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Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 11 décembre 1835

(Moniteur belge n°347, du 13 décembre 1835)

(Présidence de M. Raikem.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Schaetzen fait l’appel nominal à midi et demi. Il donne ensuite lecture du procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.

M. le président procède par la voie du sort au renouvellement des sections.

Pièces adressées à la chambre

M. Dechamps donne connaissance des pièces adressées à la chambre.

« Le sieur P. Alleyn, ancien aide-éclusier du Capitalen-Dam, demande une indemnité du chef des pertes qu’il a essuyées par l’enlèvement de ces écluses. »

« Les bourgmestres et propriétaires de bois du district de Neufchâteau réclament contre la pétition des maîtres de forges, adressée au Roi, tendant à obtenir une majoration des droits de sortie sur les charbons de bois. »

« Le sieur Nicolas Thisse, né en France, habitants la Belgique depuis 1802, ayant omis de faire sa déclaration aux termes de l’article 133 de la constitution, demande la naturalisation. »


- Cette dernière pétition est renvoyée à M. le ministre de la justice ; les autres, à la commission des pétitions.

Projet de loi fixant le contingent de l'armée de l'année 1836

Dépôt

M. le ministre de la guerre (M. Evain) monte à la tribune et présente le projet de loi sur le contingent de l’armée, pour l’année 1836. Comme la Belgique se trouve dans les mêmes circonstances politiques que les années précédentes, M. le ministre propose de fixer le maximum de l’armée à cent dix mille hommes, et le maximum du contingent de l’année 1836, à douze mille hommes ; et il fait observer que ces chiffres n’auront aucune influence sur le chiffre des dépenses de son ministère pendant le même exercice de 1836.

- Il est donné acte à M. le ministre de la guerre de la présentation du projet de loi.

Ce projet sera imprimé et distribué.

Sur la demande de M. Desmanet de Biesme, ce projet concernant le contingent de l’armée est renvoyé à la section centrale chargée d’examiner le budget des dépenses du ministère de la guerre.

Ordre des travaux de la chambre

M. le président. - La chambre, dans une de ses séances précédentes, a remis à ce jour de statuer sur l’examen des lois présentées par M. le ministre de l’intérieur : ces lois concernent les péages, les budgets provinciaux et les primes pour la construction de navires.

M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Messieurs, deux de ces projets sont urgents, car leur effet cesse au 1er janvier 1836 ; il importe de les renouveler ; je proposerai à la chambre de soumettre la loi concernant les péages, et la loi concernant les budgets provinciaux à une commission spéciale, laquelle serait invitée à faire son rapport dans le plus bref délai.

- Cette proposition est adoptée, et la chambre invite son bureau à nommer la commission.

Projet de loi relatif à la péréquation cadastrale

Discussion générale

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - J’avais d’abord pensé que je pourrais me dispenser de prendre la parole avant que la liste des orateurs inscrits fût épuisée, et je croyais qu’il eût suffi pour moi de rencontrer en une seule fois par un résumé de la discussion, toutes les objections présentées contre la loi ; mais je vois aujourd’hui qu’il m’importe d’abandonner cette marche ; trop d’erreurs ont été dites, trop d’assertions sans aucun fondement ont été produites pour que je puisse garder le silence plus longtemps ; la discussion, en continuant ainsi finirait par égarer l’opinion de beaucoup de personnes dans cette enceinte et au-dehors, et rendre plus difficiles ensuite les convictions qui doivent naître de la vérité, de la réalité des choses.

Avant d’aborder les détails de la question, les points d’exécution des opérations cadastrales, qu’il me soit permis de me livrer très brièvement à quelques observations générales.

Vous en conviendrez tous, messieurs, s’il est une proposition sur laquelle les esprits les plus défiants, les plus susceptibles, doivent avoir leur apaisement sur la position impartiale du gouvernement, sur son désintéressement le plus absolu, c’est bien celle de la péréquation cadastrale ; impossible en effet de trouver dans un semblable projet rien de suspect qui puisse diriger le gouvernement.

Prenant la loi sous son véritable aspect, c’est-à-dire comme se rapportant aux impôts, le trésor peut-il avoir le moindre intérêt à son adoption ou à son rejet ? Pour lui cela doit être différent, car l’impôt foncier continuera à lui être payé comme précédemment ; il n’en retirera dans un cas comme dans l’autre pas une obole de plus. Le gouvernement ne peut donc avoir d’autre but, en vous soumettant une loi qui n’est d’ailleurs que la conséquence de plusieurs lois antérieures, que de vous convier à adopter une mesure qui lui paraît être un acte de justice nationale, de justice distributive entre les diverses provinces de la Belgique.

Nous devions donc être bien éloignés de nous attendre qu’il pût partir de ces bancs le moindre reproche à notre égard ; cependant on a voulu prétendre qu’une pensée fiscale avait présidé à la confection du cadastre, et l’on a été jusqu’à vous insinuer, en ce qui concerne personnellement les membres du cabinet, que rien ne garantissait que leurs affections ou leurs intérêts privés n’eussent pas exercés de l’influence sur le projet de loi.

On a déjà répondu à ce qui concerne la prétendue fiscalité des évaluations ; ni la base, ni le développement des lois et des instructions du cadastre ne laissent entrevoir la moindre apparence que l’on ait voulu arriver à des appréciations exagérées ; mais s’il pouvait jamais s’élever l’ombre d’un doute sur ce point, le résultat des opérations viendrait le détruire, car un dixième des évaluations en ayant été uniformément retranché par une mesure générale destinée à calmer toutes les inquiétudes des propriétaires fonciers sur le but de la recherche exacte de leurs revenus par le cadastre, ces évaluations se trouvent aujourd’hui, sinon quelque peu en dessous de la réalité, au moins excessivement modérées.

En ce qui concerne l’insinuation que l’on n’a pas craint de nous lancer personnellement, je n’y répondrai pas pour nous justifier, elle ne saurait nous atteindre ; je veux seulement indiquer combien elle a été faite inconsidérément.

Quelle influence en effet voudrait-on que nous eussions exercée sur les opérations cadastrales ? elles étaient à peu près achevées quand nous sommes arrivés aux affaires, et nous n’avons pas eu occasion d’en faire seul acte qui fût de nature à modifier aucune espèce d’appréciation.

D’un autre côté, si nous étions capables de nous laisser jamais entraîner par un vil intérêt personnel dans les lois que nous défendons en cette enceinte, ce ne serait pas en cette circonstance que vous verriez le cabinet entier réclamer la péréquation cadastrale ; ce vil intérêt personnel lui aurait indiqué une autre marche.

J’ai, messieurs, un vif regret à témoigner, c’est celui d’avoir vu attaquer avec aigreur, pour ne pas dire plus, les employés du cadastre ; on leur a prêté tour à tour de l’ignorance, de l’adresse, de la mauvaise foi et de la cupidité ; ces reproches, pour être restés vagues et généraux, n’en sont ni plus fondés ni plus généreux. Je les repousse, parce qu’ils s’adressent à des absents, et je prouverai implicitement, en entrant tout à l’heure dans les détails des opérations qui leur ont été confiées, qu’ils ne méritent aucune des accusations dont ils ont été déjà plus d’une fois l’objet dans cette enceinte.

Un des principaux reproches dirigés contre les opérations cadastrales dont les résultats servent de base au projet de loi, est que ces opérations sont entachées d’illégalité.

Les lois qui régissent la contribution foncière et celles qui contiennent des dispositions spéciales relativement à l’exécution du cadastre, sont celles du 3 frimaire an VII, du 15 septembre 1807 et du 20 mars 1815.

Pour justifier le reproche d’illégalité, il faudrait citer une disposition quelconque de ces lois, à laquelle il aurait été dérogé par les instructions relatives au nouveau système d’expertise. Mais ces instructions, loin d’avoir porté atteinte à aucune disposition de ces lois, n’ont fait que prescrire ce que l’expérience avait fait reconnaître nécessaire pour en assurer l’exécution d’une manière plus uniforme et plus régulière.

Les lois précitées n’ont fait qu’indiquer les bases des estimations cadastrales. Il était laissé au pouvoir exécutif le soin de tracer le mode d’exécution. Or, ce mode a pu être modifié par le même pouvoir que celui dont il émanait.

Les opérations du cadastre ne sont donc point entachées d’illégalité. S’il restait quelque doute dans les esprits sur ce point, je ferais remarquer que depuis plusieurs années que les nouvelles instructions cadastrales existent, on a constamment porté au budget de l’Etat les dépenses nécessaires à l’exécution du cadastre : ainsi, par le vote du budget, vous auriez donné formellement le caractère de légalité aux opérations cadastrales, si d’ailleurs elles ne l’avaient pas.

M. Dubus et M. Doignon. - Il faudra éplucher ces budgets !

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - La chambre, ce me semble, examine sérieusement et attentivement ces budgets chaque année, et l’on ne vote pas à la légère les divers articles des lois de finances. On ne dira pas que les instructions cadastrales ont été données et exécutées dans l’ombre ; on ne serait pas recevable à faire une semblable objection.

Suivant l’ancien mode ou système, les contrôleurs et experts opéraient isolément dans les communes qui leur étaient respectivement assignées dans un même canton. Ils avaient la faculté de rejeter les baux dont les prix leur paraissaient s’écarter des valeurs locatives moyennes, c’est à-dire les baux qui, dans leur opinion, présentaient des prix trop faibles ou trop élevés.

D’après le nouveau système, tous les agents désignés pour les expertises d’un même canton ont dû parcourir ensemble toutes les communes de ce canton, afin d’établir de concert les classifications des différentes natures de propriétés de ces communes, et fixer les taux proportionnels des évaluations de toutes les classes. Pour éviter l’arbitraire qui pouvait résulter du choix des baux, ils ont dû les ventiler généralement.

Les résultats de la ventilation ont été établis séparément par chaque espèce de baux, savoir : les baux enregistrés, non compris ceux par adjudication publique, les baux sous seing privé non enregistrés, les baux verbaux et les baux passés par adjudication publique. C’est d’après ces résultats et l’appréciation des diverses influences qu’ils produisaient chacun, dans la ventilation, qu’avec la connaissance qui leur était acquise des différentes localités, ils ont arrêté les évaluations provisoires de chaque commune.

Il est incontestable que cette nouvelle manière d’opérer a mis à même d’établir avec plus d’exactitude et dans de plus justes proportions entre elles ces évaluations.

L’honorable M. Eloy de Burdinne, après avoir témoigné le regret de n’avoir pas eu le temps nécessaire pour bien examiner le projet de péréquation, a avancé divers faits relativement à la ventilation des baux et à leur emploi.

Je ferai remarquer que l’examen du projet de péréquation a pu se faire depuis les premiers jours du mois d’août, époque à laquelle la distribution de ce projet a été faire à MM. les membres de cette chambre,

On a pu voir par les détails dans lesquels cet orateur est entré qu’il a dû s’occuper assez longtemps de la loi en discussion, puisqu’il vous a présenté une assez longue série des résultats de ses investigations. (On rit.)

Quant aux faits avancés par l’honorable M. Eloy de Burdinne, relativement à la ventilation des baux, j’ai déjà fait observer que ces faits se rapportent au projet de péréquation de 1826, et que les opérations d’alors avaient été totalement abandonnées.

Mais l’honorable membre a prétendu que le travail exécuté en 1831 et 1832 dans le canton d’Avesnes, canton dont la commune de Burdinne fait partie, est le même que celui de 1826.

Son erreur est complète à cet égard. Le travail de 1826 consiste dans une ventilation de baux de la période de 1816 à 1823, appliquée aux expertises faites d’après d’ancien système.

Le travail exécuté en 1827 et postérieurement (en 1831 et 1832 dans le canton d’Avesnes) a été au contraire effectué d’après le nouveau système. L’explication que j’ai donnée tout à l’heure relativement à la différence qui existe entre les deux modes indique suffisamment que les faits dont il s’agit sont entièrement étrangers au travail dont les résultats sont présentés dans les tableaux annexés au projet de loi dont la chambre s’occupe en ce moment.

Je n’examinerai donc pas si les inexactitudes que l’honorable membre a citées existent ou n’existent pas dans le travail de 1826 ; mais je crois devoir redresser des erreurs dans lesquelles il est tombé en parlant de quelques principes suivis dans l’exécution des expertises, et de certains résultats.

Suivant l’honorable membre, on aurait considéré, dans certains cas, l’entretien des bâtiments ruraux comme constituant un revenu pour le propriétaire au lieu d’être une charge pour lui.

Cette observation est d’autant plus étrange, que dans les tableaux de la ventilation des baux il y a un chapitre de déductions où sont établis, par chaque bétail, les frais d’entretien des bâtiments ruraux, lorsque ces frais sont à la charge des propriétaires. Dans le cas où le fermier en est exclusivement chargé, la déduction a été opérée pour le dépérissement des bâtiments.

Le même membre, en émettant l’opinion que la commune de Hannêche vaut un tiers de moins que la commune d’Acosse, a fait observer que le prix des terres a été arbitré pour Hannêche à 30 florins et pour Acosse à 22 florins.

Les deux communes de Hanêche et Acosse sont limitrophes de la commune de Burdinne. Le sol de la commune de Hanêche est en effet de beaucoup inférieur à celui d’Acosse ; aussi le prix moyen des terres de Hanêche n’est-il fixé qu’à 40 fr. 17 c., tandis que pour Acosse il est de 57 fr. 28 c. On a donc eu égard à la valeur relative et l’appréciation faite par le cadastre est équitable.

L’honorable M. Eloy de Burdinne a fait observer que le produit des évaluations des propriétés comprises dans certains baux est inférieur au prix de ces baux, et que le résultat contraire existe pour d’autres baux.

Ces différents résultats ne prouvent autre chose, sinon que, conformément à la loi, les propriétés sont estimées en raison de la valeur moyenne. Comme il existe des baux à prix exagérés et même exorbitants, tandis que d’autres stipulent des prix très bas et de beaucoup au-dessous des valeurs locatives ordinaires, il doit nécessairement résulter de la ventilation des uns et des autres les différences signalées. Si on évaluait les propriétés d’après les baux qui leur sont particuliers, il en résulterait que des terres de même qualité et d’une même situation seraient évaluées dans des proportions qui varieraient considérablement entre elles, tandis qu’elles doivent recevoir une même évaluation.

Et ici je répondrai à une observation qu’a faite l’honorable M. Doignon. Cet orateur a prétendu que l’on avait opéré dans le cadastre de manière à décourager le cultivateur intelligent en établissant les évaluations sans égard à l’industrie de l’exploitant.

Il n’en est pas ainsi, messieurs ; ce n’est pas le produit que le cultivateur obtient qui a servi de base au calcul ; c’est d’après la nature du sol que le terrain a été évalué. Les opérations cadastrales ne sauraient donc nuire au cultivateur actif et intelligent qui, par ses combinaisons et par ses travaux, aurait fait produire davantage à son champ.

Comme cela est expliqué dans l’exposé des motifs, l’application des résultats de la ventilation des baux s’est opérée par canton et non par commune, parce que toutes les influences se compensent davantage les unes par les autres par la réunion d’un grand nombre de baux de toute espèce.

En effet, il serait injuste de déterminer le revenu imposable des propriétés non louées, d’après les résultats de la ventilation des baux de chaque commune où ces propriétés sont situées, parce que les résultats sont ordinairement ou trop élevés ou trop faibles ; on a donc adopté de préférence le résultat des baux par canton comme devant mieux servir à fixer l’opinion relativement à la détermination des évaluations définitives.

M. Eloy de Burdinne a dit que pour arriver à des résultats exacts, il faudrait que dans toutes les localités les différentes espèces de baux fussent également représentées dans la ventilation.

C’est précisément ce à quoi l’administration s’est particulièrement attachée. Pour en fournir une preuve qui suffira à elle seule pour démontrer que les estimations actuelles ont été établies avec une parfaite connaissance de cause, on citera les particularités suivantes que présentent les résultats de la ventilation des baux dans le canton d’Avesnes.

Les évaluations de la commune de Hanêche limitrophe de la commune de Burdinne auraient dû être majorées de 88 1/2 p. c. pour être en juste rapport avec les prix des baux de cette commune ; mais elles n’ont subi aucune augmentation par le motif que la presque totalité de ces baux sont des baux passés par adjudication publique.

Ainsi que je l’ai déjà dit, avant d’arrêter les évaluations des communes d’un canton, on a toujours eu égard aux influences que chaque espèce de baux exerçait dans la ventilation.

C’est ainsi que dans le même canton, neuf communes ont des évaluations qui, pour être égales au montant net des prix des baux de ces communes, devraient être majorées de 88, 52, 43, 34, 32, 24, 23, 19 et 18 pour cent ; tandis que sept autres communes ont des évaluations qui, pour être égales au montant net des prix des baux de ces communes, devraient être diminuée, de 8, 5, 4, 3 2, 1, et 1/2 pour cent.

Au résultat le produit des évaluations des propriétés dont les baux ont été ventilés dans le canton d’Avesnes, est inférieur de 10 pour cent au montant net du prix des baux.

La ventilation des baux de ce canton comprend 6,900 bonniers ou hectares qui forment à peu près la moitié de la contenance cultivée dans le canton. Les baux passés par adjudication en hausse publique y sont compris pour 1/7 environ.

La grande tenue, qui comprend les fermes de 45 jusqu’à 100 bonniers et plus et au-dessus, est représentée dans la ventilation à concurrence de 4,334 bonniers. ce qui fait les 2/3 environ de la contenance totale ventilée. Le tiers restant se divise entre la moyenne et la petite tenue.

On n’a pas seulement apprécié pour les communes d’un même canton les diverses influences résultant des différentes espèces de baux ventilés ; on y a eu égard de canton à canton. On a également apprécié dans quelle proportion la grande, la moyenne et la petite tenues se trouvaient représentées eu égard à ce qui existait réellement dans les communes d’un même canton et de canton à canton ; enfin on en a agi de même en ce qui concerne les baux enregistrés, les baux non enregistrés et ceux passés par adjudication publique. Tous les résultats de ces différentes espèces de baux ont été établis par chaque commune et pour le canton, dans un tableau synoptique général.

Relativement à l’exactitude des opérations relatives à la ventilation des baux, je ferai remarquer que les pièces d’expertise présentant tous les détails de la ventilation de chaque bail ont été déposées pendant un mois au secrétariat de chaque commune, et que les administrations locales et les propriétaires intéressés ont été à même de s’assurer de l’exactitude du travail. Il n’est pas à la connaissance de l’administration qu’il se soit élevé la moindre réclamation contre des erreurs qui auraient été commises dans la ventilation.

Toutefois, messieurs, il vous a été dit à plusieurs reprises que des conversations relatives aux prix de fermage avaient été ventilées avec des baux imaginaires, avaient été compris dans le travail de la ventilation. Eh ! messieurs, comment serait-il possible que les choses se fussent passées ainsi, puisque ce travail devait être déposé dans les communes où tous les intéressés étaient appelés à en faire l’examen ? Si des faux semblables avaient eu lieu, il se serait certainement élevé des réclamations qui seraient parvenues à la connaissance de l’administration provinciale et du gouvernement, qui n’aurait pas hésité à réprimer sévèrement de semblables méfaits.

M. Eloy de Burdinne vous a dit, messieurs, que les remerciements que des assemblées cantonales ont cru devoir voter aux agents ne l’ont été que dans l’espoir que ces agents seraient favorables aux réductions générales demandées par ces assemblées.

Je pense qu’il suffira de faire connaître que, dans la province de Liége même, de semblables remerciements ont été votés par des assemblées qui n’avaient demandé aucune réduction générale quelconque, et que d’autres assemblées qui avaient fait la demande de réductions générales, n’ont pas voté de tels remerciements ; il y a donc erreur dans l’interprétation donnée par M. Eloy de Burdinne aux intentions qui ont dirigé les assemblées cantonales lorsqu’elles ont exprimé leur satisfaction à l’occasion de l’achèvement des travaux du cadastre.

M. Donny a objecté par l’on avait agi illégalement en opérant la nouvelle répartition de la contribution foncière de chaque province entre les cantons, et avant que la nouvelle répartition entre les provinces fût arrêtée.

L’honorable membre est dans l’erreur. La loi du 15 septembre 1807 et celle du 26 mars 1813 rendent obligatoire la nouvelle répartition entre toutes les communes d’une même province, du moment où les travaux du cadastre y sont achevés.

Il n’en est pas de même en ce qui concerne la répartition entre toutes les provinces ; aucune disposition législative n’existe sur ce point. Aussi, jusqu’à ce que la loi ait établi la répartition générale entre elles, on peut considérer que le contingent actuel de chacune représente plutôt un impôt de quotité qu’un impôt de répartition.

C’est parce que nous voulons faire un acte de justice que nous proposons de faire de cet impôt un véritable impôt de répartition entre chaque province. Mais si la péréquation devait recevoir immédiatement tout son effet, elle pourrait donner lieu à des difficultés et à de graves inconvénients, car alors elle frapperait trop inopinément les habitants de certaines provinces. Il n’y a rien d’injuste à n’opérer que successivement, et en trois années, les diminutions et les augmentations qui doivent en résulter, jusqu’à ce que l’équilibre désirable soit établi entre les provinces. Et je suis convaincu que les provinces qui doivent être dégrevées accepteront avec plaisir une diminution par tiers : elles verront le commencement de la répartition d’un mal que les autres provinces n’ont pas causé, et elles attendront volontiers jusqu’à la troisième année pour que ce mal soit complètement réparé. Elles comprendront que c’est un sacrifice qu’elles doivent à l’intérêt général.

L’honorable M. Heptia a dit que les lois qui auraient dû être suivies pour l’exécution des expertises, ont été remplacées par des arrêtés ; que le travail fourmille d’erreurs ; que les agents du cadastre ont rejeté les baux qui leur ont paru trop faibles et qu’ils ont admis ceux qui étaient trop élevés ; que, dans les calculs des produits bruts et des produits nets des propriétés, on a exagéré les produits et atténué les frais de culture ; qu’ils se sont prononcés à huis-clos, sur le mérite des réclamations ; que rien ne garantit l’exactitude de la ventilation des baux.

J’ai déjà eu occasion de faire remarquer que les arrêtés relatifs à l’exécution des expertises qui ont été faites depuis 1827, d’après le nouveau système, n’avaient dérogé à aucune disposition quelconque des lois qui régissent la matière.

Il est facile de dire que le travail fourmille d’erreurs ; il ne serait pas aussi aisé d’en fournir des preuves.

Les agents du cadastre n’ont pas rejeté les baux qui leur ont paru trop faibles, puisqu’ils ont été tenus de les ventiler tous sans distinction.

Les calculs des produits bruts et des produits nets ont été établis d’après les renseignements obtenus des principaux cultivateurs dans les différentes communes où le même genre de culture existe.

Les agents du cadastre ne se sont pas prononcés à huis clos sur le mérite des réclamations, puisque ces réclamations ont été examinées en présence des intéressés qui ont adhéré à l’avis de l’expert et du contrôleur et qui ont donné leurs observations contradictoires à cet avis, et que c’est en suite de l’instruction qui a eu lieu de cette manière que l’administration provinciale a, conformément à la loi, statué sur lesdites réclamations.

Enfin, ce qui doit déposer en faveur de l’exactitude de la ventilation des baux, c’est que, ainsi que je l’ai déjà fait observer, les pièces d’expertise contenant, bail par bail, tous les détails de cette opération, ont été déposées, comme je viens de le dire, pendant un mois, dans les communes, à l’effet d’être examinées par les administrations locales et les propriétaires intéressés, et qu’il n’a été formé aucune réclamation contre le travail dont il s’agit.

M. Heptia a ensuite cité des différences notables existantes entre des estimations faites en 1812 et celles résultant du travail actuel.

Je ne crois pas utile de m’occuper des différences qui peuvent exister dans les détails d’un travail exécuté en 1812 et celui exécuté depuis 1827 ; seulement, je ferai observer que si la différence est telle qu’on l’a indiquée, elle ne peut provenir que d’une erreur commise dans le travail de 1812.

Le même membre a établi des calculs sur les prix moyens des propriétés comprises dans les ventilations des baux des deux provinces de Flandre orientale et Liège, d’où il résulterait, que les prix moyens seraient de 61 francs pour la Flandre orientale et de 52 francs pour Liége.

J’ai déjà fait remarquer que l’on ne peut établir aucune comparaison exacte entre les prix moyens résultant de la ventilation des baux de chacune de ces deux provinces. Il faudrait pour cela connaître la nature des terrains compris dans la ventilation ; et en effet, dans la province de Liége, la contenance ventilée est de 75,704 bonniers dont plus de 60,000 bonniers situés dans la Hesbaye et dans quelques autres localités les plus fertiles de la province.

M. Doignon, et d’autres membres qui ont parlé avant lui contre le projet, ont avancé que les résultats du cadastre de chaque canton on été fixés définitivement par les agents du cadastre qui ainsi ont été juge et partie.

Les résultats du cadastre de chaque canton ont été, ainsi que ceux de chaque commune, fixés par l’administration provinciale, conformément à la loi. Les agents du cadastre n’ont pu être juge et partie, puisque c’est l’administration provinciale qui a été juge, et que, pour être partie, il faut être l’intéressé.

Le même préopinant a prétexté que les agents du cadastre étaient incapables d’apprécier la valeur des propriétés.

Mais il ignore sans doute que les experts du cadastre étaient des propriétaires cultivateurs, tous plus ou moins aptes à bien remplir les fonctions qui leur étaient attribuées, et que partout ils ont été accompagnés d’indicateurs qui ont été désignés par les administrations communales, que du reste leur travail a été soumis à toutes les investigations, et qu’en général il a été reconnu très peu susceptible de modifications, soit en suite de la communication des expertises dans les communes, soit en suite de l’examen comparatif fait par les assemblées cantonales de toutes les évaluations des différentes classes de propriétés du canton.

Une considération qu’a déjà fait valoir l’honorable M. Gendebien et qu’ont reproduite hier plusieurs préopinants, c’est celle tendant à faire ajourner l’adoption de la loi en discussion, afin de recevoir l’avis des conseils provinciaux et de s’éclairer des lumières de ces corps délibérants.

A cet égard, je pense que la commune, le canton et la province doivent être considérés comme ayant épuisé leur droit dans l’examen des évaluations cadastrales. En effet, pouvons-nous accorder plus de confiance aux assemblées et aux députations provinciales, aux conseils cantonaux et aux bourgmestres qui seront nommés en vertu de la loi nouvelle, qu’à ceux existant maintenant ? Je ne vois aucun motif à préférer les uns aux autres. Les corps actuellement existant, dans la position toute cantonale ou toute provinciale où ils se trouvent, ont un intérêt à régler les choses de la même manière qu’elles pourraient être réglées par les corps et les fonctionnaires qui seront établis en vertu des lois communale et provinciale.

Au surplus, messieurs, quel avis pourriez-vous obtenir des conseils provinciaux pour régler la péréquation générale ? aucun avis impartial.

Les conseils provinciaux, et cela est de leur essence et de leur devoir, agiront toujours dans l’intérêt particulier de leur province. Tous prétendront que les évaluations qu’ils auront été appelés à examiner sont exagérées. Tous voudront rejeter sur la province voisine les conséquences des résultats du cadastre. C’est la législature qui seule doit examiner les bases d’une loi semblable ; à elle seule appartient de répartir l’impôt entre les provinces.

Ainsi vous n’auriez à espérer du renvoi aux conseils provinciaux que des ferments d’agitation, des germes d’inquiétude parmi les citoyens ; et après des débats et des récriminations, plus ou moins dangereuses pour la tranquillité du pays, vous seriez vraisemblablement obligés d’en revenir au point d’où vous seriez partis.

Dès lors, puisqu’il ne pourrait résulter d’un ajournement que des récriminations, des agitations, il nous importe de les prévenir, car nous ne devons jamais méconnaître notre devise nationale : L’union fait la force. Elle seule peut assurer l’indépendance et le bonheur de la patrie. (Mouvement d’approbation.)

M. Doignon. - Je demande la parole pour un fait personnel.

M. le ministre, au début de son discours, m’a adressé des insinuations que je dois repousser, Il me suffira de donner lecture du passage de mon discours, au sujet duquel il m’a attaqué, pour faire voir la vérité. Il avait avancé que pour le cadastre le gouvernement seul pouvait être désintéressé ; j’ai soutenu au contraire que ce n’était que dans les chambres qu’on pouvait trouver toute l’impartialité désirable. Voici comment je me suis exprimé sur ce point :

« L’on a pu dire sous le régime de la centralisation que, pour juger le cadastre, il n’y a de position impartiale et désintéressée que celle du gouvernement. Mais, sous un régime réellement représentatif, c’est aux chambres seules qu’appartient ce caractère d’impartialité et de désintéressement, parce que seules elles représentent la nation (article 32 de la constitution), parce que c’est à elles et non au gouvernement qu’est dévolu le droit de faire la loi de l’impôt et de sa répartition : mais puisqu’on croit aussi facilement, à l’égard des membres des chambres, aux affections de province ou de canton, pourquoi ne pourrait-on pas faire la même supposition relativement aux membres du cabinet qui nous propose la loi de péréquation ? car chacun d’eux appartient aussi à l’une à l’autre de nos provinces. Notre confiance doit donc être la même dans les députes des provinces qui attendent un dégrèvement, bien qu’ils soient peut-être en majorité. Ils sauront, j’en suis certain, s’élever au-dessus de toute considération particulière, tout aussi bien que nos ministres pour remplir impartialement la mission dont la constitution les investit. »

J’ai soutenu, comme vous voyez, que l’impartialité des membres de la chambre ne pouvait pas plus être suspectée que celle des ministres ; et que si l’argument tiré des affections de province était bon contre la chambre, il était également bon contre les ministres.

Si le ministère trouve là des personnalités, il n’y a plus moyen de répondre. C’est là une susceptibilité singulière de sa part.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je suis charmé de voir que j’avais mal compris les intentions de l’honorable M. Doignon. Cependant je dois dire que lui-même avait donc supposé que les membres de la chambre pouvaient se laisser influencer par des affections de localité, puisqu’il a dit que les ministres n’étaient pas plus étrangers à ces sentiments que les autres membres de la chambre.

Pour nous, jamais nous n’avons eu la pensée que les membres de cette assemblée se laisseraient dominer par aucun sentiment d’intérêt de localité ; jamais non, ne nous sommes permis de telles suppositions à l’égard d’aucun de nos collègues ; nous respectons trop pour cela leur caractère et leurs prérogatives.

M. Desmanet de Biesme. - La discussion extrêmement lumineuse qui a eu lieu dans cette assemblée a singulièrement abrégé la tâche de ceux qui se proposaient d’y prendre part. Aussi je ne prendrai guère la parole que pour motiver mon vote et pour présenter cependant quelques observations relatives à ma province.

Nous sommes en quelque sorte d’accord sur ce point que trois provinces sont surtaxées ; car cela paraît avoir été reconnu en principe par les gouvernements français et hollandais, et par le gouvernement actuel. On pourrait toutefois s’étonner qu’il n’ait pas été fait droit à ces réclamations, si elles étaient aussi fondées qu’on l’affirme ; mais c’est que cela tenait, je suppose, à ce que les opérations cadastrales n’étaient pas terminées.

Si nous sommes d’accord sur ce point que les Flandres sont surtaxées, nous ne le sommes pas sur le quantum, qui est encore un problème non résolu pour nous.

Rien ne serait plus simple que le remède à apporter, si l’Etat se trouvait dans une situation assez prospère pour que les provinces surtaxées fussent dégrevées, sans que le montant de ce dégrèvement fût supporté par les autres provinces. Mais je sais que, dans la situation actuelle, ayant besoin de toutes nos ressources, nous ne pouvons employer ce moyen.

Quant au quantum il est certainement permis de différer d’opinion. Toutefois nous voulons tous venir au secours des provinces surtaxées, et nous l’avons prouvé en accordant à ces provinces un dégrèvement de 5 p. c. il y a quelques années.

Dans ce moment nous sommes la plupart disposés à accorder (comme l’a proposé hier un honorable membre) des provisions à ces provinces, sans régler leur compte définitivement. Il me semble que les propositions du gouvernement sur ce point sont sages ; car, il ne faut pas se le dissimuler, si vous regardez comme certaines les évaluations du cadastre, cela jettera une grande perturbation dans le pays.

Je me permettrai à cet égard une observation : Si la surtaxe ne retombait que sur les grands propriétaires, soit ; ils peuvent la supporter ; mais elle retombera aussi sur les petits propriétaires et encore sur les fermiers, car presque tous les baux portent cette clause : « que les contributions présentes et à venir sont à la charge du fermier. » Si la surtaxe vient tout d’un coup, ces gens-là auront le droit de se plaindre, parce qu’ils n’auront pas recours contre le propriétaire, tandis que, si vous la répartissez en 3 années, ils pourront prendre d’autres arrangements, c’est-à-dire, obtenir une diminution, ou renoncer à leur exploitation.

L’honorable M. Donny a beaucoup parlé de ce que les Flandres seraient ainsi surtaxées depuis 40 ans ; il a fait à cet égard un compte plus ou moins exact. Sans doute notre sympathie pour nos compatriotes doit nous faire regretter qu’ils aient supporté une charge aussi pesante pendant longtemps. Mais il serait injuste de s’en prendre à nos provinces. Nous n’y pouvons rien ; car si le gouvernement français avait fait droit à ces réclamations, la surtaxe, par suite de la répartition entre tous les départements, devenait presque imperceptible pour nos provinces. Il en eût été presque de même sous le régime hollandais. Aujourd’hui au contraire le fardeau doit retomber sur quatre provinces, puisqu’il y en a deux que leur situation politique ne permet pas d’appeler à en supporter leur part.

On beaucoup parlé des employés du cadastre. M. le ministre des finances s’est plaint à tort, selon moi, de ce que l’on attaquait des employés qui n’étaient pas présents. Je ne vois là rien d’inconvenant. On a élevé contre les employés du cadastre les plaintes que l’on avait à former contre eux, et l’on en avait le droit d’ailleurs ils n’étaient pas sans défenseur, puisque le chef du département des finances était là et pouvait prendre leur défense. C’est d’ailleurs ce qu’il a fait.

Quant à tous les compliments que l’on fait à ces employés, ils signifient pour moi peu de chose. Je n’examinerai pas s’ils sont mérités ou non, s’ils ont été arrachés ou donnés volontairement. Je crois que quand les employés font leur devoir, il n’y a pas de compliments à leur faire, mais qu’il n’y a rien à dire. Si au contraire ils donnent lieu à des plaintes, on a le droit de s’adresser à l’administration.

M. le ministre a dit que ce qui prouvait que la chambre avait reconnu qui n’y avait aucune plainte fondée contre les agents du cadastre, c’est que chaque année elle avait accordé la somme nécessaire pour l’exécution des opérations cadastrales. Je ne suis pas d’accord avec lui sur ce point. Si la chambre vote les fonds, c’est qu’elle voulait en finir avec le cadastre ; mais elle s’est assurément réservé le droit de réviser ses opérations.

Quant à la ventilation des baux, M. le ministre a dit que toutes les précautions nécessaires ont été prises. Je crois bien que le ministre a donné ses instructions ; mais quand d’honorables membres de cette assemblée déclarent qu’elles n’ont pas été suivies, je les crois au moins autant que l’administration.

M. le ministre a dit encore dans cette séance que vous ne pouviez tarder davantage à voter une loi définitive, puisque les communes, les cantons et les provinces ont épuisé leurs attributions. Mais on ne peut pas dire cela. Les cantons n’ont certes pas épuisé leurs attributions. Car il y a des cantons qui ont protesté contre les opérations cadastrales, et il n’a été fait aucun droit à leurs réclamations. Je citerai le canton de Namur Nord qui est dans cas. Il a fait une réclamation très juste à laquelle on n’a pas eu égard. Il a réclamé sur ce que l’on n’a établi que quatre classes de terrain, tandis qu’il avait droit à ce qu’il en fût établi 5. Vous savez que dans les pays montueux on doit établir 4 et 5 classes de terrain, et même 6, si la loi le permettait, suivant que la nature du sol l’exige.

Pour que l’on pût considérer toutes les attributions comme épuisées, il faudrait que eût prononcé sur toutes les pétitions adressées à la chambre, au sujet des opérations cadastrales. Mais vous savez que toutes ces pétitions ont été renvoyées à une commission qui n’a pas fait de rapport, Dans cette situation, nous ne pouvons considérer le cadastre comme définitivement et irrévocablement terminé.

Je me permettrai une observation toute particulière à ma province. La province de Namur contient une quantité considérable de bois. Quand ces bois ont été cadastrés, ils avaient une valeur qu’ils n’ont plus maintenant. Ils ont perdu cette valeur non pas par une cause passagère, mais par une cause permanente : la substitution d’un nouveau mode de forgeries. Ainsi les évaluations cadastrales, en raison de la période où elles ont été faites, ne peuvent plus être adoptées maintenant. Les bois qui se vendaient 70 ou 80 fr la battue, mesure d’usage, sont descendus à moins de 50 fr. Or, comme cet état de choses doit durer les propriétaires de ces bois croient avoir droit à un dégrèvement.

Nous ne pouvons donc admettre les opérations cadastrales comme parfaites lorsque nous avons des raisons aussi fondées à présenter contre des évaluations qui comprenaient une grande partie du sol de cette province.

M. le ministre des finances a dit que, pour l’effet moral, nous devions chercher à être unis, et ne pas recourir à l’avis des conseils provinciaux. Je pense comme lui que, formant un petit pays composé d’éléments divers : de Flamands, de Wallons et d’Allemands, nous avons le plus grand besoin d’union, et que ce n’est que par l’union de ces provinces que la Belgique peut se maintenir libre et indépendante.

Aussi, nous qui devons être surtaxés, nous consentons à un dégrèvement d’un tiers ; mais nous réservons notre vote quant au règlement de compte définitif.

Pour moi, je dis que les députés wallons, dans la situation où ils se trouvent, ne peuvent voter une loi définitive ; et si une force numérique leur arrachait une telle loi, ce serait assurément un obstacle à l’union que l’on désire ; car les provinces que l’on veut grever, en voyant leurs députés unanimement d’accord pour se refuser à donner un caractère définitif à la loi, verraient qu’il n’en a été autrement que parce que la chambre étant loin d’être complète en ce moment, leurs députés étaient en nombre trop insuffisant pour ne pas succomber contre des adversaires qui s’étaient comptés.

Je ne pousserai pas plus loin mes observations. La question a déjà été traitée et sera traitée par d’autres membres, je le sais, d’une manière plus spéciale.

Je voterai pour un amendement analogue à celui proposé par M. Doignon.

M. Vandenbossche. - Messieurs, pendant quarante années consécutives, les deux Flandres et la province d’Anvers ont été injustement surchargées, et ce pour des sommes énormes, dans la contribution foncière ; peut-on penser de reculer encore le terme de leur rendre justice entière pour l’avenir !

L’équité ne se contenterait point de prévenir que des injustices se prolongent ; elle exigerait plutôt de remonter aux temps antérieurs pour réparer celles épuisées, notamment, si depuis longtemps on eût pu les éviter, comme dans le cas de la répartition de la contribution foncière !

Le principe fondamental de la contribution foncière est sa répartition par égalité proportionnelle à raison du revenu net ; et sa base, la matrice de rôle existante.

C’est ce que nous apprennent les lois et des instructions sur cette matière.

La loi du 1er décembre 1790 qui, la première, a établi la contribution foncière d’après le système jusqu’à présent en vigueur, dit, article premier : « Il sera établi, à compter du 1er janvier 1791, une contribution foncière, qui sera répartie par égalité proportionnelle, sur toutes les propriétés foncières, à raison de leur revenu net. »

La loi du 3 frimaire an VII, qui y a succédé, comporte les mêmes dispositions dans son article 2, qui dit :

« La répartition de la contribution foncière est faite par égalité proportionnelle sur toutes les propriétés foncières à raison de leur revenu net imposable. »

Toutes les constitutions d’ailleurs, qui nous ont successivement régis, consacrent le même principe.

Ces lois des 1er décembre 1790 et 3 frimaire an VII prescrivent aussi le mode d’établir cette base ; elles ordonnaient pour chaque commune de former un état indicatif des différentes propriétés, avec les noms des propriétaires, l’estimation du revenu net de ces propriétés, et la confection d’une matrice de rôle.

Cet état indicatif et cette matrice de rôle représentaient notre cadastre, et tout défectueux qu’ils pouvaient être, ils devaient être tenus pour véridiques jusqu’à ce qu’ils eussent subi les changements qu’on pouvait trouver convenable d’y apporter, et cette matrice de rôle était la base de la répartition.

« Les matrices de rôle existantes, dit l’article 31 de la loi du 3 frimaire an VII, continueront à servir de base à la répartition de la contribution foncière entre les contribuables de chaque commune, sauf les changements ou renouvellements… et sans préjudice pour les contribuables de se pourvoir en décharge ou réduction dans les formes légales. »

Cette matrice de rôle contenait le revenu net de toutes les propriétés de la commune, et, du moment de sa confection, c’était à raison de ce revenu net que la contribution foncière devait être répartie par égalité proportionnelle, ou au même marc le franc, entre tous les contribuables.

Du moment aussi que toutes les communes d’un canton ou d’une province avaient formé leur matrice de rôle et que le revenu net fut connu par les agents de la répartition, ceux-ci devaient également observer l’égalité proportionnelle à raison de ce revenu net, dans la répartition de la contribution entre les cantons et les communes.

Du moment enfin que les communes de l’Etat avaient complété leur état indicatif et leur matrice de rôle, et que le revenu net de toutes les provinces respectives fut connu, le corps législatif, le premier agent de la répartition, devait de même observer l’égalité proportionnelle dans la répartition des contingents entre les provinces.

Ce revenu net établi, le principe fondamental de l’égalité proportionnelle, ou du marc le franc uniforme a toujours dû servir de règle, non seulement aux agents de la répartition subalternes mais même au corps législatif.

C’est ce que nous apprend ultérieurement la loi du 2 messidor an VII, qui porte :

« Article 3. Tout contribuable, dont la cote de contribution foncière se trouve portée au-dessus de la proportion générale déterminée par la loi entre cette contribution et les revenus territoriaux, a droit à une réduction.

« Chaque commune, chaque canton et chaque département ont également droit à une réduction dans le même cas. »

« Article 4. Tout contribuable surtaxé, comparativement aux autres contribuables, a droit de demander le rappel à l’égalité proportionnelle…

« Chaque commune, chaque canton et chaque département ont pareillement droit de demander le rappel à l’égalité proportionnelle dans le même cas. »

Or, si le principe de l’égalité proportionnelle dans la répartition de la contribution foncière, à raison du revenu net, ne liait point le corps législatif, en tant qu’agent de la répartition, les provinces ne pourraient point avoir le droit de demander, de même que les cantons, les communes et les contribuables, soit une réduction, soit un rappel à l’égalité proportionnelle : preuve donc incontestable de la vérité de mon assertion.

Tous ces principes ont eu force de loi en Belgique depuis notre réunion à la France, ou depuis leur publication, et les lois postérieures sur le cadastre n’y ont point porté atteinte.

Depuis notre réunion à la France, on a ordonné en Belgique la confection d’états indicatifs et de matrices de rôle, afin d’y régulariser la répartition le l’impôt foncier.

Si la confection de ces états indicatifs et matrices de rôle ne fut point achevé dès les premières années, an moins pouvons-nous dire qu’elle le fut depuis plus de 30 ans dans toutes les communes de l’empire français ; donc depuis plus de 30 ans l’égalité proportionnelle aurait dû exister dans la répartition de la contribution foncière, et jusqu’à ce jour cette égalité proportionnelle n’existe pas encore, au mépris même de notre constitution actuelle, que nous avons faite, et que nous avons tous juré d’observer.

Mais si on pouvait se départir de l’égalité proportionnelle, même dans des vues d’équité, moins encore pouvait-on s’en départir pour augmenter le poids d’une première injustice ; or ceci a constamment eu lieu à l’égard de la Flandre orientale, et apparemment aussi à l’égard de la Flandre occidentale ainsi que de la province d’Anvers.

La Flandre orientale a toujours été surtaxée comparativement aux provinces ménagées de Brabant, de Hainaut, etc., du chef de l’évaluation de son revenu net, et, en sus, elle a toujours été imposée d’un contingent proportionnellement plus élevé a raison de ce revenu net, au point que la Flandre orientale, pendant plus de 30 ans, a été annuellement dans le cas à pouvoir demander une réduction de son contingent, du chef qu’il fut constamment porté au-dessus de la proportion générale déterminée par la loi entre cette contribution et les revenus territoriaux, ainsi que le rappel à l’égalité proportionnelle du chef d’inégalité d’évaluation du revenu net.

Pendant plus de 30 ans la Flandre orientale a été surchargée de plus de 800,000 francs par an, par suite de la répartition illégale et inconstitutionnelle, jusqu’à ce jour, de la contribution foncière ; elle a été surchargée du chef de l’élévation de son revenu net, peut-être pour une somme équivalente, par suite de la bonne ou mauvaise foi des administrations municipales, lors de la formation des premiers états indicatifs et matrices de rôle.

Telle est la cause qu’assigne M. le ministre dans l’exposé des motifs de son projet de loi, où il dit : « Une circonstance qui avait puissamment contribué à rendre vicieuse l’ancienne répartition, c’est que assez généralement les bases en avaient été puisées dans les déclarations faites de l’étendue des terrains par les autorités communales plus ou moins intéressées à s’écarter de la vérité. Il en est résulté que dans certaines communes on a fait connaître très approximativement la contenance réelle, tandis que dans d’autres on n’en a déclaré que les trois quarts, les deux tiers et quelquefois même moins de la moitié. »

Ainsi les causes des surcharges qu’ont subies pendant plus de trente ans les provinces des deux Flandres et d’Anvers sont d’un côté la mauvaise foi des autorités communales des provinces ménagées, et de l’autre la violation coupable des lois, et des constitutions qui nous ont successivement régis ; d’où il résulte qu’en équité les provinces ménagées jusqu’à ce jour devraient rembourser ce que les autres ont virtuellement payé pour elles.

Mais si des considérations majeures s’opposent à cette mesure d’équité, au moins nous ne pouvons plus retarder de rendre justice pour l’avenir. Nous ne pouvons même en reculer l’époque sans violer les principes fondamentaux de la contribution foncière, sans violer notre constitution en ce qu’elle condamne tout privilège en matière d’impôts : en effet, établir que pour 1836 ou 37 les provinces des Flandres et d’Anvers paieraient le huitième ou le neuvième de leur revenu net, tandis que les provinces de Hainaut, de Liége, etc., n‘en paieraient que le onzième et le douzième, serait établir un privilège en faveur de ces dernières, en opposition avec la disposition expresse de l’article 112 de la constitution, que rien ne peut nous autoriser d’enfreindre.

M. le ministre a proposé d’établir l’égalité proportionnelle progressivement dans l’espace de trois ans. La section centrale propose de l’établir dans l’espace de deux ans ; mais l’une et l’autre de ces propositions sont également illégales et inconstitutionnelles, et dussent-elles n’être ni l’une ni l’autre, les motifs qui les ont fait faire ne seraient pas encore de nature à pouvoir les justifier. Les motifs sont les mêmes : afin d’éviter les murmures qu’occasionnerait, dans les provinces ménagées, la subite augmentation de la contribution foncière, si l’égalité proportionnelle de la contribution devait être rendue immédiatement complète.

« Pour rendre moins sensible, dit M. le ministre dans son exposé, la transition de la répartition actuelle à cette nouvelle péréquation. » Or, ces mêmes motifs militent en faveur de l’introduction directe de l’égalité proportionnelle. En effet, si nous répartissons les contingents de la contribution foncière d’après le même marc le franc, la contribution de la province de Hainaut se trouve augmentée de 2 1/2 p. c. par fr. ; les autres provinces ménagées se trouveront augmentées dans une proportion moindre, mais toutes ces augmentations seront équitables et méritées ; si au contraire nous adoptons le projet de M. le ministre ou de la section centrale, la contribution de la ville de Gand et de quelques communes de son canton s’augmentera injustement de 4 ou de 3 1/2 centimes par franc. Donc, s’il s’agissait ici de devoir se conduire d’après des considérations politiques, il faudrait encore répartir les contingents d’après un marc le franc uniforme.

Il ne s’agit pas de tripler ou quadrupler une quote-part quelconque, comme on pourrait se l’imaginer à la vue du tableau n°2, annexé au projet de M. le ministre, quoique l’augmentation, dût-elle atteindre ce taux, ne pourrait pas encore faire fléchir la justice et enfreindre la constitution.

Dans toutes les provinces, à l’exception de la seule Flandre orientale, leur contingent de la contribution foncière a été réparti entre les communes et les contribuables, d’après un marc le franc uniforme. C’est ce que nous apprend M. le ministre dans son exposé, page 6.

Ainsi, aujourd’hui, dans le Hainaut, toutes les communes paient uniformément pour principal de leur contribution foncière 0 04,40114 par franc ; dans la province de Liége 0 07,60343 ; dans la province de Namur 0 08, 22823, et dans la province du Brabant 0 08,062253 : il conste que l’augmentation que subirait le contribuable le moins imposé ne monterait qu’à 2 1/2 centimes par franc.

Peur-on supposer que dans tout le Hainaut ou le pays de Liége, qui sont les provinces les plus favorisées, il y aurait un seul homme qui oserait se plaindre de subir une augmentation dans le principal de sa foncière de 2 1/2 centimes par franc, qu’il sait devoir subir en droit et en équité ?

Mais peut-on sérieusement craindre d’exciter des murmures en augmentant d’après la loi, la constitution et l’équité de 2 1/2 centimes par franc, la commune la moins imposée, et ne pas craindre des murmures, sinon des troubles et des émeutes, dans la ville de Gand et quelques communes de son canton, dont le principal de la contribution foncière pour l’exercice de 1835 se trouverait augmenté de 4 centimes par franc, d’après le projet de M. le ministre, et de 3 1/2 centimes d’après le projet de la section centrale ?

La ville de Gand a été injustement favorisée, ainsi que quelques communes de son canton, mais aux dépens des autres communes de sa province ; leur contingent doit, en tous cas, s’augmenter, et elles se soumettront, sans murmure, à toute augmentation que leur imposera l’équité. Mais supporteront-elles une injustice, qui leur fera augmenter de la moitié le montant du principal de leur contribution foncière, en faveur d’autres provinces, pour lesquelles la Flandre orientale a déjà payé plus de 40 millions ?

La ville de Gand et la situation où la placerait tant le projet de la section centrale que le projet ministériel méritent, messieurs, au plus haut dei surgré votre attention ; et je suis persuadé que si M. le ministre ainsi que la section centrale, eussent mûrement apprécié le résultat de leurs projets, leurs considérations politiques les eussent portés, l’un et l’autre, à proposer une répartition par égalité proportionnelle complète et immédiate à raison du revenu net.

Nous avons tout à craindre, si nous nous montrons injustes ; c’est l’injustice qui provoque les murmures, les troubles et les émeutes ; elle déconsidère le pouvoir qui la tolère, et avilit celui qui la commet, aux yeux même de ceux qui en profitent. Soyons donc toujours justes, et au lieu de craindre des murmures, nous pouvons être persuadés que nous ne recueillerons que la gratitude de la nation.

Mais nous ne pourrions adopter le projet du gouvernement ou de la section centrale et reculer la péréquation de la contribution foncière, sans nous exposer à d’autres inconvénients, sans même nous exposer à devoir déclarer, l’année prochaine, que nous avons mal et injustement agi aujourd’hui.

L’exposé de M. le ministre prouve que la proportion générale établie par la loi entre le principal de la contribution foncière et les revenus territoriaux est de 10 centimes par franc de revenu net. Or, si la Flandre orientale devait se trouver imposée à raison de 12 ou de 13 1/2 centimes par franc, et elle demanderait, en vertu de la loi du 2 messidor an VII, une réduction de sa contribution foncière, et, à cet effet, ce serait à nous, corps législatif, que la province, d’après l’article 74 de la même loi, devrait s’adresser ; la réclamation serait juste, légale et incontestable. Et ainsi le corps législatif constitué juge serait forcé de condamner en 1836 la disposition qu’il aurait décrétée, comme agent de la répartition de la contribution foncière, à la fin de 1835.

De bonne foi on ne pourrait pas objecter qu’il n’y a point de proportion générale d’établie, sous prétexte que nous ne possédons pas encore le dernier cadastre des provinces de Limbourg et de Luxembourg ; l’objection serait futile, mais fût-elle fondée, rien encore ne changerait la position où nous nous trouverions engagés.

La province de la Flandre orientale, en vertu de la même loi du 2 messidor an VII, serait en droit, et réclamerait le rappel à l’égalité proportionnelle, à raison de surtaxe comparativement aux autres provinces ; et le corps législatif en serait également constitué juge, d’après les articles 193 et 200 de la prédite loi ; et nous ne pourrions accueillir la réclamation, sans, de même que dans le premier cas, condamner la loi, notre propre ouvrage. Or, ici il n’y aurait ni ruse ni prétexte à trouver, pour pouvoir la rejeter ; les motifs de la loi, et la loi même, en prouveraient incontestablement le fondement.

Ainsi donc, tout mûrement apprécié, il n’y a qu’un seul moyen de prévenir les murmures, de nous conserver l’estime et la confiance de la nation, et de nous respecter nous-mêmes, c’est d’établir l’égalité proportionnelle parfaite entre la contribution foncière et les revenus territoriaux à compter du 1er janvier 1836.

La motion d’ordre de l’honorable M. Gendebien m’a fait comprendre, pour la première fois, qu’il pouvait y avoir question d’approuver ou d’improuver les opérations cadastrales dans la loi qui nous occupe. Quand j’entends parler de péréquation cadastrale, j’ai toujours cru que c’était par un abus de termes, ou par une fausse idée qu’on s’était formée de l’objet de la loi.

Le seul objet que j’y vois, et que j’y vois encore, est la fixation du montant de la contribution foncière, et sa répartition entre les provinces pour l’année 1836. Et je n’ai même jamais cru pouvoir lui donner une durée au-delà ; et ce encore sauf le droit des provinces de demander une réduction ou le rappel à l’égalité proportionnelle, s’il y a matière. Je n’ai jamais cru non plus qu’il appartenait au corps législatif de procéder à une péréquation cadastrale, laquelle a pour objet de régulariser d’après une proportion équitable et juste le revenu net entre les communes, les cantons, les districts et les provinces. Une première péréquation a été opérée entre les communes d’un même canton, par les députés de toutes les communes intéressées, réunis en assemblée cantonale sous la présidence du commissaire du district. Et de même que celles-ci, toutes les autres péréquations doivent s’opérer par les députés spécialement nommés à cet effet, par les cantons, les districts ou les provinces intéressées.

Si, sur la péréquation entre les provinces, les membres de la commission ou assemblée ne tombent point d’accord, qu’alors le corps législatif ait le droit de décider sur les différends que la commission n’a pu aplanir, voilà ce que je conçois et ce que j’admets ; mais je ne pourrai jamais concevoir que le corps législatif serait en droit de directement décréter la péréquation cadastrale.

L’honorable M. Eloy de Burdinne proteste contre l’évaluation du revenu net dans la province de Liége ; je suis loin de partager tout à fait ses opinions, mais si la province de Liége ou une autre quelconque se croit surtaxée dans le revenu net, comparativement à d’autres provinces, qu’elle le prouve, et qu’elle réclame, d’après le droit que lui en donne la loi du 2 messidor an VII, le rappel à l’égalité proportionnelle ; ce droit je le lui reconnais, et je n’entendrai jamais vouloir le lui interdire. Je désire même que le gouvernement pourvoie immédiatement à ce que des commissions soient instituées pour opérer la péréquation entre les cantons d’un district, entre les districts d’une province, et finalement entre les provinces, afin d’épargner à quiconque se croirait surchargé la peine de devoir réclamer.

Quoique les provinces ménagées aient eu la conscience assez robuste pour souffrir que les deux Flandres et la province d’Anvers supportent, sans restitution, la surcharge de 58 millions qu’elles ont payée pendant 36 à 37 ans, comme l’a dit l’honorable M. Rodenbach, je ne désire pas les surcharger à leur tour pour une seule obole, ni pour une seule année.

Mais, d’un autre côté, je ne pourrais souffrir qu’on maintiendrait encore en partie la surcharge reconnue des deux Flandres et d’Anvers.

Mais, afin de rendre la justice que je réclame, nous n’avons pas besoin de déclarer que les opérations cadastrales sont achevées ; à cet effet on n’a qu’à suivre les principes que prescrit la loi du 3 frimaire an VII qui subsiste encore aujourd’hui comme loi : quant à toutes ses dispositions relatives à la répartition de la contribution foncière, aucune de ces dispositions n’a été abrogée ou contredite par une loi postérieure, et les lois des 15 septembre 1807 et 20 mars 1813, en les appliquant, n’ont fait que les corroborer davantage.

Or, cette loi, dans son article 2, consacre de nouveau, en termes exprès, le principe fondamental et préexistant de la répartition de la contribution foncière par égalité proportionnelle (ou au même marc le franc) sur toutes les propriétés, à raison du revenu net.

Ce principe d’ailleurs est un principe de justice, dont nous ne pourrions pas dévier, quand même la loi ne l’eût point consacré.

Dans son article 31, cette même loi prescrit de tenir pour base de cette répartition les matrices de rôle existantes. Et encore nous devrions les prendre pour base, quand même il n’y aurait point de loi qui l’eût ordonné.

En effet, si nous devions être assurés que toutes les évaluations du revenu net sont sans défaut, et par suite de l’entière exactitude des matrices de rôle existantes, avant de pouvoir les prendre pour base de notre répartition, nous le pourrions jamais avoir une base car, quels que soient les soins, les connaissance et l’impartialité qu’on mettrait dans l’évaluation du revenu net, toujours on y rencontrerait des inexactitudes : qu’on renouvelle encore dix fois les expertises, et jamais elles ne se trouveront à l’abri des critiques.

Nous devons donc impérieusement suivre dans la répartition de la contribution foncière l’égalité proportionnelle, ou au marc le franc uniforme, à raison du revenu net, que comportent les matrice de rôle existantes, matrices de rôle qui sont présumées et que nous devons regarder comme exactes et véridiques, jusqu’à ce que leur changement nous ait fait connaître le contraire.

Agissant de cette manière, nous observerions la loi et la constitution, et nous rendrions justice à tous, au point qu’il ne pourrait y avoir de propriétaire foncier, soit dans le pays de Liége soit dans le Hainaut, qui pourrait même trouver un prétexte pour se plaindre ; et j’espère que les honorables membres, qui ont cru devoir s’élever avec tant de force contre les projets, se rallieront à mes principes et à ma proposition d’établir l’égalité proportionnelle complète entre la contribution foncière et le revenu net que comportent les matrices de rôles existantes, à compter du 1er janvier 1836.

Toutes les lois sur la répartition de la contribution foncière ont été évidemment méconnues jusqu’à ce jour ; je pense que personne ne disconviendra que l’on est redevable de cette violation au système de contribution fixe et de répartition des contingents. Afin d’obvier pour le futur à ce que ces injustices se reproduisent, je me permettrai de vous présenter un nouveau système d’impôt foncier, qui établira un impôt de quotité au lieu d’un impôt de répartition ; mais je me réserve de le proposer ou de le développer lors de la discussion des articles.

M. Seron. - Est-il juste, messieurs, de diminuer la contribution foncière dans la province d’Anvers et dans les deux Flandres, et de l’augmenter dans les quatre provinces du Brabant, du Hainaut, de Liége et de Namur ? M. le ministre des finances paraît n’en douter nullement, et je serais disposé à partager son opinion si je croyais le travail du cadastre aussi parfait que le prétendent les experts, contrôleurs, inspecteurs, directeurs et gouverneurs qui l’ont exécuté, rectifié, perfectionné et approuvé.

A la vérité, si nous en cherchons les bases dans le recueil méthodique, ouvrage destiné à servir de guide à ces messieurs, nous y trouverons des considérations très rassurantes sur les résultats de leurs opérations. « L’expert choisi avec le plus grand soin parmi les cultivateurs les plus instruits et les hommes les plus probes, étranger au canton où il opérait, n’avait intérêt, ni à exagérer, ni à affaiblir les évaluations. Son seul intérêt était de bien faire, dans la crainte de voir rejeter son travail et d’en perdre à la fois le prix et le mérite. Il était appelé à déterminer d’une manière abstraite et générale le produit de l’arpent de telle culture, de telle classe ; il se trouvait à l’abri de toute influence, de toute passion, puisque ni les propriétaires ni lui-même ne pouvaient connaître l’effet des opérations qu’après que l’application en aurait été faite à chaque propriété. Ainsi, les propriétaires n’avaient pas à redouter que les opérations de l’expertise fussent favorables aux uns et défavorables aux autres ; tranquilles sur les résultats en ce qui concernait chacun d’eux, ils devaient l’être également sur l’évaluation de la masse des revenus de leur commune, comparativement aux autres communes. »

Tout cela, messieurs, est admirable en théorie ; mais qu’est-il en effet arrivé ? L’expert a rarement réuni les qualités qu’il aurait dû avoir ; par cela même qu’il était étranger à la commune où il opérait, il ne connaissait ni la qualité ni les variétés du territoire, il manquait d’expérience et de données pour en déterminer exactement les revenus. Il a été obligé de s’en rapporter aux indicateurs, et ceux-ci, quelquefois par ignorance, quelquefois aussi à dessein, l’ont induit en erreur. Il n’était pas infaillible ; comment donc se serait-il trouvé à l’abri de toute influence, de toute passion ? Ni lui ni le propriétaire ne savaient, dit-on, quel effet pouvaient avoir les opérations. Mais ils n’ignoraient ni l’un ni l’autre que plus les évaluations seraient faibles comparativement, moins les propriétés seraient imposées. Enfin, quant aux résultats, ceux que vous a signales l’honorable M. Eloy de Burdinne, dans un discours plein de choses, et que malheureusement il n’a pas eu le temps d’accourcir, sont de nature à faire croire le travail du cadastre complètement manqué, malgré les éloges que ses auteurs ont cru devoir se donner les uns aux autres. Je vais dire en peu de mots ce que je suis moi-même par les renseignements que j’ai pu me procurer.

Dans l’arrondissement de Philippeville, les évaluations des biens fonciers d’un même propriétaire ne sont point proportionnelles entre elles. Chaque jour, dans les déclarations de succession, on est forcé de s’en écarter pour être exact, de mettre même entièrement de côté la matrice cadastrale.

Les mêmes inégalités existent de contribuable à contribuable, dans la comparaison des propriétés non bâties avec des propriétés de même nature ; elles sont plus frappantes dans la comparaison des propriétés non bâties avec les propriétés bâties. Celles-ci sont en général démesurément imposées. A Philippeville, par exemple, dont les habitants, de même que ceux des communes rurales, vivent principalement de l’agriculture, la contribution des maisons, portée au triple de ce qu’elle était avant la mise à exécution du cadastre, écrase tout le monde sans que personne puisse deviner la cause d’une pareille surcharge, car cette petite ville est loin de prospérer.

La disproportion ne s’arrête pas là ; elle devait être, elle est réellement plus grande de commune à commune, elle augmente de canton à canton ; j’en ai acquis par moi-même la certitude en assistant comme délégué aux délibérations des assemblées cantonales.

Considérées en elles-mêmes les estimations sont exagérées. Voici à cet égard, et pour ne pas abuser de vos moments, un fait entre mille que je pourrais citer ; je le crois concluant et décisif parce qu’il n’est pas relatif à telle parcelle de telle nature prise isolément ; il concerne une exploitation renfermant un grand nombre de pièces d’héritages de toute nature, des prés, des terres labourables de toutes les classes, des jardins et des vergers.

La ferme du Traignaux, commune Ville en Deux-Eglises, était il y a vingt ans louée au prix de 1,600 francs par année ; le fermier ne pouvait y vivre quoique laborieux, économe et bon cultivateur ; le bail fut diminué de 100 francs et se trouvant encore trop élevé ; maintenant le montant en est réduit à 1,400 fr., déduction faite de l’entretien des bâtiments de la ferme, et c’est, je crois, tout ce qu’on peut raisonnablement en obtenir. Eh bien, messieurs, le revenu de cette propriété est porté dans les matrices cadastrales à plus de 2,100 francs, c’est-à-dire au revenu effectif augmenté d’une moitié en sus.

Cependant M. le ministre, si je l’ai bien compris, prétend que l’imposition foncière n’enlève en 1835 aux contribuables de la province de Namur qu’environ huit pour cent de leur revenu net ; ce sont les matrices cadastrales qui le lui ont appris. Mais pour que cela fût vrai, il faudrait que les évaluations qu’elles présentent fussent proportionnelles entre elles et de commune à commune, de canton à canton, et que le revenu fût réellement aussi élevé qu’elles le supposent. Malheureusement il n’en est pas ainsi. Notre marc le franc excède donc de beaucoup la quotité que lui assigne M. le ministre. On a beau dire au contribuable dont on élève le revenu effectif de mille francs à la somme fictive de 1,500 fr. : « En vous assignant une cotisation de 150 fr., nous ne prenons que dix p. c. de votre revenu imposable, » il croira toujours, et avec raison, qu’on se moque de lui, et que c’est dans la proportion de 15 p. c. et non de 10 p. c. qu’il est appelé à contribuer.

Cette exagération dans la fixation des revenus a plusieurs causes, dont l’une est assurément l’obligation de l’administration du cadastre à ne vouloir admettre que trois classes de terre labourable dans un pays dont le sol, sous le rapport de la qualité, varie à l’infini. Le bon sens eût voulu qu’on y établît au moins cinq classes de terre labourable, non compris les terrains qu’on a cru devoir appeler « pâtures-sarts, » je ne sais pourquoi. On conçoit qu’en opérant comme on l’a fait, une foule de propriétés soit nécessairement entrées dans la deuxième et dans la troisième classe qui, à cause de leur peu de valeur, auraient nécessairement appartenu à la seconde ; d’où une injuste augmentation des revenus.

Que si dans les Flandres et dans la province d’Anvers on avait opéré de la même manière, si partout les évaluations cadastrales étaient enflées, si elles l’étaient dans la même proportion, alors le mal, en dernière analyse, ne serait pas grand ; chacun paierait à peu près ce qu’il doit payer, et il n’y aurait plus de sujet de plaintes générales. Mais quand dans mon arrondissement les opérations cadastrales fourmillent d’erreurs, quand la proportion n’existe ni de propriété à propriété, ni de contribuable à contribuable, ni de commune à commune, ni de canton à canton, comment me persuader qu’elle existe de province à province ? Quelle confiance m’inspirera le travail fait dans les provinces plaignantes ?

Comment surtout pourrai-je les croire lésées et surchargées, par rapport à nous, lorsque des employés supérieurs du cadastre m’avouent ingénument à moi que, de la manière dont on a dû opérer, plus un pays est pauvre, plus il sera proportionnellement imposé dans la nouvelle répartition ? Comment admettre en effet la bonté de cette nouvelle répartition, quand, si mes calculs sont exacts, si les tableaux ministériels ne m’ont pas induit en erreur, je vois que, dans la province de Namur, on va payer 6 fr. 01 c. par hectare de propriété cultivée de toute nature, et que, dans la Flandre orientale, les propriétés cultivées ne paieront que 10 fr. 48 c. par hectare aussi de toute nature ?

Qui donc avouera qu’ici la proportion est observée, que la Flandre orientale n’est pas ménagée, loin d’être surchargée comme on le prétend, s’il connaît les plaines fertiles, le sol riche et profond de cette province et les campagnes ardennaises et stériles de la province de Namur, où, dans la plupart des communes, le sol est un fonds de schiste récalcitrant couvert d’une couche de terre obtenue aux dépens de ce même fonds par une longue succession de temps et de travaux, et souvent improductive ; et si, en outre, il compare la position respective des deux provinces sous le rapport des moyens de circulation et de transport, de l’amendement des terres, de la situation topographique, des ressources commerciales, de la population et de la nature des productions ?

Malgré l’excessive confiance du gouvernement dans la science de ses experts infaillibles, il a voulu que l’on recueillît des notions générales sur les forces des communes, que l’on consultât les anciens mémoires, les anciens rôles, les baux, les ventes, même celles des biens nationaux, tous moyens en effet bien propres à conduire à la connaissance de la vérité. Il a de plus jugé indispensable de faire surveiller et redresser les experts par des contrôleurs, des inspecteurs particuliers et généraux, des directeurs. Ce n’est pas tout, il a appelé les assemblées cantonales à délibérer, à donner leur avis sur les évaluations, afin, disent les instructions, d’établir une juste proportion de commune à commune ; et il a voulu que les préfets prononçassent définitivement. Comment, en jugeant nécessaires des précautions d’après lesquelles il est permis de croire qu’il supposait fautives les premières évaluations, comment n’a-t-il pas également senti la nécessité de soumettre ensuite le travail à une seconde assemblée pour établir la proportion entre les cantons, et une troisième assemblée pour établir la proportion entre les provinces ? Ces comparaisons générales n’étaient-elles pas indispensables pour compléter l’analyse, et rendre, je ne dirai point parfait, mais moins défectueux, le travail si important du cadastre ?

Peut-être aurions-nous moins à nous plaindre des résultats, si un très grand abus n’avait pas eu lieu, consistant en ce que les gouverneurs ont rempli, en matière de cadastre, les fonctions que la loi du 15 septembre 1807 attribué aux préfets. Les préfets étaient administrateurs ; ils n’ont pas été remplacés par les gouverneurs de provinces, simples commissaires du roi, suivant l’article 137 de l’ancienne loi fondamentale ; ils ont été remplacé par la députation des états, que le gouverneur à la vérité présidait, mais dans les délibérations de laquelle il n’avait que sa voix.

En même temps que le gouvernement néerlandais faisait remplacer le préfet par le gouverneur, il assimilait la députation des états aux anciens conseils de préfecture ; les députations donnaient leur avis, le gouverneur décidait. Il est visible que ce fonctionnaire se trouvait, par là, investi d’un pouvoir que nulle loi, que je sache, ne lui avait conféré, et que, d’un autre côté, le pouvoir des députations était restreint dans des limites beaucoup trop étroites. On voit, en effet, par l’article 146 de l’ancienne constitution, que les états sont chargés de tout ce qui tient à l’administration et à l’économie intérieure de leurs provinces. Les gouverneurs, en opérant ainsi, ont excédé leurs pouvoirs et empiété sur les attributions constitutionnelles de l’administration provinciale. Dès lors leurs actes, à cet égard, peuvent être considérés comme illégaux et nuls.

Ne vous paraîtra-t-il pas convenable de les déclarer tels, et maintenant que la volonté de Guillaume ne fait plus loi, de commencer par soumettre aux administrations provinciales la révision du travail du cadastre ? N’est-ce pas un hommage dû aux principes et à la justice ? Quand je dis les administrations provinciales, je ne parle pas de ces simulacres de députations encore existantes par la volonté du ministère et du sénat et par notre inconcevable faiblesse. Je parle des administrations populaires qui doivent être élues en vertu de la loi nouvelle.

Je conclus de ce peu de mots, messieurs, que dans l’état actuel des choses, vous ne pouvez adopter définitivement la péréquation et l’allivrement résultant du cadastre. Craignez, en agissant avec trop de précipitation, de mécontenter les contribuables, et d’établir une scission fâcheuse, d’après laquelle les provinces riches seraient désormais regardées par les autres provinces du même œil dont, naguère, nous regardions les Hollandais.

Maintenant je répondrai quelques mots à deux observations que vient de faire M. le ministre des finances. Il a dit : 1° que les assemblées cantonales avaient été appelés à revoir les opérations cadastrales. Cela est vrai ; mais cette révision n’a été qu’une pure formalité ; le travail du cadastre est demeuré ce qu’il était auparavant, parce qu’ainsi le voulaient MM. les employés et M. le gouverneur, lesquels n’étaient pas tenus d’avoir égard aux délibérations de ces assemblées.

En second lieu, il a dit que les propriétaires n’avaient pas réclamé quoiqu’ils eussent reçu leurs bulletins. Cela est généralement vrai ; mais cela ne prouve pas que le travail fût exempt d’erreurs ; il en résulte seulement que peu de personnes le comprenaient et en apercevaient les conséquences ; d’où une grande insouciance, non pas dans telle ou telle localité, mais dans toutes.

Je suppose que M. Eloy de Burdinne répliquera lui-même aux observations par lesquelles M. le ministre a cru le réfuter.

M. Lejeune. - Je me promettais d’examiner à fond la question importante qui nous occupe. Cependant comme la discussion a déjà été fort longue, je ne la prolongerai pas davantage. Je me bornerai à donner le résultat résumé des motifs qui détermineront mon vote.

L’égalité proportionnelle, dans la répartition des impôts, est un de nos premiers devoirs.

Ces mots ont retenti à la tribune belge comme à la tribune de France.

Ce principe de justice est écrit dans notre constitution. Si nous n’avions pas cette garantie, nous la trouverions dans le cœur comme dans la bouche de chacun des membres qui siègent dans cette assemblée.

Comment se fait-il qu’un principe si universellement reconnu, si unanimement proclamé, n’ait pas reçu depuis longtemps son application à l’impôt foncier, dans un pays où l’on reconnaît, je pourrais dire avec la même unanimité, que des provinces sont surchargées en proportion d’autres provinces ?

Vous trouvez la réponse, messieurs, dans le rapport de l’honorable M. Liedts : « Si l’on était généralement d’accord sur l’existence d’inégalités choquantes, on ne s’entendait plus lorsqu’il s’agissait de fixer la quotité de la surtaxe. »

Messieurs, cette difficulté est ancienne comme les impôts.

Le seul moyen de la vaincre, c’était la confection du cadastre. Cette idée elle-même date depuis l’origine des impositions ; mais la mettre en pratique a été longtemps considéré comme impossible ; plusieurs siècles ont fui devant la difficulté de l’exécution, entravée d’ailleurs par les intérêts privés qu’elle devait nécessairement froisser, et par les dépenses énormes qu’elle devait entraîner.

Des hommes d’un génie remarquable, qui n’ont considéré que la justice au travers de difficultés sans nombre, ont osé commencer cette vaste opération, sur un territoire immense.

Toutes les opérations partielles sont venues confirmer successivement l’idée qu’on s’était formée de la nécessité du cadastre, et des avantages qu’il présenterait.

Ce travail est terminé en Belgique ; en constatant cet heureux résultat, rendons hommage aux hommes qui, les premiers, ont eu le courage de le faire entreprendre.

L’achèvement du cadastre est une grande difficulté vaincue. Ce n’est pas seulement dans l’exécution considérée en elle-même que ces opérations ont rencontré des entraves, mais encore dans l’esprit inquiet et défiant de ceux qui s’obstinaient à n’y voir qu’une mesure fiscale, un moyen d’augmenter les impôts.

Cette défiance est d’autant plus grande qu’un gouvernement éminemment impopulaire entraînait, par d’autres voies, le pays à sa ruine.

Mais, messieurs, cette défiance n’était pas fondée. S’il est une chose dans laquelle le pouvoir, quel qu’il soit, n’est pas intéressé, et pour mieux dire, est le seul désintéressé, le moins porté à s’écarter des règles de la justice, c’est bien dans la confection du cadastre.

Permettez-moi de répéter encore ici des paroles prononcées à la tribune de France, à l’occasion du cadastre :

« Le gouvernement est l’arbitre naturel entre les départements, arbitre impartial et éclairé ; nous devons convenir avec franchise que ce n’est pas dans cette enceinte que peut s’établir une discussion convenable pour ramener les départements à l’égalité proportionnelle. »

Les paroles sont spécialement applicables à la loi sur la péréquation entre les provinces.

Le cadastre achevé trouve encore des contradicteurs à cause des erreurs de détail qu’on y rencontre.

Je commencerai par dire que je connais aussi des erreurs. Mais, messieurs, peut-on concevoir la possibilité de cadastrer le pays, sans que d’aucune de tant de millions de parcelles soit contestable ?

Peut-on espérer d’atteindre jamais à la perfection dans cette matière ?

Vous ne le pensez pas, messieurs : il subsisterait des erreurs quand le cadastre aurait été soumis à une centième révision.

D’un autre côté, il existe réellement beaucoup moins d’inexactitudes qu’on n’en signale communément.

Il est une considération importante qu’on perd souvent de vue, c’est qu’il ne s’agit pas dans le cadastre d’évaluations précises, selon la valeur vénale des biens ; mais uniquement de l’égalité proportionnelle entre les évaluations des biens de tout le pays.

Une foule d’objections sont venues tomber devant cette considération.

Après cela, messieurs, voudriez-vous, sous prétexte que le cadastre n’est pas sans faute, laisser subsister les inégalités vraiment éloquentes qui existent à présent dans la répartition de l’impôt foncier entre les provinces ?

Pourriez-vous concilier cette idée avec la justice ? Pour moi, je ne le pense pas, et voici pourquoi :

Le moindre examen que vous ordonnez, c’est remettre en question toute l’opération, c’est prescrire la révision du cadastre, c’est perdre de nouveau des années et des millions pour arriver à peu près au même résultat, et pour laisser subsister indéfiniment l’injustice de la répartition actuelle.

D’ailleurs, indépendamment des mesures que vous croiriez devoir prendre, afin de rectifier le cadastre pour l’avenir, personne de vous ne révoque en doute, je pense, que la répartition de la contribution foncière, d’après les résultats du cadastre, est la plus équitable qu’il soit possible d’appliquer, et qu’elle établit l’équilibre entre les provinces infiniment mieux que tous les modes de répartition suivis jusqu’à ce jour.

Ce motif seul nous fait un devoir constitutionnel d’établir cette répartition conformément aux résultats du cadastre.

Sanctionnez donc par votre suffrage cette mesure de justice et si dès le lendemain vous voulez proposer des mesures efficaces pour faire disparaître les erreurs partielles qui doivent exister nécessairement dans toute opération d’une portée aussi immense, je m’estimerai heureux d’y concourir.

Les provinces surtaxées ne craignent pas la révision du cadastre, parce qu’elles ne craignent pas la justice ; elles l’invoquent.

Messieurs, il me reste à examiner une question :

Quand la péréquation cadastrale doit-elle recevoir son application ?

Lorsqu’un principe de justice est reconnu, on doit l’appliquer le plus tôt possible.

Si l’on a laissé subsister jusqu’à ce jour l’injustice qui a pesé si longtemps sur les provinces surtaxées, et les faveurs dont les provinces ménagées ont joui, c’est qu’on n’avait pas les éléments nécessaires pour faire disparaître cette inégalité ; mais, dès que ces éléments existent, il n’y a plus aucun motif pour en différer l’application.

Faut-il continuer encore à favoriser ces parties du pays qui ont été ménagées jusqu’ici ? Mais, que demande-t-on de ces provinces ? Qu’elles contribuent dans les charges de l’Etat pour la part que la constitution et la justice leur imposent, comme elles auraient dû le faire depuis 40 ans s’il n’y avait pas eu impossibilité de préciser cette part.

Quelle sera, d’un autre côté, la condition des provinces surtaxées jusqu’ici ? Elles ne jouiront d’aucune faveur ; elles supporteront aussi les charges que la constitution et la justice leur imposent ; mais elles seront dégrevées enfin d’une surtaxe qu’elles ont payée depuis si longtemps. Elles ne réclament rien pour le passé, mais elles demandent pour l’avenir la justice, qu’il est devenu possible de leur rendre.

Le pouvoir législatif ayant reconnu un principe de justice, peut-il réclamer devant son application ?

Ne doit-il pas repousser cette justice tardive, qui ressemble assez à un déni de justice pendant un temps déterminé ?

S’il y a moyen de faire cesser l’oppression sous laquelle une partie du pays a gémi depuis longtemps, il me parait qu’il serait contraire à tous les principes que cette oppression, affublée d’une forme légale, fut continuée en partie pendant deux ans encore.

Ces considérations conduisent à dire que la péréquation cadastrale devrait recevoir son exécution intégrale, à commencer de l’exercice 1836. Ce serait rendre justice franchement, loyalement et sans restriction.

Le gouvernement lui-même a déclaré qu’il n’y verrait pas grande difficulté ; il vous a dit aussi que pour les provinces ménagées jusqu’aujourd’hui, l’augmentation ne serait pas aussi sensible qu’on pourrait le croire au premier abord.

Je ne puis croire, messieurs, qu’un acte de justice puisse donner lieu à de sérieux inconvénients en Belgique.

Je déclare néanmoins que je ne tiens pas d’une manière absolue à l’opinion que la péréquation totale doit s’effectuer en 1836. S’il résulte de la discussion qu’il existe des considérations assez puissantes pour revenir de cette opinion, j’adopterai la mesure qui a pour but d’introduire la péréquation à deux ans, conformément à la proposition de la section centrale.

M. Eloy de Burdinne. - Je ne puis prendre en ce moment la parole que j’avais demandée, d’autant moins que mon discours n’a pas été imprimé dans le Moniteur. J’avais cependant remis tous les documents nécessaires pour cette impression, et je m’attendais à en voir figurer dans le Moniteur au moins la première et la seconde partie. Mais mon attente a été trompée. Je voudrais résumer mon opinion et répondre aux observations qui ont été faites en réponse à mon discours. J’ai pris des notes qui ne sont pas suffisantes, et je voudrais voir les paroles de mes honorables adversaires insérées dans le Moniteur avant d’y répondre. La question me paraît assez grave pour être traitée avec calme et modération. Il faut prendre garde surtout de relever des erreurs qui en réalité n’en sont pas. Si mon discours avait été imprimé, il est bien certain que M. le ministre des finances ne se serait pas trompé sur quelques-unes de mes assertions. Quand j’ai demandé la parole dans la séance d’hier, mon intention était de parler après que l’on aurait épuisé la liste des orateurs inscrits. Comme cette liste n’est pas épuisée, je désire qu’ils parlent avant moi.

M. Fallon, premier orateur inscrit. - L’heure de la séance est trop avancée pour que je puisse parler aujourd’hui : la faiblesse de ma vue ne me permet pas de suivre mes notes à la lumière.

M. Dubus, deuxième orateur. - Je m’étais fait inscrire croyant parler demain. Je ne suis pas prêt à parler aujourd’hui.

M. Jullien, troisième orateur inscrit. - Je suis inscrit pour le projet. Il serait nécessaire d’entendre avant moi un orateur contre le projet.

Quelques membres. - A demain.

D’autres membres. - Non, non, il n’est que 4 heures.

M. Doignon (pour une motion d’ordre). - Nous marchons dans cette discussion sans avoir devant nous un des documents les plus essentiels. Je veux parler du tableau des taux moyens des évaluations de province à province, de canton à canton. Ce document existe au ministère, et il n’a pas cependant été communiqué à la chambre ni à la section centrale. Je considère cette pièce comme essentielle pour éclairer la discussion. Que faisons-nous en ce moment ? Nous cherchons à établir une égalité proportionnelle entre toutes les provinces. Pour apprécier cette égalité il faut connaître avant tout le taux moyen des évaluations dans chaque province et dans chaque canton, tel que le gouvernement le propose. Voila ce que le ministre aurait dû d’abord nous communiquer. Ces renseignements sont en sa possession. Je demande donc que le gouvernement soit invité à nous fournir les pièces, et qu’elles soient imprimées et distribuée, le plus tôt possible aux membres de la chambre.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je dirai à l’assemblée que l’honorable M. Doignon, quoique membre de la section centrale, est dans l’erreur, s’il prétend que l’on n’a pas communiqué à cette section le tableau des taux moyens des évaluations de chaque province. Ce tableau lui a été communiqué dans tous les détails possibles. J’en appelle à cet égard à MM. les membres de la commission. N’a-t-elle pas pris connaissance de ce tableau ainsi que de toutes les pièces dont elle a cru l’examen nécessaire pour éclaircir la question ?

Le gouvernement n’a aucun intérêt à ne pas communiquer à la législature tous les documents du cadastre dont elle désire prendre connaissance ; mais comme ces documents sont excessivement volumineux, on ne pourrait convenablement en ordonner l’impression. Ils restent déposés au ministère des finances à la disposition de chacun des membres de cette assemblée.

Quoi qu’il en soit, si la chambre désire le dépôt du tableau dont a parlé l’honorable M. Doignon, je m’empresserai de lui en donner communication.

Je désirerais toutefois que tout en demandant communication de pièces semblables, ce que chaque membre a le droit de faire, l’on ne parût pas insinuer que nous aurions caché des pièces à la commission, que nous ne serions pas disposé à communiquer tous les documents dont MM. les membres de la chambre désireraient prendre connaissance au ministère. Nous désirons au contraire que la question importante qui nous occupe soit éclaircie autant qu’il est humainement possible ; nous ne nous refusons donc, je le répète, à aucun dépôt ni à aucune communication praticables.

M. Doignon. - Il paraît que M. le ministre des finances consent à communiquer et à faire distribuer à l’assemblée le tableau dont j’ai demandé l’impression. M. le ministre voit dans cette demande une insinuation. Ce n’en est pas une. C’est un reproche formel que je dois lui faire de ne pas avoir communiqué ces documents à la chambre depuis le commencement de la discussion : chaque orateur a raisonné dans le vague sur les moyennes de province à province, de canton à canton. Si le ministre avait communique les pièces que je réclame, nous aurions au moins eu des données quelconques. M. le ministre des finances ne devait pas attendre qu’on fût forcé de lui demander une communication aussi évidemment indispensable. Quant à la section centrale, il est vrai que M. le ministre a mis à sa disposition tous les renseignements en masse et qui étaient en sa possession. Mais j’ai fait connaître dans la séance d’hier ce qui s’est passé à cette occasion. J’ai dit la vérité même.

M. Liedts, rapporteur. - Je dois déclarer à la chambre que M. le ministre des finances a mis à la disposition de la section centrale toutes les pièces réclamées par elle. La section centrale a demandé communication du tableau comparatif des taux moyen d’évaluation de province à province, de canton à canton et de commune à commune. Mais toutes ces pièces et en général toutes celles qui ont rapport aux opérations cadastrales sont tellement volumineuses, que deux chariots attelés de quatre chevaux ne suffiraient pas pour les transporter. Il était donc matériellement impossible à la section centrale de les vérifier toutes. La section centrale s’est attachée à examiner les évaluations de communes limitrophes. Elle a acquis la conviction qu’il était impossible d’entrer dans les détails des évaluations. Si l’honorable M. Doignon n’était pas présent lorsque la section centrale s’est occupée de cet examen, ce n’est ni au ministre ni à la section centrale qu’il doit s’en prendre, mais à lui-même puisqu’il a été averti du jour fixé pour la convocation.

M. Doignon. - Messieurs, si j’ai pris la parole dans la séance d’hier, c’est parce que j’avais fait partie de la section centrale. Je sentais bien qu’en parlant avec franchise je me serais attiré quelques désagréments, mais mon devoir de bon et loyal député m’ordonnait de me placer au-dessus de cette considération. J’ai donc dit la vérité.

J’ai d’abord attaqué les opinions de la section centrale. J’étais dans mon droit. J’ai attaqué sa manière de procéder dans l’examen de la question qui nous est soumise, et j’étais également dans mon droit. Aucune section centrale n’est inviolable. Elle a aussi à répondre de ses actes et de ses opinions devant la chambre.

J’ai dû parler lorsque j’ai entendu M. le ministre des finances raisonner dans la supposition que la section centrale avait tout examiné, apprécié tous les renseignements possibles. J’ai la conviction qu’il n’est rien de tout cela.

J’ai avancé et je répète, que l’on peut regarder comme certain que l’examen de la section centrale se réduit à rien ; qu’ainsi l’on peut dire qu’au vrai elle vous propose l’adoption de la loi sans que l’on ait rien examiné, ni vu, ni discuté. Pour le prouver encore, il me suffira de vous rappeler ce qui s’est passé à la section centrale.

Nous n’avons eu que 4 séances pour une affaire aussi vaste et aussi compliquée. Dans la première on s’est occupé à conférer un moment sur le mode d’instruction du projet. M. de Behr et moi nous avons reconnu que le travail était tellement immense qu’il était physiquement impossible an petit nombre de membres qui composent la section centrale d’approfondir ce travail. Un membre a fait la motion d’appeler M. le ministre des finances dans le sein de la commission, afin de savoir s’il y avait moyen d’instruire cette grande affaire, et de procéder à une vérification quelconque.

L’on a adopté cette proposition sans rien préjuger. Ainsi, dans cette séance, à laquelle d’ailleurs n’assistait pas l’honorable rapporteur M. Liedts, on n’a rien fait. Dans la deuxième séance, l’instruction n’a point fait un pas de plus. M. le ministre des finances a bien voulu se rendre dans le sein de la section centrale. Il nous a développé fort brièvement l’ensemble des opérations cadastrales, et nous a priés de nous rendre dans son hôtel, afin d’examiner les documents relatifs à ces opérations, en nous apprenant qu’il donnerait les ordres nécessaires pour nous faciliter cet examen. Voilà ce qui s’est fait dans la seconde séance à laquelle l’honorable M. Liedts n’assistait pas non plus.

Enfin dans la troisième séance, qui a eu lieu dans l’hôtel de M. le ministre des finances, nous nous sommes trouvés entourés d’une multitude de documents. Un employé est arrivé et nous a communiqué quelques procès-verbaux relatifs au périmètre limitrophe de quelques communes. Nous sommes tombés sur l’examen d’une commune de la Flandre orientale qui touche au district de Tournay et qui m’était connue. J’eus même occasion de faire quelques critiques sur ces procès-verbaux ; il fut donné successivement lecture de 3 à 4 de ces pièces seulement.

Après une assez courte discussion je m’aperçus facilement que l’opinion de la majorité était formée, que décidément l’on voulait adopter le projet du ministre et même le renforcer, comme en effet la section centrale l’a fait. Après ce léger examen, la séance fut remise à un autre jour. Dès ce moment j’étais persuadé que toutes mes observations seraient superflues.

Au jour fixé, je suis donc arrivé à la section centrale une heure après celle de l’ouverture de la séance. Quel fut mon étonnement d’apprendre que tout était fini, que tout était adopté !

Le raisonnement que l’on a fait se réduit à celui-ci : Tout est bien. Donc tout est bien. Voilà ce qui s’est passé.

Je demande maintenant et consciencieusement si je pouvais me taire sur le mode de procéder de la section centrale. J’étais certes dans mon droit de parler, et c’était pour moi un devoir impérieux de le faire. Je ne pouvais souffrir que la chambre fût induite en erreur. L’on aurait pu croire que la section centrale avait examiné et discuté la nouvelle répartition, tandis qu’il n’en était rien.

M. Liedts, rapporteur. - Ce que l’honorable M. Doignon vient de dire sur les séances auxquelles il a assisté est vrai. Mais toute son erreur provient de ce qu’il était absent lorsqu’à la troisième séance le travail fait sur le taux moyen des évaluations pour tous les cantons a été présenté.

Lorsque la section centrale a vu l’énormité des opérations cadastrales et l’impossibilité physique pour une commission, pour la chambre même, d’examiner le détail de ces opérations et leur degré d’exactitude, elle s’est décidée à dire dans le rapport qu’il était impossible à une assemblée législative ou à une commission de vérifier l’exactitude d’un travail cadastral quelconque.

C’est ce que j’ai consigné dans mon rapport. Il n’en reste pas moins vrai que le gouvernement a mis à la disposition de la section centrale tous les documents désirables. C’est par suite de l’impossibilité de vérifier les calculs du cadastre qu’à l’unanimité nous nous sommes décidés à insérer ce fait dans le rapport.

M. Eloy de Burdinne. - Bien certainement, il résulte de ce que viennent de dire les deux orateurs qu’il n’y a pas de reproches à adresser au ministre des finances. Mais je crois que nous sommes fondés à en adresser à la section centrale. Les membres qui croiraient que pour juger d’un travail aussi volumineux que le sont les opérations cadastrales, il faut les examiner en détail, tomberaient dans une grave erreur.

Il suffirait de comparer le travail de quelques cantons, de différentes provinces entre eux. Il suffisait de s’attacher à l’examen des tableaux n°5 bis et n°8. C’est là, si la section centrale s’en était donné la peine, qu’elle aurait pu se convaincre des erreurs qui, selon moi, doivent se trouver dans les opérations

C’est ainsi que nous nous sommes conduits dans les assemblées cantonales. Les assemblées qui trouvaient plus facile de se prononcer seulement sur la hauteur des chiffres qu’elles remarquaient dans le travail de l’administration, ont terminé en un seul jour, je pourrais dire, en deux ou trois heures.

Mais dans l’assemblée cantonale du canton de Héron, nous sommes restes 4 jours avant de comprendre quelque chose dans le grimoire du cadastre. Au canton d’Avesnes j’étais plus à même de connaître les pièces que nous devions examiner particulièrement. Là, nous sommes encore restés 4 jours. Il en aurait fallu 8 pour faire un travail qui approchât davantage de la perfection. Généralement, les pièces relatives aux opérations cadastrales même pour une commune sont tellement volumineuses que les assemblées cantonales en étaient épouvantées. C’est le même sentiment qu’a éprouvé votre section centrale.

Elle a préféré dire oui sans dire pourquoi. Voilà comment la section centrale a agi. Si c’est ainsi que l’on traite des intérêts aussi majeurs, je vous avoue que je ne comprends pas cette légèreté. Quand bien même je ne serais pas convaincu de l’inexactitude des opérations cadastrales, ce serait un motif de plus pour moi de refuser ma sanction à la loi.

M. Desmet. - Je n’aurais pas cru que mon honorable ami M. Doignon pût attaquer le mode suivi par la section centrale dans l’examen de la loi en discussion. Puisqu’il a révélé des faits qui se sont passés dans l’intérieur de la section centrale, j’en révélerai aussi. Je laisserai la chambre juge de leur exactitude.

La discussion a commencé par la proposition dont mon honorable ami M. Doignon vous a fait connaître qu’il était l’auteur. Ensuite nous avons procédé au travail de comparaison que l’honorable M. Eloy de Burdinne nous a reproché de ne pas avoir fait ; sur la demande de M. le ministre des finances, nous nous sommes rendus en son hôtel. Je m’étonne que l’honorable M. Doignon ait critiqué le travail comparatif auquel nous nous sommes livrés. Il doit se rappeler que quand on a donné lecture du rapport, les observations qu’il a faites ont été insérées dans ce document.

J’appuie la demande qu’il vient d’adresser à M. le ministre des finances. L’examen du tableau des moyennes comparées ne peut manquer d’être favorable aux provinces lésées.

M. Jullien. - Je ne prolongerai pas la petite guerre que l’on fait à la section centrale. Je veux bien croire que si l’honorable M. Eloy de Burdinne avait fait partie de la section centrale, il aurait aperçu tout ce que la section centrale n’a pas vu.

Pour terminer ce débat, je pense que l’honorable M. Doignon n’a pas entendu faire sa proposition dans le but d’arrêter la discussion pour que la chambre se livre à l’examen de documents qui, comme vous l’a dit l’honorable M. Liedts, pourraient remplir deux chariots attelés de quatre chevaux.

M. Doignon demande que le gouvernement produise des documents qui, par leur simplicité, seraient de nature à éclairer la chambre. A cet égard je ne puis que partager son désir, si en effet les documents, dont il demande la production, sont de nature à éclairer l’assemblée dans la grave question qui nous occupe.

Que l’honorable M. Doignon détermine les pièces qu’il voudrait voir imprimées, je suis persuadé que M. le ministre des finances se fera un vrai plaisir de les déposer sur le bureau. Il est important de spécifier dès aujourd’hui les documents dont on croira avoir besoin, afin qu’après avoir produit cette pièce, on ne vienne pas demain en demander d’autres.

M. Dubus. - Il me semble que l’on avait indiqué clairement les documents dont l’impression était désirée. C’est un tableau, qui présente les taux moyens d’évaluation par province, par canton, et si possible par commune. Car, s’il existe un tableau de comparaison pour les communes, je désire aussi qu’il soit imprimé. Je pense que ce n’est pas demander trop de renseignements que de se borner à ceux-là.

Il résulte des explications données par les honorables préopinants que l’on a mis à la disposition de la section centrale plus de pièces qu’elle n’a pu en examiner. La section centrale, à ce qu’il paraît, n’en a examiné aucune par suite de l’impossibilité physique de les examiner en détail.

Peut-être le temps lui manquait-il pour un semblable travail. Il faut qu’une section centrale soit bien nombreuse pour réunir assez de membres pour pouvoir apprécier la foule de détails que présentent les opérations cadastrales. Car souvent des faits qui échappent à un membre n’échappent pas à un autre. La section centrale aurait pu faire un choix de quelques pièces, les faire imprimer et distribuer à la chambre, afin de faciliter aux membres le moyen de se former une opinion. Il semble que la section centrale n’ait été dominée que par une seule idée, celle qu’on devait dans cette discussion être soumis aux influences locales et provinciales, et que chacun, pour se prononcer, devait se demander : De quelle province suis-je le député ? C’est là, ce me semble, apprécier d’une manière bien singulière le mandat de député.

Ce que je combats, est une idée qui paraît résulter d’un passage du rapport que l’honorable rapporteur justifiera sans doute quand il demandera la parole.

M. Liedts, rapporteur. - Oui, sans doute !

M. Dubus. - Il est question de nommer une commission plus nombreuse que la section centrale pour apprécier le travail du cadastre. Dans le rapport, on combat cette proposition.

« Sous quelque forme, dit-on, que la commission d’examen proposée par la deuxième section se déguise, c’est en réalité une commission de révision des travaux du cadastre. Or, si cette révision peut être utile, désirable après une certaine période d’années, aucun corps n’est moins propre à ce travail que les députés qui, par la nature des choses, et l’on pourrait presque dire par devoir, seraient soumis à des influences locales et provinciales. »

Ainsi, voilà le devoir du député aux yeux de la section centrale. C’est d’être soumis aux influences locales et provinciales. D’où on tire la conséquence que les députés sont incompétents, doivent être récusés pour l’appréciation des travaux du cadastre. Cependant c’est à la législature qu’on veut en faire consacrer les résultats.

Je proteste pour mon compte que ce soit un devoir pour un député d’obéir en cette matière à des influences locales ou provinciales. J’ai de la peine à croire que la majorité de cette chambre puisse se laisser diriger par cette idée, et être convaincue que son devoir est d’obéir aux influences locales et provinciales. Par suite de la peine que j’éprouve à croire pareille chose, je ne veux pas rechercher de quelle province étaient députés les membres qui composaient la section centrale. Comme je suppose aussi qu’il y a plus d’un député qui comme moi pense que ce n’est pas un devoir d’obéir à des influences locales ou provinciales, je crois que la publication du document indiqué par mon honorable ami M. Doignon doit être ordonnée. Si elle est inutile pour les membres de la section centrale, elle est utile pour plus d’un autre membre qui voudra, dans cette circonstance comme dans toutes autres, voter en conscience et non d’après des influences locales ou provinciales.

M. le président. - Voici la proposition de M. Doignon :

« Je demande que M. le ministre communique à la chambre le tableau présentant le taux moyen des évaluations de province à province et de canton à canton ;

« Que ce document soit imprimé et distribué à chacun des membres. »

M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Cette proposition est devenue sans objet. On a consenti à l’objet de cette proposition.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Il est surprenant qu’une discussion se soit élevée sur une proposition qui n’avait rencontré aucune opposition de la part de ceux qui devaient en remplir l’objet ; car j’avais commencé par dire que j’étais disposé à déposer la pièce demandée par M. Doignon et toutes celles dont on pourrait demander la communication.

L’honorable M. Doignon, en attaquant la section centrale, a trouvé moyen de me comprendre dans les accusations qu’il lui a adressées. M. le rapporteur n’aura pas de peine à disculper la section centrale ; pour moi, je répondrai à ce qui me concerne, et je vais y répondre en peu de mots.

M. Doignon ne s’est pas contenté de ce que j’avais trouvé une insinuation dans ses paroles ; c’est, dit-il, un reproche très grave qu’il a voulu m’adresser.

J’aurais, selon lui, manqué à mon devoir en ne faisant pas imprimer toutes les pièces relatives aux opérations cadastrales. L’assemblée a entendu ce qu’ont déjà dit deux membres de la section centrale, que j’avais mis à sa disposition toutes les pièces et que j’avais en outre indiqué la marche la plus convenable qui me paraissait devoir être suivie pour les examiner ; de plus, que j’avais mis à sa disposition un employé pour lui faciliter les recherches et lui donner à l’instant même toutes les pièces dont elle pourrait avoir besoin.

Que devait-il résulter de là ? que si la section centrale avait jugé nécessaire de faire imprimer et joindre au rapport telle ou telle pièce, elle aurait pu en demander l’impression. Mais la section centrale, après en avoir fait l’examen, n’a pas cru devoir demander cette impression.

Outre cela, messieurs, plusieurs membres de la section centrale sont venus individuellement à mon ministère, ainsi que plusieurs autres membres de la chambre, demander des renseignements qui leur ont été donnés, même par écrit. Tous ont pu s’assurer que l’impression des pièces qu’ils avaient demandées à voir ne signifierait rien ; qu’après celles-là, pour arriver à la source, il faudrait qu’on en imprimât d’autres, et qu’on finirait ainsi successivement par imprimer toutes les pièces relatives aux opérations cadastrales.

Je dis donc que le reproche que m’a adressé M. Doignon n’est nullement fondé, et que la chambre doit reconnaître qu’il m’a été adressé au moins d’une manière inconsidéré.

Quant à la pièce que demande M. Doignon, si la chambre désire qu’elle soit imprimée, je la déposerai immédiatement sur le bureau.

M. Doignon. - En adressant à M. le ministre des finances le reproche dont il se plaint, j’ai voulu exprimer ma surprise de ce que le tableau présentant le taux moyen des évaluations de province à province et de canton à canton n’ait pas été produit plus tôt. Ce document essentiel aurait dû accompagner l’exposé des motifs ; il est la pièce fondamentale de la discussion actuelle. Le ministre a devers lui les moyennes proportionnelles qui ont servi de base à son projet de répartition, et nous ne les connaissons pas ; et cependant voilà quatre jours que nous discutons sur cet objet. Je demande s’il n’y a pas lieu de s’étonner qu’il soit si longtemps à nous communiquer ce document. Mais vous sentirez bientôt les inconvénients de ce retard. Quand nous aurons ce tableau indiquant la moyenne de province à province et de canton à canton, je demande comment chacun de nous pourra l’examiner et le vérifier, s’il ne sera pas pris au dépourvu, car il est moralement impossible qu’il exprime une opinion sur ce travail, sans recourir à sa province, à son canton, pour avoir des renseignements.

Le reproche que j’ai fait était donc bien fondé.

M. Eloy de Burdinne. - Je prierai M. le ministre de tâcher de nous donner le travail des opérations d’une commune par province avec tous les tableaux des divers classements.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Messieurs, je prierai les honorables membres qui veulent des renseignements de les préciser ; nous déposerons les pièces sur le bureau, non pour les imprimer, car ce serait une dépense excessive sans résultats utiles, mais nous les déposerons pour que chacun puisse en prendre connaissance.

M. Doignon insiste et veut que j’aie encore un reproche fondé. Je vais faire voir combien cette récrimination est juste. La pièce dont il demande l’impression est de la plus haute importance, dit-il ; c’est un document fondamental. Et comment se fait-il donc qu’il n’en ait pas demandé la communication et l’impression dans le sein de la section centrale ? Il l’aurait obtenue alors aussi bien que maintenant.

M. Desmaisières. - Nous avons tous examiné cette pièce ; M. Doignon seul n’en a pas pris connaissance.

M. Lebeau. - Il me semble résulter de la motion, et de l’acquiescement du ministre à l’objet de cette motion, l’impossibilité de continuer immédiatement la discussion, à moins qu’on ne veuille dire, comme la section centrale, qu’une chambre législative, inhabile à discuter une loi de péréquation cadastrale, doive voter de confiance et en aveugle ; c’est là l’opinion de ceux qui s’opposent à toute motion d’ajournement et même à toute mesure provisoire qui, en conciliant les avantages immédiats soit du système du gouvernement, soit celui de la section centrale, réserve, avant notre sanction définitive, les avantages d’un plus ample informé.

On vient de reconnaître, et plusieurs honorables membres ont insisté sur ce point, qu’il était impossible d’arriver à une discussion tant soit peu approfondie, privés que nous sommes de toute espèce de documents.

Le ministre vient de consentir à la communication de ces documents, notamment de celui réclamé par M. Doignon, indiquant la moyenne proportionnelle entre les communes.

Avant cette communication, que pouvons-nous faire ? Entendre de longs discours soit des députés des Flandres, qui, aujourd’hui, trouvent tout bien dans le cadastre, tandis que l’année dernière ils trouvaient tout mauvais, soit des discours comme celui de mon honorable ami M. Eloy de Burdinne qui ne répond pas directement aux députés de Flandres ; huit jours se passeront comme cela, et au terme de ces débats, vous ne serez pas plus avancés que quand vous avez commencé.

Je demande donc, prenant acte de la promesse de M. le ministre, que la discussion soit ajournée jusqu’à ce que les pièces demandées aient été déposées, imprimées et examinées.

- Quelques membres. - Vous ne voulez pas du cadastre.

M. Lebeau. - On dit que nous ne voulons pas du cadastre. Je réponds : Si nous en voulons, mais nous n’en voulons pas sans examen.

Et je m’étonne (je reproduis ici l’objection de l’honorable député de Tournay), je m’étonne, dis-je, que ceux qui, l’année dernière, et les années précédentes, dirigeaient les attaques les plus violentes contre la légalité et la régularité des opérations du cadastre, veuillent aujourd’hui imprimer à ces opérations le sceau de l’éternité. Car 10 ans, quand il s’agit d’une surtaxe énorme c’est bien long.

Les Flandres prétendent avoir été surtaxées depuis quarante ans ; mais c’est là encore une question au moins quant au résultat définitif, quant à la quotité. Remarquez qu’il est impossible de pousser plus loin les concessions qui nous le faisons. Un honorable député de Mons a dit : « Je consens à me placer soit dans le système du gouvernement et à accorder immédiatement un dégrèvement d’un tiers, soit dans le système de la section centrale et à consentir immédiatement au dégrèvement de moitié ; mais ne préjugez rien quant à la perpétuité du contingent. » Donnez-nous le temps d’examiner, permettez aux intéressés qui vont être avertis (car les contribuables sont surtout avertis quand le percepteur s’adresse à eux) ; permettez-leur, s’ils se croient lésés, de s’adresser aux autorités compétentes, soit l’autorité provinciale, soit aux chambres par voie de pétition. Permettez à l’opinion de se manifester par ses voies naturelles, par la presse, sur l’application définitive du cadastre. Si on reconnaît que les opérations ont été faites en violation de la légalité et de l’équité, vous les réformerez ; si, au contraire, il est prouvé que tout est bien, vous présenterez un projet de loi pour rendre le cadastre définitif.

Voici ce qui arrivera, si on veut voter en l’absence de documents et sans laisser le temps d’examiner les opérations du cadastre ; c’est que le pays verra dans l’adoption précipitée de la loi un abus de majorité ou abus de la force. Voilà l’opinion qu’on se formera du cadastre.

Il ne suffit pas qu’il soit juste, il faut qu’on le croie tel dans les provinces qui seront surtaxées, Il y a ici un effet moral que nous ne devons pas perdre de vue.

Je le dis avec l’honorable M. Desmanet de Biesme, c’est peut-être un ferment de discorde que vous jetez dans le pays ; quand même vous auriez raison, si la moitié du pays est convaincue que vous avez tort, l’influence de cette conviction sera déplorable, dangereuse. Les provinces surtaxées, voyant leurs députés voter contre la loi, seront persuadées qu’elles sont lésées.

Nous sommes prêts à vous rendre une justice immédiate, à faire du provisoire ; mais nous ne croyons pas consciencieusement pouvoir en ce moment faire autre chose.

Je fais donc la proposition d’ajourner la discussion, mais seulement jusqu’après la production des documents réclamés, me réservant de faire ou d’appuyer plus tard telle autre motion que je croirai utile et juste.

M. A. Rodenbach. - Je m’oppose à toute espèce d’ajournement. Les Flandres souffrent depuis trop longtemps ; déjà elle, ont été grevées de 60 à 80 millions. Je suis étonné de voir que dans ce moment, après trois jours de discussion, on vienne demander un ajournement, et après que sur ces trois jours un seul orateur, adversaire du projet, vous a lu des mémoires pendant deux mortels jours. Je demanderai pourquoi le membre de la section centrale vient seulement aujourd’hui réclamer l’impression du tableau indiquant la moyenne proportionnelle des provinces et des cantons ; pourquoi n’a-il pas fait cette demande dans le sein de la section centrale ?

On pourrait croire que c’est une tactique pour entraver la discussion. Sans doute, nous qui connaissons la loyauté de l’honorable membre, nous ne le pensons pas ; mais les provinces qui attendent la réparation d’une injustice pourraient le croire.

Le ministre des finances vient de dire qu’il était prêt à faire toutes les communications qu’on pourrait désirer. Il y a quelques jours qu’il a invité tous ceux qui voudraient prendre connaissance des pièces, à se rendre à l’hôtel du ministère.

Les membres qui ont des connaissances spéciales peuvent aller compulser, vérifier les pièces, et l’honorable M. Doignon, qui a déjà étudié le cadastre, aura plus de perspicacité que la section centrale et pourra contrôler les opérations.

Quant à l’impression de ces pièces, il est impossible d’y songer, nous n’en finirions pas, et il est impossible qu’on laisse plus longtemps les provinces privilégiées en possession de leur privilège ; la constitution s’y oppose ; il est du devoir du gouvernement de faire prompte justice.

Il s’agit de demander une majoration de 2 à 3 p. c. dans les provinces les plus favorisées, quand nous avons payé pendant quarante ans, non pas 2 à 3 p. c., mais 15 p. c. plus que nous ne devions payer. Vous voyez que l’augmentation pour les provinces ménagées n’est rien en proportion de la surtaxe injuste dont nous demandons à être déchargés.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Il est facile de faire cesser tout ce débat qui n’aurait pas même dû avoir lieu, car je voulais déférer à l’instant même à la demande de l’auteur de la proposition, alors que cependant j’aurais pu attendre que la chambre déclarât si elle adoptait ou non cette proposition.

Je viens à la tribune faire le dépôt de cette pièce ; elle n’est pas tellement longue qu’elle ne puisse être distribuée demain matin, avant l’ouverture de la séance.

La questure pourra la faire imprimer la nuit, et de cette manière la discussion pourra continuer. Si cependant on jugeait au premier aperçu qu’il fût difficile d’apprécier cette pièce et de se rendre compte des chiffres qu’elle présentera, vous seriez alors juges de différer la discussion si vous le trouvez nécessaire, mais je ne le pense pas ; un simple coup d’œil suffira pour comprendre ce travail.

M. le président. - Le tableau qui vient d’être déposé par M. le ministre des finances sera imprimé et distribué à MM. les membres.

Par ce dépôt, le but de la proposition de M. Doignon est rempli.

Il reste à statuer sur la motion de M. Lebeau.

M. Lebeau. - Du moment qu’on imprime et qu’on distribue les documents demandés, et qu’on ne vote pas avant l’impression et la distribution de ces documents, je n’ai aucune raison pour persister dans ma motion d’ajournement.

M. le président. - La parole est à M. Jullien.

M. Jullien. - La motion d’ajournement étant retirée, je renonce à la parole.

M. le président. - La discussion est renvoyée à demain.

- La séance est levée à 4 1/2 heures.