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Note
d’intention
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Chambre des représentants de Belgique
Séance
du mercredi 13 avril 1836
Sommaire
1) Pièces
adressées à la chambre
2)
Vérification des pouvoirs d’un membre de la chambre (Blargnies)
3) Projet
de loi relative aux travaux aux rives de la Meuse dans le Limbourg (Watlet, de Theux)
4) Projet
de loi relatif au canal de Zelzaete à la mer du Nord. Discussion générale. Port
d’Ostende (Donny, Dumortier),
lutte contre les inondations dans les Flandres, canal de Bruges à Ostende,
wateringues et polders, (éventuellement libre navigation de l’Escaut) (Lejeune, de Theux, Andries, Gendebien, Hye-Hoys, A. Rodenbach, Gendebien, Van Hoobrouck, Andries, Dumortier)
(Moniteur
belge n°105, du 14 avril 1836)
(Présidence de M. Raikem.)
M. Verdussen
procède à l’appel nominal à midi.
M. de Renesse
donne lecture du procès-verbal de la précédente séance ; la rédaction en est
adoptée.
M. Verdussen
fait l’analyse des pièces adressées à la chambre.
PIECES ADRESSEES A
« Les membres du tribunal de première instance
de Tongres demandent que ce tribunal soit élevé au rang des tribunaux de
première classe. »
_______________
« Le sieur P. Taelemans,
négociant à Bruxelles, demande que la partie de bois dont il s’est rendu
acquéreur, et qui est située sous Braine-Lalleud,
soit placée sous Rhode-Ste-Genèse. »
VERIFICATION DES
POUVOIRS D’UN MEMBRE DE LA CHAMBRE
M. le ministre
de l'intérieur (M. de Theux) communique à la chambre le
pièces relatives à l’élection de M. Blargnies, nommé récemment membre de
la chambre à Mons.
COMPOSITION DES
BUREAUX DES SECTIONS
M. Verdussen
fait connaître l’organisation des sections renouvelées. Voici cette
organisation :
Première section
Président : M.
de Behr.
Vice-président : M. de Mérode.
Secrétaire : M. Dequesne.
Membre de la commission des pétitions : M. Bosquet.
Deuxième section
Président : M. Coppieters.
Vice-président : M. Thienpont.
Secrétaire : M. Scheyven.
Membre de la commission des pétitions : M. Zoude.
Troisième section
Président : M.
Duvivier.
Vice-président : M. Dubus aîné.
Secrétaire : M. Jadot.
Membre de la commission des pétitions : M.
Hye-Hoys.
Quatrième section
Président : M.
Watlet.
Vice-président : M. Desmet.
Secrétaire : M. Beerenbroeck.
Membre de la commission des pétitions : M. Quirini.
Cinquième section
Président : M. Vanderbelen.
Vice-président : M. Lejeune.
Secrétaire : M. de Jaegher.
Membre de la commission des pétitions : M. Vuylsteke.
Sixième section
Président : M.
Desmaisières.
Vice-président : M. Milcamps.
Secrétaire : M. Kervyn.
Membre de la commission des pétitions : M. Morel-Danheel.
PROJET DE LOI
RELATIF AUX TRAVAUX AUX RIVES DE LA MEUSE DANS LE LIMBOURG
M. Watlet. - Je
demande la parole pour une motion d’ordre.
Messieurs, la chambre a ordonné hier l’insertion
dans le Moniteur d’un procès-verbal,
présenté par les ingénieurs, relativement aux réparations à faire aux rives de
Je rappellerai que la chambre a demandé
précédemment que le ministre nous communiquât les pièces qui se rapportent au
point de droit, c’est-à-dire à la question de savoir à qui incombe l’obligation
de pourvoir aux frais desdites réparations.
J’insisterai de nouveau pour que cette
communication nous soit faite avant la discussion du projet relatif à cet
objet. Nous saurons alors si c’est à titre de subside, d’avance, ou à tout
autre titre, que nous voterons la somme réclamée aujourd’hui.
M. le ministre
de l'intérieur (M. de Theux). - Le fond de la discussion se trouve dans
le texte des différentes lois et arrêtés déjà cités, et que chacun peut
consulter.
M. Watlet. -
Messieurs, vous savez que sous le régime précédent on avait l’habitude de
n’insérer au journal officiel (le Staats-Courant) que
celles des dispositions ceux des arrêtés royaux qui avaient un intérêt général.
Comme il ne s’agissait ici que d’un intérêt purement provincial ou local, les
arrêtés pris à ce sujet par le roi n’ont pas été insérés dans le Staat-Courant. Du moins, des pièces écrites qui ont été
communiquées à la section centrale l’année dernière.
M. le ministre
de l'intérieur (M. de Theux). - Messieurs, l’arrêté de 1819 qui fait le
fondement de la discussion, se trouve inséré au Bulletin officiel.
PROJET DE LOI RELATIF AU
CANAL DE ZELZAETE A
Discussion générale
M. Donny. -
Messieurs, l’honorable M. Lejeune, à qui la parole revient de droit, veut bien
me la céder pour quelques instants afin que je puisse rétablir certains faits
qui ont été exposés d’une manière assez peu exacte par l’honorable orateur qui
a parlé le dernier dans la séance précédente,
L’honorable M. Dumortier vous a dit que c’est
l’écoulement du canal d’Ostende qui a désensablé le port.
M. Dumortier. -
Je n’ai pas dit cela. Avant la séance, je m’étais plaint à MM. les questeurs de
la manière dont on a imprimé mon discours.
J’ai dit que le canal d’Ostende avait aussi servi à
l’écoulement des eaux et non à désensabler le port.
M. Donny. - Puisque
l’honorable M. Dumortier explique aujourd’hui la pensée qu’il a émise hier,
nous devons nous en tenir à son explication actuelle, bien que ma mémoire,
d’accord en cela avec le Moniteur, me
retrace les choses d’une manière toute différente.
Maintenant que l’honorable orateur ne soutient plus
que l’écoulement des eaux par le port d’Ostende est indispensable à
l’approfondissement de ce port, ma tâche se trouve considérablement simplifiée,
et je puis me borner à établir que, loin d’être avantageux au port, cet
écoulement lui est préjudiciable.
Il est impossible, messieurs, de faire marcher de
front l’écoulement des eaux dont il s’agit et le jeu efficace de l’écluse de
chasse construite par les Hollandais. La raison en est bien simple. Pour opérer
des chasses profitables au port, il faut nécessairement qu’il y ait une
différence assez considérable entre le niveau de la basse mer et le niveau des
eaux qu’on veut y déverser. Pour obtenir cette différence, il faut tenir ces
eaux aussi élevées que possible, et l’on conçoit que cette élévation met
obstacle à l’écoulement des eaux qui couvrent les terrains inondés. Si l’on
veut chasser d’une manière convenable, il faut arrêter l’écoulement ; si l’on
veut écouler les eaux intérieures, il faut suspendre le jeu de l’écluse
hollandaise, et lorsqu’on veut obtenir les deux effets à la fois, on ne fait
que perdre son temps et ses soins sans résultats utiles.
Je n’insisterai pas davantage sur ce point, puisque
nous sommes avec l’honorable M.
Dumortier. J’ai à dire quelques mots sur un autre objet.
M. Dumortier a dit, ou de moins le Moniteur lui a fait dire, que le port
d’Ostende était tellement mauvais, que d’après des lettres reçues d’Angleterre,
non seulement on ne voulait en aucune manière assurer à Londres pour Ostende,
mais encore qu’aucun capitaine ne voulait partir pour cette destination.
J’ignore, messieurs, jusqu’à quel point les
renseignements transmis à l’honorable membre sont conformes à la vérité ; mais,
en supposant, que l’écrivain anglais n’ait rien exagéré, en supposant que
pendant le gros temps, comme on dit, ou comme je dis, moi, pendant les tempêtes
effroyables qui ont régné dans nos parages, des assureurs et des capitaines
aient refusé de s’exposer aux dangers imminents et certains qu’ils avaient
devant les yeux, il n’y aurait là assurément rien d’extraordinaire. Mais ce
n’était pas le port d’Ostende qu’on craignait, c’était la tempête, c’était la
mer, les côtes quelles qu’elles fussent, et si l’on a refusé de partir pour
Ostende, on aurait refusé tout aussi bien de se mettre en route pour Anvers,
pour Dunkerque, pour Calais, en un mot pour un port quelconque.
La tempête a causé un
nombre considérable de sinistres ; on me dit qu’il y en a eu 376 ; eh bien dans
un temps pareil, aucun capitaine prudent ne s’aventure à prendre la mer ; il
n’y a guère que des casse-cou qui affrontent des dangers pareils.
Quoi qu’il en soit, il suffit qu’on ait manifesté à
cette tribune des doutes sur la sûreté actuelle du port d’Ostende, pour que le
gouvernement sente qu’il est de son devoir de prendre immédiatement des
renseignements sur le véritable état des choses. Je suis persuadé que non
seulement il s’empressera de se faire donner des éclaircissements sur ce point,
mais qu’il se hâtera aussi de porter un remède efficace au mal, si tant est
qu’il existe, chose dont, je l’avoue, je suis porté à douter.
Pour ne pas abuser de la complaisance de
l’honorable M. Lejeune, je n’entrerai pas dans la discussion du fond. Je dirai
simplement à M. Dumortier que s’il s’agissait réellement, comme il le suppose,
d’établir un canal à grande section, de créer une ligne de navigation parallèle
à celle qui existe par le port d’Ostende et les canaux qui viennent y aboutir,
je me porterais avec lui sur la brèche, pour repousser ce projet avec autant
d’énergie que lui-même ; et je suis persuadé que mon exemple serait suivi par
la plupart de ceux qui se montrent aujourd’hui les plus zélés soutiens du
projet actuel.
M. Lejeune. -
Messieurs, parmi les questions soumises à vos délibérations, celle du canal de
Zelzaete n’en pas la moins importante.
S’il est à regretter que cette question n’ait pas
été résolue depuis longtemps, nous devons reconnaître que le temps écoulé n’a
pas été entièrement perdu.
L’objet était d’un intérêt assez élevé pour être
bien mûri.
Les divers rapports et les renseignements fournis
sur la matière, l’examen auquel chacun de nous a pu se livrer, auront produit
maintenant leur effet.
Le projet du canal de Zelzaete est du nombre de
ceux sur lesquels l’action du temps est nécessairement favorable, parce qu’il
ne peut que gagner à être connu par une étude approfondie.
Le canal projeté doit fixer notre attention surtout
sous le rapport des motifs qui l’ont rendu nécessaire, sous le rapport de
l’exécution, et sous le rapport des avantages qu’il présente au pays.
En prenant part à cette discussion, je suis loin de
vouloir traiter la question dans toute son étendue ; d’autres honorables
membres sauront mieux s’acquitter de cette tâche. Pour moi, je me bornerai,
autant que possible, à ce qui se rattache plus particulièrement au district
dont je tiens mon mandat. J’épargnerai ainsi les moments de la chambre, tout en
accomplissant un de mes premiers devoirs, celui d’être ici l’interprète des
habitants du district d’Eecloo, qui, pour l’objet qui
nous occupe se sont adressés à vous si souvent et avec tant d’unanimité.
Sous le rapport de l’écoulement des eaux pluviales,
l’histoire de cette partie de notre Flandre, qui touche à
L’analogie qu’il y a entre la position de notre
pays vis-à-vis de
C’est depuis le traité de Munster (1648) que date
cette déplorable limite entre
Cette limite, définitivement fixée en 1664, est
encore la même aujourd’hui.
La révolution a fourni aux Belges l’occasion de
changer favorablement une frontière aussi désavantageuse ; mais, au lieu de
faire cette conquête qui eût été soutenue par l’intérêt et la sympathie du plus
grand nombre ses habitants, nous avons vu quelques hommes, dont les événements
ont prouvé bientôt les intentions coupables et la profonde impéritie, qui n’ont
montré du patriotisme un jour que pour captiver la confiance du gouvernement
provisoire, et mieux exploiter la révolution ; nous avons vu ces hommes,
dis-je, plonger cette partie de
L’occasion de faire une belle conquête, une fois
perdue, la simple occupation de Philippine et du Capitalen-Dam
suffisait du moins pour défendre notre territoire et préserver presque tout le
district d’Eecloo de ces inondations ruineuses, qui
en font le malheur.
On ne s’est guère inquiété de Philippine, l’écluse
du Capitalen-Dam était à nous ; les habitants des
communes environnantes, dont le patriotisme est plus efficace et plus vrai que
bruyant, avaient occupé ce point important dès le commencement de la révolution
et l’avaient gardé jusqu’au moment où des troupes réglées en ont pris
possession, avec la mission de le défendre.
Nous avons conservé le Capitalen-Dam
jusqu’à la campagne du mois d’août 1831.
A cette époque on a cédé, pour ainsi dire, aux
Hollandais cette position, qui était notre dernière ressource. Loin de moi de
jeter le moindre blâme sur les officiers et les soldats qui occupaient alors ce
poste ; ils se trouvaient abandonnés à eux-mêmes, en trop petit nombre et sans
les moyens de défense nécessaires qu’ils avaient réclamés en vain. Les cendres
des braves qui reposent à Watervliet et à Eecloo nous rappellent chaque jour leur belle conduite,
ainsi que la conduite (que je m’abstiens de qualifier) de leurs chefs, soit
immédiats, soit supérieurs.
J’ajouterai même qu’après, que le Capitalen-Dam fut envahi par les Hollandais, il se
présentait assez d’hommes courageux pour le reprendre ; mais ils n’en obtinrent
ni l’ordre, ni la permission, et les demi-mesures dont on se contenta amenèrent
de nouveaux désastres : notamment l’inondation du Clara Polder, dont les
Hollandais percèrent la digue pour se mettre à couvert.
Peut-être enfin aurions-nous dû rentrer en
possession, du moins provisoire, du Capitalen-Dam,
s’il est vrai qu’après la campagne du mois d’août chacune des parties
belligérantes devait évacuer le territoire qu’elle n’occupait pas en vertu de
l’armistice de novembre 1830. J’ignore par quel tour de diplomatie les
Hollandais sont restés en possession de ce poste important.
Je ne m’étendrais davantage, messieurs, sur les
deux épisodes de la révolution auxquelles j’ai fait allusion ; les détails
appartiennent à l’histoire. Ce sont des faits accomplis, selon le langage de la
diplomatie ; je n’ai dû en parler que pour rappeler comment nous en sommes
revenus aujourd’hui à la limite et à la position de 1664.
Le but avoué des états généraux, en faisant le
traité des limites de 1664 et en se réservant les écluses de mer, était de
pouvoir, sous le moindre prétexte, établir une ligne de défense par des
inondations ; ainsi, selon leur bon plaisir, ils pouvaient toujours se mettre
couvert, et nous ruiner en submergeant nos terres.
C’est encore pour les mêmes motifs que depuis notre
insurrection
A l’une comme à l’autre époque, les Hollandais se
sont servis largement de ces moyens d’inondation pour leur défense et pour
notre ruine.
Ce n’est pas que dans tous les traités ils aient
manqué de protester de leurs bonnes intentions, ou de reconnaître qu’ils
voulaient et qu’ils devaient recevoir les eaux des Flandres ; que, pour obtenir
de résultat, on pouvait même construire des canaux et des écluses sur leur
territoire.
Ils accordaient facilement ces insignes faveurs ;
ils n’y ajoutaient qu’une condition : c’est qu’ils conservassent la
souveraineté sur les ouvrages établis à nos frais, et d’après leurs plans, sur
leur territoire ; voyez l’art. 6 du traité de Fontainebleau (8 novembre 1785),
article qui fait partie intégrante du traité du 15 novembre 1831.
Veut-on une dernière preuve de l’importance que les
Hollandais ont toujours attachée à tenir la clef de toutes les issues, on n’a
qu’à jeter un coup d’œil sur ce qui s’est passé après le traité des limites de
1664.
Par ce traité, le havre de Bouchaute
restait à notre pays ; ce point de contact avec la mer était d’un immense
secours pour l’assèchement du territoire. Les métiers de Bouchaute
et d’Assenede, la seigneurie de Waterdyk, Watervliet, Capryck et Lembeke, n’avaient pas d’inondations à craindre.
Les écluses de Bouchaute
(qui n’étaient pas dans la dépendance de
Cet état de choses ne dura pas longtemps, les
états-généraux trouvèrent le moyen de priver cette partie du territoire de ses
écluses d’évacuation en faisant endiguer, en 1690, malgré toutes les
réclamations et représentations faites, tant par les intéressés et les
autorités de la Flandre que par l’ambassadeur du roi d’Espagne, à La Haye ; en
faisant endiguer, dis-je, les deux schorres d’Isabelle, situées de chaque côté
du havre, et en fermant le chenal de Bouchaute par
une digue, qui s’étendait de l’un à l’autre nouveau polder.
Privés de leur dernière ressource, les habitants de
nos contrées ont fait continuellement la triste expérience que
Tout nous démontre les intentions et la tendance
que
Le traité de la barrière de 1715, par son article
17, relatif à la frontière dont je parle, renchérit encore sur celui de 1664.
Je ne m’arrêterai pas, messieurs, à vous rappeler
les pertes, les vexations, les exactions que la Hollande fit subir aux
habitants des Flandres ; la série en est longue, comme la série des plaintes,
des doléances, des réclamations dont ils firent retentir la cour d’Autriche.
Ce malheureux état de choses n’a cessé qu’avec
notre réunion à
Notre Flandre et
Comparez les requêtes et les réclamations qui vous
sont adressées depuis 1830, avec celles du dix-septième et du dix-huitième
siècle, vous y trouverez peu de différence.
Volet, messieurs, la situation actuelle du district
d’Eecloo sous le rapport de l’évacuation des eaux, en
1830 et depuis cette époque.
Les eaux pluviales doivent s’écouler par l’écluse
d’Amélie au sas de Gand, par l’écluse de mer à Philippine, l’écluse d’Isabelle
près de Bouchaute, l’écluse du Capitalen-Dam,
par l’écluse dite Pas-Water, et celle de l’est près
de la ville de l’Ecluse.
Toutes ces écluses, qui sont indispensables pour
l’assèchement de cette partie du territoire belge, sont au pouvoir des
Hollandais, à l’exception de l’écluse d’Isabelle, seul point de contact que
nous ayons encore avec la mer sur cette ligne et qui, ce qu’à Dieu ne plaise,
devrait être remise à
L’écluse d’Isabelle ne pouvant procurer
l’assèchement qu’à huit ou neuf mille hectares tout au plus, vous concevez,
messieurs, comment il s’est fait que nous ayons eu à subir des inondations si
étendues et si ruineuses.
Les Hollandais ont empêché l’écoulement de nos
eaux, en se servant des écluses pour submerger leur propre territoire, et
former ainsi leur ligue de défense.
Je ne parlerais pas des légers changements qui ont
été apportés à nos canaux d’évacuation, dans le dessein de jeter dans le Braeckman par l’écluse Isabelle toutes les eaux pluviales,
tant d’Assenede et des environs que de la wateringue du Capitalen-Dam,
s’il était permis de laisser sans réponse les erreurs dans lesquelles mon
honorable collègue, M. Dumortier, est tombe hier, en parlant de ces travaux
d’une très mince importance.
Les détails auxquels l’honorable député s’est livré
me forcent à entrer aussi dans quelques détails dont j’aurais voulu m’abstenir
de parler.
M. Dumortier à parlé avec une assurance capable
d’ébranler la conviction des personnes qui ne connaissent pas bien ces
contrées. J’ai vu, dit-il, ce pays, je puis en parler avec connaissance de
cause ; et il engage tous ses collègues à voir et à juger par eux-mêmes.
Messieurs, j’ai parcouru cinquante fois cette
lisière. J’ai vu et revu les travaux dans leurs détails, j’ai consulté partout,
et mes renseignements ne ressemblent guère à ceux que vous a donnés hier l’honorable
député de Tournay. Les renseignements de M. Dumortier ne sont pas exacts, sa
mémoire l’aura mal servi ; j’en appelle à sa loyauté, s’il veut encore se
donner la peine de revenir sur les lieux et de revoir en détail.
L’écluse Isabelle, dit l’honorable membre, peut
faire écouler toutes les eaux ; nous n’avons pas besoin de nouveaux moyens.
Entendons-nous d’abord. Oui, les eaux pourraient
s’écouler par l’écluse Isabelle lorsqu’elles auraient séjourné assez longtemps
sur les terres ; mais ce pas là certainement ce que vous voulez.
Il ne s’agit pas ici d’évacuation des eaux dans un
temps donné, mais de l’assèchement du territoire ; il s’agit de préserver les
terres d’inondations qui, en quelques jours, enlèvent l’espoir de la récolte en
détruisant les travaux agricoles de toute une année. Dans ce sens, l’écluse
Isabelle peut sauver huit à neuf mille hectares, comme je l’ai dit plus haut ;
elle suffit, dans les temps ordinaires, à assécher l’arrondissement de la
wateringue d’Isabelle. Lorsque les saisons sont peu pluvieuses, on peut y
amener sans danger les eaux d’une plus grande étendue de terrains ; mais, dans
des temps de pluies abondantes, l’arrondissement lui-même est en souffrance,
comme l’année 1829 l’a suffisamment prouvé.
L’honorable M. Dumortier, en parlant de
l’assèchement du territoire de la wateringue du Capitalen-Dam,
après la perte de l’écluse de ce nom, dit : « On creusa une rigole
d’écoulement vers l’écluse Isabelle, et toutes les eaux s’écoulèrent par
là. » C’est là une réponse bien courte, bien tranchante, et bien peu
fondée, à ces masses de pétitionnaires qui vous ont si souvent représenté très
humblement, et prouvé par des faits, que cette rigole ne les sauve pas, et ne
peut pas les sauver que ce sont les Hollandais qui dans ce moment les
préservent d’une ruine totale.
En voulez-vous des preuves, messieurs, voici des
faits que j’ai constatés sur les lieux longtemps avant que j’eusse l’honneur de
siéger dans cette assemblée, et sans songer à pouvoir les rappeler ici :
Extrait d’un rapport adressé au gouverneur le 18
janvier 1834 :
« L’écluse du Capitalem-Dam
tomba au pouvoir des Hollandais, au mois d’août 1831 ; elle fut employée par
ceux-ci pour inonder d’eau de mer leur propre territoire, afin de se former une
ligne de défense.
« Pour dériver les eaux par l’écluse Isabelle,
on a mis les canaux de la wateringue du Capitalem-Dam
en communication avec les canaux de la wateringue d’Isabelle. Ces ouvrages
d’essai, peu proportionnés aux besoins qui les avaient suggérés, ne pouvaient
être que d’un faible secours.
« Les inondations de 1831-1832 et celles de
1832-1833 furent à peu près de la même étendue ; en 1833, les terres ne furent
débarrassées que vers le milieu du mois de mai ; un peu plus tôt que l’année
précédente.
« Pendant l’été de 1833, les travaux de
communication avec la wateringue d’Isabelle ont été considérablement améliorés.
La capacité des eaux est plus que doublée. Malgré ces améliorations, les
inondations étaient, au mois de décembre dernier, à peu près aussi étendues que
l’année précédente. Ce résultat doit être sans doute attribué en partie à
l’abondance des pluies, aux vents contraires qui ont souvent empêché
l’ouverture de l’écluse de mer. Toutefois les moyens d’écoulement actuels, par
la voie de l’écluse Isabelle, ne peuvent suffire, même dans des circonstances
ordinaires, pour assurer l’assèchement du territoire des communes dépendant de
la wateringue du Capitalen-Dam.
L’année suivante, nous n’étions pas plus avancés ;
permettez-moi de citer encore quelques mots d’un rapport du 28 janvier 1835 :
« Tous les ouvrages effectués jusqu’ici pour
suppléer à l’écluse du Capitalen-Dam sont
complètement insuffisants ; ils ne peuvent pas servir à assurer l’assèchement
du territoire.
« Si les terrains inondés au mois de janvier 1834
ont été débarrassés d’eau dans le courant du mois de février suivant, ce n’est
pas par les voies d’écoulement dont nous disposons que nous avons obtenu ce
résultat, mais par l’effet de la volonté des Hollandais, et d’un temps
extrêmement favorable.
« La wateringue d’Assenede a été beaucoup
soulagée par l’ouverture (au mois de décembre 1833) de l’écluse Amélie, près du
Sas-de-Gand, et la wateringue du Capitalen-Dam, par
l’ouverture (vers la même époque) de l’écluse du Capitalen-Dam.
»
Les années suivantes, ce fut la même chose ; au
mois de mars 1835, et dans ce moment même, messieurs, nous aurions voyagé en
barquette sur les terres les plus fertiles du pays, si nous avions été réduits
à faire écouler toutes nos eaux par les écluses d’Isabelle. Il y a loin des
résultats que je viens de communiquer à cette assertion : « On creusa une
rigole vers l’écluse Isabelle, et toutes les eaux s’écoulèrent par là. »
Ces travaux, pour ce qu’ils sont, ont coûté
beaucoup trop à l’Etat et aux propriétaires intéressés ; ils ne sont pas ce que
M. Dumortier les croit être ; ils ne le seront jamais. On ne pourrait assécher
par ce point qu’une vingtaine de mille hectares, et non les quatre-vingt mille
hectares et plus dont parlent les rapports que vous avez sous les yeux ; et
l’on ne pourrait obtenir ce résultat partiel, qu’au moyen de travaux dont les
dépenses seraient proportionnellement beaucoup plus grandes que celles que
nécessiteront les travaux qu’on vous propose de faire dans la direction de Blankenbergh.
Ces seules considérations suffisent, sans doute,
pour faire voir que nous ne pouvons pas songer à établir ces travaux
dispendieux sur ce point. Il y a encore d’autres raisons non moins
péremptoires, Quand même la position de l’écluse Isabelle ne nous serait pas contestée,
il faudrait remarquer que les atterrissements dans le Braekman
continuent avec une rapidité étonnante depuis que les courants d’eau du Axelsche-Gat et du Sascche-Gat sont fermés, par
suite de la construction du canal de Terneuzen. On passe aujourd’hui à pied sec
dans des endroits où, il y a peu d’années, il y avait encore plusieurs mètres
de profondeur.
Invoquera-t-on la garantie des traités ? Mais j’ai
fait voir plus haut, messieurs, que deux siècles d’expérience ont donné la
mesure de cette garantie.
L’honorable M. Dumortier a consulté beaucoup
d’hommes instruits, des ingénieurs, qui sont de son avis, et d’autres plus
savants que les ingénieurs, il a cité le nom de M. Dubosch. Je déclare,
messieurs, que je ne me mêlerai jamais, dans cette enceinte, de la discussion
du mérite des personnes.
Il s’agit de discuter les faits ; je me bornerai à
dire à mon honorable collègue que je pourrais aussi citer des noms de personnes
recommandables qui sont d’un avis contraire. Il trouvera aussi parmi les
nombreux pétitionnaires des noms de personnes qui sont nées dans les polders,
qui y ont toujours habité, qui connaissent parfaitement tout ce qui concerne
les canaux et les écluses, des personnes dont toute la fortune dépend de l’écoulement
des eaux, et qui ont une opinion contraire. La citation de ces noms ne serait
pas un argument.
Je n’aurais pas fait cette longue digression,
messieurs, si un honorable orateur n’avait pas place le premier la question sur
ce terrain, en parlant des travaux effectués pour faire écouler les eaux par
l’écluse Isabelle.
Si nos souffrances sont moindres qu’en 1831, 1832,
1833, ce n’est pas à nos propres moyens que nous pouvons l’attribuer, c’est à
la volonté des Hollandais qui nous tiennent complètement dans leur dépendance.
La fermeture des écluses comme leur ouverture dépend d’eux uniquement. Nous
l’avons déjà dit,
Depuis plus de deux ans
Ces moyens n’ont pas réussi, et nous espérons bien
que personne ne s’y laissera prendre. Nous attendons avec confiance que la
chambre autorisera l’établissement du canal de Zelzaete, n’y eût-il d’autre
raison que celle de soustraire ce pays à la dépendance de la Hollande et de
faire disparaître l’unique motif pour lequel ou a établi, d’ancienne date, une
frontière aussi ridicule et aussi défavorable la Hollande qu’à la Belgique sous
le rapport de l’administration et de la police.
Nous venons de voir, messieurs, que le canal de
Zelzaete est devenu absolument nécessaire pour l’écoulement des eaux.
Je ne m’arrêterai pas beaucoup à vous entretenir de
cet ouvrage sous le rapport de l’exécution ; j’abandonne les questions d’art à
MM. les ingénieurs ; je dois seulement les engager à peser mûrement les
observations, quelquefois très judicieuses, des personnes impartiales qui
connaissent bien les localités et ont l’expérience pour guide.
Depuis plus de deux ans, l’objet qui nous occupe a
été livré à la publicité, toutes les parties intéressées ont été entendues, et
l’on trouverait à peine un doute sur les bons effets qu’on nous promet
d’obtenir au moyen du canal, et que nous sommes en droit d’en attendre. En
effet, messieurs, avec une pente de deux mètres, que MM. les ingénieurs nous
assurent pouvoir donner au canal, l’assèchement des terres les plus éloignées
du débouché et les moins élevées sera mieux assuré qu’il ne l’a jamais été, si
l’on a soin de donner au canal et à l’ouverture à la mer une largeur
suffisante. Nous devons espérer que le gouvernement prendra toutes les
précautions nécessaires pour que les dimensions des ouvrages soient calculées
sur l’étendue du territoire à dessécher, sur la distance que l’eau doit
parcourir, sur la rapidité avec laquelle elle doit pouvoir s’écouler, et sur
les obstacles que peuvent faire naître momentanément les marées extraordinaires
et les temps trop pluvieux.
Parmi les avantages que présentera le canal de
Zelzaete, on peut mettre sans doute en première ligne celui de soustraire une
grande partie du pays à la dépendance de
En assurant l’évacuation des eaux d’une grande
étendue des meilleures terres, le canal fera renaître la prospérité dans ces
contrées très intéressantes pour le trésor public, et trop souvent oubliées.
D’excellentes terres, marécageuses maintenant, deviendront labourables.
Le bien-être de cette partie du pays, qui alors
seulement se verra définitivement incorporée dans
Il y a une autre considération de la plus haute
importance : le pays des polders est extrêmement malsain ; M. le ministre
des finances ne le sait que trop bien, puisqu’il doit y entretenir, pour la
douane, un nombreux personnel, quelquefois réduit au quart et plongé dans la
misère par suite de maladie.
La stagnation des eaux est la cause principale de cette
insalubrité. Le canal mettra en mouvement les eaux stagnantes et constituera
ainsi un moyen efficace d’assainissement.
Le canal, longeant d’assez près la frontière, n’est
peut-être pas sans importance pour le service de la douane. Il est certain qu’il
rendra la surveillance beaucoup plus facile et la répression de la fraude
possible, dans ce pays qui n’a aucune limite naturelle.
Nous trouverons enfin dans le canal de Zelzaete une
ligne de défense, et je ne crois pas que sous ce rapport il ait été assez bien
apprécié.
Jusqu’à aujourd’hui et depuis plus de deux siècles,
les Hollandais ont tiré parti, en temps de guerre, de la possession des écluses
de mer, et pour se mettre eux-mêmes à couvert et pour porter préjudice à leurs
adversaires.
Au lieu de faire évacuer les eaux, pour peu que
leur intérêt le commande, ils se servent des écluses pour submerger les terres,
et se tiennent derrière ces inondations qui forment une bonne ligne de défense,
sans avoir à redouter les attaques de l’ennemi.
Si l’on donne au canal les dimensions qu’il doit
avoir, pour en faire un ouvrage digne de la nation, non seulement nous n’aurons
plus à craindre que les Hollandais arrêtent nos eaux et inondent nos terres,
mais nous leur ôtons encore cette grande facilité de former, à tout propos,
leur ligne de défense ; nous les privons en outre de nos eaux douces dont ils
ont grand besoin.
Les commandants militaires, les officiers du génie
qui ont étudié cette frontière depuis la campagne de 1831, ont su apprécier
quel avantage nous pourrions tirer de ce dernier moyen en temps de guerre.
Je m’abstiendrai, messieurs, de parler des autres
avantages que le canal de Blankenbergh présentera ;
je l’ai déjà dit, je me suis attaché particulièrement à examiner l’objet en
discussion dans ses rapports avec la partie du pays que je connais le mieux.
D’autres honorables membres vous démontreront,
mieux que moi, combien le canal de Blankenbergh est
devenu nécessaire pour pouvoir conserver au commerce les canaux de Bruges et
d’Ostende, et combien, sous ce rapport encore, cet ouvrage est favorable à tout
le pays.
L’honorable M. Dumortier a élevé du doute sur le
point de savoir si le canal de Zelzaete devait être construit aux frais de
l’Etat.
Il est certain, messieurs, que les Flandres
trouveront dans cette construction un avantage plus considérable que les autres
provinces ; mais n’en est-il pas de même de tous les travaux publics, de toutes
les routes ? Tous les canaux ne sont-ils pas notablement plus favorables aux
localités qu’ils traversent qu’aux autres endroits plus éloignés ?
En conclurez-vous que ces travaux doivent se faire
aux frais des localités auxquelles ils procurent le plus de profit, et non aux
frais de l’Etat ? Assurément non. D’après ce système l’Etat n’aurait presque
rien à faire ; les provinces et même les districts, au lieu de se prêter
mutuellement secours, et d’avoir, par leur union, la force de faire de grandes
choses, ne formeraient plus que de petites associations impuissantes et
rivales.
Prétendra-t-on peut-être que le canal de Blankenbergh n’est pas un ouvrage national, d’intérêt
général ?... Je ne répéterai pas, pour prouver le contraire, tous les motifs
qui commandent cette construction et tous les avantages qui en résulteront pour
le pays ; vous l’avez compris, messieurs : il s’agit, non seulement du
bien-être, mais de l’indépendance, de l’existence même d’une partie du pays. Il
est de l’intérêt, de l’honneur, de la dignité de la nation d’entreprendre un
pareil ouvrage.
Mais, continue mon honorable collègue M. Dumortier,
ne pouvez-vous pas obtenir le même résultat au moyen de travaux à faire à
l’écluse du Hazegras, et qui ne coûteraient que deux
ou trois cent mille francs ? Il ne faudra qu’abaisser le radier de cette
écluse.
Non, messieurs, on n’obtiendrait pas par ce moyen
le même résultat, et, qui plus est, l’exécution de ce plan ne serait pas plus
économique que celui du projet qui vous est soumis.
L’écluse du Hazegras est
une des huit écluses d’évacuation qu’on vous propose de remplacer par une
seule, qui jette les eaux dans la mer du Nord. Cette seule remarque suffit pour
faire voir que les dimensions de l’écluse du Hazegras
(qui n’est pas la plus grande des huit écluses à remplacer) ne sont absolument
rien, en proportion de ce qu’elles devraient être pour donner passage à toutes
les eaux.
Il faudrait donc, de toute nécessité, construire
une nouvelle écluse au Hazegras ; cette construction
ne coûterait guère moins en cet endroit que près de Blankenbergh.
Il reste les travaux de terrassement, et sur cette
partie il n’y a pas non plus d’économie à faire : car la distance de Zelzaete,
ou, pour mieux dire, de Bouchaute, où le canal
prendrait naissance jusqu’à Dam, la distance serait toujours la même dans l’un
et l’autre plan, et la distance de Dam au Hazegras
est, à peu de choses près, la même que de Dam à Heyst.
Où serait donc l’économie ?
il n’y a qu’une seule différence entre ces deux
plans ; c’est que le débouché qu’on se créera dans la mer du Nord sera toujours
efficace, et que toutes les dépenses qu’on ferait encore maintenant pour jeter
les eaux dans le Zwyn (au Hazegras),
seraient en pure perte, puisque les ensablements dont M. Dumortier s’inquiète
trop peu continuent à se former avec rapidité, et qu’ainsi le temps n’est pas
éloigné où les Hollandais pourraient facilement (à défaut de la force des
choses) nous barrer le passage que nous aurions cherché à grands frais. Ce que
j’ai eu l’honneur de dire en parlant du Braekman, est
également applicable ici.
J’ai une dernière objection à rencontrer.
L’honorable M. Dumortier a manifesté la crainte que la construction du canal de
Zelzaete ne compromette la souveraineté de l’Escaut. Si cette objection est
sérieuse, je tiens beaucoup à rassurer mon honorable collègue.
La crainte de voir arriver des navires à Anvers,
par le canal en question, paraîtra d’abord assez prématurée si l’on considère
que le canal n’aurait à sa naissance, à Bouchaute,
que sept mètres de largeur, et serait couvert de seize ponts fixes dont
l’ouverture serait proportionnée à la largeur du canal.
Il y a une autre considération qui détruit
entièrement l’objection.
Le canal d’évacuation que nous réclamons ne peut
jamais devenir canal de navigation. Ces deux destinations différentes qu’on
peut donner à un canal, sont tellement opposées l’une à l’autre, qu’elles
s’excluent mutuellement : c’est pour ce motif qu’on dit avec raison que le
canal d’Ostende ne peut servir en même temps à l’assèchement du territoire et à
la navigation ; pour peu que l’on baisse les eaux (et l’on est obligé
maintenant de les baisser assez souvent de douze pieds), on nuit à la
navigation ; quand on les retient, l’assèchement des terres devient impossible.
Il faut nécessairement faire servir le canal à l’une ou l’autre destination.
Si l’on s’avisait de faire
du canal de Zelzaete un canal de navigation, toutes les terres qu’on nous
demande aujourd’hui d’assécher seraient inévitablement perdues par des
inondations continuelles ; tous ceux qui demandent maintenant la construction
du canal avec tant d’instances, seraient les premiers à s’y opposer de tous
leurs moyens.
Que l’on ne craigne donc pas qu’il puisse être
question ici de remplacer l’Escaut par un canal de navigation.
Si l’on concevait plus tard un pareil projet, il
est bien certain que, par la construction du canal de Zelzaete, on n’aurait
rien fait pour l’exécution de ce nouveau plan, et qu’on devrait commencer de
nouveaux travaux entièrement indépendants du canal d’évacuation, tout comme si
celui-ci n’existait pas.
Messieurs, je borne ici mes observations, que je
crains d’avoir trop prolongées. Je m’estimerais heureux si j’avais réussi à
faire partager mon opinion, sur l’objet qui nous occupe, à quelques-uns de mes
honorables collègues. Je suis du moins certain d’avoir prouvé que c’est avec la
plus profonde conviction que je voterai pour les conclusions de votre
commission des travaux publics, et que je nourris l’espoir que ces conclusions
seront adoptées par la grande majorité de la chambre. Je regrette seulement que
le crédit proposé soit si peu élevé pour commencer un ouvrage aussi considérable,
aussi nécessaire, aussi national.
Si, comme je l’espère, la chambre accorde les fonds
nécessaires, nous devons émettre les vœux de voir pousser les travaux avec la
plus grande activité, de leur voir donner des dimensions telles que nous puissions
pour toujours être délivrés du fléau des inondations, et que les plaies
profondes qui saignent depuis si longtemps puissent être entièrement
cicatrisées.
M. le ministre
de l'intérieur (M. de Theux). - Messieurs, déjà plusieurs orateurs ont
démontré l’utilité, je dirai même la nécessite du canal de Dam à la mer ; en
effet, messieurs, ce canal a pour objet de conserver libre la navigation de
celui de Gand à Bruges, par conséquent une des principales lignes de notre
navigation, puisque 1,000 à 1,200 bateaux la parcourent annuellement.
Il a pour objet d’améliorer l’état sanitaire d’une
contrée étendue, et enfin de sécher des terres d’une valeur considérable.
En ce qui concerne la navigation l’on sait combien
elle est fréquemment interrompue par la baisse des eaux du canal de Bruges pour
l’écoulement de celles qu’il s’agit d’évacuer par le nouveau canal ; l’on sait
les retards et les frais qui résultent pour les bâtiments de ces interruptions
qui les forcent de s’arrêter à Bruges
J’ajouterai que la province de
Sous ce rapport donc l’utilité du canal est
évidente.
En ce qui concerne l’état sanitaire, il est facile
de comprendre combien les habitants de ces contrées doivent souffrir : cet état
de choses est encore plus préjudiciable aux troupes et aux douaniers. C’est un
objet d’une très grande importance et d’intérêt général.
Relativement aux produits des terres, je ferai
remarquer à la chambre que dans
Je dirai en outre que la confection de cette
dernière partie du canal de Dam à la mer, sera une garantie permanente qu’à
l’avenir
Il est incontestable que le nouveau moyen
d’écoulement que l’on propose d’établir est préférable à celui qui existe
aujourd’hui. Ainsi qu’on l’a dit, le Zwyn s’ensable
continuellement, de manière que l’on ne peut nullement compter, quand même on
ferait les travaux dont a parlé M Dumortier, sur l’écoulement permanent par le Zwyn. Au contraire, par un canal de Dam à la mer, il y aura
toujours un écoulement assuré.
Et en effet ce canal ne s’ensablera pas plus que le
port d’Ostende ; au contraire, il s’ensablera moins, parce qu’il n’y aura que
Il restait une question à traiter, savoir si la
province devait intervenir dans la dépense. Cet objet a attiré spécialement
notre attention. J’en ai écrit aux états de
L’on a fait remarquer qu’il ne s’agissait pas ici
d’une affaire locale, mais bien d’une affaire d’intérêt général : qu’à l’égard
de la navigation, la province du Hainaut avait un intérêt plus direct que les
deux Flandres au libre usage du canal de Bruges, usage qui est en partie
subordonné à l’ouverture du canal projeté.
Relativement aux
propriétaires dont les terres sont actuellement en souffrance, on a fait
remarquer que ces propriétaires, pour profiter du canal, seraient obligés de
construire des rigoles, que leurs moyens d’écoulement sont compromis, et qu’il
importe à l’Etat que des terrains aussi considérables soient rendus à un état
de fertilité.
Il est inutile de relever ce qu’on a dit que ceci
n’est qu’un commencement d’un grand canal de navigation qui nous dispenserait
de nous servir de l’Escaut. Je crois que cette assertion n’a pas besoin d’être
réfutée. On a déjà dit qu’un canal d’écoulement ne peut servir de canal de
navigation, au moins dans les terres basses.
Je dirai en outre que si jamais il était question
d’établir un canal de navigation, ce n’est pas dans cette direction qu’il
devrait être établi.
Je ne relèverai pas non plus des considérations
politiques qu’on a supposées ; car la politique est tout à fait en dehors de
cette question. C’est une simple question d’utilité intérieure. Des travaux
sont-ils utiles pour assurer la libre navigation des canaux des Flandres, pour
soustraire cette partie du territoire à un état d’insalubrité à des pertes
considérables ? Voilà les seules questions à résoudre ; aucune considération de
politique étrangère ne peut être mêlée à ces questions.
Quant à l’exécution des travaux qu’un honorable
membre a réclamée prompte, nous ne pouvons maintenant y consacrer plus de 550,000
fr. Ce ne sera qu’après ces travaux qu’on pourra entreprendre la construction
de l’écluse. Alors on arrivera à l’approfondissement complet du canal. Mais ces
travaux ne peuvent être commencés que l’année suivante.
M. Andries. - Le
pays que j’habite est vraiment un pays de malheur, Les gouvernements qui ont
précédé le gouvernement actuel, l’ont presque toujours traité comme un pays
indigne de leur attention. Qu’ont-ils fait ? Le gouvernement autrichien, en
1717, par le traité des barrières, a admis par l’art. 17 de ce traité que notre
pays pouvait être inondé pour la défense de
Je voudrais que l’on enlevât à
L’exécution d’un nouveau canal aura cet effet-là.
Sous ce rapport, ces travaux ont évidemment un but politique.
Quel intérêt a
C’est un pays qui ne produit pas ce qu’il coûte à
l’Etat, et est à charge à
La position de la rive gauche de l’Escaut est
cependant intéressante pour
La rive gauche perdra ainsi une partie de son
importance pour
Le second motif qui engage
Ainsi les négociations et la position du canal de
Zelzaete feront en sorte que la rive gauche de l’Escaut n’aura plus aucune
importance pour
La rive gauche ne produit que des céréales. C’est
un pays uniquement adonné à l’agriculture, il n’a d’autre débouché que le chez
nous. Nos lois de douanes ont beau imposer un droit considérable sur l’entrée
de leurs grains, ils n’hésitent pas à les vendre chez nous. Ils s’estiment
heureux de faire un bénéfice de 4 fr. seulement sur chaque sac de grains, tant
sont lourds les impôts qu’ils ont à payer au gouvernement hollandais. Vous ne
sauriez croire jusqu’à quel point de misère en est arrivé ce pays qui était
considéré naguère comme un modèle de prospérité agricole. La révolution lui a
porté un coup mortel. Les ennemis les plus déclarés de la révolution regrettent
de ne s’y être pas ralliés.
Quelles seront les conséquences de la construction
du canal de Zelzaete pour ce pays ? Ce canal leur enlèvera l’eau douce, car il
n’y a guère d’eau potable que celle des citernes. On ne trouve le plus souvent
dans les puits que l’on creuse, que de l’eau tant soit saumâtre. En un mot,
beaucoup d’habitants de
C’est un fait que nous luttons depuis trois siècles
contre les atterrissements que la mer forme de tous les côtés. La ville de Dam
a été un port de mer, aujourd’hui elle se trouve à deux lieues de la mer.
L’histoire atteste ce fait.
Le jeudi qui précéda
Ardenburg a été également un
port de mer. D’après les témoignages les plus dignes de foi, son port pouvait
contenir 600 vaisseaux. En 1811, je me rappelle y avoir vu un petit bâtiment de
commerce. Aujourd’hui il n’y a plus même d’eau salée dans cette ville.
La concession accordée par l’empereur au général Vandamme
consistant dans la faculté d’endiguer toutes les terres que celui-ci jugerait
convenable d’endiguer a eu pour résultat de fermer le canal qui faisait
communiquer Ardenburg avec la mer, et de mettre à sec
toutes les terres environnantes.
Allez à Philippine : c’était un port assez
considérable en 1600, si l’on en croit l’histoire. C’est là que le prince
Maurice a abordé avec 1,000 vaisseaux et de là s’est rendu à Nieuport pour y
livrer la célèbre bataille de ce nom. Là où manœuvrait une belle flotte au
XVIIème siècle, paissent aujourd’hui dans la belle saison des troupeaux de
moutons.
Le golfe ou la mer de Zwyn
(Portus Euvinus) a été un bras de mer, aussi large
que l’embouchure de l’Escaut. L’histoire est encore la pour affirmer le fait.
Il fut donné à l’écluse du Hazegras une bataille
navale, c’est-à-dire dans un endroit où un vaisseau de médiocre grandeur aurait
peine à passer aujourd’hui. L’historien français où je puise ces renseignements
cite le nom de Assegarse (Hazegras).
Cette bataille eut lieu en 1340, 260 vaisseaux
anglais commandés par Edouard III y mirent en déroute une flotte française
supérieure en nombre. Aujourd’hui l’on passe à gué cet endroit. L’on va presque
à pied sec jusqu’au territoire hollandais.
L’on a constaté un fait qui explique la progression
prodigieuse des atterrissements, c’est que les eaux intérieures qui débouchent
dans ces parages sont chargées de molécules terreuse qui leur donnent les
propriétés fécondantes du Nil. Aussi, les bancs que forment ces atterrissements
ne manquent pas, dès qu’ils sont découverts par la marée, de se couvrir de
végétation et d’empiéter avec rapidité sur les eaux. Naturellement, si nous
enlevons aux Hollandais le secours de nos eaux, il arrivera que ces
atterrissements seront plus rapides, et nul doute que
dans quelques années l’on ne verra plus arriver une seule barque à l’Ecluse.
Je sais de source non suspecte que depuis la
révolution le port de l’Ecluse est sensiblement comblé. Cela prouvé de ce que
Résumons-nous en peu de mots.
Sous le rapport politique, la construction du canal
produira un grand bien, en forçant insensiblement
De plus, l’entretien de ces débouchés restera
exclusivement à la charge de
Ainsi, après avoir été victimes des vexations de
nos voisins pendant tant de temps, le moment est venu où nous devons changer de
position. Nous avons maintenant le bonheur d’être gouvernés par des Belges et
de n’avoir plus à débattre nos intérêts particuliers qu’entre Belges. Les rôles
vont donc changer. Les Hollandais, au lieu de continuer à nous vexer comme ils
font fait pendant trois cents ans, seront forcés de nous demander la permission
de prendre part à notre canal, car leurs débouchés, le Pas-Water,
le Capitalen-Dam et l’écluse Isabelle, se fermeront.
Ils viendront alors nous demander la participation à notre canal, et ce sera à
nous à leur dicter la loi.
Cet ensablement des différents débouchés de
Il est certain que le Hazegras
devant lequel une bataille navale très marquante dans l’histoire a été livrée,
se trouve réduit à une simple rigole. Devant l’embouchure même de l’écluse du Hazegras se trouve un grand banc de sable qu’on appelle
schorre. Schorre, dans son sens primitif, veut dire un terrain qui est tantôt
couvert et tantôt découvert par la marée.
Il est couvert à marée haute et découvert à marée
basse. Et ce bras de mer sur lequel naviguaient autrefois des flottes
considérables, on peut aujourd’hui, à marée basse, le passer à gué.
S’il plaît aux Hollandais, ils peuvent endiguer ce
schorre, le rendre cultivable, en l’entourant d’une digne, afin que la marée
n’y entre pas. On laisse pendant un certain temps ces lagunes dans cet état, et
ensuite elles produisent pendant plusieurs années sans frais de culture.
N’en doutez pas, ces messieurs ne manqueront pas
d’inventer toutes sortes de moyens pour vous vexer, parce qu’ils ont été trop
longtemps dans l’orgueilleuse position de nous vexer
et de nous dicter la loi, et ils s’en sont trouvés fort bien, parce que s’ils
vous ont rendu des services, ce n’a été qu’en se faisant bien payer, malgré les
traités. On a invoqué le traité de Fontainebleau, mais il n’a rien produit.
L’empereur Joseph Il avait envoyé dans les Flandres un commissaire spécial, le
colonel du génie de Brou, chargé de l’exécution de tous les travaux relatifs
aux eaux des Flandres. Il attachait une grande importance à finir cette
affaire, comme il faut la finir une bonne fois ; il donna à cet ingénieur des
pouvoirs extraordinaires ; il ne correspondait qu’avec le ministre qui était à
Bruxelles.
Le colonel de Brou a assisté à toutes les
conférences avec les commissaires hollandais. Heureusement j’ai trouvé aux
archives du royaume la correspondance du colonel ; j’ai fait quelques extraits
qui trouveront ici leur place.
L’honorable M. Dumortier ne révoquera pas en doute
les vexations que nous ont fait éprouver les Hollandais. Il a avoué hier que
les Hollandais mettaient toujours entraves sur entraves.
Il est possible qu’il parlait
d’une époque antérieure. Mais je dis que, depuis le traité de Fontainebleau, ce
n’allait pas mieux qu’auparavant.
Le colonel de Brou, fatigué de l’inutilité de ses
démarches, et des faux-fuyants que lui opposaient les commissaires hollandais,
dit dans un mémoire qu’il envoya au ministre Relgiojoso
à Bruxelles :
« Je prévois, y est-il dit, malgré toutes nos
réclamations, que les Hollandais ne céderont jamais à nos justes prétentions.
Le seul moyen de parer aux maux que les écluses hollandaises causent aux sujets
de S. M., c’est de faire un canal de décharge depuis les environs du
Sas-de-Gand jusqu’à la mer vers l’écluse d’Isabelle près du Hazegras. »
C’est véritablement là l’origine de l’idée du
projet dont il s’agit. M. Dumortier a exhumé un autre projet qui date de 1698,
de faire un canal du fort Sainte-Marie sur l’Escaut jusqu’à la mer. Mais ce
projet n’était pas tel qu’il vous l’a décrit. Ce projet était de creuser un
canal du fort Sainte-Marie à travers le pays de Waes jusqu’à Gand, en prenant
là les canaux de Bruges et d’Ostende. Mais l’orateur n’a pas dit que le roi
d’Espagne, Charles II, rattachait ce projet à un autre, à savoir le commerce
avec les Indes ; il a octroyé à la même époque une compagnie de commerce avec
les Indes. Mais ces projets n’ont été que des projets en l’air, qui ont expiré
avec le souverain qui est venu à mourir quelque temps après.
Il faut remarquer que les négociateurs autrichiens
se sont laissé jouer assez joliment, en se contentant de l’insertion, dans
l’art. 6 du traité, des mots : « A la satisfaction de l’empereur. »
D’après cela, ces messieurs se flattaient d’obtenir la cession de Philippine,
parce que, de ce côté, il était incontestable qu’il n’y avait que ce seul moyen
d’assécher les terrains. Mais lorsqu’on est venu à lâcher le mot, quand on a
lâché cette prétention, elle a été hautement repoussée par les commissaires
hollandais. C’est alors que le colonel de Brou a été si découragé qu’il a proposé
la construction du canal qui, aujourd’hui, j’espère, n’aura pas le malheur
d’être repoussé.
L’honorable M. Dumortier, dans la séance d’hier, a
dit qu’avec le canal de Terneuzen on pourrait inonder les Hollandais. Je prie la
chambre de remarquer que je ne trouve aucunement cette faculté pour nous dans
le canal de Terneuzen ; je trouve au contraire que ce canal a un trop plein
qu’il reçoit de l’Escaut et que les Hollandais ont eu le soin de former une
belle écluse en amont du Sas-de Gand, de telle sorte qu’au lieu de pouvoir leur
envoyer plus d’eau qu’ils n’en veulent, c’est à leur bon plaisir que nous nous
trouverons livrés, et que si le trop plein du canal de Terneuzen n’est pas
déchargé par les Hollandais, ils peuvent nous inonder les deux rives jusqu’à la
ville de Gand.
Ainsi ce canal au lieu de vous présenter un
avantage, est une épée que les Hollandais peuvent vous enfoncer.
J’espère que le ministre de l’intérieur sera
convaincu que le projet soumis à notre vote est indispensable. Je crains
cependant qu’il ne veuille que bercer la nation par un commencement d’exécution
sans avoir la bonne volonté d’achever le travail. Le but du ministre est de
mettre à couvert le canal d’Ostende. Ainsi, quand le canal de Dam sera fait, le
canal d’Ostende sera à couvert, et la tâche du gouvernement se trouvera
accomplie.
D’après mes explications, la nécessité de le
continuer jusqu’à Zelzaete est démontrée, pour enlever aux Hollandais le moyen
de faire des inondations, et pour donner aux propriétés un desséchement complet
et suffisant. Le ministre de l’intérieur voudrait que pour la continuation du
canal depuis Dam jusqu’à Zelzaete on attendît : il ne sera jamais difficile,
dit-il, de l’exécuter, ce sera un moyen d’obliger les Hollandais à être sages à
notre égard.
Cela me fait croire que le gouvernement n’est pas
convaincu de la nécessité d’achever le travail, et qu’il veut se contenter
d’être en position de menacer, se borner à des menaces pendant des années
tandis que des habitants des frontières continueront à souffrir et à être
victimes d’un fléau qui désole le pays. Car, il faut que vous sachiez que les
Flandres ne supportent pas seulement les pertes qu’on constate officiellement,
il en est beaucoup d’autres qui sont inappréciables, mais dont l’appréciation
est difficile ; par exemple, la moins-value annuelle des terres qui ne sont pas
littéralement inondées, mais qui ne répondent pas aux sacrifices du
cultivateur, à cause des quasi-inondations auxquelles elles sont annuellement
sujettes. Vous seriez effrayés, messieurs, de l’énorme perte à laquelle
l’insouciance des gouvernements nous a condamnés, si je pouvais vous en
présenter la juste appréciation.
Quant à ce qui regarde l’emploi du canal pour
dessécher les terres, j’ai aussi trouvé sur cet objet l’opinion de l’ingénieur
déjà cité. Il prétendait que faire un canal à deux fins, que faire un canal
pour la navigation et l’écoulement des eaux, c’était faire chose mauvaise et
pour l’agriculture et pour le commerce. C’est dans un mémoire adressé au même
ministre plénipotentiaire à Bruxelles que l’on trouve son opinion.
Voici ce qu’il dit : « Les inondations se
forment au printemps et à l’automne. C’est aussi le moment que le commerce a le
plus besoin du canal d’Ostende. Il arrive que le commerce arrête l’opération de
baisser les eaux le plus longtemps possible ; et en attendant les inondations
se forment dans tout le pays, et une fois les terres couvertes d’eau à
l’arrière-saison, leur décharge complète est devenue impossible à cause de
toutes les pluies d’hiver qui viennent s’y joindre ; néanmoins pendant une
partie de l’arrière-saison et presque pendant tout l’hiver, la navigation est
tout à fait interrompue par la baisse des eaux du canal, et malgré ce sacrifice
du commerce, les terres restent toujours inondées et cessent d’être propres aux
grandes cultures. Cet état subsiste toutes les années jusque vers le mois de
mai, temps où il n’est plus permis d’y semer d’autres grains que des grains de
mars. »
Par la construction d’un
canal de décharge il résultera des avantages incalculables pour une vallée qui
comprend cent mille hectares et cent mille habitants, c’est-à-dire la
quarantième partie de la population du royaume. Des terres qui maintenant sont
de peu de valeur doubleront, tripleront de prix. Il y un village, celui de
St-Laurent, qui a une étendue de deux à trois mille bonniers, dont la
population n’est pas en proportion de son étendue, et qui est destiné à devenir
un des plus beaux villages du royaume, car il pourra avoir facilement quatre à
cinq mille habitants, ses terres étant des meilleures de la contrée.
Mais le canal aura encore pour effet inévitable
d’alimenter le trésor, car rien n’alimente autant le trésor que l’augmentation
de la valeur des terres.
Messieurs, ce n’est pas par un esprit étroit
d’intérêt local que j’ai porte la parole aujourd’hui. Je n’écoute pas de
pareilles inspirations ; c’est comme Belge et non comme Flamand que j’ai émis
mon avis : comme Belge, je m’intéresse à toutes les parties de mon pays, car
c’est du bien-être de toutes les parties du royaume que résulte le bien-être de
son ensemble. On verra que telle est en effet ma pensée quand plus tard on
discutera le projet de loi relatif aux réparations qu’exigent les rives de
Cependant je sais bien que les Flandres
n’obtiendront pas, sur cette somme, une portion proportionnelle à leur
importance ; elles font le tiers de la totalité du pays ; on ne leur appliquera
certainement pas le tiers de l’allocation. Quoi qu’il en soit, je voterai pour
que des routes soient ouvertes dans les provinces moins heureuses que les
nôtres. Je suis sensible à tous les malheurs ; c’est ainsi que j’entends ma
mission ; c’est avec le caractère de Belge et non avec celui de l’élu de telle
ou telle localité, que je contribuerai de tout mon pouvoir au bonheur de tous
les Belges.
M. Gendebien. -
Je ne conteste pas l’utilité du canal de Dam, pas même celle du canal de
Zelzaete jusqu’à la mer. Je reconnais même la nécessité de ces travaux. La
demande que l’on vous fait, l’énorme contribution que
l’on veut faire peser sur le pays, est une conséquence de toutes les déceptions
diplomatiques, au moyen desquelles on a fait les affaires de tout le monde,
excepté de la Belgique.
Lorsqu’il s’est agi des 18 et des 24 articles, nous
avons démontré, l’histoire à la main, que la promesse formelle, l’engagement
d’honneur, que le pays jouirait de toutes ses immunités et privilèges
territoriaux, spécialement du droit de faire écouler ses eaux par
On a arraché au congrès un vote pour l’abandon de
la rive gauche de l’Escaut, en faisant entrevoir le peu d’intérêt que nous
aurions à sa possession, parce qu’elle n’avait d’autre avantage que cet
écoulement des eaux ; et on donnait l’assurance formelle que nous continuerions
de conserver l’écoulement naturel de nos eaux ; que cette stipulation était
garantie par les cinq puissances.
Depuis lors beaucoup d’autres déceptions sont
venues nous dessiller les yeux.
Ce sera donc une contribution à ajouter à la dette
énorme de 8,400,000 florins par année, qui,
remarquez-le bien, était destinée à dédommager
Une partie de la dette représentait, disait-on,
l’indemnité due à
On a annoncé, à cette époque, que le budget de la
guerre allait être diminué de 25 millions, et les impôts réduits de 50 pour
cent.
Depuis, les impôts ont toujours été en augmentant ;
et on va encore ajouter à ces impôts les charges résultant d’un travail devenu
nécessaire parce que le gouvernement n’a pas eu l’énergie nécessaire pour faire
exécuter un traité ; et remarquez-le bien, notre dette de 8,400,000
florins ne diminuera pas d’un centime.
Quoi qu’il en soit, sans admettre aussi facilement
que nos doctrinaires, sans doctrines et sans principes, les faits consommés, et
tout en espérant au contraire que l’on aura un jour le courage de reprendre ce
que l’on a eu la faiblesse d’abandonner, et précisément parce que le projet
peut faciliter la conquête de ce qu’on a arraché à la faiblesse de notre
gouvernement, je suis disposé à voter pour la proposition en discussion. Mais
j’ai besoin de quelques explications avant de me prononcer définitivement.
Il est une question que j’ai déjà soulevée hier, et
sur laquelle je demande une explication franche et nette : aux frais de qui le
canal, soit de Dam à la mer, soit de Zelzaete à la mer, doit-il être exécuté ?
Le canal réduit à la simple proportion d’un canal d’écoulement des eaux de Dam
à la mer pourrait être à la charge de ceux qui en profitent.
On pourrait soutenir cette thèse, surtout ceux qui
ont contesté la nécessité d’indemniser complètement tous ceux qui ont souffert
pendant les glorieuses journées de septembre à Bruxelles, et que par conséquent
les charges du canal projeté doivent incomber à ceux qui en profiteront. Je
n’ai jamais varié de principe sur cette question. Je ne varierai pas encore
aujourd’hui. J’ai dit depuis 5 ans que tous les désastres de la guerre doivent
être supportés par la nation. Si la moitié de la nation était ruinée, disais-je
en novembre 1830, l’autre moitié devrait partager avec elle.
Partant de ce principe, je dis : Le canal de Dam à
la mer, surtout s’il part de Zelzaete, ne peut pas être en totalité à la charge
des propriétaires des Flandres, parce que ce canal est le résultat d’une
nécessité politique admise par le congrès ou plutôt par le gouvernement produit
du congrès. Les habitants des Flandres avaient un écoulement naturel à travers
Mais si d’un côté nous devons remettre les
habitants des Flandres dans la position où ils étaient avant notre séparation
de
Plusieurs
membres. - Oui ! oui !
M. Gendebien. -
Nous verrons bien ; mais ce point est le point délicat, le point difficile à
établir, le point qu’il est indispensable d’établir dans la loi.
Je répète mon argument ; il est certain que l’on ne
peut imposer la charge entière aux propriétaires, puisque c’est par le fait du
gouvernement qu’il y a des travaux à exécuter. Mais il est certain qu’ils
doivent payer la même contribution qu’ils payaient avant l’exécution des
travaux.
Je voudrais donc que les députés des Flandres qui connaissent
la position des lieux, les rapports des propriétaires à l’égard des
wateringues, s’exprimassent avec la même netteté, avec la même franchise (j’ai
le droit de le dire) que j’apporte dans cette discussion.
Je demande que l’on insère dans la loi un article
qui détermine les rapports nouveaux des propriétaires avec le gouvernement, en
raison des travaux qu’il va exécuter aux frais de la généralité. Précédemment
ils étaient en rapport avec l’association des wateringues. Maintenant ils vont
être en rapport avec le gouvernement.
Je désire que ces rapports soient établis par une
loi. Je ne veux pas retarder la discussion. Je demande simplement qu’il soit
fait une réserve dans la proposition. Je ne veux pas que quand les travaux
seront faits, on s’oppose à une contribution équitable ou qu’on se plaigne d’un
impôt énorme. Je demande que l’on discute les bases de la ventilation qui doit
nécessairement s’établir sur la quotité des charges de chacun, en raison de la
position nouvelle des propriétaires des Flandres. Voilà un des points sur
lesquels je demande à être éclairé.
J’aborde maintenant la question du canal en
elle-même ; elle me semble devoir être résolue affirmativement. Je reconnais
l’utilité du canal de Dam à la mer, mais si j’ai bien compris tout ce qui a été
dit dans les séances d’hier et surtout d’aujourd’hui, je considère le canal de
Zelzaete à Dam comme bien autrement important que celui de Dam à la mer. Ce
dernier est d’un intérêt purement local, qui n’a aucun point de contact avec
l’intérêt général. Mais celui de Zelzaete à la mer est d’un intérêt général qui
me semble incontestable.
Si vraiment le canal de Zelzaete à la mer est une
bonne ligne de défense contre
Les Hollandais forceraient ainsi notre armée
occupant la ligne de
Je ne comprends donc pas comment le ministre
abandonne si légèrement et même si dédaigneusement la question politique ; car
pour moi, la question principale que doit soulever le canal est purement
politique, et je n’y vois d’intérêt général proprement dit que dans ce point.
Peut-on dire sérieusement que le pays tout entier
est intéressé à l’écoulement des eaux des Flandres, parce que les eaux entrant
dans le canal de Bruges à Ostende peuvent entraver la navigation de ce canal ?
Peut-on dire que les habitants du Hainaut, usant de la navigation dans le canal
de Bruges, sont intéressés à en conserver la bonne navigation, et que par
conséquent ils doivent contribuer à faire le nouveau canal ? Mais si ces
raisons étaient vraies, l’Angleterre,
Il faut donc abandonner ce misérable argument qui
n’est qu’une véritable niaiserie. Ce n’est pas ainsi que j’entends l’intérêt
général, ce n’est pas avec de pareils arguments qu’on me convaincra.
Les Flandres ont un intérêt incontestable, et j’ose
le dire, local, à l’exécution des travaux projetés ; le pays y est également
intéressé. Cela est incontestable, mais il n’est pas intéressé dans le sens
qu’on affecte de le dire.
Ne réduisons pas la
question à de mesquines discussions, à de misérables arguties d’intérêt
particulier. L’intérêt général est tout entier dans la solution de cette
question : Est-il vrai que le canal de Zelzaete à la mer soit un moyen de
défense contre
Est-il vrai que
Je le pense ; mais sur ce point, qui est évidemment
d’intérêt général, je demande d’être éclairé.
J’ai dit que les travaux sont sous certains
rapports d’un intérêt général ; j’en conclus que la généralité doit contribuer
à son exécution. Il y a donc deux motifs pour mettre en partie (sans en régler
la quotité, ce que l’on fera plus tard par une ventilation), à la charge de
l’Etat, une partie des dépenses : le premier, parce que les Flandres sont
privées du moyen d’écouler leurs eaux ; le gouvernement ou plutôt la généralité
leur doit donc une indemnité de ce chef. Le second motif pour mettre une partie
de ces frais à la charge de l’Etat, c’est que le canal est utile pour la
défense du pays et pour nous mettre en mesure un jour de reprendre (comme cela
arrivera, je l’espère) la rive gauche de l’Escaut, que l’on a abandonnée, lâchement
peut-être, mais, à coup sûr, par ignorance impardonnable des conséquences de
cette faiblesse.
Après que l’on aura donné les explications que j’ai
demandées, si je suis convaincu, je voterai pour la proposition. Je n’ai pas
besoin de déclarer que je ne m’occupe pas d’intérêt particulier. Je ne
stipulerai pas que les Flandres voteront dans tel ou tel sens, quand il s’agira
de la province qui m’a confié le mandat de député. Je me confie dans la justice
de la chambre ; je n’invoquerai jamais que sa justice, et je saurai toujours la
réclamer avec force et indépendance en faveur de toutes les localités, mais
aussi envers et contre toutes.
M. Hye-Hoys. -
Messieurs, la nécessité de construire un canal d’écoulement pour les eaux des
deux Flandres est d’une imminence généralement reconnue, non seulement dans
l’intérêt agricole de ces provinces, mais aussi dans celui du trésor, qui voit
lui échapper l’impôt foncier des terres inondées. Elle ne pas moins non plus
dans l’intérêt des provinces, auxquelles la navigation sert de moyen de
transport à leurs produits. Ce sont ces considérations puissantes et d’intérêt
général, bien plus encore que d’intérêt local, qui ont fait proposer à votre
commission des travaux publics d’accorder au gouvernement l’allocation qu’il
demande pour commencer le creusement du canal de Zelzaete.
Voilà la sixième année, messieurs, que les
Hollandais sont maîtres de nos écluses d’écoulement, et que les Flandres
restent en grande partie inondées, dans la saison des pluies, par les eaux qui
s’écoulaient auparavant par ces écluses ; calamité à laquelle on n’a trouvé
d’autre remède temporaire que dans l’écoulement de ces eaux par le canal de
Bruges à Ostende.
Mais ce moyen d’écoulement, insuffisant d’ailleurs,
a sous tous les rapports, surtout sous celui de la navigation et du commerce
les plus fâcheux résultats, en ce qu’il exige, pendant la moitié de l’année, la
baisse des eaux du canal, et que la navigation se trouve ainsi interrompue, au
grand préjudice du commerce qu’il paralyse.
Cette baisse des eaux, qui
surprend toujours nécessairement un plus ou moins grand nombre de bateaux dans
leur cours de navigation, est particulièrement à craindre pour ceux qui
transportent les houilles et la chaux du Hainaut, en ce que reposant alors sur
le fond du canal, et pouvant y reposer, tantôt obliquement, tantôt sur un fond
inégal, le poids de leur chargement les disloque et les met toujours dans le
plus grand danger.
Je crois inutile de m’étendre davantage sur
l’urgence de procéder immédiatement à la construction du canal de Zelzaete, je
ferai seulement remarquer qu’il y a urgence d’y procéder simultanément dans les
deux Flandres,
Je ne ferai plus qu’une réflexion, messieurs, c’est
que la construction du canal de Zelzaete, si elle est commandée par les
souffrances de l’agriculture, de la navigation, du commerce, par l’intérêt
général du pays, l’est aussi par l’honneur national qui ne nous permet pas sans
lui porter une atteinte sensible, de laisser nos concitoyens dans la position
de ne recevoir le soulagement qu’ils réclament que du bon plaisir de nos
ennemis, et nous impose le devoir de les soustraire nous-mêmes par une dépense
utile et qu’il est en notre pouvoir de faire l’humiliation d’en solliciter une
faveur, que nous devons, en vrais Belges, en Belges indépendants de nos voisins,
avoir la noble fierté de ne pas attendre de leur capricieuse commisération.
Je voterai par ces considérations pour l’allocation
du subside demandé par le gouvernement.
M. A. Rodenbach.
- M. Gendebien convient que, lorsque par suite d’une révolution, un pays a
perdu une limite, une frontière qui le défendait, il est juste, pour que
l’ennemi ne profite pas de l’absence d’une ligne défensive, de lui donner une
nouvelle frontière.
Il a dit également qu’il suppose que la province
doit subvenir dans la dépense dont nous examinons l’utilité en ce moment. Sans
doute, lorsqu’il s’agit de travaux hydrauliques de peu d’importance, c’est à la
province à en payer la dépense ; mais lorsqu’il s’agit de grands travaux qui
intéressent la généralité, c’est à l’Etat à les payer.
C’est ainsi que nous votons annuellement au budget
une somme de 250,000 fr, pour réparations et entretien des digues de la mer.
Il s’agit aujourd’hui de
donner aux Flandres une frontière qui les mette à l’abri d’une inondation de
100 à 200,000 bonniers, attendu que les Hollandais sont maîtres des eaux de ces
deux provinces. Il ne s’agit donc pas ici de construire un canal provincial,
mais un canal gouvernemental.
Je conviens avec l’honorable préopinant que les
propriétaires devront contribuer à la dépense. Mais il faut remarquer
qu’aujourd’hui ils paient aux Hollandais un florin par bonnier
pour entretien des digues. Le canal construit, ils ne seront plus soumis à cet
impôt. Quelquefois l’on exige une cotisation plus forte encore de la part des
habitants des polders, il y a des laboureurs qui sont obligés de payer pour les
eaux qui viennent de Hollande en même temps que pour les eaux qui viennent de
Est-il juste que la charge résultant
de la construction du canal de Dam retombe sur eux seuls ? C’est comme si l’on
voulait faire payer aux habitants voisins de la mer les frais des digues. De
même que l’Etat empêche la mer de submerger le pays, l’Etat est tenu de
préserver les Flandres de l’inondation qui résulterait des eaux venant du
Hainaut et de
En terminant, je prierai la chambre de ne pas
oublier le passage du rapport de M. Vifquain, où il est dit que
M. Gendebien. -
L’honorable M. Rodenbach ne m’a pas compris. Je m’en réfère au Moniteur et à la manière dont d’autres honorables
membres m’auront compris. Pour que l’on ne garde aucun doute sur les principes
que je professe dans cette matière, je déclare, comme je l’ai déjà dit à dix
reprises différentes que, si la nation est juste, elle doit indemniser tous les
propriétaires dont les propriétés ont été inondées depuis le commencement de la
révolution.
Maintenant il n’y a plus moyen de contester le
principe que j’ai avancé. Je n’en dirai pas davantage. Je le répète, M.
Rodenbach ne m’a pas compris.
M. Van Hoobrouck. - En adoptant le
projet présenté par M. le ministre de l’intérieur, je demande qu’il ne soit
rien préjugé sur la nécessité de construire le canal jusqu’à Zelzaete. Je vous
prie de remarquer que les considérations que l’on a fait valoir dans la
discussion se rapportent particulièrement à la partie du canal entre Dam et
Zelzaete. Je ne répéterai pas les considérations de la plus haute importance
qu’a fait valoir l’honorable M. Andries.
Je crois cependant devoir répondre un mot à l’honorable
M. Gendebien.
L’honorable membre, si je l’ai bien compris, a
demandé si les propriétaires des polders qui paient une contribution
extraordinaire pour les travaux des digues, continueraient à la payer lorsque
la construction du canal viendrait à rendre ces travaux inutiles.
Je pense que partout où la construction du canal
rendra inutiles les travaux destinés à l’écoulement des eaux, les propriétaires
devront continuer à payer cette contribution extraordinaire qui serait alors
perçue par le gouvernement. Mais c’est une question qui doit être mûrement
pesée. Cela peut faire l’objet d’une loi et même d’une administration
particulière. Si je ne me trompe, la province elle-même a offert de céder au
gouvernement les péages sur les canaux de navigation et d’écoulement, à
condition que le gouvernement se charge de l’écoulement des eaux. Mais il faut
que ce travail soit entier, qu’il pare à tous les inconvénients qui se sont
présentes depuis la révolution dans les Flandres.
Je puis assurer que dans ce cas, les propriétaires
consentiraient à payer au gouvernement les impôts qu’ils paient à des
administrations privées.
M. Andries. - J’ai
dit que chaque polder a une administration particulière composée d’un directeur
et d’un secrétaire-trésorier. D’après la loi française les propriétaires des
polders se réunissent chaque année pour s’imposer une cotisation par bonnier qui couvre les frais d’entretien des rigoles et des
chemins. Ces administrations sont donc indépendantes. Elles se cotisent
elles-mêmes, elles font un rôle de recouvrement. Il faut être possesseur de
tant de bonniers pour avoir droit de voter à l’assemblée générale.
Le rôle de recouvrement est soumis à l’approbation
du gouvernement ; et il devient dès lors exécutoire. Le secrétaire-trésorier a
les mêmes droits qu’un receveur de contributions directes.
Dans quelques localités, les impositions sont
excessivement élevées. Il y a des polders où l’on paie jusqu’à dix francs par bonnier. Ainsi un propriétaire de cent bonniers paie mille
fr. et s’estime trop heureux d’échapper aux ravages de l’inondation.
Chaque polder a en outre une autre charge s’il est
éloigné de la mer. Si ses eaux doivent passer par un autre polder avant
d’arriver à la mer, il faut qu’il s’entende avec le polder voisin.
Ainsi, le polder de Middelbourg
se décharge dans un polder au sud de la digue de St-Pierre. Il paie à celui-ci
10 cents par bonnier, à cette condition qu’une éclusette soit construite à l’entrée du second polder pour
l’écoulement des eaux du premier, éclusette dont
celui-là a la clef et qu’il n’ouvre que quand l’écoulement de ses propres eaux
le permet. Ce n’est pas tout. Entre ce second polder et la mer, il y en a un
troisième à qui le premier, celui de Middelbourg,
paie aussi une redevance de 10 cents par bonnier.
Ainsi, outre les charges particulières, il paie encore 60 florins pour faire
écouler ses eaux jusqu’à la mer.
Enfin il existe une troisième charge commune à tous
les polders, qui sert à l’entretien de l’écluse de mer. Il y a à cet effet une
direction composée de députés de tous les polders qui déchargent par cette
écluse de mer : c’est ainsi que l’écluse du Pas-Water
donne passage aux eaux d’une dizaine de polders. Elle est confiée aux soins
d’une direction particulière, et chaque polder contribue aux frais de son
entretien selon son étendue particulière.
Depuis plusieurs années, l’on a reconnu
l’insuffisance de ces écluses. C’est ainsi qu’en 1829, lorsque les deux
royaumes étaient unis encore, alors que le gouverneur de
C’est en 1831 que le gouvernement a dû payer cela,
qu’il a réparé un tort fait au pays avant la révolution. Je regrette de ne
pouvoir pas donner le chiffre auquel cela s’est monté.
Mais d’où vient que les écluses ne sont pas
suffisantes pour l’écoulement des eaux ? C’est l’ensablement qui en est d’abord
une cause générale et permanente. Ensuite l’agriculture a fait des progrès très
grands. Autrefois les cultivateurs exploitaient de plus grandes fermes ; mais
l’accroissement de la population a entraîné le morcellement des propriétés, et
l’industrie est devenue plus active. Autrefois un bon fermier qui cultivait 300
bonniers se promenait tranquillement sur ses terres, et s’il trouvait quelque
bassin ou bas-fond sur ses terres, rempli d’eaux pluviales, il disait : J’en ai
vu autant du temps de mon père, et il ne s’inquiétait pas de donner une issue
aux eaux.
Aujourd’hui l’eau du ciel tombe : un quart d’heure
après, c’est à peine si on s’en aperçoit sur les terres. Elle se trouve dans la
rigole, et elle passe de là dans les canaux qui ne peuvent plus suffire.
Il y a d’autres causes à l’insuffisance des
écluses, c’est le défrichement des bois ; rien ne retient plus les eaux que les
bois. Car elles se trouvent arrêtées dans les fossés rarement curés et remplis
de feuillages. Or, plus de mille hectares de bois sont devenus des terres
labourables : les eaux qui séjournaient là autrefois pendant des mois en
descendent et forment des masses d’eau qui tombent dans des rigoles trop
étroites, s’y accumulent et débordent, devant tarder trop longtemps avant la
mer.
D’après ce que je viens de dire des trois
obligations qui incombent aux polders, je veux bien avouer qu’il y aura soulagement
; sous tous les rapports, ce sera une conséquence du meilleur débouché que vous
allez faire. Ce ne sera pas un ouvrage mesquin, ce sera quelque chose de solide
; et dans les temps orageux, malgré les marées contraires, on pourra décharger
facilement les eaux de tous les polders ; ou le canal les traversera, ou il
passera à peu de distance, tandis que maintenant les eaux doivent aller
chercher la mer à deux ou trois lieues.
Toutefois, le canal
construit, chaque polder sera obligé à une augmentation de frais à cause du
changement à donner aux rigoles qui autrefois allaient vers la Hollande et qui
maintenant devront porter leurs eaux vers le nouveau canal. Dans plusieurs
polders les rigoles actuelles ne seront d’aucune utilité ; il faudra en faire
de nouvelles, et une fois faites, il faudra les entretenir.
Si on devait entamer la discussion sur
l’administration qui devra être organisée plus tard, je reconnaîtrais que la
construction du canal va entraîner un grand changement dans l’administration ;
il faudra une direction générale pour tous les polders.
Il y a des communes qui ne savent où mener leurs
eaux. A Waerschoot, par exemple, quelques terres sont
condamnées à une perpétuelle stérilité ; ces terres se trouveront soulagées et
devront entrer dans l’association et contribuer à l’administration générale de
tous les polders.
Je désire que dans cette administration générale,
il entre des délégués de l’administration publique ; je le désire de tout mon
cœur, parce que la réunion des wateringues donne lieu à de grands abus. Ils ne
se réunissent que pour dîner, c’est l’appât d’un bon dîner qui les fait venir.
Ils font quelquefois d’énormes dépenses. Il y a eu tel dîner, dans le compte
duquel on a porté la petite somme de 500 florins pour le dessert et les vins. (On rit.)
Il faut donc de toute nécessité que cette
association générale soit composée d’abord de grands propriétaires, mais
ensuite de quelques agents responsables. Mais je reconnais qu’il ne s’agit pas
de cela en ce moment.
M. Dumortier. -
Je crois devoir prendre de nouveau la parole dans cette discussion pour
répondre aux allégations de quelques honorables membres.
Je ne pense pas qu’on ait en aucune manière détruit
aucun des faits que j’avais avancés. Je suis convaincu au contraire que ce qui
a été avancé à la séance d’aujourd’hui par nos adversaires tend à démontrer la
vérité que j’ai énoncée que la dépense dans laquelle on veut nous entraîner
sera faite en pure perte pour l’Etat, et qu’il y a un moyen plus économique
d’arriver au résultat qu’on se propose.
Je répéterai ce que j’ai dit dans la séance d’hier
que les polders ont droit d’exiger qu’il leur soit donné un moyen découlement
qui les indemnise de la perte de ceux qu’ils avaient sous le gouvernement
hollandais. Je reconnais aussi d’une autre part que l’écoulement qu’on projette
est inutile et qu’il suffit d’améliorer l’écoulement du Zwyn
par le Hazegras.
Je vais en quelques mots rétablir la vérité des
faits.
Si vous vous en rapportez à ce que vous a dit
l’honorable M. Andries qui a le plus franchement abordé la question, cette
écluse ne peut pas satisfaire à l’écoulement des eaux des Flandres, parce que
toutes les eaux salées des Flandres tendent vers un atterrissement continuel,
de sorte que dans quelques années tous les ports seront comblés.
L’honorable membre a invoqué l’histoire : il vous a
dit qu’à Philippine où autrefois naviguaient de belles flottes, à peine un
petit bâtiment pouvait entrer ; que des batailles navales s’étaient livrées
dans le Zwyn, et qu’à peine un navire pourrait y
passer. Je suis convenu de tous ces faits hier, j’ai reconnu que tous les bras
latéraux de l’Escaut avaient une tendance à s’encombrer, qu’il s’opérait des
atterrissements continuels ; mais j’ai dit qu’il ne fallait pas séparer ces
faits d’autres faits aussi positifs. C’est que s’il se forme un atterrissement
au centre, il reste un écoulement pour les eaux pluviales qui n’a jamais pu
être comblé et ne le sera jamais.
Pour prendre un exemple dans une autre localité, je
vous rappellerai que Nieuport a été le premier port de
Nieuport, comme tous les ports situés sur un bras
de mer de
Ainsi le Zwyn a disparu
de la carte comme port de mer, mais il restera toujours dans le Zwyn une rigole d’écoulement et qui suffira à l’écoulement
des eaux de cette contrée.
Le Zwyn autrefois formait
un golfe qui aujourd’hui a disparu, mais il est resté un canal d’écoulement qui
existera toujours.
L’honorable M. Andries s’est trompé sur les faits,
lorsqu’il a dit que vis-à-vis de l’écluse de Hazegras,
il s’était formé un îlot qui se trouvait à sec à marée basse, sur lequel les
bestiaux allaient paître et dont il dépendait des Hollandais de faire un polder
comme de l’ancien port de Bouchaute, ce qui priverais
Le bras méridional de Zwyn
appartient aussi à
J’ai donc détruit par leur base les arguments
présentés par M. Andries, et il reste constant que le canal d’écoulement ne
peut jamais être détruit.
Si l’îlot est en notre possession, il est facile de
comprendre que
Il s’agit d’une seule chose, savoir : de remplacer
par un canal nouveau l’écoulement que nous avions autrefois par la ville de
l’Ecluse. Or, si nous pouvions continuer à être en possession de l’écoulement
par la ville de l’Ecluse, on ne viendrait pas nous demander le canal de
Zelzaete. Les Flandres ont droit à une chose, c’est qu’on leur rende
l’écoulement qui maintenant leur manque ; et comme les eaux pluviales qui
s’écoulent par l’écluse passent devant le Hazegras,
il suffit d’amener ces eaux dans le Hazegras pour
rendre aux Flandres ce qu’elles ont perdu, et il y aura par là compensation
complète. Ceci est incontestable, et jamais on ne répondra à mes arguments.
L’homme qui, dans les Flandres, connaît le mieux ce
qui est relatif à l’écoulement des eaux, et dont les députés des Flandres ont
souvent invoqué les opinions, cet homme, si savant en cette matière, et si
digne d’être cité par son expérience, est tout à fait d’avis que la dépense que
l’on propose est en pure perte ; qu’il ne faut pas deux ou quatre millions ;
que 200 à 300 mille francs suffiraient. Tel est l’avis d’un homme qui depuis
quarante années s’occupe de l’écoulement des eaux et est directeur des
wateringues ; et cet avis est d’un grand poids.
Je conçois que l’opinion que je défends, toute
fondée, toute sage qu’elle est, aura peu de succès, d’après la manière dont je
vois l’assemblée composée ; quoi qu’il en soit, j’exprimerai ma pensée ; je
remplirai mon mandat, parce que je ne veux pas voir grever le trésor public. On
parle de patriotisme, d’intérêt de clocher ; mais comment ne pas voir d’intérêt
de clocher quand on vient exiger que le trésor public paie des dépenses qui
profiteront seulement à quelques particuliers ? Cependant, ce n est pas à nous
à jeter au vent les deniers publics pour arriver à un tel résultat.
Mais voyez comment on raisonne dans cette
discussion : s’agit-il du canal, on vous présente les Flandres comme étant sous
les eaux ; mais s’agit-il de faire contribuer les habitants qui gagneront par
la plus value de leurs propriétés desséchées, on vous dit que les eaux à peine
tombées sont écoulées.
M. Andries. -
Elles sont écoulées dans les canaux par les rigoles, mais point à la mer.
M. Dumortier. -
Il n’y a qu’un instant que vous venez de déclarer que l’eau ne séjourne plus
actuellement dans les propriétés : autrefois, disiez-vous, un propriétaire ne
s’inquiétait pas de voir une nappe d’eau au milieu de son champ ; ses pères
avaient souffert la présence de cette eau, il pouvait bien la souffrir lui-même
; maintenant, avez-vous ajouté, on ne veut plus voir de nappe d’eau au milieu
de ses champs, et on la fait écouler : et puis, après avoir dit cela, quand il
s’agit d’obtenir une dépense de quatre millions, vous nous représentez les
terres des Flandres comme étant inondées.
Comment arranger de tels dires ? Quant à moi, je
n’en sais rien.
Hier, j’ai fait un argument auquel on n’a pas
répondu, c’est celui relatif à la dépense. Car on ne veut pas se contenter du
canal de Dam à la mer ; on veut le canal jusqu’à Zelzaete. Or, ce canal coûtera
quatre millions ; qui paiera cette dépense ? On ne l’a pas dit. Je soutiens que
la dépense est toute provinciale, et qu’elle doit être supportée par la province
au profit de laquelle elle sera faite ; qu’ainsi ce sont les Flandres qui
doivent payer le canal.
M. A. Rodenbach.
- Mais gardez vos eaux !
M. Dumortier. -
Je n’interromps pas M. Rodenbach quand il parle ; qu’il fasse de même quand je
parle.
Messieurs, il n’est pas juste que le Limbourg, que
le Luxembourg, que le Hainaut se cotisent pour payer une telle dépense.
Personne n’a abordé cette objection que j’ai déjà produite hier.
Quant à moi, je le déclare, si le système de la
dépense est admis, je demanderai que les canaux des Flandres soient déclarés
canaux de l’Etat : si on veut que l’Etat en paie les frais, il faut qu’il en
ait les bénéfices. (Bruit.)
Remarquez bien où on va vous mener : on commencera
par vous faire faire une dépense de 4 millions pour le canal jusqu’à Zelzaete ;
mais en serez-vous quittes ? non ; il faudra payer des
frais d’administration pour le canal : dans l’état actuel des choses,
l’administration des canaux et celle des polders sont séparées. Pour les
polders ce sont les intéressés qui font tout exécuter par eux-mêmes, et qui
paient tous les frais qu’exige la conservation de leurs propriétés ; mais ils
ne paieront rien pour les canaux ; ce sera le trésor qui sera encore chargé de
cette dépense. La mesure est ruineuse pour l’Etat sous tous les rapports.
C’est aux Flandres à payer tout ce qui concerne les
eaux des Flandres ; c’est aux Flandres à payer le canal, mais l’intérêt
particulier ne veut pas comprendre des raisonnements aussi simples. Nous avons
acté des dépenses plus élevées que nos recettes (bruit), et quand on demandait 10,000 francs de subventions pour des
objets qui honorent le pays, on était sûr de voir M. A. Rodenbach s’y opposer ;
mais quand on vous demandera quatre millions pour les Flandres, vous serez sûrs
de voir M. Rodenbach voter l’allocation. (Bruit.)
Avec quoi allez-vous faire face à ce surcroît de
dépenses ? Quant à moi, je ne le vois point ; je n’aime pas à voir la chambre entrer
dans un système ruineux d’emprunt.
Autre chose est de faire un emprunt pour les routes
dont on propose la construction, et autre chose est d’en faire pour le canal de
Zelzaete. Et pourquoi ? parce que le produit des routes a par la loi une
affectation spéciale ; or, l’excédant de ce produit ne devant pas entrer dans
la caisse de l’Etat, vous ne serez pas obligés de grever le trésor public, si
vous faites un emprunt pour les routes nouvelles.
Mais, messieurs, on ne peut nullement invoquer
cette considération en faveur du projet du canal de Zelzaete.
On propose une dépense qui s’élèvera à environ 2
millions ; avec quoi paierez-vous cette somme ? Il n’y a pas ici de fonds
spécial. Ferez-vous un emprunt ? mais cet emprunt va à
jamais obérer
Comment, messieurs, quand il s’agissait de nous
démontrer combien les Flandres étaient surtaxées dans l’impôt foncier, on
prétendait que les terres n’y rapportaient qu’un revenu insignifiant ! et aujourd’hui, à l’occasion du projet qui nous occupe, on
représente ces mêmes terres comme étant de grande valeur ! N’y a-t-il pas là
contradiction flagrante ?
Je voudrais bien que mes adversaires rencontrassent
cette objection que j’ai déjà faite et que je
reproduis en passant ; et pour que tout le monde soit bien convaincu de
l’exactitude de ma dernière assertion, je dirai qu’elle se trouve consignée à
la page 13 du mémoire de M. Vifquain.
Maintenant, messieurs, j’en reviens au point où
j’ai été interrompu.
Je le demande encore, qui paiera la dépense
considérable dans laquelle on veut nous entraîner ? Nous n’avons pas, je le
répète, comme pour la création de nouvelles routes, un fonds spécial qui
n’entre pas dans la caisse de l’Etat ; ainsi, puisque ce fonds nous manque,
nous devrons créer les emprunts au détriment de l’Etat, qui n’auront aucune
espèce de chance d’amortissement.
Ainsi, pour procurer des avantages à deux
provinces, ou plutôt à quelques habitants d’une partie de ces deux provinces,
vous allez à jamais grever le trésor public de l’intérêt de deux emprunts, et
en supposant que ces deux emprunts se fassent, pour les obtenir au pair, au
taux de 5 p. c., vous aurez à payer annuellement une
somme de 200 mille fr. d’intérêt.
Outre cela, vous aurez peut-être la moitié de cette
somme à porter pour frais d’administration ; et tandis qu’aujourd’hui ce sont
les possesseurs des polders qui administrent à leurs frais les moyens
d’écoulement, vous allez mettre cette administration à la charge de l’Etat.
Voilà où vous arriverez avec le système qu’on
propose.
Il est donc manifeste que l’écoulement des eaux
n’est que le prétexte, et que l’amélioration des terres de certains
particuliers est le motif.
Messieurs, les considérations que j’ai eu l’honneur
de présenter méritent certes qu’on y ait égard ; eh bien, tous les orateurs se
sont bornés à alléguer des raisons très judicieuses sans doute, pour obtenir,
aux dépens du trésor, la création d’un canal d’écoulement, que je suis aussi
désireux qu’eux de voir exécuter ; mais je pense que le trésor ne doit
intervenir que pour une faible partie dans une semblable dépense.
Un honorable membre, en faisant une espèce
d’invocation aux députés des autres provinces, a dit que quand il s’agirait de
voter des travaux à exécuter aux rives de
Une pareille manière de s’exprimer est, à mon avis,
un scandale dans le sein de la représentation nationale.
Je dirai à l’honorable membre qui s’exprime de la
sorte, qu’il y a une grande différence entre les travaux à faire aux rives de
Je voterais sans hésiter, et de grand cœur, une
dépense de 100 à 200 mille fr. pour l’écoulement des eaux des Flandres, surtout
quand il est démontré (et cela a été démontré par l’honorable M. Dubus) que cet
écoulement peut être opéré au moyen d’une dépense de moins de 200,000 fr.
Quant à ce qu’a dit l’honorable M. Andries que le
canal que l’on projette serait un moyen de défense pour le pays ; que lorsque
le canal serait fait, on entrerait à pied sec dans toutes les forteresses de
M. Andries. - Il
n’y en a plus.
M. Dumortier. -
S’il n’y en a plus, la construction d’un canal ne vous sert à rien. Ces moyens
militaires, résultant de l’exécution du canal, sont donc presque insignifiants.
Quant à ce qu’a dit l’honorable membre, que si on faisait
ce canal,
Vous voyez donc qu’il est impossible d’admettre
ainsi le système de l’honorable, préopinant.
J’ajoute que dans la proposition, du gouvernement
rien n’est définitif. D’après la proposition déposée hier par M. le ministre de
l’intérieur, on ne sait si la dépense s’élèvera à 4, 5, 6, 10 millions.
Et comment pourvoira-t-on à la dépense ? On fera un
emprunt ; mais l’intérêt de cet emprunt, où le trouvera-t-on ? Il faudra donc
augmenter les impôts déjà si considérables !
Comment peut-on songer à un pareil système,
lorsqu’un système vingt fois plus économique doit donner le même résultat ?,
On a dit, messieurs, que ce canal de navigation
n’était pas un canal d’écoulement. Nous savons cela tout aussi bien que
l’honorable membre. Mais quand vous aurez fait l’acquisition des terrains,
quand vous aurez tracé, construit votre canal d’écoulement, la conférence,
chargée de régler les différends entre la Belgique et la Hollande, vous dira :
Approfondissez votre canal ; faites-en un canal de navigation, et renoncez à la
souveraineté de l’Escaut.
Par ces motifs je ne puis donner mon assentiment au
projet.
Un mot encore. Votre canal construit, il faudra en
protéger l’écluse contre les attaques de l’ennemi ; faute de quoi, les Flandres
pourraient être inondées en un instant. Pour protéger cette écluse, il faudra construire
un fort. De là des dépenses considérables à ajouter aux autres. C’est une
considération que vous ne devez pas perdre de vue.
- La séance est levée à 5 heures.