Accueil Séances plénières
Tables
des matières Biographies Livres numérisés
Bibliographie et
liens Note
d’intention
Séance précédente
Séance suivante
Chambre des représentants de Belgique
Séance
du mercredi 18 novembre 1835
Sommaire
1) Pièces
adressées à la chambre, notamment pétition relative au tribunal de première
instance de Huy (Heptia) et à l’organisation communale (Gendebien), demande de constitution de la commission de
naturalisation (Lejeune), transmission par la cour des
comptes du compte général de l’année 1832
2) Proposition
de loi fixant le traitement des auditeurs militaires (Zoude,
Desmanet de Biesme)
3) Projet
de loi relatif aux los-renten ((Jadot, Fallon),
ordre des délibérations (Dubus, Legrelle,
Fallon, d’Huart, Verdussen, Lejeune, Devaux, d’Huart, Dumortier, Legrelle, Dumortier, d’Huart, Dumortier, Fallon, Dubus, Verdussen, Devaux, Dumortier, Legrelle, Rogier, Dumortier), los-renten dénoncés à Bruxelles avant le 1er
octobre 1830 (Trentesaux, d’Huart,
Fallon, Dubus, Dumortier, Demonceau), taux de
la bonification (Dumortier, Rogier,
Jadot, Dumortier, Dubus, Legrelle, Dumortier), remboursement conditionnel des los-renten
non-dénoncés à Bruxelles (Demonceau, Fallon, Legrelle, Demonceau, Legrelle, Dubus, d’Huart, Fallon,
Jadot, Verdussen, Fallon, Coghen, Jadot,
Dumortier, Legrelle, Dubus, Gendebien)
(Moniteur
belge n°323, du 19 novembre 1835)
(Présidence de M. Raikem.)
M. Dechamps fait
l’appel nominal à une heure.
M. Schaetzen donne lecture du procès-verbal de la
précédente séance. La rédaction en est adoptée.
M. Dechamps donne
connaissance des pièces suivantes adressées à la chambre.
PIECES ADRESSEES A LA CHAMBRE
« Le sieur Vandael,
chevalier de la légion d’honneur, adresse des observations sur le rapport de la
commission pour le projet de loi relatif aux légionnaires. »
________________
« Des fabricants de papier de l’arrondissement
de Bruxelles demandent l’abrogation de l’art. 161 de la loi générale du 26 août
1822, qui exempte de l’acquit à caution les drilles ou chiffons. »
________________
« Le sieur David-Michel Polak, négociant à
Bruxelles, né à Amsterdam, habitant la Belgique depuis 1815, demande la
naturalisation. »
________________
« Les
membres du tribunal de première instance de Huy demandent que ce tribunal soit
placé dans une classe supérieure. »
________________
« Le
sieur N.-F. Michon, né Français, ancien jurisconsulte, habitant le Luxembourg
depuis 1803, demande la naturalisation. »
________________
« Le
sieur J.-B. Dewolf, négociant à Bruxelles, né à
Amsterdam, établi en Belgique depuis 1818, demande la naturalisation. »
________________
« La
commission déléguée par les notaires de campagne de l’arrondissement de Liège
renouvelle leur demande d’obtenir la faculté d’exercer leur ministère, dans l’arrondissement
en concurrence avec les notaires du chef-lieu. »
________________
« Des
habitants de la section de Begonville, chef-lieu de
la commune de ce nom (district d’Arlon), demandent la disjonction de cette
commune des sections de l’ancienne mairie d’Arsdorff
en les réunissant à la commune de Folschette. »
________________
« Un
grand nombre d’habitants de Wavre demandent :
« 1° La révision de la loi électorale ;
« 2° Le siège du chef-lieu de l’arrondissement
actuel de Nivelles ;
« 3° L’élection directe des magistrats
communaux. »
M. Lejeune. - Je
ne m’oppose pas au renvoi des demandes en naturalisation à M. le ministre de la
justice. Mais je crois devoir revenir sur la proposition que j’ai faite de nommer
la commission instituée, par l’art. 7 de la loi sur les naturalisations. Depuis
quatre ans, on réclame une loi sur les naturalisations. Elle est votée, mais il
s’agit maintenant de la mettre à exécution. Vous avez à voir de quelle manière
vous nommerez la commission. La composition n’en est pas sans importance. Car
c’est sur la proposition de cette commission que vous passerez immédiatement au
vote sur la prise en considération.
Je termine en proposant de fixer à lundi la
nomination de la commission de naturalisation.
- La proposition de M.
Lejeune est mise aux voix et adoptée.
________________
M.
Heptia. - Parmi les pétitions adressées à la chambre, il
se trouve une du tribunal de Huy, qui demande à être porté à une classe supérieure.
La chambre a nommé une commission spéciale chargée d’examiner ces sortes de
demandes ; je demande que la pétition du tribunal de Huy lui soit renvoyée.
- La proposition de M. Heptia
est mise aux voix et adoptée. En conséquence la pétition du tribunal de Huy est
renvoyée à la commission nommée par la chambre à l’effet d’examiner les
demandes de cette nature.
________________
M. Gendebien. -
J’ai été chargé par plusieurs habitants des quatre cantons de Nivelles de
mettre au bureau une pétition qui a trait à la loi communale. Je demande que
cette pétition soit renvoyée à la commission des pétitions avec invitation de
présenter un rapport le jour de l’ouverture de la discussion de la loi
communale.
- La proposition de M. Gendebien est mise aux voix
et adoptée.
________________
La cour des comptes transmet à la chambre le
message suivant :
« Bruxelles, le 17 novembre 1835.
« En exécution de l’art. 116 de la
constitution et conformément au règlement général de l’administration des
finances, la cour des comptes a l’honneur de transmettre à la chambre des
représentants ses observations sur le compte général et définitif ci-joint des
recettes et dépenses publiques de l’exercice 1832, tel qu’il a été établi et
adressé à la cour pour M. le ministre des finances.
« Il ne reste plus que certaines difficultés
de tenue d’écritures et d’imputations dans les comptes définitifs de 1830 et
1831. Elles sont nécessairement dues à l’époque de la réorganisation de toutes
les comptabilités de l’Etat ainsi qu’à la fixation régulière et légale du solde
actif du caissier général. Il en est résulté une correspondance très active
entre M. le ministre des finances et la cour ; celle-ci n’attend plus que la
concordance désirée pour transmettre à la législature ses observations qui du
reste sont déjà préparées.
« La cour des comptes se flatte que M. le
ministre des finances concourant avec elle à lever promptement ces dernières
difficultés, les comptes dont il s’agit, amenés enfin à un point de rédaction
tels qu’ils puissent être législativement arrêtés, ne tarderont pas à être
officiellement déposés sur le bureau de la chambre des représentants. »
- Pris pour notification.
PROPOSITION DE LOI FIXANT LE TRAITEMENT DES AUDITEURS MILITAIRES
M. le président. -
Trois sections sur cinq ont autorisé la lecture de la proposition déposée par
M. Zoude dans la séance d’hier. Aux termes du règlement, M. Zoude a la parole
pour donner lecture de sa proposition.
M.
Zoude. - J’ai l’honneur de présenter à la chambre le projet de loi dont
la teneur suit :
« Léopold, etc.
« Nous avons, de commun accord avec les
chambres, décrété, et nous ordonnons ce qui suit :
« Art. 1er. Par dérogation aux lois des 19
février et 25 décembres 1834, les auditeurs militaires des provinces détachés
en campagne, et les auditeurs nommés temporairement près les conseils de guerre
en campagne, jouiront, lorsqu’ils sont chefs de service, d’un traitement de
4,200 francs et d’une indemnité annuelle de 300 francs pour frais de
bureau. »
« Art. 2. Le traitement des auditeurs adjoints
reste fixé au taux déterminé par l’art. 4 de la loi du 19 février 1834.
« Art. 3. Lorsque l’armée sera mise sur le
pied de guerre, les auditeurs militaires en campagne seront assimilés aux
conseils provinciaux, concourront avec eux pour l’avancement, et jouiront de
tous les droits et avantages résultant de cette position.
« Mandons et ordonnons, etc. »
M. Desmanet de
Biesme. - Il me paraît que pour ne pas retarder par une délibération
sur la prise en considération de la proposition de M. Zoude l’importante
discussion à l’ordre du jour, il vaudrait mieux attendre le vote des budgets
pour s’en occuper. Je propose de fixer à l’époque de l’examen du budget de la
justice cette prise en considération.
- La proposition de M. Desmanet de Biesme est mise
aux voix et adoptée.
PROJET DE LOI RELATIF AUX LOS-RENTEN
Discussion des articles
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - La proposition de la section centrale ne
diffère de cette du gouvernement que par l’article 3 additionnel. Je déclare me
rallier à cet art. 3.
Article premier (ordre
des délibérations)
M. le président. -
La discussion est ouverte sur l’article 1er ainsi conçu :
« Art. 1er. Les certificats de rentes remboursables
sur les domaines (domein los-renten), dénoncés à Bruxelles
avant le premier octobre 1830, au caissier général de l’Etat, pour être
remboursés conformément à l’article 17 du plan de négociation du 19 juin 1824,
seront admis en paiement des domaines vendus par le syndicat d’amortissement
avec bonification de 5 p. c. d’intérêt, à partir du jour où le remboursement
aurait dû s’effectuer, et ce, contre la remise d’un bulletin de déclaration à
fin de remboursement. »
M. Jadot a présenté l’amendement suivant :
« Les rentes de domaines, dites los-renten,
tant celles dénoncées que celles non dénoncées, cesseront d’être admises en
paiement des domaines.
« Ce qui reste à recouvrer du prix de ces
domaines sera payé en numéraire, au taux de 98 p. c. »
M. Dumortier a présenté l’amendement suivant :
« Art. 1er. Les rentes des domaines dénoncés à
Bruxelles, avant le 1er octobre 1830, seront seules reçues en paiement des
domaines. »
« Art. 2. Les acquéreurs des domaines vendus en
exécution de la loi du 27 décembre 1822 et de l’arrêté royal du 16 octobre
1824, sont admis à se libérer en numéraire au taux de 98 p. c. »
M. Jadot. - Comme je
vois que mon amendement ne sera pas adopté par la chambre, j’ai pris le parti
d’en présenter un autre ainsi conçu :
« Art. 1er. Il sera accordé aux acquéreurs des
domaines vendus par le syndicat en vertu de la loi du 27 décembre 1822, un
délai qui expirera le 31 décembre 1837 pour se libérer des termes échus et à
échoir du prix de leurs acquisitions, moyennant d’en payer en numéraire à
l’Etat l’intérêt de 5 p. c.
« Art. 2. Les acquéreurs qui ne voudraient pas
profiter de la faculté qui leur est accordée par l’article qui précède, ne
pourront se libérer qu’en los-renten dénoncés à Bruxelles ou en numéraire.
« Dans le deuxième
cas, ils jouiront d’une remise de 2 p. c.
« Article 3. Les intérêts échus et ceux à
échoir des los-renten dénoncés à Bruxelles seront acquittés à raison de 2 p. c.
par an au taux de leur émission, sous toute réserve en faveur des porteurs et
sans que la prescription puisse être opposée à ceux d’entre eux qui refuseront
de jouir du bénéfice de la présente loi. »
Je demande que l’on donne aux porteurs de
los-renten la faculté de les céder aux acquéreurs de domaines. Je pense qu’il
ne faut pas payer l’intérêt des los-renten au tarif de 5 p. c. C’est pour le
roi Guillaume que nous payons cet intérêt ; je ne vois pas pourquoi nous en
doublerions le taux.
Je veux donner aux acquéreurs la faculté de payer
en numéraire ou en los-renten ; et pour le cas où ils paieraient en numéraire,
je leur accorde une remise de 2 p. c. afin de les engager à payer en numéraire,
ce qui vaut beaucoup mieux pour nous, puisque les los-renten ne valent rien
pour nous.
- La chambre est consultée sur l’amendement de M.
Jadot et sur le projet nouveau présenté par M. Dumortier. Cet amendement et ce projet sont appuyés.
M. Fallon, rapporteur.
- Je demanderai à l’honorable M. Jadot quel motif le porte à accorder un délai
de 3 ans aux acquéreurs de domaines ; je ne vois pas la nécessité de cette
concession, ni sur quoi elle se fonde. Ceci est tout à fait étranger à l’objet
de la discussion actuelle ; Il y a un contrat passé dont nous demandons la
stricte exécution.
Je ne puis adhérer à cet amendement qui sort
entièrement du système de la loi.
M. Jadot. - J’ai
proposé d’accorder aux acquéreurs de domaines un délai de 3 ans, parce qu’il
est certain que les domaines ont beaucoup perdu de leur valeur ; j’espère qu’en
trois ans, ces biens pourront acquérir une nouvelle valeur, et ainsi les
acquéreurs ne seront pas obligés d’aliéner pour se libérer, comme ils le seront
peut-être, si vous n’accordez pas de délai.
M. Fallon, rapporteur.
- S’il n’y a pas d’autres motifs, je crois que la chambre ne doit pas hésiter à
repousser cet amendement, comme aussi ceux qui tendent à accorder une remise de
2 p. c. sur les paiements faits en numéraires par les acquéreurs. Cette demande
de remise sollicitée en faveur des acquéreurs de domaines est motivée sur ce que,
depuis la révolution, les forêts vendues par le syndicat ont éprouvé des
dévastations, et que depuis lors leur valeur a constamment baissé. Mais il en
est ainsi non seulement pour les acquéreurs de forêts vendues par le syndicat,
mais pour tous les propriétaires de forêts. Si celui qui a acquis des forêts
d’un particulier avant la révolution demandait une remise sur le prix de vente,
se fondant sur ce qu’il a éprouvé des dévastations, assurément sa demande ne
serait pas accueillie. De même, la proposition qui vous est faite n’est
nullement fondée ; je crois que vous ne pouvez vous dispenser de la repousser.
On a fondé la demande d’une remise (je crois que
c’est l’honorable M. Zoude) sur ce que, lors de la vente des bois du syndicat,
les los-renten étaient au taux de 98, et que par conséquent les acquéreurs ont
cru qu’ils pourraient se libérer à 98 p. c. D’abord je ne crois pas que le fait
soit exact. Tous les bois du syndicat n’ont pas été vendus à la même époque ;
et le taux des los-renten a constamment varié. Je ne crois donc pas que les
acquéreurs aient jamais calculé sur un taux fixé de 98 p. c.
; ils ont dû savoir que les los-renten étaient susceptibles de varier ;
qu’ils pouvaient hausser comme ils pouvaient baisser ; c’est une spéculation
qu’ils ont faite, et ils doivent en supporter les chances. Si les los-renten,
au lieu de baisser avaient haussé d’un demi ou d’un tiers, certainement les
acquéreurs n’auraient pas offert de compléter la différence entre la valeur des
obligations et le prix réel que le gouvernement devait recevoir. Je crois donc
qu’l n’y a lieu d’admettre ni l’amendement de M. Jadot ni les autres
amendements qui tendent à ce qu’il soit accordé une remise de 2 p c. aux
acquéreurs de domaines.
M.
Jadot. - la différence qu’il y a entre les propriétaires de bois et
ceux qui les ont acquis du syndicat est facilement à saisir. Les premiers
peuvent ne pas vendre, tandis que les débiteurs de l’Etat seront obligés de
vendre à tout prix ; s’il leur faut payer de suite, je demande pour eux un
délai, afin qu’ils puissent se libérer plus facilement.
Quant à la remise de 2 p. c.,
j’en fais la proposition dans l’intérêt de l’Etat, et afin d’engager les
acquéreurs de domaines à nous donner des écus, au lieu de papier. Cela est clair
et positif.
M.
Dubus. - Je demande la parole pour une motion d’ordre.
La discussion générale étant close, nous avons à
nous occuper de la discussion des articles ; les articles sur lesquels doit
s’établir la discussion sont ceux proposés par la section centrale qui a
reproduit les deux articles du projet ministériel et a ajouté un troisième
article, et les amendements qui se rapportent à ces deux premiers articles.
Remarquez que l’amendement de M. Jadot, dont on s’occupe, contient un
amendement aux articles 1 et 2, et une discussion étrangère à ces deux articles
et qui ne se réfère qu’à l’art. 3. Je demande que l’on discute maintenant que
les amendements qui se réfèrent aux articles en discussion. Nous n’avons pas à
nous occuper de la remise de 2 p. c. qui seraient accordés aux acquéreurs sur
leurs paiements en numéraire, cela viendra à l’art. 3 qui tend
à accorder aux acquéreurs de domaines la faculté de se libérer en numéraire. (Adhésion.)
M. le président. -
La discussion est ouverte sur l’art. 1er et sur les amendements qui s’y
rapportent.
M.
Legrelle. - Mais je crois que l’amendement de M. Dumortier est complexe
; car outre qu’il se rapporte à l’art. 1er par une partie de son dispositif, il
renferme la question de savoir si une catégorie de los-renten sera exclue des
paiements. Si l’on combat l’opinion de M. Dumortier, on doit avoir, ce me
semble, la latitude de la combattre en entier.
M.
le président. - L’article du projet ne dispose que sur la question de
savoir si le taux des intérêts sera de 5 au lieu de 2 1/2. L’autre question
viendra à la discussion de la proposition de M. Fallon, qui est de n’admettre
les los-renten qu’autant que leur mise en circulation serait antérieure au 1er
octobre 1830. C’est à l’assemblée à voir si elle veut discuter ces deux
questions ensemble ou séparément.
M. Fallon, rapporteur.
- D’après la conversation que j’ai eue avec M. Dumortier, je ne crois pas qu’il
attache à son amendement la condition qu’on ne paiera l’intérêt qu’à 2 1/2 p.
c.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - M. Dumortier, en développant son amendement,
me semble avoir émis l’opinion qu’on ne devait compter l’intérêt des los-renten
dénoncés à Bruxelles qu’a raison de 2 1/2 p. c. Il serait désirable qu’il fût
présent à la discussion.
M. Verdussen. -
Dans une question aussi complexe, je crois qu’il faut, pour arriver à la
résoudre, en écarter tous les objets qui sont susceptibles d’une discussion
particulière.
Comme la discussion est ouverte sur l’art. 1er du
projet de la commission (cet article se rapporte aux los-renten dénoncés à
Bruxelles, et au taux de l’intérêt), il s’agit de savoir si les los-renten
dénoncés à Bruxelles seront admis en paiement des domaines vendus, ce qui je
crois, ne sera pas contesté, et ensuite si ces obligations porteront intérêt à
2 1/2 p. c. ou à 5 p. c. Je voudrais qu’on mît successivement ces deux
questions en délibération, afin qu’on ne saute pas d’une question à l’autre.
M.
le président. - M. Verdussen propose de diviser l’art. 1er : de mettre
d abord aux voix la première partie de cet article concernant l’admission des
los-renten dénoncés à Bruxelles, et ensuite la deuxième partie qui concerne la
bonification des intérêts.
Sur la première partie il
n’y a pas d’amendement. Je vais la mettre aux voix. Elle est ainsi conçue :
« Les certificats de rentes remboursables sur
les domaines (domein los-renten), dénoncés à
Bruxelles avant le premier octobre 1830, au caissier général de l’Etat, pour
être remboursés conformément à l’article 17 du plan de négociation du 19 juin
1824, seront admis en paiement des domaines vendus par le syndicat
d’amortissement. »
M. Lejeune. - Je pense que l’amendement de M.
Dumortier se rapporte à cette partie de l’art 1er ; car il s’agit de savoir si ces
los-renten dénoncés à Bruxelles seront seuls reçus en paiement des domaines
vendus.
M. le président. -
Il me semble que j’avais annoncé qu’on réservait cette question pour le moment
où on s’occuperait de l’article nouveau proposé par M. Fallon.
M.
Devaux. - Il me semble qu’il est difficile de discuter une question
secondaire quand on laisse de côté la question principale. La question
principale est celle de savoir si les los-renten seront encore reçus en
paiement des domaines vendus, oui ou non. Mais ce n’est pas là le motif qui m’a
fait prendre la parole.
J’ai pris la parole pour demander une explication.
Je voudrais savoir, ou du rapporteur de la commission ou du ministre des
finances, ce qui arrivera pour les acheteurs de domaines qui sont arriérés, qui
auraient dû payer depuis quelque temps ; et il paraît qu’il y en a dans ce cas,
et qui n’ont pas payé. Je demanderai si ces acquéreurs, possesseurs de
los-renten dénoncés à l’époque que vous avez fixée, profiteront de l’intérêt
jusqu’à l’époque où ils paieront. Je suppose un acquéreur qui aurait dû payer
il y a un an et qui ne paiera que dans deux ans, ce qui fera un retard de trois
ans. Il apportera des los-renten dénoncés à Bruxelles. Je demande si on lui
comptera les intérêts pendant ces trois années de retard. Si on lui compte ces
intérêts, le retard qu’il aura mis à se libérer lui aura profité. Il paiera 15
p. c. de moins que celui qui s’est acquitté au jour où il devait payer. Je
demande une explication sur ce point ; je prie M. le rapportent où M. le
ministre de me dire si les acquéreurs en retard profiteront des 5 p. c.
jusqu’au jour où ils paieront ou seulement jusqu’au jour où ils auraient dû
payer. Il est impossible qu’un acquéreur qui ne s’acquitte pas à l’époque fixée
par son contrat profite du retard qu’il met à se libérer.
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - L’intérêt ne sera bonifié aux
acquéreurs en retard, que jusqu’au jour où ils auraient dû payer. Il ne peut
pas en être autrement.
Il a d’ailleurs été stipulé que l’intérêt serait dû
par les acquéreurs depuis le moment où le paiement devrait avoir lieu jusqu’à
celui où il serait effectué.
M. le président. -
Je vais consulter la chambre sur la question de savoir si on suivra l’ordre de
délibération proposé par M. Verdussen.
M.
Dumortier. - Je pense qu’on devrait commencer par mettre aux voix si
l’on admettra en paiement des domaines vendus les los-renten dénoncés à
Amsterdam, ensuite si on admettra les los-renten au porteur, et en troisième
lieu, les los-renten dénoncés à Bruxelles. Je crois que ce mode est le plus
sage et celui qui permet à tout le monde d’émettre son vote. Car il y a des
personnes qui préféreraient n’admettre aucun los-renten que d’admettre tous
ceux au porteur et ceux dénoncés à Amsterdam, et ces personnes seraient fort
embarrassées si on votait d’abord sur l’admission des los-renten dénoncés à
Bruxelles, incertaines qu’elles seraient si on n’y ajouterait pas les deux
autres catégories de los-renten.
On poserait une quatrième question rentrant dans
l’amendement de M. Fallon, celle de savoir si on n’admettra pas une exception
en faveur des personnes ayant un titre authentique constatant que les
los-renten dont ils sont porteurs ont été mis en circulation avant le 1er
octobre 1830.
M. Legrelle. -
L’assemblée venait d’arrêter l’ordre de la délibération. Elle avait décidé que
la question résultant de l’amendement de M. Dumortier serait renvoyée à
l’amendement de M. Fallon, et on allait mettre aux voix la première partie de
l’article premier lorsque M. Devaux a demandé une explication à laquelle le
ministre a répondu de manière à apaiser l’honorable membre.
Je pense que personne ne
veut mettre en doute la nécessité de recevoir les los-renten dénoncés à
Bruxelles. Hier j’aurais conçu qu’on mît cette question aux voix, parce que M.
Jadot avait proposé de ne plus en admettre du tout. Mais l’honorable membre a retiré
son amendement sur ce point, et à moins que quelqu’un ne le reprenne, il n’y a
pas lieu de mettre la question générale aux voix, et rien n’est plus naturel
que de suivre l’ordre de délibération proposé par M. le président.
M. le président. -
J’avais proposé de mettre d’abord en délibération la première partie de
l’article premier, c’est-à-dire la question de savoir si on admettra les
los-renten dénoncés à Bruxelles, en second lieu la bonification d’intérêt à 2
1/2 ou à 5 p. c., et ensuite la proposition de M.
Fallon, si on admettra des los-renten autres que ceux dénoncés à Bruxelles, et
si on n’admettra que ceux pour lesquels il y aurait date certaine de mise en
circulation avant le premier octobre 1830.
M.
Dumortier. - Je veux bien admettre les los-renten dénoncés à Bruxelles
; mais si on admet encore les los-renten au porteur et ceux dénoncés à
Amsterdam, je n’en veux plus du tout.
Je pense qu’on doit commencer par les questions qui
s’écartent le plus des intérêts de
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je
viens appuyer la motion de M. Dumortier, de mettre d’abord en délibération la
question de savoir si on admettra les los-renten non dénoncés, en second lieu
les los-renten dénoncés à Amsterdam, et en troisième lieu ceux dénoncés à
Bruxelles. C’est l’ordre qu’on suit dans toutes les discussions où plusieurs
propositions sont faites : on commence toujours par celle qui s’éloigne le plus
de la proposition principale.
Cette manière de procéder simplifiera la
discussion. Il serait facile de démontrer l’avantage qu’il y a à mettre d’abord
en discussion la question de savoir si on admettra les los-renten non dénoncés
et ensuite ceux dénoncés à Amsterdam. Beaucoup de membres veulent bien admettre
les los-renten dénoncés à Bruxelles, mais ne veulent pas qu’on en admette
d’autres : ils se trouveraient dans une position délicate si on les faisait
voter sur cette catégorie sans savoir ce qu’on fera à l’égard des autres ; car,
plutôt que de devoir admettre les los-renten au porteur et les los-renten
dénoncés à Amsterdam, ils se réuniraient à ceux qui ne veulent plus en admettre
du tout.
M. Dumortier. -
Je me rallie à la proposition de M. le ministre des finances de commencer par
les los-renten non dénoncés.
M. Fallon. - Il est
impossible de suivre l’ordre proposé par M. Dumortier. Je ne veux pas admettre tous les los-renten
indistinctement, mais seulement à des conditions. J’ai établi en principe que
l’obligation ne prenait naissance que du jour de la mise en circulation, et par
conséquent que la dette de
Je ne puis admettre ni exclure tous les los-renten
en masse. La question ne peut donc être posée d’une manière aussi générale que le demande M. Dumortier ; je ne pourrais pas répondre par oui
ou par non. Je serais obligé de voter conditionnellement.
M.
Dumortier. - J’aurai l’honneur de faire observer à l’honorable préopinant que j’ai posé une quatrième
question, rentrant dans sa proposition, celle de savoir si on n’admettra pas
une exception en faveur des porteurs de los-renten justifiant que leurs
obligations ont été mises en circulation avant le premier octobre 1830.
M. Fallon. - C’est
différent. Cependant je ne suis pas fâché de l’incident, car comme je ne veux
ni admettre ni rejeter tous les los-renten indistinctement, on saura que c’est
sans préjudice de mon amendement que j’émets mon vote.
M. Dumortier. -
L’amendement de M. Fallon s’applique aux los-renten non dénoncés comme à ceux
dénoncés à Amsterdam. On ne devra le mettre en délibération que quand on aura
voté sur ces deux catégories.
M.
Dubus. - Je pense que si on avait mis aux voix les amendements auxquels
se rapportent les diverses questions, on serait arrivé à un résultat, tandis
que nous discutons vaguement depuis une heure sur l’ordre de la discussion,
sans aucun profit.
Je veux bien qu’on procède par questions, mais
alors il faut les formuler de manière à ne pas embarrasser par leur généralité.
Sur la première question, je ne pourrais pas me prononcer par un oui ou par un
non. Elle tend à décider si on admettra en paiement les los-renten non dénoncés.
Il faudrait ajouter un mot et dire : Admettra-t-on indistinctement,
etc. Je répondrais non.
Je demande que la question
soit formulée comme suit : Admettra-t-on indistinctement tous les domein los-renten non dénoncés ?
Cette question sera de suite résolue négativement. Alors nous aurons à nous
occuper de déterminer ceux qu’on admettra en paiement, et si l’on admettra ceux
que l’acquéreur justifiera avoir été mis en circulation avant 1830.
M.
Verdussen. - Je pense qu’il faut amender la proposition que vient de
faire l’honorable M Dubus et dire : Admettra-t-on en paiement des domaines
vendus en Belgique des los-renten non dénoncés ? Il y a des los-renten non
dénoncés qu’il faudra admettre ; par exemple, ceux qui ont appartenu à des
corporations, à des établissements de charité.
En posant la question comme je le propose, vous
permettez de faire une distinction en faveur des los-renten non dénoncés, qui
sont dans le cas que je viens de citer et d’autres cas analogues, tandis que si
vous posez la question comme le propose M. Dubus, la question sera tranchée
d’une manière absolue.
M. Dumortier. -
En posant la question comme on le propose, on s’expose à avoir une majorité
composée de plusieurs majorités. Il vaudrait mieux poser la question dans des
termes généraux, sauf à faire ensuite les exceptions qu’on jugerait convenable.
M. Devaux. - L’inconvénient
que présente M. Dumortier se rencontre chaque fois qu’on pose une question en
termes généraux.
Il serait plus simple de prendre les amendements
auxquels se rapportent les questions qu’on veut poser et de les mettre aux voix
; chacun saurait sur quoi il se prononce, tandis que quand on vote sur un
principe général, on ne connaît pas la portée de son vote. Il faudrait mettre
aux voix une proposition précise.
M.
le président. - Nous avons des propositions précises, celles de MM.
Dumortier et Fallon. Celle de M. Dumortier n’admet en paiement des domaines
vendus que les los-renten dénoncés à Bruxelles avant le 10 octobre 1830. Celle
de M. Fallon admet les los-renten qu’on justifiera avoir été mis en circulation
avant le 1er octobre 1830.
M. Legrelle. -
Je ferai remarquer à l’assemblée que, comme il y a une certaine similitude
entre les propositions, il vaudrait mieux ouvrir la discussion sur toutes les trois ensemble, car il sera impossible de parler
sur l’une sans parler sur l’autre.
Quand la chambre sera suffisamment éclairée, on
mettra les propositions successivement aux voix.
M.
Rogier. - Il me semble qu’on est près de s’entendre et que la
discussion aurait plus d’ordre si l’on procédait ainsi : 1° les certificats
dénoncés à Bruxelles, avant le premier octobre 1830, seront-ils admis en
paiement des domaines, et à quel intérêt ? 2 Seront-ils les seuls admis en
paiement ? Alors nous entrerons dans l’amendement de M. Dumortier, et la
chambre se prononcera sur cet amendement. 3° Les autres los-renten seront- ils admis en paiement, et à quelles conditions ?
M. le président. -
Je dois suivre l’ordre indiqué dans le projet de loi ; mais on demande que l’on
délibère sur les propositions qui ne présentent pas de difficultés ; on
demande, par exemple, que ce qui est relatif aux los-renten dénoncés à
Bruxelles avant le premier octobre 1830 soit d’abord mis en délibération.
M. Dumortier. -
Comme nous perdons beaucoup de temps, je me réunis à la proposition de M. Rogier.
Article premier (première partie)
M.
le président. - Eh bien, je vais suivre l’ordre du projet.
« « Art. 1er. Les certificats de rentes
remboursables sur les domaines (domein los-renten), dénoncés
à Bruxelles avant le premier octobre 1830, au caissier général de l’Etat, pour
être remboursés conformément à l’article 17 du plan de négociation du 19 juin
1824, seront admis en paiement des domaines vendus par le syndicat
d’amortissement. »
M. Trentesaux.
- Je demanderai si, lorsqu’une question aura été posée, il y aura une
discussion sur l’objet compris dans cette question. Ceci est important, car on
ne peut pas se décider d’après le seul énoncé d’une proposition. Ceci est du
moins important pour moi. Je suis assez disposé à donner mon suffrage aux
propositions de la section centrale ; mais, dans le moment actuel, je n’oserais
donner mon suffrage à aucune des propositions posées en dehors de celles de la
section centrale. Pour leur accorder mon assentiment, il faudrait qu’elles
fussent présentées par le gouvernement. Au fort de notre révolution, messieurs,
il y a eu des scrupules, et depuis notre révolution, combien de paiements n’ont
pas été faits ? Une partie des arrérages est déjà soldée. Nous avons le plus
grand intérêt à conserver intacte notre réputation ; notre crédit peut en
souffrir ; notre bonne foi est en jeu. Qu’on dise du syndicat tout ce qu’on
voudra ; il n’en est pas moins vrai que c’est un établissement commun à
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Je ne comprends pas le reproche que nous
adresse l’honorable membre, puisque M. le président met aux voix l’article
proposé par le gouvernement.
M. Trentesaux.
- Ce n’est pas cela !
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - L’honorable membre demande que
l’on discute au fond les questions ; mais hier, la discussion a été épuisée sur
tous ces objets. Comment peut-on reprocher au gouvernement de se tenir à
l’écart ? Il doit repousser ce reproche en présence de faits aussi patents.
M. Trentesaux.
- Vous ne me comprenez pas ! Je suis disposé à accepter la proposition de la
section centrale ; mais, quant aux propositions en dehors de celle-là, j’ai
déclaré que je ne pourrais donner ma voix qu’après une discussion sérieuse
établie sur tous les points. Je le répète, je désirerais sur toutes les questions
en dehors de la proposition de la section centrale que le gouvernement prît
l’initiative et se présentât avec des motifs bien fondés. Il faut lever tous
les doutes. Je demanderai par exemple, à M. Fallon comment le porteur de
los-renten connaîtra l’époque de leur émission ; car bien souvent le porteur
sera fort embarrassé de connaître cette époque. Toutefois, je suis disposé à
admettre la proposition de la section centrale ; mais, quant aux autres
propositions, comme elles sont très délicates, je vous dirai : Gardez-vous de
hâter votre décision, gardez-vous de précipitation.
M.
Fallon, rapporteur. - Si les observations de M. Trentesaux se dirigent
contre l’amendement que j’ai proposé, il est dans l’erreur ; le gouvernement s’est
rallié à cet amendement ; ainsi voilà l’intention du gouvernement bien connue,
il se prononce d’une manière formelle.
M. Trentesaux.
- Est-il certain que le gouvernement se rallie à la proposition de la section
centrale ? (On rit.)
M. Dubus. - Je
dirai sur la motion d’ordre de M. Trentesaux, car c’est une motion d’ordre, que
mon intention n’est pas d’étouffer la discussion, mais de la régler. Il paraît
que l’on vient d’ouvrir la discussion sur l’art. 1er ; si un de nos collègues a
quelques observations à soumettre à la chambre, il peut parler.
M.
Dumortier. - M. Rogier demande que l’on mette aux voix des questions ;
mais la première partie de l’article étant votée, ce sera une réponse à la
première question posée. Il est vrai que ce ne sera pas une réponse aux autres
questions.
M. le président. -
En votant sur la première partie de l’article premier, cela ne touche en rien à
l’amendement de M. Dumortier.
M. Demonceau. -
Je voulais faire la même observation que M. le président vient de soumettre à
l’assemblée. (Aux voix ! aux voix !)
- La première partie de l’art. 1er, mise aux voix,
est adoptée.
Article premier (deuxième
partie)
M. le président. -
Voici maintenant la seconde partie : « avec bonification de 5 p. c.
d’intérêt, à partir du jour où le paiement aurait dû s’effectuer, et ce contre
la remise du bulletin de déclaration à fin de remboursement. »
M. Dumortier. -
Je crois qu’il faut mettre aux voix une des questions posées et non cette
dernière partie de l’article premier.
M. Rogier. - On
peut épuiser l’article premier, ou la question de l’intérêt ; on posera ensuite
la question présentée par M. Dumortier. (Ces los-renten seront les seuls
admis.)
M.
le président. - M. Jadot propose de fixer le taux de l’intérêt à 2 1/2
p. c.
M. Jadot. - C’est le
taux de l’émission… Je tiens beaucoup à ce que la chambre sache que ma
proposition est la même que celle qui est présentée par M. Dumortier.
M. Dumortier. -
Dans la séance d’hier je vous ai fait observer que vous n’étiez pas débiteurs
envers les porteurs de la rente, et que
La difficulté dépendra de la solution que le
ministre donnera à une question que je vais lui adresser.
Dans le texte du projet de loi on dit qu’il y aura
une bonification de 5 p. c. ; mais on ne nous dit pas
si cette bonification sera prise sur les los-renten mêmes ; car il suit de
cette bonification qu’il faudra payer 95 p. c. seulement de la dette pour
l’acquitter, ou pour acquitter 100.
Un
membre. - Non, ou comptera un los-renten pour 105 !
M. Dumortier. -
C’est toujours la même chose.
J’aurais adopté l’amendement de M. Fallon si la
question eût été renversée. Dans mon opinion nous ne recevrons jamais rien du
syndicat que ce que nous en tiendrons actuellement ; il faut donc tâcher de
tenir le plus possible. (Adhésion.)
Vous concevez bien que si, au moyen de 100 florins
en los-renten, vous en acquittez 105, vous augmentez de 5 p. c. le montant
intégral des los-renten qui sont dans le pays.
Et comme il s’est écoulé cinq années depuis la
révolution, c’est nécessairement 27 1/2 p. c. que vous perdez d’un coup de
filet sur le produit de vos domaines. Cette observation est très sérieuse, et
elle doit être prise en mûre considération dans la discussion.
Je ne sais si l’on comprend bien. Je vais répéter.
II y a environ à Bruxelles pour quatre millions de los-renten ; il reste encore
20 à 25 millions à payer de bois des domaines…
Un
membre. - Il reste 21 millions à payer !
M. A. Rodenbach.
- Il y a quatre millions de florins inscrits à Bruxelles, ou 8 millions de
francs !
Un
membre. - Il y a environ 7 millions dénoncés à Bruxelles.
M. Dumortier. -
Soit, Posons 6 millions de los-renten dénoncés a Bruxelles ; eh bien ! si vos los-renten étaient admis sans aucune espèce
d’intérêt, quand le trésor aurait reçu ces 6 millions de los-renten, il
resterait encore à recevoir 19 millions en numéraire. Si, au contraire, vous
élevez la valeur des los-renten par un amendement, les 6 millions
représenteront 7 millions et demi, et vous n’aurez plus à recevoir que 17
millions et demi. Je ne dis pas que mon calcul soit juste à un sou près ; mais
il s’agit ici de principes ; mes chiffres sont approximatifs.
Vous ne devez donc admettre que ce qui est de
sévère justice : car, sans cela, le trésor public serait compromis. Est-il
juste que vous payiez au-delà de ce que le contrat vous impose ? Est-il juste
que vous condamniez le trésor public à un sacrifice d’un million et demi ? Cela
n’est pas juste, parce que les los-renten ont été émis primitivement avec la
bonification de 2 1/2. Vous seriez mal avisés d’augmenter cette bonification.
On dira, peut-être, que cela se liquidera avec le
syndicat, et que cela reviendra au même ; mais si vous êtes persuadés que la
liquidation ne produira rien, et qu’au lieu de produire un boni, elle produira
un mali, je maintiens que vous ne devez pas élever l’intérêt.
Mais, dira-t-on encore, il y a une mise en demeure,
car la dénonciation a établi cette mise en demeure : messieurs c’est une
erreur. La dénonciation n’était pas pour avoir un intérêt plus élevé, c’était
pour avoir paiement ; ainsi, si vous voulez suivre le contrat, il faut
rembourser.
Je pense, pour mon compte,
que le fait de la dénonciation ne peut être considéré comme une mise en demeure
; c’est simplement une déclaration que les porteurs de los-renten ont faite
dans leur propre intérêt. Ils ont eu occasion de se libérer à un taux très bas
s’ils l’avaient voulu : les los-renten n’ont valu pendant un temps que 87,
terme moyen ; cependant quand ils eurent examiné leurs affaires particulières,
ils ont vu qu’ils avaient plus d’intérêt à payer dans des échéances éloignées
qu’à payer actuellement 100 avec 87.
Depuis la révolution, la même chose s’est présentée
: les los-renten sont tombés à 85 ; il y avait 15 p. c. d’avantage à payer ;
cependant, par un calcul semblable au précédent, ils n’ont pas fait le
remboursement parce qu’ils avaient plus d’avantage à garder leurs obligations
et à reculer les époques de paiement.
Par toutes ces considérations, vous ne devez pas
accorder de faveur aux porteurs de los-renten.
Je pense qu’il n’y a aucun motif pour que cela soit
ainsi ; nous ne devons pas nous considérer comme liés par un acte du syndicat
d’amortissement.
M. Dubus. -
Messieurs, pour résoudre la question, nous devons partir d’un point jugé ;
c’est que l’on admet les obligations des los-renten dénoncés à Bruxelles en paiement
des domaines pour le capital. Sur ce point la chambre vient de se prononcer en
répondant affirmativement sur la première question. Vient ensuite la question
des intérêts. L’on ne conteste pas que l’intérêt ne soit dû, mais l’on voudrait
que cet intérêt ne fût que de 2 1/2 p. c. Nous sommes d’avis qu’il doit être de
5 p. c. Dans cette supposition, l’on s’est demandé comment se ferait la
liquidation aux termes des conditions de la négociation des los-renten. Il n’y
a qu’une manière possible de faire le calcul.
Une obligation en los-renten, aux termes des
conditions de la négociation des los-renten comme aux termes des conditions de
vente des domaines, doit être reçue en paiement pour sa valeur nominale, donc
pour tout son capital. Ainsi une obligation de 100 florins est admise au taux
de 100 florins quant au capital.
Si vous adoptez la proposition de bonifier
l’intérêt il faut ajouter au capital l’intérêt qui a couru depuis le moment où
le remboursement aurait dû avoir lieu. Ainsi, les obligations dénoncées à
Bruxelles pour être remboursées au 1er octobre 1830, et dont l’intérêt est dû
depuis 5 années, valent, en les supposant à 100 florins, actuellement 125
florins, l’intérêt calculé à 5 p. c.
C’est donc 125 florins à compte de ce qui est dû
par l’acquéreur tant en intérêt qu’en principal. Je ne pense pas que l’on ait
pu croire qu’il y ait un autre moyen de faire le calcul ; c’est le seul mode
qui ait été suivi, sauf que l’on ne bonifiait que le terme courant d’intérêt à
2 1/2 p. c. seulement. Il en devait être ainsi pour les los-renten non
dénoncés, parce que les intérêts échus sont représentés par des coupons qui se
détachent chaque année et qui ont pu et dû être présentés au remboursement en
Hollande. Mais quant aux los-renten dénoncés à Bruxelles, tous les coupons ont
été séparés à l’époque de la dénonciation, Les détenteurs de ces los-renten
n’ont donc pu se servir de ces coupons, et ils ont ainsi été privés de tout
intérêt depuis l’époque où le remboursement du capital est devenu exigible.
C’est parce que depuis lors ils ont été privés de tout intérêt, qu’ils n’ont
reçu ni l’intérêt de 5 p. c. ni celui de 2 1/2 ; c’est pour cela, dis-je, que
l’on a reconnu qui était juste de leur faire une bonification. Reste à savoir à
quel taux. Voilà toute la question telle qu’elle résulte de la proposition
principale et des amendements.
Sur ce point, l’on dit qu’en donnant aux los-renten
dénoncés l’intérêt de 5 p. c., vous rendez exécutoire
une décision du syndicat d’amortissement qui ne doit être d’aucune valeur pour
nous. Il a été répondu à cette observation : ce n’est pas que l’avis du
syndicat ait quelque valeur en Belgique, mais nous reconnaissons que cet
intérêt est dû et que le syndicat, en le donnant aux los-renten dénoncés à
Amsterdam, a fait une chose à laquelle il ne pouvait se refuser.
Nous avons à examiner non pas ce qu’a pu faire le
syndicat en Hollande pour les obligations dénoncées en Hollande, mais s’il est
juste et convenable de payer aux porteurs des obligations dénoncées en Belgique
l’intérêt à raison de 5 p. c. : voilà toute la
question. Sur ce point, messieurs, l’honorable rapporteur de la commission a
donné des raisons qui sont demeurées intactes. Je maintiens qu’elles sont
demeurées intactes. Il vous a dit que ceux qui ont dénoncé leurs obligations
ont mis également le syndicat en demeure de payer le principal. Dès lors, à
compter du jour fixé pour le remboursement, l’intérêt légal se trouve dû,
c’est-à-dire l’intérêt de 5 p. c., qui est ici
l’indemnité du retard apporté à accomplir l’obligation de rembourser.
Je viens d’entendre contester ce principe. On l’a
contesté par une étrange raison, en disant que s’il était fondé, vous deviez le
remboursement même du capital en numéraire, comme si, dans le cas où en effet
la commission nous eût déjà proposé de faire moins que nous en devons, ce
devait être une raison pour nous de faire moins encore qu’elle ne propose.
L’on n’a pas fait attention d’ailleurs aux raisons
données par la commission dans son rapport, pour établir que nous Belges, nous
ne devons pas du numéraire, que nous ne devons autre chose que le mode de
remboursement prévu par le contrat. Si tout à l’heure le prix total de la vente
des domaines se trouvait payé, qu’il ne fût plus dû un sou par les acquéreurs
des domaines, et que l’on présentât des obligations dénoncées en Belgique par
des Belges, nous ne devrions plus un sou, ni en capital, ni en intérêt. Mais du
moment où nous devons un remboursement, parce qu’il se présente un moyen
possible de le faire, nous devons et le capital et tout l’intérêt dû. Si
l’intérêt est de 5 p. c., nous ne pouvons pas nous
borner à payera 1 1/2 p. c., parce que tout l’intérêt est dû.
On objecte que l’intérêt
d’après le contrat devait être bonifié à 2 1/2 p. c. Oui, jusqu’à l’époque de
l’exigibilité du capital. Mais du moment que le porteur de l’obligation a
acquis droit au remboursement du capital et a mis le syndicat en demeure, il a
également droit à un intérêt de 5 p. c. Cet intérêt qui n’est qu’un accessoire
doit être payé comme le principal lui-même, et même, aux termes du droit, par
préférence ; car les paiements, lorsqu’ils sont partiels, s’imputent sur
l’intérêt d’abord, et seulement quant au surplus sur le principal. Comment donc
pourriez-vous admettre le paiement du principal et refuser celui de l’intérêt ?
Cela me paraît contraire à toute notion de droit.
Nous remboursons les obligations des los-renten
dont le remboursement avait été demandé avant la révolution à Bruxelles, en
admettant, en paiement du prix des domaines, le papier dont les Belges étaient
détenteurs, avant le 1er octobre 1830. Le remboursement de ce papier était
affecté spécialement sur le prix de la vente des domaines. Les porteurs ont
donc un véritable privilège sur ce prix. Ils l’ont pour le principal et tous
les accessoires, pour tout l’intérêt au taux auquel il est dû.
Je crois, au moyen de ces observations, avoir
suffisamment justifié la proposition de la section centrale.
M.
Legrelle. - Il y a un contrat synallagmatique qui lie le gouvernement
et les détenteurs des obligations des los-renten dénoncées avant le 1er octobre
1830. Le remboursement de celles dénoncées à Amsterdam, celui des los-renten
dénoncés à Bruxelles est encore à faire.
Le gouvernement a reçu en paiement du prix des
domaines les los-renten au taux de 2 1/2 p. c. C’est contre cette disposition
que les pétitions ont été dirigées, pétitions qui ont donné lieu au travail de
la commission. L’art. 1er de la commission relève l’injustice dont les
pétitions se plaignaient. L’honorable M. Dubus a trop bien fait ressortir les
raisons qui commandent de payer intégralement les intérêts pour que j’aie rien à ajouter. Je crois qu’en refuser le paiement,
c’est commettre une véritable injustice.
M. Dumortier. -
Si les porteurs de los-renten ne se sont pas conformés aux dispositions qui les
autorisaient à verser leurs obligations, c’est parce que le syndicat ayant
donné aux obligations hollandaises un intérêt de 5 p. c.,
les nôtres n’ont pu venir en concurrence avec celles-là. Le jour où vous
empêcherez les los-renten étrangers de venir en concurrence avec les los-renten
belges, ceux-ci seuls seront admis dans le trésor public, et le but des
pétitions dont on vient de parler sera rempli.
Je pense avec mon honorable ami que, dans l’affaire
des los-renten,
Si les porteurs n’ont pas payé en los-renten, c’est
parce que les obligations qui arrivaient de la Hollande avaient un effet sur
les nôtres par suite de l’avantage qui résultait pour celles-là de l’avis du
syndicat.
Puisque nous ne devons pas de numéraire, il n’y a
pas eu de mise en demeure. Ainsi l’argument de la commission repose sur une
base fausse.
- L’amendement de M. Jadot est mis aux voix ; il
n’est pas adopté.
La disposition principale du projet de la commission
est mise aux voix et adoptée.
L’ensemble de l’article est mis aux voix par appel
nominal.
72 membres sont présents.
70 votent.
57 adoptent.
13 rejettent.
En conséquence l’article est adopté.
Ont voté contre : MM. Andries, de Meer de Moorsel,
Desmaisières, Desmet, Doignon, Dumortier, Jadot, Manilius, Morel-Danheel, A.
Rodenbach, Vandenbossche, L. Vuylsteke, Wallaert.
Ont voté pour : MM. Beerenbroeck, Bekaert, Berger,
Bosquet, Coghen, Cols, Coppieters, Corbisier, Cornet
de Grez, David, de Behr, Dechamps, de Jaegher, de
Longrée, F. de Mérode, Demonceau, de Nef, de Puydt, Dequesne, de Renesse, de
Roo, Desmanet de Biesme, de Terbecq, Devaux, d’Hoffschmidt, d’Huart, Dubois,
Dubus, B. Dubus, Eloy de Burdinne, Ernst, Fallon, Gendebien, Heptia, Hye-Hoys,
Keppenne, Kervyn, Legrelle, Lejeune, Liedts, Milcamps, Nothomb, Raikem,
Raymaeckers, Rogier, Schaetzen, Scheyven, Simons,
Smits, Trentesaux, Troye, Ullens, Vandenhove, Vanderbelen, Verdussen, Verrue-Lafrancq, H. Vilain XIIII, C. Vuylsteke.
M. Lebeau. - Je me
suis abstenu parce que je n’ai pas assisté à la discussion.
M. Pirmez énonce
les motifs de son abstention.
- La voix de l’orateur ne parvient pas jusqu’à
nous.
Article premier (amendement de M. Fallon)
M. le président. -
La discussion est ouverte sur l’amendement de M. Fallon.
« Les los-renten non dénoncés à la banque de
Bruxelles. avant le 1er octobre 1830, ne seront admis en paiement du prix des
domaines qu’à la charge par l’acquéreur de justifier qu’ils ont été mis en
circulation avant cette époque. »
M. Demonceau. -
Il y a une omission dans cette proposition.
M. Fallon a voulu probablement dire qu’ils ont été
mis en circulation en Belgique ayant cette époque. Sans cette addition on
entendrait qu’on pourrait admettre également les los-renten mis en circulation
en Hollande.
M.
Fallon, rapporteur. - Effectivement, l’amendement que j’ai présenté
doit être entendu dans le sens dans lequel a parlé l’honorable préopinant. Je
demande que la chambre reste conséquente avec le principe qu’elle vient
d’admettre. Pourquoi la chambre admet-elle les los-renten dénoncés à Bruxelles
? Parce que la chambre reconnaît qu’il est juste de satisfaire aux droits
acquis à des tiers, à des Belges avant la révolution, parce que la révolution
ne doit pas leur porter préjudice, parce que, enfin, il y a présomption que les
los-renten dénoncés à Bruxelles appartiennent à des Belges. Je demande que l’on
respecte les droits acquis à des Belges, avant la révolution. Ainsi, je ne
m’oppose pas à l’addition proposée par l’honorable préopinant et qui tend à
dire « les los-renten mis en circulation avant le 1er octobre 1830. »
M. Legrelle. -
Je répondrai par un mot, c’est que j’ignore si avant la révolution il y avait
une Belgique.
M. Fallon, rapporteur.
- C’est là une mauvaise équivoque.
M. Gendebien. - Il
y avait des provinces septentrionales et méridionales.
M. Legrelle. -
Soit, mais les habitants de toutes ces provinces étaient dans la même position
; car il est possible que des Belges aient acheté des los-renten dans les
provinces septentrionales et que des Hollandais en aient acheté dans les
provinces méridionales.
Maintenant je vais aborder l’objet en discussion.
Deux systèmes sont en présence. L’amendement de M. Dumortier consiste à rejeter
tous les los-renten qui n’ont pas été dénoncés à Bruxelles ; celui de M. Fallon
consiste à rejeter ceux à l’égard desquels leurs détenteurs ne peuvent pas
assigner de date certaine, c’est-à-dire à n’admettre que ceux qui ont été émis
avant la révolution.
Voilà, si je l’ai bien compris, le véritable état
de la question. Quant au premier amendement, je trouve qu’il repose sur une
base erronée et injuste. Il est bien certain que cette injustice est contre les
intentions de l’honorable auteur de l’amendement, dont nous connaissons la probité
et l’amour de la justice ; mais l’homme le plus juste peut se tromper. Voici
sur quoi je base l’opinion que vous ne pouvez pas admettre cet amendement sans
être injustes La loi du 27 décembre
Autre chose est de la partie des los-renten que le
syndicat s’est réservée, parce que nous avons un compte à régler avec le
syndicat, et de la partie des los-renten qui appartient à des tiers. Toutes les
obligations appartenant à des tiers, qu’elles aient été estampillées à
Amsterdam ou qu’elles n’aient pas été estampillées, donnent les mêmes droits à
leurs possesseurs que celles dénoncées à Bruxelles. Et à qui nuirez-vous en
décidant le contraire ? Sera-ce au syndicat ? Non ; mais aux porteurs de
los-renten ; qu’ils soient Belges ou Hollandais ; à des tiers auxquels vous ne
pouvez, sans injustice, porter préjudice. Le gouvernement provisoire l’a si
bien senti qu’il n’a pas osé prendre une mesure générale. L’honorable M. Coghen
devenu ministre des finances, après avoir consulté les plus savants
jurisconsultes du pays, a dû prendre la même détermination. Ce que l’on n’a pas
osé faire au flagrant de la révolution, oserions-nous le faire aujourd’hui ? Je
conçois que la mesure proposée pourrait être utile à l’Etat. Mais je dis que,
fût-elle utile, puisqu’elle est injuste, nous ne devons pas l’admettre.
Un chef athénien demandait au peuple d’Athènes, à
peine sorti de la barbarie, une mesure qui devait assurer de grands avantages à
la république ; mais il ajoutait incontinent que cette mesure, quelque
avantageuse qu’elle fût, était injuste ; et soudain le peuple repoussa la
mesure proposée. Nous, éclairés par la civilisation de plusieurs siècles,
serons-nous moins justes que ce peuple, qui avait si bien le sentiment du juste
et de l’injuste ?
Je crois qu’il n’est pas possible d’établir une
distinction entre les los-renten, n’importe à qui ils appartiennent, du moment
qu’ils n’appartiennent pas au syndicat, avec qui nous avons des comptes à
régler.
Je sais que ces principes ont été méconnus à une
époque de désastreuse mémoire ; époque à laquelle on a spolié des individus
comme des communautés, et où on a déclaré que les propriétés étaient libérées
de rentes établies sur elles. Voulez-vous renouveler ces temps déplorables ? non, sans doute. C’est cependant ce que vous feriez en
adoptant la proposition qui vous est faite.
Il n’y a pas de gouvernement, quel qu’il puisse
être, qui puisse libérer un débiteur vis-à-vis de son créancier ; et les
domaines nationaux que le gouvernement français a vendus à l’époque de
l’invasion de
Prenez donc bien garde à ce que vous allez décider.
Craignez les conséquences de votre décision. Vous avez dans le pays des
établissements de charité, des établissements pieux qui se renouvellent. Si
plus tard le gouvernement s’arrogeait le droit d’accaparer leurs propriétés,
que diriez-vous, vous, les prôneurs de ces
établissements ? Auriez-vous le droit d’en faire un reproche au gouvernement ?
Il vous répondrait qu’il n’a fait qu’imiter l’antécédent injuste que vous-mêmes
avez posé.
Après avoir flétri, autant
que j’ai cru devoir le faire, l’opinion de ceux qui veulent rejeter comme des
chiffons de papier les los-renten qui n’ont pas été dénoncés à Bruxelles,
j’aborde la proposition de M. Fallon.
Je voudrais pouvoir y donner mon assentiment. Mais il y a à cet égard trois
petites difficultés que je développerai, afin que l’honorable auteur de la
proposition puisse les combattre. La première est que je crois qu’une
législature n’a en quelque sorte pas le droit d’annuler par une mesure
rétroactive une mesure prise légalement par le pouvoir constitué. (Réclamations.) Au reste, si cette
opinion n’est pas fondée, je l’abandonne. Une autre difficulté est celle de
connaître la date certaine des obligations. Je sais que les établissements de
bienfaisance pourront l’indiquer. Mais il y a des individus qui ont acheté des
los-renten, sans en annoter la date sur les registres d’inscriptions. Voici une
dernière objection, c’est que des individus se fondant sur ce qui s’est fait
sous le ministère de M. Coghen, ont cru que toutes les obligations seraient
admises en paiement des domaines, et en ont acheté sans s’enquérir de la date
de leur émission.
Si l’honorable M Fallon veut apaiser mes scrupules
à cet égard, je voterai pour sa proposition. Sinon je m’abstiendrai.
M. Demonceau. -
Je ne suis pas financier. Mais cependant j’ai bien compris que si vous admettez
l’amendement de M. Fallon, vous détruisez ce que vous venez de faire ;
c’est-à-dire que vous admettez indistinctement tous les los-renten mis en
circulation, soit en Belgique, soit en Hollande, antérieurement au premier
octobre 1830.
Et telle n’est pas l’intention de M. Fallon ni du
gouvernement. Vous venez de dire que vous ne voulez pas donner vos fonds aux
Hollandais et vous les leur donneriez si vous admettiez l’article tel qu’il est
proposé.
M. Legrelle n’a pas répondu à mon observation : que
si on adoptait son système, on pourrait apporter en Belgique tous les billets
mis en circulation en Hollande.
M. Legrelle vient de dire qu’il n’y a pas de
gouvernement qui puisse se dispenser de payer ses dettes. Mais quel est celui
des deux gouvernements de
Jetez les yeux sur le
budget, vous y verrez figurer une somme pour payer les dettes inscrites au
grand-livre d’Amsterdam, tandis que le gouvernement hollandais refuse de payer
toutes les fois qu’il reconnaît que c’est un Belge qui est créancier. Nos
établissements de bienfaisance avaient des créances inscrites au grand-livre
d’Amsterdam, le gouvernement hollandais a refusé de les payer ; et nous,
refusons-nous de rien payer de ce qui est inscrit au grand-livre de la dette
publique a Bruxelles, quand le créancier est Hollandais ?
M. Legrelle m’a demandé si je pourrais lui dire
s’il y avait une Belgique avant la révolution. Oui, messieurs,
Je le répète à M. Legrelle :
M.
Legrelle. - Je demande la parole pour un fait personnel.
Messieurs, on veut faire une question de
nationalité d’une question toute matérielle. Je pourrais aussi bien que
l’honorable préopinant faire de la déclamation sur l’heureuse Belgique qui
existait du temps de César et qui existera, j’espère, jusqu’à la fin du monde.
(On rit.)
Tout cela prête à rire, vu sous l’aspect sous
lequel présenté l’honorable préopinant. Ce n’est pas comme nation, mais
financièrement que j’ai dit qu’il n’y avait pas de Belgique avant la révolution
; et sous ce rapport, mon assertion n’a pas besoin de démonstration.
M.
Dubus. - Je demande la parole pour donner quelques explications dans le
but d’apaiser les scrupules qui se sont levés dans l’esprit de l’honorable
député de Verviers.
Je n’entrerai pas dans la discussion. Je ferai une
simple observation sur l’amendement de M.
Fallon. D’après cet amendement, l’acquéreur serait tenu de justifier que
les los-renten dont il est porteur ont été mis en circulation avant le mois
d’octobre 1830. Si cet amendement était rédigé comme l’a proposé son auteur, on
pourrait considérer la mise en circulation comme un fait, et soutenir que
toutes sortes de preuves, même la preuve par témoin, doivent être admises pour
établir que la mise en circulation de l’obligation a eu lieu à une certaine
époque. On ouvrirait ainsi une si large porte pour administrer la preuve de
l’époque de la mise en circulation que cette condition deviendrait illusoire.
L’intérêt qu’on aurait à trouver des témoins serait si grave qu’on en
trouverait tant qu’on en aurait besoin.
Les développements dans lesquels est entré
l’honorable rapporteur, tant dans son rapport que dans le savant discours qu’il
a prononcé hier, ont fait connaître qu’il avait eu un tout autre but en
présentant son amendement. Je me bornerai à demander que les expressions dont
il s’est servi dans ses développements passent dans l’art. Cet article pourrait
être ainsi rédigé :
« Les los-renten non dénoncés à la banque de
Bruxelles avant le premier octobre 1830 ne seront admis en paiement au prix des
domaines qu’à la charge par l’acquéreur de fournir la preuve légale qu’ils
avaient acquis date certaine avant cette époque. »
La loi est là pour dire comment on prouve qu’un
acte avait acquis date certaine.
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - Je pense que l’amendement
proposé par M. Fallon n’a pas besoin de l’adjonction que propose M. Dubus, pour
être compris comme il l’entend, car M. Fallon avait indiqué que la preuve de la
mise en circulation devait être légale et conformément à un article du code cil
qu’il a cité. Il n’y a pas d’autre moyen d’établir la date certaine des
obligations, car la chose en cas de contestation doit être portée devant les
tribunaux et jugée par eux. Or, les tribunaux ne peuvent admettre que la preuve
légale. Lorsque M. Fallon a présenté son amendement, j’avais demandé le renvoi
à la commission, afin qu’on y fît une addition analogue à celle que vient de
proposer M. Dubus. Mais, sur des
observations qui m’ont été faites et qui m’ont paru fondées, je n’ai pas
persisté dans ma demande de renvoi, considérant l’article proposé par M. Fallon
comme exigeant la preuve légale telle qu’elle est déterminée par nos lois
civiles.
Cependant je ne verrais aucun motif pour repousser
la proposition de M. Dubus si des doutes s’élevaient dans l’esprit de quelques
membres sur la portée de l’article ; si on pensait qu’on pourrait admettre une
autre preuve que la preuve légale en laissant l’article tel qu’il est rédigé,
pour lever tout doute, j’admettrais la modification proposée.
M. Fallon, rapporteur.
- Mon amendement a été rédigé avec beaucoup de précipitation. Quelques-uns de
mes collègues sont venus me demander de rédiger un amendement pour mettre fin à
une discussion qui se prolongeait sans résultat et je me suis empressé de
rédiger une proposition. Je dois reconnaître que je n’ai pas rempli entièrement
mon but. Si vous laissez cet article tel qu’il est rédigé, il n’y a pas de
doute qu’il soulèvera des difficultés devant les tribunaux.
M. le ministre des finances qui n’est pas aussi
familier que nous avec la procédure, peut croire que les expressions dont je me
suis servi suffisent pour déterminer le mode d’après lequel on devra fournir la
preuve de la date certaine, mais je pense qu’il faut modifier la rédaction de
cet article dans le sens indiqué par M.
Dubus.
Voici comment je proposerais de rédiger l’article :
« Les los-renten non dénoncés à la banque de
Bruxelles avant le 1er octobre 1830 ne seront admis en paiement du prix des
domaines qu’à la charge par l’acquéreur de justifier de la date certaine de
leur mise en circulation en Belgique avant cette époque. »
Maintenant je vais tâcher de lever les scrupules de
l’honorable M. Legrelle.
M. Legrelle a demandé s’il appartenait bien à la
législature de statuer sur la question qui nous occupe. Dans la séance d’hier,
je vous ai rendu compte des opérations de la commission, je vous ai dit que la
première chose dont elle s’était occupée avait été d’examiner d’abord et en
général quelle devait être la dette de
La conséquence a été encore que nous devions venir
au secours des Belges et non nous occuper de ce qui concernait les créances
hollandaises. Nous payons une partie de la dette publique, et nous ne la payons
pas toute. D’après les principes émis par M. Legrelle nous devrions prendre
toute la dette à notre charge et payer toute la dette constituée avant notre
séparation.
Je ne pense pas qu’on puisse soutenir de pareils
principes. Les scrupules de l’honorable membre doivent être levés, car il est
obligé de reconnaître que nous ne devons pas payer toutes les dettes
constituées envers les provinces méridionales et septentrionales avant la
séparation.
Quant à la difficulté de prouver la date certaine
de la mise en circulation des los-renten, je lui dirai que le code civil a
tracé les différentes règles d’après lesquelles les tribunaux constatent la
date certaine d’une obligation envers des tiers, et que ces règles recevront
leur application. Quand on justifiera par des registres d’établissements
publics que les los-renten étaient la possession de ces établissements avant la
séparation, on n’aura pas besoin de recourir aux tribunaux ; car, d’après les
dispositions du code civil, la date certaine est constatée par ce fait.
Il en sera de même des inventaires après décès, des
procès-verbaux d’apposition des scellés ; par ces actes qui mentionneront
l’existence d’obligations, de manière à constater l’identité de celles qu’on
vous présentera, vous aurez encore la date certaine de la mise en circulation.
On appliquera les principes généraux du droit commun.
Pour les particuliers la
chose sera plus difficile, de ce que tous les moyens de preuves ne sont pas
admis, entre autres la preuve testimoniale, pour établir la date certaine d’un
acte.
Eh bien, quel grand mal va-t-il en résulter même
pour les habitants des provinces méridionales ? Dans ces cas-là nous
n’admettrons pas les los-renten. Il y aura une espèce de préjudice causé ;
c’est un inconvénient ; il est inévitable. Mais c’est un autre inconvénient
aussi, et bien plus grave, que d’ouvrir la porte à la fraude, que de ne pas
prendre des mesures telles que nous soyons assurés que
Je crois que ces réflexions suffisent.
M.
Jadot. - Prenez garde ; on peut justifier que telle ou telle valeur était
dans le domaine public, parce qu’ayant appartenu à une administration, il en
est fait mention dans les registres. La banque a obtenu du syndicat des
los-renten pour des sommes considérables ; elle en a obtenu en une seule fois
pour 500 000 fl. ; et comme elle a été chargée de recevoir les déclarations,
elle a pu inscrire ces los-renten, de sorte qu’elle recevra l’intérêt
quoiqu’elle n’en paie aucun au syndicat.
D’après ce fait vous voyez qu’il est nécessaire que
l’on justifie de la date de l’inscription et qu’il ne suffit pas de justifier
qu’on en était possesseur à telle ou telle époque.
L’honorable M. Legrelle, dans les observations
qu’il vous a soumises, n’a pas fait attention que l’on pouvait exiger le
remboursement en numéraire des los-renten. Il est d’ailleurs stipulé que les
los-renten seraient reçus pour leur valeur dans toutes les opérations, même
après le remboursement des bois des domaines. Si vous ne prenez pas les
précautions que nous vous indiquons, vous serez exposés à recevoir des los-rentent
fabriqués récemment à Amsterdam.
M. Verdussen. -
Comme l’objection présentée par M. Jadot a paru faire impression sur
l’assemblée, c’est par sa réfutation que je vais commencer. Il a dit que la
banque, détenteur de los-renten, a pu faire la dénonciation que l’on demande
quoiqu’elle ne soit pas possesseur et que de cette manière elle peut toucher
des rentes dont elle ne rend pas compte. Mais, messieurs, en inscrivant à
Bruxelles, elle a fait un faux, et cela n’est pas probable. Ajoutez à cette
considération que depuis 1830 aucun intérêt n’a été servi en Belgique, et que
la banque était assurée qu’en faisant la déclaration à Amsterdam, elle
recevrait un intérêt. Il n’y a donc rien, de ce chef, à présumer contre la
banque ; d’ailleurs, on ne peut mettre en doute la moralité de ses directeurs.
Avant d’entreprendre la réfutation de l’amendement
présenté par M. Fallon, je demanderai s’il persiste à conserver ces mots :
« en circulation en Belgique. »
M. Fallon, rapporteur.
- Oui ! oui !
M. Verdussen. -
Puisqu’il persiste je combattrai cette proposition et celle qui a été faite par
M. Dumortier, laquelle est évidemment une exclusion des los-renten, à
l’exception de ceux qui sont compris dans l’article premier. Et d’abord je
ferai remarquer que tous les los-renten ont été mis en circulation dans la
partie septentrionale des Pays-Bas, et qu’aucun n’a été jeté en circulation en
Belgique. D’après ce fait, la commission spéciale pensait qu’il ne fallait pas
admettre en paiements de nos domaines les obligations de la catégorie des 18
millions que le syndicat avait réservé dans ses coffres et qu’il a pu lancer
dans la circulation après la séparation de
Il faut distinguer les intérêts de gouvernement à
gouvernement, des intérêts de gouvernement à particulier, et ne pas repousser
les los-renten parce qu’ils sont possédés par un Hollandais et qu’ils ont été
émis en Hollande ; car c’est comme si vous disiez : Je refuse les intérêts
parce qu’il faut les payer à un Hollandais.
Le gouvernement hollandais n’est réellement pour
rien dans la difficulté ; il s’agit des particuliers, et il faut seulement
s’assurer si les particuliers ont des obligations émises avant octobre 1830.
L’amendement de M. Dumortier exclut tout, il exclut
les los-renten dont l’existence en Belgique peut être prouvée, et par cela seul
qu’ils auraient été dénoncés en Hollande ; mais je vous prie de remarquer
encore ici un fait important : que pour cette dénonciation il n’y a eu qu’un
bureau ouvert ; or ce bureau était à Amsterdam. Et de là il est résulté qu’une
foule de Belges ont envoyé leurs los-renten à Amsterdam afin d’en toucher les
intérêts. Cette circonstance a fait ouvrir les yeux en Belgique ; on a demandé
l’établissement d’un second bureau d’inscription, et ce bureau a été établi à
Bruxelles. Vous voyez que plusieurs administrations belges peuvent être
intéressées dans la question ; qu’elles peuvent posséder encore aujourd’hui des
obligations los-renten dénoncées à Amsterdam. Elles ne seraient cependant pas
accueillies d’après l’amendement de M.
Dumortier.
Mais, messieurs, il y a encore une autre remarque à
faire sur les los-renten qui n’ont été dénoncés nulle part. Permettez-moi de
vous entretenir à cet égard de quelques détails encore historiques ; car c’est
sur des faits qu’il faut s’établir, pour chercher, s’il est possible, la
justice.
Il y a eu des spéculations
faites en obligations non dénoncées ; et cela est fort simple. Remarquez que
l’émission des los-renten s’élevait à 75 millions de florins des Pays-Bas. Sur
ces 75 millions il en est resté 18 à 19 dans les coffres du syndicat, de
manière que la somme des los-renten mis en circulation est environ de 56
millions dé florins. La vente des domaines, en Belgique seulement, s’est élevée
à 40 millions de florins ; et comme il n’était pas facultatif de payer le prix
des domaines d’une autre monnaie que ce papier monnaie nouveau il faut
nécessairement que la somme des los-renten soit égale ou supérieure à la somme
des domaines vendus, sans cela il y aurait eu impossibilité de payer la
totalité des domaines vendus.
Le syndicat savait cela ; et néanmoins il avait
autorisé les porteurs de los-renten à s’en faire rembourser, en les dénonçant 6
mois à l’avance. Sur le seul registre de Bruxelles il en a été dénoncé ainsi
pour une somme de 7 millions. Ce sont sept millions à déduire des 56 émis par
le syndicat, il n’en resterait donc en circulation que 49. Nous pouvons bien
supposer que 9 millions ont été ainsi dénoncés à Amsterdam. Ainsi il ne
resterait en circulation que 40 millions de los-renten. Par conséquent il ne
resterait plus assez de ce papier-monnaie pour acquitter la totalité des
domaines acquis en Belgique et en Hollande. C’est là une spéculation déloyale,
à laquelle je n’aurais jamais pris part. Comment a-t-elle pu être faite par le
syndicat ? Cela est facile à saisir : c’était dans le but de forcer les
acquéreurs de domaines à acheter à 120 et 130 les los-renten qui était la seule monnaie dont ils pussent payer les domaines.
Ces acquéreurs de domaines ont pu spéculer là-dessus, ils ont pu ne pas honorer
les los-renten dont ils étaient détenteurs afin de profiter d’une hausse qu’ils
pouvaient espérer. Ces individus seraient lésés, car vous les excluez ou à peu
près. Ce serait froisser des Belges, des intérêts belges, des particuliers qui
n’ont rien de commun avec le gouvernement. Sous ce rapport, je ne veux ni de
l’amendement de M. Fallon, ni de celui de M. Dumortier.
M.
Fallon, rapporteur. - Il ne peut plus être question de renouveler la
discussion sur les los-renten dénoncés à Bruxelles. À cet égard la chambre a
jugé. Les los-renten dénoncés à Bruxelles avant le 1er octobre 1830 seront
admis en paiement, c’est une affaire décidée. Il ne s’agit plus dans mon
amendement que des los-renten qui n’ont pas été dénoncés à Bruxelles. J’ai
rappelé hier les considérations qui ont déterminé la commission dans la
proposition qu’elle vous fait sur cet objet.
On a parlé de la possibilité de fraude de la part
de la banque ; mais toute suspicion de fraude doit disparaître alors qu’il est
prouve que, le 1er janvier 1829, la banque avait dénonce ses los-renten. D’un
autre côté, la banque n’a pas d’intérêt à commettre une fraude ; car
immédiatement après la révolution la banque avait plus d’avantage à renvoyer
ses los-renten en Hollande, pour les dénoncer à Amsterdam, puisqu’elle était
bien certaine d’obtenir ainsi 5 p. c. d’intérêt, tandis qu’en 1831 il était
incertain si les los-renten donneraient le moindre intérêt. Ainsi il y a
absence de fraude ; les écritures de la banque en font foi. Du reste, il n’est
plus question des los-renten dénoncés à Bruxelles.
Maintenant je ne répondrai pas à l’observation de
l’honorable M. Verdussen ; car, dans la position où nous sommes, nous devons
nécessairement prendre une mesure, et une mesure telle que
M. Verdussen combat ma proposition. Qu’elle ne soit
pas adoptée, je ne demande pas mieux mais alors que l’on propose quelque chose
à la place ; car, je le répète, il est indispensable de prendre une mesure
quelconque.
M. Coghen - J’avais
demandé la parole pour répondre à l’honorable M. Jadot que la chambre a décidé
la question à l’égard des los-renten dénoncés à la banque. Cette dénonciation a
été faite pour la plus forte partie de la somme au 1er avril et au 1er mai,
pour une somme moindre en juin et juillet, et pour une somme minime, en août et
septembre.
M. Jadot. - Qui
est-ce qui le prouve ?
M.
Coghen - Je crois que quand les registres d’inscription d’un
établissement tel que la banque indiquent la dénonciation, il ne peut y avoir
de doute sur la légalité et l’exactitude de l’inscription.
Je pense comme l’honorable
M. Fallon qu’il est indispensable de prendre une mesure ; et je désire que la
mesure que vous prendrez concilie tous les intérêts. Mais vous avez des
acquéreurs de domaines qui ont dû penser que les bons du syndicat dépasseraient
le pair et qui, pour éviter une ruine, puisqu’ils étaient obligés de payer en
los-renten, en ont acheté des masses. J’espère, au reste, que tous les
détenteurs de bons du syndicat non dénoncés à Bruxelles, pressentant les
dispositions dé la chambre, les auront déjà expédiés vers le Nord.
M. Jadot. - Pour
répondre à l’espèce de reproche que m’ont fait les honorables MM. Verdussen,
Fallon et Coghen, de porter atteinte à la réputation de la banque, je dirai que
ce n’a été nullement dans mes intentions ; car le refus qu’a fait la banque de
rendre au trésor les 12 millions qu’elle en avait reçus avant la révolution
donne la mesure de sa bonne foi envers le gouvernement. Je me bornerai à
répondre ceci à l’honorable M. Coghen. (On
rit.)
M. Dumortier. -
Je viens combattre et l’amendement et la proposition de MM. les députés
d’Anvers.
L’honorable M. Verdussen a prouvé jusqu’à
l’évidence que la disposition que l’on propose serait illusoire. Mais je vais
plus loin. Je dis qu’elle serait impraticable.
Quand un acquéreur de domaines a à payer, entre les
mains de qui opère-t-on le paiement ? Entre les mains du receveur de sa
localité. Qui donc sera juge du billet donné en versement ? Le receveur de la
localité qui devra juger si le billet qu’on lui donne a été dénoncé en
Hollande, si ce billet a ou n’a pas une date certaine. Comment, un receveur
sera juge dans une question aussi délicate ?
Mais, dites-vous, tous les billets seront renvoyés
à M. le ministre des finances. Il devra donc prendre autant de jugements qu’il
y aura eu de billets. Une pareille méthode est inexécutable. J’ai une confiance
entière dans la probité de M. le ministre actuel. Mais qui me répondra que les
hommes qui viendront après lui au pouvoir, que même les personnes qui
l’entoureront ne se livreront pas à de coupables manœuvres pour cacher la date
certaine des obligations données en paiement ? La fraude alors sera commise au
détriment du trésor public. C’est ce qui arrivera, si vous admettez l’amendement
que l’on vous propose.
Je maintiens donc que l’amendement est inexécutable
: Je vais plus loin. Je dis que c’est un leurre.
Il vaut beaucoup mieux agir avec franchise et se prononcer
d’une manière loyale. L’on ne se dissimule pas qu’il sera très difficile de
démontrer la date certaine des obligations non dénoncées. Pourquoi ne pas dire
tout de suite qu’il ne sera pas permis d’en établir la preuve ? Cela est plus
loyal. Si vous admettez l’amendement, vous allez traîner M. le ministre des
finances sur les bancs des tribunaux. Vous allez faire naître procès sur
procès. Chaque acquéreur voudra se faire faire un procès lorsqu’il ne pourra
payer, afin d’avoir du temps devant lui. Voilà où vous en arriverez avec ce
système. Je n’y vois que des inconvénients et je n’y vois pas d’avantages.
Les porteurs des los-renten non dénoncés qui ont
été mis en circulation en Belgique sont dans la même position que les porteurs
des los-renten hollandais. Ils ont le même droit d’envoyer à l’époque du
paiement leurs obligations au syndicat pour en recevoir le remboursement au
pair. Ils n’éprouvent pas une perte puisqu’ils peuvent transmettre leurs
obligations de la main à la main comme des rentes au porteur.
Ils ne peuvent donc éprouver de préjudice réel,
tandis que vous occasionnez un grand préjudice au trésor public, si vous
admettez la proposition présentée par MM. les députés d’Anvers qui ont parlé,
je n’en doute pas, très consciencieusement, mais qui, en définitive, ont parlé
de telle manière que le roi Guillaume ne ferait pas parler autrement ses
avocats, s’il en était besoin dans cette enceinte. Je le répète, les intentions
des honorables membres sont pures ; mais les avocats du roi Guillaume ne parleraient
pas mieux. (Bruit.) Je veux dire,
messieurs, que les arguments employés par les honorables membres ne sont pas
des arguments nationaux. (Ah ! ah !)
M. Lebeau. - Est-ce
qu’il y a une logique nationale ?
M. Dumortier. -
La logique nationale, c’est de ne pas faire des lois telles que nos ennemis
puissent prélever des impôts dans notre propre pays. Je dis que du moment qu’il
est prouvé qu’en refusant de recevoir en paiement des domaines les los-renten
non dénoncés en 1830 à Bruxelles, vous ne portez aucun préjudice aux détenteurs
de ces obligations, puisqu’ils pensent les transmettre en Hollande et le
recevoir au pair ; je dis que ce serait compromettre les intérêts du trésor que
de prendre leur position en considération. Voila ce que j’appelle la logique
nationale.
M. Lebeau. - La
logique nationale, s’il en est due, c’est la justice.
M. Dumortier. -
La justice, c’est de ne pas amener des résultats tels que les contribuables
belges soient exposés à payer au roi Guillaume une imposition de 25 millions
sur nos domaines.
Je maintiens que vous ne pouvez admettre la
proposition des honorables députés d’Anvers. Savez-vous quel en serait le
résultat ? Ce serait que si, après le paiement intégral de nos domaines, il
restait des los-renten entre les mains des Belges pour une somme d’un ou deux
millions, si des agents du roi Guillaume en Belgique en possédaient pour cette
somme, vous seriez obligés de les rembourser, ou d’en payer éternellement
l’intérêt à 5 p. c. après le complet remboursement des domaines ! A moins
qu’une loi postérieure ne vienne détruire l’effet de celle-ci, c’est pourtant
où vous en arriveriez si vous admettiez l’amendement que je combats. Quant à la
proposition de l’honorable M. Fallon, je la repousse également. Comme je l’ai
démontré, elle est impraticable. On reconnaît qu’il est impossible de
déterminer la date certaine de la mise en circulation des los-renten non
dénoncés. Il vaut mieux agir avec franchise et ne pas les admettre au
remboursement.
Si maintenant les receveurs des finances, les
receveurs particuliers se relâchaient sur les preuves qu’ils exigeraient, vous
n’en sauriez rien, car la justice administrative ne motive pas ses jugements,
et les pièces n’arriveront jamais jusqu’à vous. La mesure qu’on prend ne
serait-elle pas tout à fait illusoire ? Qui vous dit qu’on n’admettra pas comme
preuve légale des actes purement commerciaux ?
On a parlé d’inventaires :
eh bien, voyez où vous arriverez avec l’amendement de M. Fallon. Je suppose un inventaire qui a eu lieu en 1829, qui
constate la possession d’un million de los-renten, voilà qui prouve la date
certaine de l’existence d’un million de los-renten dans la maison de la personne
décédée. Moi qui suis son héritier je viens avec un million de los-renten que
j’ai fait venir de Hollande, et je vous les présente comme le million de
los-renten dont j’ai hérité ; vous êtes obligé de les prendre, et si vous vous
y refusez, les tribunaux vous y forceront. Vous voyez qu’on éludera la mesure
et qu’on arrivera à des procès sans fin. Cela n’est pas digne d’un
gouvernement.
Je demande une mesure, simple mais énergique, pour
que le pays soit à l’abri du dommage qu’il subirait si le roi Guillaume pouvait
prélever les 25 millions qui restent à payer sur les domaines vendus. Si
quelques personnes sont porteurs de los-renten non
admis en paiement du prix des domaines, elles feront ce que font les Belges
porteurs de bons de l’emprunt. Tons ceux qui ont des coupons de l’emprunt en
font toucher les intérêts en Hollande.
Par les mêmes motifs que vous ne venez pas
acquitter les dettes de
M. Legrelle. -
A entendre l’honorable député de Tournay combattre une proposition qui n’a été
faite par personne, je me figure l’histoire du chevalier Cervantes
qui s’escrime contre des moulins à cent croyant combattre des ennemis.
Mon honorable ami, M. Verdussen, et moi, nous nous sommes bornés à dire que
nous adopterions l’amendement de M. Fallon, s’il pouvait faire cesser nos
scrupules.
Il est certain que l’amendement de M. Fallon tel
qu’il vient d’être énoncé ne peut pas être admis. Il dit que les obligations
doivent avoir été mises en circulation en Belgique avant la révolution. Or, je
connais des Belges qui en ont acheté avant la révolution sur la place
d’Amsterdam et qui les ont encore. D’après l’amendement de M. Fallon ces
los-renten ne seraient pas admis quoiqu’ils soient la propriété d’un Belge et
qu’ils aient été mis en circulation avant la révolution. Il y a un de mes anis
qui en a pour 30 mille florins qu’il a achetés avant la révolution. Il ferait
une perte sensible s’il n’était admis à les donner en paiement des domaines
vendus.
Cet exemple vous prouve que, par la mesure que vous
vouliez prendre, c’est aux particuliers et non au gouvernement hollandais que
vous ferez la guerre.
M. d'Hoffschmidt.
- Ah ! M. Legrelle en a.
M. Legrelle. -
Je prie M. d’Hoffschmidt de croire et je déclare sur l’honneur que je suis tout
à fait désintéressé dans la question. Je souhaite à M. d’Hoffschmidt de ne
jamais parler dans des questions où il soit moins désintéressé que je ne suis
dans celle-ci.
Je défends les intérêts des
Belges quand ils sont basés sur la justice, comme je défends les intérêts des
étrangers, des Hollandais même, quand ils me paraissent justes.
Si vous adoptez la mesure qu’on vous propose à
l’égard des los-renten, on dira que vous devez faire la même chose à l’égard de
l’emprunt de 100 millions. Vous violez les engagements les plus sacrés, vous
faites le plus grand tort au crédit de
Je déclare que je me rallierai à toute proposition
qui aura pour but d’empêcher l’émission de nouveaux bons, mais pour tous ceux
qui se trouveraient entre les mains des particuliers avant la révolution, je
pense qu’ils doivent être considérés comme des titres sacrés.
Plusieurs
membres. - A demain ! à demain !
M.
Dubus. - Je demande que la discussion soit renvoyée à après-demain en
vertu d’une décision de la chambre. Vous avez décidé qu’il n’y aurait que trois
séances par semaine, afin de donner aux sections le temps d’avancer l’examen
des budgets. Depuis trois jours consécutifs nous avons eu des séances publiques
et nous avons perdu de vue la décision prise. Je crois que ce serait trop loin
de renvoyer la discussion à la semaine prochaine, sans cela je proposerais de
consacrer le reste de la semaine au travail des sections.
Je demanderai qu’on donne le jour de demain au
travail des sections. On pourra pendant ce temps réfléchir sur les graves
questions qui restent à décider.
Je demande donc le renvoi de la discussion à
vendredi. (Appuyé ! appuyé !)
M. Gendebien. -
Je propose un amendement dont je vais donner lecture. Je ne fais qu’ajouter une
garantie à l’article proposé par M.
Fallon.
« Les los-renten non dénoncés à la banque de
Bruxelles avant le premier octobre 1830 ne seront admis en paiement du prix des
domaines, qu’à la charge par l’acquéreur de justifier de la date certaine de la
mise en circulation, de sa possession ou de la possession par des Belges avant
cette époque. »
M. le président. -
On demande que la discussion soit continuée à après-demain... Il paraît que
c’est le vœu de l’assemblée (Oui ! oui !)
Nous avons encore deux projets de loi à l’ordre du jour : l’un
portant ouverture d’un crédit au ministre de l’intérieur, l’autre
relatif à l’entrée des bestiaux étrangers.
M. Dubus. - Ma
proposition a pour but de permettre aux députés de se réunir demain dans les
sections, et d’y travailler.
M. le président. -
Est-on d’accord qu’il n’y aura pas de séance demain ? (Oui ! Oui !)
- La séance est levée à 5 heures.