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Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 4 mars 1836

(Moniteur belge n°65, du 5 mars 1836 et Moniteur belge n°66, du 6 mars 1836)

(Moniteur belge n°65, du 5 mars 1836)

(Présidence de M. Raikem.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Dechamps fait l’appel nominal à une heure.

M. Schaetzen lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. Dechamps présente l’analyse des pièces adressées à la chambre.

« Le sieur J. Amans, propriétaire et maître de forges à Ermelan-sur-Biert, se plaint d’une décision prise par la députation provinciale de la province de Namur qui refuse l’exception admise dans l’art. 6 de la loi sur les barrières, et à l’égard de laquelle décision le tribunal de Dinant s’est déclaré incompétent. »


« Le sieur Bresout, bourgmestre d’Orey, demande que la chambre adopte une disposition dans la loi communale qui assimile les administrations des communes rurales ressortissant des commissariats de district aux régences des villes pour l’administration des revenus ordinaires. »


- La pétition du sieur Bresout, étant relative à la loi communale, restera déposée sur le bureau pendant la discussion de cette loi.


M. Fallon. - On vient d’analyser une pétition dans laquelle on se plaint d’une décision de la province de Namur sur une question relative aux barrières ; je demanderai que cette pétition soit renvoyée à la commission qui a été chargée de l’examen du projet de loi concernant les barrières.

M. Milcamps. - Je crois devoir faire observer que la commission a terminé ses travaux ; je ne sais si dans cette circonstance on peut lui renvoyer la pétition.

M. d'Hoffschmidt. - La commission m’a fait l’honneur de me désigner comme rapporteur : mon travail n’est pas terminé, et on pourrait la convoquer pour donner son avis sur la pétition dont il s’agit.

M. le président. - La pétition est renvoyée à la commission.

Projet de loi relatif aux attributions des administrations communales

Discussion des articles

Titre II. Des attributions communales

Chapitre VI. De l'administration des biens et revenus de la commune
Section II. Des recettes communales
Article 61

M. le président. - Nous en sommes à l’article 61 ainsi conçu :

« Art. 61. Le conseil est tenu de porter annuellement au budget, en les spécifiant, toutes les recettes quelconques de la commune, ainsi que celle que la loi lui attribue, et les excédants des exercices antérieurs. »

- Adopté.

Article 62

« Art. 62. Dans le cas où l’autorisation de répartir une contribution a été accordée, les projets des rôles seront soumis pendant quinze jours au moins, à l’inspection des contribuables de la commune, sur l’avis qui en aura été préalablement publié par le collège des bourgmestre et échevins ; pendant ce temps, les contribuables qui se trouveraient lésés par leur cotisation pourront réclamer auprès du conseil communal.

« Quelle que soit la décision du conseil sur ces réclamations, il sera tenu de joindre à l’envoi qu’il en fera à la députation permanente, toutes les demandes, requêtes, réclamations qui lui auront été adressées contre lesdits projets. »

M. Dumortier, rapporteur. - Messieurs, avant d’en venir à cet article, je ferai remarquer à l’assemblée que l’on a omis dans le projet une disposition fort importante qui se trouvait dans les projets précédents. C’est celle-ci :

« Lorsque les recettes d’une commune ne lui permettent pas de subvenir à ses dépenses, le conseil communal peut établir une taxe permanente ou provisoire, ou faire un emprunt en se conformant aux dispositions des lois existantes. »

J’ai vu avec regret que cette disposition n’était pas dans le projet en discussion.

Je présume que c’est un oubli, et le propose de la rétablir.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - La disposition dont parle l’honorable membre n’a pas été adoptée l’an dernier ; elle a au contraire été supprimée comme étant inutile ; et, en effet, il est entièrement pourvu à ce que désire l’honorable membre par l’article 10 que nous avons voté ; car, d’après cet article, le conseil a le droit de délibérer sur les emprunts et sur les taxes.

M. Dumortier, rapporteur. - Par l’article 2 il est pourvu en principe à ce que je désire ; mais cet article 2 ne règle pas l’application du principe. Je ne voudrais pas que le conseil communal pût établir des impôts sur d’autres bases que celles qui servent pour la perception des impôts qui entrent dans les caisses du trésor. Par exemple, la bière est imposée sur les matières en macération, et des communes l’imposent quand elle est fabriquée ; les genièvres sont imposés aussi quand les matières sont en macération, et des villes établissent l’impôt sur la matière distillée : il peut exister des anomalies, et ces anomalies ne doivent pas exister. Non seulement il faut poser des règles relatives au mode de percevoir les impôts, mais il en faut encore poser relativement à la hauteur des impôts.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - La proposition de l’honorable membre n’a véritablement aucune portée, et je ne crois pas qu’il y ait lieu à l’admettre.

Je dirai d’abord que les dispositions relatives aux octrois devront être révisées. Une nouvelle législation sur cette matière a été promise même sous l’ancien gouvernement ; mais elle a été subordonnée à la révision générale des lois de finance. Quand cette dernière révision aura été faite, il faudra s’occuper des octrois. Mais n’anticipons pas sur cette matière par un principe vague et indéfini.

Il est inutile de dire ici que les communes ne peuvent pas établir des taxes arbitrairement et contrairement aux lois financières ; lorsqu’il s’agit d’établir une taxe communale, il faut consulter le conseil provincial et le ministre des finances.

La question relative aux octrois est très grave et mérite un mûr examen. N’improvisons rien actuellement sur cet objet.

M. Jullien. - La question est de savoir ai la disposition est nécessaire ou si elle est simplement utile ; si elle n’est ni l’un ni l’autre, il n’y a pas lieu à l’adopter ; or, je crois qu’elle n’est ni nécessaire ni utile. Quel est le cas qui se présente ? C’est celui où est une commune qui ne peut faire face à ses dépenses : eh bien il est naturel que la commune ait recours à des moyens propres à l’acquitter. Mais pourquoi dire aux communes qu’elles pourront faire des emprunts, établir des taxes ? Ce serait limiter le mode qu’elles peuvent prendre pour remplir leurs engagements. Quand une commune sera dans cette position, elle avisera aux meilleurs moyens de faire face à ses besoins, et par telle voie financière qui lui conviendra, car il existe maintenant beaucoup de voies financières.

Dans ces circonstances, je crois qu’il est inutile d’adopter la proposition faite d’ailleurs dans de bonnes intentions par l’honorable M. Dumortier.

M. Desmet. - Je crois, au contraire, que la disposition est tout à fait nécessaire. Dans la Flandre orientale, presque toutes les villes ont établi la perception de plusieurs droits d’octroi, d’après les lois anciennes. C’est ainsi qu’en ont agi les villes d’Alost, de Gand et d’Audenaerde. On a réclamé contre ce mode de procéder. Il faut donc introduire une disposition qui fasse cesser toute anomalie dans la manière de percevoir les impôts.

M. Dumortier, rapporteur. - Je proposerai de rédiger ainsi la disposition :

« Lorsque les recettes d’une commune ne lui permettent pas de subvenir à ses dépenses, le conseil communal peut voter une taxe permanente ou temporaire ou un emprunt, en se conformant au mode de perception établi par la loi. » Il ne faut pas qu’il y ait deux modes de perception sur la même matière, l’un pour le trésor, l’autre pour les villes.

M. Lebeau. - Il ne faut pas seulement déterminer le mode de perception, il faut aussi fixer le maximum du droit perçu. La difficulté est très grave, et si quelque chose peut nous faire désirer que la loi communale soit promptement votée, c’est la nécessité de réviser la loi générale sur les octrois. Il serait dangereux d’improviser ici un principe que vous déposeriez dans une espèce de charte, car la loi communale est une espèce de charte.

Je vote contre l’amendement.

M. Dubus. - L’honorable membre croit qu’il faudrait fixer le maximum du droit afin de ne pas nuire aux produits sur lesquels l’administration générale comptait pour faire face aux dépenses de l’Etat ; mais il est pourvu à ce point par la nécessité d’obtenir l’approbation royale pour frapper un droit d’octroi, La disposition présentée par mon honorable ami est conçue dans un autre esprit : il veut qu’il n’y ait pas différentes manières d’imposer les mêmes objets.

- La disposition présentée par M. Dumortier, mise aux voix, est rejetée.

M. Pirmez. - Messieurs, je ferai remarquer que la loi ne parle pas de l’action des conseils communaux sur les forains. Si les conseils communaux peuvent les imposer, il faut le dire. Dans certaines communes on dépense les revenus, mais dans d’autres on partage ces revenus en nature ; les forains ne reçoivent rien et ne paient pas moins. Les conseils communaux sont intéressés à frapper les forains ; les états provinciaux ne leur sont pas plus favorables ; ils n’ont pas de garanties. Il paraît qu’il y a lacune à cet égard dans la loi. Je crois que l’on devrait présenter une disposition pour la combler,

M. le président. - M. Dubus propose l’amendement suivant :

« Dans le cas où l’autorisation de répartir une contribution aurait été accordée par la députation du conseil provincial, le projet de mode de répartition, après avoir été arrêté provisoirement par le conseil communal, est soumis, etc. »

M. Dubus. - Une observation que j’ai eu l’honneur de soumettre hier s’applique à l’article en discussion.

C’est le seul dans la loi où il soit question d’une répartition personnelle. Car je crois que c’est de la répartition personnelle qu’il est question dans cet article.

Un autre article parle bien d’une répartition ; c’est l’article 6. Mais c’est de la répartition de la contribution directe.

Il n’y a donc dans la loi communale aucune disposition en ce qui touche la répartition personnelle.

L’article en discussion paraît laisser beaucoup à désirer. D’abord, par qui ces répartitions personnelles doivent-elles être autorisées ? c’est ce que l’article ne dit pas. Il se borne à parler de cas où une répartition aurait été autorisée.

Nous devons donc remplir cette lacune et dire dans l’article que c’est la députation qui accorde cette autorisation. Cela fait partie des voies et moyens de la commune.

On bien les ressources ordinaires de la commune sont insuffisantes pour ses dépenses ordinaires, et il faut dans ce cas qu’elle ait recours à un moyen extraordinaire qui consiste la plupart du temps dans une répartition personnelle. Ou c’est une dépense extraordinaire qui rend ce moyen extraordinaire nécessaire.

Dans l’un et l’autre cas, il me paraît que c’est la députation qui donne l’autorisation. Elle ne doit la donner qu’après que le conseil s’est prononcé. Vous devez donc exprimer également que cette autorisation est accordée sur la demande du conseil communal.

L’article se tait également sur ce point.

Mais quand l’autorisation est obtenue, il faut dresser un rôle de répartition. Il faut arrêter ce rôle au moins provisoirement avant de le faire approuver. Quelle est l’autorité qui dressera ce rôle ? C’est sur quoi l’article se tait. Si nous ne nous expliquons pas à cet égard, on dira que c’est le collège des bourgmestre et échevins qui arrête ce rôle. Comme on en appelle au conseil en cas de réclamation, s’il n’y avait pas de réclamation, le rôle échapperait au conseil.

Il faut que ce soit le conseil qui arrête le rôle. En cas de réclamation, il le révisera. Quand il n’y aura pas de réclamation, il enverra à la députation provinciale pour être déclaré exécutoire conformément à l’article 54.

Je crois d’autant plus nécessaire d’introduire cet amendement ou plutôt ces explications dans l’article, qu’il est tout à fait important que le conseil soit appelé se prononcer, et qu’il y ait nécessité de l’appeler à se prononcer sur la base de la répartition.

Car il ne doit pas dépendre du collège des bourgmestre et échevins, d’accord avec la députation, de prendre une base ou une autre. Il faut qu’avant tout le conseil se soit déterminé et ait, dans sa délibération, indiqué à quelle base il s’arrêtait, sauf, dans ce cas comme dans beaucoup, l’approbation de la députation, qui a mission d’approuver les actes du conseil.

Puisque j’ai la parole pour développer non amendement, je demanderai la permission de présenter quelques observations sur ce qui vient d’être dit par un honorable député de Charleroy.

Il a fait remarquer que les dispositions de la loi communale n’ont rien prévu en ce qui concerne les forains. Selon lui, il règne beaucoup d’arbitraire ; ce serait une raison de poser des principes dans la loi. Il a demandé si l’on pouvait imposer les forains.

Je crois que l’on ne peut imposer les forains pour les dépenses de l’administration de la commune ; c’est pour cette raison que jamais l’on ne peut prendre l’impôt foncier pour base de la répartition personnelle. Car on atteindrait les propriétaires qui ne sont pas habitants de la commune.

L’on n’impose dans la répartition personnelle que les habitants de la commune, non pas seulement ceux qui habitent la commune pendant toute l’année : il suffit d’habiter la commune pendant trois mois pour être soumis à la répartition personnelle pour une cotisation calculée sur la durée ordinaire du séjour par an.

Cependant il serait peut-être utile d’insérer une disposition dans la loi pour fixer toute incertitude sur ce point, puisque, selon l’honorable préopinant, il règne beaucoup d’arbitraire à cet égard.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Jamais l’on ne pourra accorder à la députation du conseil provincial le droit d’autoriser une contribution personnelle dans une commune.

Ce droit n’est accordé qu’au Roi, en vertu du n°5 de l’art. 2 déjà adopté. Chaque fois qu’il s’agit d’établir une taxe personnelle dans la commune, il faut la délibération du conseil communal, l’avis de la députation provinciale et l’autorisation du Roi.

Cette partie de l’amendement ne peut être adoptée.

L’honorable M. Dubus a demandé si ce serait le collège qui fixerait provisoirement le rôle d’une contribution personnelle dûment autorisée.

Il est évident que ce n’est pas le collège qui fait ce rôle, mais bien le conseil. Aucun article n’accorde cette faculté au collège.

Il résulte des dispositions des articles 1er et 8 du projet que ce droit appartient au conseil. Je crois donc que sous ce rapport il n’y a pas de lacune dans le projet, et que l’amendement de l’honorable membre est inutile.

Il est incontestable que c’est le conseil qui arrête les rôles ; si par l’article 6 le conseil nomme les répartiteurs du contingent de la contribution foncière, à plus forte raison doit-il en être de même lorsqu’il s’agit d’une taxe locale. Il ne peut y avoir aucune espèce de doute à cet égard.

L’honorable M. Pirmez a parlé de forains.

Les forains sont frappés d’une contribution foncière par centimes additionnels que les administrations communales perçoivent aux termes de la loi de 1822. Ils sont frappés d’une autre contribution quand il s’agit de la réparation des chemins vicinaux là où les règlements provinciaux ont introduit cette mesure.

Je crois, messieurs, qu’il n’y a pas lieu d’introduire une disposition spéciale.

M. Doignon. - Je trouve l’article en discussion absolument incomplet. L’article ne dit absolument rien sur les lois qui devront être adoptées pour la répartition des taxes personnelles. Il ne contient non plus rien sur le mode de confection des rôles. Il se tait également sur les personnes qui devront être comprises dans cette disposition, ainsi que sur les rôles supplémentaires qu’il y a lieu de faire dans le cours de l’année. Il existe un règlement sur cette matière qui contient des dispositions fort sages.

Mais comme, aux termes de la constitution, tous les règlements locaux cesseront d’avoir force de loi après la promulgation de la loi communale, si l’on ne dit rien dans l’article en discussion sur ce que ces règlements contiennent, on pourra croire que les conseils communaux ont toute latitude pour faire cette répartition comme ils le jugeront convenir. Comme il n’y aucune règle, on pourra croire que tout est abandonné à leur arbitraire. J’ai sous la main le règlement en vigueur. Je vous en communiquerai les principales dispositions.

(Ici l’orateur donne lecture de plusieurs dispositions d’un règlement.)

Si la chambre pense que ce règlement doit continuer à subsister, il me semble qu’il faudrait en faire mention dans l’article.

Je désirerais également qu’après ces mots : « pourront réclamer, » l’on ajoute ceux-ci : « soit verbalement, soit par écrit. »

Vous savez que dans les campagnes les habitants n’ont pas toujours la facilité pour faire parvenir des pétitions au conseil. Il convient de leur donner la facilité de réclamer verbalement.

Je propose aussi d’ajouter que les rôles de répartition devront être envoyés à la députation, de manière à être rendus exécutoires avant le 1er février de chaque année.

M. Dubus. - M. le ministre de l’intérieur combat mon amendement : en premier lieu, parce qu’il est contraire au principe que toute imposition communale doit être approuvée par le Roi ; en second lieu, parce qu’il est inutile.

Je m’occuperai de ce second point. M. le ministre pense qu’il est inutile de dire que le rôle (j’ai mis rôle au singulier pour faire concorder la rédaction de l’article), que le rôle, dis-je, est arrêté par le conseil communal. Il dit qu’il est hors de doute que c’est le conseil qui devra arrêter ce rôle de répartition.

Je ne partage pas son avis. L’on prétend que ce n’est qu’une mesure d’exécution qui appartient aux bourgmestre et échevins. Il peut y avoir un doute.

Puisque M. le ministre reconnaît qu’il convient que ce soit le conseil qui arrête le rôle de répartition, il faut le dire dans la loi.

Lorsque le conseil aura arrêté le rôle, s’il n’y a pas de réclamation, il sera fixé provisoirement et envoyé à la députation provinciale, pour être rendu par elle exécutoire, conformément à l’article 64.

Cette disposition n’est pas inutile, puisqu’elle lève un doute qui peut se présenter.

M. le ministre dit que la question est décidée par l’article qui porte que tout ce qui est d’intérêt communal est réglé par le conseil. J’admets que la faculté accordée au conseil d’arrêter les rôles de répartition est une conséquence de cet article.

Si l’on admettait cette manière d’argumenter, on pourrait rayer de la loi communale bien des dispositions qui ne sont que les conséquences déduites de l’art. 1er.

M. le ministre pense qu’il ne faut pas dire que la répartition personnelle sera autorisée par la députation, attendu que c’est au Roi seul qu’appartient le droit de conférer cette autorisation.

Ceci est une innovation très grave à ce qui se pratique maintenant. Dans l’état actuel des choses, il y a bien un règlement donné par le Roi qui détermine les différentes bases que le conseil pourra adopter pour la répartition et quelles sont celles qu’il ne pourra pas adopter.

Ainsi ce règlement porte, si je ne me trompe, que l’on ne pourra adopter pour base l’impôt foncier, parce que ce serait un moyen de frapper des propriétaires qui n’ont aucun domicile dans la commune.

Il détermine que c’est au conseil à choisir de toutes les bases autorisées, celle qu’il jugera la plus convenable.

Ainsi le conseil se borne à adopter des bases autorisées par le règlement royal. Mais je pense que jamais l’autorisation d’une répartition personnelle n’est exigée. S’il en était autrement, il faut convenir qu’un très grand nombre des budgets des communes, qui n’ont besoin que de l’approbation de la députation provinciale, se trouveraient être soumis à l’approbation royale à cause des voies et moyens.

Ce qui entraînerait une centralisation tout à fait inutile. Y a-t-il quelque avantage ce que l’autorisation royale soit exigée ? Je le déclare sincèrement, je n’en vois aucun. Du moment que la députation approuve la dépense, il faut bien qu’elle soit appelée à approuver les voies et moyens dans les limites déterminées par le règlement fait par l’autorité supérieure. Toute investigation de cette autorité supérieure dans tous les cas particuliers devient inutile.

Cela entraînerait des retards et un travail de bureau fait en double, absolument superflu et sans aucun avantage pour la commune.

Quant à la disposition du numéro 5 de l’article 2, je l’avais comprise en l’entendant des taxes communales, mais non pas de la répartition personnelle qui a toujours été considérée à part et qui a toujours fait l’objet d’une disposition séparée.

Seulement j’avais remarqué qu’aucune disposition n’existait dans la loi ; c’était pour combler cette lacune que j’avais présenté mon amendement. Je maintiens donc ma proposition qui a pour but de lever tout doute sur ce point

M. le ministre n’a pas prouvé qu’il y eût la moindre utilité à recourir l’autorité royale, alors qu’un règlement, émané du Roi, a déterminé quelles étaient les bases entre lesquelles le conseil aurait à choisir pour sa contribution personnelle sous l’approbation de l’autorité provinciale.

M. Doignon présente les amendements suivants à l’article en discussion :

« Les projets des rôles formés en conformité des dispositions existantes.

« Les rôles arrêtés par le conseil seront envoyés à la députation provinciale pour être exécutoires, au plus tard, au 1er février de chaque année. »

« … qui pourront réclamer, soit verbalement, soit par écrit. »

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je n’ai pas d’opposition à former à ce que l’article fasse mention du conseil communal pour la fixation des rôles. Mais je dis que c’est inutile. Je ne puis admettre que la députation ait le droit d’autoriser le conseil à frapper les habitants d’une contribution personnelle. Cela n’a jamais existé. Chaque fois que l’on établit une contribution personnelle dans une commune, il faut que celle-ci en obtienne l’autorisation du Roi et que l’autorité royale fixe le montant de la répartition personnelle.

Lorsque la commune a reçu l’autorisation, le gouvernement n’intervient pas dans les mesures d’exécution. Mais jamais la députation des états n’a eu le pouvoir d’autoriser une imposition quelconque.

Le numéro 5 de l’article 2 est aussi explicite qu’il peut l’être. Evidemment aucune taxe personnelle, aucune imposition communale ne peut être établie sans l’autorisation du Roi.

Le règlement que l’honorable M. Doignon a cité à l’instant en fait mention. Il y est dit que, dans aucun cas, les rôle ne pourront dépasser les sommes accordées par le Roi.

En ce qui concerne l’amendement de cet honorable membre, je n’en désapprouve qu’une partie. C’est celle qui fixe l’époque à laquelle les rôles devront être rendus exécutoires. Il est inutile, à mon sens, d’indiquer une époque fixe.

M. Legrelle. - Je m’oppose à la partie de l’amendement de M. Doignon, portant que les réclamations pourront être faites, soit verbalement, soit par écrit. Je ne sais quelle garantie l’honorable membre trouve dans cette faculté, et j’y trouve de graves inconvénients, tant pour les villes que pour les villages.

Le conseil devrait être en permanence. Mais je suppose que les réclamations ne se présentent que quand le conseil sera assemblé ; quelle cohue, quel vacarme, quelles voies de fait ne pourront pas en résulter ! Qu’il s’agisse d’une taxe sur la viande, vous verrez arriver, pour me servir des expressions d’un honorable membre qui siège à ma gauche, vous verrez arriver, dis-je, tous les garçons bouchers en tabliers sales...

Je vous le demande, n’y aurait-il pas danger à adopter un pareil amendement ?

M. Dubus. - M. le ministre de l’intérieur a posé en principe que toute répartition de contribution personnelle ne se fait qu’en vertu d’impositions communales et qu’aux termes d’une disposition de l’article 2, c’est le Roi qui doit l’autoriser. Je voudrais une explication ultérieure sur la manière dont le ministre entend appliquer ce principe. Entend-il que quand il y aura insuffisance, il faudra chaque année venir demander l’autorisation du Roi pour continuer à percevoir la contribution ? Ou bien suffira-il d’avoir obtenu l’autorisation une fois pour toutes pour établir une contribution personnelle dans certaines limites, comme cela se fait pour une ville qui veut établir un octroi ?

Si le ministre entend assimiler ces deux cas, je retirerai la première partie de mon amendement ; mais si le budget d’une commune, pour continuer la perception d’une contribution personnelle, devait arriver chaque année au département de l’intérieur, j’y trouverais de graves inconvénients et je maintiendrais mon amendement pour y porter remède.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Le Roi donne l’autorisation d’établir des taxes, soit permanentes, soit temporaires suivant les besoins des communes. Ainsi, les inconvénients que craint l’honorable M. Dubus n’existeront pas.

Quant à la proposition de M. Doignon, d’autoriser les réclamations verbales, je ne partage pas les craintes manifestées par M. Legrelle : cela pourrait se faire comme en matière d’élections ; cependant je ne l’admettrai pas, parce qu’il y aurait absence de garantie pour les réclamants. La disposition pénale veut leur en assurer une en exigeant que la réclamation soit adressée à la députation du conseil provincial. Et pour cela, il faut qu’elle soit écrite.

M. Dubus. - Alors je retranche de mon amendement les mots :

« par la députation du conseil provincial. »

- L’amendement de M. Dubus, ainsi réduit, est mis aux voix et adopté.

L’amendement de M. Doignon consistant dans l’addition des mots « en conformité des dispositions existantes,» est mis aux voix et adopté.

M. Doignon. - Je retire le reste de mon amendement tout en faisant observer que je ne partage pas les craintes exprimées par M. Legrelle sur la dernière partie qui n’était que la reproduction des règlements existants, et qui sans inconvénients.

- L’ensemble de l’article est mis aux voix dans les termes suivants :

« Dans les cas où l’autorisation de répartir une contribution a été accordée, les projets des rôles de répartition formés en conformité des dispositions existantes, après avoir été arrêtes provisoirement par le conseil communal, seront soumis, pendant quinze jours au moins, à l’inspection des contribuables de la commune, sur l’avis qui en aura été préalablement publié par le collège des bourgmestre et échevins ; pendant ce temps, les contribuables qui se croiraient lésés par leur cotisation pourront réclamer auprès du conseil communal.

« Quelle que soit la décision du conseil sur ces réclamations, il sera tenu de joindre à l’envoi qu’il en fera à la députation permanente, toutes les demandes, requêtes, réclamations qui lui auront été adressées contre lesdits projets. »

- Adopté.

Articles 63 à 65

« Art. 63. Tout contribuable qui se croira surtaxé pourra en outre, dans le mois à dater de la délivrance de l’avertissement, en indiquant la somme à laquelle il aura été imposé, adresser une réclamation à la députation provinciale, qui prononcera après avoir entendu le conseil communal. Les réclamations ne seront admises qu’accompagnées de la quittance de paiement. »

- Adopté.


« Art. 64. Les contributions permanentes ou temporaires ne peuvent être mises en recouvrement qu’après que les rôles auront été rendus exécutoires par la députation provinciale. »

- Adopté.


« Art. 65. Les centimes additionnels aux impôts de l’Etat sont recouvrés conformément aux lois sur la matière, et les impositions communales directes seront recouvrées conformément aux règles établies par la perception des impôts au profit de l’Etat. »

« Toutefois le recouvrement des impositions directes à charge des receveurs, régisseurs ou fermiers des taxes municipales, et des impositions indirectes à charge de tous les citoyens sera poursuivi conformément à la loi du 20 avril 1819. »

- Adopté.

Article additionnel

M. Dumortier, rapporteur. - La première section centrale avait introduit une disposition relative à la faculté qu’ont les communes de contracter des emprunts. La section à laquelle j’avais l’honneur d’appartenir, en a demandé la reproduction, mais la section centrale n’a pas eu le temps de l’examiner. Je crois pouvoir la présenter à la chambre.

Dans la loi française, il existe des dispositions extrêmement sévères relativement aux emprunts. Si nous ne mettons aucune disposition dans la loi que nous faisons, pour limiter la faculté d’emprunter, donnée aux communes, nous en exposerons beaucoup à se ruiner.

La loi française ne permet pas aux conseils communaux de délibérer seuls sur les emprunts à contracter. Toutes les fois qu’une délibération doit avoir lieu sur un emprunt, le maire est tenu de convoquer les plus imposés de la commune en nombre égal des conseillers pour délibérer ensemble sur la nécessité de l’emprunt, et ensuite il ne peut avoir lieu sans être autorise par une loi quand il existe déjà des emprunts.

Si nous n’adoptons pas une mesure semblable, nous verrons, comme cela est déjà arrivé, beaucoup de communes se ruiner. Car le gouvernement autorise trop facilement les communes à contracter des emprunts, et elles lui demandent son autorisation de si bonne grâce qu’il ne peut pas la leur refuser. C’est ainsi que la ville de Bruxelles s’est obérée.

Je pense que nous serons tous d’accord pour reconnaître la nécessité d’introduire dans la loi une disposition qui limite la faculté accordée aux communes d’emprunter. Voici la disposition qui avait été proposée dans ma section et que je présente à la chambre.

« Hors le cas où il s’agirait de payer des dettes de la commune antérieures à la présente loi, ou celles résultant de condamnations judiciaires, le gouvernement ne peut autoriser d’emprunt communal que jusqu’à concurrence du tiers des revenus communaux, et pourvu que l’intérêt et l’amortissement des emprunts et dettes de la commune ne s’élèvent pas à cette quotité. »

Si le gouvernement croyait qu’une commune qui se trouve dans cette position a intérêt à emprunter, il proposerait une loi.

Vous ne pouvez vous dispenser d’admettre cette disposition, surtout que vous avez rejeté le comité communal qu’avait proposé l’honorable M. Dechamps pour les cas de cette nature, et qui a été admis dans la loi française.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - L’honorable préopinant a dit qu’une section avait adopté la proposition qu’il présente et que la section centrale ne s’en était pas occupée. Je ne puis rien dire sur ce qu’a fait la section centrale ; mais, en lisant son rapport, je trouve les art. 59 a 72 adoptés par les sections et par la section centrale, sauf quelques changements de rédaction. Je n’y vois aucune mention de l’amendement dont parle l’honorable membre.

Il est vrai que l’année dernière la section centrale avait proposé un amendement dans ce sens, mais il a suffi de quelques observations pour que la chambre le rejetât à la presque unanimité. C’était l’art. 132 de la section centrale. Cette année, il y a peu de jours, l’honorable membre a présenté un amendement à peu près semblable qui a été écarté par la chambre. Je pense donc que celui qu’il propose maintenant ne doit pas être accueilli.

Pour motiver cet amendement, il a dit que le gouvernement autorisait avec une grande facilite les communes à faire des emprunts. Je répondrai que quand le gouvernement trouve qu’il y a nécessité ou utilité évidente pour les communes à emprunter, il les autorise à le faire.

En cela, il agit dans l’intérêt des communes ; mais il est arrivé plusieurs fois que le gouvernement a arrêté des projets de dépenses excessives qui avaient été proposées par des communes. L’amendement présenté tendrait à paralyser l’administration des communes et à les empêcher de pourvoir aux dépenses à faire pour les cas de l’utilité la plus évidente.

L’honorable membre demande qu’on ait recours aux chambres. J’ai déjà fait observer qu’il en résulterait des délais infinis avant que les communes ne puissent obtenir les autorisations nécessaires. Ce serait évidemment nuire à l’administration des communes belges qui est justement renommée, car nos administrations communales sont renommées au-dessus de celles d’autres pays. (Aux voix ! aux voix !)

M. le président. - L’amendement de M. Dumortier est-il appuyé ?

- Plus de cinq membres se lèvent pour appuyer cet amendement.

Plusieurs membres. - La clôture ! la clôture !

M. Dubus. - Quand un amendement est présenté, on demande s’il est appuyé ; et s’il est appuyé, on ouvre la discussion.

Ceux qui demanderaient la clôture sur l’amendement de M. Dumortier, demanderaient la clôture d’une discussion au moment où on l’ouvre.

M. Legrelle. - L’amendement ne paraît pas devoir être accueilli par la chambre ; mais la question est assez importante pour mériter quelques minutes d’examen.

M. Dumortier, rapporteur. - J’ai besoin de répondre à M. le ministre de l’intérieur qui a posé des faits inexacts. Il nous a dit que le recours aux chambres entraverait l’administration communale. Mais je ferai observer que ce cas se présentera rarement. (Parlez sur la clôture !)

Je ferai observer que c’est ici un des articles les plus importants de la loi, car il s’agit de prendre des mesures pour empêcher la plupart des communes de se ruiner. Je ne comprendrais pas qu’on ne voulût pas permettre la discussion d’une proposition de cette importance.

- La clôture est mise aux voix et prononcée.

L’amendement de M. Dumortier n’est pas adopté.

Section III. De la comptabilité communale

(Moniteur belge n°66, du 6 mars 1836) M. le président. - La chambre est arrivée à la section III. - De la comptabilité communale.

Articles 66 et 67

« Art. 66 Dans les communes placées sous les attributions des commissaires d’arrondissement, le conseil communal se réunit chaque année, le premier lundi du mois de mai, pour procéder au règlement provisoire des comptes de l’exercice précédent.

« Il se réunit le premier lundi du mois de septembre, pour délibérer sur le budget des dépenses et des recettes de la commune pour l’année suivante.

« Dans les années communes le conseil communal se réunit le premier lundi du mots d’août, pour procéder au règlement des comptes, et le premier lundi du mois d’octobre, pour délibérer sur le budget des dépenses et des recettes de la ville pour l’exercice suivant. »

- Adopté.


« Art 67. Les budgets et les comptes des communes sont déposés à la maison commune, où chaque contribuable peut toujours en prendre connaissance sans déplacement.

« Dans les communes placées sous les attributions des commissaires d’arrondissement, les comptes sont en outre publiés dans la commune les dix premiers jours du mois de juin, et les budgets le sont pendant les dix derniers jours du mois de septembre.

« Dans les autres communes, les comptes sont publiés dans les dix derniers jours du mois de septembre, et les budgets le sont du dix au vingt novembre.

« Cette publication sera faite par affiches, qui seront imprimées toutes les fois que lesdits comptes et budgets excéderont la somme de 20,000 francs ; et qui pourront avoir lieu par tableaux écrits, s’ils n’atteignent pas cette somme.»

- Adopté.

Article 68

« Art. 68. Les budgets et les comptes doivent, à la diligence des bourgmestre et échevins, être soumis à l’approbation de la députation provinciale qui les arrête définitivement.

« Les administrations communales sont tenues, en soumettant leurs budgets et leurs comptes à l’approbation de la députation provinciale, de certifier qu’ils ont été publiés et affichés. »

M. Dubus. - A propos de la discussion soulevée hier, avant de passer à la section II du chapitre qui nous occupe, j’ai dit que je croyais qu’une disposition pourrait être introduite dans la loi pour lever un doute grave qui se présente ; c’est sur la question de savoir si la députation provinciale peut modifier un budget, si elle peut faire autre chose qu’approuver ou rejeter, sauf l’introduction dans le budget des dépenses obligatoires auxquelles le conseil communal aurait négligé de pourvoir. A part ce seul cas, il semble que la députation ne peut pas faire autre chose qu’approuver ou ne pas approuver. Cependant on a déjà introduit, en ce qui touche les budgets provinciaux, lesquels sont soumis à l’approbation du Roi, une disposition portant que le gouvernement approuverait le budget tel qu’il aura été voté, qu’il pourrait le rejeter, en rejeter un ou plusieurs articles et l’approuver pour le surplus. Je crois qu’il est nécessaire de reproduire cette disposition dans la loi actuelle. Sans cela on douterait si la députation peut le faire.

Mais il me semble que nous devons faire quelque chose de plus, parce qu’il y a des dépenses obligatoires qui pourraient ne pas être portées par le conseil dans le budget communal pour la somme à laquelle elles s’élèvent réellement.

Je proposerai donc une disposition qui trouverait place entre le premier et le deuxième paragraphe de l’art. 68 ; elle est ainsi conçue :

« Le budget est approuvé, s’il y a lieu, par la députation provinciale, tel qu’il a été voté par le conseil communal, et sans modification d’aucun des articles de dépenses, si ce n’est pour porter ou pour réduire au taux fixé par la loi, ou par les règlements portés en vertu de la loi, les dépenses obligatoires. La députation peut aussi refuser son approbation à un ou plusieurs articles du budget, et l’approuver pour le surplus. »

Je crois que cette disposition donnera à la députation, sur le budget de la commune, tout ce que la constitution permet de lui donner. La députation pourra modifier le chiffre des dépenses obligatoires ; mais, pour les dépenses facultatives, la députation ne pourra réduire un article, et ensuite approuver le budget ; s’il en était ainsi, ce ne serait plus le conseil, ce serait la députation qui voterait et arrêterait le budget.

Je crois que mon amendement est suffisamment justifié par la discussion qui a eu lieu hier. Je ne pense pas qu’il rencontre d’opposition de la part de M. le ministre de l’intérieur.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je ne pense pas qu’il y ait lieu d’approuver cet amendement, qui certainement est au détriment des communes plutôt qu’à leur avantage.

A l’instant M. Dumortier a présenté un amendement pour arrêter les dépenses ; et maintenant M. Dubus propose un article qui tend à faciliter les dépenses et à empêcher la députation d’arrêter un système de dépenses excessives. Je crois qu’il faut laisser à la députation toute latitude pour réduire les propositions faites par le conseil communal.

Je dis en outre que l’amendement de M. Dubus est d’une exécution difficile ; car qu’entend-on par un article dans le budget communal ? Vous n’avez pas déterminé ce qui doit être compris dans un article. Cet amendement aurait pour résultat de forcer la main à la députation des états, de la forcer à adopter une dépense inutile, pour ne pas rejeter une dépense utile.

La faculté que je demande pour la députation ne peut jamais préjudicier à la commune ; car un recours est ouvert à la commune, auprès du gouvernement, contre les décisions de la députation. Ainsi, pour éviter un événement pour ainsi dire impossible, et contre lequel, d’ailleurs, il y a un recours, on cherche à introduire dans la loi une disposition qui tend à faciliter les dépenses excessives de la commune, et à ôter à la députation la latitude dont elle a besoin.

Si je m’oppose à l’amendement, c’est uniquement dans ce sens que la députation doit conserver la faculté de réduire les dépenses à tel taux qu’elle jugerait utile. Je n’ai jamais entendu que la députation pût substituer une dépense à une autre, ou majorer une dépense Elle n’a ce droit que pour les dépenses obligatoires. Pour les autres, la députation n’a pas le droit de les majorer. La constitution et la loi communale s’y opposent.

M. Legrelle. - Je sens comme M. le ministre de l’intérieur qu’il serait contraire à la constitution de modifier des dépenses portées dans le budget communal. Mais ce n’est pas la question.

La question est de savoir si vous voulez maintenir la députation provinciale dans les droits qu’elle exerce maintenant sur le budget des communes. Voici comment les choses se passent : Le conseil examine, discute et vote le budget et l’envoie à la députation. La députation l’examine à son tour, le règle comme elle l’entend, diminue telles ou telles dépenses qui ne lui conviennent pas, arrête le budget comme il lui convient et l’envoie au collège, clos et arrêté pour exécution. Je vous demande si c’est là ce que vous voulez.

Pour moi, je pense que cet état de choses doit être remplacé par celui résultant de l’amendement de M. Dubus. Je crois que cet amendement a été suffisamment justifié, et qu’il doit être adopté par la chambre.

M. Dumortier, rapporteur. - Je pense, pour moi, que vous ne pouvez permettre à la députation de modifier et d’amender un article du budget qui ne se rapporterait pas à des dépenses obligatoires. S’il s’agit de telles dépenses, la députation les portera dans le budget, si elles y ont été omises ; les augmenter, si la somme portée au budget n’est pas suffisante ; car il ne faut pas que la commune se mette au-dessus de la loi. Mais s’agit-il de dépenses facultatives ? alors ce ne sont plus que des intérêts communaux ; or, les intérêts communaux doivent être gérés par le conseil communal. Vous ne pouvez donc autoriser la députation à les gérer. On ne peut intervenir dans les actes de la commune, aux termes de la constitution, que pour empêcher qu’elle ne blesse l’intérêt général et qu’elle ne sorte de ses attributions. Hors de là, vous n’avez pas le droit de faire intervenir la députation dans les intérêts communaux.

J’appuie donc la proposition de mon honorable ami, et je puis le faire sans tomber dans la contradiction qu’a signalée M. le ministre de l’intérieur. Tout à l’heure j’ai fait une proposition tendant à empêcher que la commune pût se ruiner par des emprunts. Maintenant j’appuie la proposition de mon honorable ami, tendant à ce que la commune ait pleine liberté, en ce qui concerne les dépenses facultatives. Est-ce là une contradiction ? Assurément non ! Nous voulons laisser la commune gérer ses intérêts, toutes les fois qu’il n’y a pas nécessité absolue d’intervenir ; mais nous ne voulons pas que la commune se ruine. Si je suis en contradiction pour appuyer ces deux propositions, M. le ministre de l’intérieur, qui les a combattues toutes deux, est évidemment tout aussi bien en contradiction, mais en sens inverse.

Je reviens à l’article en discussion. La constitution a décidé que les intérêts communaux doivent être gérés pour les conseils communaux. Dès lors vous ne pouvez autoriser la députation à modifier un article voté par le conseil communal. En effet, sur quoi repose le droit dont ont été investis jusqu’à ce jour les états provinciaux, pour réduire à leur gré les dépenses communales ? Sur l’art 56 de la loi fondamentale portant :

« Les administrations locales sont tenues de soumettre aux états provinciaux leurs budgets des recettes et dépenses, et de se conformer aux décisions qu’ils prendront à cet égard. »

C’est en vertu de cette disposition qui restera en vigueur jusqu’à ce que la loi ait pourvu à de nouvelles attributions provinciales et communales que les états provinciaux ont été investis du pouvoir de réduire les dépenses communales à leur gré. Mais la constitution a-t-elle reproduit cet article de la loi fondamentale- ? Non ; elle l’a supprimé ; et elle ne l’a pas supprimé sans intention ; elle n’a pas voulu que ce système fût continué en présence des abus qui avaient résulté de l’application de l’article de la loi fondamentale. On avait vu, dans plusieurs provinces, les états réduire des dépenses dont la commune sentait le besoin ; on avait regardé comme un grief que l’administration provinciale réglât définitivement les budgets communaux.

Si l’administration provinciale peut amender les articles d’un budget, elle a le droit d’amender également tous les règlements communaux. Alors, il faut retrancher de la constitution l’article qui dit que les intérêts communaux sont gérés par la commune.

Quant à moi, je pense que la députation doit intervenir dans les dépenses obligatoires, mais nullement dans les dépenses facultatives. Pour ces dépenses, la commune est libre ; elle a le droit d’user, et par suite le droit d’abuser. Si d’ailleurs le conseil abuse, les électeurs pourront ne pas les réélire.

Il est certain que si vous n’introduisez aucune disposition dans la loi, la députation n’aura pas le droit de modifier le budget ; mais, si vous voulez lui donner ce droit pour les dépenses obligatoires, ne le lui donnez pas au moins pour les dépenses facultatives. Car ce serait contraire à la constitution.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - L’honorable préopinant prétend que les députations des états auraient abusé de la faculté que leur accordait l’ancienne loi fondamentale, en fait de budgets communaux. C’est là une erreur véritable. Les députations ne sont pas portées à empêcher les dépenses des communes.

Mais ce dont on s’est plaint plus d’une fois, c’est que des députations ont porté au budget des communes des dépenses qui n’étaient pas votées par les conseils communaux. C’est là ce que nous ne voulons pas, ou au moins ce que nous ne voulons que pour les dépenses déclarées obligatoires par la loi, dans les limites que vous avez tracées dans la séance d’hier.

Mais il est dans l’intérêt bien entendu de la commune que la députation puisse réduire les dépenses proposées par le conseil ; je dis que la commune a une garantie suffisance dans la faculté de recours au Roi contre une décision de la députation qui rejetterait une dépense du budget, parce que le gouvernement pourrait prendre en considération les motifs que la commune ferait valoir contre la décision de la députation.

En soutenant ce système, nous sommes conséquents avec celui que nous avons défendu, quant aux emprunts. Nous avons dit que lorsque le conseil communal a délibéré un emprunt, qui est approuvé par le Roi après avoir reçu l’avis de la députation des états, il y a garantie suffisante. Mais nous disons qu’il n’y aurait pas garantie suffisante si l’on forçait la main à la députation, si on ne lui laissait pas son libre arbitre pour réduire les dépenses : je crois que ce système est entièrement conséquent.

Si vous adoptez l’amendement, la députation sera forcée d’admettre des dépenses élevées, sous peine, si elle ne le fait pas, de devoir rejeter des dépenses reconnues nécessaires ou utiles.

Je crois qu’il est de l’intérêt de la commune que la députation ne soit pas restreinte dans les limites que voudrait tracer M. Dubus.

M. Dubus. - J’avoue que si je m’attendais à quelque chose, ce n’était pas à voir ma proposition rencontrer de l’opposition dans l’assemblée.

Il est résulté de la discussion d’hier la conviction que vous ne pouviez, sans violer la constitution, autoriser la députation à modifier un article du budget voté par le conseil, à moins que le chiffre de la dépense ne fût fixé par la loi, mais qu’il était utile d’autoriser la députation à refuser son approbation à certains articles et à approuver le budget pour le surplus. C’est d’après cela que j’ai rédigé mon amendement. Mais maintenant je vois que M. le ministre de l'intérieur ne veut rien de l’amendement.

Il veut donner carte blanche à l’administration provinciale ; il veut lui donner le droit de refuser le budget et de l’imposer à la commune ; car, remarquez-le, c’est là ce qui résulte des doctrines de M. le ministre. Selon lui, il faut laisser toute latitude à la députation provinciale. Il me semblait cependant que lui donner la faculté de rejeter un ou plusieurs articles et d’approuver le budget pour le surplus, suffisait à tous les cas possibles ; et il ne faut pas que la députation puisse imposer une dépense à la commune et rendre l’article exécutoire sans le vœu du conseil.

Quand même il serait vrai que l’amendement donne lieu à quelques inconvénients, si le système contraire blesse la constitution, il faudrait préférer le système de l’amendement ; car la question qui doit dominer toutes les autres, c’est la question constitutionnelle.

La constitution attribue aux conseils provinciaux et communaux tout ce qui est d’intérêt provincial et communal, sauf l’approbation de l’autorité supérieure, dans les cas et de la manière déterminée par la loi.

Que résulte-t-il de là ? Que l’autorité supérieure pourra modifier les articles du budget ? Aucunement. Mais elle pourra approuver ou rejeter un article, dans les cas où la loi détermine que l’approbation est requise.

Lorsqu’un conseil communal a fait un règlement, la députation provinciale a le droit de l’approuver ou de le rejeter, mais elle n’a pas le droit de le modifier. Ce qu’on ne veut pas pour un règlement, on le voudrait pour un article de dépense !

Remarquez que si vous admettez la doctrine de M. le ministre, il faudra admettre que les règlements des conseils, dans le cas où ils sont soumis à l’approbation de la députation et même à l’approbation royale, pourront être modifiés par l’autorité supérieure, et qu’ainsi l’autorité supérieure pourrait imposer à la commune un règlement qu’elle n’aurait pas voté.

M. le ministre dira : Je ne demande pas cela. Mais je lui répondrai : L’article 3 de la loi, que nous avons voté, est rédigé de la même manière pour l’approbation des budgets que pour l’approbation des règlements, et pour tous les autres cas où l’approbation supérieure est requise.

De même, l’article 102 est conçu dans des termes tout semblables pour les actes soumis à l’approbation royale. Dans ce système, l’autorité supérieure pourra imposer aux communes un autre système, un tout autre règlement que celui que le conseil aura voulu, et cela sans consulter le conseil ; car, ce que l’autorité supérieure, soit le gouvernement, soit la députation, ne peut faire à l’égard des actes dont je viens de parler, elle ne peut le faire à l’égard des budgets, puisque la disposition est la même.

Je crois qu’il est nécessaire de dire dans la loi que la députation pourra retrancher un article des dépenses facultatives et approuver le budget pour le surplus. Sans quoi, de la manière dont l’article 3 est rédige, elle ne le pourrait pas. Puisque l’on donne le droit d’approuver, c’est donner le droit de désapprouver une partie ; la proposition que je fais est tout à fait nécessaire.

Il me semble, messieurs, que la question constitutionnelle ne peut présenter de doutes sérieux. J’ai fais voir jusqu’où irait le système de M. le ministre. D’une autre part, j’ai déjà dit, et je ne crois pas que l’on puisse contester cette assertion, que celui-là seul a droit d’amender qui a droit de voter. Ainsi vous ne pouvez accorder à la députation le droit de modifier une seule des dépenses de la commune.

Je n’en excepte qu’un cas, c’est celui où le conseil n’aurait pas à délibérer, la loi ayant parlé, ayant fixé le chiffre.

M. le ministre a parlé d’inconvénients.

J’ai déjà dit que l’on ne pouvait entrer dans la question des inconvénients, quand la constitution a parlé.

D’ailleurs, ces inconvénients sont imaginaires. Le système tend à faciliter les dépenses de la commune, dit M. le ministre. En aucune manière ; toutes les fois que la députation trouvera la dépense excessive, elle refusera son approbation. Comme je l’ai déjà dit, rien n’empêche dans mon amendement qu’elle ne retranche en entier l’article qu’elle trouvera excessif. C’est alors le conseil qui délibérera de nouveau, et votera une dépense additionnelle modifiée, s’il la croit nécessaire.

Je ne conçois pas sous quel rapport cela peut présenter le moindre inconvénient.

M. le ministre avoue que quant aux règlements, il faudra qu’il en soit ainsi, que la députation ne pourra qu’approuver le règlement en entier ou le rejeter en entier, sauf au conseil à le modifier.

Pourquoi n’en serait-il pas de même pour les budgets, surtout si, par ma proposition, la députation peut rejeter un ou plusieurs articles, et approuver le surplus ?

Les articles d’un règlement forment un tout indivisible.

Il n’en est pas de même des budgets.

Un même article de dépenses fera aussi un tout indivisible. Le conseil a voulu voter tel chiffre et non pas voter tel autre. Vous ne devez pas imposer aux communes une autre dépense.

On a cité les constructions. On a dit que la députation avait le droit de modifier le plan et d’en substituer un autre.

C’est ce qui ne peut se soutenir. Si la députation n’approuve pas le plan de construction, elle peut le rejeter. Elle fait ses observations sur les modifications qu’elle désire. Il doit en être de même pour un article de dépense.

Je dois une explication à la chambre pour motiver une disposition particulière de l’amendement que je viens de présenter. En prenant pour principe que le budget doit être approuvé tel qu’il a été voté, sanas modification d’aucun article de dépense, je fais exception pour les dépenses obligatoires dont le chiffre est fixé par la loi ou par les règlements faits en vertu des lois.

Il y a des règlements auxquels même la loi provinciale se réfère à cause de certaines dépenses obligatoires, notamment des fonctionnaires de la commune, du bourgmestre, des échevins, du secrétaire, du receveur, etc.

Ce sont des dépenses fixées par des règlements faits en vertu des lois, puisque la loi même y pourvoit. C’est la même chose que si la loi avait fixé les traitements. Si le conseil portait une somme supérieure ou inférieure, dans ce cas, comme la loi a parlé, comme le conseil n’a plus à délibérer, la députation aurait le droit de porter, dans le budget communal, la dépense au taux fixé par la loi.

Hors ce cas, je n’admets pas que la députation puisse modifier un seul article.

M. Lebeau. - Ce n’est pas du tout dans l’intérêt des prérogatives de la députation provinciale que je combats l’amendement de l’honorable M. Dubus.

Je crois que, par cela seul qu’on confère à la députation le droit de refuser un article du budget communal, vous aurez fait, pour ses prérogatives, tout ce qu’on peut raisonnablement désirer.

Cela est évident. Mais si je prends la parole, c’est dans l’intérêt même des communes, contre lequel, je ne crains pas de le dire, irait directement l’amendement de l’honorable préopinant.

L’amendement occasionnerait, au préjudice des administrations des communes rurales, un surcroît inutile d’écritures, des lenteurs, une véritable bureaucratie.

Qu’arrive-t-il aujourd’hui ?

Les budgets des communes sont formulés de la matière suivante :

1ère colonne : Dépenses de l’année antérieure, article par article.

2ème colonne : Dépenses de l’exercice auquel le budget s’applique.

3ème colonne : Contenant l’approbation définitive par la députation.

Que fera la députation si vous lui enlevez le droit de diminuer un chiffre, si vous l’obligez à l’admettre tout entier ou à le rejeter ? Au lieu de porter le chiffre qu’elle croit convenable, elle dira : « La députation est prête à allouer telle somme, » et elle rejettera provisoirement le tout et renverra le budget.

Si pendant cinq années le conseil, d’accord avec la députation, a fixé le traitement d’un instituteur, et que, parce que cet instituteur aura plu à telle notabilité qui influencera le conseil (c’est ce qui arrivera souvent), ce traitement soit doublé dans le budget, lorsque la députation aura la conviction que ce traitement est exagéré, qu’il n’est pas mérité, que c’est le résultat d’un favoritisme local, faudra-t-il qu’elle refuse le tout ? Si elle agit ainsi, voilà l’instituteur privé de son traitement pendant plusieurs mois, d’un traitement qui lui sert à subvenir aux besoins de sa famille. Voilà provisoirement l’école désorganisée.

Il en sera de même pour le traitement du garde champêtre. Le traitement de ce garde champêtre sera augmenté, non parce qu’il aura montré de la sévérité, mais parce qu’il aura peut-être fermé les yeux sur tel délit de chasse, sur telle emprise de terrain communal. La députation ne pourra diminuer un traitement qu’elle saura trop élevé ; elle devra le rejeter ; en attendant que le budget retourne au commissariat d’arrondissement, de là au conseil, et revienne par le même circuit à la députation, le garde manquera de pain.

Vous forcerez ainsi le conseil à faire un second budget. Déjà aujourd’hui que les communes n’ont qu’un budget à envoyer, c’est quelquefois tout au plus si, au bout du huitième, du dixième mois, on peut, à grande force de lettres de rappel, les déterminer à le faire parvenir à la députation. Cependant l’administration provincial ne peut pas ruiner les autorités communales en leur envoyant des commissaires spéciaux à leurs frais.

L’amendement de l’honorable M. Dubus est d’ailleurs inexécutable pour la plupart des dépenses obligatoires.

Eh bien, la plupart des dépenses obligatoires sont de telle nature qu’il est impossible, ni aux lois, ni aux règlements, d’en déterminer le taux d’une manière permanente.

Si le traitement du bourgmestre, du secrétaire, du receveur, peut être fixé par une loi ou un règlement, il n’en est pas de même de beaucoup de dépenses obligatoires, par exemple des secours à accorder aux fabriques d’églises et aux consistoires, des dépenses relatives à la police de sûreté, des indemnités aux ministres des cultes pour leur logement, des frais d’impression pour les élections communales, des bâtiments communaux, etc. Tout cela est éventuel.

Une fabrique, par exemple, éprouvera une pénurie momentanée. C’est une position toute particulière. Elle est obligée de payer les frais d’un procès ruineux. Voulez-vous que la députation ne puisse majorer la dépense portée de ce chef au budget communal, et qu’elle doive rejeter le tout ?

M. Dubus. - Présentez un sous-amendement.

M. Lebeau. - Si, comme je ne puis en former aucun doute, l’honorable préopinant est uniquement préoccupé de scrupules constitutionnels, s’il pense que pour que les dépenses communales facultatives soient légitimes, il faut qu’il y ait le concours de deux volontés, peu importe dans quel ordre ces deux volontés seront manifestées, il y a moyen de lui donner plein apaisement.

L’amendement suivant lèverait tous les scrupules et assurera les droits du conseil en maintenant les avantages pratiques reconnus par tous ceux qui ont été appelés à entretenir des relations fréquentes avec les administrations communales :

« Toute allocation pour dépenses facultatives qui aura été réduite par la députation permanente du conseil provincial ne pourra être dépensée par le collège des bourgmestre et échevins sans une nouvelle délibération du conseil communal qui l’y autorise. »

Je réponds en outre ainsi à une principale objection qu’a faite l’honorable M. Gendebien. Il a cité un fait. Il a supposé que le conseil allouât 100,000 fr. pour une caserne, et que la députation n’en accordât que 50,000, que le collège s’obstinât a dépenser ces 50,000. Il a avoué lui-même qu’il n’était pas probable que ce cas se présentât. Mais encore faut-il tout prévoir dans la loi.

Mon amendement pare cet inconvénient, et garantit que l’on ne peut dépenser un sou sans le concours des deux volontés. Dès que ce concours existe, peu importe que l’opinion du conseil se soit exprimée après ou avant celle de la députation provinciale.

Je crois, messieurs, avoir été au-devant des scrupules des honorables préopinants. Et quant à l’amendement de M. Dubus, cet honorable membre avait reconnu qu’il était inexécutable.

M. Dubus. - Il suffit, pour détruire les objections dont mon amendement a été l’objet, d’ajouter, après les mots « sans modification de dépenses, » ceux-ci : « autres que les dépenses obligatoires. » Cependant je me rallierai à l’amendement de M. Lebeau qui remplit mon but.

M. Gendebien. - Il me semble que l’amendement de M. Lebeau satisfait aux observations faites hier et à celles de M. Dubus. Mais je ne vois pas pourquoi on m’admettrait pas la même règle pour les dépenses obligatoires ; car, il y a aussi des dépenses obligatoires qui peuvent changer chaque année, qui sont susceptibles de majoration et de diminution de la part de la députation provinciale ; il ne faudrait pas faire de distinctions entre les dépenses facultatives et les dépenses obligatoires. Je n’en vois pas le motif.

Il y a obligation pour les communes de faire les dépenses énumérées à l’art. 58 ; cependant, parmi ces dépenses, il en est dont les évaluations seront différentes d’une année à l’autre. Par exemple, les frais mis à la charge des communes par la loi sur l’instruction publique, non plus que les secours aux fabriques, consistoires, etc., ne sont pas des dépenses fixes. Elles ne sont réglées par aucune loi. Elles peuvent augmenter ou diminuer.

La députation est appelée chaque année à examiner si les dépenses portées aux budgets des communes sont trop exagérées ou sont insuffisantes, pour les porter au taux convenable. Je ne vois pas pourquoi on n’étendrait pas aux dépenses obligatoires la disposition proposée pour les dépenses facultatives. L’obligation de porter les premières aux budgets des communes existerait toujours, mais ce serait pour leur évaluation.

M. Lebeau. - Ceci est tout autre chose. C’est une question jugée. L’art. 60 porte que, pour les dépenses obligatoires, la députation provinciale peut se substituer à la volonté du conseil communal.

Il ne peut pas dépendre d’un conseil communal que la loi soit exécutée ou ne le soit pas. La députation peut se substituer au conseil, si le conseil veut s’établir en état de rébellion envers la loi. La question est jugée, il n’y a pas lieu d’y revenir.

M. Gendebien. - Je sais bien que la députation peut forcer une commune à porter à son budget un article de dépense obligatoire ; mais il y a des points sur lesquels la commune peut être légitimement en désaccord avec la députation.

M. Lebeau. - Elle a son recours au Roi.

M. Gendebien. - Pourquoi obliger une commune à avoir recours au Roi, quand une simple délibération du conseil suffirait pour la mettre d’accord avec la députation ?

Il est bien entendu, je le répète, que l’article 58 sera exécuté, mais il est impossible de méconnaître qu’il y a des évaluations à faire chaque année sur les paragraphes de l’article 58. Si on croit qu’il vaut mieux laisser étourdir le gouvernement central par des réclamations qu’on pourrait éviter par une simple délibération, c’est l’affaire du ministère plutôt que celle de la chambre ; c’est à lui à voir s’il veut se créer un surcroît de besogne inutile.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - L’amendement que présente l’honorable préopinant détruirait l’article 60 que nous avons voté. L’inconvénient qu’il signale n’existe pas. La députation provinciale, quand elle le jugera utile, demandera des éclaircissements au conseil communal avant de fixer les dépenses obligatoires. C’est le mode de procéder qui a été constamment suivi dans les cas de cette nature.

M. Gendebien. - Je concevrais l’observation de M. le ministre, si la loi contenait une disposition obligeant la députation à se mettre en rapport avec le conseil communal, pour déterminer le quantum d’une dépense obligatoire : mais non seulement la loi ne prescrit pas cela, mais la disposition que vous adoptez l’exclut. En effet, si vous donnez à la députation le droit de réduire des dépenses facultatives, sauf à renvoyer au conseil communal, vous reconnaîtrez à la députation le droit de régler définitivement ces dépenses obligatoires, sans recours ultérieur à la commune.

Je conviens que le cas que je veux prévoir sera très rare ; mais je dis qu’il y a la même raison pour appliquer l’amendement de M. Lebeau aux dépenses obligatoires comme aux dépenses facultatives, et que les explications qu’on a données ne lèvent pas les doutes que j’ai soumis à l’assemblée.

- L’amendement de M. Lebeau est mis aux voix et adopté.

L’art. 68 ainsi amendé est également adopté.

Article 69

« Art. 69. les comptes doivent être transmis chaque année à la députation provinciale, avant le 1er juillet pour les communes placées dans les attributions des commissaires d’arrondissement, et avant le 1er octobre pour les villes.

« Les budgets doivent être transmis avant le 1er octobre pour les communes placées dans les attributions des commissaires d’arrondissement, et avant le 1er décembre pour les villes.

« La députation enverra des commissaires aux frais personnels des autorités communales qui seraient en retard de satisfaire à cette obligation.

M. Dubois propose de substituer au deuxième paragraphe le 15 au 1er octobre, et le 10 au 1er décembre.

- Ces amendements sont adoptés, ainsi que l’article amendé.

Article 70 et 71

« Art. 70. Lorsque, par suite de circonstances imprévues, une administration communale aura reconnu la nécessité de faire une dépense qui n’est pas allouée à son budget, elle en fera le sujet d’une demande spéciale à la députation provinciale. »

- Adopté.


« Art. 71. Aucun paiement sur la caisse communale ne peut avoir lieu qu’en vertu d’une allocation portée au budget, arrêtée par la députation provinciale, ou d’un crédit spécial approuvé par elle.

« Aucun article des dépenses du budget ne peut être dépassé, et aucun transfert ne peut avoir lieu sans le consentement exprès de la députation. »

- Adopté.

Article 72

« Art. 72. Toutefois le conseil communal peut pourvoir à des dépenses réclamées par des circonstances impérieuses et imprévues, en prenant à ce sujet une résolution motivée qui doit être adressée sans délai à la députation provinciale.

« Dans le cas où le moindre retard occasionnerait un préjudice évident, le collège des bourgmestre et échevins peut, sous sa responsabilité, pourvoir à la dépense, à charge d’en donner, sans délai, connaissance au conseil communal et à la députation provinciale. »

- Adopté.

M. Dubus. - J’ai à soumettre une observation sur cet article. Dans le premier paragraphe on permet au conseil de pourvoir à des dépenses réclamées par des circonstances impérieuses, et dans le deuxième paragraphe on donne la même faculté au collège de régence quand il y a une plus grande urgence, et que le moindre retard occasionnerait un préjudice évident à la commune. Ici c’est le collège qui vote la dépense, ce qui n’est pas conforme à la constitution.

On nous dit que le collège des bourgmestre et échevins peut, sous sa responsabilité, pourvoir aux dépenses ; mais on n’organise pas la responsabilisé ; on ne dit pas de quelle manière ils seront responsables. Il faudrait mettre à la fin du paragraphe : « à charge d’en donner, sans délai, connaissance au conseil communal qui délibérera s’il admet ou non la dépense, et à la députation provinciale, à fin d’approbation. » Alors la responsabilité serait réelle.

- L’amendement présenté par M. Dubus est adopté.

L’article 72 ainsi amendé est adopté.

Article 73

« Art. 73. Les mandats sur la caisse communale, ordonnancés par le collège des bourgmestre et échevins, doivent être signés par le bourgmestre ou par celui qui le remplace, et par un échevin ; ils sont contresignés par le secrétaire. »

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je demanderai si, dans les intentions de la section centrale, il faut nécessairement trois signatures ; s’il faut celle du bourgmestre, d’un échevin et du secrétaire ?

M. Dumortier, rapporteur. - Quand le bourgmestre est secrétaire, il signe et contresigne ; en demandant la signature d’un échevin, on a au moins deux signatures.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je crois que dans la discussion de la loi sur l’organisation du personnel, il avait été entendu que la signature de l’échevin ne serait nécessaire que lorsque le bourgmestre cumulerait les fonctions de secrétaire.

M. Dubus. - Si je ne me trompe, d’après les règlements en vigueur, il faut que le bourgmestre, le secrétaire et un échevin signent ; ainsi que cela se fait dans 2,700 communes en Belgique.

Plusieurs membres. - Non ! non !

M. Dubus. - La signature de l’échevin est une garantie de plus.

M. A. Rodenbach. - Il n’y a pas d’inconvénient à faire signer l’échevin ; c’est une garantie de plus, c’est une sûreté de plus.

M. Legrelle. - Cela ne sert à rien.

M. le président. - Voici la rédaction présentée par M. le ministre de l'intérieur : « Dans le cas où le bourgmestre cumule les fonctions de secrétaire, les mandats sont signés par l’échevin le premier dans l’ordre du tableau. »

- La rédaction proposée par la section centrale, mise aux voix, est adoptée.

Article 74

« Art. 74. Dans le cas où il y aurait refus ou retard d’ordonnancer le montant des dépenses que la loi met à la charge des communes, la députation, après avoir entendu le conseil communal, en délibère et ordonne, s’il y a lieu, que la dépense soit immédiatement solder.

« Cette décision tient lieu de mandat, et le receveur de la commune est tenu, sous sa responsabilité personnelle, d’en acquitter le montant. »

- Adopté.

Chapitre VII. Des actions judiciaires
Article 75

« Art. 75. Toute commune ou section de commune, pour ester en justice, soit en demandant, soit en défendant, devra se pourvoir de l’autorisation de la députation provinciale, sauf le recours au Roi en cas de refus d’autorisation.

« Toutefois les bourgmestre et échevins peuvent, avoir d’avoir obtenu cette autorisation, intenter ou soutenir toute action possessoire et faire tous actes conservatoires ou interruptifs de la prescription et des déchéances. »

M. Dubus. - Il est un cas où il serait peut être utile d’obtenir recours contre la délibération de la majorité. Je désirerais que la minorité, quand elle veut répondre des frais du procès, puisse obtenir que l’appel ait lieu… J’avais pris des notes sur cet article je ne les retrouve plus... Je retire mon observation.

M. Dumortier, rapporteur. - Je crois que quand la commune veut appeler du jugement de première instance, il faut un nouvelle autorisation.

Les ministres. - Oui ! oui !

- L’article 75 est adopté.

Article 76

« Art. 76. Dans tous les cas l’autorisation doit être accordée si un ou plusieurs habitants offrent, sous caution, de se charger personnellement des frais du procès et de répondre des condamnations qui seraient prononcées contre la commune ou la section.

« La députation permanente est juge de la suffisance de la caution. »

M. Dubus. - L’article 75 ne s’applique qu’à l’autorisation de poursuivre en première instance ; celui-ci est relatif à l’appel. Je voudrais bien qu’il fût modifié de manière que si la minorité du conseil communal veut appeler en répondant des frais, elle y soit autorisée.

M. Demonceau. - Dans la pratique il n’est pas admis qu’une commune puisse plaider en appel sans autorisation, quand même elle aurait gagné son procès.

M. Dumortier, rapporteur. - La section centrale qui a examiné le premier projet discuté dans cette enceinte comprenait l’article différemment. Elle pensait qu’il suffisait qu’une commune fût autorisée une seule fois pour ester en justice.

Je ne dis pas que cette disposition soit la meilleure. C’est aux jurisconsultes qui sont dans cette chambre à décider la question.

M. Dubus. - Je ne partage pas dans cette circonstance l’avis de la première section centrale. Les procès qui peuvent devenir les plus ruineux pour les communes sont ceux qui vont en appel et en cassation ; et si une autorisation est nécessaire pour aller en première instance, elle est à plus forte raison nécessaire pour aller en appel et en cassation.

Je ne comprendrais pas que la commune pût être dispensée d’autorisation pour chaque degré de juridiction.

Je conçois très bien que c’est l’idée qu’on a voulu rendre. On ne peut pas exiger d’autorisation préalablement à la notification. Mais dès que la notification a été faite à la commune, il faut absolument qu’elle soit autorisée.

M. Gendebien. - Si l’on ne dit rien de plus à l’art. 75, il pourra y avoir du doute sur le sens qu’on doit y donner. On a cité ce qui se pratique maintenant. Mais il ne s’agit pas de savoir ce qui se fait maintenant ; il s’agit de savoir ce que l’on veut faire.

Pour lever toute espèce de doute, je proposerai d’ajouter dans le second paragraphe de l’art. 75 les mots : « pour chaque degré de juridiction. » Le second paragraphe de cet article serait alors ainsi conçu :

« Toutefois les bourgmestre et échevins peuvent, pour chaque degré de juridiction, avant d’avoir obtenu cette autorisation, intenter ou soutenir toute action possessoire et faire tous actes conservatoires ou interruptifs de la prescription et des déchéances. »

M. Fallon. - C’est une affaire de rédaction.

M. le ministre de la justice (M. Ernst). - C’est cela ; que l’article soit admis sauf rédaction.

M. Dubus. - Je proposerai la disposition additionnelle que voici. Au second vote elle pourra être introduite dans l’art. 75. De cette manière le règlement sera observé.

« Si le procès est porté soit en appel, soit en cassation, la commune ne peut ester en justice qu’après avoir obtenu une nouvelle autorisation. »

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - M. Gendebien avait indiqué un amendement qui me semble beaucoup plus simple. Il avait proposé d’intercaler dans l’article ces mots : « pour chaque degré de juridiction. »

M. Raikem. - Messieurs, l’article du gouvernement et de la section centrale me semble dire tout ce que l’on peut désirer. Ester en justice implique aussi bien l’instance en appel qu’en première instance, que le pourvoi en cassation.

Si l’on veut spécialiser tous les cas, n’est-il pas à craindre qu’on en omette quelques-uns ? Il y a des voies extraordinaires pour se pourvoir contre les jugements. Il est bien difficile de les mentionner toutes dans une loi.

Si l’on veut modifier l’article, ce que je ne crois pas nécessaire, on ne peut le faire à l’improviste ; il faut attendre jusqu’au deuxième vote.

La proposition de M. le ministre des finances rendrait la proposition tout à fait incomplète. Elle n’impliquerait que deux degrés de juridiction, la première instance et l’appel. La cassation n’est pas un degré de juridiction.

Je suis d’avis qu’il y a lieu de le maintenir tel qu’il est, parce que sa rédaction pourvoit à tout.

- L’article additionnel est mis aux voix.

M. Dubus. - Je propose d’ajouter les mots : « par la commune. »

M. Raikem. - Cet amendement est inutile, nous avons la même disposition dans le code civil pour la femme mariée. Il faut que son mari l’assiste, lui donne son autorisation pour qu’elle puisse ester en justice, et il lui faut cette autorisation pour tous les degrés de juridiction. Dès que nous avons établi que la commune ne pourrait ester en justice sans l’autorisation de la députation, cette autorisation est nécessaire pour tous les degrés de juridiction.

Je crois qu’en énumérant, au lieu d’étendre l’article, nous le restreindrions.

- L’amendement est mis aux voix. Il n’est pas adopté.

Articles 76 et 77

M. le président. - Article 76.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je demande qu’on vote l’art. 77 avant l’art. 76.

« Art. 77. Lorsqu’il s’agit d’une contestation judiciaire entre une section de commune et la commune ; ou une autre section de la même commune, une commission est désignée par la députation provinciale parmi les notables de la section.

« Cette commission, après avoir obtenu l’autorisation requise de la députation provinciale, est chargée de suivre l’action devant les tribunaux. »

- Adopté.


« Art. 76. Dans tous les cas l’autorisation doit être accordée si un ou plusieurs habitants offrent, sous caution, de se charger personnellement des frais du procès et de répondre des condamnations qui seraient prononcées contre la commune ou la section.

« La députation permanente est juge de la suffisance de la caution. »

M. Gendebien. - Je ne sais s’il est convenable d’adopter cet article. J’y vois de graves inconvénients. Il résulte de cet article que la députation provinciale sera forcée bon gré mal gré de laisser intenter un mauvais procès, alors qu’elle sera convaincue qu’il est mauvais. Je ne sais pas s’il convient de forcer une haute magistrature à autoriser, malgré sa conscience, une commune à plaider. Comment ! parce qu’il plaira à quelques personnes puissantes dans une commune de maltraiter un malheureux, et qu’elles voudront lui faire intenter un mauvais procès, la députation ne pourra pas l’empêcher ! Cela n’est pas admissible. De deux choses l’une, ou le procès sera bon ou il sera mauvais. S’il est bon, la commune trouvera moyen de le soutenir ; s’il est mauvais, il ne faut pas qu’il soit intenté.

Si des particuliers veulent se charger personnellement des frais, ce sera une raison pour que la députation accorde l’autorisation ; mais il ne faut pas lui faire une obligation de l’accorder dans tous les cas.

Si la commune n’a pas le moyen de soutenir le procès, et si des personnes se présentent pour payer les frais, dites que l’autorisation pourra leur être accordée de faire les poursuites nécessaires ; car vous n’avez ici rien à craindre pour la commune dans le cas de non-succès. Veuillez, je vous prie, réfléchir sur ceci. Vous ne pouvez admettre l’article tel qu’il est : il compromet la dignité de la députation provinciale, en l’obligeant à donner son autorisation sans délibérer ; et il peut être fatal au malheureux que des personnes puissantes voudraient poursuivre, puisque la députation n’aurait pas la faculté d’examen et de refus.

M. Coghen - Je voulais présenter les mêmes observations que vient de développer l’honorable M. Gendebien. Il serait dangereux d’obliger la députation des états à accorder la faculté de plaider contre un particulier. Vous permettriez qu’au nom d’une commune on ruinât un malheureux qui déplairait à quelques hommes puissants dans cette commune. Au lieu des mots « doit accorder, » je crois qu’il faut mettre les mots « peut accorder. »

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - L’art. 76 n’est pas mis dans la loi pour rendre plus faciles les vexations, mais pour assurer la conservation des intérêts de la commune ; et c’est dans ce sens qu’il sera appliqué. Quelquefois les communes tolèrent des emprises sur les chemins vicinaux, tolèrent des empiétements sur le territoire communal, parce que le conseil ne veut pas faire la dépense nécessaire pour réclamer devant les tribunaux : cependant, comme tous les habitants ont intérêt à ce que les propriétés communales soient respectées, il faut laisser ceux des citoyens qui sont dans le cas de fournir à tous les frais d’un procès, faire les poursuites convenables, car le gain du procès profite à tous.

Je ne m’oppose cependant pas à ce que l’on écrive « peut » au lieu de « doit. »

M. Raikem. - Si l’on substitue le mot « peut » au mot « doit, » alors il faut que l’on conserve aux particuliers le recours au Roi.

Il faut aussi consulter l’expérience. Il n’est pas commun de voir intenter des actions pour vexer les particuliers ; ces cas sont rares ; car il faut reconnaître que les tribunaux et les cours rendent une justice exacte, tellement que celui qui intente un mauvais procès sait à quoi il s’expose. Il s’expose à payer les frais qui peuvent être considérables. Mais il peut arriver qu’un particulier ait un grand intérêt à intenter une action, et que le conseil communal n’ait aucun intérêt à l’intenter, ne veuille pas même qu’elle soit intentée,

Par exemple, on sait que les chemins communaux appartiennent à la commune ; l’autorité communale doit intenter une action pour faire déclarer communal un chemin qui l’est réellement, et qui est réclamé par un ou plusieurs habitants comme leur propriété. Mais le conseil peut être composé de telle manière qu’il ne veuille pas que l’action soit intentée ; que la majorité du conseil dise que la commune n’a pas intérêt à l’intenter, qu’il en résulterait un procès douteux qui exposerait la commune à supporter des frais considérables. Cependant les particuliers, auxquels ce chemin servirait, auraient grand intérêt à intenter cette action ; il faut donc leur donner cette faculté.

Si l’action n’est pas fondée, la députation ni le Roi n’autoriseront un particulier à l’intenter. Mais si elle est fondée, ou si seulement la question est douteuse, on doit autoriser le particulier à intenter le procès à ses frais.

M. A. Rodenbach. - L’observation de l’honorable M. Gendebien est assez fondée ; car il se pourrait que des chicaneurs se réunissent et voulussent intenter un procès. Cependant je crois que nous devons maintenir la proposition de la section centrale et du ministère, d’après les exemples que nous avons vus. Le préopinant en a cité ; je puis aussi en citer. Nous avons vu, dans une de nos grandes villes, en Belgique, le conseil communal allouer pour indemnité de pillages (il ne convient pas de dire dans cette enceinte à quelle occasion on avait pillé) une somme de 80,000 fr., alors que les pertes des dévastations ne s’élevaient peut-être pas au tiers de cette somme.

Lorsqu’on voit de pareilles décisions, ce pourrait être une spéculation que de se faire piller.

Je dis que si la majorité du conseil protégeait une opinion quelconque, et que si cette majorité persistait à ne pas vouloir aller en appel et en cassation, il serait très rationnel que des particuliers eussent la faculté d’intenter le procès à leurs frais.

Je pense donc que l’article de la section centrale doit être appuyé. Je voterai dans ce sens.

M. Gendebien. - On a beau dire, cela ne change rien à mon observation, Je présenterai un moyen tout simple de tout concilier.

Vous prétendez qu’un particulier peut avoir un intérêt à une question qui touche aux intérêts communaux ; il faut que ce particulier puisse plaider. Je le veux bien ; mais rédigez l’article dans un sens facultatif et non impératif.

Dites :

« Dans tous les cas, l’autorisation peut être accordée à un ou plusieurs habitants, s’ils offrent, sous caution, de se charger personnellement de frais, etc.. »

Tout ce que je veux éviter, c’est que vous fassiez une obligation à la députation d’autoriser une commune à soutenir un procès qu’elle croira injuste ou ruineux. »

M. Fallon. - Jusqu’à présent, je n’avais pas compris l’article comme on paraît l’entendre ; j’avais cru qu’il s’agissait seulement de venir au secours d’une commune qui voulait plaider, lorsque la cause était douteuse ; maintenant c’est à des particuliers que la députation accorderait l’autorisation de plaider. Nous ne pouvons établir un tel principe dans la loi communale.

Je ne puis consentir à admettre l’amendement de l’honorable M. Gendebien tel qu’il est rédigé.

M. Gendebien. - Je crois que l’objection que l’on fait à mon amendement s’applique également à l’article lui-même, car je ne fais que substituer une faculté à une obligation, le mot « peut » au mot « doit. »

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Messieurs, il y a ici deux cas distincts. Le premier, c’est celui du projet. Le conseil communal a délibéré et résolu qu’il intenterait une action. Dans ce cas, le projet porte que si une ou plusieurs personnes offrent personnellement de se charger des frais du procès et de répondre des condamnations qui pourraient être prononcées, la députation ne peut pas refuser à la commune l’autorisation de plaider.

Je ne vois pas de motif pour que la députation refuse son autorisation quand le conseil veut plaider et qu’il ne peut en résulter aucune charge pour la commune.

Mais il est un autre point qui est à prévoir, c’est le cas où un conseil communal refuserait de plaider, et laisserait faire des usurpations au préjudice de certains habitants, et où ces habitants demanderaient à intenter le procès à leurs frais au nom de la commune. Je proposerai pour ce cas la rédaction suivante :

« Un ou plusieurs habitants peuvent, au défaut du conseil communal, ester en justice au nom de la commune, moyennant l’autorisation de la députation du conseil provincial, en offrant sous caution de se charger personnellement des frais du procès, et de répondre des condamnations qui seraient prononcées contre la commune ou section.

« La députation est juge de la suffisance de la caution. »

De cette manière tous les intérêts sont complètement garantis. (Aux voix ! aux voix !)

- L’amendement de M. le ministre de l’intérieur est mis aux voix et adopté.

La discussion est renvoyée à demain.

La séance est levée à 5 heures trois quarts.