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Chambre des représentants de Belgique
Séance
du mercredi 2 septembre 1835
Sommaire
1) Pièces
adressées à la chambre, notamment pétitions relatives aux indemnités pour les
victimes des événements de 1830 (F. de Mérode, A. Rodenbach), à une demande en naturalisation (Andries, Lejeune, Dumortier)
2) Projet
de loi portant un crédit supplémentaire au budget du département des affaires
étrangères pour l’année 1835. Légation de Rome (de
Muelenaere, Jullien, Gendebien)
3) Projet
de loi sur les naturalisations (de Nef, (habitants des
territoires rattachés en 1815) Seron, Verdussen, Milcamps), grande
naturalisation (Trentesaux, de
Theux, Fallon, Gendebien, Fallon, Gendebien, Dumortier, Gendebien, de Theux, Fallon, Trentesaux, Legrelle, de Behr, Fallon, de
Theux, Dumortier, de Behr,
Verdussen, Fallon, Ernst), examen des demandes par le parlement (F. de Mérode, Gendebien, Ernst, Fallon, de
Behr, F. de Mérode, A.
Rodenbach, Gendebien, Trentesaux,
A. Rodenbach, Jullien, Fallon, Dumortier, Gendebien, F. de Mérode, de Behr, Jullien, Fallon),
(Gendebien, Dumortier, Jullien, de Behr, Verdussen, Dumortier, Gendebien, de Jaegher, de Theux, Fallon, (habitants des
territoires rattachés en 1815) (Fallon, Gendebien, F. de Mérode, Seron, Fallon, Gendebien,
de Behr, A. Rodenbach, Seron, Fallon, Gendebien,
Nothomb, Seron, Milcamps, Fallon, Gendebien, de Muelenaere, Trentesaux), dispositions transitoires (Ernst, Fallon, Legrelle,
Gendebien, Legrelle, Verdussen, Dumortier, Fallon, Ernst, Fallon,
de Theux, Dumortier)
4) Ordre
des travaux de la chambre (canalisation de
(Moniteur belge n°247, du 3 septembre 1835)
(Présidence de M. Raikem.)
M.
de Renesse procède à l’appel nominal à une heure.
M.
Schaetzen lit le procès-verbal ; la rédaction en est adoptée.
M.
de Renesse lit l’analyse suivante des pièces suivantes envoyées à la
chambre :
PIECES ADRESSEES A
« Le sieur Ed. Lefrançais, né à Arras (France), demande la naturalisation.
»
________________
« Plusieurs artistes
vétérinaires se plaignent que l’art de guérir les animaux soit exercé par des
empiriques et demandent que la chambre adopte une mesure qui y porte
remède. »
________________
« Le sieur Gilbert Frère, instituteur,
demande que l’indemnité qui était payée à quelques professeurs sous l’ancien
gouvernement, leur soit continuée ou à leurs veuves. »
________________
« La régence et les habitants d’Arlon
demandent un subside pour construire des casernes dans cette ville. »
________________
« Le sieur Sanfourche-Laporte se plaint de ce qu’on lui conteste la
naturalisation, et prie la chambre de la lui accorder dans le cas où elle
croirait que la naturalisation qu’il a obtenue sous le précédent gouvernement
n’est pas valable. »
« Le sieur Cantineau-Simons,
propriétaire de l’hôtel de Galles, à Bruxelles, réclame le paiement de
l’indemnité qui lui revient, du chef des pertes qu’il a essuyées par la
révolution. »
________________
« Des observations sur la pétition des sieurs Dessigny, Guillochin et Urbain
sont adressées à la chambre par M. le ministre de l'intérieur. »
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Vous m’avez renvoyé cette pétition avec demande d’explications ; je vous les
adresse, et je désire qu’elles soient insérées au Moniteur.
- L’insertion au Moniteur est ordonnée.
M.
F. de Mérode. - Je demande qu’il soit fait lecture de la pétition de M.
Cartineau. Sa maison a été dévastée par les
volontaires belges, lors de l’attaque des Hollandais, et cette dévastation
était inutile à leur défense.
M. A. Rodenbach. - Cela n’est pas
nécessaire ; il ne faut pas perdre du temps ; il faut se borner au renvoi à la
commission des pétitions, avec invitation de faire un prompt rapport.
M. F. de Mérode.
- Si le rapport est présenté promptement, je ne demande pas mieux qu’on renvoie
ce mémoire à la commission des pétitions.
M. Andries. - Il y a parmi
les pétitions une demande en naturalisation ; ne faut-il pas la renvoyer au
ministre de la justice ?
M. Lejeune. - Si je suis bien
informé, les demandes en naturalisation sont renvoyées au ministre de la
justice qui instruit ces demandes. Eh bien, je demande que la pétition du sieur
Lefrançais lui soit renvoyée.
M.
Dumortier. - Si la loi sur les naturalisations est votée dans cette
session, ce qui est probable, il faudra que les demandes de naturalisation
suivent la filière qu’elle tracera. Je crois qu’il faut renvoyer toutes les
demandes à la commission des pétitions.
- Toutes les pétitions sont
en effet renvoyées à la commission spéciale qui en fera un rapport.
PROJET DE LOI PORTANT UN CREDIT SUPPLEMENTAIRE AU BUDGET DU DEPARTEMENT
DES AFFAIRES ETRANGÈRES POUR L’ANNEE 1835
M.
le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere) prend la parole
pour présenter un projet de loi portant demande d’un crédit supplémentaire de
28 mille francs pour traitement d’un envoyé extraordinaire et ministre
plénipotentiaire en Italie, et pour subvenir aux frais de l’établissement de
cet agent diplomatique.
M.
le président. - Demande-t-on le renvoi du projet de loi aux sections ?
Plusieurs membres. - Oui ! oui !
D’autres membres. - Non à une
commission !
M. le ministre des
affaires étrangères (M. de Muelenaere). - La chose est tellement simple
que je ne crois pas qu’il soit nécessaire de la renvoyer dans les sections
L’affaire est d’ailleurs plus ou moins urgente, et il importe d’avoir promptement
un rapport.
M.
Jullien. - Si l’affaire est toute simple, eh bien, elle sera simple
devant les sections comme devant une commission. Je suis d’avis de renvoyer le projet
aux sections. Il s’agit en tout d’une dépense de 40,000 fr.
M.
le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Je demande le
renvoi à une commission de préférence au renvoi aux sections, parce que je suis
persuadé que dans les circonstances actuelles on parviendra difficilement à les
réunir. Le rapport sera simple et on pourra le discuter immédiatement.
M.
Gendebien. - Pour justifier de l’urgence alléguée par le ministre, il
devrait nous donner quelques motifs plausibles. Je ne pense pas que
M.
le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). Le point
essentiel est que le rapport soit fait promptement. Peu m’importe qu’il soit
présenté par les sections ou par une commission. Si l’on renvoie le projet
devant les sections, je demande qu’elles soient invitées à s’en occuper
promptement.
- La chambre consultée
décide que le projet sera soumis à l’examen d’une commission spéciale composée
de sept membres désignés par le bureau.
PROJET DE LOI SUR LES NATURALISATIONS
Discussion générale
M.
le président. - M. le ministre de la justice déclare-t-il se réunir au
projet présenté par la section centrale ?
M.
le ministre de la justice (M. Ernst). - J’adhère à ce projet.
M.
de Nef. - Lors de la discussion sur le projet de loi relatif aux
naturalisations en 1833, j’ai dit à la chambre que surtout la province du
Brabant septentrional renfermait à l’époque de la révolution un nombre immense
d’habitants, dont le patriotisme et le dévouement pour
Dans la conviction de cette
vérité, j’ai sollicité une exception en leur faveur ; la chambre des
représentants l’a bien accueillie mais des modifications au projet de loi
furent apportées par le sénat.
Le gouvernement a proposé
un nouveau projet amendé par la section centrale, que nous discutons dans ce
moment.
En insistant sur ma
précédente demande, je pourrais faire valoir par des motifs irrécusables que
celui qui a établi son domicile en Belgique après la révolution, et dans un
temps où, par cela seul, il se compromettait en Hollande, a pour le moins
autant prouvé son choix et son affection pour ce pays-ci que celui qui est venu
s’y établir dans un temps où il n’y avait aucun risque à le faire, et où il ne
perdait par là absolument rien dans le domicile qu’il quittait en Hollande,
puisqu’il ne changeait pas de pays.
Mais, en adoptant la loi
proposée par M. le comte de Mérode, vous avez déjà satisfait en partie à ma
juste réclamation, et nourrissant la confiance que la représentation nationale
accueillera toujours favorablement, les demandes relatives à la naturalisation
des personnes appartenant à cette catégorie, je me rallie au projet amendé, en
me réservant la faculté de voter pour tout changement qui tendra à établir des
exceptions en faveur des personnes qui se sont particulièrement dévouées au
maintien de notre nouvel ordre de choses.
M.
Seron. - Messieurs, dans les républiques de l’ancienne Grèce, le droit
de cité avait un peu plus d’étendu que ne lui en ont donné parmi nous nos lois
libérales. Ceux qui en jouissent étaient de véritables membres du souverain,
admis à proposer, à discuter, à voter la loi, non par leurs mandataires ou
représentants, mais en personne ; faisant eux-mêmes les traités de paix, d’alliance
et de commerce ; déclarant la guerre, disposant des deniers publics et des
dépouilles des peuples vaincus. Nous lisons même que sur les 20 mille citoyens
que renfermait l’Attique, 6 mille, pris dans toutes les classes, étaient,
chaque année, élus par les tribus pour remplir les fonctions de juges ; et ces
fonctions, étant salariées sur le trésor public, procuraient aux classes les
moins aisées une partie de leur subsistance.
On conçoit combien, par la
nature et l’importance de ces droits, le peuple y était attaché et quelle
devait être sa répugnance à y faire participer les étrangers établis avec leur
famille sur son territoire. Aussi n’était-ce que pour des services signalés
rendus par eux à la république qu’il leur accordait quelquefois la naturalisation,
La condition de ces
domiciliés était un peu dure ; il, devaient se choisir un patron qui répondît
de leur conduite, et payer un tribut annuel par tête. Ils perdaient leurs biens
ou même leur liberté quand ils négligeaient de remplir certains devoirs ; ils
étaient, par une fausse politique, assujettis dans les cérémonies religieuses à
des fonctions humiliantes, et exposés aux insultes du peuple et aux traits
ignominieux qu’on lançait incessamment contre eux sur la scène.
Les gouvernements barbares
ou semi-barbares du moyen âge et des temps modernes n’ont pas traité les
étrangers avec plus de douceur, bien que le droit de cité y fût un mot inconnu
ou vide de sens. Ainsi, en France, sous l’ancien régime, un étranger, pour être
assimilé aux régnicoles, devait obtenir des lettres de naturalisation qui
n’étaient ni gratuitement, ni facilement accordées. Cependant le principal et
pour ainsi dire l’unique avantage qu’il en recueillait dans cette monarchie
absolue où, au lieu de citoyens, se trouvaient, d’une part, deux ordres
privilégiés et oppresseurs, le clergé et la noblesse, de l’autre, un tiers-état
esclave vexé d’impôts, de corvées et de prestations féodales et humiliantes,
c’était de soustraire à la rapacité des traitants sa succession dévolue, au
fisc par le droit d’aubaine, au préjudice de ses proches, de sa femme, de ses
enfants.
La révolution de 1789 amena
le triomphe de la saine philosophie. Alors furent mises en pratique ces idées
tirées de la nature, de la dignité de l’espèce humaine, de la philanthropie, de
la raison, de l’éternelle justice, qu’auparavant on n’avait vues que dans les
livres. Alors fut aboli cet odieux droit de brigands, né dans les siècles
d’ignorance et de barbarie et dont, plus tard les faiseurs de lois de Bonaparte
souillèrent le code qui porte son nom. En même temps, la naturalisation cessa
de dépendre du caprice et de la fantaisie du prince.
Aux termes de la
constitution monarchique de 1791, elle s’opéra en faveur des étrangers par le
fait de leur résidence dans le royaume lorsque, d’ailleurs,, ils y avaient
acquis des immeubles ou formé un établissement, soit d’agriculture, soit de
commerce, ou épousé une Française. La constitution républicaine de l’an III
maintint ces dispositions, en exigeant néanmoins sept ans de domicile au lieu
de cinq. Enfin, la constitution consulaire de l’an VIII n’imposa d’autre
condition, pour acquérir l’indigénat, à l’étranger devenu majeur, qu’une
résidence en France de dix années consécutives.
Ces principes si simples,
si généralement compris dans l’état actuel de la civilisation générale, ne
pouvaient convenir aux Bourbons de la branche aînée retenus en France en 1814,
avec leurs anciens préjugés et une haine aveugle des institutions nouvelles.
Ils y ressuscitèrent donc la naturalisation par lettres, avec ses formes
gothiques et féodales dans lesquelles reparut même la mention ridicule du bon plaisir. Elle s’y est maintenue
malgré la révolution de 1830 ; elle y est encore en vigueur aujourd’hui. Mais
qu’attendre d’un gouvernement trompeur et de mauvaise foi, infidèle à ses
promesses et à son origine, et sans contredit plus rétrograde que tous ceux qui
l’ont précédé, à partir de la fatale journée du 18 brumaire an VIII !
Après que vos provinces
eurent cessé d’être sous la domination française, le gouvernement hollandais
s’empressa aussi d’y abolir la naturalisation par le domicile ; et votre pacte
fondamental, au lieu de la rétablir, a, depuis, consacré dans son art. 5 le
principe qu’elle ne peut être accordée que par le pouvoir législatif.
Vous comprenez, messieurs,
que je ne veux pas toucher à l’arche sainte, c’est-à-dire attaquer une
disposition constitutionnelle. Dieu m’en garde. Mes observations ont seulement
pour objet d’obtenir, s’il est possible, que cette disposition ne soit pas trop
restreinte par la loi organique dont vous vous occupez en ce moment.
Il est une classe d’hommes
à qui, je le conçois, la naturalisation des étrangers fait peur parce qu’elle
ne voit en eux que des rivaux incommodes, dangereux, intrigants, avides de
places, convoitant les meilleures et cherchant à s’en emparer au grand
préjudice des indigènes. Mais, en vérité, quand je considère quelle est la
souveraineté du peuple dans les monarchies dites représentatives et
constitutionnelles, en quoi consistent ses droits politiques, le petit nombre
de ceux qui en jouissent, et le bien plus petit nombre encore de ceux qui
obtiennent des emplois lucratifs, je ne vois pas, il faut l’avouer, quel
intérêt les masses qui fournissent si peu d’électeurs et de commis de bureau
peuvent avoir à ce que cet honnête homme, de quelque contrée qu’il vienne et
quelque profession qu’il exerce, soit après de longues années d’épreuves
repoussé de la famille belge dans laquelle il désire entrer. Je dis, messieurs,
les masses que nous représentons ici, qui sont la nation elle-même et pour
lesquelles se font les lois.
Comme elles ne sont pas
dirigées par les vues étroites de l’égoïsme, loin de craindre les étrangers,
leur instinct au contraire les porte à désirer qu’on attire parmi nous les
hommes distingués de toutes les nations afin que leurs lumières, leurs travaux
et l’émulation qu’ils feront naître, contribuent aux progrès de l’industrie,
des sciences, des arts, des lettres et de la civilisation, sources de
prospérité et de la félicité publiques. Tout le monde sait quels immenses
avantages la révocation de l’édit de Nantes, si déplorable pour
Toutes les émigrations, à
la vérité, n’ont pas le même caractère et les mêmes résultats. Les nobles de
l’ancien régime qui, pour le bonheur de
Je ne la réclamerai pas non
plus pour des individus, fussent-ils riches, dont nous ne connaîtrons les
bonnes qualités et la conduite que par les certificats dont ils sont porteurs.
Mais quand un étranger est domicilié ici depuis un grand nombre d’années, qu’il
y a formé des établissements ou acquis des immeubles, qu’il a épousé une Belge,
que ses enfants sont nés Belges, qu’il a, en un mot, renoncé sans un esprit de
retour à sa terre natale, je le demande aux hommes de bon sens dont le jugement
n’est pas offusqué par de sottes préventions, offre-t-il au pays moins de
garanties que le régnicole ; est-il moins que lui intéressé à la prospérité
nationale, au bonheur commun, au maintien de l’ordre et des lois, à la
conservation de la liberté ? Ne supporte-t-il pas comme lui le fardeau de tous
les impôts, de toutes les charges publiques ? Peut-on douter de son attachement
à sa nouvelle patrie ? N’est-il pas devenu Belge ? N’est-il pas votre frère ?
Pourquoi ne jouirait-il point, par le seul fait de sa position, des droits dont
jouissent les indigènes ? Quel danger la société peut-elle courir en les lui
accordant ?
Il me semble que votre loi
devrait contenir un article en faveur des individus de cette catégorie, d’après
lequel ils seraient périodiquement nationalisés en masse. Cette disposition,
vous le sentez, messieurs, serait de soit entièrement inapplicable aux
journalistes, aux turbulents, aux factieux, aux républicains, que le roi
Philippe veut supprimer, et qui font trembler nos ministres de tous leurs
membres.
Quoi qu’il en soit, dans
les cantons livrés par la sainte-alliance au royaume des Pays-Bas, en
conséquence du traité de Paris du 30 novembre 1815, il est des Français qui s’y
sont établis depuis 30 ou 40 ans. Plusieurs d’entre eux ont épousé des femmes
du pays ; ils y ont leurs propriétés, leur commerce, leurs amis, leurs
affections ; des liens indissolubles les attachent à
On dira peut-être que ces
mêmes Français, s’ils ne sont pas aujourd’hui assimilés aux Belges, ne peuvent
s’en prendre qu’à eux-mêmes ; que rien ne les empêchait de profiter du bénéfice
de l’article 133 de l’acte constitutionnel, et de faire dans les six mois de sa
promulgation, la déclaration qu’il exige. J’en conviens, mais il est certain
que, dans leur position, ils ne croyaient pas que cette déclaration fût exigée
d’eux. Faut-il punir leur erreur d’une exclusion dont le congrès avait trouvé
injuste de les frapper, et peut-elle les rendre moins capable d’exercer les
droit de citoyen qu’ils ne l’étaient en 1831 ?
Je le sais, messieurs,
quand on semble vouloir faire de
Je prendrai la liberté de
proposer l’amendement suivant :
« Seront réputés
Belges les individus qui, à l’époque du 30 novembre 1815, étaient domiciliés
depuis 10 ans accomplis dans les communes détachées de
Je demande peu, messieurs,
et crains de n’obtenir rien.
Au reste, dans tout ce que je viens de dire, il n’y
a rien, on le voit, qui tende aucunement à l’établissement de la république, ni
qui puisse donner de crispations de nerfs à ses ennemis. Et à ce propos, je
prierai MM. les honorables membres de cette assemblée (les bien disant et les
bien pensant) qui, dans leurs éloquents discours, auraient eu la charité de
faire allusion à ma personne ou mes principes, je les prierai de croire que le
véritable républicain, tel du moins que je le conçois, est modéré, humain,
désintéressé, modeste, sans ambition, se contentant de peu, parce qu’il faut
que tout le monde vive, ne recherchant pas les places et ne convoitant pas le
bien d’autrui, pas même les fonds du budget ; croyant que la propriété
individuelle est la base de tout édifice social, et réputant fou à lier
quiconque demande ou la loi agraire ou la communauté des biens ; n’ayant nulle
envie de troubler l’ordre ni de renverser le gouvernement ; enfin n’éprouvant
aucune espèce de sympathie ni pour les pillards ni pour MM. leurs patrons.
C’est à ces principes que j’ai toujours tâché et que je tâcherai toujours de
conformer ma conduite. J’ai lieu d’espérer, M. Nothomb, qu’elle ne m’isolera
jamais des honnêtes gens.
M.
Verdussen. - Messieurs, la discussion qui a eu lieu hier dans cette
enceinte m’a démontré que la loi qui va être mise en délibération est trop
rigoureuse, à certains égards, si elle reste dans la forme sous laquelle on
nous l’a présentée.
Je vois à l’article 2 que
la grande naturalisation ne peut être accordée que pour services éminents
rendus à l’Etat. Je conçois que cette disposition soit appliquée à tous les
étrangers nés en pays étranger, qui demanderaient la grande naturalisation et
viendraient s’établir en Belgique ; car plus vous rendez difficile l’admission
dans la grande famille et plus vous relevez la nationalité belge.
Mais à l’égard des
individus nés Belges, qui ont perdu cette qualité, je crois qu’il faudrait
faire une exception en leur faveur ; et ce qui a été dit hier dans cette
enceinte me prouve que cela est nécessaire
Nous avons remarqué que la
première proposition faite par M. de Mérode tendait à accorder la grande
naturalisation en masse à tous les individus compris dans une certaine
catégorie, mais que la commission spéciale, et ensuite M. Nothomb, par un
amendement, ont restreint cette faculté à trois classes : à la classe de ceux
qui ont combattu pour l’indépendance ; à la classe de ceux qui ont pris rang
dans l’armée en répondant à l’appel du Roi ; à la classe de ceux qui ont occupé
des emplois civils.
En appliquant, sans
exception, l’article 2 tel qu’il est rédigé, la législature ne pourrait plus
faire recouvrer la qualité de Belge à plusieurs individus nés sur le sol de
Je sais que d’après
l’article 18 du même code, tout Belge qui aura perdu sa qualité de Belge pourra
toujours la recouvrer par une loi, et en déclarant qu’il veut se fixer en
Belgique, et qu’il renonce à rien faire de contraire à la loi.
Mais le second paragraphe
de l’article 21 du code civil fait exception à cette règle générale et dit que
« celui qui avait pris du service à l’étranger sans autorisation, ou se
serait affilié à des corporations étrangères, perdrait la qualité de Belge,
qu’il ne pourrait rentrer en Belgique qu’avec la permission du Roi, et
recouvrer la qualité de Belge qu’en remplissant les conditions imposées à
l’étranger pour devenir citoyen. »
M. Demonceau a tenté de
prouver dans notre dernière séance les trois classes désignées dans l’article
premier, adopté dans notre dernière séance. Il y avait encore plusieurs Belges
qui avaient vécu en Belgique, et qui, pour avoir porté un jour les armes chez
une nation étrangère, ne peuvent plus être compris dans l’énumération faite
hier. On a demandé que ces individus fussent assimilés aux autres et en effet,
celui qui a rempli des emplois civils, n’a pas rendu des services plus grands
au pays que celui qui a apporté son industrie ou ses biens en Belgique.
Considérons, messieurs, que
la loi en discussion n’est pas une loi constitutionnelle ; c’est une loi de
principes, c’est une loi d’application ; faites-la donc de façon que celui qui
aurait porté les armes en Amérique, par exemple, puisse redevenir Belge. Il ne
faut pas que la législature se lie les mains à cet égard ; ne restreignez pas
la plénitude des pouvoirs que les chambres tiennent, à cet égard, de l’art. 5
de la constitution. Il n’est ni juste, ni rationnel que vous vous ôtiez à
vous-mêmes le droit que vous donne la loi fondamentale, en vous ôtant celui de
réintégrer dans leurs droits de naissance bon nombre de Belges rentrés dans
leur patrie depuis plusieurs années, et à laquelle ils font honneur par leur
conduite et par leurs sentiments.
Je crois donc que la
condition de services éminents rendus à l’Etat ne doit pas être si généralement
appliquée, et qu’on doit faire exception en faveur des Belges nés en Belgique
qui ont perdu momentanément leur qualité. L’exception que je proposerai
pourrait faire un article transitoire, et je le rédigerai ainsi :
« Les individus nés en
Belgique qui ont perdu leur naturalité par application de l’article 21 du code
civil sont recevables à demander la grande naturalisation sans qu’il soit
besoin de justifier qu’ils ont rendu des services éminents à l’Etat. »
Je dépose cet amendement
sur le bureau ; il sera imprimé et pourra par conséquent être médité à loisir
par mes honorables collègues.
- La discussion générale
est close.
Discussion générale
Article premier
M.
le président. - L’article premier est ainsi conçu :
« La naturalisation ordinaire
conserve à l’étranger tous les droits politiques et civils attachés à la
qualité de Belge à l’exception des droits politiques pour l’exercice desquels
la constitution ou les lois exigent la grande naturalisation. »
M.
Milcamps. - D’après l’article premier du projet de loi en discussion,
la naturalisation confère à l’étranger tous les droits politiques et civils
attachés à la qualité de Belge, à l’exception des droits politiques pour
l’exercice desquels la constitution et les lois exigent la grande
naturalisation.
On sait ce que sont les
droits politiques et civils : les droits politiques ou droits de cité
consistent dans la faculté de voter et d’être élu dans les collèges électoraux,
et dans l’habilité à être nommé aux fonctions publiques : et les droits civils
sont ceux qui dérivent des lois communes à tous les Belges, citoyens ou non.
Ainsi, d’après l’article
1er, la naturalisation ordinaire conférera la jouissance de tous les droits
civils, et dès lors des droits beaucoup plus étendus que ceux attachés au
domicile établi, en vertu de l’art. 13 du code civil.
L’étranger autorisé à
établir son domicile en Belgique jouit des droits civils, cependant il n’est
pas habile à être nommé à un emploi civil ou militaire, la constitution s’y
oppose ; il ne jouit pas du droit d’être témoin dans un testament, car, pour
être témoin dans un testament, il faut être Belge et jouir des droits civils.
Le naturalisé pourra-t-il
jouir de tous ces avantages ?
Le naturalisé, suivant
l’article 1er, jouira de tous les droits politiques et sera habile à être nommé
à toutes fonctions autres que celles pour lesquelles la constitution ou les
lois exigent d’être Belge de naissance ou d’avoir obtenu la grande
naturalisation.
Cette disposition étant en parfaite
harmonie avec la constitution, j’y donnerai mon assentiment.
- L’article premier mis aux
voix est adopté.
« Art. 2. La grande
naturalisation ne peut être accordée que pour services éminents rendus à
l’Etat. »
M.
Trentesaux. - Messieurs, si j’ai pris la parole, c’est pour vous
exposer mes doutes sur l’art. 2. Il me semble qu’un tel article ne devrait pas
entrer dans la loi ; il est par sa nature, il me semble du moins, un article
constitutionnel, un article qui ne figurerait bien que dans une constitution,
mais qui, ici, nous fait excéder nos pouvoirs constitutionnels.
La constitution dit que la
grande naturalisation est conférée par le pouvoir législatif ; et voilà que
nous faisons une loi pour imposer des bornes aux législatures futures
relativement à ce pouvoir. Je crois que cela n’est pas dans notre droit. Je le
répète, cette disposition est une véritable disposition constitutionnelle, et
ne peut faire partie d’une loi.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Le projet de loi impose à l’étranger l’obligation de former une demande ; il
est donc nécessaire que la loi trace des règles d’après lesquelles cette
naturalisation sera accordée ; qu’elle spécifie les cas dans lesquels elle sera
obtenue. Alors l’étranger aura un guide à suivre.
Il est bien vrai que le
pouvoir législatif ne peut se lier lui-même ; mais jusqu’à ce qu’une autre loi
soit faite, ce sera la règle. Si le pouvoir législatif veut changer la loi, à lui
libre, car il peut la remplacer par une autre.
M.
Fallon, rapporteur. - La question que vient de soulever l’honorable M.
Trentesaux a fait le sujet d’une discussion approfondie dans la chambre lors de
la discussion du projet primitif. Le principe, tel qu’il vous a été présenté, a
été examiné à deux reprises dans les sections et dans la section centrale ; il
a subi de longues épreuves dans les deux chambres, et l’on a fini par
reconnaître qu’il fallait déterminer les cas où l’on accorderait la grande
naturalisation. Dans la discussion, j’ai d’abord partagé le système que
présente M. Trentesaux : j’éprouvais un scrupule ; je disais que la
constitution n’avait tracé aucune limite pour conférer la grande naturalisation
; il me semblait que c’était déroger aux principes constitutionnels que de
déterminer cette limite ; mais d’après toutes les raisons qui ont été exposées,
je me suis convaincu que j’avais tort, et qu’il était nécessaire d’énumérer les
cas dans une loi organique ; et je regarde la question comme jugée par la
chambre et par le sénat.
M.
Trentesaux. - Déterminez les conditions, à la bonne heure ;
déterminez-en tant que vous voudrez, pourvu que vous ne liiez pas les mains aux
législatures futures.
M.
le ministre de la justice (M. Ernst). - On ne peut les lier. Cela est
impossible. Il n’y a que la constitution que la législature ne puisse pas
modifier !
M.
Donny. - Une loi détruit une loi.
M. Fallon, rapporteur.
- Je ferai observer à l’honorable M. Trentesaux que si nous agissions comme
pouvoir constituant, il aurait parfaitement raison ; mais c’est comme pouvoir
législatif que nous procédons ; et par conséquent le pouvoir législatif pourra
changer notre ouvrage.
M.
Trentesaux. - Je ne conçois pas comment on peut s’imposer des lois à
soi-même !
M. Gendebien. - Ce que vous a fait observer M.
Trentesaux ne me paraît pas tellement à dédaigner qu’on puisse se dispenser d’y
répondre directement. J’ai entendu dire que la chose était jugée ; mais cela ne
prouve rien. Il faudrait connaître les raisons qui ont déterminé à juger ainsi.
Nous lions réellement la chambre ; vous ne serez pas libres plus tard de
changer la loi, attendu qu’il dépendra du sénat et du Roi de maintenir la loi
telle que vous la faites aujourd’hui, ou de ne la pas maintenir. Or, messieurs,
la constitution ne nous lie pas, et je crois que ce serait contrevenir à
l’esprit de la constitution que de nous lier : il ne dépendra pas de nos
successeurs de défaire notre oeuvre et de se débarrasser des liens que nous
leur préparons. Il faudra le concours des trois pouvoirs pour les briser, et je
ne crois pas qu’on puisse ne pas tenir compte des réflexions présentées par M. Trentesaux. Je partage ses
scrupules et je voterai contre l’article 2, à moins qu’on ne le justifie.
M. Fallon, rapporteur.
- Nous avons aujourd’hui le second acte de ce qui s’est passé dans la séance
précédente. La majorité a adopté le principe ; on l’attaque maintenant.
Cependant il avait été discuté longuement, et si M. Gendebien voulait se donner
la peine de voir ce qui a été dit, il connaîtrait les raisons qui ont été
développées. Je croirais faire perdre un temps précieux à la chambre si je
renouvelais le débat sur une question résolue.
M.
Gendebien. - Je ne veux pas faire la critique de ce qui a été décidé
par la chambre ; il me semble qu’il n’y a rien de décidé puisque nous sommes
appelés à nous occuper du même objet, et il n’y a rien de jugé jusqu’à ce
qu’une loi soit adoptée. Or, la loi a été rejetée précédemment, ainsi il n’y a
point d’antécédents à invoquer ni à critiquer.
Maintenant, je trouve fort
commode de vouloir déterminer le vote d’une chambre renouvelée par des
rétroactes : ce n’est que d’après les raisons qui sont données à cette séance
que vous pouvez décider la chambre, car beaucoup d’entre vous n’ont pas assisté
à ces séances ; moi-même j’aurai probablement été empêché d’y assister, car je
n’ai aucun souvenir de cette discussion si lumineuse qu’on invoque.
J’ai soulevé une objection ; si elle a été résolue
par la discussion qui a eu lieu dans une autre session, on peut la résoudre
encore en répétant les raisons qui ont été données. Si la chose est si claire
qu’on l’avance, cela ne doit pas être difficile. Quand un collègue demande à
être éclairé, on ne doit pas d’ailleurs, sous le prétexte que la chambre s’est
prononcée, se refuser à lui donner des éclaircissements.
Je répète mon objection
puisqu’on n’y a pas répondu, je dis que quand nous aurons posé le principe qui
fait l’objet de l’article 2, nous ne serons plus, comme on nous l’a dit,
maîtres de le changer, parce que pour le changer il faudra le concours des
trois pouvoirs.
La chose vaut bien la peine
d’être examinée, car il s’agit de savoir si la chambre veut abandonner un droit
qu’elle puise dans la constitution, celui d’accorder la naturalisation sans
conditions.
M.
Dumortier. - Je ne comprends pas les scrupules que viennent de
manifester deux honorables membres. En effet, que porte la constitution ? Elle
dit que la naturalisation sera accordée par le pouvoir législatif et que la grande
naturalisation seule assimile l’étranger au Belge pour l’exercice des droits
politiques. Elle laisse à la loi le soin de régler le mode d après lequel la
grande naturalisation sera décernée. Nous nous occupons maintenant de régler ce
mode, nous ne dérogeons donc nullement à la constitution en établissant de
quelle manière on l’obtiendra.
Si nous disions par une loi
: Le roi pourra décerner la grande naturalisation, nous enfreindrions la
constitution ; mais quand nous maintenons le principe constitutionnel que la
grande naturalisation n’est accordée que par le pouvoir législatif, nous ne
violons pas la constitution, parce que la constitution ne parle pas du mode
d’après lequel la naturalisation sera accordée.
Maintenant, on dit que vous
liez la législature. Mais une loi quelle qu’elle soit liera la législature. Si
vous ne voulez pas lier la législature, ne faites pas de loi, car alors même
que vous vous borneriez à dire de quelle manière on votera sur une demande en
naturalisation, vous lieriez la législature.
C’est donc une question de
convenance. Convient-il ou ne convient-il pas de faire une loi qui détermine
comment la naturalisation sera accordée ? Si on pensait qu’il ne fallait pas de
loi, on devait, dans la discussion générale, commencer par dire qu’on n’avait
pas besoin de loi, que ce qu’il y avait de mieux à faire était de s’en référer
à la constitution, et quand des demandes seraient faites, d’accorder ou de
refuser purement et simplement la grande naturalisation. Mais c’est là un faux
système ; il est incontestable que vous devez avoir une loi qui règle de quelle
manière la grande naturalisation pourra être accordée et obtenue.
Quant à moi, je suis charmé
de la disposition de l’article, à cause des garanties qu’elle offre pour la
collation de la grande naturalisation. Je vois avec beaucoup de plaisir que la
grande naturalisation ne puisse être accordée que pour des services éminents
rendus à l’Etat. Si vous ne précisiez pas les cas où la grande naturalisation
pourra être accordée, toutes les personnes qui voudraient se faire naturaliser
obtiendraient la grande naturalisation. La différence entre la petite
naturalisation et la grande naturalisation serait annulée, il n’y aurait plus
qu’une seule naturalisation, et ce serait la grande naturalisation.
C’est un principe admis
dans tous les pays civilisés que l’indigénat qui permet à un étranger de
devenir membre du cabinet du Roi et de siéger dans le sein de la représentation
nationale, doit être accordée avec une extrême réserve. Si un pays veut conserver
sa nationalité, il faut qu’il soit représenté et gouverné par des nationaux. Et
on ne doit accorder l’indigénat qu’à ceux qui ont mérité cette faveur par des
services rendus à la patrie.
Je dirai qu’en Angleterre
on ne donne pas l’indigénat. Pour pouvoir siéger dans le cabinet du Roi ou dans
le parlement, il faut avoir sucé avec le lait l’amour des institutions de
Chez nous la grande naturalisation n’a plus que deux
buts, être ministre ou membre de l’une des deux chambres. Faut-il dès lors être
réservé dans la collation de la grande naturalisation ? Je pense, quant à moi,
qu’on ne peut pas être trop difficile ; je le répète, l’article me paraît
indispensable. Je regrette que M. Gendebien n’ait pas assisté à la première
discussion, il aurait vu l’unanimité par laquelle la disposition a été adoptée.
L’honorable M. de Brouckere et d’autres membres ont prononcé de longs discours,
pour prouver qu’on devait rendre la grande naturalisation difficile.
Si vous n’imposiez pas des
conditions pour l’obtenir, vous la rendriez trop facile, et ce serait un
malheur, car je le répète, si vous voulez conserver votre nationalité, vous
devez faire en sorte que les chambres ne soient composées que des nationaux.
M. Gendebien. - Je ne veux pas insister plus
longtemps, mais je ne puis m’empêcher de dire qu’on ne m’a pas répondu. La
preuve que la question n’est pas si éminemment claire qu’on le prétend, c’est qu’un
orateur a dit que nous ne liions pas les mains à la législature, et qu’un autre
a prétendu au contraire qu’une loi sur la naturalisation devait toujours et
nécessairement lier la législature, quoique ces deux orateurs soutiennent la
même chose et prétendent que c’est à tort que M. Trentesaux a soulevé cette
discussion. La nécessité d’exiger certaines conditions de celui qui demande
l’indigénat, ne prouve rien contre les observations de M. Trentesaux et les
miennes, car soit que l’art. 2 existe ou n’existe pas, la chambre appliquera
toujours ce principe et devra toujours apprécier les titres de celui qui
réclame la naturalisation.
Je dirai qu’il est tout au
moins inconvenant de nous lier les mains à nous et à nos successeurs ; et
lorsque la constitution ne nous imposait pas de condition, nous en imposons aux
législateurs futurs, et il dépendra toujours du pouvoir exécutif de maintenir
ou de lever les conditions que nous aurons imposées. Je n’en dirai pas
davantage puisque la chambre paraît disposée à adopter cette disposition ;
mais, pour moi, je voterai contre.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Je ferai observer que la chambre ne se place pas ici dans une position
exceptionnelle. Si la loi lie les mains à la chambre, elle les liera également
au gouvernement et au sénat. Mais les trois branches du pouvoir législatif
pourront toujours modifier cette loi quand ils seront d’accord. D’ailleurs, en
supposant que la disposition dont il s’agit ne soit pas adoptée, chacune des
branches du pouvoir législatif pourra toujours paralyser les deux autres, car
il suffira que la naturalisation soit accordée par deux des branches du pouvoir
législatif, dans un cas qui ne plaira pas à la troisième, pour qu’elle paralyse
la décision.
M.
Fallon, rapporteur. - Je ne donnerai pas à la question dont il s’agit
tous les développements qu’elle comporte. Je me bornerai à faire observer que
la question n’est pas de savoir si nous lions ou ne lions pas la législature.
Nous ne faisons pas une loi qui lie la législature, car cette loi ne restera
que tant et si longtemps que la législature ne l’aura pas changée.
La question est de savoir si la constitution
s’oppose à ce que la grande naturalisation ne soit accordée que dans certains
cas déterminés.
M.
Trentesaux. - Je ne conteste pas cela.
M.
Fallon, rapporteur. - Alors je ne vois pas pourquoi on conteste à la
chambre le droit de préciser les cas dans lesquels la grande naturalisation
sera accordée.
L’art. 5 de la constitution
empêche-t-il que nous déterminions ces cas ? Non, il n’en parle pas.
Vous venez de voter l’art.
1er. La constitution ne disait pas non plus quels étaient les effets de la
petite naturalisation, et cependant dans l’art. 1er nous venons de déterminer
ces effets. Vous avez voté l’art. 1er, parce que vous avez reconnu que la
chambre peut faire tout ce que la constitution ne défend pas de faire en
matière de naturalisation. Par la même raison vous devez adopter l’art. 2.
M. Trentesaux.
- Je n’ai pas considéré les branches du pouvoir législatif séparément, mais
collectivement. Il me paraît étrange que le pouvoir législatif dise : Voilà une
prérogative qui m’est accordée, je n’en userai que de telle manière.
L’exécution elle-même de la disposition dont il s’agit présentera de grandes
difficultés. Quand on sollicitera la grande naturalisation, on prétendra que
tels services rendus au pays sont des services éminents, et à chaque instant la
loi sera mise en question.
Quand j’ai quelque chose à
faire, je ne me dis pas d’avancer : Je m’impose telle ou telle manière de
faire. Il y a un vieux brocard qui dit ; L’ouvrage enseigne l’ouvrier. Quand
vous aurez des demandes de naturalisation, vous verrez si vous devez l’accorder
ou non. Mais dire d’avance pourquoi on l’accordera ou on ne l’accordera pas,
cela me paraît inconstitutionnel et presque ridicule. Si l’article est conservé
dans la loi, je voterai contre.
M.
Legrelle. - Je ne vois rien d’inconvenant ni de ridicule dans l’article
auquel l’honorable préopinant ne veut pas donner son approbation. Je trouve de
plus cet article très constitutionnel et en même temps très rationnel. On a
prétendu qu’il était inconstitutionnel, parce qu’il n’appartenait plus à la
chambre de le changer sans le concours des deux autres branches du pouvoir
législatif. Je répondrai qu’il devait en être de même pour l’article premier ;
et cependant lorsqu’on l’a voté, on n’a pas élevé cette difficulté, et
j’ajouterai que si vous ne voulez pas vous lier les mains comme branche de la
législature, il ne faut plus faire de lois, car dans toutes les lois que vous
faites vous vous liez. Une fois qu’elles sont votées, vous ne pouvez plus les
modifier sans le concours des deux autres branches du pouvoir législatif.
Dans la
circonstance actuelle, je trouve très bien que la chambre s’impose des limites
hors desquelles elle ne pourra pas accorder la grande naturalisation. Sans cela,
il serait libre à chacun de venir demander la grande naturalisation, et on ne
pourrait pas la refuser, quand le demandeur n’aurait pas de motifs contre lui ;
et je pense que pour obtenir la grande naturalisation, il faut non seulement ne
pas avoir de motifs contre soi, mais avoir des motifs pour soi. D’après cela,
je voterai pour la disposition qui exige, pour obtenir la grande
naturalisation, qu’on ait rendu des services éminents au pays.
M. de Behr. - Je concevrais la difficulté
qu’on élève, si la chambre était seule en possession du droit de conférer la
grande naturalisation, mais ce droit appartient à la législature, et il faut
une loi pour que les trois branches se mettent d’accord sur les conditions
auxquelles elles accorderont la naturalisation. (Aux voix ! aux voix !)
M.
le président. - Je vais mettre aux voix l’amendement de M. Verdussen.
M.
Fallon, rapporteur. - Comme rapporteur, je ne puis pas manifester
d’opinion sur l’amendement de M. Verdussen. Mais quant à moi, je ne vois pas
d’inconvénient à ce qu’il soit adopté. Cependant il me semble qu’il trouverait
mieux sa place parmi les dispositions transitoires.
M. le ministre
de l'intérieur (M. de Theux). - J’aurai l’honneur de faire remarquer
que l’amendement de M. Verdussen n’est pas une disposition transitoire, mais
permanente, qui s’applique aux cas existants ainsi qu’à ceux qui pourront
survenir. Mais je pense que cet amendement doit être accueilli avec faveur, car
c’est le rétablissement de l’art. 21 du code civil auquel l’art. 2 porterait
atteinte.
Telle n’a pas été la pensée
de la section centrale, puisqu’elle ne s’est pas occupée de cette question. Il
y a une différence entre le Belge qui a perdu sa qualité en vertu de l’art. 21,
et l’étranger qui aspire à devenir Belge et n’a jamais appartenu au sol.
Je pense donc qu’on doit
adopter la proposition de M. Verdussen.
M. Dumortier. - Je ne viens pas combattre
l’amendement proposé. Il s’agit de relever des citoyens d’une déchéance
prononcée par la loi. La constitution dit que la qualité de Belge s’acquiert,
se conserve et se perd d’après les règles déterminées par la loi civile. Pour
arriver au but que se propose M. Verdussen, vous avez un moyen tout simple,
c’est d’autoriser le gouvernement à relever de la déchéance les individus dont
il s’agit, comme, en vertu de l’art. 12, il relève le Belge qui s’est fait
naturaliser à l’étranger.
Je demande que l’amendement
de M. Verdussen soit ajourné à demain afin qu’on puisse le méditer ; on ne peut
pas discuter immédiatement un amendement de cette portée.
M. de Behr. - Je ne
vois pas la nécessité de l’ajournement proposé. Au second vote on pourra
discuter cet amendement de nouveau, si on le juge nécessaire. M. Dumortier dit
qu’il n’y avait qu’une simple déchéance et qu’il fallait autoriser le
gouvernement à relever de cette déchéance, aux termes de l’art. 18, les
citoyens qui l’avaient encourue. Ce article n’est pas applicable au cas dont il
s’agit. C’est l’article 21. Or, que dit l’article 21 ? Que le Belge qui a perdu
sa qualité doit, pour la recouvrer, remplir les conditions imposées aux
étrangers. Mais cet article
M. Verdussen. - L’honorable préopinant a
considérablement réduit ma tâche. Il a défendu mon système beaucoup mieux que
je n’aurais pu le faire. Mais l’honorable membre qui a parlé avant lui dans un
autre discours vous a dit qu’en Angleterre, pour pouvoir prendre place dans le
cabinet du roi ou siéger dans l’une des deux chambres, il fallait avoir sucé
avec le lait l’amour des institutions de la patrie, être né sur le sol
britannique. Eh bien, les personnes qui sont l’objet de mon amendement sont
nées sur le sol de
M.
Fallon, rapporteur. - Il s’agit de savoir si les Belges qui ont perdu
cette qualité en vertu de l’article 21 seront dispensés de justifier de
services éminents rendus au pays, condition exigée des étrangers qui demandent
la grande naturalisation. Je ne vois à cela aucun inconvénient ; comme ce sera
toujours la législature qui prononcera, quand un Belge se présentera pour
recouvrer sa qualité de Belge, elle verra s’il en est digne. (Aux voix ! aux voix !)
M.
le président. - Je mets l’art. 2 aux voix, et je mettrai ensuite la
disposition additionnelle de M. Verdussen.
« Art. 2. La grande
naturalisation ne peut être accordée que pour services éminents rendus à l’Etat.
»
- Adopté.
M.
le ministre de la justice (M. Ernst). - Je proposerai un léger
changement de rédaction à la disposition additionnelle de M. Verdussen. Je proposerai de la
rédiger de la manière suivante :
« Le Belge qui a perdu
sa qualité de Belge aux termes de l’article 21 du code civil est recevable à
demander la grande naturalisation sans qu’il ait besoin de justifier de
services éminents rendus à l’Etat. »
- Cette disposition ainsi
rédigée est adoptée.
L’ensemble de l’article est
également adopté.
Articles 3 à 6
« Art. 3. La grande
naturalisation sera toujours l’objet d’une disposition spéciale, hors le cas
prévu par l’art. 4.
« L’admission de
plusieurs étrangers à la naturalisation ordinaire pourra être prononcée par une
seule disposition. »
- Adopté.
________________
« Art. 4. La
naturalisation du père assure à ses enfants mineurs la faculté de jouir du même
avantage, pourvu qu’ils déclarent dans l’année de leur majorité, devant
l’autorité communale du lieu ou ils ont leur domicile ou leur résidence,
conformément à l’art. 10, que leur intention est de profiter du bénéfice de la
présente disposition.
« Si les enfants et
descendants sont majeurs, ils pourront, dans le cas où leur père obtiendrait la
grande naturalisation, obtenir la même faveur pour services éminents rendus à
l’Etat par leur père. »
- Adopté.
_________________
« Art. 5. La naturalisation
ordinaire, hors le cas prévu par l’article précédent, ne sera accordée qu’à
ceux qui auront accompli leur vingt-et-unième année et qui auront résidé
pendant cinq ans en Belgique. »
- Adopté.
_________________
« Art. 6. Nul n’est
admis à la naturalisation, qu’autant qu’il en ait formé la demande par écrit.
« La demande devra
être signée par la personne qui la forme ou par son fondé de procuration
spéciale et authentique. Dans ce dernier cas, la procuration sera jointe à la
demande. »
- Adopté.
Article 7
« Art. 7. Toute
demande en naturalisation, ainsi que toute proposition du gouvernement ayant le
même objet sera renvoyée par la chambre à une commission, qui présentera
l’analyse de la demande et des pièces y annexées.
« Sur le rapport de cette
commission, la chambre décidera, au scrutin secret, s’il y a lieu de prendre en
considération la demande ou la proposition. »
M.
F. de Mérode. - Je propose d’ajouter au second paragraphe de cet
article, après les mos : « La chambre décidera, » ceux : « sans
discussion. » Je vais dire pourquoi.
En vertu de la loi que nous discutons, toutes les
fois que nous aurons à examiner des demandes en naturalisation, il s’agira de
questions de personnes. Vous sentez donc combien il serait inconvenant de
discuter publiquement ou même en comite général le mérite de tel ou tel
étranger qui réclamera l’indigénat. En effet, cette discussion n’offrira aucune
liberté ; car celui qui voudra faire l’éloge d’un pétitionnaire auquel il
prendra intérêt, mettra en relief, et dans les termes le plus pompeux si cela
lui convient, les mérites vrais ou prétendus de son client, et celui qui voudra
soutenir la thèse contraire mettra en évidence tout ce qu’il connaîtra de
défavorable au candidat présenté. Il est aussi facile de louer quelqu’un que
difficile de le blâmer en public ; car si l’éloge est mal fondé, qu’en résultera-t-il
de fâcheux pour celui qui loue ? Rien. Tandis qu’il est infiniment désagréable
de se constituer détracteur officiel et de publier les torts.
Il en résultera que le
public, après avoir entendu les plus grands éloges d’un individu aspirant à la
grande naturalisation, le verra écarté par un scrutin défavorable.
Dans toute discussion il
faut qu’il y ait liberté et égalité ; puisqu’il ne peut y avoir ici liberté et
égalité, il ne faut pas qu’il y ait de discussion.
M.
Gendebien. - Je ne comprends pas très bien la théorie de l’honorable M. F. de Mérode. Il veut qu’il y ait
liberté et égalité dans la discussion, et il propose qu’il n’y ait pas de
discussion. Mais s’il n’y a pas de discussion, est-il besoin de dire qu’il n’y
aura pas de liberté de discussion ! Singulier moyen d’assurer la liberté de
discussion, que de supprimer toute discussion. Je le répète, je ne comprends
pas cette théorie. Je ne sais depuis quand on hésite à discuter les questions
de personnes, alors que le mérite de la personne doit faire accueillir ou
rejeter la demande de naturalisation. Comment, si on ne discute pas, sera-t-on
éclairé sur les droits de celui qui aspire à la naturalisation ?
Il y aura, dit-on,
des inconvénients à cette discussion. Mais la chambre est libre de se former en
comité secret. La discussion, alors, aura lieu en secret ; et s’il y a des
indiscrétions, le coupable sera celui qui les aura commises, et non celui qui
aura émis son opinion ; car cette opinion pourra être contredite par la
totalité de la chambre. Si on trouve que les faits allégués à la charge de
celui qui sollicite la naturalisation ne sont pas exacts, ces faits seront
appréciés par la chambre.
Mais si on ne discute pas,
les neuf dixièmes de la chambre ne connaîtront pas les individus qui
demanderont la naturalisation. Personne ne pourra s’éclairer. Vous ferez ainsi
plus de mal à ceux qui solliciteront la naturalisation, que vous ne voulez leur
faire de bien. Car, comme dans le doute on doit s’abstenir, on s’abstiendra de
voter pour la naturalisation, c’est-à-dire qu’on votera contre. Je ne comprends
donc pas le service que M. F. de Mérode prétend rendre à ceux qui demandent la
naturalisation. Je comprends encore moins sa théorie.
M.
le ministre de la justice (M. Ernst). - Je trouve la proposition de
l’honorable M. F. de Mérode extrêmement rationnelle. J’ai fort bien compris sa
pensée. Il faut qu’il y ait dans la discussion liberté et égalité, ou qu’il n’y
ait pas de discussion. Or, dans une question de personnes, il ne peut pas y
avoir liberté et égalité dans la discussion. Car s’il est facile de faire un
éloge, tout le monde n’a pas le courage de dire la vérité, quand elle est
désagréable. Ainsi l’inconvénient signalé par l’honorable M. de Mérode existe.
Il arrivera que l’on fera passer un individu pour avoir rendu des services
éminents au pays, et qu’il sera rejeté au scrutin secret. Le comité secret
n’obvie pas cet inconvénient ; car vous savez que même en comité secret on
n’aura pas la liberté d’exprimer son opinion, exposé que l’on sera à la voir
publier dans les journaux.
M.
Fallon, rapporteur. - Je dois reconnaître que la proposition de
l’honorable M. F. de Mérode est effectivement très rationnelle. Mais je la croyais
tout à fait inutile, parce qu’il est entré dans les intentions de la section
centrale, manifestées, je crois, suffisamment, qu’aucune discussion ne puisse
sur le rapport, et qu’on procède sur le champ au scrutin secret. Il suffit pour
s’en convaincre de lire le texte de l’article. Vous voyez que la commission ne
présente aucune conclusion, qu’elle se borne à présenter l’analyse de la
demande et des pièces y annexées. Comment y aurait-il discussion sur un rapport
qui ne présente pas de conclusions ? Toutefois, si on ne trouve pas assez clair
le sens de l’article de la section centrale, je ne m’oppose pas à l’amendement
de M. F. de Mérode. Mais quant à
moi, je le crois inutile.
M. de Behr. - La question
de savoir si l’on accordera ou non la naturalisation, est évidemment une
question de personnes et il ne peut y avoir de liberté dans une discussion sur
le mérite des candidats à la naturalisation. On vous propose le comité secret.
Mais la chambre a l’exemple de ce qui arrive dans les comités secrets. Toutes
les opinions exprimées en comité secret sont rendues exactement par les
journaux ; on y ajoute même. Quant à moi, je crois le comité secret illusoire.
Je pense qu’il n’est pas possible que les membres expriment librement leur
opinion, même en comité secret ; j’appuie donc l’amendement de l’honorable
comte F. de Mérode.
M. F. de Mérode.
- Je veux faire remarquer la différence qu’il y a entre être éclairé ou être
ébloui. Quand on est éclairé, on connaît mieux la question qu’on ne la
connaissait avant d’avoir reçu des éclaircissements. Mais quand on fait briller
à vos yeux une fausse lumière, sans que vous ayez la faculté de la souffler, il
en résulte que vous êtes ébloui, et non pas que vous êtes éclairé. (Rires d’approbation.)
C’est parce qu’il est
impossible que la discussion vous éclaire, que je demande qu’il n’y en ait pas.
M. A. Rodenbach.
- Je n’ai demandé la parole que pour dire que je crois utile l’amendement de
l’honorable M. de Mérode. Cet amendement ne nous empêchera pas de rechercher si
le candidat à la naturalisation est un homme d’honneur, s’il n’est pas un
faussaire, un banqueroutier. Ce sont des questions que nous pouvons nous
adresser entre nous, et dont nous pourrons nous occuper, si on le juge
nécessaire, en comité secret ; toutefois, vous savez que nos comités secrets
sont mieux rendus dans les journaux que nos séances publiques. Des notes sont
sans doute recueillies par des membres. Car il est certain que le compte rendu
des comités secrets est plus fidèle et plus complet que celui que donnent les
journaux de nos séances publiques.
M.
Gendebien. - Je ne comprends vraiment pas ce que je viens d’entendre.
Il me semble que quand un député a l’honorable mandat de représenter la nation,
il doit se sentir assez fort pour remplir courageusement ses devoirs ; il doit
songer qu’il a derrière lui les électeurs et la nation entière qu’il
représente. D’ailleurs, chacun des membres de la chambre n’est-il pas
inviolable ?
M.
F. de Mérode. - Oui, moralement.
M.
Gendebien. - Moralement et physiquement, quand on le veut, et on l’a
déjà prouvé. Ce ne serait pas la première fois qu’un membre de la chambre
déclinerait une provocation, quand elle aurait rapport à l’accomplissement de
ses devoirs comme député. Et celui qui a agi ainsi à l’égard d’une provocation
téméraire, et injuste, à la vérité, avait prouvé qu’il n’avait pas besoin de se
retrancher derrière l’inviolabilité de son mandat.
Il a cédé aux conseils et
aux justes observations de ses collègues ; il a voulu maintenir et il devait
maintenir intactes les prérogatives de la chambre.
Mais si nous n’avons pas le
courage de discuter, comment maintenir l’inviolabilité de notre mandat ? Il
s’agira d’introduire dans la société peut-être un ministre, un général en chef
et ainsi en descendant des fonctions les plus importantes à d’autres moins
importantes, et on ne pourra pas soulever de discussion ! On craint d’être
ébloui, voilà dit-on ; mais dites plutôt que vous craignez la lumière.
Un honorable orateur a dit
qu’on pouvait toujours adopter l’amendement de M. de Mérode, et que cela
n’empêcherait pas de demander si tel aspirant à la naturalisation est un
escroc, un banqueroutier, un faussaire. Mais non, cela n’est pas possible. Si
vous adoptez l’amendement, ou si vous adoptez l’article tel que l’entend
l’honorable rapporteur, il ne pourra y avoir de discussion et à plus forte
raison vous ne pourrez adresser des questions sur le candidat à la
naturalisation, Car quel est l’homme susceptible qui ne s’offense pas d’une
question faite par un membre qui n’a pas le droit de la faire ? L’individu dont
il s’agira est-il sous le coup condamnation criminelle ou correctionnelle ?
A-t-il fait une banqueroute frauduleuse ?
Telles sont les questions
qu’on pourra faire ; et qui ne serait pas blessé de telles questions, alors que
la loi interdit toute discussion ?
Admettre l’amendement de M.
de Mérode, ce serait détruire toute liberté. Pour moi, J’entends comme député
avoir le droit de tout dire devant la chambre, qui peut me contredire, si je me
trompe, et la presse peut rectifier mes erreurs si elles sont préjudiciables à
quelqu’un.
Remarquez que c’est une
inquisition tout au moins négative, c’est un état de mutisme qu’en vous impose.
Mais si vous ne croyez pas
les représentants assez courageux pour exprimer leur opinion dans le sein de la
chambre, êtes-vous bien certains de trouver des hommes assez courageux pour
exprimer leur opinion dans la commission ?
M.
Fallon. - La commission n’a rien à faire.
M.
Gendebien. - Elle n’a rien à faire. Mais il faut bien qu’elle vérifie
les pièces. Si des pièces sont fausses, il faut bien qu’elle le dise. Ainsi, un
homme susceptible pourra se plaindre d’être accusé par la commission d’être un
faussaire. Si donc on n’a pas le courage de parler en comité secret, on n’aura
pas davantage le courage de parler dans le sein de la commission.
Je craindrais d’abuser de
la patience de la chambre, en insistant davantage. Mais je dis qu’adopter
l’amendement ce serait faire abnégation de votre inviolabilité, ce serait
donner une preuve de pusillanimité que je ne puis tolérer pour mon compte. Ce
serait abolir le droit de critique et de contrôle. A ce compte, il n’y aurait
plus moyen de discuter les budgets, car nous pouvons avoir le droit de discuter
les traitements. Mais les employés peuvent s’offenser de ce que nous ne
trouvons pas leur mérite en rapport avec leurs traitements.
Je crois, pour moi, qu’il faut laisser à la chambre
la liberté de discussion. La faculté de discuter en comité secret fait
disparaître toute espèce d’inconvénient. S’il y a des indiscrétions, dans ces
cas graves, on en recherchera l’auteur, qui sera le seul coupable. Moi je pense
que M. un tel est un faussaire, un banqueroutier. Je ne dois compte de ma
pensée à personne. Mais celui qui surprend ma pensée, et la publie, celui-là
commet l’offense ; celui-là est coupable.
Songez, messieurs, que l’obligation d’exprimer
franchement notre pensée résulte de notre mandat ; que la méconnaître, ce
serait manquer au premier de nos devoirs.
M.
Trentesaux. - Si vous ne voulez pas de discussion, je ne m’y oppose
pas. Il résulte de là que vous faites disparaître une partie des inconvénients
que j’ai signalés comme résultant de la rédaction de l’art. 2. Mais s’il n’y a
pas de discussion, votre article 2 sera sans sanction. Vous ne saurez jamais si
on a rendu des services éminents à l’Etat.
M.
A. Rodenbach. - Je commence par reconnaître que la proposition de M.
Gendebien est la plus libérale. Mais il faut convenir aussi qu’elle présente de
grands inconvénients.
Je suppose qu’un membre
tienne un propos sur quelqu’un.
M.
Gendebien. - Nous discutons, nous ne tenons pas de propos.
M. A. Rodenbach. - Je suppose qu’un membre ait
déclaré quelqu’un indigne de la naturalisation qu’il sollicite, qui dise que
c’est un malhonnête homme. Vous savez que les comités secrets, c’est pour ainsi
dire le secret de la comédie.
Si l’on dit le lendemain à
la personne qui aura été l’objet d’une attaque : Un tel a dit telle et telle
chose sur votre compte en comité secret, il est très possible qu au sortir de
la séance ou au café, le membre qui aura fait une accusation dans ce sens soit
accosté et reçoive un soufflet de cet individu. Tout membre de cette chambre
devient un particulier hors de la chambre. Nous nous pouvons recevoir un
soufflet du premier venu. Nous ne savons pas tous tirer le pistolet.
Vous voyez donc les dangers
d’une discussion sur une question personnelle même en comité secret.
Je trouve le principe de M.
Gendebien beaucoup plus libéral. Mais il présente d’immenses inconvénients.
Aussi, je me prononcerai pour l’amendement de l’honorable M. de Mérode.
M.
Jullien. - Je vous avoue que moi aussi j’ai peine à concevoir le
scrupule méticuleux qui a engagé l’honorable M. de Mérode à présente son
amendement.
Je me défie de toute
décision et surtout d’une décision solennelle qui est prise sans aucune espèce
de discussion. Je vous prie de remarquer que comme, en fait de naturalisation,
il s’agit toujours de statuer sur la demande d’un étranger, il sera toujours
plus inconnu qu’un citoyen de la famille qui viendrait vous faire une demande
sur laquelle on aurait pris à l’avance tous les renseignements désirables. Comment
! lorsqu’il s’agira d’accorder la naturalisation à un étranger pour services
éminents rendus à mon pays, moi, représentant de la nation, je n’aura pas le
droit de discuter sur la question de savoir si les services qu’il a rendus sont
assez éminents pour lui mériter la grande naturalisation !
L’amendement de M. de
Mérode me fermera la bouche ! Quand le pouvoir viendra me dire : Cet homme a
rendu des services éminents au pays, je ne pourrai pas dire qu’il n’a rendu que
des services. Comme l’a dit l’honorable M. Gendebien, vous feriez, en adoptant
la proposition de M. de Mérode, abnégation de votre pouvoir.
La première qualité d’un
représentant de la nation est de pouvoir dire ce qu’il pense sur toutes les
questions qui lui sont présentées. Réfléchissez que la commission vous fera un
rapport qui ne sera pas motivé, qu’elle présentera le simple énoncé des pièces
à l’appui de la demande.
Si, parmi ces pièces, il
s’en trouve de fausses, je ne pourrai pas dire mon opinion à cet égard. Je
n’aurai pas le droit de prévenir mes collègues que les pièces que l’on présente
comme ayant un caractère de vérité, sont mensongères. Je ne sais en vérité où
nous marchons. Si vous voulez adopter cet amendement, il faut que quelque motif
secret ait porté l’auteur de cette proposition à la présenter.
On nous montre en
perspective la possibilité d’être insultés dans la rue, si nous discutons des
questions de personnes à propos des demandes de grande naturalisation. Quand on
dit son opinion dans ce cas-là, on le fait à ses risques et périls ! Il n’est
pas permis à un membre d’avancer une calomnie devant la chambre. Il ne peut pas
flétrir à plaisir la réputation d’un individu. On n’avance des faits que quand
on en a acquis la certitude, Je mépriserais souverainement tout homme qui n’aurait
pas le courage de ses opinions. Honte et mépris à un tel homme ! Il faut croire
que les représentants de la nation sont des hommes assez distingués pour ne pas
aventurer, dans une discussion de cette nature, des moyens qui pourraient
compromettre leur dignité personnelle et la dignité de la chambre.
Je déclare que je voterai
contre l’amendement de M. de Mérode.
M. Fallon, rapporteur.
- Je dois relever l’erreur dans laquelle sont tombés MM. Jullien et Trentesaux.
Ces orateurs ont dit que
l’amendement que l’on propose se trouverait en contradiction avec l’article 2
en ce que l’on ne pourra discuter la valeur des services rendus par l’étranger.
C’est une grave erreur. L’on pourra discuter publiquement ce point. Il ne
s’agit ici que de la prise en considération. (Ah ! ah !) Comment pourra-t-on faire connaître que parmi les pièces
présentées il y en a de fausses, demande M. Jullien ? Lorsque la chambre aura
admis la prise en considération, vous signalerez ces erreurs à votre aise. Vous
pourrez déduire vos raisons. La discussion ne se trouvera entravée en aucune
manière. C’est d’une simple prise en considération qu’il s’agit actuellement.
Quand la discussion du projet de naturalisation sera ouverte on pourra examiner
le point de savoir si l’étranger se trouvera dans les cas de l’article 2.
M.
Dumortier. - Je ne répéterai pas ce qu’a dit l’honorable M. Fallon. Il a relevé l’erreur
commise par MM. Gendebien, Jullien et Trentesaux.
L’un de ces honorables membres
a parlé de services d’antichambre. Je regarde l’article de la section centrale
comme étant tout ce qu’il y a de meilleur pour empêcher les services
d’antichambre d’être récompensés par la naturalisation.
L’amendement de l’honorable M. de Mérode n’a
d’autre but que de lever toute espèce de doute sur la portée de l’article de la
section centrale.
Quant à ce qu’on a dit que
tout le monde devait avoir le courage de son opinion, tout le monde a le
courage de son opinion lorsqu’il s’agit simplement d’opinion. Mais quand il
s’agit de questions de personnes, c’est bien différent. Lorsque vous nommez
votre bureau, les membres de la cour des comptes, un jury d’examen, est-ce que
vous commencez par établir une discussion sur le mérite des personnes ? Non,
vous allez immédiatement aux voix. Vous devez faire la même chose lorsqu’il
s’agit de prendre en considération une demande en naturalisation.
M.
Gendebien. - La différence de langage est telle de la part des orateurs
que j’ai combattus que je n’y comprends plus rien du tout. Tout à l’heure l’on
a discuté chaudement la question de publicité.
L’on vous a longuement
développé les motifs qui faisaient désirer que l’on ne discutât pas les
questions de naturalisation en séance publique. L’on vous a même montré les
inconvénients qu’il y aurait à les examiner en comité général et même en comité
secret. Notez bien que l’on allait si loin que l’on disait l’amendement de M.
de Mérode inutile, parce qu’il était sous-entendu dans l’article même qui
écartait toute discussion. Maintenant l’on vient vous dire qu’il s’agit
seulement de la prise en considération ; que la discussion publique aura lieu
après.
M. de Mérode propose
simplement que l’on décide au scrutin secret et sans discussion préalable la
prise en considération. Mais lorsque la prise en considération aura été admise,
tous les inconvénients que vous avez signalés se reproduiront lors de la
discussion générale.
M.
le ministre de la justice (M. Ernst). - C’est une nécessité.
M. Gendebien. -
Ainsi la discussion que l’on ne voulait pas admettre même en comité secret, on
dit maintenant qu’elle aura lieu en public. Je demande que M. de Mérode veuille
bien s’expliquer sur la portée de son amendement et qu’il dise qu’il ne
s’applique qu’à la prise en considération, parce que l’on pourrait
l’interpréter tout différemment.
Du reste, je considère
cette prise en considération comme tout à fait oiseuse, dans le sens de la discussion qui s’est élevée, puisqu’elle
suppose, ainsi qu’on vient de le dire ou de l’imaginer, qu’elle ne dispensera
pas d’une discussion publique.
Arrangez-vous comme
vous voulez ; mais du moment que vous ne pouvez pas éviter la discussion en
public, à quoi servirait de nous démontrer tous les dangers de la question de
personne à propos de la prise en considération ?
M. F. de Mérode. - Toute l’erreur provient de
ce que les honorables préopinants n’ont pas distingué le projet en lui-même de
la prise en considération. Si les deux chambres prennent une demande en
considération, le projet de naturalisation sera discuté. Sinon, l’affaire en
restera la.
M.
de Behr. - L’honorable M. Gendebien a dit que la prise en considération
serait inutile ; probablement il n’a pas lu l’article suivant, où il est dit
qu’il n’est donné de suite à la demande que quand il y a eu prise en
considération.
M.
Gendebien. - Vous ferez des injustices.
M. Jullien. - Si je me suis déclaré contre la
suppression de toute discussion à propos de la naturalisation d’un individu,
c’est que je croyais que la prise en considération à laquelle s’applique
l’amendement de M. de Mérode constituait le projet de naturalisation.
Pourquoi ne pas expliquer
plus clairement dans la loi que la législature sera saisie d’un projet de
naturalisation lorsque la demande aura été prise en considération ?
Du moment qu’il est
expliqué que l’amendement de l’honorable M. de Mérode s’applique seulement à la
prise en considération, je ne m’y oppose plus, parce qu’il a pour but d’éviter
deux discussions, dans le cas où il serait inutile de discuter même une seule
fois.
M.
Fallon, rapporteur. - Si la section centrale ne s’est pas expliquée,
comme M. Jullien lui en fait le reproche, c’est que, d’après le règlement de la
chambre, après la prise en considération on passe à la discussion du projet.
- L’amendement présenté par
M. F. de Mérode est mis aux voix et adopté.
L’art. 7 est mis aux voix
et adopté.
Article 8
« Art. 8. Il est donné
avis à l’autre chambre de cette décision. La demande ou la proposition, avec
les pièces jointes, lui est transmise pour y subir la même épreuve.
« Il n’est donné
aucune suite à la demande ou à la proposition, qu’autant qu’elle aura été prise
en considération dans les deux chambres. »
- Adopté.
« Art. 9. Dans les
huit jours qui suivront la sanction royale, le ministre de la justice délivrera
à l’impétrant une expédition certifiée de l’acte de naturalisation. »
M.
Gendebien. - Je demande sur quoi portera la sanction royale.
Quelques membres. - C’est la loi.
M.
Jullien. - Dites-le donc.
M. Dumortier. - L’art. 3 répond à cette
objection.
« Art. 3. La grande
naturalisation sera toujours l’objet d’une disposition spéciale, hors le cas
prévu par l’art. 4.
« L’admission de plusieurs
étrangers à la naturalisation ordinaire, pourra être prononcée par une seule
disposition. »
La section centrale
n’a pas cru devoir employer le mot de loi, parce que les collations de
naturalisation sont des actes administratifs. Si l’on veut mettre dans
l’article :
« Dans les huit jours
qui suivront la sanction royale de la disposition législative, » je n’y
vois pas d’inconvénient.
M. Jullien. - Je
voulais présenter un amendement dans le sens de celui de M. Dumortier. Je me rallierai au sien.
Il n’y aura plus de difficulté possible de cette manière sur l’interprétation
de l’article.
M. de Behr. - La
rédaction de la section centrale me paraît devoir être préférée. M. Dumortier
dit qu’il faut mettre l’article 9 en harmonie avec l’article 3. Mais, je lui
répondrai que l’article 3 suppose déjà la sanction royale. Car il n’y a pas de
disposition législative tant que le Roi n’a pas donné sa sanction.
L’amendement de M.
Dumortier ne peut donc être admis.
M. Verdussen. -
L’amendement de l’honorable M. Dumortier est complètement inutile. L’article 5
de la constitution dit formellement que c’est la législature qui accorde la
grande naturalisation. Il faut le concours des trois pouvoirs pour compléter un
acte du pouvoir législatif. L’amendement de M. Dumortier devrait subir une
autre rédaction.
M.
Dumortier. - Sans doute, tout acte du pouvoir législatif, pour avoir
force de loi, doit être sanctionné par le pouvoir royal. Mais comment le roi
prend-il part à l’action du pouvoir législatif ? C est par le fait de la
sanction qu’il donne à la loi. Il n’est question ici que de cette sanction.
C’est dans les 8 jours qui la suivront que le ministre de la justice délivrera
l’acte de naturalisation. Il n’y a donc aucun inconvénient à admettre mon
amendement.
M. Gendebien. -
Il me semble qu’on a suffisamment prouvé qu’on ne pouvait faire mention de
l’article 3 à l’article 9. Je crois qu’il faudrait ajouter à ce dernier article
: « Un mois après la prise en considération par les deux chambres, un
projet de loi accordant la grande naturalisation sera présenté aux
chambres. » Comme la commission ne fait pas de rapport, qu’elle ne fait qu’analyser
les pièces, il faut lui donner un terme pour qu’il émette son avis
consciencieux Je lui donne un mois. D’un autre côté, s’il y avait mauvais
vouloir, il ne pourrait durer qu’un mois.
M. de Jaegher. - Il me semble qu’on
peut se borner à intervertir les deux parties de l’article 9, et dire :
« Le ministre de la justice délivrera à l’impétrant une expédition
certifiée de l’acte de l’acte de naturalisation dans les 8 jours qui en
suivront la sanction par le Roi. »
M.
A. Rodenbach. - Ce serait la même chose.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Vous ne pouvez imposer au pouvoir législatif un délai dans lequel il faudrait
qu’il portât la loi : Supposez que la prise en considération ait lieu quelques
jours, avant la clôture d’une session, la disposition serait illusoire. Dans
une infinité d’autres cas, vous ne pouvez astreindre le pouvoir législatif à
prononcer dans un mois sur une demande prise en considération.
Il est certain que
la personne qui aura fait une demande fera des instances pour obtenir une loi,
quand sa demande aura subi une première épreuve favorable. Il en sera de même
si c’est le gouvernement qui ait fait sa demande ; en sorte que je ne comprends
pas l’utilité de l’amendement.
Du moment qu’on ne peut pas
qualifier de loi l’acte par lequel le pouvoir législatif accorde la
naturalisation, je crois qu’il est préférable de se renfermer dans les termes
de l’article 3.
M.
Fallon, rapporteur. - Je ne m’opposerai pas à l’amendement de M.
Dumortier parce qu’il rend plus claire
la pensée de la section centrale, mais il est impossible d’appliquer l’article
9 à la prise en considération ; il ne s’applique qu’à l’acte par lequel la
chambre accorde la naturalisation.
- L’amendement de M. de
Jaegher n’est pas appuyé.
L’amendement de M.
Dumortier mis aux voix est adopté.
L’article 9 ainsi amendé
est adopté.
Articles 10 à 13
« Art. 10. L’impétrant,
muni de cette expédition, se présentera devant le bourgmestre du lieu de son
domicile, ou de sa résidence, et déclarera qu’il accepte la naturalisation qui
lui est conférée.
« Il sera
immédiatement dressé procès-verbal de cette déclaration dans un registre à ce
destiné. »
- Adopté sans discussion.
_______________
« Art. 11. La
déclaration prescrite par l’article précédent sera faite, sous peine de
déchéance, dans les deux mois à compter de la date de la sanction
royale. »
- Adopté sans discussion.
_______________
« Art. 12. L’autorité
municipale enverra dans les huit jours au ministère de la justice une
expédition dûment certifiée de l’acte d’acceptation. »
- Adopté sans discussion.
______________
« Art. 13. L’acte de
naturalisation ne sera inséré au Bulletin
officiel que sur le vu de cette expédition dont la date sera également
insérée au Bulletin. »
- Adopté sans discussion.
M.
le président. - Nous passons aux dispositions transitoires. M. Seron, à
la place de l’art. 14, propose un amendement, et cet amendement a été
développé.
M. Fallon, rapporteur.
- Je n’ai pas compris l’amendement. Il me paraît qu’il a pour objet les
habitants d’un territoire réuni à
M.
Seron. - C’est cela !
M.
Gendebien. - M. Fallon présume peut-être que M. Seron veut donner la naturalisation
à ceux qui sont nés dans les cantons dont il s’agit ; mais ce n’est pas là ce
qu’il propose ; il veut que les personnes domiciliées dans ces cantons depuis
10 ans, avant 1815, quoique nés dans d’autres parties de
M. F. de Mérode. - Ceux qui étaient
domiciliés en Belgique depuis 1814, et qui en ont fait la déclaration, sont
Belges !
M.
Seron. - Et ceux qui ne l’ont pas faite ?
M.
F. de Mérode. - C’est qu’ils ont dédaigné de faire partie des Belges.
M.
Seron. - C’est qu’ils ne savaient pas qu’il fallût faire une
déclaration.
M. Fallon, rapporteur.
- Je crois que l’amendement de M. Seron est inutile, car en vertu du traité de
paix de 1814 il ne peut y avoir de doute sur la qualité de ces habitants. Par
ce traité il a été décidé que les habitants ôtés à
M.
Seron. - Ces personnes, on leur refuse la qualité de citoyen belge, on
ne veut pas qu’ils soient officiers de la garde civique, ni qu’ils occupent des
fonctions municipales.
M.
Gendebien. - Je vous dirai que j’ai plaidé devant la cour d’appel une
affaire dans laquelle était intervenue une personne de cette catégorie. Déjà
deux arrêts avaient été rendus par cette cour sur la même question, et j’étais
si convaincu que l’individu dont il s’agissait devait être considéré comme
Belge, que j’ai plaidé dans ce sens, malgré les deux arrêts rendus ; et la
question était tellement douteuse que l’avocat-général, M. Baumauwer,
qui était habitué à approfondir les questions, était de mon avis.
L’affaire fut tenue trois
mois en délibéré. Le rapporteur était aussi de mon avis ; mais, comme le
gouvernement y voyait une question politique, on retira l’affaire à ce
rapporteur, et la cour décida que le testament était nul, parce qu’un individu
de la catégorie qui est l’objet de l’amendement de M. Seron avait été témoin.
La cour de cassation est
saisie en ce moment ou va être saisie d’une question analogue. Je ne sais
quelle est son opinion, mais toujours est-il que le doute existe puisqu’un
testament a été annulé.
Je ne vois pas pourquoi
vous ne feriez pas disparaître ce doute, puisque vous en avez l’occasion.
Quant à l’objection
faite par M. de Mérode, qu’on doit supposer que ceux qui n’ont pas fait leur
déclaration dans les six mois, ne se souciaient pas Belges, je dirai que sur
dix il n’y en a peut-être pas un qui ait su qu’il avait une déclaration à faire
; et pour ceux qui l’ont su, six mois sont bien vite écoules ; une distraction,
un oubli est bien facile dans ce court intervalle.
Je pense donc que vous
devez adopter l’amendement proposé par M. Seron, sans vous arrêter à
l’objection de M. de Mérode.
M. de Behr. - M.
Gendebien a dit que la question était douteuse. Je ne sais pas si on rendra un
grand service en adoptant l’amendement proposé. Car s’il y a des faits
consommés, qu’arrivera-t-il ? La décision de la chambre va influer sur la décision
des tribunaux. La question ne restera pas moins douteuse pour les faits passés,
et je ne sais pas si la décision que vous allez prendre n’impliquera pas
qu’avant cette décision les individus qu, en sont l’objet devaient être
considérés comme étrangers.
M. A. Rodenbach. - Si vous ne décidez rien,
le doute n’en subsistera pas moins, et il en résultera de plus grands
inconvénients. Au lieu d’un abus, il y en aura une foule.
M. Gendebien vous a dit que
la cour d’appel et la cour de cassation avait prononcé contre ces individus. M.
Seron vous a dit qu’on s’était opposé à ce qu’ils fussent officiers de garde
civique.
Ils sont domiciliés
dans le pays depuis 1805. Le gouvernement provisoire a décidé que tous ceux qui
habitaient
M.
Seron. - Je demande la parole pour faire remarquer que parmi les
individus qui sont l’objet de ma proposition, il en est qui sont venus
combattre pour votre révolution, et que c’est à eux que Philippeville doit le
drapeau qui lui a été donné à cette occasion.
M. Fallon, rapporteur.
- Les individus qui habitent le territoire qui a été détaché de
M. Gendebien. - Ce n’est pas là la
question. Il ne s’agit pas d’Allemands ou d’Anglais qui seraient venus habiter
la partie de
M. Nothomb. - Je
pense qu’il s’agit de Français qui depuis 1805 sont établis dans les dix
cantons cédés à
M.
Seron. - Il ne s’agit pas des individus domiciliés dans les dix cantons
cédés par le deuxième traité de Paris, mais seulement dans les cantons qui
n’ont jamais fait partie des départements réunis.
M. Milcamps. -
Les habitants des communes dont parle M. Seron, détachés de
M.
Fallon, rapporteur. - Nous devons reconnaître que les individus nés dans
ces cantons, qui ne faisaient pas partie des départements réunis, comme ceux
qui y étaient domiciliés depuis dix ans, quelque soit le lieu où ils étaient
nés, étaient Français et sont devenus Belges par le fait du traité et ont
acquis par la cession des cantons tous les droits de régnicoles belges.
M. Gendebien. -
Les raisons qu’on vient de donner peuvent être fort exactes. Mais si on
considère que la jurisprudence admise est de ne regarder comme attachés au sol
que ceux qui sont nés dans le pays, et que beaucoup de publicistes n’admettent
comme attaché au sol comme partie intégralité du pays que de deux façons, par
la naissance et par une fiction de la loi, c’est-à-dire par la grande
naturalisation, la cour a-t-elle eu raison ? Je n’en sais rien. Je ne veux pas
discuter cette question délicate ; mais il n’en est pas moins positif qu’elle a
décidé la question comme l’honorable M. Milcamps vient de vous le dire.
Maintenant, voulez-vous
éviter des difficultés pour l’avenir ; ou voulez-vous annuler les testaments et
autres actes d’individus qui ont résidé depuis 30 ans dans le pays ?
Je pense que pour éviter
toute difficulté, vous devez adoptez l’amendement de M. Seron, d’autant plus
qu’il ne présente aucun inconvénient.
M.
le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - L’honorable
M. Seron propose de considérer comme Belges les individus qui, à l’époque du 30
novembre 1815, étaient domiciliés, depuis 10 ans accomplis, dans les communes
détachées de
« Art. 8. Nul ne peut être
nommé membre des états-généraux, chef ou membre des départements
d’administration générale, conseiller d’Etat, commissaire du roi dans les provinces,
ou membre de la haute cour, s’il n’est habitant des Pays-Bas, né, soit dans le
royaume, soit dans ses colonies, de parents qui y sont domiciliés. »
Voilà la condition qu’il
fallait remplir pour être considéré comme régnicole et être admissible à tous
les emplois, généralement quelconques. C’est ce qui résulte également de l’art.
10 ; il porte :
« Art. 10. Pendant une
année après la promulgation de la présente loi fondamentale, le roi pourra
accorder à des personnes nées à l’étranger et domiciliées dans le royaume, les
droits d’indigénat et l’admissibilité à tous emplois quelconques. »
Vous voyez que d’après
l’art. 10, il était réservé au roi d’accorder l’indigénat et l’admissibilité
aux emplois, aux individus domiciliés, à quelque titre que ce fût dans le
royaume des Pays-Bas, et qui n’étaient pas nés soit dans le royaume des
Pays-Bas, soit dans ses colonies.
Dès lors, il est
incontestable que les personnes désignées dans la proposition de M. Seron ne
peuvent être considérées comme Belges, car cela résulte évidemment des termes
de la loi fondamentale ; cela résulte également des termes de notre
constitution.
Reste à examiner une seule question : celle de
savoir si les personnes dont il s’agit sont dignes de la sollicitude de la
chambre. A cet égard, je ferai seulement observer que ces personnes ont eu deux
occasions d’acquérir l’indigénat : après la publication de la loi fondamentale,
pendant un an, ils ont pu obtenir de la part du roi des Pays-Bas des lettres
d’indigénat et d’admissibilité aux emplois et, en vertu de l’art. 133 de la
constitution, ils ont pu se faire considérer comme Belges dans les six mois qui
ont suivi la promulgation de la constitution.
S’il y a eu ignorance de la
part de ces individus ou s’ils n’ont pas attaché d’importance â l’acte qu’ils
pouvaient faire, c’est une considération qui doit être méditée par la chambre.
Mais il est certain que, sans la disposition proposée par l’honorable M. Seron,
ces personnes seront à juste titre considérées comme n’étant pas Belges.
M.
Trentesaux. - Je dois cependant faire observer à M. le ministre des
affaires étrangères qu’une personne de l’une de ces communes s’est adressée au
ministre de la justice du royaume des Pays-Bas pour obtenir la naturalisation
et qu’il lui a été répondu qu’il n’en avait pas besoin.
M.
le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Il faudrait
s’entendre. Je demanderai à l’honorable M. Trentesaux à quelle époque on s’est
adressé au ministre de la justice du royaume des Pays-Bas.
M.
Trentesaux. - C’était vers 1827 ou 1828.
M.
le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Alors on ne
pouvait accorder la grande naturalisation ; le roi ne pouvait l’accorder que
durant une année, après la publication de la loi fondamentale.
M.
Trentesaux. - M. le ministre ne m’a pas compris. Le ministre de la justice
répondit qu’il n’avait pas besoin de la naturalisation, attendu qu’il était
Belge, parce qu’il était domicilié dans une commune qui était, par le traité de
Paris, incorporée au royaume des Pays-Bas.
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - Je crois qu’il faudrait
ajouter à l’article proposé par l’honorable M. Seron ces mots : « pourvu
que ces individus aient continué de résider en Belgique. »
M.
Seron. - Très bien, on mettrait ces mots à la fin de l’article.
- L’article nouveau
présenté par M. Seron avec l’addition proposée par M. le ministre des finances
est mis aux voix et adopté.
Article 15
« Art. 15. Les étrangers
qui ont obtenu l’indigénat ou la naturalisation sous le gouvernement des Pays-Bas,
ne jouiront en Belgique des droits que ces actes leur ont conférés, qu’autant
qu’ils y étaient domiciliés au 1er décembre 1830, et qu’ils y ont depuis lors
conservé leur domicile. »
- Adopté.
Article 16
« Art. 16. Les
étrangers qui, dans le cas prévu par l’art. 133 de la constitution, n’ont pas
fait la déclaration prescrite par cet article, pourront obtenir la grande
naturalisation, en justifiant que, par des circonstances indépendantes de leur
volonté, ils ont été empêchés de faire cette déclaration dans le terme
prescrit. »
M.
le ministre de la justice (M. Ernst). - Je prierai l’honorable
rapporteur de me permettre de lui adresser une interpellation sur le sens des
mots : « par des circonstances indépendantes de leur volonté. » J’aurai
l’honneur de lui citer un exemple, qui peut-être fera sentir la nécessité de
changer ces expressions.
A l’époque de la
publication de la constitution, il y avait des personnes dans le cas de
l’article 16, qui ont été appelées par le gouvernement à des fonctions
publiques. Dès lors ils ont cru qu’ils étaient considérés comme Belges et n’ont
pas cru nécessaire de faire la déclaration prescrite par l’art. 133 de la
constitution. Ces personnes ainsi induites en erreur pourront-elles jouir du
bénéfice de l’art. 16 ? Sera-t-il admis que c’est par des circonstances
indépendantes de leur volonté qu’elles ont été empêchées de faire la
déclaration dans le terme prescrit. Je demanderai à cet égard une explication à
l’honorable rapporteur.
M. Fallon, rapporteur.
- La question que soulève M. le ministre de la justice a été agitée dans la
section centrale. L’on n’a pas pensé devoir venir au secours de ceux qui
prétexteront cause d’ignorance de la loi, attendu que cela ouvrirait la porte à
des abus. L’on a voulu qu’il fût justifié de circonstances indépendantes de
leur volonté.
M.
Legrelle. - De la manière dont l’article est rédigé, on ne sait pas qui
sera juge des circonstances indépendantes de la volonté des pétitionnaires.
M.
Fallon, rapporteur. - La réponse est dans l’article même. Il est dit
que les individus dans le cas prévu par l’article devront demander la grande
naturalisation. Or, il n’y a que les chambres qui confèrent la grande
naturalisation.
M. Gendebien. -
Je demande l’adjonction des mots « le pouvoir législatif » dans l’article.
Car si l’on ne le disait pas, il pourrait y avoir du doute. Il ne s’agit que de
vérifier une question de fait ; et non d’apprécier les conditions requises pour
la grande naturalisation aux termes de la constitution et de la loi de
naturalisation ; le pouvoir exécutif pourrait se croire autorisé à vérifier
cette question aussi bien que le pouvoir législatif. Je pense d’ailleurs que
l’expression ne peut nuire en aucun cas.
M.
Legrelle. - En suite des explications qui viennent d’être données, je
suis d’accord avec les honorables préopinants pour adopter l’article. Mais il va
sans dire que c’est le pouvoir législatif qui accorde la naturalisation, par le
seul motif que celui à qui cette faveur est conférée n’a pas profité des
bienfaits de la loi par des causes indépendantes de sa volonté.
M.
Verdussen. - L’amendement de M. Gendebien me paraît inutile. Car il n’y
a pas d’autre grande naturalisation que celle qui est conférée par le pouvoir
législatif.
M.
Gendebien. - M. Verdussen ne m’a pas compris. Il ne s’agit pas ici
d’apprécier les conditions de la grande naturalisation, il s’agit d’une simple
déclaration de naturalité qui résultera d’un fait et du bénéfice de la loi.
Dans le premier cas on exige que la personne qui demande cette faveur, prouve
qu’elle a rendu des services éminents. Dans le second, il s’agit de vérifier un
fait. Après quoi, la déclaration de naturalité est délivrée ; mais il s’agit de
dire par qui.
- L’amendement de M.
Gendebien est mis aux voix et adopté.
L’art. 16 est mis aux voix
et adopté.
Article additionnel
M.
le président. - M. Dumortier a présenté la disposition additionnelle
suivante :
« La disposition de l’art.
18 du code civil est applicable aux individus qui auraient négligé de remplir
les formalités prescrites par l’art. 9 du même code. »
M.
Dumortier. - Voici les motifs qui militent en faveur de cet amendement.
En vertu de
l’article 9 du code civil, tout individu né en Belgique d’un étranger pourra,
dans l’année qui suivra sa majorité, réclamer sa qualité de Belge. La plupart
des individus qui se trouvaient dans ce cas n’ont pas rempli cette formalité,
en conséquence de l’article de la loi fondamentale, cité par M. le ministre des
affaires étrangères. Cet article posant comme règle absolue que l’on devenait
régnicole du royaume par le fait seul de la naissance paraissait déroger à
l’article 9 du code civil. Maintenant que vous avez appliqué rigoureusement
l’art. 20, il est indispensable de prévoir le cas de l’article 9. Nous ne voulons
pas relever tout individu de la déchéance qu’il aurait encourue par le fait
même qu’il ferait sa déclaration. Mais nous voulons laisser au gouvernement
l’autorisation accordée par l’article 18 du code civil.
Lorsque le gouvernement
trouvera que c’est par oubli que la déclaration n’aura pas été faite, il
autorisera l’individu à la faire devant l’état-civil.
M.
Fallon, rapporteur. - Je dois rendre compte des motifs qui ont
déterminé la section centrale à rejeter l’amendement de M. Dumortier.
« La sixième section
avait aussi propose un article additionnel, ainsi conçu :
« Les fils
d’étrangers, nés en Belgique de parents y domiciliés et qui, sous le
gouvernement précédent, auraient négligé de faire la déclaration prescrite par
l’art. 9 du code civil, seront admis à faire cette déclaration pendant le terme
de six mois, à dater du jour de la promulgation de la présente loi. »
« Cette disposition,
sur l’insertion de laquelle le rapporteur de cette section a insisté, n’a pas
été accueillie dans la section centrale, par les considérations suivantes :
« Telle qu’elle est
rédigée, elle s’applique aux fils d’étrangers, nés pendant la réunion de
« La portée de cette
disposition ne serait pas sans doute une considération suffisante pour la faire
rejeter si elle pouvait d’ailleurs s’associer aux motifs qui ont dicté les
dispositions transitoires insérées dans le projet de loi, mais elle ne peut
aucunement s’appuyer de ces motifs.
« Les étrangers établis en
Belgique avant le 1er janvier 1814 n’avaient aucun moyen d’obtenir l’indigénat
de leur plein droit, et la constitution le leur a fourni.
« Les habitants des
provinces septentrionales du royaume précédent, qui étaient domiciliés en
Belgique à l’époque de la révolution de 1830, et qui ont depuis lors continué à
y résider, n’avaient pas non plus le moyen de se naturaliser Belges. Le projet
de loi vient à leur secours.
« La loi proposée vient
encore au secours de ceux qui par des circonstances indépendantes de leur
volonté n’ont pu déclarer, dans le temps prescrit, que leur intention était de
jouir du bénéfice de l’art. 133 de la constitution, de manière que, dans tous
les cas prévus par les dispositions transitoires du projet de loi qui vous est
proposé, le principe qui a dominé, c’est que l’individu n’avait pu de son plein
gré et par sa seule volonté obtenir la qualité de Belge.
« Telle n’est pas la
position des individus qui sont l’objet de l’article proposé par la sixième
section. Parvenus à leur majorité, ils ont eu le choix de conserver la
nationalité étrangère de leur père, ou de devenir Français par le droit
dérivant du lieu de la naissance ou de devenir citoyens sous le gouvernement
des Pays-Bas, à raison de la mutation du territoire de la naissance survenue
avant leur majorité. Ils ont donc pu devenir Belges, et s’ils, n’ont pas cette
qualité, c’est qu’ils ne l’ont pas voulu.
« Le code civil
attribuait à l’individu né en France d’un étranger, la faculté de réclamer la
qualité de Français à sa majorité, et il accordait le même bénéfice à l’enfant
né en pays étranger d’un père qui avait même perdu la qualité de Français.
« La loi fondamentale
de 1815 n’était nullement obstative à l’exécution de
ces dispositions. Bien loin d’y apporter des restrictions, elle en avait
facilité l’application. Suivant l’art. 8, celui qui était né sur le sol de
« La proposition de la
sixième section reconnaît d’ailleurs elle-même que la loi fondamentale ne
s’opposait pas à ce que les individus dont il s’agit ne jouissent à leur gré du
bénéfice de l’art. 9 du code civil. On ne conçoit donc pas par quel motif on
les relèverait de la déchéance qu’ils ont encourue.
« Serait-ce à cause
qu’il peut s’en trouver parmi eux à qui il eût répugné de s’associer au système
politique du gouvernement précédent, et qu’ayant ainsi partagé nos antipathies,
il convient de les faire profiter de notre émancipation.
« Mais ce ne
serait sans doute pas là une raison pour naturaliser en masse et sans examen,
pour admettre sans aucun discernement et sans aucune garantie de moralité, de
patriotisme, ni même de moyens d’existence, tous les fils d’étrangers nés sur
le sol de
« Ce serait tout au
plus une raison pour accorder cette faveur, en connaissance de cause, à ceux-là
seulement qui justifieraient que, s’ils ont omis de faire, sous le gouvernement
précédent, la déclaration prescrite par l’article 9 du code civil, c’est que le
régime politique de ce gouvernement ne leur convenait pas, et si l’on considère
le très petit nombre qui peut se trouver dans cette situation, si même il en
est à qui cette prévision peut s’appliquer, si même il en est à qui cette
prévision peut s’appliquer, on conclura que la chose n’est pas assez importante
pour en occuper la législature. »
M.
le ministre de la justice (M. Ernst). - Je viens appuyer l’amendement
proposé par M. Dumortier. Il y a
une différence entre cet amendement et celui de la sixième section qui a été
rejeté par la section centrale. Remarquez que dans l’amendement de M. Dumortier
il s’agit des enfants nés en Belgique d’étrangers, lesquels, s’ils avaient
fait, dans l’année de leur majorité, la déclaration prescrite par l’art. 9 du
code civil, seraient considérés comme Belges, même rétroactivement à partir de
leur naissance.
Il arrive fréquemment que
ceux qui sont dans le cas de l’art. 9 oublient de faire cette déclaration,
parce qu’ils se considèrent comme Belges.
M. Dumortier propose dans son article d’autoriser le gouvernement à
accorder la qualité de Belge à l’individu placé dans cette catégorie. Il n’est
pas juste de dire que l’Etat soit sans garantie. Il était sans garanties dans
l’amendement de la section, parce qu’alors il dépendait de l’étranger de se
faire Belge de sa propre autorité, tandis qu’ici le gouvernement pourra refuser
la naturalisation si l’intérêt du pays l’exige.
M.
Fallon. - Je ne puis admettre cet amendement, parce qu’il enlève à la
chambre une de ses prérogatives, le pouvoir exclusif de rendre la qualité de
Belge à un individu qui l’a perdue.
M. le ministre de la justice
(M. Ernst). - La constitution, en ce qui concerne les Belges, se réfère
au code civil. Il dépend de la législature de modifier les dispositions du code
civil ; et c’est l’objet de l’amendement de M. Dumortier.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Il faudrait ajouter quelque chose à l’amendement de M. Dumortier. Il serait nécessaire qu’on exigeât de l’étranger qui
voudrait jouir du bénéfice de cette disposition, qu’il continuât à résider en
Belgique, et qu’il y eût son domicile.
Il serait possible qu’il
fût devenu étranger à
M.
Dumortier. - De quoi s’agit-il ? Non pas de personnes nées hors de
Je ne crois pas que ce que
dit M. Fallon soit bien sérieux. La loi fondamentale déclarait qu’il suffisait
d’être né sur le territoire et de l’habiter pour être apte à tous les emplois.
On a pu penser qu’il en était toujours de même.
Je demande que l’on veuille
bien lever la difficulté qui se présente relativement à cette classe de
personnes. Il en est qui feraient le plus grand honneur à
M.
Fallon, rapporteur. - Je demande la parole contre la clôture !
M. Gendebien. - A demain ! à demain !
- Tous les députés se
lèvent et quittent leurs places.
M.
le président. - Demain après la loi sur la naturalisation vous aurez à
vous occuper des projets concernant
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- La discussion de la loi sur les naturalisations va être terminée demain. Le
projet de loi relatif à la canalisation de
Plusieurs membres. - On n’est plus
en nombre.
M.
le président. - Je vais mettre à l’ordre du jour de demain les divers
objets énoncés par M. le ministre de l’intérieur. La chambre sera suffisamment
avertie que M. le ministre demande qu’on discute la loi relative à la
canalisation de
- La séance est levée à
cinq heures.