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Chambre des représentants de
Belgique
Séance
du samedi 30 avril 1836
Sommaire
1) Pièces
adressées à la chambre
2)
Rapport sur les conditions de mise en œuvre de la moi sur les naturalisations.
Règlement de la chambre (Dubus, Gendebien)
3) Projet
de loi portant création d’un conseil des mines. Composition, compétences et
mode de fonctionnement du conseil, mines de charbon, indemnités au propriétaire
(Fallon), composition du conseil (Gendebien,
de Theux, Fallon, de Theux, Gendebien, Liedts, Ernst, Gendebien,
Ernst, d’Hoffschmidt, de Theux, Smits, Jullien),
droit de préférence accordé au propriétaire (Raikem, Dubus, de Theux, Raikem,
Fallon, Dubus, Raikem,
Gendebien, de Theux, Fallon, Desmanet de Biesme, Dubus, de Theux, Desmanet
de Biesme, Jullien, Pirmez, Gendebien), expropriation pour construction de voies de
communication (de Theux, Dubus, Fallon, de Theux, Pirmez,
Gendebien, de Theux, Pirmez, de Theux, Fallon, Jullien, de Theux, F. de Mérode, de Theux, (+industries extractives) (F.
de Mérode, Gendebien), F. de
Mérode, Jullien)
(Présidence de M. Raikem.)
(Moniteur
belge n°123, du 2 mai 1836)
La séance est ouverte à une heure et demie.
M. de Renesse
procède à l’appel nominal.
M. Schaetzen
lit le procès-verbal ; la rédaction en est adoptée.
M. de Renesse
fait connaître l’objet des pièces suivantes adressées à la chambre.
PIECES ADRESSEES A
« Le sieur Jamotte se
plaint d’une prétendue arrestation arbitraire et d’une violation de la liberté
individuelle. »
« Le sieur
Raikem (C.), praticien en droit, demande que la chambre adopte une mesure qui
défende aux greffiers des justices de paix de défendre des cause, d’une justice
de paix à l’autre. »
________________
- Ces pétitions sont renvoyées à la commission des
pétitions chargée d’en faire le rapport.
RAPPORT SUR LES CONDITIONS
DE MISE EN ŒUVRE DE
M.
Dubus, rapporteur de la commission chargée de l’examen de la
proposition de M. Lejeune, relative au mode suivant lequel les naturalisations
seront accordées, monte à la tribune et s’exprime en ces termes. - Messieurs,
la commission chargée de l’examen de la proposition de M. Lejeune, concernant
le mode d’après lequel les naturalisations seront accordées, m’a chargé de vous
présenter le résultat de son travail.
Messieurs, la commission a adopté la proposition de
M. Lejeune ; et pour les motifs qui l’ont déterminée à y donner son
assentiment, je ne puis que me référer à ceux qui ont été présentés par
l’auteur de la proposition.
Seulement il a paru à la commission que le délai
fixé par l’article 3 du projet pour le vote sur la prise en considération n’était
pas suffisant. Aux termes de cet article 3, il doit y avoir au moins trois
jours, celui auquel le rapport a été fait, et celui auquel il sera procédé à la
prise en considération.
Votre commission a pensé qu’un délai plus long
serait nécessaire, pour que tous les membres de la chambre pussent prendre
communication des pièces qui auraient été déposées au greffe aux termes de
l’article dont il s’agit ; elle a donc cru qu’il fallait au moins un terme de
cinq jours ; elle a du reste adopté toutes les autres dispositions du projet.
En conséquence, par mon organe, elle a l’honneur de
vous proposer d’adopter les cinq articles réglementaires, présentés par
l’honorable M. Lejeune, avec un amendement à l’art. 3, consistant dans la
substitution du terme de 5 jours à celui de 3 jours, fixé par le deuxième
paragraphe dudit article.
M. Gendebien. -
Il me semble, messieurs, qu’il conviendrait de fixer la discussion de ce projet
entre les deux votes de la loi sur les mines.
Vous le savez, messieurs, depuis 5 ans et demi,
d’honorables citoyens qui ont rendu de grands services au pays, sollicitent la
naturalisation ; il est temps de leur rendre justice.
Il est d’autres catégories de naturalisation qui ne
souffrent pas non plus de retard, je veux parler des naturalisations réclamées
par des capitaines de navires marchands.
Je demande donc que la discussion du projet de M.
Lejeune soit fixée entre les deux votes de la loi sur les mines.
- La proposition de M. Gendebien est mise aux voix
et adoptée.
PROJET DE LOI PORTANT
CREATION D’UN CONSEIL DES MINES
Rapport de la commission
sur les articles 2 et 4
M. Fallon, rapporteur
de la commission chargée de l’examen des amendements proposés aux articles 2 et
4 de la loi sur les mines, monte à la tribune et s’exprime ainsi. - Messieurs,
votre commission a examiné les divers amendements qui sont parvenus au bureau
sur les articles 2 et 4 du projet de loi qui est actuellement en discussion, et
elle m’a chargé de vous communiquer le résultat de ses délibérations.
Article 2
Sur l’article 2, il a été déposé des amendements
par MM. Frison, Pollénus, Liedts, de Brouckere, Fallon, et le ministre de
l’intérieur.
M Pollénus a proposé une addition au premier
paragraphe de l’article 2, consistant dans ces mots : « Son avis sera
motivé, » de manière que le paragraphe serait ainsi conçu :
« Le conseil ne pourra délibérer qu’au nombre
de trois membres. Son avis sera motivé. »
Cet amendement a été adopté à l’unanimité de la commission.
Sur le paragraphe 2, deux amendements ont été
proposés, l’un par M. de Brouckere et l’autre par moi.
La commission a adopté mon amendement à
l’unanimité, sauf une légère modification dans la rédaction.
L’amendement serait ainsi conçu, et remplacerait le
paragraphe 2 de l’art. 2 :
« Les membres du conseil ni leurs parents, en
ligne directe, ne peuvent être intéressés dans une exploitation de mines ; ils
cessent, dans ce cas, de prendre part aux délibérations.
« Ils sont censés démissionnaires si eux-mêmes
ou leurs parents en ligne directe conservent pendant plus de six mois un
intérêt dans une exploitation. »
Les paragraphes 3 et 4 sont maintenus.
M. Liedts a proposé un amendement qui devrait être
intercalé entre le quatrième paragraphe et le cinquième.
L’amendement de M. Liedts était ainsi conçu :
« Tout membre du conseil des mines peut être
récusé pour les mêmes causes qui donnent lieu à la récusation des juges, aux
termes de l’art. 378 du code de procédure civile.
« La récusation sera proposée par acte
signifié au ministre de l’intérieur, avant que le conseil n’ait émis son avis.
« Le ministre, après avoir entendu le membre
récusé, statuera sans recours ultérieur. »
Cet amendement a également été adopté à
l’unanimité, sauf la suppression du mot « mêmes », de manière que
l’amendement serait rédigé ainsi :
« Tout membre du conseil des mines pourra être
récusé pour les causes qui donnent...» (Le reste comme ci-dessus.)
M. Liedts a proposé un second amendement qui n’a
pas été déposé sur le bureau de la chambre, mais qui a été communiqué à la
commission.
- L’amendement est ainsi conçu :
« Si, par suite des récusations admises ou des
abstentions, le conseil des mines se trouve en nombre insuffisant pour
délibérer, il sera complété par des suppléants qui seront nommés par le Roi
pour le temps de la vacance. »
Cet amendement, dont la commission a adopté les
motifs, lui paraît rendre indispensable la création de suppléants, et elle
propose, en conséquence, une addition à l’article 1er, laquelle consisterait
dans les mots suivants : « et de deux suppléants ; » de manière que
l’article 1er serait ainsi rédigé :
« Les attributions conférés au conseil d’Etat,
par la loi du 21 avril 1810 sur les mines, seront exercées par un conseil des
mines, composé d’un président, de trois conseillers et de deux suppléants
nommés par le Roi. »
Les paragraphes 5 et 6 de l’article sont maintenus.
M. Pollénus a proposé l’article additionnel suivant
:
« La fixation du rapport sera annoncée aux
parties intéressées, qui pourront y assister de même que leur fondé de pouvoir
spécial.
« Le rapporteur résumera les faits et les moyens
sans ouvrir son avis. »
Cet amendement a été rejeté par 6 voix contre 3
pour le motif que cette disposition a paru inutile à la commission, par suite
de l’amendement du ministre de l’intérieur qui a été adopté.
Cet amendement est ainsi conçu :
« L’avis du conseil sera précédé d’un rapport écrit
fait par l’un de ses membres.
«Ce rapport contiendra les faits et l’analyse des
moyens.
« Il sera déposé au greffe ; la notification
du dépôt sera faite aux parties intéressées par huissier, en la forme
ordinaire, à la requête du président ; les parties seront tenues d’élire
domicile à Bruxelles. Les notifications seront faites à ce domicile.
« Dans le mois du dépôt les parties seront admises
à adresser leurs réclamations. »
La commission a cru que cet amendement laissait
quelque chose à désirer dans la formalité de la signification à faire aux
parties intéressées par un huissier. Elle s’est demandé qui supporterait les
frais de ces notifications ; elle pense que ces frais doivent être à charge du
demandeur en concession.
En conséquence, elle propose d’ajouter à
l’amendement ces mots : « et les frais sont à charge du demandeur en
concession, en extension ou en maintenue de concession. »
Néanmoins cette modification, l’amendement a été
adopte par six voix contre une.
M. Frison a également présenté une disposition
additionnelle ; elle est ainsi conçue :
« Le conseil sera tenu de donner, par la voie du
greffe, et sans déplacement, communication aux parties intéressées, de ses
délibérations et de toutes les pièces qui concernent, soit les demandes en
concession, en extension ou en maintenue de concession, soit les oppositions ou
les interdictions. »
La commission a également adopté cette proposition
à l’unanimité, avec la suppression des mots « de ses délibérations. »
La commission regarde ces mots comme inutiles,
puisque toutes les pièces sans distinction, ayant rapport aux demandes en
concession, devront être communiquées aux parties intéressées, aux termes même
de l’amendement.
Tels sont, messieurs, les amendements qui ont été
proposés à l’art. 2.
Article 4
Sur l’art,
« La redevance fixe sera déterminée par l’acte
de concession, elle ne sera pas moindre de 25 centimes par hectare de
superficie. »
Cet amendement a été rejeté par 4 voix contre 3.
Le motif qui a déterminé le vote de la majorité a
été qu’il ne convenait pas de laisser au conseil la faculté d’arbitrer
l’indemnité au-delà des limites qui seraient fixées par la loi même.
M. Dubus a proposé ensuite de porter la redevance
proportionnelle à 4 p. c. du produit net de la mine ; mais cette proposition
n’a pas été résolue, parée qu’il y a eu partage dans le sein de la commission,
et qu’un membre s’est abstenu.
Un autre membre de la commission a proposé de
porter la redevance à 3 p. c., et cet amendement a été
adopté par 5 voix contre 2.
M. Jullien avait proposé de remplacer le dernier
paragraphe de l’art. 4 par la disposition suivante :
« Les propriétaires qui se croiront lésés par
les décisions du comité d’évaluation, pourront recourir au conseil des minés
qui statueront définitivement.
« Le recours devra être déclare dans la
huitaine du jour de la décision. »
Après une première discussion sur cet amendement,
M. Jullien a changé la rédaction de la manière suivante :
« Les parties intéressées qui se croiront
lésées par les décisions du comité d’évaluation, pourront recourir au
gouvernement qui statuera définitivement sur l’avis du conseil des
mines. »
- L’amendement ainsi rédigé a été adopte par 5
voix. Un membre s’est abstenu. Un autre membre avait quitté la séance.
Tel est le résultat des délibérations de votre
commission sur les amendements déposés à la dernière séance.
Discussion des articles
Titre Ier. - Du conseil des mines
(Moniteur
belge n°125, du 4 mai 1836) M. le président.
- La discussion continue sur l’article 2 du projet.
M. Gendebien. -
Est-ce que l’on ne fait pas imprimer ce rapport ?
M. le président. -
C’est un rapport verbal.
M. Gendebien. -
Mais il est impossible de discuter les nombreuses propositions de la
commission, si le rapport n’a pas été imprimé, si on ne l’a pas sous les yeux.
M. le ministre
de l'intérieur (M. de Theux). - Je ne m’oppose pas à ce qu’on imprime
le rapport comme document à conserver par les membres de la chambre. Mais je
demande que la discussion continue. Chacun a présent à l’esprit les
renseignements qui ont été produits dans la séance d’hier, et a entendu les
renseignements donnés par l’honorable rapporteur. Je crois qu’en discutant et
en décidant isolément chaque proposition, on arrivera facilement à une
solution.
M. Gendebien. -
Ce serait une chose fort extraordinaire et fort inusitée de faire imprimer,
seulement comme document, le rapport d’une commission et les articles nouveaux
présentés par cette commission. Mais ce serait quelque chose plus inusité
encore que l’on n’accordât pas un instant pour l’examen d’une loi toute
nouvelle avant de la mettre en discussion.
Comment ! nous avons
discuté pendant 6 jours avant de faire sentir la nécessité de poser des
garanties dans la loi. Maintenant on vient présenter un article composé de 7 ou
8 paragraphes. Mais ses dispositions sont-elles coordonnées avec les autres
dispositions de la loi ? sont-elles coordonnées entre
elles ? c’est ce qu’il est impossible de juger à une
simple lecture.
M. le ministre
de l'intérieur (M. de Theux). - Oui sans doute.
M. Gendebien. -
M. le ministre de l’intérieur dit oui. Pour moi je n’ai pas la prétention
d’avoir la science infuse ; quoique j’ai quelques connaissances en matière de
mines, je déclare qu’il m’est impossible de me prononcer immédiatement sur les
conclusions du rapport que vous venez d’entendre.
Il ne faut pas se le
dissimuler, voici une semaine entière que nous discutons sur un projet de loi
qui pèche par sa base. Je n’ai cessé de le dire. Les nouvelles propositions
changeront-elles cet état de choses ? Je n’en crois rien ; mais au moins
faut-il, avant de se prononcer, les juger dans leur ensemble ; et c’est ce
qu’il est impossible de faire sans avoir le texte sous les yeux. Je ne sais
pourquoi, au nombre de 50 ou 52 (car nous ne sommes pas en plus grand nombre,
et dans un quart d’heure nous ne serons probablement que 45 ou 46), nous
discuterions maintenant pour arriver lundi à un vote auquel prendront part 20
membres qui n’auront pas assisté à la discussion et qui viendront faire pencher
la balance à droite ou à gauche, suivant l’impulsion qu’ils auront reçue en
entrant dans la salle.
Il n’y a pas de loi plus importante dont la chambre
ait été saisie. Je dirai même qu’elle ne sera jamais saisie d’une loi plus
importante. Je crois donc qu’il conviendrait de faire imprimer le rapport et de
renvoyer la discussion à lundi.
Si on veut discuter les autres articles, je ne m’y
oppose pas. Je pense néanmoins qu’il serait plus sage et plus convenable de
renvoyer la discussion à lundi.
(Moniteur
belge n°123, du 2 mai 1836) M. Fallon, rapporteur.
- Je me suis borné à faire connaître à la chambre les amendements proposés et
le résultat des délibérations de la commission. Je crois que pour déférer à
l’observation de l’honorable M. Gendebien, il conviendrait que je donnasse
lecture de l’art. 2 tel qu’il résulte des amendements admis par la commission.
« Art. 2. Le conseil ne pourra délibérer qu’au
nombre de trois membres ; son avis sera motivé.
« Les membres du conseil, ni leurs parents en
ligne directe, ne peuvent être intéressés dans une exploitation de mines ; ils
cessent en ce cas de prendre part aux délibérations.
« Ils sont censés démissionnaires, si eux-mêmes, ou
leurs parents en ligne directe, conservent pendant plus de six mois un intérêt
dans une exploitation.
« Ils ne peuvent exercer la profession
d’avocat.
« Ils ne peuvent prendre part aux
délibérations relatives à des affaires sur lesquelles ils auraient été
consultés avant leur nomination.
« Tout membre du conseil des mines peut être
récusé pour les mêmes causes qui donnent lieu à la récusation des juges aux
termes de l’article 378 du code de procédure civile.
« La récusation sera proposée par acte
signifié au ministre de l’intérieur, avant que le conseil n’ait émis son avis.
« Le ministre, après avoir entendu le membre
récusé, statuera sans recours ultérieur.
« Si, par suite de récusation ou d’abstention,
le conseil ne se trouvait plus en nombre pour délibérer, il serait complété par
des membres suppléants.
« Les délibérations du conseil sont soumises à
l’approbation du Roi.
« Aucune concession, extension ou maintenue de
concession ne pourra être accordée contre l’avis du conseil.
« L’avis du conseil sera précédé d’un rapport
écrit fait par l’un de ses membres.
« Ce rapport contiendra les faits et l’analyse
des moyens.
« Il sera déposé au
greffe ; la notification du dépôt sera faite, aux parties intéressées, par
huissier, en la forme ordinaire, à la requête du président, et aux frais du
demandeur en concession, maintenue ou extension. Les parties seront tenues
d’être domicilié à Bruxelles. Les notifications seront faites à ce domicile.
« Dans le mois du dépôt les parties seront
admises à adresser leurs réclamations au conseil.
« Le conseil sera tenu de donner, par la voie
du greffe et sans déplacement, communication aux parties intéressées de ces
délibérations et de toutes les pièces qui concernent, soit les demandes en
concession, en extension ou en maintenue de concession, soit les oppositions ou
les interdictions. »
Voici en quoi consisterait l’art. 2. Il est divisé,
comme vous voyez, en plusieurs paragraphes dont on pourrait au besoin faire des
articles, si on voulait.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Vous venez d’entendre, par la lecture même des différentes propositions que
la commission a admises, que ce sont des propositions discutées hier que la
commission a adoptées, telles qu’elles ont été présentées. Je ne vois donc pas
pourquoi on ne pourrait pas voter sur ces propositions. Si on les abandonne
pour délibérer sur d’autres articles, on ne fera qu’embrouiller la discussion.
Il vaut mieux terminer une matière commencée et dont chacun de nous est
pénétré.
(Moniteur belge n°125, du 4 mai 1836) M.
Gendebien. - Je ne puis que répéter ce que j’ai dit. Nous avons discuté
pendant 5 jours sur un texte qui était sous nos yeux. Il nous a fallu 5 jours
pour faire comprendre à l’assemblée qu’il y manquait quelque chose. Que sera-ce
donc si maintenant, dans une matière aussi grave, on discute sur un texte dont
nous n’avons entendu qu’une simple lecture ? Il est évident que la discussion
ne peut avoir lieu sans que le rapport ait été imprimé.
(Moniteur
belge n°123, du 2 mai 1836) M. Liedts. - Je
ferai une autre proposition. Il reste encore 9 articles à discuter. Dans ces 9
articles, il n’y en a que deux ou trois qui donneront lieu à une discussion. On
pourrait commencer par ces articles. On aurait ainsi l’emploi de la séance
d’aujourd’hui.
M. Gendebien. -
C’est ce que j’avais dit en commençant.
M.
le ministre de la justice (M. Ernst). - Je viens défendre la
proposition de mon honorable collègue le ministre de l’intérieur.
Je ferai remarquer à l’honorable député de Mons qui
s’oppose à cette proposition que si on a discuté pendant 5 jours, c’était sur
une question fondamentale, la question de compétence des tribunaux ou d’un
conseil administratif. Maintenant il s’agit d’un point sur lequel presque tout
le monde est d’accord, la nécessité d’entourer les délibérations du conseil des
garanties suffisantes : chacun s’est réuni à ceux qui demandaient des
garanties. On vient de les formuler. Plusieurs propositions avaient été faites
hier ; elles auraient été adoptées si on les avait discutées immédiatement. On
a voulu plus d’ordre dans la discussion ; cet ordre vous le trouvez dans le
travail de la commission. Plusieurs propositions ont été adoptées à
l’unanimité. Mais si quelques difficultés se présentaient, nous pouvons
compter, pour les faire disparaître, sur la complaisance du rapporteur et sur
la lucidité de ses explications.
(Moniteur belge n°125, du 4 mai 1836) M.
Gendebien. - Comment peut-on prétendre que l’on est d’accord sur un
texte qu’on ne connaît pas ! Quel est celui d’entre nous qui peut dire, la main
sur la conscience, qu’il comprend, dans leur ensemble, tous les amendements
dont on a donné lecture ? Tout le monde, dit-on, est d’accord. Mais c’est
physiquement impossible, puisque nous n’avons pas le texte sous les yeux. Quand
nous aurons le texte sous les yeux, M. le ministre de la justice verra combien
peu tout le monde est d’accord. Comment peut-il dire que ce sera la chose du
monde la plus facile de se prononcer sur chacun des paragraphes ! a-t-il oublié qu’on ne peut juger des détails d’une loi
qu’en l’appréciant dans son ensemble ?
Si l’on veut éviter la discussion, si on veut
l’emporter d’assaut et par surprise, si cela convient à la chambre, je n’ai
plus rien à dire ; il ne me restera plus qu’à protester.
Mais, si l’on veut arriver à quelque chose de
raisonnable, d’acceptable, qu’on mette chacun en mesure de discuter et de voter
en connaissance de cause. Tout ce que vous ferez avant d’avoir médité chez vous
les propositions qui vous sont faites par la commission, ne servira absolument
à rien : vous ne tarderez pas à vous en apercevoir.
(Moniteur belge
n°123, du 2 mai 1836) M. le ministre de la justice
(M. Ernst). - Nous ne voulons rien enlever d’assaut ou par surprise.
C’est au moment où chacun est pénétré des principes qui ont été discutés hier,
où chacun a présentes à la mémoire les propositions faites, que nous demandons
qu’on continue la délibération sur ces propositions. Quel intérêt le
gouvernement peut-il avoir à étrangler la discussion ? Aucun. Pourquoi
demandons-nous qu’on s’occupe des articles 2 et 4 avant de passer aux autres
articles ? parce que nous pensons qu’il y aura plus
d’ordre dans la discussion, et que c’est le moyen d’arriver à avoir une bonne
loi. C’est, comme l’honorable préopinant, le seul but que nous nous proposons.
Il ne s’élèvera pas de difficultés sérieuses sur
les propositions de la commission. Pour s’en convaincre il suffit de les
reprendre une à une.
L’une porte que l’avis du conseil sera motivé et
personne ne s’y opposera.
Dans l’autre il est dit que
les conseillers ou parents des conseillers en ligne directe ne peuvent pas être
intéressés dans les mines. On s’est borné à un léger changement de rédaction.
D’après une autre proposition l’avis du conseil des
mines sera précédé d’un rapport écrit ; ce rapport sera déposé au greffe,
notifié aux parties qui pourront en prendre connaissance et réclamer s’il y a
lieu. De cette manière il a été satisfait à une observation de l’honorable
préopinant. Qui pourrait s’élever contre une mesure aussi sage ?
On a craint que dans certaines circonstances le
conseiller des mines ne conservât pas toute l’impartialité nécessaire, et on a
demandé qu’il pût être récusé. Un texte adopté à l’unanimité par la commission
a formulé cette garantie.
Un honorable collègue a demandé que toutes les
pièces fussent communiquées aux parties. Tout le monde s’accorde à adopter la
proposition qu’il a faite.
On a senti le besoin d’avoir des suppléants ; on
les offre.
Où sont donc les difficultés ? Je prie l’honorable
préopinant de m’en signaler une seule.
M.
d'Hoffschmidt. - Je ne vois pas pourquoi le gouvernement attache tant
d’importance à ce qu’on discute maintenant les articles sur lesquels il vient
d’être fait un rapport. Je me rallie à la proposition de M. Liedts de passer à
l’article 7 et d’ajourner à lundi la discussion de ce long article dont on
vient de donner lecture. Les observations mêmes du ministre de la justice
suffisent pour faire voir qu’il est extrêmement compliqué. Les dispositions
séparées peuvent bien ne pas présenter de difficulté, mais leur ensemble être
mal coordonné.
Je pense que nous devons
prendre le temps de le méditer et l’ajourner à la prochaine séance ; si on
persistait à le discuter aujourd’hui, je serais obligé de m’abstenir.
Rien n’empêche que nous nous occupions des articles
7 et 14 qui n’ont aucun rapport avec celui dont il s’agit. A la prochaine
séance nous examinerons le rapport de l’honorable M. Fallon. Je rends hommage à la lucidité de ce rapport, mais tout
le monde reconnaîtra qu’il y aune grande différence à discuter une proposition
écrite, qu’on a sous les yeux, ou une proposition dont on n’a fait qu’entendre
la lecture.
J’appuie donc l’ajournement des articles sur
lesquels un rapport vient d’être fait.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Il est impossible de concevoir les difficultés qu’on trouve à discuter la
proposition de la commission. On veut des textes ! Mais ils sont sous les yeux
de chacun des membres. La commission admet les amendements qui ont été proposés
et qui sont imprimés. Le rapport en rendra la discussion plus facile.
M. Smits. - En
renvoyant la discussion à lundi, on ne sera pas plus avancé qu’aujourd’hui, car
je pense que pendant que M. Fallon a fait son rapport, MM. les sténographes
n’ont pas recueilli ce qu’il a dit. (Si !
si !)
Je croyais qu’on ne l’avait pas fait, pensant que
le rapport était écrit.
Les amendements me paraissent clairs ; ce que vient
de dire M. le ministre de la justice vous l’a démontré. Je ne vois pas
d’inconvénient ni de difficulté à ce qu’on les discute maintenant. Tout le
monde est pénétré de la discussion d’hier. Si quelque erreur se glissait, on
pourrait y revenir au second vote.
M. Jullien. - S’il
n’y avait à discuter que l’article 2, on pourrait, en s’aidant de la discussion
qui a eu lieu hier, en reprendre la discussion aujourd’hui sans qu’on puisse
prétendre qu’il y a surprise ; mais vous avez en outre l’art 4, et je suis
persuadé que cet article 4 auquel des amendements ont été présentés va soulever
de longues discussions ; il s’agira dans cet article de l’indemnité fixe et de
l’indemnité proportionnelle. D’après les discussions qui ont eu lieu dans le
sein de la commission, je m’attends à en voir s’élever de nouvelles dans
l’assemblée.
Il n’y a donc pas de raison pour discuter
maintenant l’article 2, si nous devons nous arrêter devant l’art. 4. Il est
raisonnable de penser que la discussion des autres articles ne soulèvera pas
les mêmes difficultés, et que lundi, après avoir médité le rapport de M.
Fallon, il sera plus facile de s’entendre sur la rédaction proposée par la
commission.
Pour moi qui étais membre de la commission, je
pourrais aborder maintenant la discussion ; mais si je n’avais pas fait partie
de cette commission, que je fusse à la place de l’honorable M. Gendebien et des
autres membres de cette chambre qui ont l’habitude de se rendre compte de leur
opinion, je serais embarrassé pour discuter maintenant l’article nouveau
présenté par la commission.
- Le renvoi à lundi de la discussion des articles 2
et 4 est mis aux voix et prononcé.
Articles
3 et 5
M. le président. -
L’art.
Je ferai observer que l’art. 5 se rapporte aux principes
posés dans l’article 4, et il me semble qu’il devrait également être ajourné.
- La discussion de l’art. 5 est également ajournée
à lundi.
Titre II. - Des indemnités et de l’obtention
des concessions
Article 6
M. le président. -
On passe à l’art 6 qui est ainsi conçu :
« Le propriétaire de la surface dont l’étendue est
reconnue suffisante à l’exploitation régulière et profitable de la mine,
obtiendra la préférence pour les concessions nouvelles, s’il justifie des facultés
nécessaires pour entreprendre et conduire les travaux de la manière prescrite
par la loi.
« Il en sera de même si cette surface appartient à
plusieurs propriétaires réunis en société et qui offriront les mêmes garanties.
« Néanmoins le
gouvernement pourra, de l’avis du conseil des mines, s’écarter de cette règle
dans les cas où les propriétaires de la surface se trouveraient en concurrence,
soit avec l’inventeur, soit avec le demandeur en extension, ou bien dans tous
autres cas où des motifs d’équité ou des considérations d’intérêt général
exigeraient d’accorder la concession à tous autres.
« En cas que l’inventeur n’obtienne pas la
concession d’une mine, il aura droit à une indemnité de la part du
concessionnaire ; elle sera réglée par l’acte de concession.
« Celui qui se trouve substitué aux droits du
propriétaire de la surface, quant à la mine, jouira de la préférence accordée à
celui-ci par le présent article. »
La commission propose la même disposition.
M. Raikem. - Je
veux présenter quelques observations très courtes sur l’art. 6.
Le projet du gouvernement est conforme à celui de
la commission relativement à cet article.
On reconnaît la préférence qui doit être accordée
au propriétaire de la surface, et à tous les propriétaires qui parviennent à
s’entendre à l’effet de demander la concession ; aussi, dans la première
disposition de l’art. 6, la préférence est formulée en faveur des propriétaires
de la surface. On y trouve ensuite des exceptions ; c’est lorsque le propriétaire
de la surface se trouve en concurrence, soit avec l’inventeur de la mine qui,
naturellement, a aussi des droits pour obtenir la concession, soit avec un
demandeur en extension. Je conçois que quand il existe un demandeur en
extension, des motifs très légitimes peuvent se présenter en sa faveur, et lui
faire donner la préférence sur le propriétaire de la surface : l’intérêt de
l’industrie, l’intérêt général par conséquent, peut dans ce cas réclamer la
préférence.
Mais il y a encore une autre disposition exceptionnelle
dans cet article 6 ; car, après les exceptions que je viens de rappeler, on y
lit : « Ou bien, dans tous autres cas où des motifs d’équité ou des
considérations d’intérêt général exigeraient d’accorder la concession à tous
autres. »
Vous savez que la préférence en faveur du
propriétaire de la surface avait été reconnue par la loi de 1791 ; dans cette
loi, les plus fortes garanties se trouvent en faveur du propriétaire du sol ;
mais, dans la loi de 1810, on a adopté d’autres principes ; car, dans l’article
16 de cette loi, on lit que le gouvernement a le jugement des motifs ou des
considérations d’après lesquelles la préférence doit être accordée aux
demandeurs de la concession, qu’ils soient propriétaires de la surface,
inventeurs ou autres.
Voilà le gouvernement
établi juge des motifs de préférence. Cette disposition valait-elle mieux que
celle de 1791 ? C’est un point à décider. Toutefois, dans la discussion de la
loi de 1810, on avait reconnu que c’était un motif que l’on pourrait faire valoir
près du gouvernement que d’être propriétaire de la surface : mais, messieurs,
dans le projet actuel, on commence par reconnaître un droit de préférence pour
un propriétaire de la surface ; ensuite on dit que, par des motifs d’équité ou
d’intérêt général, on pourra dévier de cette règle ; eh bien, sous une autre
forme c’est admettre le principe de la loi de 1810 ; c’est en réalité déclarer
que le conseil des mines sera juge des motifs de préférence.
Si l’on voulait établir une règle et faire des
exceptions, il fallait préciser les cas dans lesquels les exceptions devraient
avoir lieu. On en avait précisé deux, l’inventeur et le demandeur en extension
; mais ce que l’on ajoute fait disparaître la règle, et il n’existe plus de
préférence en faveur du propriétaire de la surface.
Si l’on voulait adopter le système de la loi de
1810, il fallait conserver l’art. 16 ; si l’on voulait établir une autre
législation, il fallait, je le répète, indiquer quelles seraient les exceptions
que l’on mettrait à la préférence à accorder au propriétaire de la surface.
Je n’en dirai pas davantage, et j’attendrai les
explications qui pourront être données.
M. Dubus. -
Messieurs, tout en appuyant les observations présentées par l’honorable
préopinant, j’en présenterai d’autres. Non seulement je m’opposerai à la
disposition qui a fait l’objet des réflexions de cet honorable membre, mais je
ne trouve pas qu’il soit convenable de méconnaître les droits du propriétaire
de la surface, à moins qu’il ne justifie des moyens nécessaires pour
entreprendre et conduire les travaux de la manière prescrite par la loi.
Cette restriction me paraît prêter à l’arbitraire
et me semble inadmissible.
Toutes les fois que le propriétaire de la surface
en possédera une étendue suffisante pour établir une exploitation régulière et
profitable, il est certain qu’il trouvera des capitalistes qui lui fourniront
les fonds nécessaires à l’entreprise, s’il ne les avait pas.
Il en est de ces entreprises comme de toutes les
autres. Les capitaux abondent à la demande de celui qui veut entreprendre, et,
maintenant moins que jamais, les capitaux ne manquent pas aux entreprises
profitables : de sorte que cette disposition n’est mise là qu’afin de donner en
quelque sorte un prétexte de plus pour méconnaître, en bien des circonstances,
les droits du propriétaire. Si l’on reconnaît ce droit, d’une autre part on
ouvre la porte à l’arbitraire, et on donne au conseil des mines le moyen de
méconnaître le droit reconnu.
Je crois que l’on peut
opposer à l’article 6 les motifs par lesquels le gouvernement l’a appuyé. Il
est dit en effet dans l’exposé des motifs :
« Lorsque le propriétaire de la surface
possède tous les moyens nécessaires pour exploiter d’une manière utile et
conforme à l’intérêt général la mine qui se trouve dans son terrain, et qu’il
veut le faire, il n’y a plus de raison pour accorder la concession à une autre
personne. A différentes reprises l’ancien gouvernement s’est écarté, sans
motif, de cette règle de justice et de convenance.
« L’art. 6 donne à cet égard l’assurance aux
propriétaires de la surface que leurs droits seront respectés chaque fois
qu’ils seront d’accord avec l’intérêt public. »
Eh bien, je crois que l’on peut dire avec assurance
que si l’article passe comme il est rédigé, les propriétaires de la surface
n’obtiendront aucune préférence, et que l’arbitraire le plus effrayant est
ouvert pour donner les moyens de repousser leurs demandes.
M. le ministre
de l'intérieur (M. de Theux). - Je crois que si le conseil des mines
voulait abuser des dispositions de cet article, il en aurait la faculté ; mais
il est impossible, en matière de mines, d’empêcher toute espèce d’abus quand
l’application de la loi sera faite par des personnes passionnées ou intéressées
: c’est une chose qui est reconnue.
Dans l’exposé des motifs, on s’appuie sur ce que
l’article 6 contient un principe fondamental en matière de concession, et, sur
ce qu’il faut en laisser l’application à la bonne foi du conseil des mines :
c’est ainsi qu’on peut comprendre que la rédaction de l’article est en harmonie
avec l’exposé des motifs.
L’on a craint qu’en rédigeant une règle trop
étroite le conseil des mines ne fût enchaîné contrairement à l’intérêt général,
qui est toujours la base en matière de concession.
Au reste, messieurs, je
pense, relativement aux observations faites par M. Raikem, qu’il n’y a pas de
difficulté à supprimer dans le paragraphe 3 ces mots :
« Ou bien dans tous autres cas où des motifs
d’équité ou des considérations d’intérêt général exigeraient d’accorder la
concession à tous autres. »
Le paragraphe premier n’oblige pas d’une manière
absolue d’accorder la concession aux propriétaires ; ils ne doivent l’obtenir
que quand ils peuvent faire une bonne exploitation ; et hors le cas de
concurrence avec un demandeur en extension, ou avec l’inventeur de la mine, il
est assez difficile de prévoir que des considérations d’intérêt général
exigeassent qu’on accordât la concession à d’autres qu’aux propriétaires, aux
inventeurs, ou aux demandeurs en extension.
On peut faire droit à la demande faite par M.
Raikem, sans craindre de trop resserrer le conseil des mines.
M.
Raikem. - M. le ministre de l’intérieur vient de me donner apaisement,
relativement aux observations que j’ai faites ; mais un honorable préopinant
veut aussi faire disparaître de l’article ces mots :
« Le propriétaire de la surface aura la
préférence s’il justifie des facultés nécessaires pour entreprendre et conduire
les travaux de la manière prescrite par la loi. » Mais, de ce chef, je ne
puis admettre la demande de l’honorable préopinant.
Mais, messieurs, une fois que le propriétaire
justifie que les travaux seront bien conduits, qu’il y aura bonne exploitation,
dès lors la disposition finale devient sans objet, comme l’a très bien fait
remarquer M. le ministre de l’intérieur ; je demanderai donc la division.
J’ai déjà fait remarquer qu’il est bon qu’on puisse
s’écarter de la règle qui accorde la préférence au propriétaire, pour donner
l’exploitation à l’inventeur ou au demandeur en extension ; cela est en effet
avantageux à l’industrie, car souvent l’exploitation qui serait opérée par le
propriétaire serait plus restreinte, ne produirait pas des résultats aussi
satisfaisants que celle qu’exécuterait l’inventeur on celui qui exploite déjà
une mine adjacente
M. Fallon, rapporteur.
- Messieurs, j’ai demandé la parole pour rendre compte à l’assemblée des motifs
qui ont déterminé la commission à ne pas faire d’observations sur l’article 6,
quoique je convienne qu’en examinant cet article de plus près, je l’ai trouvé
susceptible d’être modifié.
La commission a cru que l’équité exige qu’on accorde
la préférence pour la concession de la mine au propriétaire du sol, lorsqu’il
justifie des moyens de diriger les tribunaux d’exploitation d’une manière bien
régulière et profitable, mais que cependant, lorsque le propriétaire se trouve
en concurrence avec l’inventeur ou avec un demandeur en extension, il peut
aussi quelquefois être juste de donner la concession, soit à l’inventeur, soit
au demandeur en concession, et que par conséquent le conseil doit avoir, dans
ce cas, le libre choix de celui à qui il concédera l’exploitation.
Le premier paragraphe de l’art. 6 est ainsi conçu :
« Le propriétaire de la surface dont l’étendue
est reconnue suffisante à l’exploitation régulière et profitable de la mine,
obtiendra la préférence pour les concessions nouvelles, s’il justifie des
facultés nécessaires pour entreprendre et conduire les travaux de la manière
prescrite par la loi. »
Voilà une règle générale suivant laquelle, lorsque
le propriétaire se trouve en concurrence avec un autre demandeur, il doit avoir
la préférence si la concession qu’il demande a une étendue suffisante pour
qu’il puisse établir une exploitation régulière et profitable. Il est de plus
exigé dans ce paragraphe la justification à faire par le propriétaire qu’il
possède les moyens nécessaires pour exploiter convenablement la mine ; cette
précaution se trouvait dans la loi de 1810, et on a cru devoir également
l’insérer dans le nouveau projet ; mais, messieurs, je ne vois pas qu’il soit
bien nécessaire d’insister pour que cette condition soit exigée, et voici
pourquoi : Tout acte de concession se fait d’après un cahier des charges, qui
détermine de quelle manière les travaux de l’exploitation devront être dirigés,
et il me semble qu’on peut s’en référer à cet égard aux précautions que le
conseil des mines trouvera bon de prendre, et stipuler simplement que, si le
concessionnaire ne se conforme pas aux conditions qui lui sont imposées par
l’acte de concession, cette concession devient nulle.
Je pense donc qu’il est inutile d’insister pour que
le propriétaire soit obligé de justifier qu’il a les moyens de conduire
l’exploitation à bonne fin, moyens qu’il peut d’ailleurs acquérir après avoir
obtenu la concession.
L’article dont il s’agit, porte ensuite :
« Il en sera de même si cette surface
appartient à plusieurs propriétaires réunis en société et qui offriront les
mêmes garanties. »
C’est-à-dire, des garanties de l’exploitation
régulière et profitable de la mine.
Vient maintenant le
paragraphe qui a été attaqué par l’honorable M. Raikem :
« Néanmoins, le gouvernement pourra, de l’avis
du conseil des mines, s’écarter de cette règle dans les cas où les
propriétaires de la surface se trouveraient en concurrence, soit avec
l’inventeur, soit avec un demandeur en extension. »
M. Raikem reconnaît, je pense, qu’il peut y avoir
des motifs d’équité pour donner la préférence à l’inventeur, qui aurait déjà
fait de grands frais, ou au demandeur en extension qui aurait également fait
des frais ; mais le paragraphe ajoute :
« Ou bien dans tous autres cas ou des motifs
d’équité ou des considérations d’intérêt général exigeraient d’accorder la
concession à tous autres. »
Je considère cette disposition finale comme
destinée uniquement à rendre compte des motifs de l’exception, car ce n’est
qu’en raison des motifs y mentionnés qu’on doit accorder la préférence à
l’inventeur ou au demandeur en extension ; je crois donc que l’on pourrait sans
inconvénient supprimer cette partie du paragraphe en question, et je ne
m’opposerai pas à ce que l’article soit modifié dans ce sens.
M. Dubus. - Il
me paraît qu’on est maintenant à peu près d’accord que le double retranchement
qui a été proposé par l’honorable M. Raikem et pas moi ne présente pas
d’inconvénient ; je dirai cependant quelques mots à l’appui de ma proposition.
Je conçois que chaque propriétaire ne peut pas à lui seul créer les moyens
d’exploiter la mine qui se trouve dans son terrain, et cela est d’autant plus
impossible que les propriétés sont fort divisées en Belgique ; il faut que la
propriété soit suffisamment étendue pour que les travaux puissent s’opérer
d’une manière régulière et profitable ; il faut ou que cette étendue de
propriété existe dans une même main, ou que différents propriétaires se
réunissent pour l’exploitation, ou, enfin, que le propriétaire obtienne de ses
voisins la permission d’exploiter sa mine dans l’étendue convenable ; et dans
ces cas l’article reconnaît que la préférence est due au propriétaire, mais il
apporte à ce principe une restriction qui me paraît tout à fait injuste,
lorsqu’il exige, en outre, que le propriétaire justifie d’une fortune
suffisante pour opérer l’exploitation de la mine, car est définitive, c’est
bien là ce qui résulte de la rédaction de l’article. D’après l’explication
qu’en a donnée un honorable préopinant, il semblerait que cet article
n’astreigne le propriétaire à autre chose qu’à conduire les travaux de la
manière prescrite par la loi ; mais il va de soi que tout concessionnaire devra
conduire les travaux de la manière prescrite par la loi, et il n’est pas
nécessaire de le rappeler par une disposition expresse.
Par la restriction que vous
voulez introduire dans cet article, et qui ne concerne que le propriétaire, car
vous ne l’introduisez pas pour les autres concessionnaires, vous placez le
propriétaire dans une position exceptionnelle, vous ne demandez qu’à lui seul
compte de sa fortune ; je trouve que c’est là une véritable injustice à l’égard
du propriétaire, c’est une véritable inquisition. Dés que le propriétaire sera
en mesure d’obtenir la concession, dés qu’il sera sous ce rapport placé sur la
même ligne que les autres concessionnaires, il trouvera sans peine des
ressources pour opérer l’exploitation, soit dans ses propres capitaux, soit
dans ceux de ses amis ou des associés, et il n’est pas besoin de s’inquiéter à
cet égard ; car, encore une fois, lorsqu’une entreprise est réellement
profitable, les capitaux abondent ; on trouve alors dix capitaux pour un.
Il y a d’autant plus lieu à opérer le retranchement
que j’ai demandé, qu’il s’agit d’une disposition qui ne se trouvait pas dans la
loi de 1791, laquelle n’autorisait pas de semblables moyens d’inquisition.
Sans doute la loi établit des moyens de répression
contre ceux qui s’écartent des conditions auxquelles ils ont obtenu une
concession ? Eh bien, placez le propriétaire sur la même ligne que les autres
propriétaires ; car, s’il y avait une exception à établir, ce devrait être en
sa faveur, et non pas à son préjudice, puisque vous reconnaissez vous-mêmes
qu’il mérite la préférence.
M. Raikem. -
Messieurs, je répondrai d’abord quelques mots à l’honorable préopinant pour
prouver que les mots : « S’il justifie des facultés nécessaires pour
entreprendre et conduire les travaux de la manière prescrite par la loi, »
doivent être conservés dans l’article. Ne placez pas, s’écrie-t-on, le
propriétaire hors du droit commun ; mettez-le sur la même ligne que les autres
demandeurs en concession. Mais, messieurs, il ne s’agit pas de placer le
propriétaire hors du droit commun : d’après la loi de 1810, tout demandeur en
concession doit justifier des moyens d’entreprendre, et de conduire les travaux
de la manière prescrite par la loi. Voici ce que dit l’art. 14 de la loi de
1810 : (L’orateur donne lecture de
l’article.)
Eh bien, je trouve cette disposition de la loi du
21 avril 1810 appliquée par l’art. 6 aux propriétaires de la surface. Je crois
que ces observations suffisent pour justifier ce que j’ai avancé.
J’en viens à faire une
observation sur la dernière disposition de l’art. 6 ; et cette observation se
rapporte à un usage suivi dans le pays de Liége. Là le propriétaire, lorsqu’il
aliénait sa propriété, se réservait souvent les mines qui sont dans le fond.
Ces propriétaires qui se sont réservé les mines ont
incontestablement des droits préférables à ceux des propriétaires de la
surface. Je crois qu’on devrait leur appliquer la dernière disposition de
l’article ; et on pourrait le faire, en retranchant le mot « substitué, »
et en disant : « Celui qui se trouve aux droits du propriétaire de la
surface, quant à la mine, jouira de la préférence accordée à celui-ci par le
présent article. »
Je fais cette proposition pour prévoir le cas que
j’ai énoncé, où le propriétaire de la surface ne doit pas avoir la préférence
pour la propriété de la mine.
Je bornerai là mes observations.
M. Gendebien. -
Dès les premiers jours de la discussion générale, je n’ai accepté en aucune
façon la solidarité ni la responsabilité de ce qui est dit dans le rapport. J’ai
expliqué comment il avait été fait. Je lis dans le rapport que les articles 3,
4, 5 et 6 ont été adoptés sans partage. Cela n’est pas exact. Je le
démontrerai, quand nous serons arrivés à ces articles.
Quand à l’art. 6 j’ai aussi élevé plusieurs objections.
Je ne verrais pas de bien graves inconvénients à son adoption, si mon système
avait été adopté sur l’art. 1er, si on avait renvoyé toutes ces questions qui
touchent de si près à la propriété, aux tribunaux qui sont appelés par la
constitution à juger tous les droits civils, tous les droits de propriété. Mais
maintenant que vous avez substitue l’arbitraire à cette garantie
constitutionnelle ; maintenant que vous avez saisi de ces affaires le pouvoir
administratif, j’admets entièrement les observations des honorables MM. Raikem
et Dubus. Aujourd’hui que les concessions sont livrées au caprice et à
l’arbitraire, comme elles l’étaient sous l’empire et sous le roi Guillaume, je
ne puis admettre une disposition qui fait revivre ce régime de bon plaisir.
L’honorable M. Dubus vous a fait remarquer qu’on ne
peut exiger du propriétaire de la surface la justification des moyens
d’exploiter. Dans le fait, je ne comprends pas en quoi il pourrait être utile
que le propriétaire de la surface justifiât des moyens. Par le fait qu’il est
propriétaire, il présente toutes les garanties nécessaires. On pourrait
peut-être, dans le sens des observations de M. Raikem, exiger que le
propriétaire justifiât qu’il n’a pas aliéné, soit directement, soit
indirectement, sa propriété. Je dis « indirectement, » car si un
propriétaire a grevé par hypothèque sa propriété d’une somme égale ou
supérieure à sa valeur, il est certain qu’il ne présente pas plus de garanties
que tout autre demandeur en concession. Mais on pourrait amender l’article en
ce sens. Autrement je me joins aux observations de M. Dubus.
M. Raikem a dit que ce n’était pas mettre le
propriétaire en dehors du droit commun que de le soumettre aux investigations
dont se plaint M. Dubus ; qu’au contraire, dans le droit commun, le
propriétaire de la surface devait être soumis comme un autre à l’investigation
du gouvernement, quant aux conditions de solvabilité et à la justification des
moyens d’exploitation. Il a cité à cet égard les articles 13 et 14. Je crois
que ce n’étaient pas ces articles qu’il fallait citer, mais l’art. 5 de la loi
de 1791. En effet, dans notre nouvelle loi, nous revenons au système de 1791,
dont l’art 3 est ainsi conçu :
« Les propriétaires de la surface auront
toujours la préférence et la liberté d’exploiter les mines qui pourraient se
trouver dans leur fonds, et la permission ne pourra leur en être refusée,
lorsqu’ils la demanderont. »
Voilà, messieurs, le droit commun à l’égard des
propriétaires de la surface, dès l’instant qu’on les appelle à la préférence.
Ce n’est pas dans la loi de 1810 qu’on peut trouver le droit commun à leur
égard, puisque cette loi, ne leur reconnaissant aucun droit, n’avait pas à
s’occuper des conditions de l’exercice de ce droit.
(L’orateur
lit aussi l’art. 4 de la loi de 1791.)
Ainsi, vous voyez que, d’après la loi de 1791, le
propriétaire de la surface est préféré, et qu’il n’a à respecter que les droits
des anciens concessionnaires exploitant au moment de la publication de cette
loi.
Maintenant, si vous jetez les yeux sur les articles
13 et 14, vous verrez que dans le système de la loi de 1810 cette précaution
était nécessaire.
Ces articles portent :
« Tout Français ou étranger naturalisé ou
non… »
(Ici
l’orateur lit les articles 13 et 14.)
Vous voyez qu’on admet à la
concession même les étrangers naturalisés ou non. Il était tout naturel
d’exiger des étrangers la preuve des moyens d’exploitation pour éviter qu’ils
ne sollicitassent et n’obtinssent du gouvernement des concessions que dans un
but d’agiotage. Mais si on retranche de l’article 13 les étrangers, je ne
comprends pas pourquoi on exigerait des autres concessionnaires la
justification des moyens d’exploitation. Car, qui a plus d’intérêt que le
concessionnaire à faire les frais de l’exploitation ? Il a dû faire des frais
pour la recherche et les études préliminaires pour lever des plans, pour faire
les publications, pour solliciter la demande de concession ; pour remplir, en
un mot, toutes les nombreuses formalités administratives. Il est impossible, à
moins de le supposer fou, de croire qu’il aura fait des démarches et des frais
pour obtenir une concession, pour ensuite ne pas en tirer parti.
Quant aux propriétaires, ces articles leur étaient
sans doute applicables, parce qu’ils étaient, quant à la libre disposition des
mines, dans la même position que les autres citoyens. Cependant on ne peut
disconvenir que cette disposition était exorbitante et qu’elle doit disparaître
dès lors qu’on déroge, quant à eux, aux articles 13 et 14 pour revenir aux
principes de la loi de 1791.
J’appuie les observations de MM. Raikem et Dubus.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Il ne faut pas perdre de vue que ce qui rend d’une grande utilité la
disposition de l’art. 6 tendant à exiger que le propriétaire de la surface
justifie des facultés nécessaires pour entreprendre et conduire les travaux de
la manière prescrite par la loi, c’est la difficulté de révoquer les
concessions, dans le cas où le concessionnaire n’exécuterait pas les conditions
du cahier des charges, et que l’on s’expose à devoir entrer dans des procès, à
moins que l’on ne déclare que le gouvernement, sur l’avis du conseil des mines
pourra révoquer une concession accordée, si l’on ne s’est pas conformé au
cahier des charges.
Si l’on admet ceci, je ne
vois pas la moindre difficulté au retranchement de la disposition. Mais si on
ne l’admet pas, il est indispensable de maintenir la disposition de l’art. 6.
Comme l’a fort bien dit l’honorable M. Raikem, il
ne s’agit que d’arriver à l’exécution de la loi du 21 avril 1810. Or, d’après
cette loi, pour obtenir la concession, que l’on fût propriétaire on non, il
fallait justifier des moyens d’exploitation. Je ne pense pas qu’on abuse de
cette disposition de la loi : elle tend à faire écarter les demandes qui
n’auraient pour objet que de tracasser et d’empêcher un autre d’obtenir une
concession.
M.
Fallon, rapporteur. - J’ai demandé la parole pour répondre à la demande
que M. Raikem a adressée à la commission, pour savoir si elle tenait à
conserver dans le dernier paragraphe de l’article le mot « substitué. » La
commission a adopté la disposition telle qu’elle a été proposée par le
gouvernement, parce qu’elle n’y a pas attaché d’importance. Mais je crois qu’il
vaut mieux retrancher le mot « substitué. »
M. Desmanet de
Biesme. - Dans le cas où la chambre croirait devoir adopter
l’amendement de M. Dubus, je crois qu’alors M. le ministre de l’intérieur
devrait présenter un projet de loi sur les déchéances en matière de concessions
; car, dans la situation actuelle, le gouvernement est sans pouvoir pour faire
déclarer un concessionnaire déchu d’une concession. Il faudrait cependant que
le gouvernement eût ce pouvoir, pour le cas où un concessionnaire n’aurait en
vue que les travaux de l’industrie.
M. Dubus. - Je
dois répondre à l’objection présentée par l’honorable préopinant et par M. le
ministre de l’intérieur. On signale une espèce de lacune dans la loi,
consistant en ce que le gouvernement n’a pas le pouvoir de faire déclarer déchu
de la concession le concessionnaire qui n’exécute pas les conditions du cahier
des charges. Et pour cela il faut que le propriétaire de la surface justifie
des facultés nécessaires pour entreprendre et conduire les travaux de la
manière prescrite par la loi. Assurément, cela ne comble pas la lacune qu’on a
indiquée. Car à quoi aboutit cette justification ? Je suppose qu’un
concessionnaire l’ait fournie, et que cependant il n’exécute pas les conditions
du cahier des charges : je demande ce que l’on fera. Quelle garantie aurez-vous
que ces prétendues conditions seront exécutées ? Aucune. Ce n’est donc pas un
argument sérieux que celui-là. De là il ne résulte qu’une chose : une espèce de
loi de privilège, et un privilège pour le riche ; car celui qui ne sera pas
riche aura seul des investigations à subir.
Avant qu’on aille aux voix
sur l’article 6, j’ai une autre observation à faire sur l’avant-dernier
paragraphe. Je ne demande pas qu’il soit modifié. Mais je prie la chambre de
remarquer qu’au fond la question est la même ici qu’à
l’art. 4.
Ici la chambre s’apercevra qu’en définitive,
quoique les droits du propriétaire soient les plus positifs, l’inventeur lui
est en quelque sorte préféré. Lorsqu’il s’agit du propriétaire, la loi fixe un
maximum à une quotité tellement minime que la plupart du temps il ne se paie
pas. C’est que ce n’est pas la peine ni de le payer ni de le recevoir. Mais
lorsqu’il s’agit de l’inventeur, la commission peut donner une indemnité
considérable calculée sur l’importance de la concession. Je ne demande pas que
l’on modifie cette disposition. Mais je voudrais que l’on mît en harmonie avec
elle la disposition de l’art. 4, relative à l’indemnité à accorder aux
propriétaires dont les droits ne sont pas assurément moins sacrés que ceux de
l’inventeur.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- L’honorable préopinant a fait observer que de ce qu’un concessionnaire aurait
justifié des moyens d’exploitation, il ne s’ensuivra pas nécessairement qu’il
exploite la concession. Dans ce cas vous conviendrez qu’il est impossible,
sinon par la déchéance, de prévenir l’inaction du concessionnaire.
Mais lorsque d’avance on sait que celui à qui on
accorde la préférence n’a aucuns moyens d’exploitation, pourquoi exposer le
gouvernement à intenter un procès toujours long ? Car s’il faut recourir aux
voies judiciaires, un tel procès ne sera vidé avant 10 ou 15 ans peut-être. Je
pense donc qu’il y a intérêt à conserver cette disposition dans la loi.
Je conviens qu’à la rigueur ce sera une porte
ouverte aux abus. Mais je demande si ce système d’excessive défiance ne
paralysera pas l’exécution de la loi. C’est ce que je redoute. Je crains plus
des entraves à l’exécution de la loi que des abus de confiance de la part du
conseil des mines.
M. Desmanet de
Biesme. - Je pense que je n’ai pas été parfaitement compris par
l’honorable M. Dubus, peut-être parce que je ne me suis pas très bien expliqué.
Loin de combattre l’amendement de M. Dubus, je l’ai appuyé. J’ai seulement fait
observer que s’il était adopté, il faudrait une loi pour que la déchéance des
concessionnaires pût être prononcée. Je pense même que dans tous les cas cette
loi serait nécessaire. Car si des propriétaires qui ont obtenu une concession
ne font pas les travaux ou les font mal, il ne faut pas que le gouvernement
soit sans action pour pouvoir faire exploiter ces mines, il ne faut pas que ces
richesses soient perdues pour l’industrie.
M. Jullien. - Ceux
qui voudront se reporter à la discussion qui a eu lieu à l’assemblée
constituante sur les mines pourront s’assurer que le principe qu’elle a adopté
était celui-ci : que les mines ne devenaient la propriété de l’Etat et ne
tombaient dans le domaine public que là où le propriétaire ne pouvait ou ne
voulait les exploiter. S’il ne le pouvait ou ne le voulait, alors dans une vue
d’intérêt général, il est incontestable que le gouvernement avait le droit de
concéder l’exploitation de ces mines, pour donner à l’industrie les moyens de
faire aller les manufactures. Car si tous les propriétaires de mines de charbon
ne pouvaient ou ne voulaient exploiter les mines, ce serait un obstacle au
développement des manufactures et de l’industrie nationale.
Il en est de même d’une infinité de choses. Ainsi
un propriétaire de marais s’opposerait vainement à ce qu’on le desséchât. Il
aurait beau dire : « Je ne veux pas, » que dans l’intérêt de la salubrité et
pour rendre à la culture des terrains improductifs, on dessécherait un marais
situé dans sa propriété.
Si nous appliquons ces principes à l’article en
discussion, nous verrons que nous devons adopter les observations de MM. Dubus
et Gendebien.
On reconnaît ce principe que « le propriétaire de
la surface dont l’étendue est reconnue suffisante à l’exploitation régulière et
profitable de la mine, obtiendra la préférence pour les concessions nouvelles,
s’il justifie des facultés nécessaires pour entreprendre et conduire les
travaux de la manière prescrite par la loi. »
Vous voyez qu’il doit justifier des moyens
d’exploitation. Mais il faut en outre être propriétaire d’une surface reconnue
suffisante pour une exploitation régulière et profitable. Sans doute, c’est la
meilleure garantie que l’on puisse demander à un propriétaire. Mais quelle
surface est nécessaire pour une exploitation régulière et profitable ? Il ne
faut pas moins pour cela de 260 à
Messieurs, c’est M. Pirmez qui est mon auteur. (Hilarité.)
J’avais accueilli son renseignement, croyant puiser
à sa source. Mais je suppose que, pour une exploitation profitable et
régulière, il faille une moindre étendue de terrain, il faudra toujours une
exploitation importante. Car, il a été reconnu dans cette discussion qu’il
était impossible à un petit propriétaire d’entreprendre les travaux
d’extraction de la mine, sans dépenser 10 ou 20 fois la valeur du terrain. Mais
ceux qui ne peuvent exploiter seuls par eux-mêmes peuvent s’associer pour
l’exploitation. La concession est due alors au propriétaire ou à l’association
de propriétaires. Mais on n’a pas le droit de leur demander de justifier de
leurs ressources. D’ailleurs, je ne sais trop comment cette justification se
ferait, car on a vu des personnes justifiant de grandes ressources, n’ayant
cependant pas le moyen de mettre les travaux à fin. On en a cité plusieurs
exemples dans cette discussion.
Je n’ai pas pensé non plus ni trouvé juste,
toujours d’après le même principe que le propriétaire de la superficie est
propriétaire des mines, qu’on accordât pour la concession la préférence à
l’inventeur sur le propriétaire qui veut et peut exploiter sa mine. Où
trouvez-vous une raison pour donner à l’inventeur une préférence sur le
propriétaire qui justifiera des ressources qu’il a et qui sont suffisantes pour
assurer l’exploitation régulière et profitable ? Comment, dis-je, pouvez-vous
accorder cette préférence à l’inventeur ? Mais après tout, quel est l’inventeur
? Dans la loi sur les mines, vous avez une disposition qui ne permet pas de
fouiller dans le terrain d’autrui pour découvrir des mines, sans la permission
du propriétaire.
Le propriétaire donnera la
permission de fouiller sa propriété pour voir si elle ne recèle pas de mines et
parce que, par sa bonne volonté, un individu aura découvert que dans le fonds
de ce propriétaire, il peut y avoir une mine, il viendra à titre d’inventeur
lui enlever le bénéfice qu’on peut tirer de sa propriété.
Je ne vois là aucune espèce
de justice. Je voudrais qu’on laissât les propriétaires et les associations de
petits propriétaires libres et maîtres de faire exploiter les mines qui se
trouvent dans leur propriété, et que jamais on ne donnât la préférence à
l’inventeur sur le propriétaire qui veut et peut exploiter sa mine.
Voilà mon opinion.
M. Pirmez. - On a
demandé de combien d’hectares devait se composer une concession. Cela n’est pas
réglé, mais d’après des ingénieurs je crois qu’on n’accorderait pas de
concession de moins de
M. Gendebien. -
Je ne puis pas partager l’opinion de M.
Jullien. Il est certain qu’on ne saurait trop encourager la recherche
des mines. La mine non découverte est improductive, est inutile pour tous,
tandis que la mine découverte et exploitée est une source de fortune pour la
généralité, alors même qu’elle n’est profitable ni à l’inventeur ni à
l’exploitant. Il faut donc encourager les recherches. Or, si vous ne donnez pas
la préférence à l’inventeur, il ne fera pas de recherche ; il ne se donnera pas
la peine de faire des recherches s’il a la certitude que quand il aura
découvert une mine, on donnera de préférence la concession au propriétaire pour
l’exploiter. Il n’y aurait nul inconvénient à accorder la concession de
préférence à l’inventeur si on avait admis le système que j’avais proposé, qui
était de soumettre toutes les questions de mines aux tribunaux.
L’honorable M. Jullien craint que l’inventeur en
concurrence avec le propriétaire n’obtienne la préférence auprès du
gouvernement, et que son invention ne soit que chimérique, ne soit qu’un
prétexte à une faveur gouvernementale. Cela peut être ; c’est aussi une des
raisons que j’ai invoquées pour demander le renvoi de toutes ces questions
devant les tribunaux. Les tribunaux auraient jugé ces questions comme ils
jugent toutes celles qui touchent à la propriété.
Il peut sans doute se présenter de très graves
inconvénients à mettre en concurrence avec le propriétaire de la surface, alors
que le pouvoir administratif doit prononcer et peut le faire arbitrairement,
sans appel, sans recours à aucune autorité quelconque. L’honorable M. Jullien a
raison.
Mais qu’on revienne à l’autorité judiciaire, et ces
inconvénients disparaîtront, et on tirera un immense avantage de la disposition
proposée par la commission. Le gouvernement encouragera les inventeurs en leur
donnant la préférence, et les tribunaux tempéreront l’ardeur trop grande du
favoritisme gouvernemental.
M. le président. -
Je vais mettre aux voix l’article paragraphe par paragraphe avec les
amendements qui s’y rapportent.
- Les deux premiers paragraphes sont adoptés tels
qu’ils sont proposés par le gouvernement et la commission.
Le troisième paragraphe est ensuite adopté avec
l’amendement de M. Jullien consistant à retrancher les mots : « ou bien
dans tous autres cas où des motifs d’équité ou des considérations d’intérêt
général exigeraient d’accorder la concession à tous autres.
Le quatrième paragraphe est adopté tel qu’il est
proposé.
Le dernier paragraphe est adopté moins le mot «
substitué, » dont le retranchement a été demandé par M. Raikem.
L’ensemble de l’article ainsi amendé est ensuite
adopté.
Article 7
M. le président. -
L’article 7, présenté par la commission, est ainsi conçu :
« Sur la proposition du conseil des mines, et
après avoir procédé aux enquêtes et aux autres formalités prescrites par les
lois en matière d’expropriation pour cause d’utilité publique, le gouvernement
pourra déclarer qu’il y a utilité publique et établir des communications dans
l’intérêt d’une exploitation de mines.
« Dans ce cas, on suivra, pour l’indemnité,
l’art. 44 de la loi du 21 avril 1810.
« Lorsque les biens ou leurs dépendances
seront occupés par leurs propriétaires, les tribunaux pourront prendre cette
circonstance en considération pour la fixation des indemnités. »
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Messieurs, il est important de remarquer qu’il n’y a aucune loi qui, dans des
circonstances semblables, prescrive une enquête. L’enquête n’est prescrite que
pour les concessions de péages sur les chemins, sur les ponts et pour d’autres
objets de même nature. Il s’ensuivrait donc que la rédaction de la commission
est inapplicable puisqu’elle suppose une loi qui n’existe pas.
Si l’on exigeait une enquête pour l’ouverture d’un
chemin dans les cas prévus, il faudrait une disposition spéciale ; mais, je le
répète, l’article tel qu’il est formule est inexécutable.
M.
Dubus. - Cet article me paraît d’une grande importance. La modification
à laquelle le ministre s’oppose a été jugée nécessaire par la commission à
l’unanimité ; il serait étonnant qu’elle pût être écartée. Je désire connaître
les motifs pour lesquels la commission a cru devoir admettre cette
modification. Je dirai, pour mon compte, que l’article me paraît très large, et
mettre toutes les propriétés privées à la merci du gouvernement, sans
garanties. Je ne sais pas si nous ferons sagement de n’exiger aucune garantie.
La commission veut en donner ; M. le ministre de l’intérieur n’en veut pas.
M. le ministre
de l'intérieur (M. de Theux). - Je n’ai pas dit cela, j’ai dit que
l’article était inexécutable.
M. Dubus. -
J’espère que les membres de la commission s’expliqueront.
M. Fallon, rapporteur.
- Voici les motifs qui ont porté la commission à présenter la modification à
laquelle s’oppose le ministre de l’intérieur et qui commence l’article.
M. le ministre
de l'intérieur (M. de Theux). - Je ne m’y oppose pas ; j’ai fait
observer qu’elle était inexécutable.
M.
Fallon, rapporteur. - Dans une concession de mines, il s’agit bien là
de l’objet d’une concession toute particulière. Or, nous avons des lois, je
pense, qui ont établi les mêmes formalisés que présente la constitution,
lorsqu’il s’agit d’une concession faite à un particulier ou à une société,
c’est-à-dire, qui demande une enquête avant que le gouvernement déclare
l’utilité publique de construire une nouvelle voie de communication et fasse
procéder à l’expropriation ; eh bien la commission croit que les mêmes règles
doivent être suivies pour les expropriations qu’exigeraient les mines, à cause
des nouvelles voies de communication qui leur seraient indispensables.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- La loi du 8 mars 1810 dit que l’utilité publique résulte du décret de
l’empereur dans lequel elle est déclarée ; c’est après une telle déclaration
qu’il y a des formalités à observer pour se mettre en possession des
propriétés. Ainsi il serait inexact de dire que le gouvernement déclare
l’utilité publique en vertu des lois, ou après avoir rempli les formalités
voulues par les lois : mais pour lever cette difficulté, je proposerai la
rédaction suivante :
« La déclaration d’utilité publique sera
précédée d’une enquête.
« Les formalités prescrites par les lois en
matière d’expropriation pour cause d’utilité publique seront observées. »
M. Pirmez. - Je n’ai
pas vu, dans l’exposé des motifs, les raisons pour lesquelles il fallait, dans
ce cas-ci, sortir des règles de l’expropriation forcée. Que veut-on ? Ouvrir à
la mine un chemin pour arriver sur la route, c’est-à-dire lui donner le moyen
de sortir de l’enclave où elle est ? Mais elle a le droit de sortir de son
enclave. L’article est inutile sous ce rapport.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Par quel chemin faites-vous sortir la mine ?
M. Pirmez. - Elle
sort de l’enclave par sa propriété, pour aller jusqu’au premier chemin : on ne
lui a jamais contesté ce droit. Mais ce que l’on demande ici ce n’est pas de
sortir de l’enclave, c’est de faire pour cette mine un chemin a travers toutes
les propriétés pour arriver à un canal, à une grande route, à un chemin de fer.
Dans ce cas, le ministre veut-il une enquête ?
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Oui ! oui !
M. Pirmez. - Alors
je n’ai plus rien à dire. Cependant, dans ce cas comme dans l’autre, l’article
est inutile, puisqu’il dira que l’on suivra une loi. En effet, pour prononcer
sur les causes d’utilité publique, on n’a pas besoin de nouvelles dispositions
; celles qui existent suffisent. S’il y a utilité publique dans le cas dont
nous nous occupons, eh bien, que l’on exproprie suivant les lois ; rien n’est
plus simple. L’article est donc inutile.
Il faut laisser les choses telles qu’elles sont et
rejeter l’art. 7.
M. Gendebien. -
L’intention de la commission a été de donner au propriétaire de la surface des
garanties contre l’abus du droit d’expropriation ; abus qui, selon moi, ne peuvent
se réaliser, eu égard aux conditions onéreuses de cette espèce d’expropriation.
Dans l’intention de la
commission, je pense, ce sont les enquêtes exigées par la loi de concession et
de péages qu’elle a prescrites dans son amendement. La proposition du ministre,
qui tend au même but, a l’avantage de faire disparaître le vague de l’art. 7,
et sous ce rapport je l’adopte.
M. Pirmez vous a dit que le gouvernement pouvant
toujours ordonner l’expropriation pour cause d’utilité publique, l’article
proposé est inutile et doit être supprimé.
J’admets l’observation de M. Pirmez, mais je ne
puis admettre la conséquence qu’il en tire ; car il s’est élevé des doutes sur
le point de savoir si le gouvernement pouvait ordonner pareille expropriation.
Il faudrait, d’après les observations très
judicieuses de M. Pirmez, retrancher de l’art. 7 le deuxième paragraphe :
« Dans ce cas, on suivra pour l’indemnité l’art. 44 de la loi du 21 avril
1810» ; car dès l’instant qu’il y a utilité publique à autoriser l’expropriation,
il ne faut pas faire payer les terrains expropriés au double de la valeur, il
faut rester dans les termes généraux du droit commun, qui n’exige que
l’indemnité de la valeur simple de tous les concessionnaires de routes, canaux
et autres entreprises d’utilité publique.
M. le ministre
de l'intérieur (M. de Theux). - Ainsi que je viens de le dire, je n’ai
jamais été opposé à ce qu’on établît une enquête sur cet objet. J’avais même
l’intention de l’établir par voie administrative, de même que je l’ai proposé
au Roi en 1832 pour l’ouverture des routes, alors que l’enquête n’est prescrite
par la loi que quand il s’agit d’une concession de péages. C’est la preuve que
je désire éviter toute espèce de surprise. Mais j’ai dit que la proposition de
la commission reposait sur une erreur, parce qu’elle suppose des dispositions
qui exigent une enquête avant la déclaration d’utilité publique, dispositions
qui n’existent pas.
On sait qu’aux termes du
code civil un propriétaire peut demander un passage pour profiter de sa
propriété, lorsqu’il y a enclave. Mais ici ce n’est pas le cas. On ne suppose
pas qu’un propriétaire de mines soit enclavé, mais que, pour le transport de la
mine, il lui soit plus utile d’avoir un chemin plus direct vers un canal ou un
chemin de fer.
L’honorable M. Gendebien voudrait que, dans ce cas,
l’on s’en tînt à l’indemnité stipulée dans les cas ordinaires d’expropriation
pour cause d’utilité publique. Je ne pense pas qu’il puisse en être ainsi. En
effet, la loi du 21 avril 1810 accorde toujours le double de la valeur des
terrains, lorsqu’ils sont occupés dans l’intérêt d’une exploitation de mines.
Or, c’est véritablement le cas. Il s’agit d’occuper une propriété privée dans
l’intérêt d’une exploitation de mines. Il faut rester conséquent avec les
principes de la loi de 1810 ; et accorder au propriétaire obligé de céder sa
propriété une indemnité double de la valeur.
Je pense donc que cette disposition ne peut être
sérieusement contestée.
M.
Pirmez. - L’honorable M. Gendebien n’a accepté qu’une partie de la
proposition que j’avais faite. J’ai proposé de retrancher tout l’article comme
inutile et parce qu’il tend à changer les idées que l’on a ordinairement sur
l’utilité publique. Jusqu’à présent on n’a pas accordé à des exploitants de
mines et minières le droit de faire des chemins, sinon pour sortir de
l’enclave. Maintenant cet article autoriserait le gouvernement à changer ce
mode d’agir. Armé de cette disposition législative, le gouvernement pourrait
couper les propriétés en faveur des houillères comme bon lui semblerait, parce
que les idées d’utilité publique seraient modifiées par cet article : jusqu’à
présent cela n’a pas eu lieu. Déjà on a prétendu faire de tels chemins mais la
cour de Bruxelles a rendu là-dessus un arrêt très remarquable.
Je crois donc que si on veut accepter ma
proposition, il faut l’accepter tout entière, et retrancher non pas un
paragraphe comme le propose M. Gendebien, mais l’article tout entier.
M. le ministre
de l'intérieur (M. de Theux). - Je ne ferai qu’une seule observation,
c’est que dans mon opinion cette disposition est fort utile en ce qu’elle tend
à maintenir l’équilibre et la concurrence entre les diverses exploitations de
mines. Je crois même que, sous ce rapport, il serait difficile d’introduire
dans la loi une disposition plus utile.
M.
Fallon. - L’honorable M. Pirmez reproche à l’article du projet de
changer les idées qu’on avait jusqu’à présent sur les expropriations pour cause
d’utilité publique. Si cet honorable membre veut faire attention aux clauses
des concessions de mines, il verra au contraire que nous ne faisons que
demander l’application aux concessions de mines des moyens accordés au
gouvernement dans tous les cas d’utilité publique. Pourquoi concède-t-on les
mines ? Par motif d’utilité publique, pour pouvoir livrer à la consommation, à
l’industrie les richesses enfouies sous le sol. Pour qu’une exploitation puisse
soutenir la concurrence avec d’autres, il importe de lui donner les moyens de
communiquer avec un canal, avec une grande route, avec un chemin de fer. Il y a
encore là motif d’utilité publique. Dès lors vous devez déclarer applicables
aux concessions des mines les moyens d’expropriation pour utilité publique que
vous avez admis dans d’autres cas.
M. Jullien. - Il
me semble, ainsi qu’à l’honorable M. Pirmez, que l’article du projet donne une
extension très large au principe qui permet au gouvernement d exproprier pour
cause d’utilité publique.
Dans le principe, le droit d’expropriation admis
par l’assemblée législative, en France, était restreint au cas de nécessité
publique ; c’était le terme de la loi, c’est-à-dire qu’on ne pouvait exproprier
que pour la défense du pays. Dans le code civil, on a substitué à cette
expression celle de « utilité publique, » pour appliquer le droit
d’expropriation à l’ouverture de routes et de canaux ; ce qui doit être
considéré comme des cas d’utilité publique. C’est encore donner de l’extension
au principe qui permet de sacrifier à l’intérêt général les propriétés
particulières.
Mais maintenant que propose-t-on ? On vous propose
de donner aux exploitants des mines de charbons les moyens d’exproprier des
propriétés particulières pour établir dans l’intérêt de ces exploitations des
communications plus faciles. Mais y a-t-il là intérêt général, utilité publique
? En vérité, si vous admettez une telle extension au droit d’expropriation
forcée des propriétés particulières, je ne sais plus où ce droit s’arrêtera.
On dit qu’on ne veut pas donner d’extension aux cas
prévus par l’art. 44 de la loi du 21 avril 1830. Mais ce ne sont pas là les cas
prévus par cet article de la loi. Je vais le prouver en en donnant lecture. Il
est ainsi conçu :
« Art. 44. Lorsque
l’occupation des terrains pour la recherche ou les travaux des mines prive les
propriétaires du sol de la jouissance du revenu au-delà du temps d’une année,
ou lorsqu’après les travaux, les terrains ne sont plus propres à la culture, on
pourra exiger des propriétaires des mines l’acquisition des terrains à l’usage
de l’exploitation. Si le propriétaire de la surface le requiert, les pièces de
terre trop endommagées ou dégradées sur une trop grande partie de leur surface
devront être achetées en totalité par le propriétaire de la mine.
« L’évaluation des propriétés se fera, quant
au mode, suivant les règlements établis par la loi du 16 septembre 1807 sur le
desséchement des marais. Mais les terrains à acquérir seront toujours estimés
au double de la valeur qu’ils avaient avant l’exploitation de la mine. »
Vous voyez qu’il s’agit de terrains rendus
impropres à la culture pendant plus d’une année. Dans ce cas le concessionnaire
est obligé d’acquérir les terrains au double de la valeur. Ce n’est là que
justice. Ce n’est pas ce dont il s’agit dans l’article du projet. Je crois
qu’il y a lieu de le rejeter.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Messieurs, l’honorable préopinant ne demande pas que l’on abolisse l’article
44 de la loi du 21 avril 1810, ni les autres articles qui autorisent
l’exploitant des mines à occuper la propriété d’autrui pour des travaux
d’exploitation ; en ce cas il veut que la propriété privée soit cédée, en vue
de l’utilité publique de l’exploitation.
Messieurs, à quoi servirait d’obtenir une
concession de mines, de faire de grands travaux, s’il n’est pas possible à
l’exploitant de soutenir la concurrence avec les autres propriétaires de mines
? et c’est cependant ce qui va arriver très
fréquemment.
L’on a déjà établi plusieurs chemins de fer ; ceux
qui se trouvent à proximité de ces chemins peuvent livrer le produit de leurs
mines à un prix beaucoup plus bas que les propriétaires dont les mines en sont
éloignées.
Eh bien, si vous voulez que ces derniers puissent
soutenir la concurrence avec les autres exploitants, il faut bien que le
gouvernement après avoir constaté les faits, puisse permettre aux premiers
d’ouvrir un passage sur les propriétés de leurs voisins ; c’est la une
conséquence directe, en matière d’expropriation pour cause d’utilité publique.
Je n’hésite pas à dire que c’est une des
dispositions les plus utiles dans l’intérêt des exploitations.
M.
F. de Mérode. - Je ne puis qu’appuyer les observations présentées par
l’honorable M. Jullien. Je ne
m’oppose pas aux expropriations pour cause d’utilité publique, lorsqu’il y a
réellement utilité publique dans un sens large. Ainsi, par exemple, s’il s’agit
d’un canal, comme celui de Charleroy à Bruxelles, d’un chemin de fer, comme
celui de Bruxelles à Anvers, je conçois que l’on procède à des expropriations
pour cause d’utilité publique.
Mais je ne puis être d’accord avec M. le ministre
de l'intérieur, quand il applique cette cause d’utilité publique à des
entreprises qui concernent plus particulièrement l’intérêt privé.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Messieurs, il n’y a pas lieu de craindre que la disposition dont il s’agit
puisse être étendue aux usines et à d’autres établissement industriels, puisque
le siège de ces établissements n’est pas obligé, comme celui de l’exploitation
d’une mine, que l’on ne peut pas déplacer ; et il ne faut pas non plus croire
que, parce que cet article se trouverait dans la loi, le gouvernement
autoriserait tout propriétaire à faire des chemins à travers les propriétés de
ses voisins ; ce n’est pas ainsi que la loi sera appliquée. Quand il s’agira
d’exproprier quelqu’un dans l’intérêt de l’exploitation d’une mine, on établira
d’abord une enquête, où les parties seront entendues ; on prendra en
considération l’importance de l’exploitation et l’importance de
l’expropriation, et, après avoir bien mûrement tout pesé, et avoir pris l’avis
du conseil des mines, le gouvernement prononcera. Il ne sera donc fait aucun
abus de l’article dont il s’agit, et qui n’est destiné qu’à combler une lacune
que présente notre législation.
M.
F. de Mérode. - Malgré les observations que vient de présenter M. le
ministre de l'intérieur, il n’en est pas moins vrai, messieurs, que, si l’on
peut considérer comme un objet d’utilité publique l’exploitation des mines, on
peut envisager de la même manière d’autres exploitations, celle des carrières,
par exemple ; car, dans les pays où les pierres sont rares, les carrières sont
aussi extrêmement utiles. Si donc deux carrières sont placées l’une près d’une
route et l’autre loin de toute voie de communication, il s’en suivra que pour
rendre l’exploitation de la dernière aussi avantageuse que celle de l’autre,
pour maintenir, comme on dit, l’équilibre entre les exploitations, l’on pourra
de suite établir un chemin et exproprier à cet effet une foule de propriétaires.
M. le ministre de l’intérieur a dit que l’on place
les usines où l’on veut et qu’il faut exploiter les mines où elles se trouvent
; mais les carrières ne peuvent pas non plus se transporter, il faut également
les exploiter la où elles se trouvent ; ce qui est applicable aux mines l’est
donc aussi aux carrières.
Il me semble, messieurs, que l’on étend beaucoup
trop la signification des mots : « utilité publique. » C’est pourquoi
je voterai contre l’article en discussion.
M. Gendebien. -
Messieurs, il me reste bien peu de chose à dire, mais je dois ramener
l’attention de la chambre au point d’où nous sommes partis dans la discussion
de l’article dont il s’agit.
L’honorable M. Pirmez a soutenu que l’article est
inutile, parce que, quand il s’agit d’utilité publique, le gouvernement peut
toujours la déclarer et ordonner l’expropriation. Je ferai d’abord remarquer à
l’honorable membre qu’il s’agit de stipuler que l’exploitant devra payer aux
propriétaires la double valeur des propriétés dont il aura besoin pour son
exploitation, obligation qu’on ne pourrait pas lui imposer, si elle n’était
prescrite par la loi.
Puisque l’honorable préopinant a reconnu au
gouvernement le droit de proclamer l’utilité publique, je ne conçois plus quel
inconvénient il peut trouver dans l’article auquel il s’oppose, car dans son
système même la loi fait une faveur, un véritable don aux propriétaires, et
elle n’a pas même d’autre but d’utilité. Il est certain, d’ailleurs, que
l’exploitant n’usera qu’à la dernière extrémité de la faculté de demander
l’expropriation, puisqu’il devra payer la double valeur de ces propriétés,
double valeur qui est souvent la triple et la quadruple valeur. Car toutes les
expropriations qui sont faites pour le compte du gouvernement, et dont les
évaluations ne doivent être qu’à la simple valeur, sont faites souvent au
double et même au triple de la valeur ; et pour les particuliers les
évaluations se font peut-être dans une proportion plus exagérée encore, de
manière que le propriétaire reçoit non pas le double, mais souvent le quadruple
de la valeur de la propriété dont il est privé. Et comme, lorsque la propriété
est occupée par le propriétaire lui-même, les tribunaux sont autorisés par le
projet à prendre cette circonstance en considération, cela élève encore, dans
ce cas, le taux de l’évaluation. Ainsi toutes les observations doivent tomber,
et l’exploitant seul aurait peut-être le droit de se plaindre.
Dans les expropriations ordinaires, lorsque le
propriétaire ne recuit que la simple valeur, je conçois qu’on puisse considérer
comme un sacrifice l’expropriation pour cause d’utilité publique ; mais
lorsqu’il reçoit le double de la valeur, peut-on considérer sa dépossession
comme un sacrifice ?
L’honorable M. F. de Mérode dit qu’il y aurait la
même raison pour donner le droit d’exproprier aux concessionnaires de
carrières. D’abord les carrières ne se concèdent pas. Mais je ne verrais aucun
inconvénient qu’on appliquât ces principes aux exploitants de carrières. Car si
vous amenez sur les marchés dix propriétaires de carrières au lieu de cinq,
vous diminuez le prix d’un objet de première nécessité, et par conséquent
d’utilité générale. Si tout le monde y gagne, pourquoi ne pas autoriser ces
expropriations ? car alors il y a utilité publique.
M. de Mérode dit qu’il faut entendre l’utilité
publique dans un sens large. Il faut, vous a-t-il dit, un intérêt national. Je
prierai M. de Mérode de nous citer la loi qui a défini l’utilité publique
l’intérêt général dans le sens qu’il l’entend. En fait d’intérêt général, on
doit considérer si telle mesure sera utile à tous. Mais, en admettant la
distinction dont a parlé M. de Mérode, il y serait satisfait ; car, en
supposant que l’utilité des expropriations pour ces exploitants ne fût pas générale
dans le sens large qu’il entend, la loi fait de son côté une exception qui
compense, puisqu’elle accorde une valeur double de celle accordée pour les
expropriations d’un intérêt général plus large. L’honorable M. Jullien a dit
que l’on devait continuer d’exploiter comme on a toujours fait. Mais veut-on
que l’on exploite comme il y a 50 ans dans le district de Charleroy, où il n’y
avait pas alors une seule route ? Depuis, des canaux, des routes ont été
établis, qui ont changé complètement la situation des exploitants. Ils doivent
arriver à ces routes ; d’autres moyens de transports généraux viennent à
s’établir. On établit, par exemple, un chemin de fer dans un sens opposé aux
anciennes voies ; ce chemin établit une diminution de 50 p. c. sur les frais. Empêcherez-vous
les exploitants d’établir des communications vers ce chemin de fer ? Mais vous
allez diminuer la concurrence au grand détriment des consommateurs ; mais vous
privez ce chemin de fer de ses moyens de transport et d’exploitation. C’est
encore une question d’utilité publique à satisfaire.
On a parlé de
chemins de deux lieues, mais y a-t-on bien réfléchi ? des
chemins de deux lieues, pour lesquels l’industrie exproprierait au double de la
valeur ! Soyez bien assurés, messieurs, qu’il n’y a pas d’abus à craindre, et
que les industriels ne sont pas assez fous pour faire des chemins inutiles à
d’aussi grands frais ; ils en feront toujours le moins possible, ils ne les
feront que lorsqu’une nécessité impérieuse les y forcera. Assurément les
communications ainsi établies par les exploitations auront tout au plus 10
minutes de parcours, et toujours le moins qu’ils pourront.
En un mot, il n’y a pas le moindre obstacle à ce
qu’on consacre le droit d’expropriation ; cal il y a évidemment utilité
publique, sous quelque rapport qu’on envisage la question.
Un grand
nombre de membres. - La clôture !
M. F. de Mérode.
- Je demande la parole contre la clôture, parce qu’il s’agit d’une question
très importante et que l’on ne peut pas trancher légèrement. J’aurais encore
quelques mots à dire sur cette question.
M. Jullien. - Je
m’oppose à la clôture, parce qu’ici le droit sacré de propriété est en
question, et que ce droit est incontestablement la base de toute société. Pour
exproprier un citoyen de sa propriété, il fallait, avant le code, nécessité
publique, et comme ces mots emportaient uniquement la défense publique, on a
jugé à propos d’y substituer ceux de utilité publique, mais en expliquant, dans
le rapport sur la loi, qu’on n’en devait pas moins de respect au droit de
propriété.
Si on adopte l’opinion de quelques préopinants, je
ne sais où s’arrêtera l’utilité publique.
Encore une fois, le droit de propriété est en
question. C’est pour cela que je crois qu’il ne faut pas clore la discussion.
Je demande, au contraire, que la discussion continue.
- La clôture est mise aux voix ; l’épreuve est
douteuse. L’épreuve est renouvelée et est également douteuse.
M. le président. - Aux
termes du règlement, dans le doute, la discussion continue.
- MM. les représentants quittent leurs places.
La séance est levée à 4 heures.