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Chambre des représentants de
Belgique
Séance
du vendredi 27 mai 1836
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre
2) Projet de loi relatif à la perte du grade d’officier de l’armée.
Commission d’enquête (composition) (Gendebien, Evain, Gendebien, Ernst,
Gendebien, Dumortier, Gendebien, Evain, Gendebien, Dumortier, Ernst, Gendebien, F. de Mérode, Ernst, F. de Mérode, Gendebien),
commission d’enquête (procédure) (Dumortier, Ernst, Gendebien, de Theux, Dumortier)
3) Projet de loi relatif à l’avancement des officiers dans l’armée.
Second vote des articles (Gendebien, Ernst,
(officiers volontaires de 1830) (Dumortier, Evain, (+officiers des Indes) Gendebien,
A. Rodenbach, Evain, d’Huart)
4) Projet de loi relatif à la position des officiers de l’armée. Second
vote des articles
5) Motion d’ordre visant à fusionner les lois sur la position des
officiers et sur la perte des grades dans l’armée. Service de santé (Dumortier)
6) Fixation de l’ordre des travaux de la chambre. Loi sur le transit
et/ou école vétérinaire (Legrelle,
de Theux, Van Hoobrouck, de Theux, Legrelle,
((marché des lits militaires) Evain), Rogier,
(+société générale) Dumortier, Gendebien,
d’Huart, de Theux, Smits, (+marché des lits militaires) Gendebien,
Desmanet de Biesme, d’Huart)
(Moniteur
belge n°150, du 29 mai 1836)
(Présidence de M. Fallon,
vice-président.)
M. de Renesse
procède à l’appel nominal à une heure et demie. Il donne ensuite lecture du
procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.
M. Verdussen
fait connaître l’objet des pièces adressées à la chambre.
PIECES ADRESSEES A
« L’administration communale de Kessel demande
qu’on établisse un droit de sortie plus élevé sur le foin. »
________________
« Le sieur Martin Lanis,
à Anthée, demande l’annulation de la décision de la députation
de la province de Namur, en date du 20 avril dernier, annulant celle du conseil
de milice de Phippeville, qui exemptait du service
pour un an son fils Désiré-Joseph, milicien de 1830 et marié depuis. »
________________
« Le
conseil de fabrique de l’église de Notre-Dame à Verviers adresse des
observations sur le projet de loi relatif au traitement des vicaires. »
________________
- Ces pétitions sont renvoyées à la commission des
pétitions chargée d’en faire le rapport.
PROJET DE LOI RELATIF A
Discussion des articles
M. le président. -
Il nous reste à discuter deux articles additionnels proposés par M. Gendebien
dans la séance d’hier.
M. Gendebien. -
Pour compléter l’article que j’ai proposé, il conviendrait d’ajouter un
amendement après la première disposition de l’article.
L’article serait conçu de la manière suivante, avec
l’addition que je propose :
Ne pourront être membres du conseil d’enquête :
« 1° Le commandant du corps auquel appartiendra
l’officier inculpé, les officiers de l’escadron ou de la compagnie dont il fera
partie, ses parents ou alliés, jusqu’au degré de cousin, issu de germain
inclusivement ;
« 2° Les parents au même degré du ministre de
la guerre et de la personne sur la plainte de laquelle l’officier aura été
renvoyé devant le conseil ;
« L’inculpé aura la faculté de récuser deux
membres du conseil, sans toutefois pouvoir motiver sa récusation. »
M.
le ministre de la guerre (M. Evain). - Messieurs, nous avons examiné la
proposition déposée à la fin de la séance d’hier ; et nous avons pensé que les
deux articles dont elle se compose pourraient être remplacés par les deux
articles que je vais avoir l’honneur de vous faire connaître :
« Art. 4. Ne pourront faire partie du conseil
d’enquête les parents ou alliés de l’officier inculpé, jusqu’au degré de cousin
issu de germain inclusivement ; ni l’officier sur le rapport duquel la
poursuite a lieu.
« Tout conseiller qui saura cause de
récusation en sa personne sera tenu de la déclarer au conseil. »
« Art. 5. L’inculpé et l’auditeur militaire
ont le droit de récuser chacun deux membres du conseil, sans toutefois pouvoir
motiver cette récusation.
« Les récusations devront être faites avant
l’interrogatoire de l’inculpé. »
M. Gendebien. -
Messieurs, la disposition que j’ai présentée est la copie textuelle des
articles 7 et 9 de la loi française, ainsi que je vous l’ai dit hier.
En France, on n’a pas reconnu les récusations
utiles de la part du gouvernement. Je ne connais pas le motif pour lequel on
veut introduire des récusations semblables dans la loi dont nous nous occupons,
à moins que le gouvernement ne veuille s’assurer tous les moyens d’accabler
l’officier qu’il voudra perdre. Je ne conçois pas la prétention, n’est-ce donc
pas assez pour lui d’avoir obtenu l’arbitraire par le vague des moyens
d’accusation et par l’absence de toutes garanties dans la forme, ou plutôt dans
l’absence de toutes formes. Il veut encore qu’il s’assure par la récusation le
moyen d’introduire dans le conseil deux septièmes d’hommes dévoués à ajouter à
ceux sur lesquels il pourra toujours exercer une grande influence.
M. le ministre de la justice
(M. Ernst). - Le gouvernement remplace par deux articles les deux
propositions de l’honorable préopinant.
La première proposition de l’honorable membre est
ainsi conçue :
« Ne pourront être membres du conseil
d’enquête :
« 1° Le commandant du corps auquel
appartiendra l’officier inculpé, les officiers de l’escadron ou de la
compagnie, dont il fera partie, ses parents ou alliés à un des degrés prohibés
par la loi. »
Nous conservons une partie de cette disposition,
celle qui concerne les parents ou alliés de l’officier, sauf que nous la
complétons et la rendons plus claire. En effet, il ne suffit pas de parler de
la parenté au degré prohibé par la loi ; il faut indiquer ce degré. Or, nous
avons pensé qu’on pourrait se référer à l’art. 578 du code de procédure civile,
concernant la récusation des juges ordinaires, et établir l’empêchement
jusqu’au degré de cousin germain.
Quant au commandant du corps et aux officiers de
l’escadron ou de la compagnie dont l’inculpé fait partie, nous ne voyons pas de
motifs pour qu’on doive les récuser, et cela même dans l’intérêt de cet
officier : car, il est probable qu’il trouvera toujours de la bienveillance, de
l’appui dans ses compagnons qui pourront attester sa conduite honorable, et la
manière courageuse dont il peut s’être montré dans quelques circonstances.
Nous avons
amélioré la disposition de l’honorable membre sous un autre point de vue,
savoir : en excluant du conseil l’officier sur le rapport duquel la poursuite a
lieu.
Il me semble donc que le premier article proposé
par le gouvernement est suffisamment justifié.
Je passe à la deuxième disposition additionnelle
présentée par M. Gendebien.
« L’inculpé aura la faculté de récuser deux
membres du conseil, sans toutefois pouvoir motiver sa récusation. »
Nous ajoutons que l’auditeur pourra user du même
droit. L’honorable préopinant ne comprend pas l’intérêt que le gouvernement
peut avoir à aggraver la position de l’officier.
Messieurs, le gouvernement n’a qu’un intérêt, celui
d’avoir de bons officiers et dans l’intérêt des bons officiers, il est
intéressé, aussi bien que le régiment, à ce qu’il puisse en expulser l’officier
dont la conduite ferait la honte du régiment,.
Voila le seul intérêt et le seul devoir du
gouvernement,
L’honorable préopinant veut
que l’officier puisse récuser deux membres du conseil. Pourquoi ? Parce qu’il a
peut être des ennemis dans le conseil ; cela est peu probable, puisque le
conseil est pris au hasard parmi tous les officiers de la division ; cependant
la chose est possible, aussi admettons-nous ce droit de récusation ; mais il
est possible d’un autre côté que dans le conseil se trouvent des officiers qui
soient liés avec l’inculpé d’une amitié toute particulière ; il est possible
encore qu’il s’y trouve des officiers qui, sans avoir participé directement aux
faits dont l’autre est inculpé, y ont pris cependant une part plus ou moins
éloignée, ou se sont trouvés dans la réunion où l’un d’eux a commis un écart.
Si on veut une justice impartiale, il faut qu’il y ait réciprocité, et que la
faculté de récuser appartienne également à l’auditeur.
L’honorable préopinant a dit que c’est dans la loi
française qu’il a puisé la deuxième disposition et que cette loi n’introduit la
récusation qu’au profit de l’officier inculpé. Mais je dois faire observer que
le projet de loi de 1832 auquel l’honorable membre fait allusion n’a pas été
sanctionné en France et qu’il a été remplacé en 1833 par un autre projet dans
lequel on n’a pas reproduit la disposition dont il s’agit ; on a proposé un
système de récusation tout différent ; et si la chambre le désire, je donnerai
lecture des articles sur la récusation. L’art. 18 est ainsi conçu :
« Ne pourront faire partie du jury militaire
les parents ou alliés de l’officier inculpé à l’un des degrés prohibés par la
loi, ni l’officier sur le rapport duquel le prévenu aura été traduit devant le
jury. »
Voilà l’article que nous proposons textuellement.
D’après l’art. 19 les membres du jury seront interpellés sur le point de savoir
s’il existe une des causes de récusation ; mais on n’a pas accordé aux inculpés
le droit de récuser des membres du jury.
Je crois devoir borner là mes observations. Je me
réserve de répondre à l’honorable préopinant, s’il réplique.
M.
Gendebien. - Je ne sais pas quel peut avoir été le motif qui a
déterminé la proposition d’un nouveau projet de loi en 1833. J’espère que le
ministre de la justice nous le dira ; je m’y rendrai s’ils sont acceptables,
mais je persisterai s’ils sont mal fondés. Voici, du reste, les considérations
qu’on a fait valoir à l’appui du projet de loi de 1832 :
« Le projet écarte encore avec soin des
conseils tout officier qui par sa position militaire pourrait être justement
soupçonné d’y entrer avec un esprit de partialité, soit comme chef, soit comme
plaignant, soit comme camarade.
« Malgré la sagesse de ces précautions, la loi
nouvelle donne à l’inculpé le droit de récuser deux membres des conseils
d’honneur, sur les sept dont ils sont formés ; elle veut encore que l’inculpé
trouve parmi eux deux officiers du même grade, deux de ses pairs, garantie à la
fois délicate et nouvelle, et qui ne peut que lui inspirer une noble
confiance. »
Voilà les raisons qu’on a alléguées à l’appui des deux
articles relatifs à la récusation ; je demande si ces raisons ont été détruites
par d’autres raisons dans l’exposé des motifs du projet de 1833. Je désire
qu’on veuille réfuter ces raisons ; elles sont basées sur des observations
morales qui existeront dans tous les temps pour les hommes justes ; elles ne
peuvent être contestées que par des hommes aveuglés par l’esprit de parti, ou
inféodés au joug du servilisme.
Il est certain, messieurs, que l’on doit éviter
qu’un chef de corps, ou qu’un chef quelconque de l’officier inculpé, capitaine,
major ou colonel, arrive au conseil ; car il arrivera irrité ou avec des
préventions. En France on les a écarté, parce qu’on a reconnu, ce qui est
peut-être contesté de bonne foi, l’influence de l’amour-propre blessé et de
toutes les passions de l’esprit de parti, ou des amours-propres froissés.
Quelles sont les raisons qui ont fait dévier de ce principe ? Je demande des
raisons, car on n’en a pas donné. D’un autre côté, si on récuse les parents de
l’officier inculpé, il faut aussi récuser les parents de ceux qui par intérêt,
par haine ou par d’autres passions trop nombreuses et trop actives
malheureusement s’efforcent de perdre un militaire. C’est pour cela que j’ai
demandé la récusation des parents du ministre et de ceux sur les rapports
desquels l’officier inculpé a été traduit devant le conseil d’enquête. N’est-ce
donc pas assez de l’esprit de parti après une révolution ; faut-il encore
exposer les officiers aux petites et mesquines passions de son amours-propres
froissés de chefs improvisés ?
M. Dumortier. -
Je ne comprends pas les objections que l’on pourrait faire contre le système
présenté par M. Gendebien ; aussi, je vois que le système présenté par le
gouvernement a beaucoup d’analogie avec celui de l’honorable M. Gendebien.
Toutefois, je ne puis admettre la rédaction proposée par le gouvernement. Il
dit que l’officier sur la plainte duquel un autre officier est traduit devant
le conseil, ne peut en faire partie ; mais ordinairement ce sera le colonel qui
aura fait la plainte ; il ne fera pas partie du conseil, soit ; mais il sera
remplacé par le lieutenant-colonel, lequel est animé du même esprit que le
colonel. On dit qu’il y a 500 officiers par division et que c’est la sort qui
décide ; l’observation peut avoir de la valeur relativement à un officier
inférieur, mais l’officier supérieur n’aura pas les mêmes chances.
D’après ces observations, je pense donc qu’il est
nécessaire d’admettre la rédaction proposée par M. Gendebien. Néanmoins quel que soit le système que l’on adopte,
le système sera incomplet.
De quoi s’agit-il ? Des récusations ; mais
supposons qu’il y en ait quatre de faites ; il faudra remplacer ces membres ;
comment les remplacera t-on ? Vous voyez donc qu’il faut prévoir dans cette loi
le cas des remplacements.
M.
le ministre de la justice (M. Ernst). - Je demande la parole.
M. Dumortier. -
Je vous écouterai avec plaisir ; mais laisses- moi continuer.
Vous tirez au sort le conseil publiquement, au
commencement de l’année ; on fait les récusations ; il ne reste que trois
membres ; il faut tirer au sort maintenant les remplaçants, mais il pourra
arriver que les remplaçants sont à cinquante lieues ; il faudra suspendre les
séances du conseil en attendant leur présence.
Moi, je crois qu’en tirant au sort le conseil, il
faudra en même temps tirer au sort les suppléants. Voilà comment le conseil
devra être organisé. (Aux voix ! aux voix
!)
M. Gendebien. -
Je demande la parole.
De
toutes parts. - Aux voix ! aux voix !
M. Gendebien. -
Messieurs, la matière est assez grave pour ne pas délibérer sans examen.
Le code de procédure hollandais n’a jamais passé
pour être libéral ; cependant il l’était bien plus que le projet présenté par
le ministre, ou plutôt il était bien moins illibéral. Voici ce que dit
l’article 48 du code néerlandais :
« Le conseil de guerre devra observer à cet
égard que personne ne soit dispensé de discuter une affaire sans des raisons
graves, mais aussi qu’il est essentiel d’écarter jusqu’à l’ombre du doute au
sujet d’un degré d’impartialité. »
L’article 149 dit : « Un membre dispensé, à sa
requête ou autrement, de discuter une affaire pour cause de quelques relations,
ne pourra pas assister aux délibérations relatives aux autres membres. »
On lit dans l’article 150 :
« Si, de plus, un accusé était d’opinion qu’un des membres du conseil de
guerre fût moins qualifié à prononcer comme juge de sa cause pour quelque
raison de haine ou d’inimitié, ou pour quelque autre motif, il aura la faculté
de produire respectueusement ses griefs au conseil de guerre et de demander la
récusation. »
Vous voyez, messieurs, au milieu de ce style plus
ou moins bizarre, traduction d’un texte non moins bizarre peut-être, que la
récusation a été établie dans le sens le plus large. D’une part, on déclare
qu’il est essentiel d’écarter jusqu’à l’ombre d’un doute au sujet d’un degré
suffisant d’impartialité ; de l’autre, on écarte ceux qui peuvent avoir des
motifs de haine, d’inimitié ou d’autres motifs de partialité contre l’inculpé ;
et vous cependant, vous voulez que les chefs de l’officier inculpé viennent
donner leur avis, lorsque ce sont leurs caprices, leur haine ou d’autres passions déraisonnables, lorsque
ce sont leurs plaintes qui le plus ordinairement ont occasionné l’inculpation,
ou lorsque ce sont leurs molestations qui, d’un officier capable, honorable,
bon sujet, en auront fait un officier mauvais sujet ou brouillon, comme disent
les ministres.
L’article 150 laisse toute latitude à l’accusé pour
récuser tout le conseil.
L’article 151 ajoute : « Dans ce cas, le juge
récusé devra s’abstenir du conseil de guerre, jusqu’à ce que les membres aient
délibéré et jugé de la liquidation des motifs de la récusation. »
Tous ces détails vous prouvent que le projet du
ministre s’écarte, et du projet français de 1832, et du code de procédure
hollandais, et qu’il donne moins de garanties que ces dispositions, qui ont été
considérées, par notre armée, sous le roi Guillaume, comme barbares et
contraires aux mœurs belges. Voulez-vous donc forcer notre armée à regretter le
code hollandais justement flétri avant 1830 ?
M.
le ministre de la guerre (M. Evain). - J’ai à faire quelques
observations qui lèveront les doutes que l’on peut concevoir sur le mode du
tirage.
Dans chaque division de l’armée il y a cinq cents
officiers ; pour les trois divisions cela fait en tout 1,500 officiers. Les
1,000 autres sont répartis dans les 8 provinces, ce qui fait de 100 à 200
officiers par province, suivant l’importance de leurs garnisons.
Au commencement de chaque année il sera fait un
tirage au sort qui déterminera le rang dans lequel les officiers pourront être
réunis pour former les conseils d’enquête ; ainsi, au lieu d’appeler sept
membres seulement, on appellera nécessairement les suppléants, et les affaires
ne seront pas retardées, puisque les suppléants étant connus se trouveront sur
place, et pourront remplacer immédiatement les membres du conseil d’enquête qui
seraient récusés.
M.
Gendebien. - Il faut que cela soit dit dans la loi. Je me réservais de
faire remarquer que l’on n’avait rien prévu à cet égard dans cette loi.
Je ferai remarquer, de plus, que personne n’a
répondu à mes observations.
- La première partie de l’amendement proposé par M.
Gendebien, mise aux voix, n’est pas admise.
La première partie de l’amendement présente par le
ministre est mise aux voix et adopté. Eu voici les termes :
« Ne pourront faire partie du conseil
d’enquête les parents ou alliés de l’officier inculpé, jusqu’au degré de cousin
issu de germain inclusivement ; ni les parents et alliés de l’officier sur le
rapport duquel la poursuite a lieu.
« Tout membre du conseil qui serait dans le
cas d’être récuse devra en faire la déclaration. »
M.
Dumortier. - Je ferai remarquer à l’assemblée qu’après le vote qu’elle
vient d’émettre, il est indispensable d’admettre purement et simplement la
proposition de M. Gendebien.
D’après le vote que la chambre a émis, les parents
de l’inculpé ne pourront siéger dans le conseil. Pour rendre les choses égales,
il faut que les parents de l’accusateur ne puissent non plus siéger dans le
conseil. Autrement il n’y aurait pas justice, et dans toute espèce d’enquête,
il faut d’abord de la justice.
Au reste, si le gouvernement consent à ce qu’on
introduise dans la loi une disposition portant que les parents de l’officier
qui soutient l’accusation ne puissent siéger dans le conseil... (Dénégations au banc des ministres.)
Vous m’obligez alors à défendre cette disposition.
Rien n’est plus criant d’injustice que le système soutenu par le ministre.
Comment, l’officier qui sera parent de l’officier inculpé ne pourra siéger dans
le conseil parce qu’on craint que le lien du sang ne lui fasse émettre un avis
trop favorable à l’officier inculpé, et l’on ne craindra pas que le lien de
parenté avec l’officier qui soutient l’accusation ne fisse émettre un avis trop
favorable à l’accusation ! Mais, je le répète, il y aurait là une criante
injustice. Au reste, à ce titre, cette disposition ira bien avec les autres
dispositions de la loi ; car toute la loi est une loi d’iniquité.
M. le ministre de la justice
(M. Ernst). - L’officier qui a fait son rapport n’est pas accusateur ;
il a rempli peut-être à regret un devoir qui lui est imposé par sa position ;
pourquoi suspecter ses parents ?
Le préopinant prétend que pour qu’il y eût
impartialité, l’auditeur militaire ne devrait pas avoir les mêmes droits de
récusation que l’officier inculpé. C’est une erreur ; à l’égard du jury
ordinaire, le ministère public a les mêmes droits de récusation que l’accusé ;
la même chose doit avoir lieu à plus forte raison pour le conseil d’enquête,
car l’auditeur militaire n’est pas nécessairement opposé à l’officier inculpé ;
il ne fait que résumer les faits avec impartialité et dans l’intérêt de la
justice.
M. Dumortier. - Je
ferai une proposition au deuxième vote ; car il est impossible de se prononcer
avec connaissance de cause sur des amendements ainsi improvisés. C’est au reste
pour qu’on puisse discuter une seconde fois les amendements que le règlement
les a soumis à un second vote.
- La chambre, consultée, décide que l’accusé aura
deux récusations péremptoires.
La chambre, consultée, décide que l’auditeur aura
également deux récusations péremptoires.
Le paragraphe : « Les récusations pourront
être faites avant l’interrogatoire de l’inculpé, » est mis aux voix et
adopté.
L’ensemble du second article additionnel est
adopté.
M. le président. -
Le premier article additionnel devient l’art. 4 ; le deuxième article
additionnel devient l’art. 5. L’art. 4 du projet devient l’art. 6.
M. le président. -
M. Gendebien propose la disposition additionnelle suivante :
« De plus, l’officier inculpé pourra récuser
les membres du conseil pour quelques raisons de haine ou d’inimitié ou pour
tout autre motif. Il aura la faculté de proposer ses griefs au conseil, qui
jugera de la vérité des motifs de la récusation. »
M. Gendebien. -
La proposition que j’avais faite pour donner quelques garanties à nos braves
officiers tourne en définitive contre eux, grâce à la tendre sollicitude de nos
ministres pour l’armée.
J’avais proposé que l’officier inculpé eût le droit
de récuser deux membres du conseil ; le ministre veut que le gouvernement ait
également cette faculté. L’officier inculpé ne connaît pas ou connaît peu les
officiers charges de prononcer sur les faits qui lui sont imputés. Il pourra
donc rarement exercer son droit de récusation. Le gouvernement les connaîtra
toujours bien, soit par les rapports des chefs, soit par l’espionnage qu’il a
introduit dans l’armée. Ainsi ce droit de récusation tournera contre
l’officier.
D’un autre côté, vous récusez les parents et alliés
de l’officier inculpé, et vous ne voulez pas écarter les parents ou alliés du
ministre, des chefs du corps et de l’accusateur. Vous ne voulez même pas
écarter les supérieurs de l’officier inculpé, dont l’impartialité est au moins
douteuse, Si vous reconnaissez au gouvernement la faculté de récuser de plein
droit deux membres du conseil, admettez au moins la proposition que j’ai
l’honneur de faire. Cette disposition est empruntée au code de procédure
hollandais. A moins que vous ne vouliez vous montrer plus illibéraux que le
code de procédure hollandais, vous devez admettre ce droit de récusation.
M.
F. de Mérode. - J’ai demandé la parole pour dire encore une fois que
l’on considère la privation du grade comme un procès criminel ; mais c’est à
tort. Il s’agit là d’affaire disciplinaire. Pour moi, je regrette que l’on ait
admis le système des récusations. Il ne s’agit pas de jugements, il ne s’agit
pas de procès ; il s’agit, je le répète, d’affaire purement disciplinaire, dans
un système militaire purement disciplinaire, toutes ces récusations ne devaient
avoir lieu ni pour les uns ni pour les autres.
M. Gendebien. -
Vraiment ce sont de tristes et pitoyables raisons que déjà l’on a répétées
plusieurs fois, et que déjà plusieurs fois nous avons réfutées. On devrait
réfuter les réfutations qui ont été faites, au lieu de représenter toujours les
mêmes allégations.
Ce n’est pas, dit-on, une cour militaire que l’on
veut établir ; il ne s’agit pas de cour criminelle, mais d’une commission
d’enquête. Sans doute c’est le nom que vous donnez à votre cour martiale ; mais
cette commission d’enquête va plus loin qu’un conseil de guerre ordinaire. Un
conseil de guerre peut condamner un militaire aux arrêts forcés, à 15 jours de
prison, à quelques mois de prison ; et votre conseil d’enquête peut priver un
officier de son existence, de son grade et de tous les moyens d’existence qui y
sont attachés ; il peut le déshonorer aux yeux de la nation et de l’armée ; et
vous ne voudriez pas admettre de récusations en pareille matière. C’est vraiment
pitoyable. Mettez-y de la franchise, dites que vous voulez de l’arbitraire, que
vous ne voulez que de l’arbitraire ; mais ne cherchez pas à justifier par de
faux-fuyants, par un abus de mots, votre refus d’admettre une disposition
consacrée partout et même dans une législation aussi peu libérale que celle de
M.
le ministre de la justice (M. Ernst). - Je n’ai pas besoin de protester
contre l’allégation du préopinant que nous ne voulons que l’arbitraire. Je ne
serais pas fâché que la loi fût jugée par des personnes impartiales ; elles
reconnaîtraient que toutes les garanties désirables se trouvent dans le projet
de loi. D’ailleurs, l’opinion du préopinant ne peut valoir contre l’opinion de
l’immense majorité des membres de cette assemblée sur laquelle retombe cette
accusation d’arbitraire.
Le préopinant dit que nous ne voulons pas admettre
le système de la loi hollandaise. Mais, messieurs, il ne s’agit pas ici de
jugement ; le conseil ne peut pas juger ; il ne peut que donner une déclaration
sur des faits. C’est précisément parce qu’il ne peut juger qu’il est nécessaire
d’admettre des récusations non motivées, parce que personne n’aurait le droit
de juger les motifs de ces récusations.
Au reste, si le hasard fait que l’officier inculpé
a des motifs de haine contre un membre du conseil, ne peut-il pas récuser deux
de ces membres sans en indiquer les motifs ? L’auditeur usera rarement de cette
faculté ; ainsi, l’impartialité exigeait qu’on lui donnât les mêmes droits qu’à
l’officier inculpé.
M. F. de Mérode.
- Le préopinant trouve mes observations pitoyables ; mais je trouve que ce sont
les siennes qui sont pitoyables.
Dans aucun pays civilisé, on ne condamne un homme à
une peine sans jugement, et, dans des pays aussi civilisés que le nôtre, on
révoque, sans jugement, un fonctionnaire civil et militaire. Ici donc, il ne
s’agit pas de jugement, mais de mesure disciplinaire. Ainsi mes observations
n’ont rien de pitoyables. Ce sont les observations du préopinant qui sont
vraiment pitoyables.
M. Gendebien. -
Sans contredit il n’arrive jamais à M. le ministre d’Etat comte Félix de Mérode
de faire des observation pitoyables, pas même
lorsqu’il redit, pour la vingtième fois, que la perte des grades, pensions,
honneurs, traitements, ne constitue pas une peine, mais une simple mesure
disciplinaire.
Je dirai à l’honorable ministre d’Etat comte Félix
de Mérode que ce n’est qu’un faux-fuyant, que l’on ne peut nommer mesure
disciplinaire une mesure qui aura pour résultat de priver d’un grade qu’il aura
acquis au prix de son sang, un officier honorable, et souvent par le seul motif
qu’il aura déplu a un ministre, à un supérieur, quelquefois même à la maîtresse
d’un homme haut placé.
M. le ministre de la justice
(M. Ernst). - Cela est impossible.
M. Gendebien. -
Je pourrais citer des faits, et puisque l’on m’y force, j’en citerai.
Un honorable officier aide-de-camp a été disgracié
; on avait même exigé qu’il fût renvoyé de certain état-major, parce qu’il
n’avait pas eu tous les égards qu’une certaine dame se croyait en droit
d’exiger, une dame qui n’était ni femme, ni veuve, ni fille. (Hilarité.) Si l’officier, auteur de
cette injustice, pousse un jour l’extravagance un peu plus loin, il pourra
faire convoquer un conseil d’enquête et provoquer la destitution de
l’aide-de-camp dont je parle, et à l’aide de la police secrète, on trouvera ou
on imaginera au besoin des motifs suffisants de destitution. A la suite des
révolutions, il y a toujours des haines, des animosités de parti ; il y a des
nuances de parti, ces nuances sont représentées toutes dans le gouvernement. Il
n’y aura aucun officier à l’abri de semblables vexations.
Et l’on appellera peine disciplinaire la punition
la plus cruelle, celle qui prive un officier de son grade, qui le dépouille de
ses moyens d’existence, une punition qui sera, d’ailleurs, un stigmate aux yeux
de l’armée !
Quelle comparaison pouvez-vous faire entre la
condamnation à 15 jours d’arrêt, un mois de prison et la perte du grade ?
Ne nous arrêtons pas aux mots ; depuis longtemps les mots n’ont aucune valeur ;
c’est la réalité des choses qu’il faut considérer.
- La proposition de M. Gendebien est mise aux voix
; elle n’est pas adoptée.
M. le président. -
La discussion s’ouvre sur l’amendement de M. Dumortier.
M. Dumortier. -
La proposition que je viens de déposer est conforme à l’article 96 de la
constitution qui veut que les audiences des jurys soient publiques.
Dans une séance précédente, M. le ministre a dit
que le conseil d’enquête est un véritable jury. J’ai donc raison de demander
que les audiences du conseil d’enquête soient publiques. Et qu’on n’aille pas
dire, messieurs, que c’est une condition de peu d’importance que la publicité
des audiences des conseils d’enquête. Lorsque la publicité pourra s’emparer de
tous les actes des conseils d’enquête, commenter les dépositions des témoins,
nous pourrons espérer que l’exécution de cette loi présentera aussi peu d’abus
qu’on peut attendre de pareilles dispositions ; si, au contraire, vous refusez
la publicité, les actes des conseils d’enquête se passeront dans l’ombre et ne
seront pas connus du pays. L’officier sera frappé dans son honneur et dans ses
moyens d’existence sans aucune espèce de garantie. Comment ! lorsqu’il s’agit
de punir un officier d’une simple mesure disciplinaire de 4 heures d’arrêt, les
audiences sont publiques, et elles ne le seraient pas lorsqu’il s’agit de le
priver de son grade, de lui enlever son honneur ! Je ne pense pas que
l’assemblée puisse consentir à un pareil système. J’espère qu’aucune voix ne
s’élèvera contre ma proposition. La publicité est une garantie que la
constitution a cru devoir apporter en toute chose. Le congrès a professé un tel
respect pour la publicité, qu’il l’a étendue jusqu’aux séances des conseils
communaux. Vous devez l’admettre dans cette circonstance comme dans toutes les
autres.
M.
le ministre de la justice (M. Ernst). - Si je pouvais croire que sur
une matière aussi grave l’on ne parlât pas sérieusement, je dirais que c’est de
cette manière que l’honorable préopinant a développé sa proposition. Je me bornerais donc à dire qu’il ne s’agit
ici ni de jugement ni de tribunal. Il s’agit d’un conseil qui examine les
faits. L’article de la constitution qui consacre la publicité des audiences, ne
peut donc être invoqué.
Il est très possible que les faits imputés à un
officier soient déclarés constants, et que, cependant, aucune mesure ne soit
prise par le ministre. C’est donc une question de savoir si c’est de l’intérêt
de l’accusé de mettre au grand jour des faits qui peuvent être plus ou moins
contraires à l’honneur militaire sans avoir la gravité qu’exige le numéro 1° de
l’art. 1er. L’officier ne sera pas, pour cela, dépouillé de toute garantie :
s’il est destitué, il pourra se servir de tous les moyens de publicité qui
existent dans les gouvernements représentatifs.
M. Gendebien. - Messieurs, quand il a été
question des lois d’expulsion, l’on nous disait aussi qu’il s’agissait de
l’intérêt des expulsés, qu’il ne fallait pas motiver les arrêtés d’expulsion.
Qu’en est-il résulté ? C’est que l’on expulse sans se donner la peine de donner
des raisons convenables.
Aujourd’hui, c’est encore dans l’intérêt des
officiers que l’on refuse la publicité. Si vous avez tant à cœur l’intérêt de
l’officier, soyez sûr que l’officier aura soin de demander le huis-clos, quand
il pourra lui être favorable. Laissez donc la faculté de la publicité toutes
les fois qu’un officier y trouvera une garantie.
Si vous refusez la publicité, il ne reste plus
aucune garantie à l’officier. Car rien dans la loi ne force le gouvernement à
suivre l’avis du conseil d’enquête. Le gouvernement pourra destituer un
officier, lors même que l’avis du conseil ne lui sera pas défavorable. La
preuve, c’est que la section centrale avait proposé que l’avis du conseil
d’enquête ne pût être modifié qu’en faveur de l’inculpé. La chambre a rejeté
cette proposition ; maintenant il ne
reste plus une seule garantie pour l’officier à qui la décision du conseil aura
été favorable. Quelle règle le ministre suivra-t-il dans son rapport ? Aucune
règle ne lui est tracée.
M. le ministre
de l'intérieur (M. de Theux). - L’honorable préopinant a dit que l’on
expulse sans motifs. Je déclare au contraire qu’il ne s’est fait aucune
expulsion que l’on ne puisse motiver d’après le texte même de la loi.
M. Dumortier. -
Je ne crois pas, messieurs, que l’on puisse écarter légèrement une proposition
aussi importante que la mienne.
Je me rallie volontiers à l’amendement de M.
Gendebien. Si l’on croit que la publicité dans certains cas peut être nuisible
à l’officier inculpé, je demande qu’elle soit de droit du moment qu’elle sera
demandée par lui.
La loi française porte en termes formels que la
décision du conseil d’enquête ne pourra être modifiée qu’en faveur de l’inculpé
! Aujourd’hui vous voulez que le conseil d’enquête soit le plastron des abus
que le gouvernement commettra. Du moment que vous avez écarté l’article de la
section centrale reproduit d’après la loi française, le conseil d’enquête
devient inutile, à moins que vous n’accordiez la publicité.
Si le gouvernement peut destituer un officier après
que le conseil d’enquête aura déclaré à l’unanimité qu’il n’y aucune charge
contre cet officier, autant vaut ne pas avoir de conseil d’enquête.
Permettez au moins que l’officier attaqué dans son
honneur demande la publicité et l’obtienne. Il doit être permis à tout homme de
demander la publicité sur les faits dont on l’accuse.
Dans la loi française, le conseil d’enquête n’est
consulté que pour savoir s’il y a lieu de mettre un officier à la retraite. Ce
n’est que par un jugement qu’il peut être privé de son grade. Et encore ne
peut-il être mis à la retraite que sur l’avis conforme du conseil d’enquête.
Le gouvernement ne peut prendre une résolution plus
défavorable à l’inculpé que le conseil d’enquête lui-même. Le pouvoir dont le
gouvernement veut être armé, il en abusera. Rappelez-vous ce qu’il a fait envers
six officiers de cuirassiers.
N’avons-nous pas vu six officiers de cuirassiers,
mis arbitrairement par le gouvernement dans la position où votre loi l’autorise
à mettre désormais tous les officiers de l’armée, et cela parce que ces
officiers de cuirassiers avaient refusé de prêter un serment que la
constitution interdisait et qui répugnait à leur conscience ?
Eh bien, que pour de pareilles causes des officiers
soient traduits devant le conseil d’enquête, ne sera-t-il pas de son honneur de
demander la publicité ? Ils se devront à eux-mêmes de la demander.
Je ne comprends plus que le gouvernement s’oppose à
ce que les séances du conseil d’enquête soient publiques quand l’officier
inculpé le demandera.
L’officier ne demandera pas la publicité quand elle
pourra lui être défavorable. Mais s’il croit trouver une garantie en appelant
la publicité sur les accusations dont il est l’objet, vous ne pouvez pas la lui
refuser.
Je me rallie donc au sous-amendement proposé par M.
Gendebien.
M. le président. -
Je mets aux voix la proposition de M Dumortier, amendée par M. Gendebien, qui
est ainsi conçue :
« La publicité est de droit lorsque l’officier
inculpé la réclame. »
- Cette disposition n’est pas adoptée.
M. le président. -
Des amendements ayant été adoptés, il ne pourra être procédé au second vote
qu’à la séance de lundi.
Nous passons à l’objet de l’ordre du jour.
PROJET DE LOI RELATIF A
L’AVANCEMENT DES OFFICIERS DANS L’ARMEE.
Second vote des articles
Articles 1 et 2
- Les amendements adoptés aux articles 1 et 2 sont
confirmés sans discussion.
M. le président. -
Un amendement a été adopté à l’art. 6, mais c’est un amendement de la commission,
et je crois que le ministre s’est rallié au projet qu’elle a présenté.
M. Gendebien. -
Ce n’est pas un motif pour ne pas le discuter.
M. le ministre de la justice
(M. Ernst). - Si ! si !
M. Gendebien. -
En vertu de quel article du règlement ?
M. le ministre de la justice
(M. Ernst). - En vertu des précédents de la chambre.
M. Gendebien. -
Je ne veux pas soulever cette question maintenant, parce qu’elle nous mènerait
trop loin ; mais il n’y a pas de précédent de la chambre qui établisse qu’on ne
doit pas remettre en discussion au second vote les dispositions auxquelles le
gouvernement s’est rallié ; seulement on a admis ce mode de procéder dans la
discussion de la loi communale pour éviter des longueurs et parce que c’était
la quatrième ou cinquième fois qu’on discutait cette loi.
Je le répète, je ne veux pas soulever cette
question maintenant, parce qu’elle nous mènerait trop loin. Je me réserve de la
discuter quand la chambre en aura plus le temps et sera moins pressée de se
séparer.
M. le président -
Toutes les fois que le gouvernement a déclaré se rallier au projet d’une
commission ou section centrale, ce projet a été considéré comme proposition
principale, et quand le ministre reproduisait une disposition de son projet
primitif, elle était considérée comme amendement.
Dans la discussion de la loi communale, le ministre
ne s’est pas rallié à l’ensemble du projet de la section centrale ; mais il a
été admis, par exception, que s’il se ralliait à certains articles avant la
discussion, ces articles seraient considérés comme propositions principales.
On vient de me dire que M. le ministre s’était
rallié au projet de la section centrale. Dès lors il n’y a pas lieu de mettre
aux voix l’amendement dont il s’agit.
Si quelqu’un a des observations à faire, je
l’engage à les présenter.
- Personne ne demande la parole.
Les amendements adoptés aux divers articles de la
loi sont successivement confirmés.
Article additionnel
M. le président. -
Il reste une disposition additionnelle proposée par M. Dumortier qui a été
ajournée. Elle est ainsi conçue :
« L’ancienneté pour l’avancement sera
déterminée, savoir :
« Par la date du jour de leur entrée au
service actif de l’armée nationale, pour les officiers qui n’ont pas obtenu
d’avancement depuis leur première nomination à la suite de la révolution.
« Par la date du brevet, pour ceux qui ont obtenu
de l’avancement depuis cette époque.
« Dans le cas où plusieurs officiers du même
grade auraient, un brevet de même date, l’ancienneté sera réglée d’après celle
du grade antérieur. »
M. Dumortier. -
Je demande la parole.
Messieurs, il me semble que les motifs qu’on
allègue pour repousser la proposition que nous avons eu l’honneur de faire, mes
honorables collègues, MM. Doignon, d’Hoffschmidt, Liedts, A. Rodenbach et moi,
ne sont aucunement fondés. En effet, les raisons qu’on invoque se bornent à peu
près à ceci, que le fait du classement appartient exclusivement au
gouvernement. Cela n’est pas du tout fondé en ce qui concerne les classements
antérieurs et postérieurs. La loi qui règle la position des officiers doit
nécessairement établir comment l’ancienneté pour l’avancement sera déterminée,
car la position des officiers consiste en grande partie dans le classement.
Ainsi que j’ai déjà eu l’honneur de le dire il est
résulté des abus très graves de la fausse interprétation donnée à l’arrêté du
gouvernement provisoire.
En effet, le gouvernement provisoire, pour établir
le classement des officiers, s’est fondé sur un arrêté du gouvernement
provisoire. Or, cet arrêté du gouvernement provisoire (si vous le lisez avec
attention, vous en serez convaincu) est exclusivement destiné à établir
l’ancienneté des officiers rentrés à la suite de la révolution, et incorporés
par les inspecteurs généraux. Vous savez que les officiers de l’ancienne armée
sont venus successivement offrir leurs services au gouvernement provisoire. Le
gouvernement chargea le général Goethals de réorganiser l’armée.
Comme il ne pouvait pas en un seul jour réorganiser
tous les régiments, il a donnée aux brevets provisoires qu’il délivrait la date
du jour où il réorganisait le régiment. C’est ainsi que les régiments
réorganisés à Bruges et à Ostende ont été réorganisés avant ceux de Gand, ceux
de Gand avant ceux d’Ypres, ceux d’Ypres avant ceux de Tournay, ceux de Tournay
avant ceux de Mons, ceux de Mons avant ceux de Charleroy, ceux de Charleroy
avant ceux de Namur, et ainsi de suite. Au fur et à mesure qu’il réorganisait
un régiment il donnait des brevets provisoires aux officiers dont il
réorganisait les corps.
Le gouvernement provisoire a voulu par cet arrêté
régler l’ancienneté des officiers revenus après la révolution. Lisez le
troisième considérant, vous verrez qu’il est manifeste que cet arrêté ne
s’appliquait pas aux officiers que le gouvernement provisoire avait nommées
lui-même. Tous ont été nommés en rémunération de services qu’ils avaient
rendus, ils devaient conserver leur rang à dater de l’époque où ces services
avaient été rendus. Qu’a fait le gouvernement ? Il s’est établi juge des motifs
du gouvernement provisoire, il a mis tous les brevets dans la même urne, de
telle manière qu’un militaire qui a obtenu un brevet le 28 ou le 30 septembre,
se trouve mis sur la même ligne que celui qui est entré au service de
Messieurs, remarquez bien que, du 28 septembre au 15
décembre, trois mois se sont écoulés, et, en temps de révolution, trois mois
sont trois siècles ; à de pareilles époques, chaque jour de service peut valoir
des années. Vous ne pouvez donc pas admettre qu’on mette sur le même pied les
hommes qui se sont ralliés à la cause de la patrie lorsqu’il y avait danger à
le faire, et ceux qui sont venus plus tard, lorsqu’ils ne pouvaient plus qu’y
gagner, c’est, cependant là ce qui résulte de la classification qui a été faite
par le gouvernement : il y a, par exemple, un major qui a été nommé par le
gouvernement provisoire à la date du 28 septembre ; on croirait que ce major
doit nécessairement être inscrit le premier dans les cadres de l’armée, pour
l’ancienneté. ; eh bien, messieurs, il est aujourd’hui le trentième sur le
tableau des majors, de manière que cet officier, qui, suivant la justice et
l’équité, devrait avoir de l’avancement avant tous les autres officiers de son
grade, attendra, peut-être, encore dix ans, avant d’obtenir un grade plus
élevé.
Ce n’est là, messieurs, qu’un fait isolé, mais on
peut en citer d’autres, car, parmi les officiers qui ont été nommés par le
gouvernement provisoire, dans les premiers jours de la révolution, il en est
très peu qui ont obtenu de l’avancement, tandis qu’on a élevé rapidement ceux
qui n’ont offert leurs services au pays que quand la révolution était
consommée. Il est scandaleux, messieurs, que, tandis que les hommes de la
révolution, ceux qui ont combattu pour notre cause, qui ont versé leur sang
pour la patrie, dans les jours de sa délivrance, sont encore aujourd’hui dans
le grade qui leur a été conféré par le gouvernement provisoire ; d’un autre
côté, ceux qui, par faiblesse ou autrement, ont pris part aux conspirations qui
avaient pour but de nous replacer sous le joug de l’étranger, ont obtenu
l’avancement. Oui, messieurs, ce sont les hommes qui ont participé à la
conspiration du mois de mars qui jouissent des faveurs du gouvernement, tandis
que ceux qui ont rendu des services à la révolution, ne peuvent rien obtenir.
Voilà comment le gouvernement se conduit envers les
braves qui ont défendu la cause nationale, aux grands jours de la révolution,
et maintenant, dans la loi dont il s’agit, il vient vous proposer de
sanctionner cet état de choses, en déclarant que la classification établie par
lui est valide, et qu’il n’y a pas lieu à la réviser.
Si vous admettez,
messieurs, cette demande du ministre, les abus qui ont été commis seront
maintenus, car le même esprit qui a fait donner l’avancement aux partisans de
l’ancien gouvernement, au préjudice des hommes de la révolution, agira toujours
dans le même sens. Je ne parle pas des officiers qui ont servi comme
volontaires : quant à ceux-là, le grand nombre d’entre eux ont encore été
manifestement mal traités ; en effet, par un arrêté du 1er novembre, le
ministre de la guerre d’alors a fixé à cette date le brevet des officiers de
l’ancienne armée, mais il n’a pas compris dans cette disposition les officiers
de volontaires qui étaient à la frontière et combattaient pour notre cause ;
et, comme la reddition de Venloo n’a eu lieu que le 11 novembre, 11 jours
après, il en résulte que les officiers qui ont été nommés par le gouvernement
provisoire, pour leur belle conduite dans la délivrance du Limbourg, se
trouvent sur la liste d’ancienneté après tous ceux qui figuraient dans l’arrêté
en question ; c’est là, messieurs, une scandaleuse injustice, que vous ne
pouvez pas tolérer, car si vous le faisiez, c’est alors qu’il serait vrai de
dire que le patriotisme est mort, tout à fait mort dans cette assemblée.
Non seulement les officiers qui n’ont pas voulu
prendre part à la conspiration qui avait pour but de faire peser de nouveau sur
Le rapport de la commission ne rencontre aucunement
mes objections ; il se borne à dire qu’il faut maintenir le travail qui est
fait ; mais c’est précisément parce que nous ne voulons pas maintenir ce
travail que nous avons reconnu mauvais, que nous avons reconnu consacrer une
foule d’injustices, que mes honorables amis et moi avons présenté l’amendement
dont il s’agit. Nous avons voulu que l’ancienneté d’un officier datât du jour
ou il a commencé à servir la révolution, du jour où il s’est rallié à la cause
de la patrie ; ce principe est incontestable, et j’espère que vous le
sanctionnerez en adoptant ma proposition.
M. le ministre de la guerre
(M. Evain). - Messieurs, deux questions ont été traitées par
l’honorable préopinant ; j’aurai l’honneur de vous donner sur toutes les deux
quelques explications. Déjà je vous ai fait connaître la marche qui a été
suivie pour le classement, et il doit vous être facile de juger s’il a été
opéré d’une manière aussi injuste qu’on le prétend. J’avais dit dans une séance
précédente, que 70 à 80 officiers avaient été nommés par le gouvernement
provisoire du 26 septembre au 1er novembre : le chiffre en est, en effet, de
77, mais dans ce nombre, il en est 50 qui avaient déjà reçu leur nomination ou
la confirmation de leur nomination par les généraux qui ont organisé l’armée
dans les premiers jours de la révolution, ce qui réduit à 27 le nombre des
officiers promus par le gouvernement provisoire. Remarquez, messieurs, que l’arrêté
du 10 décembre 1830, relatif aux classement à en faire, dit dans le troisième
considérant :
« Que les grades accordés en récompense
d’actions d’éclat ou de services éminents rendus pendant notre glorieuse
révolution, ne pourront être soumis à aucune révision. » Il en résulte
nécessairement que ce droit n’est acquis qu’à ceux qui ont fait des actions
d’éclat ou rendu des services éminents. Il fallait donc s’assurer quels étaient
ceux qui pouvaient revendiquer l’application de cette disposition.
Or, messieurs, des 27 officiers en question, il en
est sept dont j’ai la liste nominative, qui sont reconnus avoir rendu des
services éminents, ou avoir fait des actions d’éclat ; les vingt autres, dont
j’ai également la liste nominative, sont reconnus n’avoir rien fait de plus que
leur devoir ; ceux-ci n’entraient donc point dans l’exception faite par le
troisième paragraphe de la loi. D’après cela, les sept officiers qui avaient
rendu des services éminents ou fait des actions d’éclat ont été maintenus à la
date du grade qui leu avait été conféré par le gouvernement provisoire, et les
vingt autres ont été placés, avec les officiers de leur catégorie, conformément
à leurs grades antérieurs, ce qui était encore conforme à une disposition
formelle de l’arrêté que je viens de citer.
L’honorable préopinant a encore reproduit deux
assertions relatives à deux officiers, dont l’un avait été effectivement nommé
major par le gouvernement provisoire, mais n’était que lieutenant avant cette
promotion ; or, comme il n’avait pas fait d’actions d’éclat ni rendu de
services éminents, il a été classé avec les autres majors de la même catégorie,
comme le prescrit positivement l’arrêté dont j’ai parlé tout à l’heure.
Il en est de même pour ce qui concerne le capitaine
de cavalerie dont a parlé l’honorable préopinant, il n’était que
sous-lieutenant lorsqu’il a été nommé capitaine ; il a été classé après ceux
qui, étant lieutenants, ont été également nommés capitaines à la même époque.
L’honorable M. Dumortier a blâmé, en second lieu, que
l’on ait fixé au 1er novembre la date d’ancienneté des officiers nommés avant
cette époque par les généraux organisateurs, d’autres nommés après, et de
quelques-uns qui ne sont revenus en Belgique qu’avant le terme fatal qui leur
avait été fixé par l’arrête du gouvernement provisoire ; eh bien, messieurs,
c’est une erreur de croire que le faux classement de quelques officiers puisse
leur causer un préjudice bien notable ; il résulte d’un relevé que j’ai fait
faire de tous les officiers nommés avant le 1er novembre que, par suite des
promotions successives qui ont eu lieu dans l’armée, tous ont reçu de
l’avancement, à l’exception d’un sous-lieutenant de cavalerie et d’un
lieutenant d’infanterie, et à la première promotion qui sera faite, ces deux
officiers seront également élevés en grade : il ne me semble pas que, pour ces
deux cas, l’on puisse adresser de grands reproches au classement dont il
s’agit.
Il y a, dans l’infanterie, l’artillerie et la
cavalerie, dix majors nommés avant le 1er novembre, et 25 nommés après ; ainsi 33 officiers de ce grade,, nommés, soit
un peu avant, soit un peu après cette date ; ils ont été classé entre eux
suivant la date de leur grade antérieur de capitaine.
Parmi le nombre des capitaines d’infanterie, de
cavalerie et d’artillerie, il y en a 30 nommés depuis le 1er novembre ; ils ont
été également classés suivant l’antériorité du grade qu’ils avaient.
C’est après avoir bien médité sur la manière
d’arriver à un résultat juste, équitable, que nous avons procédé : nous nous
sommes surtout basé sur les dispositions de l’arrêté du gouvernement
provisoire.
Si ce travail contient quelques erreurs, si
quelques officiers peuvent avoir des réclamations à faire, on les examinera.
Cependant, ils ont déjà dû les présenter dans leurs régiments, où elles ont été
discutées et appréciées par la commission spéciale que j’ai instituée pour
dresser le classement qui sera publié dans l’annuaire.
Quoi qu’il en soit, si des
erreurs avaient pu se glisser dans un travail aussi considérable, le gouvernement
se ferait un devoir de les réparer ; et comme l’a dit M. le rapporteur de la
commission à laquelle la proposition de M. Dumortier a été renvoyée, le
gouvernement a un moyen assuré de rectifier les erreurs par l’avancement au
choix.
D’après l’arrêté il fallait qu’un membre du
gouvernement provisoire fît partie de la commission ; pour me conformer autant
que possible à cette disposition, j’ai appelé à cette commission M. le colonel
Jolly, membre adjoint du gouvernement provisoire et ministre de la guerre
jusqu’au premier novembre, j’y ai également appelé M. le général d’Hane, ministre de la guerre en 1831.
Les autres officiers généraux et supérieurs qui ont
composé la commission représentant les intérêts de toutes les catégories
d’officiers de l’armée, je ne pense pas qu’il fût possible de faire un choix
plus convenable.
Je dois déclarer que cette commission s’est occupée
de ses devoirs avec toute l’attention et toute l’impartialité possible : son
travail qui a duré une année semble avoir atteint le but que l’on devait
désirer, et faire un nouveau travail, ce serait jeter la perturbation dans un
point important de l’administration militaire.
Il faut conserver le travail effectué par la
commission, sauf y faire les rectifications d’après les réclamations fondées
que pourra faire naître la publication du tableau de classement dans l’annuaire
que l’on imprime en ce moment.
M. Gendebien. -
Je ne me dissimule pas tout l’embarras de la position où se trouve le ministre
pour décider les questions d’ancienneté. Ces questions sont délicates,
difficiles et compliquées en raison des diverses catégories d’officiers et de
leurs situations diverses pendant la révolution.
Pour moi, je n’oserais pas émettre d’opinion sur le
travail qui a été fait, à moins d’avoir sous les yeux le résultat du travail et
les pièces et les documents sur lesquels on l’a établi. Ce sera quand
l’annuaire aura paru que je pourrai asseoir mon jugement.
Je n’ai demandé la parole que pour dire quel a été
le but et la pensée du gouvernement provisoire, ou à moins quelle a été la
mienne, lorsque j’ai signé l’arrêté du 10 décembre 1830.
Nous avons été frappés de la nécessité d’établir
les droits d’ancienneté entre tous les régiments organisés pendant les premiers
moments de la révolution, par la raison qu’ils ont été organisés à des dates
différentes ; cette circonstance n’exerce pas d’influence sur l’avancement des
officiers d’un régiment ; mais elle établissait des dates d’ancienneté
différentes à l’égard des régiments respectivement les uns aux autres.
Si mes souvenirs ne me trompent pas, le
gouvernement provisoire avait pour but unique d’établir une classification
entre les officiers de tous les régiments qui avaient reçu des brevets à des
dates différentes, selon les diverses époques de leur organisation respective ;
il n a pas voulu que ces époques différentes, par le seul effet du hasard,
exerçassent une influence sur l’ancienneté de la même arme.
Quant à tous les officiers qui ont reçu des
nominations individuelles, l’intention du gouvernement provisoire était que
leur ancienneté datât de la signature de leur brevet. Seulement les officiers
de l’ancienne armée, pourvus d’un ou plusieurs grades d’avancement, et
concourant pour l’ancienneté, avec d’autres du même grade, qui n’avaient pas
reçu le même avancement, ils devaient être classés après ces derniers, à moins
qu’ils eussent reçu l’avancement pour services rendus à la révolution.
Voilà les souvenirs que j’ai, et je crois ne pas me
tromper ; si je suis dans l’erreur, je prie mes collègues de rectifier mes
souvenirs. Dès lors, vous voyez qu’il y a injustice à maintenir dans le même
grade qu’il a reçu le 27 ou 28 septembre, un officier qui a été nommé capitaine
et qui a été chargé de l’organisation du premier escadron que
Cet officier est arrivé à Bruxelles à la tête de sa
troupe ; ce n’était pas pour escorter le gouvernement provisoire, comme on l’a
dit, mais pour montrer au congrès que nous avions déjà quelques cavaliers montés.
Il est parti le lendemain de l’installation du
congrès, il est allé à la frontière qu’il n’a pas quittée tant qu’il y a eu du
danger. Eh bien, cet officier est aujourd’hui un des moins anciens commandants
d’escadron ; c’est ce que je ne puis comprendre, car son ancienneté et celle
des officiers de sa catégorie doit dater du jour de la signature du brevet.
Quant au major dont on a parlé, il était lieutenant
depuis 1821 ; en 1829 il a été fait adjudant-major ; et il n’aurait pas tardé à
être capitaine. C’est lui qui a puissamment concouru à la reddition de la ville
d’Ath, place importante, comme position militaire, et surtout par les armes et
les munitions qu’elle nous a procurées. Il a donc contribué efficacement au
succès de la révolution en procurant des armes et de la poudre dont on manquait
dans les premiers temps. C’est d’Ath, que nous sont arrivés les premiers
canons, les premières munitions de guerre. Je conçois que les hommes du
lendemain attachent peu d’importance à de pareils faits. Il est même possible
qu’ils les considèrent comme des motifs de disgrâces ; mais il faut s’être
trouvé dans le moment de la tourmente pour apprécier de quelle utilité ont été
des officiers qui comme celui auquel on a fait allusion, nous ont donné des
positions militaires, des armes et des munitions, ou qui se sont rangés des
premiers sous le drapeau de la liberté et de l’indépendance.
On a fait des catégories qu’il me serait impossible
de suivre et dont je ne puis d’ailleurs vérifier l’exactitude ; on assure qu’il
n’y a qu’un seul sous-lieutenant d’infanterie et un lieutenant de cavalerie qui
se trouvent lésés dans leur ancienneté par la résolution prise de les faire
dater tous du 1er novembre 1830 ; on cite un plus grand nombre dans les grades
plus élevés ; mais, vous dit-on, à la première promotion qui aura lieu on
réparera l’injustice involontaire commise à leur égard. J’en prends acte pour
eux ; mais je dis qu’il sera impossible de réparer entièrement le tort qu’ils
ont souffert, sans les replacer à leur rang d’ancienneté ; on leur donnera un
grade, mais on ne leur donnera pas dans ce grade l’ancienneté qu’ils devraient
avoir. Ils ressentiront donc toujours cette injustice dans les grades
successifs qu’il obtiendront, parce qu’ils seront toujours les derniers dans le
grade nouveau qu’on leur conférera. Tandis qu’en les mettant à leur rang
d’ancienneté, tout en avançant d’un grade, ils pourront n’être pas les derniers
dans le grade nouveau qu’on leur donnera.
Je pense que la chambre a
bien fait de ne rien préjuger sur le classement opéré par le ministère. C’est
déjà beaucoup de n’avoir disposé que pour l’avenir. J’avoue au reste que je ne
comprends pas bien la partie de l’amendement de l’honorable M. Dumortier. je
craindrais en faisant acte de justice pour quelques-uns de commettre une
injustice à l’égard d’autres. Il serait bon, ce me semble, de prendre plus tard
une mesure spéciale quand nous connaîtrons le travail fait.
Le ministère n’a prétendu rien préjuger à cet
égard. Il a même reconnu que toutes les réclamations seraient admises ; nous
pourrons donc y revenir nous-mêmes par une loi spéciale.
Messieurs, comme je veux
être juste envers tout le monde, je dois déclarer qu’il m’est parvenu des
réclamations d’officiers qui sont revenus des Indes : il paraît qu’on ne leur a
pas appliqué les dispositions des arrêtés du gouvernement provisoire. Il avait
décidé à l’article 5 de son arrêté du 10 décembre, que les officiers qui
pouvaient justifier qu’ils avaient été dans l’impossibilité de rentrer en
Belgique avant le 15 décembre 1830, pourraient réclamer les avantages qui
étaient assurés aux officiers de l’ancienne armée.
Je ne dis pas précisément qu’il y ait eu injustice
commise envers les officiers des Indes ; cependant, je dois le dire, des
réclamations m’ont été adressées ; et elles m’ont paru fondées ; je désire que
réparant les injustices faites aux officiers de la révolution, et à ceux de
l’ancienne armée, on examine aussi les droits des officiers revenus des Indes,
car il faut être juste avant tout et quand même.
M. A. Rodenbach.
- Si le ministre déclare qu’il n’y a rien de préjugé relativement au classement
des officiers, malgré le travail qui a été exécuté, je n’ai plus d’objections à
faire, et je retirerai mon amendement. Il est évident que nous ne pouvons
donner la sanction législative au tableau que l’on a dressé. On cite
quelques-unes des erreurs qui ont été commises ; il est probable qu’on ne les
connaît pas toutes ; mais n’y eût-il que vingt on trente officiers lésés, c’est
un acte d’injustice que nous ne pouvons consacrer. Si tout reste dans le
provisoire, je retire mon amendement.
M.
le ministre de la guerre (M. Evain). - S’il y a des réclamations
relatives au classement, elles devront être adressées au ministre de la guerre.
Ces réclamations seront examinées, et il y sera fait droit, s’il y a lieu.
Il en sera ainsi de toutes celles qui pourront être
faites par les officiers quand ils auront consulté l’annuaire qui va être
publié, s’ils croient être lésés dans le classement qui leur est assigné.
M. A. Rodenbach.
- D’après ce que vient de déclarer M. le ministre de la guerre, à savoir que le
classement n’est que provisoire, et qu’il ne s’agit de rien légaliser, je
renonce à l’amendement. Je ne puis le retirer, ne sachant si mes collègues qui
l’ont présenté avec moi y consentent.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - M. le ministre de la guerre aurait été mal compris
si l’on pensait que le classement n’est que provisoire.
M. le ministre de la guerre a déclaré à plusieurs
reprises qu’il regardait le classement comme étant fait avec toute l’équité
possible et comme remplissant strictement les intentions du gouvernement
provisoire, que s’il s’élevait cependant quelques réclamations individuelles,
elles seraient examinées et qu’il y serait fait droit.
Je dois faire remarquer au reste, que la loi que
nous votons ne tend pas à légaliser le classement. Nous ne demandons pas que
vous approuviez le classement qui a été fait. L’art 10 ne dispose que pour
l’avenir.
Ces nouvelles explications étaient nécessaires
d’après la réponse de M. A. Rodenbach. J’ai lieu d’espérer qu’il s’en
trouvera satisfait.
- L’amendement de MM. A. Rodenbach, Liedts,
Dumortier et d’Hoffschmidt est mis aux voix ; il n’est pas adopté.
Vote sur l’ensemble du
projet
La chambre procède à l’appel nominal sur l’ensemble
du projet de loi ; voici le résultat du vote.
70 membres sont présents.
2 (MM. Andries et Dumortier) s’abstiennent.
68 membres prennent part au vote.
66 votent pour l’adoption.
2 (MM. Gendebien et Seron) votent contre. La
chambre adopte.
M. Andries s’est
abstenu parce qu’il n’a pas assisté à la discussion.
M. Dumortier
s’est abstenu parce qu’il a craint que le sort des officiers de la révolution
ne fût sacrifié par la loi.
PROJET DE LOI RELATIF A
Second vote des articles
Les amendements introduits dans ce projet de loi
sont successivement confirmés par le vote de la chambre. Le projet de loi avec
ces amendements est ainsi conçu :
« Art. 1er. Les grades conférés par le Roi
dans l’armée, depuis et y compris celui de sous-lieutenant, constituent l’état
de l’officier.
« Tout officier sera pourvu d’un brevet royal
du grade qui lui est conféré dans l’armée. »
« Art. 2. Le grade est distinct de l’emploi.
Le Roi confère l’emploi du grade et le retire ; l’emploi est exercé en vertu de
lettres de service du ministre de la guerre, délivrées d’après les ordres du
Roi. »
(M. le ministre s’y est rallié.)
« Art. 3. Les positions de l’officier sont :
« 1° L’activité ;
« 2° La, disponibilité,
« 3° La non-activité ;
« 4° La réforme. »
« Art. 4. L’activité est la position de
l’officier appartenant aux cadres de l’armée, et pourvu d’emploi.
« Les officiers chargés de missions ou d’un
service spécial, en dehors de l’emploi de leur grade, conservent leur position
d activité.
(Le ministre s’y est rallié.)
« Art. 5. » (L’art.
« Art. 5. (art. 6 ancien.) La disponibilité
est la position spéciale de l’officier-général ou supérieur qui appartient aux
cadres de l’armée, et qui est momentanément sans emploi.
« L’officier-général ou supérieur en
disponibilité jouit d’un traitement égal aux deux tiers de la solde d’activité
de son grade.
« Quelle que soit la position de l’armée, il
n’a droit qu’au nombre de rations de fourrages attribuées à son grade sur le
pied de paix. »
« Art. 6 (art. 7 ancien.) La non-activité est
la position de l’officier hors cadre et sans emploi. Jusqu’à ce qu’il y soit
autrement pourvu par une loi, le traitement des officiers actuellement en
non-activité reste fixé d’après le tarif existant ci-annexé qui est applicable
aux officiers de toutes armes.
« Le traitement de non-activité sera fixé,
pour les officiers qui y seront admis après la promulgation de la présente loi,
aux 2/5 du traitement d activité pour les officiers généraux, et à la moitié du
traitement d’activité des officiers d’infanterie pour tous les officiers depuis
le grade de colonel jusqu’à celui de sous-lieutenant, quelle que soit l’arme à
laquelle ils appartiennent. »
« Art. 7 (art. 8 ancien). Le traitement de
réforme est inhérent au grade dont l’officier est pourvu dans l’armée, et il ne
peut en être privé en tout ou en partie que par la perte de son grade. Les
officiers peuvent être mis au traitement de réforme pour les causes suivantes :
« 1° Pour excès qui auront résisté aux
punitions disciplinaires ;
« 2° Pour désobéissance grave ou réitérée,
inconduite habituelles, sévices envers leurs inférieurs ;
« 3° Pour cause de négligence grave dans
l’accomplissement des devoirs qui leur sont imposés. »
« Art. 8 (art. 9 ancien). La mise au
traitement de réforme pour les causes ci-dessus prévues sera prononcée par
arrêté royal motivé sur le rapport du ministre de la guerre. »
« Art. 9 (art. 10 ancien). Le traitement de
reforme des officiers de tout grade et de toutes armes, est fixé à la moitié de
celui de non-activité. »
« Art. 10 (art. 11 ancien). Les officiers en
disponibilité, en non-activité et en réforme, restent soumis à la juridiction
militaire et aux ordres du ministre de la guerre. »
« Mandons et ordonnons, etc. »
« Annexe : Tarif extrait de l’arrêté royal du
22 décembre 1832 (traitement annuel de non-activité) :
« Général de brigade : fr. 6,300
« Général de division : fr. 5,250
« Colonel : fr. 4,200
« Lieutenant-colonel : fr. 3,150
« Capitaine de première classe : fr. 2,300
« Capitaine de seconde classe : fr. 1,270
« Lieutenant : fr. 950
« Sous-lieutenant : fr. 740. »
MOTION VISANT A FUSION LES
LOIS SUR
M. Dumortier. - Je
fais la proposition formelle de réunir en une seule loi ces deux lois.
Rappelez-vous, messieurs, que l’honorable M. Gendebien a demandé à M. le
ministre de la guerre si la loi sur la position des officiers s’appliquait
également aux officiers du service de santé. M. le ministre a déclaré que oui ;
cependant nous ne voyons rien dans la loi qui le dise. Mais dans la seconde
loi, dans celle qui est relative à la perte du grade, il est explicitement
disposé sur l’extension des mesures prises par cette loi aux officiers de
l’intendance et du service de santé.
Il faut être juste, messieurs, si vous voulez
soumettre les officiers de santé aux mesures exceptionnelles et rigoureuses de
la loi sur la perte des grades, il faut leur donner en même temps les avantages
qui résultent de la loi sur la position des officiers. Ce serait un abus criant
d’assimiler les officiers de santé aux autres officiers de l’armée pour les
mesures vexatoires de la perte des grades et de ne pas leur accorder les
bénéfices de la loi sur la position des officiers. Il est temps que le service
de santé sorte de l’état exceptionnel sous lequel il a trop longtemps gémi. Ce
régime n’est pas tolérable pour tout homme de cœur qui se trouve en butte aux
iniquités d’un chef et qui est exposé a tout instant à être envoyé malade dans
une ville malsaine où il ira mourir.
Je maintiens donc qu’il y a lieu de réunir la loi
sur la position des officiers et celle sur la perte des grades, en une seule
loi ou d’insérer, dans la première, une disposition additionnelle, qui la rende
applicable aux corps de l’intendance militaire et au service de santé.
- La proposition de M. Dumortier est mise aux voix.
Elle n’est pas adoptée.
Vote sur l’ensemble du
projet
La chambre vote par appel nominal sur l’ensemble de
la loi.
69 membres sont présents.
1 membre s’abstient.
4 votent contre.
64 adoptent.
MM. Gendebien, Dumortier, Seron et Vanden Wiele rejettent.
En conséquence, la loi sur la position des
officiers est adoptée.
Elle sera transmise au sénat.
M. Andries s’est
abstenu parce qu’il n’a pas assisté à la discussion.
FIXATION DE L’ORDRE DES
TRAVAUX DE
M.
Legrelle. - Discutons la loi du transit. (A demain ! à demain !)
M. le ministre
de l'intérieur (M. de Theux). - Je demanderai la priorité pour la loi
relative à l’école vétérinaire.
M.
Dumortier. - Avant de proposer d’acheter des bâtiments pour l’école
vétérinaire, on devrait demander s’il y a de l’urgence pour faire des
acquisitions. Occupons-nous de la loi du transit qui procurera de l’argent au
pays.
M. Legrelle. -
Il y a lieu de s’étonner qu’après que la chambre a mis deux fois à l’ordre du
jour un projet de loi dont nous devrions avoir depuis longtemps la jouissance,
le ministre de l’intérieur vienne demander la priorité pour un projet dont le
rapport n’est ni imprimé ni distribué, qu’on n’a pas encore lu à la tribune et
que personne n’a examiné tandis qu’on est prêt pour discuter la loi du transit.
Je demande qu’on commence cette discussion immédiatement.
M. Van Hoobrouck de Fiennes. - Je demande la priorité
pour l’école vétérinaire ; le rapport sera imprimé ce soir ; et je ne pense pas
qu’il donne lieu à une longue discussion. Je ferai observer qu’il existe entre
le ministre de l’intérieur et des particuliers des contrats qui ont besoin de
la sanction de la chambre dans un délai fatal qui est sur le point d’expirer.
Il y a donc urgence ; et il s’agit de doter le pays d’un établissement qui
attirera l’attention des étrangers.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Si on avait adopté ma proposition, on n’aurait pas employé autant de temps à
la discussion du projet qu’on en perd maintenant à discuter une question de
priorité.
Comme l’a dit l’honorable préopinant, il y a des
contrats qui sont sur le point d’expirer. Il est important que la chambre
puisse voter le projet de loi sous peu. On pourrait demain commencer par ce
projet.
L’honorable député d’Anvers doit croire que je ne
suis nullement hostile au projet de loi relatif au transit, puisque nous
l’avons présenté conjointement, le ministre des finances et moi. Je désire
qu’il soit discuté dans cette session. Il ne s’agit ici que d’une question de
priorité.
M.
Legrelle. - Je crois que c’est perdre du temps inutilement que de discuter
plus long temps la question de priorité. Je demande qu’on entame immédiatement
la discussion de la loi sur le transit. Il n’est que quatre heures.
A moins que vous ne vouliez renvoyer la loi à une
autre session, je ne vois pas pourquoi on ne la commencerait pas aujourd’hui.
M.
le ministre de la guerre (M. Evain). - Si on n’a pas de projet à mettre
à l’ordre du jour de demain, je pourrai répondre au rapport de la commission
sur la question des lits en fer. Je pourrai donner demain à la chambre tous les
renseignements qu’elle peut désirer sur cette question ; mais les pièces à
l’appui ne pourront être imprimées que lundi.
J’avais demande hier que la question des lits en
fer fût mise à l’ordre du jour de lundi ; mais si demain vous n’avez pas de
matières suffisantes pour remplir la séance, je demanderai qu’on entende
toujours ma réponse au rapport de la commission.
M. Rogier. - Je
crois qu’il y a place et pour la loi relative à l’école vétérinaire et pour la
loi sur le transit. Déjà depuis longtemps la loi sur le transit est à l’ordre
du jour. On a donné la préférence aux lois militaires, nous ne nous y sommes
pas opposés, mais cette loi sur le transit est présentée depuis un an, et il y
en a déjà six qu’on aurait dû changer à cet égard l’état de choses actuel. Si
on discute la loi concernant l’école militaire et la question des lits en fer
avant la loi sur le transit, cette loi sera encore retardée d’une session.
Je crois qu’il y a lieu de commencer par la loi sur
le transit, Il faut espérer qu’on pourra s’entendre facilement sur cette loi et
que la discussion ne demandera pas beaucoup de temps.
M. Dumortier. - Il est indispensable de
compléter nos lois de commerce en votant la loi sur le transit. Cette loi est
réclamée depuis plusieurs années. Elle est indispensable dans notre position
avec les nations maritimes. L’on veut que notre commerce reprenne toute sa
prospérité, il faut absolument voter cette loi. Au reste, elle ne donnera pas
lieu à une longue discussion.
Je viens d’entendre que cette loi durera 15 jours.
Je ferai observer que ce n’est pas une loi de tarification intérieure, mais un
transit qu’on accorde dans tous les pays du monde. Cette loi doit pouvoir être
votée dans une seule séance. Si vous allez mettre à l’ordre du jour avant le
transit la loi sur l’école vétérinaire et le rapport sur les lits militaires,
la session pourra se finir avant que cette loi sont votée.
Au commencement de la session, tous les jours on
avait à l’ordre du jour la question de la banque, et maintenant qu’on a besoin
d’argent, qu’on vient demander l’autorisation de contracter un emprunt de 3
millions, on semble oublier que nous avons 25 millions dans les caisses de la
banque ; commençons par faire entrer ces 25 millions avant de faire un emprunt.
Je demande qu’on mette la question de la banque à
l’ordre du jour après la loi sur le transit.
M. Gendebien. -
Vous n’avez pas le rapport de la loi sur l’école vétérinaire ; nous ne pouvons
pas la discuter demain ; fixez à demain la discussion générale de la loi sur ce
transit sauf à l’interrompre lundi pour nous occuper de l’école vétérinaire.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Je pense que dans l’intérêt de la loi du
transit, il convient de ne pas la discuter demain. Je pense que les honorables
collègues que j’entends faire une exclamation vont tomber d’accord avec moi ;
La discussion de la loi sur le transit peut être très courte, terminée en deux
séances si on veut s’entendre ; mais il y a des questions excessivement graves
qui, si on ne s’entend pas, seront controversées pendant un grand nombre de
séances.
Le gouvernement désire vivement que cette loi soit
discutée et votée le plus tôt possible.
Plusieurs personnes s’opposent à quelques principes
posés, nous pourrions avoir une réunion demain ; et si nous tombons d’accord,
la discussion marchera vite.
Un
membre. - Pourquoi ne pas se réunir ce soir ?
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - D’après ce qui vient de m’être
communiqué, il y a des amendements proposés qui sont d’une trop haute portée
pour pouvoir être appréciés dans un instant.
Ce que je dis n’est pas pour retarder la
discussion, mais pour arriver plus vite à l’adoption.
Si on se présente dans cette chambre avec des
systèmes différents, nous n’en finirons pas. La discussion générale durer huit
jours et se renouvellera à chaque article.
Il faut en remettre la discussion à lundi.
Il faudrait donc mettre à l’ordre du jour de demain
la question des lits militaires. Cet objet, messieurs, est très urgent ; il y a
des dépenses indispensables à faire ; et il y a des dépenses faites qui doivent
être payées. La question doit être absolument résolue avant votre séparation.
Je proposerai, en conséquence, à la chambre de
mettre à l’ordre du jour de demain, la discussion des allocations relatives au
couchage des troupes ; et de faire suivre immédiatement cette discussion de
celle concernant l’école vétérinaire et le transit ; et quant à ce dernier
objet, j’espère que d’ici lundi nous nous serons entendus sur les principales
dispositions du projet y relatif.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- J’appuie d’autant plus volontiers les observations de M. le ministre des
finances que j’ai reçu hier de la chambre de commerce d’Anvers une lettre avec
diverses observations sur le projet de loi de transit tel qu’il se trouve
rédigé actuellement.
Ces observations concernent plus particulièrement
le département des finances, et je n’ai pu les communiquer qu’aujourd’hui à mon
collègue qui doit avoir le temps de les méditer
Je ferai remarquer, messieurs, que nous entrons
tout à fait dans les vues du commerce, en suivant la marche qu’on indique, car
si nous devons discuter longuement le projet, il est certain qu’il ne pourrait
être converti en loi dans le courant de la session, on aura au contraire cette
loi si la discussion en est courte.
La chambre de commerce elle-même, quelque prix
qu’elle attache à la rectification de quelques dispositions du projet,
préférerait, à cause de l’urgence, voir le projet immédiatement adopté sans
modifications, à le voir ajourner, même avec l’espoir d’obtenir les changements
qu’elle désire.
Mais, messieurs, je ne pense pas que nous perdions
beaucoup de temps en mettant à l’ordre du jour de demain le projet de loi
relatif à l’école vétérinaire, et ensuite la discussion des lits militaires ;
de cette manière, la séance de demain sera entièrement remplie, et si le
dernier objet n’était pas épuisé dans cette séance il exigerait tout au plus
deux nouvelles séances, celle de lundi et mardi. L’on s’occuperait
immédiatement après du projet de loi concernant le transit.
M. Smits. - Messieurs, je
désire beaucoup que les membres qui ont à faire des observations sur le projet
de loi relatif au transit, puissent s’entendre avec les ministres, afin d’abréger
la discussion ; mais je crains que si l’on met à l’ordre du jour de demain le
projet touchant l’école vétérinaire et la discussion des lits militaires, la
loi sur le transit ne soit renvoyée à la session prochaine.
Rappelez-vous que c’est pour la seconde fois que
cette loi a été mise à l’ordre du jour ; et c’est même sur ma proposition
qu’elle l’a été la première fois ; la chambre a cru devoir donner la priorité à
la loi sur les mines ; mais je ne sais pas pour quels motifs l’ordre du jour a
été de nouveau changé depuis lors. Ce que je crains, c’est que les
réclamations, les plaintes du pays deviennent plus vives ; car le pays attend
impatiemment cette loi importante.
Messieurs, on s’est plaint dans cette enceinte du
défaut d’emploi de notre marine nationale. Eh ! votez la loi du transit et les
nombreux transports qu’elle occasionnera, donneront de l’emploi à votre marine.
Je demande qu’on discute en premier lieu le projet
de loi relatif au transit.
M.
Gendebien. - Messieurs, je n’ajouterai rien à ce que vient de dire
l’honorable M. Smits. Mais je
dois une réponse aux observations de M. le ministre des finances.
On propose de mettre à l’ordre du jour la
discussion des lits militaires ; quant à moi, je ne crois pas pouvoir m’opposer
à cette proposition, puisque j’ai été membre de la commission chargée de
l’examen du marché ; mais, il ne conviendrait peut-être pas de commencer la
discussion dès demain, le ministre de la guerre ayant annoncé qu’il se propose
de nous communiquer des pièces qui devront être préalablement imprimées et
examinées.
Quant à la loi du transit, M. le ministre des
finances vous dit qu’il serait utile de s’entendre, avant de commencer la
discussion générale.
Je ne pense pas que la manière de procéder qu’indique
le ministre des finances puisse abréger la discussion. A quoi servirait de
convoquer en conférence des membres de la chambre dont on ne connais pas
l’opinion ? Ce qu’on peut faire de mieux, c’est d’ouvrir demain la discussion
générale, à la fin de la séance on connaîtra les divergences d’opinion sur le
projet ; et alors on pourra se réunir, si on le juge convenable, dans la
journée de dimanche.
On peut commencer la discussion sur le transit ;
mais on ne peut s’occuper de l’école vétérinaire avant lundi, parce que nous
n’avons pas de rapport sur cet objet. Si on n’entame pas la loi sur le transit
immédiatement, on ne le fera pas dans cette session. Commençons le transit
demain, sauf à interrompre la discussion lundi pour l’école vétérinaire. (Aux voix
! aux voix !)
M. Desmanet de
Biesme. - Je crois bien que la loi sur le transit est d’un intérêt plus
général et plus élevé que la loi sur l’école vétérinaire ; cependant il faut
considérer ici que le gouvernement a acquis des terrains pour placer l’école et
que si la chambre n’adopte pas la loi, il y a un terme fatal fixé dans les
marchés, et que le gouvernement se trouvera fort embarrassé après ce terme.
M. Hye-Hoys. - Le
dernier projet sur le transit n’a pas été présenté aux chambres de commerce ;
il faudrait connaître leur avis pour discuter cette loi.
- La clôture est de nouveau demandée et adoptée.
M.
de Jaegher. - La question est de savoir à quel projet on donnera la
priorité entre le transit et l’école vétérinaire.
M. Dumortier. -
On ne peut pas donner la priorité aux lits militaires ; on manque de documents.
M. Devaux. - La
question est de savoir si l’on maintiendra l’ancien ordre du jour qui
indiquerait le transit.
M. Gendebien. -
Il y a deux mois que l’on a décidé que le transit viendrait après les mines ;
la question est : maintiendra-t-on cette ancienne décision ?
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Je ne m’oppose pas à ce qu’on ouvre demain la
discussion générale du projet de loi relatif au transit bien que ce ne soit pas
sans inconvénients ; car des orateurs pourront se lier jusqu’à un certain point
par les discours qu’ils prononceront. Mais je demande que l’on suspende lundi
la discussion de cette loi pour discuter le projet de loi relatif à l’école
vétérinaire et la demande du crédit pour les lits militaires.
- La chambre consultée adopte la proposition de M.
le ministre des finances relative à l’ordre du jour.
La séance est levée à 4 heures trois quarts.