industrie cotonnière, mais même pour les autres industries des Flandres.
Je pense que les pays
voisins ne verront pas d’un œil impassible que l’on vienne prohiber chez nous
une partie de leurs productions.
Plusieurs voix. - C’est le fond.
M.
Dumortier. - Je ne sais pas pourquoi MM. les députes des Flandres prennent
â tâche de m’interrompre. Ils discutent sur le fond tout à leur aise et ne
veulent pas qu’on leur réponde. Cela n’est pas délicat.
Il importe, messieurs, de
ne pas précipiter la discussion de l’importante loi dont je vous parle. Une
autre raison doit nous y convier.
Que vous propose-t-on ? On
vous propose de frapper de prohibition tous les tissus de coton imprimés. Or,
messieurs, nous ignorons complètement si l’état de notre industrie est assez
avancé pour que nous puissions nous passer des impressions étrangères.
Eh bien, une occasion se
présente à MM. les prohibitionnistes pour nous prouver l’excellence de leur
système. Dans quelques jours l’exposition de l’industrie va s’ouvrir. Il y a
cinq ans qu’une pareille solennité n’a eu lieu en Belgique. Si vous ne
repoussez pas l’examen, si vous voulez franchement la discussion, attendez que
nous ayons été à même de juger de l’état de votre industrie. Précipiter la
discussion, c’est vouloir nous faire voter la loi sur l’enveloppe du sac. Je
demande que nous n’abordions la loi sur l’industrie, dite cotonnière, que 3 ou
4 jours après l’ouverture de l’exposition. La proposition que je fais est en
votre faveur ; car quand on vient de parcourir les produits d’une exposition,
on est épris de ce que l’on a vu, et l’on est prévenu en faveur des fabricants
qui ont créé ces merveilles.
Vouloir voter dès
aujourd’hui un semblable projet, lorsque nous n’avons pas la conviction que
vous pouvez avoir, c’est étrangler la discussion sur un objet de la plus haute
importance pour le pays. Un journal a publié ce matin…
Plusieurs membres. - C’est le fond.
M.
A. Rodenbach. - Je demande la parole sur le fond.
M.
Dumortier. - Un journal a publié ce matin une note remise par la Suisse
tendant à nous menacer de mesures réciproquement prohibitives si la Belgique
prohibait l’entrée des produits suisses.
Cette note, messieurs, a à
mes yeux une haute importance. Il n’est pas douteux, selon moi, que des notes
semblables n’aient dû être adressées ou ne soient bientôt adressées à notre
gouvernement par les puissances étrangères avec lesquelles nous vivons en paix
et qui ne peuvent voir qu’avec peine que nous prohibions leurs produits.
Tout commerce réside
essentiellement dans la réciprocité des échanges.
Evidemment les nations
étrangères prendront à notre égard les mesures prohibitives que nous adopterons
contre elles. Pour mon compte, je désire savoir si la note publiée ce matin
dans un journal est exacte. Si elle n’est pas inexacte, je prie M. le ministre
de vouloir bien nous le déclarer et nous dire en même temps s’il n’a pas reçu
de notes semblables. Cette question est de la plus haute importance. Il faut
savoir si les puissances avec lesquelles nous sommes en paix ne prendront pas
des mesures de représailles contre nous. Je demande dont que M. le ministre des
affaires étrangères s’explique à cet égard.
Je propose de fixer la
discussion du projet de loi sur l’industrie des cotons 4 jours après
l’ouverture de l’exposition.
M. A. Rodenbach.
- C’est nous renvoyer aux calendes grecques.
M.
Dumortier. - Il ne s’agit pas de calendes grecques. L’ouverture de
l’exposition est fixée par un arrêté. Si M. le ministre de l’intérieur le juge
convenable, il pourra avancer cette époque ; il ne faut pas vouloir emporter
d’assaut une pareille loi. Il faut laisser le temps aux 50,000 boutiquiers
qu’il y a en Belgique de se prononcer sur le projet de loi. Il sera impossible
aux intérêts opposés de se prononcer contre la loi si la discussion en est
entamée dès demain.
M.
Manilius. - Messieurs, le motif de l’empressement à en venir à une
discussion sur le fond même de la question est l’extrême urgence, la nécessité
d’empêcher qu’une loi antinationale continue à peser sur
Il n’est pas d’exemple
qu’un pays se soit constitué sans songer à une prompte révision des lois
douanières sur cette branche importante.
Le gouvernement des
Pays-Bas-ne datait que d’un an lorsqu’un tarif de douanes qui est encore le
nôtre aujourd’hui fut arrêté.
Le royaume de France qui
succéda à l’empire en 1813 fixa également son attention sur cette branche
importante du bien-être de l’Etat, et mit dès 1816 son tarif de douanes en
harmonie avec sa nouvelle circonscription territoriale.
La Prusse et la confédération germanique ne
tardèrent pas davantage, et la Belgique, dans la cinquième année de son
existence, est à peine au moment d’ouvrir une discussion pour faire une loi sur
une industrie d’une aussi grande importance. C’est vraiment inconcevable !
Je pense donc que la
chambre aura égard à l’extrême urgence de venir au secours de cette industrie
pas des mesures législatives, et fixera la discussion, comme j’ai eu l’honneur
de le proposer après la loi sur les naturalisations.
Je pense aussi qu’elle
considérera les renseignements et les investigations comme étant complètement
établis par l’avis des chambres de commerce, par l’enquête, par les travaux de
la commission spéciale, enfin par les documents nombreux qui lui ont été
soumis, et que rien ne l’arrêtera pour prendre une décision en faveur de ma proposition
et en conséquence de l’urgence que la chambre a déjà proclamée.
M.
Desmaisières. - Je n’imiterai pas l’honorable préopinant qui a parlé
avant le dernier ; je tâcherai du moins de ne pas l’imiter et de ne pas entrer
dans le fond de la question.
A cet égard il se passe une
chose très singulière dans cette enceinte. C’est que ce sont précisément les
membres qui ne cessent de dire qu’ils ne sont pas préparés pour la discussion,
que l’on ne peut entamer la discussion dans l’état d’ignorance où ils sont sur
la portée du projet, qui entrent à tout moment dans le fond de la discussion.
J’avais demandé la parole
vendredi dernier pour répondre à l’honorable M. Pirmez. Mais M. Gendebien ayant
présenté une motion d’ordre tendant à ajourner la fixation de l’ordre du jour
jusqu’à la distribution du rapport de la section centrale, n’ayant pas à
m’opposer à l’adoption de cette motion, et la chambre l’ayant adoptée, j’avais
renoncé à la parole, me réservant de la prendre aujourd’hui.
Voici les paroles
prononcées par l’honorable M. Pirmez, du moins telles que je les ai trouvées
rapportées dans le Moniteur. (Voir le
Moniteur du 28 août.)
Maintenant je vous prie de
me permette de vous citer également quelques lignes de l’avis de la chambre de
commerce de Charleroy. J’y lis :
« Le présent rapport,
rédige par M. Jean Pirmez, a été approuvé dans la séance du 20 avril
1835. »
Je ne serais pas étonné
qu’un membre nouveau auquel les questions d’industrie seraient totalement
étrangères, eût demandé le temps moral nécessaire pour prendre connaissance des
documents. Mais je ne puis m’expliquer cette demande de la part de l’auteur
d’un mémoire remarquable sur la matière.
Quant aux questions que
peuvent soulever les réclamations des nations étrangères, ce sont des questions
incidentes que chacun de nous pourra traiter lors de la discussion du fond.
Mais si la législature
reculait d’un seul jour la discussion de la question cotonnière, par la raison
que les puissances étrangères auraient envoyé à cet égard des notes
diplomatiques à notre gouvernement, je serais obligé de dire que la législature
se montrerait peu nationale. Quel reproche a-t-on fait à la loi sur les
étrangers ? L’on a dit que dans le moment où elle a été présentée, elle
semblait avoir pour résultat de satisfaire à des exigences venues de
l’étranger.
Eh bien, messieurs, ne
serait-ce pas prêter l’oreille aux exigences de l’étranger que d’ajourner la
discussion sur la proposition cotonnière ? Ne serait-ce pas là manquer au
mandat que nous tenons de la nation ? D’ailleurs, si des notes diplomatiques
ont été réellement adressées à notre gouvernement, cela vous prouve le bon
effet de la loi que nous vous avons présentée. Notre principal but a été de
provoquer un véritable traité de commerce avec les puissances étrangères et non
pas des négociations qui ne mènent à rien et qui ne terminent rien.
L’on nous dit d’attendre
l’exposition de l’industrie. Mais qu’est-ce que cette exposition nous apprendra
sur l’industrie cotonnière que nous ne sachions déjà ?
Elle nous apprendra que nos
industriels savent bien fabriquer ; mais nous apprendra-t-.elle quelque chose
de plus que les nombreuses enquêtes, que les nombreux avis des chambres de
commerce, que les renseignements qui ont été pris sur les lieux dans les
fabriques mêmes ?
Car il est bon de faire remarquer que quant à moi
je n’ai jamais cessé d’engager nos adversaires à venir visiter les fabriques de
cotons. Là vous auriez pu juger par vous-mêmes s’il y a nécessité de venir au
secours de ces établissements intéressants.
Messieurs, la chambre est
saisie de beaucoup de projets de loi. Si nous ne discutions pas la loi sur
cotonnière actuellement, il faudrait la discuter dans la prochaine session.
Alors on nous opposera la nécessité de donner la priorité à des lois que l’on
dira plus importantes, et nous serons véritablement renvoyés aux calendes
grecques.
Nous n’avons pas encore
voté de loi pour vérifier les comptes. Nous n’avons pas de loi de comptabilité
de l’Etat. Tout le commencement de la session prochaine sera nécessairement
occupé par l’examen de lois purement financières. Celle de l’industrie
cotonnière ne viendrait que fort tard.
C’est pour ces motifs que
je demande que l’on fixe à lundi en huit la discussion de la loi dont le
rapport vous a été distribué hier. (Appuyé.)
M.
Legrelle. - Quand la chambre a décidé qu’elle fixera le jour de la
distribution du projet de loi sur l’industrie cotonnière après la distribution
du rapport, elle s’attendait à trouver dans le rapport toutes les lumières
nécessaires pour entamer la discussion. Pour moi, je suis fâché de devoir le
dire, je trouve, comme un de mes honorables collègues, ce rapport empreint d’un
esprit de partialité qui ne me permet pas
d’y ajouter une foi entière. (Réclamations.)
Je ne trouve pas dans ce rapport tous les éléments désirables. Si chaque
opinion a le droit d’avoir son écho dans cette enceinte, je dois être entendu
comme les honorables préopinants. Le rapport ne me paraît pas donner les
lumières indispensables pour bien examiner le fond de la question. Dès la
première ligne du rapport, vous trouverez une contradiction flagrante.
M.
le président. - C’est le fond.
M.
Legrelle. - Je vois dans le début du rapport de grands mots sur la
détresse de l’industrie cotonnière. Et cependant, quelques lignes plus bas, il
est dit que les établissements que l’on représente comme étant dans un état
déplorable, se multiplient tous les jours.
Nous ne devons pas nous
hâter de discuter le projet de loi. La contradiction manifeste que présente le
rapport dès les premières lignes, doit nous faire désirer d’être entourés de
plus de lumières.
Quelques membres. - C’est une faute
d’impression.
M. Legrelle. -
Je reviens â la motion d’ordre. L’honorable M. Pirmez a dit que l’opinion de la
chambre de commerce de Charleroy avait été tronquée. Il y a d’autres chambres
de commerce dont l’avis n’a pas été reproduit avec exactitude. Je citerai
l’avis de celle d’Ostende. Il s’agit de savoir qui a
raison des chambres de commerce ou de la section centrale, et d’après l’esprit
de partialité qui domine dans son rapport… (Nouvelles
réclamations.)
M. le président. -
Je prie l’orateur de s’abstenir de semblables imputations.
M.
Legrelle. - Je termine et demande que l’on attende encore pour fixer le
jour de la discussion de la loi sur l’industrie cotonnière.
M. A. Rodenbach. - Je ne pense pas que la
discussion puisse se prolonger. Les honorables membres qui ont demandé la
parole, surtout l’honorable M. Dumortier, paraissent devoir se rallier à la
proposition de l’honorable M.
Desmaisières. Je répondrai à M. Legrelle que si l’analyse des avis des
chambres de commerce n’est pas exacte, comme ces avis ont été imprimés, l’on
pourra recourir au texte. Du reste, cela doit faire l’objet de la discussion du
fond.
M.
Lardinois. - Je me rallie à la proposition de l’honorable M. Desmaisières. Je ferai une autre
proposition. Vous savez que le rapport présente un système nouveau de
prohibition avec l’estampille et la visite domiciliaire. Il est important que
nous soyons au complet pour discuter d’aussi graves questions. Je désire donc
que le bureau veuille bien prévenir par lettres circulaires les membres absents
du jour de la discussion du projet de loi sur l’industrie cotonnière. (Appuyé.)
M.
Lebeau. - Je ne me propose pas de parler sur la fixation du jour
réservé à la discussion du projet de loi sur l’industrie des cotons. Tous les
membres de cette chambre semblent d’accord pour adopter le terme proposé par
l’honorable M. Desmaisières. Je
reviendrai sur ce qu’a dit l’honorable député de Tournay. Je parlerai d’une
note qui a été insérée ce matin dans un journal. Ceci n’est pas le fond. Car je
ferai remarquer que si la chambre n’a pas d’explications sur ce fait, les
interpellations renaîtront dès l’abord de la discussion sur le fond. L’on
viendra dire que des documents qui peuvent exercer sur la chambre une influence
très grande doivent être déposés sur le bureau.
Sans vouloir faire sortir le ministère de la ligne
de circonspection qu’il croirait devoir se tracer à l’égard de ses relations
avec les puissances étrangères, je demanderai si M. le ministre des affaires
étrangères ne pourrait pas nous faire connaître si la note insérée ce matin
dans un journal assez bien informé d’habitude est authentique. Je demanderai en
outre si l’annonce faite depuis longtemps dans les journaux par la publicité
donnée à nos discussions de l’adoption probable d’un nouveau système de douanes
en faveur de l’industrie cotonnière n’a pas éveillé les susceptibilités
d’autres puissances, et si d’autres notes n’ont pas été communiquées à notre
gouvernement. Je ne suis pas de l’avis d’un honorable préopinant. Tout aussi
jaloux que lui de l’honneur national, je ne crois pas cependant que l’honneur
national soit compromis si nous avons égard aux réclamations des pays avec
lesquels nous entretenons des relations commerciales. La note à laquelle je
fais allusion, si elle est authentique, ne porte aucune atteinte à
l’indépendance nationale. Il y est dit que des mesures de représailles seraient
prises dans le cas où
Je demande donc en me
résumant que toutes les pièces qui pourraient nous éclairer sur la portée de
notre vote soient communiquées, que M. le ministre des affaires étrangères
veuille bien nous déclarer, en supposant qu’il puisse le faire sans
inconvénients, si le document publié dans un journal de ce matin est
authentique, et si des documents d’une nature analogue n’ont pas été remis à
notre ministre à Paris par d’autres gouvernements.
M.
le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Je ne vois
aucune espèce de difficulté à déclarer que le document auquel on a fait
allusion est authentique. Je ne vois pas non plus de difficulté à déclarer que
le gouvernement doit s’attendre nécessairement à recevoir des notes analogues
de la part de tous les gouvernements dont le projet de loi pourrait léser les
intérêts. Je suis d’avis avec un honorable préopinant que le meilleur système
de commerce est celui qui est fondé sur une parfaite réciprocité. Mais il faut
qu’il y ait réellement réciprocité de la part des gouvernements étrangers
vis-à-vis de
Quelques voix. - L’industrie en général.
M. le ministre des affaires étrangères
(M. de Muelenaere). - De son industrie en général. Je ne parle pas
seulement de l’industrie cotonnière. Ce serait une grande imprudence de
compromettre de grandes industries du pays pour favoriser celle-ci. Mais je ne
vois pas que l’une soit favorisée aux dépens de l’autre. Chaque fois que l’on
agitera des questions d’industrie dans notre pays, elles seront de nature à
nuire à un pays étranger. Le gouvernement doit s’attendre à recevoir des
réclamations de la part des gouvernements étrangers. Mais il doit pouvoir leur
dire :
M.
Rogier. - Je demanderai l’impression des pièces authentiques. Je
demanderai également à la section centrale sur quels documents elle a fondé le
passage de son rapport où il est parlé d’un côté de la détresse des fabriques
de cotons, et de l’autre de leur tendance à se multiplier.
M. Zoude, rapporteur.
- Il y aurait évidemment de l’absurdité de la part du rapporteur de la section
centrale à tenir un langage aussi contradictoire, si l’on ne voyait qu’il y a
une faute d’impression dans le rapport et qu’au lieu de se multiplient, il faut lire se
multipliaient.
Quant à l’accusation de
partialité qu’on m’a lancée, je dirai qu’elle s’adresserait à toute la chambre,
puisque le rapporteur de la section centrale n’est en définitive que l’écho des
sections particulières et des résolutions de la section centrale.
Je répondrai à M. Pirmez que j’avais examiné en
détail les avis des chambres de commerce, mais que les ciseaux de censure de la
section centrale m’ont forcé d’écourter mon rapport.
M. F. de Mérode. - Sans nous arrêter à la
question de savoir si les mesures que l’on propose dans le rapport sont bonnes ou
non, il s’agit avant tout de discuter le projet.
Il n’y a pas de raison pour
que chaque fois que voudra fixer le jour de la discussion du projet de loi sur
l’industrie cotonnière, l’on ne nous dise qu’il faut attendre l’examen de
renseignements nouveaux. Je me prononcerai donc pour le terme demandé par
l’honorable M. Desmaisières.
M. Gendebien. - Je demanderai pour la huitième
ou dixième fois si le gouvernement ne nous dira pas quelle est son opinion dans
une question aussi grave. A l’exception des questions constitutionnelles, je ne
crois pas que vous ayez à discuter une question d’une plus haute gravité que
celle que soulève le projet de loi. Je déclare pour ma part que je ne
concevrais pas la conduite du gouvernement s’il continue à taire son opinion
sur un objet d’une aussi haute importance.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Je ne sais pas sur quoi l’honorable préopinant fonde son opinion que le
gouvernement ne se prononcera pas sur la question industrielle et commerciale
qui va être agitée dans cette chambre. Le gouvernement ne manquera pas de faire
connaître son opinion quand le jour de la discussion sera arrivé.
M.
Pirmez. - Je ferai observer à M. Desmaisières que les
chambres de commerce n’ayant eu sous les yeux que les mémoires des fabricants
de Gand et de Bruxelles, j’ai pu désirer connaître les documents publiés
depuis. Je répondrai à M. Zoude que ce dont je me plains c’est qu’il a dénaturé
sans le vouloir, je le crois, la pensée de la chambre de commerce de Charleroy
en lui faisant faire l’éloge du gouvernement hollandais, tandis qu’elle faisait
simplement allusion au système d’économie politique des Hollandais.
M. le ministre des affaires
étrangères a dit qu’il faut que la législature ne consulte que l’intérêt de
l’industrie nationale. Toute la question est de savoir ce que l’on entend par
l’industrie nationale. Je crois que la chambre doit agir dans l’intérêt de la
nation belge.
M. Lardinois. -
Il semblerait d’après l’aveu de M. Zoude que la section centrale a retranché la
plupart de ses développements. Il est évident que l’opinion des chambres de
commerce a été mal reproduite. Il y est dit que quatre chambres de commerce ont
voté contre le système de prohibition, tandis qu’il résulte du relevé des avis
que 12 sur 16 se sont prononcées contre la prohibition.
Il y a en outre dans ce
rapport plusieurs calculs qui auraient dû être vérifiés par des opérations
matérielles. Je demanderai si ces vérifications ont été faites.
Enfin, je demanderai la
raison de l’omission, dans la collection des pièces imprimées, d’une espèce de
préambule rédigé par la commission d’industrie de l’année passée. Je demande
que la chambre en ordonne l’impression.
M. Desmaisières. - L’honorable préopinant a
semblé vouloir faire entendre que les coupures opérées au rapport de M. Zoude
l’ont été dans l’intérêt du système prohibitif. Je lui répondrai que c’est sur
les observations de la minorité de la commission, que des passages, tous en
faveur de la proposition de loi, ont été retranchés du rapport.
J’ai oublié de répondre à
M. Dumortier qui nous reproche de vouloir enlever d’assaut la loi sur l’industrie
cotonnière. Nous ne voulons pas l’enlever d’assaut, nous ne voulons que faire
cesser le blocus qui pèse sur elle depuis 4 ans.
M. Zoude. - M.
Lardinois me demande si des vérifications matérielles ont été faites. Cet honorable
membre sait bien que de l’industrie existe encore à la chambre que les
échantillons envoyés par les fabricants y sont déposés avec des étiquettes
indiquant leur provenance, leur poids et leur valeur.
L’honorable membre lui-même
n’aura pas oublié qu’il a assisté à plusieurs de nos opérations. (Aux voix !)
M.
Manilius. - Je demanderai que l’on procède par appel nominal pour la
fixation du jour où l’on ouvrira la discussion sur le rapport de M, Zoude,
concernant l’industrie cotonnière. (Non !
non !)
- La chambre,
consultée, décide par assis et levé que l’ouverture de cette discussion aura
lieu lundi prochain.
M.
le président. - Un rapport a été présenté par M. Fallon sur la
transaction faite par M. le ministre de l’intérieur avec les concessionnaires
de la canalisation de
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Mais la
discussion du rapport sur la banque est fixée après les naturalisations ; on ne
peut pas ajourner cette discussion.
M.
Lebeau. - Lorsque M. d’Huart n’était pas à la chambre, M. de Theux a
dit qu’il y avait urgence de procéder à la discussion du projet de loi
concernant la canalisation de
Je suis persuadé qu’on
abordera dorénavant les dépenses avant les recettes : on ne doit pas voter au
hasard, en aveugle, les recettes ; il faut mettre un terme aux abus. Je demande
donc que la discussion du rapport sur la banque soit remise après la discussion
de la canalisation de
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Lorsque j’ai appuyé la proposition de M. Fallon, je ne savais pas que la
discussion de la loi relative à la canalisation de
- La chambre consultée décide qu’elle discutera le
projet relatif à la banque avant le projet relatif à la canalisation de
M.
le président. - M. Rogier a demandé l’impression des pièces transmises
par M. le ministre de l’intérieur ; comme il n’y a pas d’opposition, cette
impression est ordonnée. Une autre pièce est présentée par M. Lardinois.
M.
Zoude. - La pièce n’est pas datée, elle présente des ratures et des
surcharges qui ne sont pas approuvées ; je la crois apocryphe.
M.
Lardinois. - Je demande la parole pour un fait personnel. On prétend
que la pièce que je présente est apocryphe.
M.
Jullien. - Quelle pièce ?
M.
Lardinois. - C’est une pièce rédigée par l’ancienne commission de
l’industrie et qui était destinée à l’impression.
Messieurs, vous venez
d’entendre l’honorable rapporteur déclarer que la pièce dont je demande
l’impression est apocryphe ; je pense que M. Zoude ne comprend pas toute la
valeur de ce mot qu’il avance légèrement. Au reste, je déclare à mon tour que
cette pièce n’est ni fausse ni apocryphe et qu’elle se trouve signée par les
honorables députés MM. Davignon, Dumortier, Corbisier, Coghen, Smits, Eloy de Burdinne.
Je tiens ce
document de mon ancien et estimable collègue M. Davignon. Vous connaissez tous,
messieurs, sa sévère probité, et il est incapable de commettre une action qui
serait repoussée par la délicatesse.
J’ajouterai que M. Davignon avait, sur la décision de l’ancienne commission
d’industrie, dont il était président, remis cette pièce à l’imprimeur ; mais
elle en a été retirée, et savez-vous pourquoi ? C’est qu’on ne voulait pas
qu’on mît au jour la lettre des fabricants de Gand qui avaient refusé de se
rendre à l’enquête à laquelle ils avaient été invités.
D’après cette explication, vous pouvez, messieurs,
apprécier le mérite de l’accusation de l’honorable député de Neufchâteau.
M.
Zoude. - Je rends justice à l’intégrité et à la loyauté de notre ancien
collègue M. Davignon.
Toutefois la pièce est sans date ou plutôt la date en est effacée. Les
signatures et les ratures sont d’encres différentes, et je vois bien pourquoi
elle n’a pas été datée, (erratum inséré
au Moniteur belge n°248, du 4 septembre 1835 :) c’est que tous les
signataires n’étaient pas ce jour-là à Bruxelles.
M. Dumortier. -
Il me sera facile, en qualité de membre de l’ancienne commission d’industrie,
de donner des renseignements sur la pièce dont il s’agit. Vous vous souvenez
qu’au printemps dernier vous avez renvoyé à la commission d’industrie les
plaintes de l’industrie soi-disant cotonnière, afin qu’elle fît une enquête sur
ces plaintes. La commission adressa une circulaire aux principaux fabricants,
dans le but de constater, en les entendant, l’état réel de l’industrie
cotonnière. Les négociants de Gand, au lieu de se rendre au sein de la
commission, refusèrent de se présenter devant elle. Cette conduite fut trouvée fort
étrange, et la commission décida plus tard que l’on imprimerait, en tête des
documents qu’il fallait distribuer aux membres de la chambre, la circulaire
adressée aux principaux industriels de
M.
Desmaisières. - J’y venais â toutes les réunions.
M.
Dumortier. - L’honorable M. Davignon a remis
la pièce pour être imprimée, et nous ne savons pas comment elle n’a pas en
effet été imprimée. Deux fois elle a été envoyée à l’imprimeur et deux fois
elle a été retirée.
On prétend qu’elle est apocryphe ; quant à moi j’y
reconnais ma signature, et je suis persuadé que notre ancien et honorable
collègue n’a rien fait qui puisse blesser la délicatesse. Tous ceux qui l’ont signée
comme moi, la reconnaîtront ; et je demande avec M. Lardinois qu’elle soit
imprimée.
M.
Desmaisières. - Je voulais faire une motion d’ordre pour éviter cette discussion
que je ne qualifierai pas et qui me paraît au moins oiseuse ; comment discuter
en effet sur une pièce que l’on ne connaît pas ! Je demande, comme les autres,
qu’elle soit imprimée ; et que chaque signataire fasse connaître l’époque à
laquelle il a apposé sa signature. (La
clôture ! la clôture !)
M.
Lardinois. - Je voudrais faire remarquer que la pièce a été remise à la
fin de la session à l’imprimeur par M. Davignon, et
que M. Desmaisières l’a retirée de l’impression.
(Erratum inséré au Moniteur belge n°246, du 2 septembre 1835 :)
M. Desmaisières. - Je nie le fait. M.
Lardinois se trompe. J’ai pris communication d’une pièce autre que celle qu’il
vient de déposer et l’ai réadressée ensuite à M. Davignon avec une note. (La clôture ! la clôture !)
- La chambre ordonne
l’impression et la distribution de la pièce déposée sur le bureau par M.
Lardinois.
Sur la proposition de M. Lardinois, la chambre
décide encore que tous les membres de la chambre seront invités à venir prendre
part, lundi, à la discussion du rapport sur l’industrie cotonnière.
M. Lardinois. - M. le ministre des affaires
étrangères nous a déclaré que des notes lui avaient été remises de la part de
l’Helvétie ; je demande si ces pièces peuvent être déposées sur le bureau sans
inconvénient.
M.
le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - J’ai déjà
répondu indirectement à l’honorable membre, en disant que les pièces publiées
par un journal étaient authentiques.
M. H. Vilain XIIII. - Je demanderai
que l’on nous communique toutes les pièces que le ministre des affaires
étrangères aurait reçues des autres puissances.
M.
le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Il n’y a pas
d’inconvénient à faire cette communication.
PROJET DE LOI RELATIF AUX
DROIT D’EXPULSION DES ETRANGERS
Second vote des articles
M.
le président. - L’ordre du jour appelle le second vote sur la loi
relative aux expulsions.
Article
premier
M.
le président. - L’article premier est ainsi conçu :
« L’étranger résidant en
Belgique, qui par sa conduite compromet la tranquillité publique, ou qui a été
poursuivi ou condamné à l’étranger pour les crimes ou délits qui donnent lieu à
l’extradition, conformément à la lui du 1er octobre 1833, peut être contraint
par le gouvernement de s’éloigner d’un certain lieu, d’habiter dans un lieu
déterminé, ou même de sortir du royaume. »
M.
Fallon. - Avant de passer outre au second vote sur l’article premier,
il est indispensable d’avoir une explication sur la portée des mots, « par
sa conduite. » Les uns pensent que les étrangers ne pourront être expulsés
à raison de la conduite qu’ils avaient tenue hors de la Belgique ; les autres,
et je suis de ce nombre, pensent que la conséquence du rejet de l’amendement de
M. Pirson est que l’étranger peut être expulsé même pour sa conduite dans les
autres pays que le nôtre. C’est parce que j’ai cru que c’était dans ce dernier
sens qu’on devait interpréter la loi que, pour prévenir des abus, et pour ne
pas mettre le cabinet belge à la discrétion des cabinets étrangers, j’ai
demandé le contrôle plus efficace des chambres afin d’écarter tous ces motifs
vagues qualifiés de raisons d’Etat, motifs au moyen desquels la diplomatie
arrive indirectement à ce que l’on ne peut obtenir légalement. Je le répète, il
est nécessaire de savoir dans quel sens le gouvernement entend
ces mots, « par sa conduite. » Je crois que pour les faits qui se
passent en Belgique, le contrôle des chambres suffira toujours pour prévenir
les abus (et dans ce sens, je donnerais mon assentiment à la loi par suite des
explications qui ont été données à la séance précédente), mais que ce contrôle
sera insuffisant pour les faits qui se passeront en dehors.
M. Jullien. - Je regrette que l’on ait mis en
question ce que veut dire la loi en délibération, ce que veut dire cette
expression : « par sa conduite ». On demande si cela s’applique à la
conduite tenue au-dehors comme à la conduite tenue au-dedans ; mais, messieurs,
la loi parle français, et elle doit être comprise d’après les règles ordinaires
du langage.
« L’étranger, résidant
en Belgique, qui, par sa conduite... » ne peut
s’entendre que de l’actualité. Si l’on eût voulu entendre à une autre époque,
un autre temps que le temps actuel, on aurait employé une autre expression : on
aurait dit : « Celui qui, par sa conduite antérieure... » pourra être
expulsé. Selon moi, il est impossible de comprendre, l’article premier d’une
façon différence.
Il est vrai que les
ministres qui ont demandé l’arbitraire et l’arbitraire pur peuvent interpréter
autrement la loi ; quoi qu’il en soit, je suis convaincu que, par le rejet de
l’amendement de M. Pirson, la chambre s’est expliquée suffisamment. Ou ne peut
entendre que la conduite actuelle de l’étranger qui est sur notre territoire.
Cette interprétation est la seule qu’on doive admettre. Si cependant les
ministres avaient une arrière-pensée, je les prie de nous en faire part ; alors
on pourrait revenir sur la rédaction de l’article premier.
M.
Fallon. - J’ai adressé une interpellation aux ministres.
M. le ministre de la justice
(M. Ernst). - Le gouvernement n’interprète pas le vote de la chambre
sur l’amendement de M. Pirson comme vient de le faire le député de Bruges. Il
n’est pas possible de se méprendre sur la portée de la proposition du député de
Dinant. Son intention était de faire décider qu’on ne
pourrait expulser l’étranger que pour sa conduite en Belgique et non pour sa
conduite tenue en pays étranger, quand même par cette conduite, il
compromettrait la tranquillité publique dans notre pays. Or, la chambre a
rejeté cet amendement.
Messieurs, de quelque
manière que l’on entende la loi, c’est une erreur de dire que nous avons
satisfait aux exigences des puissances étrangères. La loi, celle sur les
expulsions comme celle sur les extraditions, est faite dans l’intérêt public ;
c’est ainsi que toute
Je n’ai pas d’autres
explications à donner. La loi est là ; et le contrôle de la chambre subsiste
dans toute sa force relativement aux applications qui en seront faites.
M.
Dumortier. - Il est impossible de se tromper sur ce que dit la loi, et
il est clair que l’observation faite par M. Fallon n’est pas fondée. De quoi
s’agit-il dans l’article premier ? De deux choses ; de l’étranger qui, par sa
conduite, compromet la tranquillité publique, et de l’étranger qui a été
condamné hors de
Mais, a-t-il ajouté, la
grammaire diplomatique pourrait n’être pas d’accord avec la grammaire
littéraire. C’est pour cela que je propose mon amendement. Car, à mon avis, la
rédaction primitive du gouvernement ne présente aucune ambiguïté et ne peut
être entendue que dans le sens que je veux préciser davantage par l’addition
que je propose.
Je pense, comme M. Pirson, que l’article ne
présente aucune ambiguïté, et d’après cet article, un étranger, quels que
soient les actes qu’on puisse lui reprocher dans un pays voisin, pourvu que ces
actes ne donnent pas lieu à l’extradition, s’il se conduit bien, s’il vient
pour se mettre à l’abri des tracasseries dont il a été l’objet, cet étranger ne
pourra pas être expulsé. Mais si un étranger, même non poursuivi dans un autre
pays pour faits politiques et ne se trouvant pas dans les cas d’extradition,
vient en Belgique pour y semer le trouble et la division, en un mot pour faire de la Belgique un foyer de
carbonarisme, le gouvernement l’expulsera, et il fera très bien. Il y aura
alors des actes qui donneront au gouvernement le droit d’expulsion. Je le
répète, l’étranger poursuivi pour faits politiques dans un pays voisin, qui se
rendrait en Belgique pour y vivre paisiblement, ne pourrait pas être expulsé en
vertu de l’article premier.
Si MM. les ministres ne
partagent pas cette opinion, ils feront bien de présenter un amendement,
maintenant qu’il en est temps encore, parce que le texte est trop clair.
M. Gendebien. - On ne peut laisser passer les
interprétations qu’on a données à cet art. 1er qui est extrêmement clair. Il
est évident qu’il ne peut être appliqué qu’à la conduite d’un étranger en
Belgique, et non à la conduite qu’un étranger aurait tenue avant d’y arriver.
Ce serait une monstruosité législative que de punir un crime ou un délit
politique commis sur un territoire. La législation de
On vous dit sans cesse : La
loi est faite pour le pays, uniquement pour le pays. Si elle est faite pour le
pays, c’est l’offense faite à la société belge qu’elle doit avoir pour but de
punir par l’expulsion ; à moins que vous n’ayez voulu faire une loi cruellement
préventive, une loi draconienne. Je ne conçois pas comment on peut étendre la
loi aussi loin.
Quoique mon vote ne soit
pas douteux, j’aime à savoir quelle sera la portée de la loi sur laquelle je
serai appelé à l’émettre.
M. le ministre de la justice
(M. Ernst). - Mon explication sera franche et précise. Suivant moi, un
étranger qui par sa conduite à l’étranger, compromet la tranquillité publique
en Belgique, tombe sous l’application de l’art. 1er. Comment, me dit-on, vous
allez punir un individu pour des faits qui se sont passes ailleurs ! Je
commencerai par faire observer qu’il ne s’agit pas de punir, mais de savoir
quel serait le droit du gouvernement à l’égard d’un étranger, résidant en
Belgique, qui irait dans un pays voisin se mettre en relation avec ces sociétés
de propagande qui portent le désordre partout, essaierait de désorganiser la
société belge comme la société française et compromettait la tranquillité
publique en Belgique. Il s’agit de savoir si nous aurions le droit ou non de
lui dire : Nous ne voulons pas de vous.
Il n’est aucun Polonais,
dit-on, qui ne soit exposé à être expulsé en vertu de cet article. Non. Les
faits qu’on peut imputer aux Polonais ne compromettent
pas et n’ont jamais compromis la tranquillité publique en Belgique. Vous ne
pouvez pas supposer qu’un ministère veuille être l’instrument des haines
étrangères et poursuivre dans les étrangers ce que vous honorez vous-mêmes dans
les Belges.
M.
Pollénus. - A mon avis, la contexture de l’article ne laissait pas le
moindre doute sur la manière dont il devait être entendu. Si le rejet de
l’amendement de M. Pirson peut être interprété de deux manières, si on peut
supposer qu’il a été rejeté parce qu’on voulait donner de l’extension à
l’article, ou parce qu’il faisait une redondance, il y a quelque chose de plus
explicatif, c’est le rejet de la rédaction de la section centrale. En effet,
que portait cette rédaction ? Que l’étranger qui compromettait la tranquillité
publique pouvait être expulsé.
L’honorable
rapporteur de la section centrale a soutenu que cette rédaction s’appliquait à
tous ceux dont la seule présence pouvait être considérée comme compromettant la
tranquillité publique. La chambre n’a pas admis ces considérations et a adopté
la rédaction du gouvernement comme offrant plus de garanties aux étrangers,
parce qu’elle présentait moins matière à arbitraire.
Maintenant j’avoue que
le sens que M. le ministre de la justice
vient de donner à l’article, n’est pas d’accord avec les expressions qui y sont
employées.
C’est à la chambre à voir
si la rédaction de l’article comporte l’interprétation qu’on lui a donnée.
Quant à moi, je ne le pense pas et je regrette beaucoup qu’on en ait agi ainsi.
M.
Jullien. - M. le ministre de la justice vient de vous dire que son
explication était franche et loyale. Si elle n’était pas franche, du moins elle
était claire. Il vous a dit que ces mots : « par sa conduite compromet la
tranquillité publique » s’appliquaient à la conduite tenue par l’étranger
antérieurement à son entrée en Belgique.
S’il en est ainsi, je
demande qu’on veuille bien changer la rédaction de l’article, parce qu’il est
impossible pour tout homme sensé, pour tout homme consciencieux- d’entendre par
les mots : « L’étranger résidant en Belgique qui par sa conduite compromet
la tranquillité publique, » autre chose que la conduite qu’il tiendra en
Belgique.
Votre loi est déjà
extrêmement sévère pour les étrangers ; si vous voulez la rendre plus sévère
encore, faites-le, mais alors employez d’autres expressions ; que votre loi ne
soit pas un piège tendu à l’étranger, avertissez-le qu’il faut qu’il renonce à
tous les principes du droit des gens, car quiconque a la moindre notion du
droit des gens, sait qu’on ne peut pas être poursuivi dans un pays pour des
faits qui se sont passés dans un autre pays. C’est là le droit des gens.
Il est possible que les
ministres le méconnaissent, et ils l’ont méconnu dans l’interprétation qu’ils
ont donnée à l’article premier ; mais vous ne pouvez pas imposer cette
ignorance aux étrangers. Tout étranger qui lira votre article, s’il est
Français, ou qui se le fera traduire, s’il est d’une autre nation, aura la
conviction qu’il ne peut être exclu que dans le cas où par sa mauvaise conduite
il troublerait l’ordre public.
Eh bien ! si malgré sa bonne conduite vous excluez cet étranger et
qu’il vous dise : Qu’est ce que j’ai fait pour encourir cette expulsion ? je me
suis soumis à vos lois, j’ai donc rempli, en ce qui concerne les conditions du
contrat que j’ai fait avec vous en mettant le pied sur votre territoire ; je
vous dédie de me faire un reproche, vous lui répondrez : Nous savons que depuis
que vous êtes en Belgique, vous avez été parfaitement tranquille, que vous avez
vécu paisiblement parmi nous, que vous êtes estimé de tous ceux qui vous
connaissent ; mais nous en sommes fâchés, vous avez eu une mauvaise conduite à
Paris, en Angleterre, en Italie. C’est pour cela que nous vous excluons.
On ne conçoit pas que
pareille chose puisse être proposée à une assemblée d’hommes ayant quelques
notions du juste et de l’injuste.
Je ne vous empêche pas de
rendre votre loi plus rigoureuse encore qu’elle ne l’est, mais alors rédigez-la
autrement afin qu’elle ne soit pas un piège pour l’étranger.
M. le ministre de la justice
(M. Ernst). - Nous ne voulons ni surprendre les étrangers, ni leur
tendre des pièges. La loi est juste comme on vous l’a dit, car vous avertissez
les hommes qui viennent paisiblement en Belgique, qu’ils n’ont rien à craindre
; c’est contre les anarchistes, les malhonnêtes gens, les escrocs, les
faussaires, que la loi est dirigée. On ne peut dire avec raison que cela soit
contraire au droit naturel et au droit des gens.
Qu’a dit encore l’honorable
préopinant ? que l’interprétation grammaticale ne
s’accorde pas avec le sens que j’ai donné à la disposition. Il me sera permis
de n’être pas de son avis.
Un étranger résidant dans
le pays, qui y établira ou entretiendra des relations avec des anarchistes, qui
ira se concerter avec eux, et par ces faits compromet la tranquillité publique,
tombe sous l’application de l’art. 1er. C’est évident.
Encore une fois les
étrangers paisibles n’auront rien à craindre de cette loi. On ne pourra
expulser que celui qui compromet la tranquillité publique. Celui qui
compromettra la tranquillité publique saura à quoi il s’expose par ce fait.
M.
Trentesaux. - Je ne conçois pas la difficulté qu’on élève contre la
rédaction de l’art. 1er. Elle me paraît on ne peut pas plus nette. Je prends la
loi telle qu’elle est, ut scripta est
:
« L’étranger résidant
en Belgique, qui par sa conduite compromet la tranquillité publique,
etc. »
On a mêlé à la discussion le nom de M. Guinard, mais c’est à tort, car il n’est pas dans la
catégorie prévue par le projet dont nous nous occupons, car Guinard
n’était pas un résidant, mais un arrivant.
Je prends, dis-je, la loi
telle qu’elle est écrite. M. le ministre me répond affirmativement. Ainsi
l’étranger résidant en Belgique, qui par sa conduite compromet la tranquillité
publique, voilà bien quelque chose d’actuel. Je n’ai plus qu’à interroger ma
conscience. L’étranger résidant en Belgique, qui par sa conduite compromet la
tranquillité publique, convient-il qu’il puisse être contraint à changer de
résidence et même à sortir du royaume ? Je me pose cette question telle qu’elle
est écrite, ma conscience me répond oui. Je me pose ensuite cette autre question
: cette disposition enfreint-elle un article de la constitution ? Aucun, car
cette disposition rentre dans l’exception que la constitution a autorisée.
Je ne vois donc nul motif
pour ne pas adopter cette loi, et je l’adopte sans scrupule.
M. Gendebien. - Ce n’est pas là la question. Le ministre
prétend qu’il résulte de cet art. 1er qu’il a le droit d’expulser un étranger,
non pas pour sa conduite en Belgique, mais pour sa conduite antérieure dans le
pays d’où il vient.
M.
Trentesaux. - Il est très possible qu’étant résidant en Belgique il se
soit entendu avec des étrangers, et de manière à compromettre la tranquillité
publique en Belgique.
M.
Gendebien. - Mais là encore c’est sa conduite pendant qu’il réside en
Belgique.
M.
Dumortier. - Comme auteur de l’amendement, je demande à présenter
quelques observations.
Je ne comprends pas qu’on
puisse élever des doutes sur la portée de l’article. Je suis d’accord avec la
dernière explication donnée par M. le ministre de la justice.
L’article commence par ces
mots : « L’étranger résidant en Belgique qui par sa conduite compromet l’ordre
public.. » Si vous rapprochez cette disposition de la seconde, « ou qui a été
poursuivi ou condamné à l’étranger pour des crimes et défis qui donnent lieu à
l’extradition, » il sera évident pour tous qu’on ne peut avoir entendu
parler que d’un étranger qui par un fait actuel compromettrait la tranquillité
publique.
Dans un cas semblable, le gouvernement doit être
investi du droit d’expulsion. Un étranger résidant dans le pays a pu nouer à
l’étranger des relations qui compromettent la sûreté de l’Etat. Il faut donc
que les faits soient présents. Mais il n’est pas nécessaire qu’ils se passent
exclusivement en Belgique.
Si MM. les ministres ne
trouvent pas que l’article exprime cela d’une manière assez claire, comme je le
leur ai déjà dit, qu’ils présentent un amendement.
M.
le ministre de la justice (M. Ernst). - C’est assez clair pour nous.
M.
Gendebien. - Je vais poser une question aux ministres.
Si un échappé de
Ste-Pélagie venait en Belgique, qu’il se conduise bien et de manière à ne
blesser la susceptibilité de personne, serait-il expulsé ?
M.
Trentesaux. - Pas en vertu de cette loi.
M. Gendebien. - Nous sommes d’accord, mais je
ne sais pas si vous et moi, nous ne sommes pas en désaccord avec les ministres.
Un homme qui se rendrait en Belgique pour éviter une condamnation politique,
serait-il expulsable alors qu’il s’y conduirait
paisiblement ? Si le gouvernement français par des voies diplomatiques vous
annonçait qu’il s’est conduit comme un républicain, comme un saint-simonien,
enfin suivant une opinion qui pas admise par le gouvernement français...
M.
Jullien. - Un carliste.
M.
Gendebien. - Oui, un carliste même ; je demande si de ce chef vous
croyez avoir le droit de chasser cet étranger, oui ou non.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- J’ai déjà déclaré quels étaient les
principes qui m’avaient guidé en ce qui concerne Guinard.
Je dirai de nouveau que si des cas analogues se présentaient, je consulterais
les intérêts de
M.
le président. - Je vais mettre aux voix l’article premier.
« Art. 1er.
L’étranger résidant en Belgique, qui,
par sa conduite, compromet la tranquillité publique ou qui a été poursuivi ou
condamné à l’étranger pour les crimes ou délits qui donnent lieu à
l’extradition, conformément à la loi du 1er octobre peut être contraint, par le
gouvernement, de s’éloigner d’un certain lieu, d’habiter dans un lieu
déterminé, ou même de sortir du royaume. »
- Adopté.
Articles 2 à 7
« Art. 2. Les dispositions
de l’article précédent ne pourront être appliquées aux étrangers qui se
trouvent dans un des cas suivants, pourvu que la nation à laquelle ils
appartiennent soit en paix avec
« 1° A l’étranger
autorisé à établir son domicile dans le royaume ;
« 2° A l’étranger
marié avec une femme belge dont il a des enfants nés en Belgique pendant sa
résidence que dans le pays ;
« 3° A l’étranger
décoré de la croix de fer. »
- Adopté.
« Art. 3. L’arrêté
royal porté en vertu de l’art. 2 sera signifié fié par huissier à l’étranger
qu’il concerne.
« Il sera accordé à
l’étranger un délai qui devra être d’un jour franc au moins. »
- Adopté.
« Art. 4. L’étranger qui
aura reçu l’injonction de sortir du royaume, sera tenu de désigner la frontière
par laquelle il sortira ; il recevra une feuille de route réglant l’itinéraire
de son voyage et la durée de son séjour dans chaque lieu où il doit passer.
« En cas de
contravention à l’une ou l’autre de ces dispositions, il sera conduit hors du
royaume par la force publique. »
- Adopté.
« Art. 5. Le
gouvernement pourra enjoindre de sortir du territoire du royaume à l’étranger
qui quittera la résidence qui lui aura été désignée. »
- Adopté.
Ces trois articles
n’avaient pas été amendés.
« Art. 6. Si l’étranger
auquel il aura été enjoint de sortir du royaume rentre sur le territoire, il
pourra être poursuivi, et il sera condamné, pour ce seul fait, par les
tribunaux correctionnels, (Erratum inséré
au Moniteur belge n°246, du 2 septembre 1835 :) à un emprisonnement de
quinze jours à six mois, et à l’expiration de sa peine il sera conduit à la
frontière.
- Adopté.
« Art. 7. La présente loi
ne sera obligatoire que pendent trois ans, à moins qu’elle ne soit
renouvelée. »
Cet article n’avait pas
subi d’amendement.
Vote sur l’ensemble du
projet
On passe au scrutin sur
l’ensemble de la loi.
En voici le résultat :
Nombre des votants, 74.
Pour l’adoption 64.
Contre 10.
En conséquence le projet de
loi est adopté.
Il sera transmis au sénat.
Ont répondu oui : MM.
Bekaert, Berger, Bosquet, Dequesne, Coghen, Cols, Coppieters, Cornet de Grez, Demonceau, de Behr, Keppenne, Andries, de Jaegher,
Stas de Volder, de Meer de Moorsel, F. de Mérode, W. de Mérode, de Muelenaere,
de Nef, de Renesse, de Roo, Dechamps, de Sécus, Desmaisières, Desmanet de
Biesme, Desmet, de Terbecq, de Theux, d’Huart, Doignon, Mast de Vries, Donny,
Dubois, Dubus, Pirmez, Dumortier, Ernst, Hye-Hoys, Lardinois, Lebeau, Legrelle,
Milcamps, Morel-Danheel, Nothomb, Polfvliet, Pollénus, A. Rodenbach, C.
Rodenbach, Rogier, Schaetzen, Simons, Smits,
Trentesaux, Troye, Ullens, Vandenhove, Vanderbelen, Scheyven, Lejeune,
Verdussen, Verrue-Lafrancq, C. Vuylsteke,
Zoude et Raikem.
Ont répondu non : MM.
Vandenbossche, d’Hoffschmidt, Frison, Gendebien, Jadot, Jullien, Liedts, Seron,
Vanden Wiele.
M.
le président. - M. H. Vilain XIIII qui s’est abstenu est invité, aux
termes du règlement, à énoncer les motifs de son abstention.
M. H. Vilain XIIII. - Je me suis
abstenu parce que le ministre n’a pas voulu s’expliquer d’une manière précise
sur le sens qu’il entendait donner à l’art. 1er, si par les mots : « qui
par sa conduite compromet la tranquillité publique, » il entend la
conduite de l’étranger pendant qu’il était dans un autre pays ou pendant qu’il
était en Belgique.
M.
Gendebien. - Je demande que mon vote négatif soit inséré au
procès-verbal.
M.
le président. - Le vote négatif de M. Gendebien sera inséré au
procès-verbal.
PROPOSITION DE LOI RELATIVE AU PERSONNEL DU TRIBUNAL DE PREMIERE
INSTANCE DE BRUXELLES
M.
le président. - L’ordre du jour est la discussion de la proposition de
M. Bosquet.
Personne ne demandant la
parole dans la discussion générale, on passe immédiatement à la discussion des
articles.
« Art. 1er. Il y aura
un tribunal de première instance de l’arrondissement de Bruxelles, un deuxième
vice-président, sans augmentation du personnel actuel. »
- Adopté.
« Art. 2. La première
nomination sera faite directement par le Roi. »
- Adopté.
La chambre procède à
l’appel nominal sur l’ensemble du projet. Les 71 membres présents votent pour
l’adoption. En conséquence le projet est adopté ; il sera transmis au sénat.
PROPOSITION DE LOI RELATIVE A
Discussion générale
M.
le président. - M. F. de Mérode se rallie-t-il aux conclusions de la
commission chargée de l’examen de sa proposition ?
M.
F. de Mérode. - Non M. le président. Je demande la parole.
M.
le président. - La parole est à M.
F. de Mérode.
M.
F. de Mérode. - Messieurs, je viens m’opposer aux restrictions présentées
par le projet de la commission chargée de l’examen de ma proposition concernant
les Belges qui ont été au service militaire de puissances étrangères.
Je vous ai soumis un projet
équitablement conçu non seulement en faveur des individus nés Belges qui, ayant
été au service militaire de puissances étrangères, sont rentrés en Belgique
avant le 1er janvier 1833, ont combattu pour la cause de la révolution ou bien
ont pris du service dans l’armée nationale, et ont depuis lors continué de
résider en Belgique, mais un projet plus large conçu en faveur de tous les
Belges de naissance qui par l’effet des vicissitudes politiques auxquelles
notre pays a été exposé sont restés plus ou moins longtemps au service de
nations dont la Belgique avait fait partie.
Je vous prie de remarquer,
messieurs, qu’avant la question qui s’est élevée dans cette chambre sur la
validité de l’élection du général Nypels, l’art. 21
du code civil n’avait été appliqué à personne depuis 1814, ni pendant toute la
durée du royaume des Pays-Bas, ni depuis la séparation de
Messieurs beaucoup de
Belges ont continué à servir militairement en Autriche sans l’autorisation du
chef du gouvernement français, lorsque
Je le demande, jusqu’au
jour où l’élection du général Nypels a été un objet
de contestation dans cette enceinte, personne a-t-il songé à opposer l’art. 21
du code civil aux Belges qui se trouvaient sur les rangs aux élections de
bourgmestres, d’échevins, de membres des conseils communaux ? Vous avez
peut-être dans vos villes et vos villages des centaines d’individus qui, pour
être demeurés quelques années, quelques mois, quelques jours au service
d’Autriche ou de France, tombent par ce fait sous le coup de l’art. 21. Songez
que plusieurs de vos cantons sont restés français pendant un an après la
première invasion de la France en 1814, que plusieurs de vos compatriotes ont
même porté la cocarde française, en vertu du traité de Paris, et que s’ils sont
aussi demeurés un mois, une semaine de trop sous le drapeau de Louis XVIII,
l’art. 21 peut leur être appliqué.
Ensuite cet art. 21 parle
d’affiliation à une corporation militaire quelconque. Un Belge revenu dans son
pays actuellement, mais qui a résidé en France pendant que
Vous voyez, messieurs, que
des contestations sur les droits politiques et civils de beaucoup de personnes
jusqu’ici considérées comme indigènes peuvent s’élever ultérieurement si vous
n’y coupez court en adoptant purement et simplement le système établi dans les
articles 1er et 2 de mon projet, exprimé en termes simples et clairs que je
vais vous relire.
« L’article 21 du code
civil ne sera pas appliqué aux Belges de naissance qui ayant été au service de
puissances étrangères, sont rentrés en Belgique avant la publication de la
présente loi.
« Sont exceptés de la
disposition qui précède, les Belges restés après le 1er août 1831 au service
d’une puissance en guerre avec la Belgique. »
Cette exception me paraît
la seule nécessaire,, la seule convenable. Il est
évident que l’art. 21 du code, jamais appliqué depuis 20 ans aux Belges restés
plus ou moins longtemps au service d’Autriche et de France et rentrés dans le
royaume des Pays-Bas ou en Belgique ; il est évident, dis-je, que cet article,
maintenu pour le passé comme pour l’avenir, serait d’une rigueur excessive et
incompatible avec la révolution de 1830, qui met la Belgique dans un état de
complète indépendance, état dont elle n’a pas encore joui et auquel tous les
Belges qui veulent en jouir doivent pouvoir participer.
Remarquez, messieurs, que
les Belges rentrés du service militaire étranger n’ont pas d’autre nationalité
que la nôtre : il ne suffit pas, en effet, d’avoir servi en France pour être
Français ; il faut pour obtenir cette qualité être admis à la naturalisation.
Et les Belges ci-devant militaires au service étranger qui n’ont pas été
naturalisés dans le pays où ils servaient, ou qui, à l’exemple du général Nypels, ont fait la déclaration voulue par l’art 18, se
trouveraient maintenant sans patrie quelconque si ma proposition n’était pas
adoptée. Ils seraient frappés d’une peine légale peut-être aux yeux des
personnes qui s’attachent au texte plus qu’à l’esprit des lois, mais
certainement injuste et cruelle pour des hommes dont le pays natal a été soumis
à tant de vicissitudes, et de changements de domination ; la commission
restreint la disposition équitable et que je vous soumets aux Belges qui sont
revenus aider à la délivrance de leur ancienne patrie, et à ceux qui plus tard
ont répondu à l’appel du gouvernement du Roi et ont dès lors consacré au
service du pays les talents et l’expérience qu’ils avaient acquis à l’étranger.
Quant à ceux qui appartiennent à une classe nombreuse que j ai indiquée plus
haut, la commission les laisse sans patrie jusqu’à ce qu’on examine les droits
individuels de chacun à la naturalisation
D’abord, messieurs ; la
naturalisation est un acte du pouvoir législatif, et ce pouvoir a des questions
plus pressantes à décider que des questions de personnes. Simplifier ses
travaux, ne pas les augmenter sans nécessité, est déjà une mesure infiniment
utile. Ensuite je dirai à la commission dont M. Dubus a été rapporteur :
Pourquoi voulez-vous qu’un Belge ex-militaire autrichien, et qui par habitude,
par attachement au souverain que ses pères avaient servi, attachement sucé avec
le lait, n’a pas voulu quitter le drapeau des armées impériales avant 1814,
pourquoi voulez-vous que ce Belge qui peut-être a exercé des fonctions
municipales dans sa commune, ou a siégé dans les états provinciaux sous le
gouvernement des Pays-Bas, lequel n’appliquait par géométriquement l’article 21
du code, pourquoi voulez-vous que ce Belge soit exclu du bénéfice de l’article
que je propose ? Pourquoi voulez-vous qu’un autre Belge, ex-conscrit français
qui n’a pas quitté le drapeau de
M.
Gendebien. - Sans adhérer aux développements auxquels s’est livré
l’honorable M. F. de Mérode, je dirai que je suis de son avis ; je pense que
son projet vaut mieux que celui de la commission. On peut adopter le projet de
la commission si on le restreint au paragraphe premier de l’art. 1er. Mais je
crois qu’il ne faut pas aller plus loin.
De quoi s’agit-il ? d’interpréter, de neutraliser si vous voulez l’art. 21 à
l’égard des Belges qui ont été au service de puissances étrangères. La question
est dans des termes bien simples. Il ne s’agit pas d’établir des catégories.
Nous devons envelopper dans une même disposition tous les Belges qui ont été au
service de puissances étrangères. Dans le fait, depuis 40 ans,
Vous devez donc adopter
soit le premier article proposé par M. de Mérode, soit le premier paragraphe de
l’article premier de la commission. Mais vous ne pouvez adopter le deuxième paragraphe
de cet article. Voici ce paragraphe :
« § 2. Les habitants
des provinces septentrionales de l’ancien royaume des Pays-Bas, qui étaient
domiciliés ou qui sont venus demeurer en Belgique avant le 7 février 1831, et
qui ont depuis lors continué d’y résider. »
Vous voyez que c’est une
naturalisation en masse que vous allez accorder, en maintenant ce deuxième
paragraphe. Il y aura dans votre loi une véritable anomalie ; car elle
comprendra deux dispositions hétérogènes. Or, il faut de l’homogénéité dans une
loi.
Vous faites une loi pour
interpréter l’art. 21 du code civil ; et dans cette loi vous inséreriez une
disposition de naturalisation, et de naturalisation en masse ? Cela ne se peut.
Quand devrez-vous le faire ? Quand vous discuterez la loi générale des
naturalisations ; elle contient une disposition semblable (art. 14,
dispositions transitoires). Cet article, à la différence des dates près, est le
même que celui que je viens de lire. Il exige le domicile en Belgique à
l’époque du 24 août 1830, tandis que par le deuxième paragraphe de l’article
premier vous fixez l’époque au 7 février 1831, qui est, je crois, l’époque de
la promulgation de la constitution. S’il s’agissait d’admettre une telle
disposition, je disais que cette dernière époque est celle que je préfère,
parce qu’elle est plus libérale.
Mais, je le répète,
voyez quelle anomalie ce serait. D’un côté vous interprétiez l’art. 21 du code
civil concernant des Belges, de l’autre vous admettez une disposition de
naturalisation ; et quand cela ? Quand vous êtes au moment de voter la loi de
naturalisation, loi qui est même à l’ordre du jour de cette séance.
Je pense que l’honorable
rapporteur dissipera mes doutes. Il me répondra sans doute victorieusement.
Mais il me semble qu’il est inconvenant (législativement parlant) de voter deux
lois de naturalisation différentes dans une même séance.
J’attends ce que dira
l’honorable rapporteur ; mais je déclare que je voudrais voir adopter le projet
présenté par M. F. de Mérode ou bien le premier paragraphe de l’article premier
de la commission.
M.
Dubus, rapporteur. - Messieurs, c’est le hasard seul qui fait que deux
lois, ayant un rapport intime, se trouvent à l’ordre du jour de la même séance.
Mais la chambre se rappellera que le projet sur lequel nous avions à faire un
rapport a été présenté comme une loi d’urgence, comme une loi toute spéciale,
que la chambre ne pouvait voter trop tôt. C’est parce qu’il y avait urgence que
vous en avez renvoyé à une commission spéciale et que vous lui avez donne le
pas sur les lois ordinaires. Mais, vous vous le rappelez, il n’était pas
question de loi de naturalisation Car il n’y a que deux jours qu’un honorable
membre a parlé de la loi de naturalisation, et a demandé et obtenu qu’elle fût mise
à l’ordre du jour. Le reproche qui a été fait à la commission n’est donc pas
mérité.
M.
Gendebien. - Je n’ai fait aucun reproche à la commission.
M.
Dubus, rapporteur. - L’honorable préopinant a
versé dans une autre erreur. Il a supposé que la loi spéciale à faire était une
loi d’interprétation. A cet égard, il a été induit en erreur par les termes
dans lesquels M. F. de Mérode a formulé sa proposition. Effectivement elle est
rédigée dans des termes tels qu’à la première lecture on croit qu’il s’agit
d’interpréter l’art. 21 du code civil. Mais votre commission a été unanime pour
penser que ce n’était pas une loi interprétative qu’il fallait faire.
Remarquez que, si vous
donnez à la loi le caractère d’une loi interprétative, vous rapportez ce que
vous avez décidé dans une précédente séance après une longue discussion, sur la
validité de l’élection du district de Ruremonde. Vous déclareriez maintenant
que l’art.
La commission a donc pris
en considération les motifs spéciaux que l’on a fait valoir dans la discussion
à laquelle j’ai fait allusion et ceux qu’a fait valoir M. de Mérode dans son
exposé des motifs pour obtenir, en faveur de certains individus nés Belges, une
exception à la législation en vigueur. Mais ce qui nous a frappés au premier
abord, c’est que les conclusions de la proposition de M. F. de Mérode n’étaient
pas en rapport avec les prémisses. Voici comment s’explique M. F. de Mérode.
« Quelle que soit la
portée que l’on donne à la disposition de l’article 21 du code civil, on a
généralement reconnu l’inopportunité de son application rigoureuse aux Belges
de naissance qui, après avoir servi à l’étranger, pendant que leur patrie
subissait elle-même le joug de la domination étrangère, sont revenus aider à sa
délivrance, ou sont rentrés dans les rangs d’une armée nationale. »
Sans doute ce sont ces
Belges de naissance qu’il convient de soustraire à l’application de l’art. 21
du code civil ceux qui sont revenus en Belgique pour aider à sa délivrance, et
ceux qui plus tard ont répondu à l’appel du gouvernement du roi, et sont
rentrés dans les cadres de l’armée, lors de sa réorganisation, et alors que
l’on avait besoin de leurs services.
Il était de toute justice
de restituer à ceux-là la qualité de Belge et les droits qui y sont attachés,
il était urgent de le faire ; et il n’y avait aucune difficulté à admettre
cette exception.
Mais maintenant l’honorable
comte F. de Mérode entre dans d’autres considérations et notamment des
considérations sur des faits que nous ne pouvons pas vérifier pour étendre sa
proposition à tout individu, né Belge, qui, ayant été au service de puissances
étrangères, sera rentré en Belgique, avant la publication de la loi dont nous
nous occupons. C’est là une extension qui n’est pas justifiée. Ce serait le
renversement de la législation existante. Veut-on refaire la législation
existante ? Je le veux bien, qu’on s’en occupe. Mais cela demande du temps,
cela demande un mûr examen ; et rien ne presse pour faire ce travail.
Si on veut se borner à une
disposition d’urgence, l’exception est suffisante, quant aux catégories pour
lesquelles elle est demandée. Plus tard, après un autre examen, fait plus à
loisir, on pourra s’occuper de refaire complètement la législation en cette
matière.
Quant aux droits des
individus nés Belges pour lesquels nous demandons une exception à la loi, ils
sont évidents.
Vous ne pouvez hésiter à
reconnaître la qualité de Belge à celui qui, ayant été au service d’une
puissance étrangère, est rentré dans son pays pour l’aider à secouer le joug
hollandais. Il suffit d’énoncer cette proposition pour qu’elle reçoive un
assentiment unanime.
La disposition est
d’urgence tant pour ceux-là que pour ceux qui ont répondu à l’appel du
gouvernement du Roi, lors de la réorganisation de l’armée. Ceux-là ont mérité,
par les services qu’ils ont rendus à leur pays qu’on leur restitue la qualité
de Belges. Quant aux autres, s’ils ont des droits, ces droits seront consacrés
à la suite d’un autre examen, et seront l’objet d’un plus grand travail. Si
vous preniez une disposition générale, vous prendriez en considération toutes
les exceptions. Mais vous ne faites qu’une loi spéciale et d’urgence.
Nous avons mis sur la même
ligne que les Belges dont je viens de parler les habitants des provinces
septentrionales, qui ont pris parti pour notre révolution. Vous savez que les
habitants de ces provinces, ceux notamment du Brabant septentrional, qui se
sont compromis pour la révolution belge, sont proscrits de leur pays. Ceux-là
vous ne pouvez pas hésiter à les admettre dans la famille belge. Il me semble
qu’un examen plus approfondi n’est pas nécessaire pour établir leurs droits.
Votre commission vous
propose comme époque à laquelle les individus nés Belges doivent être rentrés
dans le pays pour recouvrer cette qualité une autre date que celle indiquée
dans le projet de loi sur les naturalisations. L’époque fixée par ce projet est
le 24 août.
Remarquez que ce serait
restreindre l’exception que vous voulez établir à ceux qui ont changé de
domicile, avant la séparation, avant même la première journée qui a marque
notre révolution. C’est postérieurement à cette époque que plusieurs habitants
du Brabant septentrional se sont compromis pour la cause de la révolution.
C’était à la fin de 1830 et au commencement de 1831. C’est ce qui a déterminé
votre commission à vous proposer au lieu de la date du 24 août celle du 7
février 1831, qui est celle de la promulgation de la constitution. Nous avons
pensé qu’en fixant cette date, nous comprenions tous ceux qui se sont compromis
pour la révolution belge. Nous avons pensé que si nous fixions une date plus
rapprochée, nous appellerions peut-être à jouir du bénéfice de la loi des
étrangers venus eu Belgique dans un autre but que celui de favoriser la
révolution, et peut-être seulement pour conspirer contre la révolution belge.
Du reste l’article relatif aux habitants des
provinces septentrionales, nous l’avons compris dans la proposition de M. F. de
Mérode, parce qu’il nous a semble que c’était là sa place véritable, parce
qu’il y a urgence pour un cas comme pour l’autre, parce que les deux cas
présentent le même caractère, qu’ils sont tous deux relatifs à des services
rendus à la cause de la révolution.
Quant à la question de
savoir s’il est d’autres personnes à l’égard desquelles la législation devrait
être refaite, il n’y a pas urgence. On pourra s’en occuper soit dans la loi des
naturalisations, soit en révisant les articles du code civil, qui régissent la
matière.
Je borne là pour le présent
mes observations.
M.
F. de Mérode. - On veut toujours qu’il n’y ait urgence que pour les
individus qui ont pris du service dans notre armée depuis la révolution. Mais
il y a la même urgence pour une foule de personnes qui exercent des fonctions
civiles, qui font partie des conseils municipaux, ou sont bourgmestres de
communes. Je suis persuadé qu’il y en a beaucoup dans ce cas dans
l’arrondissement de Philippeville.
M.
Seron. - C’est vrai, il y en a beaucoup.
M. F. de Mérode.
- On leur contestera leur nationalité. Tous les jours, à mesure que se répandra
votre décision sur l’élection du général Nypels, il
s’élèvera de nouvelles difficultés. On dira à tel fonctionnaire : Parce que
vous avez été caporal ou officier au service d’une puissance étrangère, pendant
15 jours de plus qu’il ne fallait pour être Belge, vous n’êtes plus Belge ;
Vous ne pouvez remplir aucunes fonctions. Et parce que cet homme sera resté
quelques jours de plus que ne le permet l’article 21 du code civil, au service
de France ou d’Autriche, il aura perdu sa qualité de Belge, qualité que, sous
Guillaume, on ne lui contestait pas.
Pour vous empêcher, on vous
dit que vous ne devez pas vous mettre en contradiction avec la décision que
vous avez prise sur l’élection du général Nypels.
Pour moi, je ne vois pas ce que cela fait. La décision que vous avez prise sur
ce cas particulier, ne doit pas vous empêcher d’insérer dans une loi la
disposition qui est la plus équitable.
M.
Gendebien. - J’aime à croire que l’honorable M. Dubus n’aura pas vu
dans ce que j’ai dit un reproche à la commission. Elle est étrangère à ce que
j’ai dit. J’ai fait remarquer l’espèce d’inconvenance qu’il y aurait à voter
dans une même séance deux lois différentes traitant de la naturalisation. Or
cela n’est pas le fait de la commission ; elle est étrangère à cette
circonstance toute fortuite.
M. Dubus a dit qu’il ne
s’agissait pas d’interpréter l’art. 21 du code civil. S’il en est ainsi,
discutons la loi de naturalisation, et faisons entrer comme amendements dans
cette loi les améliorations proposées par la commission. Je le répète, nous
sommes d’accord, si l’on entend ainsi.
Cependant je me permettrai
encore une observation. Je crois que le projet de M. de Mérode ne présente pas
d’inconvénients ; en interprétant la disposition du code civil, sa proposition
donne à la loi un effet rétroactif et produit le même effet que le projet de la
commission, car toute loi interprétative rétroagit jusqu’à la date de la loi
interprétée, sauf les droits acquis à des tiers dans l’intervalle de la date de
ces deux lois.
Vous avez dans la proposition de M. de Mérode une
loi interprétative aussi générale que possible, et par conséquent plus efficace
que la proposition de la section centrale qui nous forcerait à une nouvelle
disposition législative complémentaire. La trouvez-vous trop générale ? Mais
elle contient une restriction dans l’art. 2.
Voilà une restriction qui
porte sur les Belges en général et qui s’applique en grande majorité aux Belges
restés en Hollande et qui ont combattu contre notre indépendance en 1831.
Si vous voulez fondre la
loi de M. de Mérode dans l’autre projet de loi sur les naturalisations, je le
veux bien, mais si vous adoptez la loi de M. de Mérode avant la loi générale
concernant la même matière, ce sera une superfétation. Il serait ridicule de
s’occuper de deux lois sur le même objet pendant la même séance. Messieurs, ne
faisons qu’une loi ; insérons-y les améliorations proposées par la section
centrale sur le projet de M. de Mérode et de cette manière je ne verrai aucun
inconvénient à adopter ce projet.
M.
Dumortier. - Je ne m’oppose pas à l’adoption du projet présenté par M.
de Mérode, quoique je préfère le projet amendé par la section centrale. On vous
propose de déclarer que l’art. 21 du code civil n’est pas applicable, quoique
vous ayez décidé lors de la discussion sur les pouvoirs du général Nypels que cet article lui enlevait la qualité de Belge ;
ainsi on veut nous faite dire de deux façons contraires dans un même mois !
M.
Gendebien. - Ce n’est pas cela !
M. Dumortier. - Supposons que la législation
soit douteuse pour le cas dont il s’agit ; alors pourquoi ne pas admettre une
rédaction qui lève ce doute ? Il ne faut pas dans le même mois d’août 1835 nous
faire prendre deux décisions opposées. Je veux bien qu’on réhabilite
l’honorable général, et tous les Belges qui sont dans le même cas ; mais il ne
faut pas que nous nous déjugions ; les législatures doivent éviter de tels
actes.
M.
Gendebien. - C’est une erreur de croire qu’il y a contradiction entre
ce que la chambre a décidé et ce qu’on lui propose de décider aujourd’hui. La
chambre a eu à prononcer sur une question particulière ; on lui a demandé si
l’article 21 était applicable. Elle a répondu oui. Maintenant nous nous
occupons des exceptions à faire à ce même article, et ce que nous faisons est
une conséquence de notre premier vote.
M.
Liedts. - Je donnerai très volontiers mon vote à la loi, parce qu’au
fond je l’approuve ; mais je voudrais que la section centrale pût répondre à un
scrupule que fait naître en moi la deuxième partie de l’article premier.
Nous sommes probablement
tous d’accord sur ce point que les habitants dont il est parlé au paragraphe
premier, s’ils sont étrangers, n’ont la jouissance ni des droits civils, ni des
droits politiques ; que s’ils veulent avoir la jouissance des droits civils, le
code civil est là pour régler ce qu’il y a à faire ; que s’ils veulent obtenir
la jouissance des droits politiques, la constitution répond à cette demande
(Art. 5.)
D’après cet article 5 il
n’y a qu’un moyen de parvenir à la jouissance des droits politiques, c’est la
grande naturalisation. Maintenant voulez-vous donner les droits politiques aux
personnes dont on parle dans l’art. 1er de la loi ? je
le veux bien, mais qu’elle leur soit donnée d’une manière constitutionnelle,
c’est-à-dire par la naturalisation.
M.
Dubus, rapporteur. - Je ne comprends pas le scrupule de l’honorable
préopinant ; et je le comprends d’autant moins que nous avons puisé l’article
dans le rapport fait par la section centrale sur la naturalisation, article qui
n’a fait naître aucun doute dans les deux chambres sur sa constitutionnalité.
En accordant comme nous le
proposons les droits politiques à plusieurs Belges, en quoi pouvons-nous
blesser l’art. 5 de la constitution ? Ne faisons-nous pas une loi ? Cette loi,
si elle est sanctionnée, ne sera-t-elle pas un acte du pouvoir législatif ? Si
cette loi accorde la grande naturalisation à plusieurs personnes, eh bien,
cette grande naturalisation sera accordée par l’autorité compétente.
Mon honorable ami a
déjà montré que la loi ne pouvait être interprétative de l’art. 21 du code
civil, et nous sommes tous d’accord que la loi ne doit pas rétroagir ; c’est
pour cela que nous avons employé la rédaction qui vous est soumise :
« L’art. 21 ne sera pas applicable à tel ou tel individu. »
Nous avons restreint la loi aux cas pour lesquels on nous a dit qu’il y avait
urgence de statuer, mais avant de changer la législation existante pour les
autres cas, nous avons fait remarquer qu’il fallait y regarder de plus près ;
on a demandé une loi en faveur de ceux qui ont rendu des services au pays ;
nous avons proposé cette loi. On demande maintenant une autre loi pour les
Belges qui rentreraient sans avoir rendu des services ; nous avons pensé qu’il
fallait pour eux procéder d’une manière générale, et non d’une manière
spéciale, comme nous le faisons dans la première.
Il est encore une classe de
Belges qui à une époque future devront attirer l’attention du législateur, je
veux parler de ceux qui sont encore aux Indes orientales et qui, probablement,
y sont retenus malgré eux ; mais il serait difficile actuellement d’admettre
des dispositions à leur égard.
M.
Fallon. - J’aurai peu de choses à ajouter à ce qui a été dit par
l’honorable M. Dubus pour justifier le projet de votre commission.
Aujourd’hui on s’occupe des
naturalisations qui seront accordées par la loi elle-même, et demain on
s’occupera des naturalisations que les chambres individuellement accorderont,
et il y a une distinction réelle entre les deux projets de loi.
L’honorable M. Gendebien a
dit qu’il ne trouvait aucune espèce d’inconvénient à adopter le système du
projet de M. de Mérode et à faire une loi interprétative de l’art. 21 du code
civil. Nous avons trouvé dans la commission un grand inconvénient à opérer de
la sorte. Dans une précédente séance, nous avons fait l’application de cet
article, nous ne pouvons pas dire aujourd’hui que l’article ne sera pas
applicable. Il est possible que des faits aient eu lieu sur lesquels l’art
Par sa proposition, M. de
Mérode veut accorder la naturalisation indistinctement à tous les Belges qui
ont servi à l’étranger et qui seront rentrés avant la promulgation de la loi,
soit qu’ils soient venus pour rendre service à la révolution, soit qu’ils
soient venus pour conspirer en faveur de Guillaume.
En accordant ainsi la
naturalisation en masse on s’expose à la donner à ceux qui ne sont venus que
pour compromettre l’ordre intérieur du pays. Nous n’avons pas cru pouvoir
admettre une rédaction semblable.
D’un autre côté nous avons
pensé que si nous sortions de la catégorie qui avait motive la proposition de
M. de Mérode, nous n’en en finirions pas, c’est pour cela que nous avons borné
le projet à ceux sur lesquels il avait spécialement attire l’attention de la
chambre.
Quant aux scrupules émis
par l’honorable M. Liedts, je ne pense pas qu’on doive s’y arrêter. Le sénat a
adopté une disposition concernant les provinces septentrionales. Vous savez que
la loi du sénat n’a pas été discutée ici.
Le gouvernement l’a
comprise dans la loi générale sur la naturalisation, et cette disposition dans
les sections et dans la section centrale n’a pas soulevé la moindre difficulté
; et l’idée n’est venue à personne que la constitution pût en éprouver la
moindre atteinte. En effet il suffit de la lire pour s’en convaincre. La grande
naturalisation assimile l’étranger au Belge pour l’exercice des droits
politiques. Eh bien, nous voulons assimiler les habitants des provinces
septentrionales aux Belges, nous voulons bien accorder la grande
naturalisation. Nous sommes donc dans les termes de la constitution à leur
égard.
On vous a dit : Votre loi renferme une bizarrerie.
Vous vous occupez des Belges qui sont au service de
Ignorez-vous que dans les
provinces septentrionales il y avait plusieurs enclaves qui faisaient partie de
La nationalité acquise par
la réunion se perd par la séparation. Par conséquent les habitants des
provinces septentrionales ont perdu respectivement à
M.
Gendebien. - On vous a dit qu’il fallait séparer les deux projets de
loi, parce que dans le projet de la commission, il s’agit de la naturalisation
accordée par la loi. Je ne sais depuis quand on a fait cette découverte. Le
rapporteur de la commission n’a pas vu cette nécessité, puisqu’à l’art. 14 il
accorde la naturalisation aux habitants des provinces septentrionales. Lisez
cet article et vous verrez que ce sont bien des étrangers auxquels on accorde
la naturalisation par la loi, moyennant une déclaration à faire. Je ne vois pas
aujourd’hui la nécessité de procéder autrement qu’on le proposait alors.
On vous a répété une
objection à laquelle j’avais répondu sans tenir compte de ma réponse, on vous a
dit que nous allions défaire ce nous avions fait il y a quinze jours, que nous
allions nous mettre en contradiction avec nous-mêmes : Je répéterai ma réponse
: nous avons fait l’application de l’art. 21 à des faits consommés. Il
s’agissait de savoir si le général Nypels était
éligible au moment où il a été élu. La chambre a dit : Non, l’article 21 s’y
oppose.
Aujourd’hui nous
déclarerons que cet article ne sera plus applicable. Nous ne faisons par là de
contradiction, au contraire, c’est la conséquence de ce que nous avons décidé.
Nous avons décidé que d’après la législation, le Belge qui avait servi à
l’étranger et n’avait pas recouvré sa qualité de Belge par la naturalisation,
n’était pas éligible. Maintenant nous venons modifier cette législation.
Il ne s’agit plus des faits
consommés, c’est une loi que nous faisons pour les faits à venir.
La loi, dit-on, aura un
effet rétroactif ; nous ne pouvons pas admettre cela. J’ai déjà répondu à cela
aussi ; j’ai dit que les lois interprétatives avaient un effet rétroactif
jusqu’à la date de leur origine, sauf les droits des tiers. Une loi
interprétative est faite dans l’intérêt au profit de tous ceux auxquels
s’applique la loi. Mais si dans l’intervalle des droits se sont ouverts pour
des tiers, il vous est impossible d’y toucher. Voilà de principe qui sont notoires. C’est pour cela que j’insiste.
On a répondu à
l’observation que j’avais faite, qu’il y avait anomalie entre les deux
dispositions de l’article, en disant que d’un côté comme de l’autre, il y avait
réhabilitation, qu’il s’agissait de rendre la qualité de Belge aux habitants
des enclaves appartenant à
Si des Belges se trouvaient
dans ces enclaves des provinces septentrionales, il serait vrai de dire que
dans une même disposition relative à des Belges qui ont servi à l’étranger et
auxquels vous rendez la qualité de Belge, que par ce fait ils avaient perdue,
vous accordez la grande naturalisation en masse à tous les habitants des
provinces septentrionales. Je persiste à dire qu’il y a là une anomalie.
Je n’ose pas dire que c’est
par amour-propre qu’on repousse ma proposition, mais il est évident que dans la
loi sur la naturalisation on pourrait comprendre tous les amendements proposés
au projet de M. de Mérode. Je demande en conséquence la jonction des deux
projets, qu’on donne la priorité au projet de loi sur la naturalisation et
qu’on y fasse entrer à titre d’amendement toutes les dispositions qu’on jugera
nécessaires, soit du projet de la section centrale, soit de celui de M. de
Mérode ou de tout autre.
M.
Dubus, rapporteur. - L’honorable préopinant trouve un inconvénient à ce
qu’on fasse de suite deux lois qui ont du rapport entre elles. Il faudrait
selon lui que la proposition de M. de Mérode fît partie de la loi sur la
naturalisation et que les dispositions fussent comprises dans les dispositions
transitoires. Cette idée m’avait semblé tellement naturelle au premier abord
que je l’aurais proposée à la commission. Mais je n’ai pas tardé à me réunir à
l’opinion de mes collègues qui m’ont démontré que dans les circonstances où
était présenté le projet de M. de Mérode, et en le restreignant aux personnes
pour lesquelles il avait été conçu, la disposition était urgente, et il n’y
avait pas lieu à réunir les deux projets. On a fait remarquer que les Belges
qu’il concernait étaient dans une position fâcheuse dont on ne pouvait pas les
tirer trop tôt. Un officier dans un conseil de guerre s’est trouvé atteint
jusque sur son siège par la décision que vous avez prise. Deux autres officiers
sont dans la position la plus délicate. Une loi d’urgence était nécessaire et
il n’y avait aucun inconvénient à adopter cette loi par acclamation pour les
individus qui ont rendu des services à la révolution, parce que s’ils avaient
perdu leur qualité de Belge antérieurement à la révolution, ils l’ont en
quelque sorte reconquise par les services qu’ils ont rendus dans ce moment.
Voilà quel est le sens de
la proposition et quels en sont les motifs. Si vous réunissez ce projet à la
loi générale de naturalisation, comme cette loi soulève une forte discussion
sur des points très délicats, vous ne pourriez plus avoir une loi prompte.
Cette loi sur les
naturalisations doit être discutée avec maturité, elle comprend un grand nombre
d’articles susceptibles d’être amendés, dans cette chambre et dans l’autre
chambre, comme cela est déjà arrivé. Si vous attendez cette loi vous prolongez
la situation fâcheuse de Belges, pour lesquels on a demandé une loi spéciale,
et pour lesquels votre commission a jugé à l’unanimité qu’il fallait une loi
spéciale.
C’est précisément parce
qu’il ne s’agit que d’une loi spéciale et d’urgence que nous avons cru ne
devoir la faire que pour ceux qui ont acquis des droits à recouvrer la qualité
de Belges par les services qu’ils ont rendus à la révolution. Je crois avoir
suffisamment établi qu’il fait pour ces Belges une loi séparée.
Quant à ce qu’a dit un
honorable préopinant, relativement aux effets d’une loi interprétative, je ne
suis pas de son opinion. Je crois que les lois interprétatives ne changent rien
aux droits acquis. Par la loi interprétative, vous décidez que le juge a mal
jugé. Mais malgré cette loi le jugement subsiste.
Si dans la loi dont nous
nous occupons, vous interprétez la loi autrement que vous n’avez fait par votre
vote sur l’élection du général Nypels, votre jugement
subsistera. Mais vous aurez écrit à côté que vous avez mal jugé ce jour-là.
M. Fallon. - Je
vous prie de croire, messieurs, que je ne fais pas de ceci une question
d’amour-propre. Mais je maintiens que si nous adoptons la proposition de
l’honorable comte F. de Mérode, nous tombons en contradiction avec nous-mêmes.
Pourquoi avons-nous annulé l’élection du général Nypels
? Parce que nous avons trouvé que conformément à l’art. 21 du code civil il a
perdu la qualité de Belge. Dès lors pouvons-nous déclarer maintenant que
d’après l’art. 21 il n’a pas perdu cette qualité ! Voilà cependant ce que vous
feriez par une loi interprétative. Vous ne pouvez pas vous contredire ainsi.
Au reste je ne vois pas
pourquoi on engagerait une discussion sur la valeur des lois interprétatives.
Cela est inutile. La proposition de la commission a écarté cette discussion.
M.
F. de Mérode. - Je me suis étendu dans le sein de la commission,
lorsqu’elle s’est occupée de l’examen de ma proposition. J’ai cru devoir faire
observer aux membres de la commission les motifs qui m’ont décidé à élargir mon
projet autant qu’il l’est. J’ai fait observer que ma proposition s’appliquait
non seulement aux militaires, mais aux personnes exerçant des fonctions
civiles, qui tombaient sous l’application de l’art. 21, tel qu’il a été interprété.
Maintenant on s’oppose à ce que la chambre fasse une loi interprétative, parce
qu’elle se mettrait alors en contradiction avec le vote qu’elle a émis sur
l’élection du général Nypels. Mais là il ne
s’agissait pas de loi ; il ne s’agissait que d’une élection. Et le vote sur une
élection ne peut pas lier la chambre dans le vote d’une loi.
Maintenant les
habitants des provinces septentrionales, ayant des droits à la qualité de
Belge, figurent dans la loi de naturalisation Mais c’est aussi là une disposition
spéciale et transitoire. C’est au titre des dispositions transitoires qu’elle
est placée dans le projet présenté récemment par l’honorable M. Fallon. Mais la loi de
naturalisation a pour objet de régler le mode d’accorder la naturalisation,
tandis que dans la loi que nous discutons, il s’agit d’accorder la
naturalisation par la loi même. Je pense donc que la disposition relative aux
habitants du Brabant septentrional, disposition évidemment transitoire,
trouvera mieux sa place dans la loi en discussion que dans la loi des
naturalisations, qui est une loi permanente et de durée.
M. de Behr. - Je croyais
que l’art. 21 du code civil n’était pas applicable aux Belges qui étaient
restés au service d’une puissance étrangère ; mais la chambre a décidé le
contraire. Dès lors, vous devez considérer ces Belges comme absolument
étrangers. En effet, l’art. 21 du code civil porte : « Le Belge qui, sans
autorisation du Roi, prendrait du service militaire chez l’étranger, ou s’affilierait
à une corporation militaire étrangère, perdra sa qualité de Belge. Il ne pourra
rentrer en Belgique qu’avec la permission du Roi, et recouvrer la qualité de
Belge qu’en remplissant les conditions imposées à l’étranger pour devenir
citoyen… » Ainsi, d’après la décision de la chambre, le général Nypels doit être considéré comme étranger. On veut lui
rendre la qualité de Belge ; il faut pour cela une loi spéciale. Et c’est ce
que la commission propose par une loi spéciale, par une loi transitoire.
M.
Dubus, rapporteur. - La question est fort douteuse. L’honorable M. de
Behr disait tout à l’heure qu’il ne croyait pas que l’art. 21 fût applicable.
Ainsi les membres d’un tribunal qui auraient cette même opinion
n’appliqueraient pas l’art. 21 ; car ils devraient juger, non d’après la
décision de la chambre mais d’après leur opinion.
Dans une circonstance
pareille faut-il tant insister sur un vote de la chambre ? Je crois, moi, qu’il
ne faut pas s’occuper de ce que la chambre a voté, mais de ce qu’il convient de
faire.
De toutes parts. - La clôture ! la clôture !
M.
le président. - Plusieurs amendements sont déposés, ils seront imprimés.
- Tous les membres quittent
leurs bancs.
La séance est levée à
quatre heures et demie.