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Chambre des représentants de Belgique
Séance du lundi 23 mai 1836
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre
2) Vérification des pouvoirs d’un membre de la chambre (Goblet)
3) Projet de loi relatif à la perte du grade d’officier de l’armée ((Evain), nécessité d’une discipline militaire (Seron,
F. de Mérode, Evain, Seron, de Puydt, Seron,
Gendebien, Evain), cas
d’application et code pénal militaire (Pollénus, Evain, Milcamps, Pollénus, Gendebien, Desmaisières, Liedts, de Brouckere, de Puydt,
(+position de réforme) Rogier, Evain,
de Jaegher)
(Moniteur
belge n°144 et 145, du 23 et 24 mai 1836)
(Présidence de M. Fallon,
vice-président.)
M. Schaetzen
procède à l’appel nominal à une heure et demie ; puis il lit le procès-verbal
de la séance précédente, dont la rédaction en est adoptée ; ensuite il fait
connaître l’analyse d’une pétition adressée à la chambre.
PIECES ADRESSEES A
« La chambre de commerce et des fabriques
d’Ostende adresse des observations sur le rapport de la commission chargée de
l’examen du projet relatif aux constructions navales, et conclut par demander
qu’il soit alloué des primes et établi des droits différentiels. »
________________
M. le ministre de la justice
(M. Ernst) adresse à la chambre le message ci-après, concernant des
renseignements sur la demande en naturalisation du sieur Dejongh.
(Note du webmaster : Ce message
n’est pas repris dans la présente version numérisée.)
________________
- La pétition de la chambre de commerce et des
fabriques d’Ostende est renvoyée à la commission pour l’examen du projet
relatif aux constructions navales.
Le message de M. le ministre de la justice, avec
les pièces qui l’accompagnent, est renvoyé à la commission des naturalisations.
VERIFICATION DES POUVOIRS
D’UN MEMBRE DE
M. Heptia monte à
la tribune et s’exprime ainsi. - Messieurs, la commission chargée de l’examen
et de la vérification des pouvoirs du général Goblet, récemment élu à
Bruxelles, m’a charge à son tour de vous présenter son rapport.
L’examen des pièces a prouvé à la commission que
l’élection a été parfaitement régulière ; aucune réclamation n’est d’ailleurs
parvenue contre l’élection.
Il résulte du procès-verbal de l’élection que 414
votants se sont présentés à l’assemblée électorale, et que M. le général Goblet
a obtenu 283 suffrages.
En conséquence la commission a conclu à l’admission
du général Goblet, comme député de Bruxelles.
Je vais, messieurs, attirer votre attention sur une
remarque qui m’a semblé devoir faire une impression assez pénible sur l’esprit
des véritables amis du pays, c’est que de 2,600 à 3,000 électeurs ; appelés à
participer à l’élection, 414 seulement se sont présentés.
Je m’abstiendrai de toute réflexion sur ce fait ;
chacun peu reconnaître que c’est apporter peu d’exactitude à remplir un devoir
qui devrait être sacré pour tous.
- Les conclusions de la commission sont adoptées.
En conséquence, M. le général Goblet est proclamé membre de la chambre des
représentants.
PROJET DE LOI RELATIF A
Discussion des articles
M. le président. -
M. le ministre se rallie-t-il au projet de la section centrait ?
M. le ministre de la guerre
(M. Evain). - Dans le projet de loi présenté au nom de la section
centrale, il existe une différence de rédaction, et, en outre, quelques
dispositions ont été changées.
Je demande que la discussion s’établisse sur le
projet du gouvernement, sauf à discuter comme amendements les diverses
modifications proposées par la section centrale.
Mais, avant que la discussion s’ouvre sur la
proposition du gouvernement, je dois déclarer qu’après avoir médité les
observations de la section centrale et les changements qu’elle propose, le
gouvernement croit pouvoir proposer les trois amendements suivants à son projet
:
« 1° Ajouter comme dernier paragraphe à l’art.
8 :
« Le conseil d’enquête mettra au scrutin
secret un avis sur les faits imputés à l’officier ;
« 2° Ajouter à l’article 9 :
« L’avis du conseil sera joint au
procès-verbal d’enquête et adressé au ministre.
« 3° Rédiger ainsi l’article 10 :
« Le Roi décidera sur le rapport du ministre
de la guerre.
« Si les faits sont déclarés constants par le
conseil d’enquête, le Roi pourra prononcer, suivant la gravité des
circonstances, la perte, la suppression du grade, ou seulement la mise au
traitement de réforme.
« Les arrêtés royaux seront motivés. »
M. Fallon, président.
- La discussion est ouverte sur le projet du gouvernement.
Article premier
« Art. 1er. Les officiers de tout grade, en
activité, en disponibilité, en non-activité ou en réforme, pourront être privés
de leur grade et de leur traitement pour les causes ci-après exprimées :
« 1° Pour faits graves non prévus par les
lois, qui sont de nature à compromettre l’honneur et la dignité de la
profession des armes, ou de la subordination militaire ;
« 2° Pour manifestation publique d’une opinion hostile à la monarchie
constitutionnelle, aux institutions fondamentales de l’Etat, ou pour offense à
la personne du Roi ;
« 3° Pour absence illégale de leur corps ou de
leur résidence pendant huit jours ;
« 4° Pour résidence hors du royaume, sans
autorisation du Roi, après trois jours d’absence. »
« Art. 1° (projet de la section centrale).
Jusqu’au traité définitif à intervenir avec
« 1° Pour s’être livrés habituellement et
publiquement à l’ivresse ou au libertinage ;
« 2° Pour avoir, par inconduite, contracté des
dettes excédant une année des appointements du grade dont ils sont revêtus ;
« 3° Pour s’être livrés dans un lieu public,
entre eux, à des outrages ou à des voies de fait ;
« 4° pour manifestation publique d’une opinion hostile à la
monarchie constitutionnelle, aux institutions fondamentales de l’Etat, aux libertés
garanties par la constitution, ou pour offense à la personne du Roi ;
« 5° Pour absence illégale de leur corps ou de
leur résidence pendant 15 jours ;
« 6° Pour résidence hors du royaume, sans
autorisation du Roi, après cinq jours d’absence. »
M. Seron. - Je ne
viens pas, messieurs, répéter ce que j’ai dit à l’appui de ma motion d’ordre,
condamnée de primesaut par M de Theux et rejetée sans discussion par la
chambre. Je viens seulement vous soumettre quelques réflexions sur le discours
dans lequel M. de Puydt croit avoir démontré la bonté du projet de loi
maintenant soumis à votre examen et la nécessité de l’adopter incontinent.
M. de Puydt est grand partisan de l’obéissance
passive ; il ne veut pas que les militaires raisonnent. Il attribue à l’esprit
de discussion des assemblées populaires et législatives, introduit dans les
camps, le peu de succès et les désastres de l’armée républicaine, à l’origine
de la guerre et pendant près de deux ans. Il parle de l’armée des avocats
: « C’est elle, dit-il, qui fit la première tentative d’invasion en
Belgique, sous le commandement de Rochambeau et de Dillon, si l’on peut appeler
ainsi une réunion d’hommes sans ordre, sans instruction militaire, volontaires,
mais sans volonté d’obéir, et qui fut si promptement mise en déroute. » Il
dénature les faits pour les accommoder à un système.
Les premiers revers de française, messieurs,
appartiennent au temps où Louis XVI régnait encore. Elle se composait alors
d’anciens régiments de ligne, d’excellents bataillons de volontaires, d’où
sortirent plus tard tant de chefs habiles et devenus célèbres. Ni les
officiers, ni les soldats ne manquaient d’instruction ; mais ils étaient
commandés par des généraux de l’ancien régime, nommés par le roi et qui ne
voulaient pas vaincre. On ne peut nier en effet que si, après la déclaration de
guerre, dès le printemps de 1792, Rochambeau et Lafayette se fussent entendus
pour envahir les Pays-Bas, l’armée autrichienne, alors peu nombreuse, n’aurait
pu leur résister. Mais, au lieu de réunir leurs troupes et d’en former une
masse compacte, ils les disséminèrent dans un grand nombre de petits camps,
comme pour les faire battre plus facilement par l’ennemi, et c’était ce que
voulait la cour. Du reste, Théobald Dillon ne commandait qu’une poignée de
soldats dans cette excursion irréfléchie dont il fut la victime.
Après le 10 août 1792, après le renversement du
trône et lorsqu’une armée considérable eut été réunie et placée sous le
commandement d’un seul général en chef, les Prussiens furent battus dans les
plaines de
Si l’armée française n’eût été qu’un assemblage
d’automates aveugles, Lafayette qui, après le 10 août, voulait marcher sur
Paris, aurait réussi, peut-être, à replacer Louis XVI sur le trône. Alors
Ils défendirent courageusement la frontière jusqu’à
l’époque où, renforcés par la levée des hommes de 18 à 25 ans, ils reprirent
l’offensive en 1794, deux ans après la déclaration de guerre. Le peu de succès
qu’ils obtinrent jusqu’à la fin de 1793, fut le résultat de la trahison de
Dumouriez, et de la défection de quelques régiments mercenaires, et nullement
de l’esprit révolutionnaire et de l’influence des clubs. Encore doit-on
convenir que l’armée acquit quelque gloire à Walmy, à
Jemmapes, et ne pas oublier la belle résistance de la garnison de Valenciennes,
ni la défense mémorable de Mayence, ni la prise plus mémorable encore de
Toulon, ni la victoire d’Honscoot, ni enfin la
bataille de Wattignies, suivie de la levée du blocus de Maubeuge par les
Autrichiens. Et de quels avantages ceux-ci et leurs alliés eurent-ils donc à se
vanter ? Avec leur admirable discipline ils avaient mis deux ans à prendre
Valenciennes, Condé, Landrecies et le Quesnoy ; ils n’avaient fait que quelques
pas sur la frontière française.
M. de Puydt attribue les victoires de Bonaparte en
Italie « aux soins de ce général pour rétablir la discipline et
l’obéissance pleine et entière dans son armée, où il s’était fait pour ainsi
dire dictateur. » Mais lorsque Bonaparte prit le commandement de l’armée des
Alpes, ce n’était pas dans l’anarchie ; manquant de tout, elle avait fait
preuve de résignation et de courage, elle venait de battre l’ennemi. Jamais le
général en chef, alors grand républicain, ne se conduisit envers elle en
dictateur ; jamais il ne songea à la soumettre à l’obéissance aveugle dont
parle M. de Puydt. Pour moi, je
trouve la cause principale des nombreux succès de cette armée dans le génie et
l’étonnant sang-froid de son général, et dans la bonté des troupes qu’il eut le
bonheur de commander.
A cette époque et depuis la révolution, la
désertion à l’ennemi ou à l’étranger était inconnue dans les armées françaises.
Etait-ce par la discipline allemande qu’étaient retenus sous les drapeaux ces
soldats de l’armée du nord qui, dans l’hiver de 1794 à 1795, conquirent en
courant les sept provinces unies ? Non ; mais ils étaient animés de l’amour de
la patrie. Cette noble passion les conduisait au combat sans solde (car les
assignats n’avaient plus de valeur), sans pain, sans souliers, sans habits,
teignant de leur sang la glace qui déchirait leurs pieds.
Ainsi, messieurs, ce n’est pas à une obéissance
aveugle et non raisonnée de la part des soldats et des officiers subalternes
qu’il faut attribuer les victoires et les conquêtes des armées républicaines ;
et leurs revers n’ont pas leur source non plus dans l’esprit de discussion. Au
contraire, cet esprit de discussion a préservé
M. de Puydt trouve un principe de désordre pour
l’armée dans les dispositions mal entendues des articles 14, 18 et 124 de la
constitution. Elles doivent être expliquées, suivant lui, en ce sens, que
l’officier ne devra plus ni parler ni écrire, et qu’il pourra, s’il manifeste
une opinion mal sonnante aux oreilles du ministère, être renvoyé chez lui sans
traitement. Si l’on adopte cette manière de voir, la constitution devient
inutile, il faut la supprimer.
« Les fonctions d’officier, dit-il, ne sont
pas forcées, elles sont volontaires. Le Roi les confère, le citoyen les
accepte. » Non, messieurs, elles ne sont pas toujours volontaires. Elles
sont forcées pour le militaire qui les a gagnées par les services dont toutes
les ressources sont dans son grade ; il ne faut pas les lui ôter légèrement,
car c’est lui ôter tout ce qu’il possède.
« Les fonctions de l’officier, dit-il encore,
absorbent tous ses instants ; il reste naturellement étranger à la plupart des
habitudes de la vie civile ; il doit surtout se tenir éloigné des affaires
publiques. » Je vois certainement, avec le plus grand plaisir, M. de Puydt
faire partie de cette chambre ; mais je prendrai la liberté de vous faire
observer qu’il n’est pas lui-même rigoureusement d’accord avec ses principes.
« Sous un régime constitutionnel, le
gouvernement, poursuit-il, est l’expression de la majorité ; il exécute ce que
veut la nation ; l’armée est un des moyens d’action du gouvernement ; en
obéissant, elle agit donc suivant le vœu de la majorité. Qu’est-il besoin
qu’elle prenne part aux débats politiques ? » M. de Puydt ne voit pas
qu’il pose ici en fait ce qui est en question, et que si ses prémisses sont
fausse, les conséquences qu’il en tire n’ont pas de fondement. Or, et pour
parler comme lui, le gouvernement n’est l’expression de la majorité qu’autant
qu’il obéit lui-même fidèlement aux lois, et peut-il être défendu d’examiner
s’il s’en écarte ou de prouver qu’il les a enfreintes ? Le militaire n’est-il
pas intéressé dans cette question ?
Voici un autre raisonnement non moins singulier :
« Une loi que nous venons de voter interdit aux membres du conseil des
mines de posséder des actions dans une exploitation, à peine de ne pouvoir
assister aux délibérations du conseil. Mais tous les citoyens sont égaux devant
la loi : pourquoi donc prive-t-on un conseiller des mines d’un droit
appartenant à tout le monde ? Pourquoi ? Par un défaut de position qu’il
accepte volontairement. Ce que doit faire un conseiller, ce que doivent faire
d’autres fonctionnaires publics à plus forte raison un militaire doit-il le
faire ; à plus forte raison doit-il s’imposer une réserve commandée par
l’honneur et le devoir. » Mais je ne vois aucune justesse dans cette
comparaison, Encore une fois le militaire n’accepte pas volontairement son
grade ; et qu’y a-t-il de commun entre l’exercice des droits accordés par la
constitution à tous les citoyens, et les fonctions que la loi a sagement
déclarées incompatibles avec telle position, avec tel autre emploi ?
Au reste, je ne le nierai pas, une discipline
destinée à abrutir l’homme peut convertir en soldats, et même en bons soldats,
les êtres sur lesquels elle pèse. Nous en avons la preuve dans les armées
russes assujetties au knout, et peut-être aussi dans les armées anglaises
encore soumises au régime des coups de bâton. Mais, est-ce à dire que nous
devions établir des usages étrangers à nos mœurs, et opposés à l’état de la
civilisation générale ? Est-ce à dire que ces soldats machines
vaudront jamais les soldats citoyens pénétrés de leur dignité, de leurs
devoirs et de leurs droits ? Non ; l’histoire ancienne et l’histoire moderne
attestent que les hommes libres ont toujours été invincibles et les esclaves
toujours vaincus.
On dit que l’arbitraire est
nécessaire dans les armées ; je n’en conviendrai jamais. Car l’arbitraire,
c’est la volonté de l’homme sans fondement naturel, sans règle, sans frein.
C’est un fléau inconnu dans tout pays véritablement libre. Comment l’admettre à
l’égard des soldats ? Ne doivent-ils pas être protégés comme les autres
citoyens ? Ce n’est pas l’arbitraire, c’est la justice, messieurs, qui doit
faire le fondement des lois même militaires.
Enfin, il ne faut pas dénaturer la question. Elle
ne consiste pas à savoir si la discipline est utile : à cet égard nous
n’élevons aucun doute, nous sommes persuadés que sans discipline il ne peut y
avoir d’armée. Nous soutenons seulement qu’il ne faut pas appliquer à la nôtre
la discipline turque, ni la discipline russe, ni la discipline néerlandaise, ni
la discipline comme l’entend le ministère. Nous croyons celle-ci tout à fait
incompatible avec l’esprit de la charte. Le discours très étendu de l’honorable
M. de Puydt n’a aucunement ébranlé notre conviction. Ces considérations jointes
à celles que j’ai exposées en développant ma motion d’ordre, me feront rejeter
en totalité le projet de loi.
M.
F. de Mérode. - Messieurs, selon le préopinant, Lafayette, marchant sur
Paris avec son armée, aurait rétabli les abus de l’ancien régime. Ce que
Lafayette aurait rétabli ou essayé de rétablir, c’était l’ordre avec la
liberté, au lieu de la tyrannie d’une faction sanguinaire qui amoncela plus de
ruines que dix siècles successifs. Et, messieurs, c’est en vain que M. Seron
vous a présenté l’époque des premières victoires de la république comme une
époque de discussion. Le régime d’alors était un régime dictatorial, et il ne
s’agissait pas de réforme et de destitution de grade ; mais on nous destituait
de la vie de ce bas monde, au moyen de la guillotine qui suivait les troupes.
Tout le temps qu’on nous vante si souvent, ne ressemble donc en rien aux
époques de liberté ; il n’a rien de commun avec un système légal et modéré, tel
que celui qui domine les projets qu’on vous propose aujourd’hui.
M. Seron. - M. de
Mérode ne m’a pas compris. Je n’ai pas dit que Lafayette voulait rétablir
l’ancien régime mais j’ai dit que l’ancien régime aurait été rétabli, si
Lafayette avait pu ramener son armée à Paris.
Quant aux temps révolutionnaires, je dois dire que
M. de Mérode ne les comprend pas.
M. F. de Mérode.
- Non, sans doute, je ne les comprends pas, et je les aime encore moins.
M. le ministre de la guerre
(M. Evain). - Je dois déclarer franchement que les opinions émises par
MM. de Puydt et Seron, sur les armées françaises de 1792 et 1793, ont chacune
leur côté vrai, et je peux avoir à ce sujet une opinion qui aura à vos yeux
quelque poids, quand je vous rappellerai que dès 1792, j’ai commencé à servir
comme officier et que j’ai fait la campagne de 1793 à l’armée du Nord.
Quand en 1792 et 1793 les armées françaises
éprouvèrent de si grands désastres, c’est qu’alors il n’y avait réellement pas
de discipline au sein de ces armées. Il y eut, il est vrai, quelques succès
éclatants dus à la valeur française ; mais ces succès furent bientôt suivis des
plus funestes revers.
Le comité de salut public,
qui, en 1793, se renouvelait tous les mois, sut à la fin de cette année, se
maintenir au pouvoir, et prit, dès cette époque, l’initiative des opérations
militaires et des mesures propres au rétablissement de la discipline dans
l’armée.
Ses mesures furent promptes, rigoureuses et
amenèrent cet immense résultat, gage des succès futurs.
Au commencement de 1794, la discipline fut rétablie
dans l’armée, même à un degré de sévérité où elle n’a jamais été poussée, et
j’en aurais de nombreux exemples à vous citer.
C’est aussi à l’ouverture de la campagne de 1794,
que commencèrent les grands succès de l’armée française par l’envahissement des
Pays-Bas, par la conquête de
J’en reviens à ma thèse, et je dis que les armées
français n’ont eu des succès qu’après l’entier rétablissement de la discipline,
et que toute armée ne peut compter sur des succès ; je dirai plus, ne peut
exister, pour la sûreté d’un pays, que par le maintien d’une bonne discipline.
M.
Seron. - J’ai prouvé par des faits que les armées françaises ont eu des
succès depuis le commencement de la révolution ; car la bataille de Valmy a été
livrée en septembre, et la guerre, si je ne me trompe, a été déclarée dans le
mois de mai 1792.
Quant à la discipline dont a parlé le ministre de
la guerre, et d’après laquelle on fusillait un soldat sans raison, je puis dire
que le ministre est dans l’erreur ; j’ai servi comme M. Evain, et je dois
déclarer que jamais je n’ai vu ce dont on a parlé ; qu’au contraire j’ai
toujours en mon franc parler.
M. de Puydt. - Je
n’ai pas appartenu à l’époque, et je n’ai été témoin d’aucun des événements
dont on a parlé.
Parmi les historiens de ces événements, j’ai choisi
les historiens militaires ; et, parmi ceux-ci, j’en citerai un dont on ne
révoquera pas en doute le témoignage, M. Gouvion-St-Cyr
; c’est un des généraux républicains qui a été assez constamment attaché à
l’armée du Rhin, et qui passa même pour républicain sous l’empire, de sorte que
ses opinions ne peuvent être suspectes dans cette discussion.
C’est d’après lui que j’ai
rapporté que la discipline cessa de régner dans les armées françaises, quand la
discussion s’y établit. C’est d’après lui encore que j’ai rapporté ce mot,
attribué à un ministre prussien : « armée des avocats ; » mais je ne
suis pas l’auteur de ce mot, et les personnes dont le mot pourrait avoir
éveillé la susceptibilité ne doivent pas s’en prendre à moi.
M. Seron. - Je vous
abandonne les avocats.
M. de Puydt. - Je
dois dire que si des clubs ont existé à l’armée d’Italie, c’est à l’époque où
elle a éprouvé des désastres. Quand Bonaparte est arrivé à cette armée, il l’a
trouvée dans le plus grand dénuement et dans la plus grande démoralisation :
dès son arrivée, il l’a disciplinée, et a fait cesser ses relations avec les
clubs de Paris. Ce sont là des faits rapportés par Jomini, par Gouvion-St-Cyr, et par d’autres historiens, et je dois les
croire, jusqu’à ce que des témoins de ce qui s’est passé alors viennent
démontrer le contraire.
M. Seron. - Je
demande la parole pour un fait personnel.
M.
Rogier. - Pas de discussions historiques ; discutons la loi.
M. Seron. Je ne
serai pas long ; je ne parle pas deux heures, comme M. Rogier.
M. de Puydt vous a cité le général Gouvion-St-Cyr ; je lui citerai d’autres historiens qui
valent bien celui-là. Probablement Gouvion-St-Cyr
voyait à travers des verres qui n’avaient plus les couleurs républicaines quand
il a écrit. Que l’honorable orateur lise les victoires, conquêtes et désastres
des armées françaises, et il y verra les faits sous leurs couleurs réelles.
M. Gendebien. -
Un orateur s’est grandement fait illusion, s’il a cru qu’une partie de son
discours avait éveille les susceptibilités de personnes qui ont l’honneur
d’appartenir à la noble profession d’avocat : que l’orateur se tranquillise,
l’avocat digne de ce nom ne s’arrête pas à de semblables susceptibilités, il
est au-dessus de toute insinuation.
Répondant à M. de Puydt, j’ai établi dans une
précédente séance, par un fait historique qui n’est conteste par personne, que
les théories de M. de Puydt recevaient une application toute différente de
celle qu’il leur donne, et qu’il avait eu tort de citer l’exemple de l’armée du
Rhin et de l’armée d’Italie à l’appui de ses étranges théories.
J’ai dit que l’armée d’Italie était essentiellement
républicaine, et que Bonaparte faisait semblant d’être plus républicain que son
armée et que tous ses officiers-généraux, parce qu’il savait bien qu’avec de
pareilles idées on obtenait à cette époque la confiance des soldats et la
victoire.
Il est certain que l’armée d’Italie était en
relation avec les assemblées populaires de Paris, et avec les assemblées les
plus républicaines ; il est certain qu’elle avait ses clubs et s’occupait
beaucoup de questions politiques.
Tout le monde sait qu’à Paris l’on craignait
surtout le contact des officiers de l’armée d’Italie, à cause de leur
exaltation républicaine ; il est certain que l’arrivée du général Angereau à Paris, en mission de l’armée d’Italie, réveilla
et retrempa l’esprit républicain dans la capitale, dans un moment où les
aristocrates semblaient prêts à réaliser une contre-révolution.
A l’armée du Rhin, l’esprit politique était tout
différent ; on s’y donnait le titre de monsieur et non celui de citoyen ; coutume,
mœurs, habitudes, tout y était beaucoup moins républicain qu’à l’armée
d’Italie. Aussi ce fut la source d’une foule de duels entre les soldats des
deux armées d’Italie et du Rhin quand une partie de l’armée du Rhin alla, sous
le commandement du général Bernadotte, au secours de l’armée au nombre de
22,000 hommes. Cependant l’armée d’Italie, malgré ses clubs, malgré ses
préoccupations politiques, malgré ses relations avec le parti le plus avancé de
la convention, malgré ses associations avec les clubs de Paris, fit partout des
prodiges de valeur, tandis que l’armée du Rhin plus paisible, et affectant des
manières aristocratiques, fut presque toujours battue. Je ne veux pas tirer de
cette comparaison une conclusion logique, mais il en résulte que celle de M. de
Puydt est erronée. Si l’armée d’Italie a été battue après le départ de
Bonaparte, c’est parce qu’on l’a divisée en petits corps et qu’elle s’est
aventurée jusqu’au fond du royaume de Naples. Des insurrections générales dans
toutes les parties de l’Italie ont enveloppé de toutes parts ces petits corps,
et de là leurs désastres et leurs défaites, qu’on pourrait aussi attribuer à
l’absence de leur chef qui était alors en Egypte.
Quand Bonaparte est
revenu à l’armée d’Italie à la tête d’une armée, de vrais sans-culottes, car
ils n’étaient pas vêtus, ce n’est pas par la discipline, comme on l’entend
aujourd’hui, qu’il fit changer le sort des combats ; les éléments de sa
nouvelle armée étaient peut-être plus républicains, plus exaltés que celui de
la première ; il la laissa raisonner ; mais, en un mot, l’armée d’Italie a
toujours été la moins subordonnée dans le sens de M. de Puydt, et elle fut
toujours victorieuse toutes les fois qu’elle fut commandée par un bon chef et
l’armée du Rhin fut souvent battue quoique bien commandée et bien qu’il y eut
moins d’effervescence républicaine, moins de raisonnement, ou, si l’on veut,
moins d avocats que dans l’armée d’Italie.
M. le ministre de la guerre
(M. Evain). - Avant d’entrer dans la discussion des diverses
dispositions de l’art. 1er, je dois déclarer que je me rallie aux amendements
proposés par la commission, et qui ont pour objet de déterminer des délais.
Ainsi j’admets les 15 jours dans le cinquième paragraphe, et les 5 jours dans
le sixième paragraphe. J’admets aussi ces mots : « aux libertés garanties par
la constitution, » insérés dans le paragraphe 4.
M. Pollénus. -
Messieurs, je ne puis adopter la proposition du gouvernement, parce qu’il me
paraît qu’elle consacre l’arbitraire là où la constitution ne permet, n’ordonne
que de régler des droits. En effet, l’article de la constitution que l’on
invoque porte qu’une loi spéciale réglera les droits des officiers de l’armée,
tandis que dans le projet présenté par le gouvernement, je ne vois rien de
réglé ; mais j y vois au contraire tout abandonné à la volonté du pouvoir. Ce
qui me porte principalement à me prononcer contre le projet, c’est que M. le
ministre de la guerre semble vouloir donner à sa loi un caractère de permanence
que ne paraissent pas comporter de semblables dispositions.
Si je me rappelle les considérations qui ont été
invoquées dans un discours pour soutenir le projet, au lieu d’être en faveur de
la durée de ce projet, ces considérations doivent convaincre qu’il ne peut être
que temporaire. En effet, si j’ai bien retenu ce qu’a dit l’honorable M. de
Puydt, il a prétendu que les besoins qui réclamaient la loi, résultaient de
l’impression produite par sa première organisation : mais, tout en admettant
cette assertion, j’en conclurais que ces impressions ne seront pas durables,
qu’elles s’effaceront de plus en plus et qu’elles ne seront que passagères.
Si je pars de ces considérations (et il faut bien
en partir, puisque le gouvernement n’a rien dit pour justifier la durée
permanente de la loi qu’il demande), je vois un mal temporaire, et j’en conclu
qu’il faut un remède temporaire.
Dans le rapport fait au nom de la section centrale,
vous trouvez que la quatrième section a proposé de limiter l’effet de la loi à
cinq années. Dans cette section, on a reconnu qu’il y avait nécessité de donner
au gouvernement le moyen de satisfaire à certains besoins de discipline.
Cependant on se disait que les faits qui ne tombent pas sous l’application des
codes militaires étaient rares ; on se disait encore que si le code pénal
militaire existant contenait quelques lacunes, il était permis d’espérer que,
d’ici à 1840, on pourrait le compléter et arriver à ce résultat que la perte du
grade ne pourrait être que la conséquence de faits prévus et constatés
judiciairement ; et c’est par ces motifs qu’elle a demandé que la dictature du
gouvernement n’eût qu’une durée limitée, et si alors il y avait quelques faits
qui seraient de nature à ne pouvoir être déclarés constants par jugement d’ici
à une époque rapprochée, ces faits pourraient être spécifiés et donner lieu
alors à une disposition particulière ; alors tout serait défini, et la loi
serait purgée de ce vague et de cet arbitraire qui me paraissent en désaccord
avec l’esprit de nos institutions.
Messieurs, jusqu’ici je n’ai point entendu que M.
le ministre de la guerre, ni que tout autre défenseur du projet, ait prouvé que
la loi qui nous occupe soit de nature à pouvoir recevoir un caractère de
permanence.
Je ne puis admettre que le gouvernement soit
autorisé à prononcer la perte du grade pour des faits non prévus par les lois,
parce qu’ils seraient de nature, dit-on, à compromettre l’honneur et la dignité
de la profession des armes, la subordination. Comment entend-on la
subordination militaire ? Si les faits rappelés dans la discussion d’une autre
loi militaire sont vrais, on regarderait peut-être comme contraire à la
discipline, la déposition en justice d’un inférieur contre son supérieur : d’après
cela vous voyez qu’il est indispensable qu’un texte de loi définisse la
subordination militaire ; la loi, pour être juste, doit avertir avant de
frapper, sans cela elle est un piège.
Quoique l’on ait soutenu que les règles de la
subordination sont essentiellement vagues et arbitraires, je ne crois pas qu’on
puisse adopter dans le langage des lois une disposition dont nous ne
connaissons pas toute la portée. Car je n’ai pas la prétention de connaître des
règles éparpillées dans plusieurs codes et règlements, dont la force
obligatoire pourrait peut-être être contestée ; mais je ne puis consacrer par
mon vote un vague dont je n’aperçois pas la limite.
Je crois donc que sous ce rapport la proposition de
la section centrale est préférable à la proposition du gouvernement. Là les
faits sont plus ou moins spécifiés, tandis que dans la proposition du
gouvernement, le n°1° surtout est absolument vague. Je repousserai donc cette
proposition, à moins que M. le ministre de la guerre ne puisse prouver que le
vague que je viens d’indiquer dans son article 1° ne présente pas
d’inconvénient et qu’il doit se limiter par des lois claires et précises.
Puisque j’ai la parole, je
dirai un mot des difficultés constitutionnelles que l’on pourrait objecter
contre le projet en discussion. Il est vrai que la constitution n’exige pas que
la perte des grades soit la conséquence d’un jugement. Cependant, lorsque l’on
viendra à l’établissement des conseils d’enquête (et ce point n’est pas sans
rapport avec l’article que nous discutons, puisque le conseil d’enquête doit
déclarer constants les faits auxquels doit s’appliquer cette loi), on
rencontrera, je le prévois, des difficultés qui me paraissent assez sérieuses ;
car si je consulte le rapport de la section centrale tel qu’il est indiqué dans
la constitution annotée, je vois que la pensée du congrès a été de protéger les
droits des officiers au moyen de la liberté de la presse et de la
responsabilité ministérielle ; si vous adoptiez le projet, en ce qu’il
abandonne au gouvernement ou au conseil d’enquête l’appréciation par exemple de
la manifestation d’une opinion, il s’en suivrait que cette liberté de la
presse, qui est indiquée comme une sauvegarde, serait enlevée aux officiers,
tandis qu’elle devrait les protéger contre l’erreur et contre l’arbitraire.
M. le ministre de la guerre
(M. Evain). - Les causes pour lesquelles un officier de son grade et de
son traitement sont déterminés dans quatre paragraphes, expliqués et portés au
projet du gouvernement ; elles le sont dans six paragraphes dans le projet de
la commission. Les 3 derniers paragraphes sont les mêmes dans les deux projets,
et la seule différence réelle est que la commission a formé 3 paragraphes du
seul qui compose le paragraphe premier de l’article premier du projet du
gouvernement. Le premier paragraphe porte : « 1° Pour faits graves non
prévus par les lois, qui sont de nature à compromettre l’honneur et la dignité
de la profession des armes, ou la subordination militaire ; » la commission
a cru devoir préciser trois cas, puisés, tous trois, dans la loi antérieure du
22 septembre 1831, loi qui n’avait qu’une durée temporaire, d’un an seulement ;
cette loi formule ces 3 mêmes cas, comme susceptibles de faire perdre les
grades.
Je demande, pour la dignité des officiers de
l’armée, qu’on ne formule pas dans la loi ces cas spéciaux qui seraient de
nature à jeter une sorte de défaveur sur notre armée, en faisant supposer que
les officiers se livrent à de tels excès, de manière à nous obliger à les prévoir
dans la loi.
Le gouvernement a pensé
qu’en se tenant dans les généralités qui sont du domaine de l’honneur
militaire, qu’il est si difficile de bien définir dans ses spécialités, et en
laissant surtout au conseil d’enquête le soin et le devoir d’apprécier ce qui
peut être contraire à la dignité de la profession des armes, il y avait
garantie suffisante contre tout arbitraire ; et quel est le ministre qui
oserait faire de l’arbitraire en pareille matière !
Nous avons dit : « Pour faits graves non
prévus par les lois. » L’expérience a fait voir, quoique notre code militaire
soit très détaillé, qu’il existait beaucoup de cas non prévus, et que les
circonstances dans lesquelles il a été rédigé ne pouvaient faire prévoir. Nous
avons eu en vue « des mœurs basses, des habitudes dégradantes, le
manquement aux principes d’honneur, un libertinage déhonté, la passion du jeu
poussée jusqu’à l’excès, la prodigalité, quand elle entraîne une insolvabilité
permanente. » Ces cas graves, heureusement bien rares parmi les officiers
de l’armée, ne sont pas prévus par le code pénal militaire.
Je crois donc qu’il vaut mieux maintenir le
paragraphe 1° tel que j’ai eu l’honneur de le proposer, que de stipuler dans le
paragraphe 1er du projet les cas établis dans la loi du 22 septembre 1831, ce
qui pouvait être utile alors, mais ce qui aurait aujourd’hui un résultat tout
différent.
M. Milcamps. -
Messieurs, d’après la législation qui régit actuellement
Le code pénal civil de 1810, dans son article 28,
déclare déchus de l’état militaire ceux qui ont encouru la peine des travaux
forcés à temps, de la réclusion et du carcan.
Le code pénal militaire, titre II, intitulé des
peines, art. 20, prononce la déchéance contre ceux qui ont encouru des peines
flétrissantes.
L’art. 21 dispose que lorsqu’un militaire aura
commis quelque délit civil sur lequel est statuée une peine qui, d’après les
principes militaires, le rendrait inhabile à rester au service, le juge
militaire sera tenu, outre la peine statuée contre le délit civil, de le
déclarer préalablement déchu de l’état militaire.
Telles sont, messieurs, les dispositions des lois
relatives à la perte du grade.
Ces dispositions pouvaient être suffisantes sous le
gouvernement précédent, parce que, d’après la loi fondamentale, le chef de ce
gouvernement avait un pouvoir absolu de révoquer un officier de l’armée.
Notre constitution n’a pas conféré au Roi des
Belges un pouvoir semblable.
L’art. 124 porte que
« les militaires ne peuvent être privés de leurs grades, honneur et
pensions que de la manière prescrite par la loi. »
Cette solution, « de la manière prescrite par
la loi, » laisse à la législature une grande latitude. La législature
n’est point astreinte à déterminer les cas dans lesquels la perte du grade aura
lieu. Elle pourrait, si les circonstances l’exigeaient, accorder au Roi la
prérogative de démissionner de son propre mouvement tout officier quelconque.
Le gouvernement ne vous demande pas d’user d’une
latitude aussi large, il vous demande la faculté de priver l’officier de son
grade et de son traitement :
« 1° Pour faits graves non prévus par les
lois, qui sont de nature à compromettre l’honneur et la dignité de la
profession des armes ou de la subordination militaire ;
« 2° Pour manifestation publique d’une opinion
hostile à la monarchie constitutionnelle, aux institutions fondamentales de
l’Etat et pour offense à la personne du Roi. »
La disposition du projet relative à la perte du
grade pour faits graves contre l’honneur et la dignité de la profession des
armes a beaucoup de rapport avec l’article 12 de la loi française du 19 mars
1834, qui permet la réforme d’un officier par mesure de discipline, pour
inconduite habituelle, fautes graves dans le service ou contre la discipline,
fautes contre l’honneur.
Ainsi nous n’aurons pas à épiloguer sur ce qu’on
doit entendre par faits graves contre l’honneur et la dignité de la profession
des armes, puisque ce ne sera pas la première fois que ces expressions seront
consacrées dans le langage des lois. Vous n’exigerez pas qu’on définisse ce que
c’est que l’honneur pas plus qu’on exige la définition des mots ordre public,
bonnes mœurs, termes que nous retrouvons à chaque instant dans les lois.
Le projet du gouvernement ne comprend, parmi les
causes qui peuvent faire perdre le grade, que les faits graves contre l’honneur
et la subordination militaire, sans doute parce que dans le projet de loi sur
la position des officiers, art. 8, la désobéissance, l’inconduite habituelle,
etc., y sont indiquées comme pouvant autoriser la mise à la réforme : on
conçoit que les mêmes causes ne doivent pas motiver à la fois la mise à la
réforme et la perte du grade.
La section centrale, en amendant le projet du
gouvernement sur la perte du grade n’a pas admis le numéro 1° de l’article
premier du projet du gouvernement, portant que les officiers pourront être
privés de leur grade pour faits graves contre l’honneur ou la subordination
militaire.
Au lieu de cette disposition elle propose que les
officiers de tout grade puissent être privés de leur grade et de leur
traitement :
1° Pour s’être livrés habituellement et
publiquement au libertinage ;
2° Pour avoir par inconduite contracté des dettes
excédant une année des appointements du grade dont ils sont revêtus ;
3° Pour s’être livrés dans un lieu public, entre
eux, à des outrages ou à des voies de fait.
A laquelle de ces deux propositions devons-nous
nous arrêter ? Pour ma part, si je n’avais que l’alternative d’adopter l’une ou
l’autre sans modifications, je m’arrêterais à celle du gouvernement, qui admet
deux causes de privation du grade : 1° pour faits graves contre l’honneur et la
dignité de la profession des armes ; 2° contre la subordination militaire :
dispositions que je trouve en harmonie avec celles de l’art. 8 du projet sur la
position des officiers.
Je ne serais pas arrêté par le vague de ces
dispositions, parce qu’en cette matière j’en reconnais la nécessité, parce que
ces dispositions sont moins arbitraires que celles de l’ancienne loi
fondamentale qui conférait au chef du gouvernement précédent le pouvoir de
démissionner proprio motu tout officier quelconque, parce que, dans mon
opinion, nous pourrions conférer au Roi des Belges un pouvoir semblable à celui
que donnait la loi fondamentale.
D’ailleurs, le projet de la section centrale ne
fait que reproduire les dispositions de la loi du 27 septembre 1831 ; il
n’autorise pas la perte du grade pour faits graves contre la subordination
militaire, et j’imagine que cette omission n’a pas été dans l’intention de la
section centrale.
Je n’en dirai pas davantage sur le n°1 de l’art.
1er du projet du gouvernement.
J’arrive au n° 2° du même article. Ce numéro permet
de priver de son grade et de son traitement l’officier qui manifeste
publiquement une opinion hostile à la monarchie constitutionnelle aux
institutions fondamentales, ou pour offense à la personne du Roi.
Vous remarquerez qu’il faut que l’opinion qu’on
manifeste soit hostile, une opinion, par conséquent, qui annonce, qui
caractérise un ennemi : car telle est l’acception du mot hostile.
Ainsi entendue, la
disposition ne paraît pas être susceptible de rencontrer des adversaires. Quant
aux lois politiques, qui concernent la monarchie et les institutions
fondamentales, il ne doit pas être libre d’en dire ce qu’on veut, de se
prononcer contre, parce qu’elles reposent sur des faits utiles ou des bases
légales. De toutes les lois ce sont celles que les citoyens doivent respecter
davantage ; ces vérités doivent être plus particulièrement senties des
officiers de notre armée investis de la confiance du gouvernement. Et si
quelques-uns, ce qui n’arrivera pas, se permettaient de manifester publiquement
une opinion hostile à la monarchie aux institutions fondamentales, ou des
offenses à la personne du Roi, on voudrait maintenir ces officiers dans leurs
grades, honneurs et pensions ; on voudrait que le gouvernement leur conservât
sa confiance. Telle ne sera pas votre opinion.
Je voterai pour le n°2 du projet du gouvernement.
La section centrale d’ailleurs l’adopte ; seulement
elle propose une addition tendant à permettre la privation du grade pour
manifestation publique d’une opinion hostile aux libertés garanties par la
constitution. C’est comme si l’on disait une opinion hostile à la liberté
naturelle, civile, politique, individuelle ; à la liberté de conscience, des
cultes, de penser, d’écrire, de la presse, de commerce, de langage, etc. ;
car ce sont là autant de libertés garanties par la constitution. Vous verrez,
messieurs, s’il y a lieu d’introduire une semblable disposition dans la loi ;
j’attendrai, avant de me prononcer, les motifs qui justifient cette addition.
M. Pollénus. - M.
le ministre de la guerre soutient que l’on doit préférer la généralité de la
disposition proposée par le gouvernement, parce qu’une disposition plus
détaillée serait de nature à jeter quelque défaveur sur les officiers. Je ne
partage pas cet avis ; je ne pense pas que quand le législateur, dans une
disposition pénale quelconque, prévoit des cas déterminés, qu’il définit avec
précision, il jette de la défaveur sur les personnes auxquelles ces
dispositions pourraient être applicables.
Je ne vois pas que le code pénal, par exemple, en
définissant les crimes les plus révoltants, jette la moindre défaveur sur les
citoyens en général qu’il concerne. Je crois que toujours, en matière pénale,
il faut prendre des dispositions claires et précises, et je ne pense pas que la
généralité des expressions puisse être considérée comme une faveur ; en matière
pénale rien n’est plus odieux que le vague, car il résiste à toute idée de
sécurité, puisqu’il ouvre la porte à l’arbitraire, au caprice et aux
injustices.
Je viens là de toucher la question de
constitutionnalité que paraît soulever le projet ; toutefois je déclare que je
suis disposé à donner au gouvernement les moyens de satisfaire aux besoins de
la discipline, mais bien entendu dans les termes de la constitution ;
j’ajouterai que si, dans le cours de la discussion, il m’était démontré que les
moyens proposés par le gouvernement ou par la section centrale sont
insuffisants, je ne demanderais pas mieux que de satisfaire aux besoins, parce
que le premier besoin dans une armée c’est la discipline. Voilà quel est mon
avis. J’ai cru nécessaire de faite cette déclaration, afin qu’on n’interprétât
pas mal les observations que j’ai faites.
L’honorable M. Milcamps pense que l’on devrait donner
la préférence au projet du gouvernement, parce qu’il le trouve plus libéral que
la loi fondamentale de 1814.
Il me semble que ce n’est pas là la question. La
question est de savoir si le projet est aussi libéral que la constitution de
1830 ; et dire qu’il est plus libéral que telle loi de Guillaume, ou que la loi
fondamentale de 1814, ce n’est rien prouver en faveur de la disposition qui
nous occupe.
Je demanderai donc aux auteurs du rapport de la
commission du congrès, ou aux auteurs de l’article de la constitution, de
vouloir bien nous dire dans quel sens l’art.
Pour moi, voici ma manière de raisonner. Sous la
loi fondamentale, le droit de révocation et de nomination appartenait au
pouvoir exécutif ; la loi fondamentale de 1814 s’en explique formellement. La
constitution de 1830 a-t-elle voulu conserver l’état de choses établi par la
loi fondamentale ou introduire un droit nouveau ? Je déclare pour ma part, et
sans tenir compte de discussions auxquelles je n’ai pas assisté, ni du rapport
de la section centrale dont j’ai lu un fragment, que les termes de la
constitution de 1830 me font penser qu’il a été dans l’intention du pouvoir
constituant d’innover, de faire autre chose que la loi fondamentale de 1814,
d’après laquelle le droit de révocation était abandonné au pouvoir exécutif.
Déjà on a examiné la question de savoir si le
pouvoir exécutif devait avoir le droit de révoquer comme il a celui de nommer.
Je crois qu’il y a de bonnes choses en faveur de ce système. Mais je ne vois
pas que ce droit existe d’après la constitution de 1830. Il me semble au
contraire qu’à cet égard la constitution a voulu disposer autre chose que la
loi fondamentale de 1814. Cependant je conçois quelques motifs de restreindre
le droit de révocation afin d’attacher l’officier à la loi et pas seulement au
pouvoir exécutif, lorsqu’on considère surtout que les armées permanentes sont
constamment en rapport avec le pouvoir exécutif, et que les institutions
fondamentales sont en quelque sorte placées sous leur sauvegarde ; je conçois
que l’on a pu avoir des motifs à rattacher la conservation des droits des
officiers à la loi, à la volonté nationale.
Je conçois ce motif. Si
c’est celui qui a dirigé le pouvoir constituant, alors je trouve naturellement
expliqué que la constitution ait voulu autre chose qu’un droit de révocation
pure et simple. J’attendrai la suite de la discussion pour me fixer sur les
autres dispositions du projet.
Je dois répondre, messieurs, quelques mots encore à
M. Milcamps, qui prétend qu’il n’y a rien de plus facile à déterminer que, par
exemple, une manifestation contraire aux institutions fondamentales du pays.
Cela n’est en effet pas extrêmement difficile : toutefois je ne suis pas bien
rassuré que MM. les ministres entendront toujours la chose de la même manière
que nous l’entendons. Si un officier menaçait, provoquait un député à
l’occasion d’une opinion émise consciencieusement et avec modération à cette
tribune, pensez-vous que le ministre de la guerre considérerait un tel fait
comme une manifestation hostile à nos institutions, qui reposent cependant sur
la liberté de la tribune ? J’en doute ; je n’affirme point que le fait qui
donne lieu à mes doutes se soit passé sous l’administration du ministre actuel,
mais il prouve que s’il y a nécessité de renforcer l’action du pouvoir sur la
force publique, il faut également commander à l’armée le respect pour les
autres institutions fondamentales qu’il est de son devoir de maintenir et de
défendre.
M. Gendebien. -
La loi qui a été faite en France en 1834 est déjà un grand empiétement sur les
libertés de l’armée ; la date indique assez les prétextes qui ont fait admettre
cette législation déjà si dure.
Si nous nous contentions d’imiter ce que l’on a
fait en mai 1834 en France, je concevrais la chose, puisque nous imitons tout
ce que l’on y fait de mauvais. Mais aujourd’hui nous outrepassons tout ce qui a
été fait à cette malheureuse époque. Il n’y a plus la moindre garantie. On ne
définit rien. Tout est laissé au vague de l’arbitraire et dans les préceptes de
la loi et dans l’exécution de la loi.
Au moins dans l’art. 1er de la loi française, je
trouve quelque chose de défini. Dans notre loi, je ne trouve rien de
législatif.
Je vous demande quelle idée l’on peut se faire
d’une loi, lorsque la première disposition porte que les officiers pourront
être privés de leurs grades, honneurs et pensions pour faits graves non prévus
dans les lois, qui sont de nature à compromettre l’honneur et la dignité de la
profession des armes, et la subordination militaire.
Y a-t-il quelque chose au monde de plus vague ?
Cependant telle est la première disposition. Elle rend les paragraphes 2, 3 et
4 complètement inutiles, car la première disposition comprend tout, tant elle
est générale et vague. Messieurs, l’on ne fait pas non plus dans cette loi de
distinction entre les différentes positions des officiers pour la perte du
grade. Il est cependant des causes de perte de grade qui ne peuvent être
appliquées de même à la non-activité et à la réforme qu’à l’activité.
C’est ainsi que l’officier qui aura fait une
absence de 8 jours, sans l’autorisation du Rot, pourra être privé de son grade,
soit qu’il appartienne aux cadres, ou qu’il soit en non-activité ou dans la
position de réforme. La section centrale propose 15 jours, En France, il y a
une distinction établie entre l’officier en activité de service et dans une
autre position.
Ainsi, pour l’officier en activité de service,
l’absence illégale de son corps pendant plus de trois mois peut entraîner la
perte du grade. De même, pour l’absence hors du royaume pendant plus de quinze
jours. Mais, pour l’officier en non-activité ou dans la position de réforme, il
n’est assimilé à l’officier en activité que pour l’absence illégale de plus de
quinze jours hors du royaume. Au moins, l’on ne met pas en France l’officier à
la demi-solde ou au quart de solde, sous le poids des lettres du cachet, comme
on le fait déjà en Belgique avant la loi, comme on veut le faire par la loi.
Comme je vous le disais samedi, si vous privez un
officier des moyens d’existence acquis par un nombre plus ou moins considérable
d’années de service, il faut au moins lui laisser la faculté de se procurer des
moyens. En France on est plus conséquent. Tout en mettant l’officier au
traitement de non-activité ou de réforme, on lui laisse les moyens de se faire
une vie nouvelle. En Belgique on l’en empêche, en ne lui permettant de quitter
sa résidence obligée qu’avec l’autorisation du ministre.
Voici l’article premier de la loi française :
« Le grade est conféré par le Roi. Il
constitue l’état de l’officier. L’officier ne peut le perdre que pour l’une des
causes ci-après :
« Pour démission acceptée par le Roi.
« Perte de la qualité de Français par jugement.
« Condamnation aux peines afflictives ou infamantes.
« Condamnation à une peine correctionnelle
pour les délits prévus par la section première, article 402 à 407 du chapitre
Au moins voilà une loi qui caractérise des faits,
qui établit des limites, qui n’expose pas au bon plaisir du ministre
l’existence de l’officier. Au lieu de ces dispositions, que porte la loi en
discussion ? « Tous faits graves non prévus par les lois qui sont de
nature à compromettre l’honneur et la dignité de la profession des armes, et la
subordination militaire. » Je demande s’il est possible d’admettre un
pareil vague dans une loi.
L’officier en activité, d’après le projet du
gouvernement, est privé de son grade pour absence illégale de son corps pendant
15 jours. La loi française lui accorde trois mois. La loi française n’assimile
les officiers en disponibilité, en non-activité et en réforme, aux officiers en
activité, que pour le cas d’absence dans le royaume, sans autorisation du Roi,
pendant plus de 15 jours ; mais elle ne stipule rien pour absence dans le
royaume sans l’autorisation du Roi ; elle n’a pas au moins la barbarie de
mettre les officiers en non-activité sous le poids de lettres de cachet.
Ainsi donc, d’un côté, vous ouvrez la porte la plus
large à l’arbitraire. Vous privez un officier de son grade d’activité et le
placez dans la position de non-activité et de réforme, sans forme de procès ;
après cela, vous renchérissez sur toutes les causes qui peuvent faire perdre à
cet officier la position qu’on lui a imposée et le faible traitement qui y est
attaché.
Est-ce ainsi que l’on procède, est-ce ainsi que
l’on oublie après 5 ans et demi de révolution toutes les belles promesses de
liberté et d’indépendance faites par des proclamations à l’armée ? Croyez-vous
être agréables à l’armée en agissant ainsi ; croyez-vous parvenir à y rétablir
le bon ordre, la confiance sans laquelle il n’y a pas de bon ordre possible ?
Il y aura au contraire une défiance continuelle et générale ; il y aura fraude
continuelle et nécessaire à la loi de la part de tous les officiers, ainsi
placés arbitrairement en charte privée.
Il sera impossible de faire exécuter la loi à
l’égard des officiers en non-activité et au traitement de réforme, condamnés
arbitrairement à la prison dans une ville forte du royaume. Ils rompront leur
ban lorsque leurs affaires l’exigeront ou que la fatigue de leur esclavage les
y poussera : de là répressions et châtiments multipliés.
A quoi tendra tout cela ? A pousser ces officiers
en disponibilité à leur faire faire quelques folies ou à les contraindre à
donner leur démission de leur position de non-activité ou de réforme, après les
avoir privés de la position d’activité.
Je ne veux pas supposer d’autres intentions. Je
veux bien croire que c’est là une affaire d’économie, que c’est pour déterminer
ces officiers à abandonner le plus tôt possible leur position ; mais ne
pourrait-on pas y voir aussi quelques intentions despotiques ?
Je crois qu’il faudrait revenir à la loi française
qui a été faite au mois de mai 1834, époque très rapprochée de l’événement dont
le ministre français n’a pas manqué de faire bonne curée d’arbitraire et de
despotisme.
On vous a dit d’une part qu’on ne voulait pas
énumérer les divers cas qui pourraient entraîner la perte des grades, parce que
ce serait faire des suppositions injurieuses à l’armée.
Je ferai observer que l’injure pour l’armée vient
de ceux qui voudraient faire supposer la nécessité d’une disposition aussi
arbitraire que celle de l’article 1er, puisqu’il suppose l’armée capable de
tout, car le premier paragraphe de l’article premier comprend tout. S’il y a
injure à supposer les officiers capables d’un cas spécial et déterminé, il y a
injure de les supposer capables de tout.
Messieurs, lorsque la constitution, dans son
article
Cette partie de la constitution a été adoptée sans
discussion. C’était immédiatement après l’élection d’un roi, le duc de Nemours
; on était très fatigué, chacun était impatient de retourner chez soi ; on
avait pris l’engagement de rester jusqu’à ce que la constitution fût achevée.
Aussi il n’y a pas eu de discussion ; on s’est borné à lire les articles, et
ils ont passé. Mais si quelqu’un avait prétendu les interpréter comme on le fait
aujourd’hui, le congrès n’eût pas laissé passer en silence des observations de
cette nature ; un bon article de loi aurait fait justice de pareilles
aberrations.
L’art. 124 porte : « Les militaires ne peuvent
être privés de leurs grades, honneurs et pensions que de la manière déterminée
par la loi. »
Remarquez bien ces mots : « que de la manière
déterminée par la loi ; » à cela suppose-t-il l’arbitraire, l’absence de
toutes définitions, de toutes règles ?
Mais, dit M. Milcamps, la constitution n’exige pas
que la loi détermine les cas dans lesquels un officier pourra perdre son grade.
La constitution ne dit pas, en toutes lettres, que
ces cas seront énumérés dans la loi. Mais la loi est aussi explicite que
possible quand elle dit : « Les militaires ne peuvent être privés de leurs
grades, honneurs et pensions, que de la manière déterminée par la loi. »
La loi doit indiquer les causes pour lesquelles les
officiers seront destituables. Sans cela il faudrait supposer que le congrès a
voulu donner à la législature future le droit d’établir l’arbitraire le plus
large. Ce serait une absurdité que de supposer au congrès de pareilles
intentions. En février 1831, il n’avait pas encore été amolli par le mensonge
et l’intrigue comme il l’a été depuis.
En un mot, interpréter l’article comme le fait M.
Milcamps, c’est comme s’il n’y avait rien de disposé dans la constitution. Or,
il n’est pas en votre pouvoir d’effacer l’article 124 de la constitution.
Eh bien, messieurs, comment maintenant
procédera-t-on ? Vous voyez qu’il n’y a dans le projet de loi aucune règle
tracée pour déterminer les cas dans lesquels on pourra user de la loi. Comment
appliquera-t-on cette loi ? On l’appliquera selon le bois plaisir du ministre.
Telle n’a pu être l’intention du congrès. Dans certains cas, le Roi pourra
disposer sur l’avis du ministre, et dans certains autres, après avoir pris
l’avis d’une commission d’enquête.
Remarquez que tout en violant au moins l’esprit de
l’art. 124, vous agissez encore dans le sens contraire de la constitution qui dit,
art. 94 : « Nul tribunal, nulle juridiction contentieuse ne peut être
établi qu’en vertu d’une loi. Il ne peut être créé de commissions, ni de
tribunaux extraordinaires, sous quelque dénomination que ce soit. »
Prétendez-vous maintenant que la constitution a
fait une exception à l’égard des militaires ? Le congrès savait très bien qu’il
existait des tribunaux militaires. L’art. 139, paragraphe
Voilà ce que le congrès a voulu, voila les seuls
tribunaux qui, aux termes de la constitution, soient compétents conformément à
l’art. 94. Mais ici vous faites une véritable commission, sans véritable
tribunal ordinaire.
En un mot, vous ne donnez aucune garantie aux
officiers ni sous le rapport des causes de destitution, ni sous le rapport de
la judicature chargée de constater les causes et de prononcer sur l’existence,
sur l’honneur de nos officiers.
Veuillez remarquer que cet art. 94 de la
constitution a été ainsi appliqué par nos cours et tribunaux et par la cour de
cassation. Les lois sur la police de la grande voirie soumettaient à une
juridiction exceptionnelle les délits et contraventions en matière de grande
voirie ; ils étaient jugés administrativement en vertu de lois et décrets
antérieurs à la constitution. Eh bien, qu’est-il arrivé ? Les tribunaux et
cours ont déclaré que cette juridiction était prescrite par la constitution,
bien qu’il s’agisse de contraventions à une loi, bien qu’il s’agisse de
conventions déterminées et caractérisées dans une loi. Toutes nos cours et
tribunaux et la cour de cassation sont d’accord que ces contraventions
n’appartiennent plus à la juridiction contentieuse administrative, mais aux
tribunaux ordinaires.
Ainsi, un homme qui aura
circulé sur la grande route de Bruxelles à Louvain, par exemple, avec une
charrette sans plaque, et aura été pris en contravention, trouvera des juges
constitutionnels au lieu de commission ou d’un tribunal d’exception pour le
juger. C’est la jurisprudence des cours de Liége et de Bruxelles et de la cour
de cassation, qui l’a ainsi établi par interprétation et application de la
constitution, Et quand il s’agit de juger un militaire, non plus pour savoir si
on lui appliquera une amende de quelques francs, mais si on le privera de
l’honneur et de ses moyens de vivre ! Pour un militaire son état est souvent
son unique ressource ; car ayant consacré ses plus belles années au service
militaire, il lui est souvent impossible d’embrasser un autre état qui lui
donne des moyens de subsistance. Priver un officier de son grade, c’est lui
ôter souvent la possession de son unique propriété. Et, dans une circonstance
aussi grave, vous abandonnez tout au hasard, au caprice d’un ministre, aux
chances de telle ou telle réaction politique.
Mais, messieurs, comment est-il possible, en rapprochant
les articles 94, 124 et 139 de la constitution, de comprendre la disposition
qu’on vous propose ?
On prétend ne rien définir dans la loi, on veut
tout laisser à l’arbitraire, on veut même abandonner à l’arbitraire la
juridiction qui doit prononcer sur une loi aussi vague.
Messieurs, je le vois bien, il y a cinq ans et demi
que la révolution est morte. C’est la seule raison pour laquelle on s’est
permis de vous proposer une pareille loi aujourd’hui.
M. Desmaisières, rapporteur. - Un ministre
vient de dire que la section centrale n’avait pas fait connaître les motifs
pour lesquels elle avait proposé de faire commencer l’art. 1er par ces mots :
« Jusqu’au traité définitif à intervenir avec
Messieurs, d’abord nous avons pensé que les termes
mêmes de notre amendement indiquaient assez quelle était notre vue en le
proposant ; et ensuite, moi-même, dans le discours que j’ai prononcé en réponse
aux diverses objections dont les propositions de la section centrale ont été
l’objet, j’ai fait connaître quels avaient été mes motifs. Il est certain,
messieurs, que nous discutons dans ce moment une loi de gravité extrême.
La perte du grade est une perte qui touche
essentiellement à l’honneur militaire ; et d’un autre côté, l’urgence (du moins
cela est à peu près) est tellement reconnue par tout le monde, qu’il y a lieu
de faire une loi à cet égard. Cette urgence est tellement grande qu’il n’est
pour ainsi dire pas possible de l’organiser, de manière à ne pas donner lieu à
un arbitraire qui, dans des circonstances ordinaires, serait vraiment
exorbitant. Mais jusqu’au traité définitif avec
Mais ces grands moyens devront cesser quand nous
aurons traité avec ces ennemis. Je crois donc qu’il est de toute nécessité de
placer au commencement de l’article ces mots « Jusqu’au traité définitif à
intervenir avec
Le ministre de la guerre vous a dit qu’il
n’adhérait pas aux numéros 1, 2 et 3 présentés par la section centrale, parce
qu’il n’avait pas voulu porter atteinte à la dignité de l’armée en proposant de
pareilles dispositions ; que c’eût été jeter de la défaveur sur les militaires
que de les supposer capables des faits énumérés dans ces numéros. Cependant il
a ajouté que par les mots : « faits
graves non prévus par les lois, et qui sont de nature à compromettre l’honneur
et la dignité de la profession des armes, et la subordination militaire, »
il entendait comprendre des mœurs basses, des habitudes dégradantes, la
prodigalité, la passion du jeu, l’insolvabilité ; c’est-à-dire ce que la section
centrale a prévu et énuméré dans les paragraphes 1, 2, 3.
Ainsi que l’a fait observer M. Gendebien, comment
se fait-il que le ministre de la guerre ait regardé comme une injure faite à
l’armée l’énumération des cas où il peut y avoir lieu à la perte du grade, puisqu’il
prévoit lui-même que des officiers pourront avoir des mœurs basses, des
habitudes dégradantes, la passion du jeu, etc., etc. ? Et comme l’a encore fait
observer M. Gendebien, la rédaction de ministre de la guerre comprend non
seulement tous les cas énumérés par la section centrale, mais encore d’autres
faits plus déshonorants que ceux-là.
Quant à moi je ne pourrai jamais donner mon
assentiment à la rédaction du projet ministériel, attendu que l’on veut faire
perdre à l’officier son grade pour des faits non prévus par la loi. En matière
de législation pénale on ne peut pas prescrire des peines pour des faits non
prévus ; encore moins pour des faits que l’on avoue être dans l’impossibilité
de prévoir.
Avant de terminer,
messieurs, je ferai encore une observation sur les mots « ou en
réforme, » qui se trouvent dans le premier paragraphe de l’art. 1er.
Dans la séance de samedi dernier j’ai renoncé à
parler sur un article du précédent projet de loi, et qui était relatif au
traitement de réforme, parce qu’on venait de convenir que la mise au traitement
de réforme n’était pas la réforme proprement dite.
D’après cette interprétation donnée aux mots «
traitement de réforme, » il s’ensuit qu’il faut mettre dans l’article
premier actuellement en discussion : « en traitement de réforme. »
Plus tard il y aura peut-être une autre espèce de
reforme à stipuler quand nous nous occuperons des pensions : un militaire
atteint d’une maladie incurable, et qui n’aurait pas les années de service
nécessaires pour obtenir la retraite, devra bien avoir un traitement de
réforme. Par ce motif encore on voit que les mots « en traitement de
réforme, » sont plus convenables que l’expression en réforme, employée
dans la loi.
M. Liedts. - Comme
c’est moi qui, dans le sein de la section centrale, ai eu l’honneur de proposer
de faire une loi temporaire de celle que nous discutons, je crois devoir donner
ici quelques explications à cet égard.
Je suis du nombre de ceux qui pensent que la
discipline est l’âme des armées, et que mieux vaudrait renvoyer la nôtre dans
ses foyers et dégrever le trésor de dépenses annuelles considérables, que de la
conserver si la discipline n’y était pas parfaitement maintenue.
Toutefois, messieurs, je crois que la section
centrale fait une part assez large au pouvoir ; combinez la loi sur la position
des officiers avec la loi actuelle, et comparez le résultat de cette
combinaison avec la loi française, et vous verrez que nous avons été plus loin
que le législateur français.
D’après cette remarque, je suis conduit à me
demander pourquoi nous portons une loi plus forte qu’en France, et j’en trouve
les motifs dans des causes temporaires. Il peut bien y en avoir d’autres
accessoires ; par exemple, la faiblesse du ministre de la guerre, sa partialité
en faveur des officiers français ; mais, à part ces causes, il est évident pour
tout le monde qu’il y a des causes principales qui tiennent notre armée dans un
état qui n’est pas son état normal.
L’une d’elles est la position hostile et permanente
de
La seconde c’est l’absence de toute loi sur
l’avancement des officiers. Il est résulté de cette lacune que chaque
avancement dans l’armée donnait lieu à des plaintes, à des murmures, à des
divisions. A tort ou à raison, toutes les promotions ont été critiquées ;
chacun se croyait en droit d’obtenir de l’avancement aussi bien que le promu,
ou même plutôt que le promu ; nous avons comblé cette lacune.
Je crois que si l’on veut être juste, on conviendra
que ce sont ces deux causes qui ont principalement amené des perturbations dans
l’esprit de plusieurs officiers. Et puisque ces causes ne sont pas permanentes,
il s’en suit que nous ne devons pas faire une loi permanente, ni une loi plus
rigoureuse que la législation française, pour remédier au mal.
Je dis que la loi est plus rigoureuse que celle de
France ; et, en effet, par notre loi, jointe à celle que nous avons votée
avant-hier, nous conférons le pouvoir le plus absolu au gouvernement, et il
pourra enlever tout officier à son drapeau.
En considération des pénalités de la loi sur
laquelle nous délibérons, je ne puis m’empêcher de me rappeler certaine loi, de
je ne sais plus quel empereur romain, qui, après avoir énuméré en détails les
cas contre lesquels il voulait que l’on sévît, finissait cependant en disant :
« et tout autre que le juge trouvera convenable. » C’est aussi de
cette manière que M. le ministre rédige sa loi, excepté qu’il met au
commencement de l’article ce que l’empereur romain avait mis à la fin, car M.
le ministre commence aussi :
« 1° Pour les faits graves non prévus par les
lois, qui sont de nature à compromettre l’honneur et la dignité de la
profession des armes, ou de la subordination militaire. »
Il est évident que tous les cas rentrent dans
celui-là, et que ce paragraphe a tant d’élasticité qu’on pourra y faire entrer
tout ce que l’on veut.
La rédaction présentée par la section centrale me
paraît bien préférable à celle qui a été présentée par le ministre ; et elle
laisse selon moi une part suffisamment large au pouvoir ; j’insisterai pour
qu’elle obtienne la préférence.
On a soutenu que d’après la constitution nous
pouvions faire du grade ce que nous voulions. J’aurais déploré que la
constitution eût déclaré la perte du grade impossible autrement que par un
jugement ; si le grade n’est pas inamovible, il faut du moins qu’on ne le perde
pas facilement.
Les emplois administratifs ne sont pas inamovibles
; toutefois, dans notre pays, on n’est pas dépouillé de ses fonctions
administratives, quelles qu’elles soient, sans de puissants motifs et ces
destitutions sont fort rares ; cependant je crois qu’il faut apporter encore
plus de précautions pour enlever le grade à l’officier. Les dangers
inséparables de la carrière militaire méritent bien que l’on établisse pour lui
plus de garanties que pour les autres fonctionnaires. Il faut de plus
considérer que la vie militaire, conséquence des devoirs qu’elle impose, est
telle qu’un officier destitué n’est presque plus bon à rien ; et que s’il n’a
pas, par lui-même, des ressources pécuniaires, il n’est propre qu’à tendre la
main aux passants.
Ajoutez à cette considération que le grade n’est
pas toujours le résultat d’une libéralité du pouvoir ; que le plus souvent il
est acheté par de longs services et même au prix du sang. Chez nous, comme dans
plusieurs autres pays, voilà ce qui doit déterminer à donner des garanties plus
grandes pour les fonctions militaires que pour les fonctions simplement
administratives.
La constitution semble avoir abandonné la fixation
de ces garanties au pouvoir législatif. Mais pour tous ceux qui ont fait partie
du congrès et qui se rappellent comment l’article
L’art. 124 ne se trouvait pas dans le projet. Ce
fut une des sections, la 6ème si j’ai bonne mémoire, qui proposa que les
militaires ne pussent être privés que par jugement de leurs grades, honneurs et
pensions. La section centrale, dont j’avais l’honneur de faire partie, délibéra
sur cette proposition qui lui parut dangereuse par sa généralité. En effet,
tout le monde reconnaissait qu’il fallait une révision des pensions ; la
section centrale pensa que pour changer une pension militaire ou autre, on ne
pouvait exiger un jugement, bien que dans certains cas il pût être utile
d’établir des formes particulières pour priver les militaires de leurs grades,
honneurs et pensions ; elle écarta donc la proposition de la section.
A la séance publique un
honorable membre M. Tiecken de Terhove reproduisit la proposition de la 6ème section.
Mais les motifs qui l’avaient fait écarter par la section centrale la firent
également écarter en séance publique. M. Jottrand fit alors une proposition qui
fut adoptée, et qui forme l’art. 124 de la constitution.
M. Jottrand, en proposant cette rédaction, a-t-il
eu pour but de soumettre tous les militaires à un arbitraire large et sans
limites ? Assurément non. Si vous lisez le Courrier
de cette époque, vous voyez que si l’auteur de l’amendement qui a été adopté
n’a pas admis la proposition de M.de Tiecken de Terhove, ce n’a pas été pour
que l’on pût priver arbitrairement les militaires de leurs grades, honneurs et
pensions, mais parce qu’il y a des cas où un jugement serait trop rigoureux, et
que l’on aurait pu abuser du droit de priver par jugement des militaires de
leurs pensions. En sorte que je suis convaincu que le législateur constituant,
que la constitution, a voulu soustraire les militaires à l’arbitraire des
ordonnances ministérielles sous lequel nous avons été jusqu’en 1830.
Je crois donc qu’il y a de justes motifs pour ne
faire qu’une loi temporaire. On pourra à la paix revenir à une législation plus
appropriée à l’esprit de la constitution. Mais, pour le moment, la loi actuelle
servira à maintenir la discipline dans l’armée, sans nuire aux grades acquis
par de bons et loyaux services.
M. de Brouckere.
- Des doutes ont été manifestes sur la constitutionnalité du projet que nous
discutons. Si j’avais pensé un seul instant qu’une seule des dispositions de ce
projet portât atteinte soit à la lettre, soit à l’esprit de la constitution, je
n’aurais pas hésité à l’attaquer dès l’ouverture de la séance. Mais je dois le
déclarer, après un mur examen de l’ensemble de la loi et de chacune de ses
dispositions, je n’ai rien trouvé qui fût contraire soit à la lettre, soit à
l’esprit de la constitution. Je vais m’expliquer.
Déjà (vous l’avez entendu dire à un honorable
préopinant) il avait été question, lors de l’examen du titre « de la force
publique » dans les sections, d’introduire dans ce titre un article qui
eût statué que les militaires ne pourraient être privés de leurs grades,
honneurs et pensions qu’en vertu d’un jugement. Lorsque cette question fut
examinée dans la section centrale, l’article dont je viens de parler y fut
rejeté. Pourquoi ? Le fût-il, comme a dit un honorable préopinant, parce qu’on
s’occupait principalement des pensions, et parce qu’on vît qu’il y aurait des
inconvénients à statuer dans une loi qu’un militaire ne pouvait être privé de
sa pension que par jugement ? Non ; cet article fut rejeté par un tout autre
motif que la section centrale a pris soin elle-même d’expliquer ; il fut rejeté
par ce motif que « une pareille disposition pouvait être contraire à la
discipline militaire et favoriser plus ou moins l’insubordination. » Maintenant
la même disposition rejetée par la section centrale est reproduite en assemblée
générale. On la discute, et, après discussion, l’assemblée décide qu’aux
expressions « que par un jugement, » on substituera celles-ci : « que
de la manière déterminée par la loi. » De quoi était-il donc question dans
cette discussion générale ? De savoir quel serait le mode à suivre, quelles
seraient les règles auxquelles on devrait s’astreindre pour priver un militaire
de ses grades, honneurs et pensions.
Eh bien, l’assemblée a repoussé la proposition
tendant à décider qu’il serait statué à cet égard par jugement ; et elle a
laissé à la loi à intervenir plus tard le soin de décider de quelle manière les
militaires pourraient être privés de leurs grades, honneurs et pensions. Ainsi
il est positif que le congrès a laissé au pouvoir législatif à venir toute
espèce de latitude, bien entendu, je m’empresse de le dire, et cela résulte de
la lettre et de l’esprit de la constitution, que l’on ne pourra mettre les
officiers, leurs grades, honneurs et pensions à la disposition absolue du
gouvernement ; car alors il serait inutile de dire que la loi réglera le mode à
suivre pour priver les officiers de leurs grades, honneurs et pensions. Si donc
l’officier n’est pas, comme les fonctionnaires de l’administration, laissé à la
disposition du gouvernement, toujours est-il vrai que le congrès a laissé à la
législature le pouvoir de régler, comme elle le trouverait bon, et le mode à
suivre et les règles à observer pour priver l’officier de ses grades, honneurs
et pensions.
Mais si la lettre de la constitution est bien
évidemment telle que je viens de le dire, on a cherché à prouver que le
contraire était dans l’esprit de la constitution. Et, en effet, on vous dit :
« Lorsque le plus petit délit, la contravention la plus simple doivent
être portés devant les tribunaux, devant les fonctionnaires de l’ordre
judiciaire, comment pouvez-vous vouloir qu’un officier puisse être privé de son
grade et de ses honneurs ? Il y a là contradiction. » Il est très vrai que tous
les délits doivent être déférés aux tribunaux, parce que les tribunaux ont
seuls le droit de prononcer une peine. Mais la loi qui nous occupe n’est pas
une loi pénale, comme on semble le croire.
Pourquoi tous les délits doivent-ils être déférés
aux tribunaux ? Parce que la peine comminée par la loi à l’occasion de ces
délits est l’enlèvement d’une partie de la propriété, ou l’enlèvement de
certains droits ; et il est bien évident qu’on ne peut être privé que par
jugement de sa propriété ou des droits garantis par la constitution. Mais
est-il question ici de droits garantis par la constitution ? Non, en aucune
manière. La loi statue comment s’obtient le grade d’officier et comment on peut
en être privé. Mais est-il dit dans une loi quelconque qu’un grade d’officier
est une propriété ? Nullement, et il ne peut en être ainsi ; cependant il faut
bien que le pouvoir constituant ait considéré que le grade de l’officier devait
être entouré de garanties particulières, parce qu’il a dit qu’il ne pouvait en
être privé que de la manière déterminée par la loi. Déjà l’honorable M. Liedts
vous a très bien expliqué les droits qu’a l’officier à des garanties
particulières. Il est impossible d’être mieux d’accord sur ce point que je ne
le suis avec cet honorable membre. Je trouve que l’officier a droit à des
garanties par plusieurs raisons : La première est que l’état militaire est un
état spécial ; que celui qui a consacré ses jeunes années à l’étude de l’état
militaire, qui a consacré ses veilles à devenir un bon officier, n’est pas pour
cela apte à remplir d’autres fonctions dans la vie sociale ; qu’il n’est pas
apte à se créer des moyens d’existence ailleurs que dans l’état militaire.
En second lieu l’on exige réellement des militaires
plus de sacrifices que des fonctionnaires civils. Les militaires sacrifient une
plus grande portion de leur liberté que toute autre espèce de fonctionnaires ;
ils se soumettent à une subordination fort pénible, mais que nous reconnaissons
être nécessaire.
Le grade conféré à un officier est, comme on l’a
dit, souvent le prix de son sang. L’on ne doit point vouloir qu’un grade ainsi
conféré puisse être enlevé par un simple caprice. Il a fallu quelques garanties
de plus. Nous faisons pour les militaires une loi protectrice dans l’esprit de
la constitution, une loi qui ne les laisse pas exposés, comme les
fonctionnaires publics, à l’exception des membres de l’ordre judiciaire sur
lesquels je reviendrai tout à l’heure, exposés, dis-je, à l’arbitraire et au
bon plaisir du pouvoir. Nous nous occupons d’établir des règles qui leur
serviront de garanties.
Quelles doivent être ces règles ? Nous les
examinerons plus tard. Maintenant je ne m’occupe que de la constitutionnalité
du projet.
J’ai dit, messieurs, que j’avais à revenir sur
l’inamovibilité des membres de l’ordre judiciaire. L’on a semblé vouloir
étendre aux officiers ce que l’on regarde comme un privilège accordé dans
l’intérêt des fonctionnaires de l’ordre judiciaire. Ne croyez pas, messieurs,
que l’inamovibilité accordée aux membres de l’ordre judiciaire leur ait été
conférée comme une faveur. Ce n’est pas l’intérêt des membres de l’ordre
judiciaire que la constitution a eu en vue. C’est l’intérêt général, l’intérêt
de tous ceux qui ont à faire décider par eux, soit de leur position, soit de
leur fortune. L’on a voulu que ces fonctionnaires fussent à l’abri du pouvoir
dans l’intérêt des justiciables ; mais jamais l’on n’a voulu faire pour eux de
l’inamovibilité un avantage spécial.
Je le répète, messieurs, il ne peut rester aucun
doute sur la constitutionnalité du projet du gouvernement. Fût-il adopté dans
les termes dans lesquels il est conçu, il ne porterait pas atteinte à la
constitution. Mais est-ce à dire que toutes les dispositions en soient bonnes,
que toutes méritent d’être approuvées par nous ? Non, messieurs, telle n’est
pas la prétention que je soutiendrai. Pour vous en donner une preuve, je veux
me livrer à l’examen du numéro 1° de l’art. 1er. Je crois qu’il ne me sera pas
difficile de démontrer que cet article est loin de donner les garanties que
nous devons consacrer dans la loi.
« Les officiers de tout grade en activité, en
disponibilité, en non-activité ou en réforme, peuvent être privés de leurs
grades et traitement pour les faits ci-après exprimés :
« 1° Pour tous les faits graves non prévus par
la loi, qui sont de nature à compromettre l’honneur et la dignité de la
profession des armes, et la subordination militaire. »
C’est-à-dire que les officiers peuvent être privés
de leurs grades pour des faits qui compromettent ou sont de nature à
compromettre l’honneur et la dignité de la profession des armes, et en second
lieu pour des faits qui sont de nature à compromettre la subordination
militaire.
Quant aux faits de la première catégorie, soit que
la chambre décide qu’il faut spécifier des cas dans la loi comme l’a fait la
section centrale, soit qu’elle décide qu’il vaut mieux adopter les termes
généraux de l’article du gouvernement, je comprends très bien que l’officier
qui a compromis l’honneur et la dignité de la profession des armes doive être
expulsé. En est-il de même de celui qui se sera rendu coupable d’un fait de
nature à compromettre la subordination militaire ? Ce serait pousser la
sévérité à l’excès.
La subordination militaire,
c’est un acte de désobéissance plus ou moins grave.
D’abord les règlements militaires stipulent des
peines pour ces faits, et dans la séance de samedi vous avez décidé que
l’officier qui se rendait coupable de désobéissance grave ou réitérée pouvait
être mis au traitement de réforme : irez-vous, dans une disposition qui fera
partie de la même loi, dire qu’un fait de désobéissance non prévu par les lois,
non pas qui compromet, mais qui est de nature à compromettre la subordination
militaire, suffira pour motiver la destitution de l’officier qui s’en sera
rendu coupable. Si vous adoptiez une pareille disposition, vous consacreriez
l’arbitraire.
Je crois en conséquence que la chambre peut adopter
la rédaction du gouvernement en ce qui concerne les faits qui sont de nature à
compromettre la dignité et l’honneur de la profession des armes, soit que
l’assemblée se prononce par le troisième paragraphe de la section centrale ou
pour l’article unique du gouvernement. Toujours restera-t-il vrai qu’il faut
retrancher du n°1° ces mots : « faits graves de nature à compromettre la
subordination militaire. »
Je soumettrai un amendement conçu dans ce sens.
M. de Puydt. -
Plusieurs honorables membres ont prouvé que nous allions plus loin que le législateur
français. Je crois, messieurs, que la loi de 1834 n’a pas été parfaitement
comprise par ceux qui sont de cette opinion. Il suffit pour s’en convaincre
d’en étudier le texte.
Il est dit dans la section III, que la réforme peut
être prononcée :
« 1° Par infirmité ;
« 2° Pour mesure de discipline. »
Quand la réforme est prononcée par mesure de
discipline, les cas prévus sont déterminés dans l’art. 12 :
« Inconduite habituelle.
« Fautes graves dans le service et contre la
discipline.
« Faute contre l’honneur.
« Prolongation au-delà de 3 ans de la position de
non-activité.»
Il semblerait au premier abord que cette position
de l’officier lui conserve certains droits et qu’il continue à rester
militaire, à toucher une solde. Il n’en est pas toujours ainsi : Il y a
certains cas dans lesquels cette punition est une véritable destitution. On en
trouve la preuve en se reportant à l’art. 18 de la même loi. Cet article est
ainsi conçu :
« Nul officier n’a droit à un traitement, s’il
n’a accompli le temps de service imposé par la loi de recrutement. »
Il en résulte que tout officier qui avait été mis à
la réforme pour l’un des faits spécifiés, pourrait être privé de son
traitement, conséquemment destitué, s’il n’avait pas le temps de service voulu
par la loi de recrutement, c’est à-dire 8 ans de service.
Or, si cette disposition existait dans notre loi
combien aurions-nous d’officiers qui dans la position de réforme pourraient
jouir d’un traitement ? Très peu, sans doute.
Je veux démontrer par là à l’assemblée qu’il est
des destitutions prononcées par la loi du 19 mai 1834 qui ont échappé à
l’attention des honorables orateurs qui prétendent que nous allons plus loin
que le législateur français.
Il y a un deuxième cas dans lequel un officier est
également destitué, mais après un temps limité de service.
« Lorsqu’un officiera moins de vingt ans de
service, il pourra toucher un traitement de réforme pendant un nombre d’années
égal à la moitié du temps de son service effectif. »
Un officier réformé se
trouve donc privé de son grade après 10 ans passés dans cette position, et
c’est là une destitution irrévocable puisque l’officier reformé ne peut plus
être remis en activité.
Dans l’art. 13 de la même loi, il est dit :
« La réforme par mesure de discipline des officiers
en activité et en non-activité sera prononcée par décision royale sur le
rapport du ministre de la guerre, d’après l’avis d’un conseil d’enquête dont la
composition et les formes seront déterminées par un règlement d’administration
publique. »
Le projet de loi en discussion détermine de quelle
manière sera établi le conseil d’enquête, et comment il procédera ; tandis que
la composition de ce conseil est laissée dans la loi française au règlement
d’administration publique, c’est-à-dire à un acte du gouvernement qu’il peut
modifier comme bon lui semble. Il y a donc moins de garanties pour l’officier
dans la loi française contre les destitutions que dans le projet soumis à nos
discussions.
M. Rogier. - La
mémoire de l’honorable préopinant l’aura mal servi. Selon lui, j’aurais dit que
la position des militaires devait être assimilée à celle des fonctionnaires de
l’ordre civil et qu’il n’y a plus de motifs pour les placer dans une position
spéciale. Chacun de vous, messieurs, se rappellera que j’ai reconnu la position
spéciale des officiers. J’ai dit qu’il y avait des motifs puissants pour
entourer leur destitution de garanties. L’honorable préopinant a énuméré ces
motifs. Je ne l’avais pas fait, parce que je pensais que chacun de vous les
connaissait comme moi.
Mais, messieurs, après tout ce qui a été dit, il ne
reste pas moins vrai que le fonctionnaire appartenant à l’état militaire, se
trouve vis-à-vis de l’employé civil dans une position exceptionnelle plus
avantageuse, attendu qu’on ne peut le priver des avantages attachés à sa
position que dans certains cas et au moyen de certaines précautions qui ne sont
aucunement usitées quant aux fonctionnaires civils.
Une autre remarque, c’est que la loi interprétée
d’après ce qui se passe dans le monde, ne sera redoutable qu’aux mauvais
officiers ; tout officier qui remplit légalement ses devoirs, n’a aucune
crainte à concevoir de la loi, attendu qu’on ne peut pas supposer que le
gouvernement se prive volontairement des services d’un bon et loyal officier.
Il est possible que de temps en temps une erreur se
commette, que le gouvernement éloigne un officier qui peut encore lui rendre
des services ; mais c’est là un cas exceptionnel et qui trouve son remède dans
les formes protectrices du gouvernement constitutionnel.
Quand je considère les diverses dispositions de la
loi que nous avons votée dans la dernière séance, je dois dire que celles de la
loi que nous discutons me frappent par leur peu d’importance, parce que dans
mon opinion les cas les plus fréquents sont ceux que prévoit la loi relative à
la réforme. Ce sont aussi les dispositions de cette loi qui seront le plus
ordinairement appliquées aux officiers.
Il faudra qu’un officier soit tombé bien bas dans
l’opinion de l’armée pour que le gouvernement use de la faculté que lui donne
la loi, de faire perdre son grade à cet officier. On s’arrêtera à la réforme,
on n’invoquera qu’à la dernière extrémité la loi sur la perte des grades. Aussi
j’aurais considéré cette loi comme inutile, si on avait fait entrer dans la loi
de réforme les cas entraînant la perte du grade. On aurait pu se borner à
ajouter dans certains cas, le gouvernement pourra faire prononcer la perte du
grade par la haute cour militaire, au lieu de créer cette espèce de jury qui,
dans mon opinion, ne remplira que fort imparfaitement le but de la loi.
Je ne fais pas à cet égard de proposition spéciale,
mais dans mon opinion il eut été plus utile et plus rationnel d’appliquer la
réforme aux divers cas qu’on propose de punir de la perte du grade.
Dans tous les cas je dois m’élever ici contre
l’amendement propose par la section centrale dont un honorable préopinant s’est
déclaré l’auteur.
« Jusqu’au traité définitif à intervenir avec
J’ai examiné chacune de ces causes et j’avoue que je
ne vois pas le moindre rapport entre chacune d’elles et un traité définitif
avec
Je ne vois pas, je le répète, le moindre rapport
entre les cas spécifiés et un traité avec
J’aurais voulu que la loi fût temporaire si on
l’avait laissée dans le vague comme le gouvernement le proposait, mais du
moment qu’on précise les cas, il devient ridicule de borner la portée de la loi
à la durée de notre situation actuelle avec
Ainsi, messieurs, me
résumant, je dirai que dans la pratique la loi sur la reforme est celle qui
sera le plus souvent appliquée, que là résident surtout les garanties de
l’Etat, de l’armée contre la présence de mauvais officiers qui s’ils
déshonorent l’Etat, déshonorent également l’armée, et doivent lui être à charge
aussi bien qu’à l’Etat lui-même, que le projet de loi sur la perte des grades a
peu d’importance comparé au projet de loi sur la réforme, attendu qu’il sera très
rarement appliqué, que le gouvernement n’aura recours qu’à la dernière
extrémité, attendu qu’il suppose des formalités qu’il sera fort difficile de
faire remplir convenablement. Le gouvernement n’agira pas par vengeance, dès
lors quand il y aura un mauvais officier, il se contentera d’en débarrasser
l’armée, et il le laissera dans une position qui lui permette de vivre.
Soyez persuadés que rarement le gouvernement aura
recours à ce jury qui la plupart du temps ne se prononcera pas d’une manière
défavorable à l’officier. S’ils font un retour sur eux-mêmes, quand ces
officiers seront appelés à prononcer sur un de leurs camarades, par exemple,
quand il s’agira d’un général de division, les sept généraux de division
formant le jury, seraient disposés a l’indulgence. Ce sont cependant des choses
que je ne veux pas prévoir, parce que j’espère que l’unanimité de l’armée
voudra les éviter.
M. le ministre de la guerre
(M. Evain). - On a voulu exciper de la loi française rendue au mois de
mai 1834 et comparer les dispositions de son titre Ier relatif à la perte des
grades avec le projet de loi que nous vous proposons : mais cette comparaison
n’est pas exacte. Car je ferai observer que le but de ces deux lois est très
différent. La loi française énumère tous les cas dans lesquels un officier perd
son grade : 1° par démission 2° par condamnation faisant perdre la qualité de
Français ; 3° par condamnation à une peine afflictive ; 4° par condamnation
correctionnelle avec mise sous la surveillance de la haute police ; 5° par
destitution prononcée par jugement.
Mais ce n’était pas de ces cas dont il devait être
question dans notre projet de loi, puisqu’ils sont prévus par notre code
militaire et notre code civil, et il était inutile d’en faire l’énumération.
Ainsi ce n’est pas de la destitution qu’il s’agit, mais de la mise à exécution
des dispositions de l’art. 124 de la constitution relatif à la privation du
grade qui n’entraîne pas l’idée de destitution, ni de déchéance et infamie.
Il a fallu avoir recours à
un autre moyen d’éclairer le gouvernement pour le mettre à même de prononcer
avec équité sur la privation du grade. Lors de la discussion de l’art. 124 de
la constitution, le congrès ayant réglé l’amendement dont l’objet était que
l’officier ne pourrait être privé de son grade que par un jugement, le
gouvernement ne pouvait pas venir vous proposer le principe rejeté par le
congrès.
Il a donc fallu, pour se conformer à ceux qui
furent établis et surtout pour assurer le maintien de la bonne discipline,
prendre un terme moyen. Nous vous avons proposé un jury militaire, un conseil
d’enquête qui examinera les faits et donnera son avis. Le gouvernement pourra
ainsi agir avec toute sûreté de conscience.
Je le répète, la loi française avait pour but de
faire connaître tous les cas où un officier pouvait perdre son grade, tandis
que la vôtre a pour but unique de déterminer comment il peut en être privé, en
exécution de l’art. 124 de notre constitution.
M. de Jaegher.
- Je partage avec l’honorable M. Rogier l’opinion de ceux qui croient que la
loi qui nous occupe ne doit pas être temporaire. Les motifs qu’il vous en a
donnés sont aussi les miens. Fixer le terme de la loi à l’époque du traite de
paix à intervenir avec
J’approuve au contraire la section centrale d’avoir
spécifié les cas pour lesquels l’officier pourrait être traduit devant le
conseil d’enquête, dans le but de faire ainsi disparaître de la loi le vague et
l’indéfinition du projet du gouvernement.
Messieurs, l’honneur et l’amour-propre militaire
sont incontestablement la base d’une bonne discipline. Sous l’empire de lois
franches, nettes, précises, qui montrent à l’officier ses devoirs à côté de ses
droits, la peine à côté de la faute, cette base se développe, et l’on voit s’élever
au sein des rangs un tribunal plus sévère que ceux établis par la loi, qui
frappe l’inconduite morale que le législateur n’a pas pu atteindre.
Sous l’empire de lois vagues, indéfinies, au
contraire, qui menacent indistinctement et l’officier d’honneur, et l’officier
taré, l’un parce qu’il aura déplu à un chef vindicatif aussi bien que l’autre
parce qu’il aura avili l’épaulette, cette base s’affaiblit.
Le contrôle réciproque et involontaire que l’esprit
de corps inspirait naturellement prend un caractère odieux en passant dans les
domaines d’une police inquisitoriale, et alors que la loi se montre partout
menaçante, l’ambition de bien servir perd son stimulant en perdant tout son
mérite.
J’approuve donc, messieurs, la spécification
proposée par la section centrale, à l’art. 1er ; mais n’adoptant pas les termes
dans lesquels elle s’est exprimée, j’ai l’honneur de vous soumettre
l’amendement suivant qui résume l’une et l’autre des opinions que je viens de
développer.
Quant à la manière dont l’a rédigé la section
centrale, je ne puis y donner mon assentiment ; elle vous a dit dans le numéro
premier :
« Pour s’être livrés habituellement et publiquement
à l’ivresse ou au libertinage. »
Il me semble qu’il est bien plus simple de dire :
« Pour ivresse ou libertinage public et habituel. »
La section centrale, au numéro 2° : « Pour avoir,
par inconduite, contracté des dettes excédant une année des appointements du
grade dont ils sont revêtus. »
Il est encore plus simple de dire :
« Pour dettes résultant d’inconduite et
excédant une année des appointements du grade dont ils sont revêtus. »
Le numéro 3 de la section centrale porte :
« Pour s’être livrés, dans un lieu public entre
eux, à des outrages ou à des voies de fait. »
La rédaction suivante me paraît également plus
simple :
« Pour outrages ou voies de fait dans un lieu
public. »
J’ai donc l’honneur de présenter un amendement
tendant d’abord à conserver le commencement de l’article, tel que le propose le
gouvernement, à ne pas ajouter la clause que la loi ne sera que temporaire ; à
introduire ensuite dans les 3 premiers numéros de la rédaction de la section
centrale les légers changements que je viens d’indiquer et qui ne modifient en
rien l’esprit de cette rédaction. (A
demain ! à demain ! La chambre n’est plus en nombre !)
- Messieurs les représentants quittent leurs bancs.
La séance est levée à 5 heures.
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