Accueil Séances plénières
Tables
des matières Biographies Livres numérisés Bibliographie et liens Note
d’intention
Séance précédente Séance suivante
Chambre des représentants de Belgique
Séance du samedi 28 mai 1836
Sommaire
1) Pièces
adressées à la chambre
2)
Projets de loi portant séparation de communes
3) Projet
de loi relatif à la pension de la veuve Kessels
4)
Rapports sur des demandes en naturalisation
5) Rapport
sur une pétition demandant la prohibition des foins étrangers (Desmet, Rogier)
6) Projet
de loi relatif au droit de transit. Politique commerciale du gouvernement,
notamment droits sur le sucre et modalités de contrôle par la douane (d’Huart), demande d’ajournement (Hye-Hoys,
de Theux, Lardinois, de Theux, Gendebien, d’Huart, Desmaisières, Desmet, Lardinois, Rogier, Desmaisières, d’Huart, Gendebien, Lardinois), politique commerciale du gouvernement (d’Huart, David, Devaux,
Legrelle, de Theux, Smits, Lardinois)
(Moniteur
belge n°151, du 30 mai 1836)
(Présidence de M. Raikem.)
M. Dechamps
procède à l’appel nominal à une heure et demie.
M. de Renesse lit
ensuite le procès-verbal de la séance précédente.
M. Dechamps fait
connaître l’objet des pièces adressées à la chambre.
PIECES ADRESSEES A
« Des bateliers de Boom renouvellent leur demande
qu’il soit opéré une réduction sur le droit de patente des bateliers. »
________________
« Le sieur Pierre-Joseph
Houyoux, ex-capitaine d’infanterie, se plaint d’être
mis à la retraite et de ne jouir que d’une pension de 423 francs. »
________________
- Ces deux pétillons sont renvoyées à la commission
des pétitions, chargée d’en faire le rapport.
________________
M. Jadot demande un
congé de quelques jours.
- Accordé.
PROJETS DE LOI PORTANT SEPARATION DE COMMUNES
M. le ministre
de l'intérieur (M. de Theux) présente deux projets de loi relatifs à
des séparations de communes.
- Ces projets seront imprimés et distribués ; la
chambre en ordonne le renvoi à une commission qui sera nommée par le bureau.
PROJET DE LOI RELATIF A
M. Devaux dépose un
rapport sur le projet de loi relatif à la pension à accorder à la veuve du
sculpteur Kessels.
- Ce rapport sera imprimé et distribué.
M. Devaux, au nom
de la commission, demande que le projet soit discuté entre les deux votes de la
loi du transit.
- Cette proposition est adoptée par la chambre.
M. Rogier. - Puisqu’il
s’agit de pension, je demanderai où en est la proposition de l’honorable M. de.
Brouckere, tendant à en faire accorder une à Mme veuve Plaisant.
M. le président. -
Le projet a été renvoyé aux sections, où il a été mis à l’ordre du jour.
- Cet incident n’a pas de suite.
RAPPORTS SUR DES DEMANDES EN NATURALISATIONS
M. Milcamps, M. Desmanet de Biesme, et M. Mast de Vries déposent chacun sur le
bureau un rapport sur les demandes en naturalisation.
- La chambre ordonne l’impression et la
distribution de ces différents rapports.
RAPPORT SUR UNE PETITION
M. Mast de Vries,
rapporteur. - Messieurs, dans la séance du 16 mai, vous avez renvoyé à
la commission des pétitions, pour faire un rapport d’urgence, une pétition de
plusieurs propriétaire, et administrateurs des bureaux de bienfaisance de Gand,
qui demandent la prohibition des foins venant de l’étranger.
Les pétitionnaires exposent, messieurs, que
Votre commission pense, messieurs, que la demande
des pétitionnaires mérite une attention très sérieuse et qu’il y a lieu de
réviser notre législation à cet égard ; d’abord il est certain que les
établissements successifs des chemins de fer mettront une grande quantité de
chevaux hors de service, de manière que sous ce rapport, il y aura moins de
consommateur ; en second lieu, que, par le morcellement des propriétés et
l’application de la vapeur aux différentes industries, sa consommation devient
continuellement moindre, tandis qu’au contraire sa production augmente d’année
en année par l’amélioration successive de nos prairies, par la mise en culture
de tous les terrains bas, culture qu’on paraît vouloir faire exécuter sur une
bien grande échelle dans
En outre, sous presque tous les rapports, la
position de
Il est connu de
chacun que par les systèmes d’irrigation et d’assèchement, qui sont en usage en
Hollande, ils sont presqu’à l’abri des résultats qu’une année calamiteuse peut
produire. Eu second lieu, leurs prairies de deuxième classe, qui rivalisent
avec les nôtres de première, quoique imposés au marc le franc au revenu
cadastral, plus que les nôtres, paient, cependant, beaucoup moins, parce que le
revenu cadastral sur ce genre de propriété ne paraît être, si nos indications
sont exactes, taxé qu’à la grande moitié de ce qu’il est en Belgique.
Ces considérations, toutes puissantes, ne sont
cependant point de nature, aux yeux de votre commission, pour admettre le
système prohibitif ; mais elle pense, messieurs, qu’il y a urgence à frapper
les foins étrangers de droits qui mettent les cultivateurs belges, au moins,
sur le même pied que les étrangers.
En conséquence elle vous propose de renvoyer la
pétition à M. le ministre des finances.
M. Desmet. - J’ai
lu dans la pétition dont il s’agit que les fourrages destinés à notre cavalerie
viennent de
M. Rogier. - Je
demande qu’elle soit aussi renvoyée à M. le ministre de l’intérieur.
- Le renvoi de la pétition à MM. les ministres des
finances, de la guerre et de l’intérieur est ordonné par la chambre.
PROJET DE LOI RELATIF AU
TRANSIT
Discussion générale
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Messieurs, la loi générale du transit qui vous
a été présentée le 4 août
Elle a été considérée, d’autre part, par quelques
personnes, comme entachée de plusieurs précautions excessivement fiscales, de
plusieurs moyens préventifs tels, que la loi pourrait devenir inexécutable dans
beaucoup de cas.
Messieurs nous avons lieu de croire aujourd’hui
plus que jamais que la loi que nous avons soumise à vos délibérations mérite
d’être adoptée par la législature sauf quelques légères modifications que nous
aurons l’honneur de vous indiquer immédiatement.
Nous pensons, messieurs, que les personnes qui
étaient disposées à s’opposer au projet de loi à raison des difficultés
d’exécution, à raison des moyens répressifs de la douane, se rangeront à notre
avis, si elles veulent, comme nous, prendre pour juge de la question la chambre
de commerce et des fabriques d’Anvers, dont je vais avoir l’honneur de vous
communiquer les observations.
Si donc vous pensez que la chambre de commerce
d’Anvers soit un juge compétent, intéressé à ce qu’il y ait une bonne loi sur
le transit, vous vous empresserez d’adopter notre projet avec quelques-uns des
changements suggérés par la chambre de commerce elle-même ; je vous démontrerai
que les autres modifications proposées par la même administration sont
inutiles.
Messieurs je ne crois pouvoir mieux faire pour
abréger la discussion du projet de loi que de vous communiquer les observations
qui ont été faites sur ce projet par la chambre de commerce d’Anvers.
J’examinerai une à une ces observations, en les comparant aux dispositions du
projet auxquelles elles se rapportent respectivement.
Voici ce que dit en commençant la chambre de
commerce d’Anvers, par forme d’observations générales :
« Le projet, pour ce qui concerne la quotité du
droit, est libéral et ne peut manquer d’être très favorable sur notre commerce
de transit ; mais les dispositions particulières qui le régissent nous ont
paru, pour la plupart, entachées de cette rigueur fiscale qui, sous le prétexte
d’empêcher la fraude, ne sert le plus souvent qu’à paralyser l’effet des
meilleures lois. Nous avons pensé que celle actuellement soumise aux chambres,
pour qu’elle ait sur le commerce de notre pays cette influence qu’on est fondé
d’en attendre, doit être dégagée de toutes ces entraves inutiles, elle doit
surtout exclure le moins d’articles possible de la faveur du transit. Ces
exclusions ne sauraient, pour la plupart, se justifier dans l’intérêt bien
entendu de notre propre industrie, et elles auraient toujours pour inconvénient
de provoquer de la part des pays qui en seraient frappés des mesures de
représailles très préjudiciables à notre commerce en général. »
Nous allons passer à l’examen des articles.
Pour faire bien comprendre les observations de la
chambre de commerce, je vais vous donner successivement lecture des articles du
projet de loi auxquels elles se rapportent, et ce en commençant par l’article
4. Je déclarerai aussi, avant d’aller plus loin, que nous nous rallions aux
changements de rédaction proposés par la section centrale, sauf un ou deux.
L’article 4 du projet de loi porte :
« Les marchandises soumises aux droits
d’accises, de même que celles manufacturées, qui sont ou ont été déposées dans
les entrepôts particuliers ou fictifs, sont dans tous les cas exclues de la
faculté de transit. »
Voici les observations de la chambre de commerce
d’Anvers :
« Cet article exclut du transit les
marchandises soumises aux droits d’accises, de même que celles manufacturées,
déposées dans des entrepôts particuliers ou fictifs : nous pensons qu’il
conviendrait de faire une exception en faveur des sucres déposés en entrepôt
fictif dans le local de l’entrepôt libre, c’est-à-dire sans le déchet accordé
pour les entrepôts fictifs ; car autrement nous manquerons toujours comme par
le passé de sucres susceptibles d’être exportés ; par la raison que les sucres
ne jouissant pas, dans les entrepôts publics et libres, du déchet qui leur est
accordé dans les entrepôts fictifs, ceux-ci seront toujours préférés pour ces
sortes de dépôts. »
Je dirai d’abord, à l’égard de l’exception réclamée
en faveur du transit des sucres, qu’elle peut être considérée comme étant sans objet,
car les importateurs du sucre brut pourront, en le déposant à l’entrepôt libre,
l’exporter ensuite s’ils le veulent ; cette faculté leur est assurée d’après
les dispositions du projet de loi tel qu’il est formulé.
Or, il n’est pas nécessaire que le propriétaire du
sucre brut puisse tout d’abord le conduire à l’entrepôt fictif, car s’il
l’emmagasine à cet entrepôt, ce ne sera jamais que pour le transformer en sucre
raffiné, et comme tel il conservera l’avantage de pouvoir l’exporter avec la
décharge du droit calculée à raison de
L’exception proposée devient donc inutile par suite
de l’interprétation qu’il faut donner à l’art. 5 du projet du gouvernement.
Je saisirai cette occasion pour produire une
réflexion extrêmement importante, en ce qui concerne les sucres.
J’ai tout lieu de croire, messieurs, que nous
serons obligés, dans l’intérêt bien entendu du pays, de supprimer plutôt
entièrement l’accise sur les sucres que de maintenir la législation actuelle de
cet impôt.
D’après le droit établi sur le sucre brut destiné à
rester dans le pays, nous devrions percevoir, selon la consommation réelle de
Mais, comme je l’ai fait observer dans cette
assemblée, il y a déjà assez longtemps, le montant total de cette prime
s’accroît tellement par l’augmentation des exportations de sucre raffiné, qu’il
absorbera cette année la presque totalité des droits. Il est reconnu maintenant
que si les raffineurs exportent cinq fois la quantité de sucre raffiné
nécessaire à la consommation intérieure du pays, le droit sera nul pour le
trésor.
Un
membre. - Prenez-vous en à la fraude !
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - L’état de choses que je signale ne provient
pas de la fraude, mais d un vice dans la législation.
Je dis donc que si l’on exporte cinq fois la
quantité de sucre raffiné nécessaire à la consommation intérieure, ce droit
pour le trésor devient nul, parce qu’il est reconnu constant que la prime que
nous accordons à l’exportation du sucre raffiné, par la trop forte décharge des
droits pris en crédit à l’importation du sucre brut, dépasse réellement 20 p.
c.
Je regrette d’avoir à vous apprendre, messieurs,
que depuis le premier janvier dernier jusqu’à ce jour, notre impôt sur le
sucre, qui aurait dû au prorata du temps, rapporter de 6 à 700 000 francs,
selon les évaluations du budget, n’a rapporté qu’environ 40 mille francs. Voila
des chiffres qui prouveront mieux que tous les raisonnements que le moment est
venu de s’occuper sérieusement de la révision de la législation sur l’impôt des
sucres.
Je passe maintenant à l’article 5 du projet de loi.
L’art. 5 du projet est ainsi conçu :
« Ne sont admises en transit que les
marchandises qui auront été déclarées formellement à cette destination, soit au
premier bureau d entrée ou de déchargement désigné pour le transit, en cas
d’importation par terre ou par rivière, soit au lieu de déchargement en cas
d’importation de mer, dans tous les cas, la déclaration en transit devra être
faite avant le déchargement et la vérification des marchandises. Sont exclues
de la faculté du transit les marchandises sortant d’entrepôts, lorsqu’elles n’y
sont pas arrivées par un bureau d’importation ouvert au transit. »
C’est-à-dire que, quand elles sont introduites par
un bureau d’importation ouvert au transit, elles sont admises au transit.
A mes yeux cet article est clair et ne peut
s’entendre que d’une manière. Cependant, puisque la chambre de commerce
d’Anvers a témoigné des craintes sur ce qu’il pourrait être interprété
différemment, je proposerai de le modifier à peu près comme suit :
« Ne sont admises au transit que les marchandises
qui, auront été déclarées formellement en transit ou sur entrepôt ouvert au
transit. » Le reste comme l’article.
Lors de la discussion spéciale de l’art. 5, je
proposerai une rédaction plus correcte ; celle que je viens d’indiquer n’est
destinée qu’à détruire pour le moment toute incertitude sur les intentions du
gouvernement.
Je passe à l’art. 10 qui a soulevé de la part de la
chambre de commerce d’Anvers un examen sérieux.
Je vais d’abord lire cet article :
« Les marchandises déclarées en transit, après
avoir été vérifiées et reconnues conformes aux acquits-à-caution délivrés,
seront plombées, à l’exception des liquides autres que ceux de la troisième
catégorie et des métaux non ouvrés, et pourront même, si l’administration le
juge utile, être convoyées, le tout, plombage comme convoyage, aux frais des
intéressés.
« Le gouvernement pourra dispenser d’autres
marchandises du plombage, lorsque cette formalité ne sera pas jugée nécessaire,
ou encore lorsque leur chargement dans les embarcations ou sur des voitures
présente le moyen d’en plomber convenablement, et avec sûreté suffisante, les
écoutilles ou la bâche. »
Voici les observations faites par la chambre de
commerce d’Anvers :
« Le deuxième paragraphe de cet article dit
que le gouvernement pourra dispenser d’autres marchandises du plombage lorsque
cette formalité ne sera pas jugée nécessaire ; d’où il suit que chaque fois que
le négociant croira avoir droit à cette exemption, d’après la nature des
marchandises, il devra s’adresser au gouvernement ; car l’intérêt particulier
des employés étant de plomber, il n’obtiendra de ceux-ci que ce qu’il sera
légalement fondé à exiger. Il serait donc nécessaire de spécifier les
marchandises qui seront exemptes du plombage ; et en attendant qu’il y soit
pourvu, on pourrait ajouter à la suite de l’article 10 que les dispositions
particulières qui régissent la matière seront provisoirement maintenues. »
Voici, messieurs, comment nous comprenons la
rédaction de notre art. 10. Nous pensons que le gouvernement ou plutôt
l’administration des douanes fera un règlement dans lequel seront spécifiées
les marchandises qui pourront transiter sans plombage, de telle sorte que nous
rentrons dans la pensée de la chambre de commerce. Car la difficulté qu’elle
signalait était la nécessité de s’adresser au gouvernement chaque fois qu’on
voudrait faire transiter des marchandises sans plombage. Il est toutefois
indispensable de laisser au gouvernement à réglementer ce point, parce qu’il
pourrait se glisser des erreurs ou des lacunes dans une spécification expresse
formulée par la loi, et il importe, par suite, de laisser régir ce point par
des règlements susceptibles d’être modifiés selon les circonstances.
L’inconvénient de recourir chaque fois au
gouvernement pour avoir une autorisation spéciale de faire transiter sans plombage,
n’existant pas du moment qu’un règlement déterminera les marchandises qui
pourront n’être pas assujetties au plombage pour le transit, il y a grande
utilité à adopter l’article 10 tel qu’il est proposé ; car si l’on s’en
rapportait, pour le plombage, aux dispositions existantes, elles ne se
trouveraient qu’éparses et incohérentes dans la loi générale de 1822.
L’article
« Quant aux marchandises des deuxième et troisième
catégories, elles devront, si l’administration le juge convenable, être
soumises au double emballage et au double plombage, aux frais des déclarants.
La vérification par pesage ou mesurage intégral aux frais des déclarants pourra
n’être requise par l’administration ; elle sera toujours appliquée aux tissus.
Les préposés auront la faculté de lever en outre des échantillons de la
marchandise pour les enfermer dans un paquet clos et scellé, qui sera introduit
dans les colis contenant la marchandise et placé sous le plombage de ce
dernier, afin de servir à confronter l’identité de celle-ci avec ces mêmes
échantillons, partout où elle est soumise à vérification ultérieure.
« En outre, les employés constateront la forme
et la dimension des colis, pour servir également à en reconnaître et constater
l’identité. »
Voici ce que dit la chambre de commerce :
« La rigueur établie par cet article à l’égard
des tissus équivaut à une prohibition. Mieux eût valu la déclarer franchement
que de la déguiser de la sorte. Quand on considère avec quel soin et avec quel
luxe d’apprêt on emballe aujourd’hui presque tous les articles manufacturés,
comment a-t-on pu s’imaginer que le négociant ou fabricant étranger voudrait
faire usage d’une voie de transit qui exposerait les marchandises à une
dépréciation certaine et considérable par le déballage et mesurage intégral ?
« Car il est à remarquer que cette
vérification n’est pas seulement facultative, mais qu’elle est obligatoire. Or,
le négociant étranger préférera payer quelques frais de plus en passant par un
autre pays que de venir se soumettre chez nous à un régime de transit aussi
intolérable : si donc on veut sincèrement attirer le transit des manufactures
par notre pays, il est indispensable que les mots : « Elle sera toujours
appliquée aux tissus » disparaissent de l’art. 12.
« Avec cette coupure cet article n’ouvrira
encore que trop la porte la porte à l’arbitraire de l’administration. »
Messieurs, nous ne voyons pas grand inconvénient à
ne pas rendre toujours obligatoire la disposition dont il s’agit pour la visite
des tissus. L’administration veillera à ce que chaque fois que ce sera
nécessaire, le déballage et le mesurage soient effectués. Mais la chambre de
commerce trouve que l’arbitraire sera encore suffisamment large par la faculté
laissée ainsi au gouvernement : Je ferai observer, messieurs, que cet
arbitraire est nécessaire pour éviter la fraude. Parce que des tissus auront
été élégamment ployés et tassés à la presse hydraulique, on ne peut pas
admettre qu’il n’y aura ni de substitutions dans le parcours du transit, ni par
conséquent que les plombs apposés ne seront pas altérés. Il ne faut jamais, en
matière de transit de marchandises, adopter des suppositions semblables, parce
qu’il y a trop d’exemples qui prouvent qu’on abuserait d’une telle confiance.
Du reste, la chambre de commerce d’Anvers finit
elle-même par reconnaître qu’il faut laisser au gouvernement une certaine
latitude à cet égard.
Il résulte, messieurs, de ce que je viens de dire,
que nous ne verrons aucune difficulté à supprimer de l’article ces mots :
« Elle sera toujours appliquée aux tissus. »
Je passe à l’article 13 qui est ainsi conçu :
« Quant aux marchandises de la troisième
catégorie, non comprises dans la prohibition de la quatrième, la vérification
intégrale, tant à qu’à la sortie, en sera toujours effectuée de la part de
l’administration qui, lorsqu’elle le jugera nécessaire, en fera envoyer le
transport aux frais des déclarants ; il en sera également pris échantillon, et
à l’égard du sucre, il sera soumis à un essai spécial, qui consistera à en
faire dissoudre quelques parties dans un volume d’eau, afin de s’assurer qu’il
n’est point falsifié ou mélangé de matières hétérogènes. S’il arrivait que du
sucre présenté en transit fût ainsi reconnu contenir un pareil mélange au-delà
d’une tolérance de 4 p. c., le transit serait refusé, tandis que si un mélange
de cette espèce, au-delà d’une tolérance de 5. p. c. du poids du sucre, était
constatée à la sortie, les expéditeurs, déclarants, conducteurs, bateliers,
voituriers, seront, sauf leur recours l’un envers l’autre, constitués en
contravention et punis solidairement d’une amende égale au décuple du droit
d’accise, outre la confiscation du sucre compris dans le document et les moyens
de transport. »
Cet article assez long a suscité une discussion
dans le sein de la chambre de commerce, qui a demandé qu’on y apportât les
modifications que je vais indiquer avec les motifs présentes à l’appui :
« Plus d’une fois notre chambre de commerce a
réclamé coutre les dommages et retards qu’éprouvait le commerce des sucres par
suite des vérifications partielles qui se faisaient aux bureaux frontières, et
il a été constaté que ces retards étaient quelquefois de trois jours. Que
serait-ce maintenant si ces vérifications, comme le veut l’art. 13, devaient se
faire intégralement ? On peut à bon droit s’attendre que la nouvelle loi sur le
transit fera passer par notre pays une bien plus grande quantité de ces
marchandises de la troisième catégorie, surtout après l’achèvement de la route
en fer. Comment alors admettre la possibilité de ces vérifications intégrales,
sans porter un préjudice notable au commerce, tant pour les retards et les
frais qu’elles occasionnent que sur la détérioration des marchandises ?
Pour ces motifs, nous voudrions que ces vérifications intégrales ne fussent que
facultatives à l’administration, mais non obligatoires.
« Le dernier paragraphe de cet article, pour
ce qui concerne le mélange du sucre, est d’une rigueur inouïe. Il est tels
sucres communs qui, après être dissous dans l’eau, laissent un dépôt de saleté
plus ou moins grande ; il suffira, dans ce cas, de l’ignorance ou d’un faux
zèle d’un employé visiteur pour transformer ce dépôt naturel à ces espèces de
sucres en une falsification coupable d’au-delà d’une tolérance de cinq p. c.,
pour mettre l’honnête négociant sous le coup d’une amende égale au décuple du
droit d’accise, outre la confiscation du sucre et des moyens de transport :
pénalité qui peut être évaluée au-delà de onze fois la valeur de la
marchandise. Les tribunaux sont là, il est vrai, pour faire rendre justice ;
mais le dommage causé par ces démarches préventives peut être irréparable ; et
on ne doit pas laisser dans les mains de l’administration des armes aussi
dangereuses.
« Une contestation de la même nature a
occasionné naguère un procès entre un de nos négociants et l’administration des
accises, procès dans lequel cette administration a succombé, mais qui a coûté
en frais au négociant 8,500 fr., et a duré quatre ans, pendant lequel terme le
propriétaire des sucres a été privé d’un capital de 56,000 fr. et une caution
de 85,000 fr. a été engagée, Que cette leçon de l’expérience serve d’exemple
pour que l’on prévienne l’arbitraire et le danger de pareilles dispositions.
« Nous voudrions modifier cet article en ce sens :
« 1° qu’une falsification ou mélange de 5 p.
c. et au-dessous ne donnerait lieu à aucune peine ;
« 2° Au delà de 5 p. c. jusqu’à 10 p. c.,
donnerait lieu au double droit d’accises sur toute la quantité falsifiée ;
« 3° Au-delà de 10 p. c. les peines prononcées
au projet. »
Messieurs, ces observations portent sur deux
points. Le premier est qu’on devait laisser facultatif au gouvernement de faire
faire la vérification intégrale à la sortie. Nous n’avons pas d’objections à
faire à cela. Nous avons déjà admis une disposition analogue à l’art. 5. Au
reste, la disposition perdra toute sa force par suite des modifications qui
seront apportées à la législation sur les sucres.
La chambre de commerce propose en second lieu une
gradation que je trouve assez rationnelle et à laquelle je ne m’opposerai pas,
quoique je pourrais cependant prouver à la chambre, par des procès-verbaux
d’expertise que j’ai en main, faits dans des endroits différents, à Ostende, à
Anvers et à Bruges, qu’on y a régulièrement constaté que le mélange de matières
hétérogènes dans le sucre brut est inférieur à 1 p. c.
Ainsi quand nous fixions un maximum à 4 p. c., nous
n’étions pas trop rigoureux, Cependant, comme la chambre de commerce ne
s’écarte de notre chiffre que de 1 p. c. dans sa première catégorie, où elle
propose de ne prononcer aucune peine ; que pour la 2ème
catégorie de 5 à 10 p. c. elle établit une amende, et que pour la 3ème catégorie elle admet toute la pénalité de notre projet
pour le sucre brut altéré par un mélange supérieur à 10 p. c., je ne vois pas,
je le répète, grande difficulté à admettre la gradation proposée.
Maintenant vient l’art. 14 sur lequel est présentée
une simple observation, en ce qui concerne le sucre candi. Nous n’avons pas de
motif sérieux de nous opposer à la modification que la chambre de commerce
désire voir introduire dans le projet, et qui consiste à maintenir spécialement
les droits actuels de plombage à 10 centimes par caisse de 25 kil. et
au-dessous, et à 20 centimes pour les caisses de plus de 25 kil : cette
modification nous paraît insignifiante.
« Art. 15. Outre les objets prohibés énoncés
dans la quatrième catégorie (état B), il est réservé au Roi, dans l’intervalle
des sessions législatives, et sauf à donner communication de ces dispositions
aux chambres, lors de leur prochaine session, de ranger sous cette prohibition
telle autre marchandise ou denrée à l’égard desquelles l’intérêt de l’Etat ou
celui de l’industrie et du commerce pourrait rendre cette disposition
nécessaire. »
La chambre de commerce pense qu’il serait dangereux
d’accorder au gouvernement le pouvoir mentionné dans cet article. Je vais lire
ses observations ; elles sont courtes.
« Ne serait-il pas dangereux de laisser au Roi
ou au gouvernement la faculté que lui confère cet article ? n’aurait-on pas à
craindre qu’un ministre rétrograde, ou cédant aux obsessions de tel ou tel
industriel, ne vienne encore ajouter à la liste déjà trop nombreuse des objets
prohibés ? Nous ne voyons pas l’urgence de pareilles mesures dans l’intervalle
d’une session à une autre ; et pour ce qui est de l’intérêt de l’Etat, nous ne
comprenons pas ce qu’il peut avoir de commun avec un transit de marchandises ;
car, pour les armes et munitions de guerre, les précautions prises dans le
projet nous paraissent suffisantes. Nous serions donc d’avis de supprimer tout
à fait cet article.
Il me semble, messieurs, qu’au moyen de la
disposition additionnelle proposée par la section centrale et à laquelle le
gouvernement se rallie, les craintes manifestées doivent cesser ; voici cette
addition :
« Les dispositions prises par le gouvernement,
en vertu des pouvoirs que lui confère le présent article, cesseront de plein droit
leur effet immédiatement après la session pendant laquelle il en aura été donné
communication aux chambres. »
Vous voyez que l’arbitraire laissé au gouvernement
ne sera plus si effrayant, puisqu’il devra tomber de lui-même à des époques
prévues et indiquées ; le ministre rétrograde que la chambre de commerce voit
en perspective, ne sera donc pas aussi dangereux qu’elle le craint.
Quoi qu’il en soit, il importe de réserver au
gouvernement la faculté que nous demandons par le projet ; elle a un caractère
politique qu’il ne faut pas méconnaître ; le Roi doit pouvoir, dans certains
cas, empêcher le transit de telle ou telle marchandise, qu’elle soit munition
de guerre ou non, pourvu que sa provenance justifie cette interdiction.
« Art. 16. Après les dispositions relatives à
l’importation et à la vérification des marchandises, et le tout étant trouvé
conforme à la déclaration, le transport en aura lieu immédiatement, sans qu’on
puisse décharger ni emmagasiner en route, ailleurs qu’en entrepôt public, et encore
moins changer les colis ou leurs marques et numéros, sous peine d’être privé de
la faveur du transit.
« Cette annulation du transir ne sera
cependant pas applicable aux marchandises reconnues intactes, et pour
lesquelles on prouvera par un certificat à délivrer par deux préposés qu’un
retard a eu pour cause une force majeure et tout à fait indépendante de la
volonté du conducteur ; dans ce cas, les marchandises seront déposées dans
l’entrepôt public, s’il en existe un, ou dans un magasin, fermant à clef, mis
sous la surveillance des préposés. Ce dépôt aura toujours lieu aux frais des
intéresses ; il ne pourra excéder trois mois, à moins de prolongation à
accorder par l’administration en cas de nécessité.
« Les causes du retard seront certifiées sur
les acquits-à-caution, par les préposés qui les auront constatées, et de
nouveaux délais nécessaires pour effectuer le transport, seront accordés par le
préposé supérieur du lieu. »
La chambre de commerce a fait remarquer que la
condition de ne pas décharger était une innovation, qu’elle ne se trouvait pas
dans la loi générale, et qu’elle pourrait souvent empêcher le transit des
marchandises, et par exemple, d’Anvers en Prusse.
Dans ce trajet, les marchandises arrivées à Louvain
par la voie d’eau, dit-on, doivent nécessairement être déchargées pour être
transportées par la voie de terre. Mais je répondrai qu’un tel déchargement ne
pourrait entraîner d’inconvénient.
Louvain, comme Bruges, comme Bruxelles et autres
villes, ont des entrepôts publics où on opérerait le déchargement des
marchandises et d’où l’on aurait pleine liberté de les emporter par transit,
puisque d’après le projet l’annulation du transit ne s’applique de plein droit
qu’aux marchandises déchargées ailleurs qu’en entrepôt public. Il est toutefois
possible qu’il arrive, bien rarement sans doute, que l’on doive transposer des
marchandises d’un moyen de transport à un autre dans des lieux où il n’y aurait
pas de ces entrepôts publics ; pour prévoir ces cas, quelque rares qu’ils
soient, je proposerai la rédaction suivante :
« Sans que l’on puisse décharger hors de la
présence des employés. »
C’est là tout ce qui peut être concédé, car le
déchargement des marchandises abandonné sans restriction à la volonté de celui
qui transite serait donner un passeport à la fraude.
Messieurs, l’article 21 du projet est extrêmement
long, et je vous en épargnerai la lecture. Il porte que les acquits de transit
seront immédiatement renvoyés par les receveurs de l’extrême frontière aux
bureaux d’entrée, afin d’opérer la confrontation.
La chambre de commerce d’Anvers voudrait qu’un
récépissé fût donné, sur le dépôt de cet acquit, au transiteur,
et qu’il lui servît de décharge suffisante : nous pensons que la délivrance
d’un pareil document serait très dangereuse. Sans démontrer même ce danger, je
pourrais me borner à opposer la législation actuelle qui ne l’autorise pas, et
cependant jamais il n’y a eu d’abus ni de réclamation à ce sujet.
Mais voici, messieurs, ce qui arriverait si l’on
délivrait un simple récépissé contre le dépôt de l’acquit : celui-ci porte au
dos les détails indispensables à l’administration pour pouvoir vérifier s’il
n’y a pas eu de fraude ; les visas, les preuves de visites y sont apposés d’une
manière authentique, tandis que le récépissé que l’on demande contiendrait
uniquement une énonciation que les formalités ont été remplies. Dé là
résulterait que quand on aurait fraudé pendant le trajet, on ferait
bénévolement égarer l’acquit, et on ne présenterait que le récépissé,
insuffisant pour pouvoir opérer la vérification, et la fraude serait légalisée.
La modification sollicitée est donc inadmissible.
L’art. 25 est ainsi conçu :
« Toute déviation de la route directe
déterminée pour le transport, tout déchargement de marchandises, déclarées en
transit ou changement de moyens de transport opéré à l’insu de
l’administration, ou hors de la présence de ses préposés, tout bris, rupture ou
altération soit entier, soit partiel des scellés, des plombs ou des cordes
auxquelles ils sont attachés, ainsi que leur rajustement frauduleux,
entraînera, par le fait, l’annulation du transit avec amende du double droit
d’importation ou d’accises le plus élevé, sur toute la quantité mentionnée au
document, à charge des assujettis prédésignés ; le
capitaine, batelier ou conducteur, étant d’ailleurs responsable de cette
amende, sauf recours contre qui il appartient, l’administration ne sera point
tenue de mettre en cause d’autres intéressés, sans préjudice toutefois à son
action contre eux, pour cette pénalité que pour des amendes et confiscations
applicables à la fraude dont l’un ou l’autre de ces faits serait accompagné.
« Si cependant il était reconnu par
l’administration que la rupture des plombs fût l’effet d’un accident dont les
intéressés auraient prévenu les préposés avant que la vérification ne fût
commencée, et que d’ailleurs cet accident ne décelât aucun indice de fraude, il
n’y aura lieu d’exiger que l’annulation du transit, outre le paiement du simple
droit d’importation et l’accise. »
Voici les observations de la chambre de commerce
sur cet article :
« Nous serions d’avis de supprimer de cet article
les mots : « tout déchargement de marchandises déclarées en transit ou
chargement de moyens de transport opéré
à l’insu de l’administration ou hors de la présence de ses préposés, » par
les motifs développés dans nos observations à l’article 16. Le reste de ce
premier paragraphe, quoique prêtant plus ou moins à l’arbitraire des employés,
peut être conservé, parce qu’il est bon d’intimider ceux qui auraient envie de
frauder ; mais le second paragraphe nous a paru un chef-d’œuvre de fiscalité.
Comment en effet concevoir que lorsqu’il sera reconnu par que le bris des
plombs ou des cordes est l’effet d’un accident, et que d’ailleurs cet accident
ne décelât aucun indice de fraude, on perdra néanmoins la faculté du transit
avec amende de 50 fr. par colis, outre le paiement du simple droit
d’importation et d’accise ?
« Il est de principe en équité que là où il
n’y a pas de faute, il ne peut y avoir de pénalité ; et si une disposition aussi
contraire à cette sage doctrine pouvait être sanctionnée par la législature,
elle compromettrait à elle seule toute la loi. On conçoit aisément combien il
est facile, pour des transports sur voitures surtout, que les plombs ou cordes
se trouvent altérés pendant le trajet, soit par le frottement, soit aux
déchargements et rechargements en route. On concevra même plus difficilement la
possibilité d’éviter ces petits accidents partiels. Eh bien, alors, et
quoiqu’il soit reconnu à toute évidence qu’il n’y a eu aucune intention de
fraude, on n’en sera pas moins passible des pénalités prononcées par le susdit
article.
« Quel serait le négociant ou commissionnaire
qui, en présence d’une telle loi, voulût se charger de la commission de
marchandises destinées au transit ? Assurément il ne s’en trouverait pas
d’assez mal avisé pour se soumettre bénévolement à un pareil risque pour une
simple commission de passage. Car il faut remarquer que pour une contravention
de cette nature ces négociants ou commissionnaires seraient privés de tout
recours, soit contre le voiturier ou leur commettant. Nous sommes donc d’avis
que, dans le cas du deuxième paragraphe de l’art. 25, il ne peut être admis
aucune pénalité. Cela est d’ailleurs conforme à l’article 135 de la loi générale,
art. XV. »
Je pense que la disposition critiquée et qui, au
premier abord, peut paraître contraire à tous les vrais principes, est très
facile à justifier. Je dirai premièrement que nous voyons l’exemple de
semblables dispositions dans nos lois pénales. Lorsqu’il est malheureusement
arrivé que quelqu’un a tué une autre personne, son meilleur ami, par un
accident bien involontaire, il a encouru des peines assez fortes.
M. Rogier. - Il
n’est pas condamné à mort.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Laissez-moi achever ; on n’applique pas ici
non plus le maximum de l’amende, bien s’en faut.
Je dis donc que nous avons dans nos lois pénales
des exemples analogues à ce qui est proposé dans l’article 25 ; secondement je
dirai que la disposition est nécessaire ; en effet, si vous n’imposiez pas une
obligation au voiturier de veiller à ce que les colis restassent bien entiers
et bien sains, il arriverait dans beaucoup de circonstances qu’on laisserait tomber
volontairement un ballot de marchandises, pour voir si l’on ne pourrait pas
impunément en extraire quelque chose.
Si des employés survenaient pendant la tentative de
fraude ainsi combinée, on en serait quitte pour dire que c’est un accident ; si
l’on peut réaliser l’intention, tant pis pour le trésor ou pour l’industrie
similaire du pays. Il est donc important de maintenir une sanction pénale de
l’obligation qui impose à celui qui transporte d’amener le tout en bon état.
Toutefois, j’avoue que la rédaction de l’article
peut être meilleure ; aussi proposerai-je de modifier de la manière suivante le
dernier paragraphe de l’article 25 :
« Si cependant il était reconnu par
l’administration que la rupture des plombs fût l’effet d’un accident dont les intéressés
auraient prévenu les préposés avant que la vérification ne fût commencée, et
que d’ailleurs cet accident ne décelât aucun indice de fraude, mais seulement
une négligence ou une imprudence, il n’y aura lieu d’exiger que l’annulation du
transit, avec amende de cinquante francs par colis, outre le paiement du simple
droit d’importation et l’accise.
« Aucune amende ne sera exigible si la rupture
ou l’altération des plombs est le résultat d’une force majeure dûment
constatée. »
Remarquez que la pénalité de 50 fr. comminée ici
(vous ne considérerez pas comme pénalité l’obligation de déclarer la
marchandise en consommation) n’est pas très considérable ; il en sera
d’ailleurs de cette pénalité comme de beaucoup d’autres : l’administration
pourra remettre l’amende selon les circonstances ; elle ne se montre peut-être
que trop indulgente à cet égard.
Il me reste à parler sur l’article 36 ; cet article
porte :
« Art. 36. Sont toutefois exceptées de
l’application de ce droit, mais soumises au régime du transit :
« 1° les marchandises désignées dans l’état
annexé à la présente loi sous l’état D, qui demeureront soumises à un droit de
transit spécial indiqué pour chacune d’elles ;
2° celles dont le transit est déclaré libre et qui
sont indiquées dans l’art. C. »
Voici les observations que cet article a provoquées
de la part de la chambre de commerce :
« Cet article détermine les exceptions à la
loi générale du transit, et parmi les marchandises soumises à un droit spécial
(état D), nous y voyons figurer : 1° les draps taxés à 10 fr. les cent kil. ;
2° les livres taxés à 20 fr. les cent kil. »
Je vous prie de faire attention à la manière dont
la chambre de commerce s’exprime relativement à cet article 36.
« Nous nous sommes demandé sur quels motifs
plausibles pouvaient reposer ces exceptions, et nous n’en avons trouvé aucun.
Au contraire, nous nous sommes convaincus qu’elles ne pourraient que provoquer
de la part de nos voisins, notamment de
« Un droit exceptionnel sur les draps nous
paraît donc très impolitique, et attirerait inévitablement des mesures de
représailles très onéreuses pour notre industrie.
« Pour les livres, les conséquences nous
semblent moins importantes. Cependant nous ne voyons pas l’utilité de les
frapper d’un droit aussi élevé. S’il est vrai que la librairie coûte moins cher
en Belgique que dans les autres pays, qu’avons-nous à craindre du transit ? En
France et en Prusse, cet objet est soumis au droit général de transit, et
Vous venez de remarquer, messieurs, que l’on
présente le droit de 10 francs sur les 100 kilog. de draps, le droit de 20 fr.
sur les 100 kilog. de livres comme une innovation, comme une élévation des
droits existants. Ceci est une erreur grave de la part de la chambre de
commerce d’Anvers. Ces droits sont ceux qui existent aujourd’hui ; nous n’avons
donc pas à craindre qu’on use de représailles, puisque nous ne modifions rien ?
A l’égard des draps il y a peut-être une question
en quelque sorte préjudicielle à examiner. Nous avons soumis à la chambre un
projet de loi portant diverses modifications au tarif des douanes, et d’après
lequel la prohibition des draps de France serait levée. Si (ce que je ne pense
pas) la chambre voulait discuter dès maintenant la question en ce qui concerne
les draps, et considérer comme admise la levée de la prohibition des draps de
France, peut-être n’y aurait-il pas lieu de maintenir le droit de transit
existant sur les draps. Mais, comme telle ne sera pas sans doute l’intention de
la chambre, attendu que le projet de loi de modification du tarif des douanes
forme un ensemble dont il convient de combiner toutes les diverses parties
entre elles, je crois qu’il n’y a aucun
motif plausible de ne pas maintenir le droit de 10 fr. sur le transit des
draps.
Il en sera de même en ce qui concerne les livres :
toutefois s’il était démontré que notre librairie est tellement supérieure à
celle des autres pays que nous pouvons fournir les livres à un prix bien
inférieur aux leurs, peut-être y aurait-il lieu d’abaisser quelque peu le droit
de 20 fr. Nous n’y tenons pas d’une manière irrévocable.
Reste une dernière et courte observation sur l’état
B annexé à la loi ; cet état est ainsi conçu ;
« Etat litt. B des
marchandises prohibées au tarif (4ème catégorie)
« Marchandises sujettes aux accises :
« 1° Boissons distillées ;
« 2° Saumure, sel brut et raffiné ;
« 3° Sucre raffiné.
« Marchandises non sujettes aux accises :
« 1° Armes et munitions de guerre (le transit
n’en est permis sur que par les bureaux des frontières vers les pays qui ne
sont point en état d’hostilité avec
« 2° Bestiaux, à l’exception des chevaux et
mulets ;
« 3° Drilles et chiffons ;
« 4° Fer ;
« 5° Pierres à diguer ;
« 6° Pipes de terre ;
« 7° Poudre à tirer ;
« 8° Vinaigre de toute espèce. »
Voici à cet égard les observations de la chambre de
commerce :
« D’après l’exposé des motifs du projet de
loi, on signale les lumps d’Angleterre comme devant fournir un aliment
important à notre transit, et dans la loi on les prohibe.
« Jusqu’à présent le transit des sucres
raffinés est permis, mais il n’en transite pas, nos raffineurs pouvant
provisoirement livrer à meilleur marché ; mais cela peut changer, l’Angleterre
et
« On aura beau faire, par des mesures
exceptionnelles, on ne retirera jamais, de la part des autres pays, que des
mesures analogues contre nous, au grand préjudice de notre propre industrie
qu’on aura voulu favoriser par ces mesures. Nous ne voyons donc aucune raison
d’excepter les sucres raffinés de la loi commune du transit, et encore moins de
les prohiber. Il en est de même pour les boissons distillées et vinaigre, dont
le transit est permis par le tarif actuel, et rien ne nous paraît légitimer la
proscription dont les trappe le nouveau projet de loi. »
D’après tout ce que j’ai eu l’honneur de dire en
commençant, relativement au commerce du sucre, ces observations n’ont pas de
portée, parce que je pense qu’il sera équitable d’abandonner aux consommateurs
belges, à tous nos concitoyens indistinctement, les deux ou trois millions de
francs que l’accise sur les sucres devrait nous fournir d’après l’import du
droit, nous ferons équitablement, dis-je, en gratifiant plutôt les
consommateurs de cette belle somme que de la continuer à leur détriment en une
prime immense décernée à quelques privilégies d’une industrie spéciale.
Je pense donc que la question perd beaucoup de son
importance. Car, soit que l’on persiste à conserver des avantages à l’industrie
des raffineurs de sucre, soit que l’on supprime complètement les droits, la
disposition sera sans portée, parce que dans le premier cas la prime accordée
aux raffineurs de sucre doit être tellement réduite qu’elle n’influera en rien
sur la fraude dans le pays par le transit des sucres étrangers ; parce
qu’enfin, si on supprime toute l’accise sur les sucres, la disposition sera
sans objet, attendu qu’il ne subsisterait plus ainsi qu’un droit insignifiant
de douane nécessaire seulement pour constater dans notre statistique le montant
de l’importation.
Pour les boissons distillées les observations ont
plus de portée ; mais vous reconnaîtrez, messieurs, que si on autorisait le
transit des spiritueux étrangers, on y substituerait facilement des spiritueux
fabriqués dans le pays qui ont une valeur moindre dans le commerce, Il y aurait
fraude imminente, inévitable, et cette simple objection suffira pour vous
convaincre qu’il n’y a pas lieu de faire droit à la réclamation de la chambre
de commerce d’Anvers en ce qui concerne les spiritueux.
Il résulte des explications dans lesquelles je
viens d’entrer, et qui par leur nature ont dû nécessairement être fort longues,
que nous serons maintenant à peu près d’accord, sur les différentes
dispositions du projet de loi sur le transit, avec ceux même qui le regardaient
comme très défectueux ; car les principes qui dirigent les membres de la
chambre de commerce d’Anvers ne seront sans doute récusés par aucun des
représentants qui professent les maximes les plus larges de liberté commerciale.
Cette chambre de commerce connaît mieux que personne les dispositions qui
peuvent être convenablement appliquées dans les différentes matières dont il
s’agit.
Sous le rapport des facilités qu’elle réclame, on
peut s’en rapporter entièrement à elle. Vous hésiterez d’autant moins,
messieurs, à adopter le projet, avec les modifications que je viens de
consentir, lorsque vous saurez que la chambre de commerce d’Anvers, écrivant à
M. le ministre de l’intérieur, l’engage instamment, dans le cas même où aucune
modification au projet ne pourrait être admise, à faire tous ses efforts pour
que ce projet soit immédiatement adopté par la législature. Le passage de la
lettre d’envoi des observations de la chambre de commerce et des fabriques
d’Anvers, auquel je viens de faire allusion, est ainsi conçu :
« Nous avons l’honneur de vous déclarer, M. le
ministre, que si vous jugiez que des modifications ne pourraient être apportées
qu’en reculant la discussion à une époque plus éloignée, nous attachons trop
d’importance à voir consacré par une loi le grand principe d’un transit libre
et à des droits modérés pour ne pas nous résigner aux inconvénients qu’elle
doit entraîner ; d’autant plus que ces inconvénients ne seront que temporaires
et ne survivront pas à l’achèvement des routes en fer qui joindront l’Océan à
toutes nos frontières. Les marchandises pouvant alors s’expédier d’un seul
trajet de nos entrepôts libres jusqu’au-delà de nos frontières, la surveillance
de la douane sera plus facile, et la terreur de la fraude cessera d’être un
motif à des mesures préventives trop rigoureuses. »
Messieurs, je dois faire à l’assemblée une dernière
observation, c’est que nous pouvons ici attester de notre empressement, de
notre bonne volonté à chercher à nous entendre sur les dispositions de la loi
du transit. La lettre dont je viens de vous lire un passage, et les
observations qui y sont jointes sont parvenues avant-hier à mon collègue de
l’intérieur. C’est hier à la séance qu’il me les a communiquées. Je les ai,
comme vous voyez, examinées sans retard, et je les ai confrontées avec le
projet en discussion. J’admets enfin dès aujourd’hui celles de ces observations
qui sont réellement admissibles. Vous vous joindrez à nous, messieurs, et
procédant immédiatement à la discussion et à l’adoption des articles de la loi
soumise à vos délibérations, vous concourrez à doter le pays d’un nouveau
bienfait.
Lorsque vous aurez voté cette loi, messieurs, vous
aurez ajouté un travail extrêmement utile aux nombreux et importants travaux
que vous avez déjà terminés pendant cette session.
M. le président. -
M. le ministre des finances consent-il à ce que la discussion s’ouvre sur le
projet de la section centrale.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Nous demandons que la discussion s’établisse
sur le projet du gouvernement.
M. le président. -
Alors les propositions de la section centrale seront considérées comme
amendement.
Motion d’ordre visant à
ajourner la discussion
M. le président. -
La parole est à M. Hye-Hoys pour une motion d’ordre.
M. Hye-Hoys. -
Messieurs, nous voyons dans le rapport fait au nom de la section centrale par l’honorable
M. Desmaisières, sur le projet de loi relatif au transit, que M. le ministre de
l’intérieur a recueilli les avis des chambres de commerce sur le projet de loi
y annexé sous le litt. A ; que ces avis, au nombre de
sept, sont tous favorables à ce projet, et qu’ils seront déposé sur le bureau
pendant la discussion.
Ces avis favorables seraient d’un grand poids sans
doute, s’il s’agissait de la discussion de ce projet de loi ; mais il n’en est
point ainsi : le projet sur lequel les chambres de commerce ont donné leur
avis, et qu’elles devaient par suite s’attendre à voir soumis tel qu’on le leur
avait envoyé, à la sanction des chambres législatives, n’est pas du tout celui
présenté à nos délibérations ; par conséquent les avis favorables dont on se prévaut,
ne peuvent exercer aucune influence sur ce second projet de loi ; et hier M. le
ministre de l’intérieur vous a déjà prévenu qu’il avait reçu des réclamations à
cet égard de la chambre de commerce d’Anvers.
Ils le peuvent d’autant moins que le premier
projet, littera A, ne fait que réduire les droits de transit existants à un
simple droit de balance, sans rien changer à la législation réglementaire qui,
depuis la loi générale du 26 août
Il convient donc essentiellement de consulter,
avant toute discussion, comme parties intéressées, les chambres de commerce du
royaume, sur la question vitale de savoir si le régime de transit proposé est
ou n’est pas préférable à celui auquel on veut le substituer, et s’il y a
nécessité de changer dans l’intérêt du pays, et dans celui du commerce de
transit, la législation qui établit ce régime.
Je ne vous dissimulerai
pas, messieurs, que, dans mon opinion, cette question se résout tout à fait
négativement. On semble avoir perdu de vue, dans le second projet de loi, une
considération qui doit politiquement dominer notre système de transit,
impérieuse nécessité où nous sommes de régler le nôtre sur celui adopté en
Hollande, lequel est également aujourd’hui en vigueur en Belgique, et qu’y
conservait sagement le premier projet ; étant de toute évidence que nous ne
pourrions entourer le transit de gênes, d’exigences et de mesures fiscales qui
le rebuteraient, sans lui faire prendre une direction où il ne les
rencontrerait pas.
Le projet de loi de transit qui nous est présenté
me paraît devoir amener ce fâcheux résultat. Je le trouve tel, et les nombreux
amendements qu’il provoque, indépendamment des développements étendus qu’il
faudrait leur donner, en changeraient tellement la contexture, qu’il serait
difficile d’en faire, autrement qu’en le refondant tout entier, un tout bien
coordonné.
Je renoncerai donc à en présenter, et je me
bornerai à voter, si on le discute, contre le projet de loi.
J’ai l’honneur de proposer par tous ces motifs, à
la chambre, de renvoyer le projet de loi à la commission d’industrie, pour être
par elle apprécié, après avoir pris sur ses dispositions réglementaires l’avis
des chambres de commerce.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Je viens m’opposer à la motion faite par l’honorable préopinant.
M. Hye-Hoys a parlé du projet qui a été communiqué
aux chambres de commerce, à l’effet d’obtenir leur avis. Il est bon que la
chambre sache que c’est au mois de février 1835 que ce projet fut communiqué
aux chambres de commerce en même temps qu’à M. le ministre des finances, afin
que mon honorable collègue émit également son opinion sur le projet et
s’occupât des mesures de douane nécessaires pour réprimer la fraude.
Les dispositions fondamentales de la loi sur le
transit, celles sur lesquelles les chambres de commerce avaient intérêt à
délibérer auront donc été communiquées. Les dispositions relatives à la
répression de la fraude, à laquelle le transit pourrait donner lieu, ont été
arrêtées par M. le ministre des finances et moi.
Il y a un an que le projet a été imprimé et publié
tel qu’il est soumis aujourd’hui à vos délibérations. Les chambres de commerce
ont donc pu le soumettre à un second examen ; c’est ce qu’a fait la chambre de
commerce d’Anvers. Il résulte de tout ceci que le renvoi du projet aux chambres
de commerce serait un ajournement sans aucune espèce de fondement. Je ne
comprends pas ce que les chambres de commerce pourraient faire de nouveau et
d’utile sur une loi qu’elles ont eu tout le loisir d’examiner, et sur laquelle
il leur était libre de m’adresser de nouvelles observations si elles l’eussent
jugé utile.
M.
Lardinois. - Nous venons seulement d’apprendre par la bouche de M. le
ministre des finances que la chambre de commerce d’Anvers a été consultée (réclamations), qu’elle a envoyé un avis
officieux, si l’on veut, sur le projet de loi en discussion. Ce mémoire
renferme des renseignements utiles. Je propose à la chambre d’en ordonner
l’impression. (Appuyé.)
Je demanderai à MM. les ministres si les chambres de
commerce ont été consultées sur le projet actuel. Je vois que sur les 16
chambres du royaume il y en a 7 qui ont été consultées sur l’ancien projet.
Mais ces 7 chambres sont probablement les plus intéressées à ce projet de loi.
Car la loi sur le transit offre ses avantages et ses inconvénients. Elle
favorisera particulièrement le commerce des villes maritimes, et les dangers
qu’elle peut traîner après elle retomberont en partie sur l’agriculture et
principalement sur l’industrie proprement dite. Que l’on veuille donc consulter
les diverses chambres de commerce et les industries manufacturières, qui savent
les dangers auxquels une pareille loi peut les exposer
M. le ministre
de l'intérieur (M. de Theux). - Nous avons consenti dès le principe et
nous consentons bien volontiers à l’impression de la lettre et des observations
de la chambre de commerce d’Anvers. La chambre n’aura pas oublié que nous avons
pris l’initiative.
La motion d’ordre que l’on
fait en ce moment, est entièrement déplacée. C’est, dit-on, dans l’intérêt de
l’industrie et de l’agriculture que l’on voudrait consulter les chambres de
commerce des villes manufacturières. Je ferai observer qu’elles ont été
consultées sur le projet de loi, alors qu’il n’était pas entouré de toutes les
garanties qui j’y trouvent maintenant pour la répression de la fraude. L’avis
favorable qu’ont donné les chambres de commerce de Verviers, de Liége, de
Tournay, etc., ne pourrait qu’être plus favorable encore depuis que la loi contient
des garanties contre la fraude.
La chambre de commerce s’est particulièrement
attachée à combattre quelques-unes de ces garanties proposées dans le projet
définitivement arrêté par le gouvernement. Il était tout simple que la chambre
de commerce d’Anvers fît parvenir au gouvernement ses observations sur des
mesures protectrices qu’elle combattait, et qui sont donc loin d’être de nature
à alarmer l’agriculture et l’industrie. M. le ministre des finances a déjà fait
entendre de quelle manière, dans son opinion, l’on pourrait satisfaire en
partie aux objections de la chambre de commerce d’Anvers sans froisser en
aucune manière les justes réclamations de l’industrie et de l’agriculture.
Cette proposition d’ajournement ne peut donc être
considérée que comme une fin de non-recevoir.
M.
Gendebien. - Il me semble que la motion d’ordre des honorables MM.
Hye-Hoys et Lardinois est au moins prématurée. Il faut l’ajourner dans
l’intérêt même de ceux qui l’appuient, jusqu’à ce que la discussion ait été
entamée. Nous n’avons entendu jusqu’à présent que M. le ministre des finances.
Laissons la discussion se prolonger jusqu’à la fin de la séance. Si alors la
chambre trouve, en effet, qu’il y a nécessité de consulter les chambres de
commerce du royaume, elle les consultera : mais attendons au moins que la
discussion nous en démontré la nécessité.
Je vous demande quelle opinion l’on peut se former
sur la nécessité de consulter les chambres du royaume, alors que l’on n’a
entendu aucun orateur. M. le ministre des finances nous a bien fait connaître
le système du projet et les observations de la chambre de commerce d’Anvers.
Mais nous ne savons pas encore si ces observations trouveront de l’écho dans la
chambre, enfin ce que l’assemblée peut avoir l’intention de faire.
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - Je pense qu’il y a un motif
décisif pour ne pas différer la discussion de la loi. Lundi prochain
Les chambres de commerce du royaume qui ont un vif
intérêt à les suivre, pourront les commenter et présenter des observations si
elles le jugent utile. Nous accueillerons également tous les renseignements qui
nous viendront d’autre part sur cette importante question. La chambre pourra en
juger la justesse et en faire l’application, s’il y a lieu, au second vote que
nous aurons la précaution de fixer à un intervalle convenable du premier. De
cette manière la discussion du projet de loi soumis en ce moment à vos
délibérations ne souffrira aucun retard.
M. Desmaisières,
rapporteur. - Je crois aussi que les chambres de commerce doivent être
consultées sur le projet de loi, car M. le ministre de l’intérieur vient de
nous rappeler ce que j’ai annoncé dans le rapport, que les chambres de commerce
n’ont été consultées que sur le projet rédigé par le ministre de l’intérieur,
qui ne contenait aucune mesure de précaution pour empêcher que le transit libre
ne devînt un moyen de fraude à l’importation et à l’exportation. C’est
précisément sur ce point que l’industrie et l’agriculture doivent être
consultées et c’est aussi sur ce point que l’avis des chambres de commerce n’a
pu porter, à l’exception de celle d’Anvers qui a envoyé hier son opinion.
Je vais vous rendre compte de ce qui s’est passé à
la section centrale. La section centrale a adressé au ministre de l’intérieur
cette question :
Le ministre a-t-il consulte les chambres de
commerce du royaume ? Dans le cas d’affirmative, l’on demande la production des
avis de ces chambres de commerce. »
Le ministre a répondu de la manière suivante :
« Réponse à la note soumise par M.
Desmaisières, relative à la loi du transit.
« Le ministre de l’intérieur a conçu les principes
de la loi sur le transit, actuellement soumis à la législature. Ces principes
étaient formulés dans le projet de loi ci-joint, par copie, et sur lequel les
principales chambres de commerce du pays ont été consultées et ont donné un
avis favorable.
« En restreignant ce projet aux cinq articles
qui les composent, le ministre de l’intérieur était parti de l’idée que les
dispositions relatives au transit, renfermées dans la loi générale du 26 août
1826, pouvaient continuera recevoir leur exécution, sauf les changements que M.
le ministre des finances aurait jugés nécessaires.
« A cet égard, le ministre de l’intérieur a dû
s’en rapporter aux connaissances pratiques de l’administration des douanes, qui
a formulé les autres dispositions qui font l’objet des questions ultérieures de
M. Desmaisières.
« Ces dispositions n’ont pas été soumises à
l’avis de chambres de commerce qui n’avaient à émettre leur opinion que sur les
principes, c’est-à-dire sur le changement du système.
« M. le ministre des finances enverra
directement à M. Desmaisières la réponse aux questions qui concernent
spécialement son département. »
Maintenant, la section centrale a encore adressé à
M. le ministre de l’intérieur une autre question qu’elle croyait aussi
concerner les attributions de ce département ; c’est celle-ci :
« Quels sont les motifs qui ont fait
comprendre dans les tableaux A, B, C et D, annexés au projet de loi, chacune
des espèces de marchandises qu’on y voit figurer ? »
Par la réponse de M. le ministre de l’intérieur que
j’ai lue tout à l’heure, vous pouvez voir que ce ministre a cru que la question
dont il s’agit concernait les attributions du département des finances ; la
section centrale a donc adressé cette question à M. le ministre des finances,
et voici ce qu’il a répondu :
« Les marchandises exclues du transit, ou
celles qui sont soumises à des restrictions spéciales, le sont à raison de leur
nature qui exige ces exceptions dans l’intérêt des revenus de l’Etat, soit
parce qu’elles prêtent à des substitutions trop faciles qu’il serait impossible
d’empêcher, soit à cause de l’élévation des droits de consommation dont elles
sont frappés. »
Vous voyez, messieurs, que ces raisons sont
extrêmement vagues et qu’elles ne répondent pas d’une manière catégorique et
explicite à la question faite par la section centrale ; aussi cette section ne
s’en serait pas contentée si la chambre ne l’avait pressée de terminer son
travail, mais elle a dû passer outre, d’autant plus que sur la demande d’un
honorable député d’Anvers l’assemblée a mis la loi du transit à l’ordre du jour
avant même que le rapport ne fût déposé sur le bureau.
Comme je viens de vous le faire remarquer tout à
l’heure, il est indispensable que les chambres de commerce des villes
industrielles du royaume soient consultées sur le projet de loi concernant le
transit tout entier, et surtout sur les moyens de précaution que ce projet
établit pour empêcher que le transit ne devienne un moyen de fraude ; car nous
sommes tous d’accord que le transit peut et doit même être libre, quant au
droit à payer, mais aussi que le transit ne peut pas devenir un moyen de
fraude, soit à l’importation, soit à l’exportation. C’est surtout ceci qu’il
faut avant tout prévenir, et si le transit n’était pas possible sans être un
moyen de fraude, il faudrait y renoncer, car les intérêts de l’industrie et de
l’agriculture sont plus importants encore que ceux du commerce de transit.
Les avis qui ont été transmis à M. le ministre de
l’intérieur par les chambres de commerce qui avaient été consultées sur le
premier projet sont au nombre de sept : la chambre de commerce de Tournay a
transmis sa réponse en date du 6 mars 1835 ; elle approuve le système de
rédaction des droits de transit et exprime le désir qu’on autorise aussi le
transit des vins venant d’Allemagne ; celle d’Anvers dit qu’elle a vu le projet
avec la plus vive satisfaction, et fait en terminant quelques observations sur
plusieurs articles de ce projet ; la chambre de commerce d’Ostende s’est
également montrée favorable au projet ; celle de Verviers appelle l’attention
du gouvernement sur les mesures à prendre pour empêcher la fraude ; celle de
Mons a de même approuvé le projet ainsi que celles de Bruxelles et de Liége.
Mais, dans la note que M. le ministre de l’intérieur a transmise à la section
centrale, il dit que les principales chambres de commerce avaient été
consultées ; on n’a cependant pas demandés l’avis de plusieurs chambres de
commerce qui sont pour le moins aussi principales que celles dont je viens de
citer les réponses ; je ne vois pas, par exemple, pourquoi l’on ne s’est pas
adressé à Gand, ville qui est à la fois manufacturière et commerçante, ainsi
que capitale d’une province éminemment agricole, et qui aurait par conséquent
très bien pu donner un avis sur la matière dont il s’agit ; car, comme je l’ai
déjà dit, l’industrie et l’agriculture sont intéressées au plus haut degré dans
la question du transit.
Quant à l’urgence du projet
de loi qui nous occupe, elle n’est pas aussi grande pour le transit en général
qu’on pourrait le croire, car le transit ne pourra être bien considérable que
lorsque le chemin de fer sera achevé.
Un seul article de ce projet était urgent il y a
quelque temps. C’est celui qui concerne les cendres venant de Hollande, mais il
ne l’est plus autant aujourd’hui, puisque les arrivages ont déjà eu lieu, car
les cendres s’expédient ordinairement vers la fin de l’hiver et au commencement
du printemps. Si cependant on croyait qu’à raison des expéditions de septembre
et octobre il fût encore utile de pourvoir de suite à ce cas, on pourrait le
faire par une simple petite loi en un seul article, qui réduirait le droit
actuel sur les cendre, de 5 francs à 20 centimes, comme le fait le projet qui
nous est soumis,
M. Desmet. -
Messieurs, je ne puis concevoir l’utilité de la motion d’ordre faite par
l’honorable M. Gendebien, qui tend à continuer la discussion commencée par M.
le ministre des finances ; car comment est-il possible qu’on suive le discours
de cet honorable membre, qui est entièrement basé sur un très volumineux avis
de la chambre de commerce d’Anvers, tout fraîchement arrivé au département des
finances, sans qu’on ait cet avis sous les yeux ; il est donc évident que, pour
pouvoir continuer la discussion avec quelque fruit, nous devrions avoir eu
connaissance du rapport de cette chambre de commerce, qui est tout un projet de
loi.
Mais je viens appuyer, de toutes mes forces, la
motion d’ordre faite par l’honorable M. Hye-Hoys, et modifiée par l’honorable
député de Verviers, qui tend à faire imprimer le nouvel avis de la chambre de
commerce d’Anvers, dont M. le ministre des finances vient de nous faire
lecture, et à consulter tous les chambres de commerce et des manufactures, et
les commissions d’agriculture du royaume ; et je pense, messieurs, que vous ne
voudrez pas repousser cette utile motion, vu l’importance de l’objet, et que
vous ne voudrez point qu’un projet si délicat et même dangereux soit passé,
pour ainsi dire, à la vapeur. Quand il s’est agi de faire quelques
modifications au tarif des douanes sur l’article des cotons, on a exigé les
avis de toutes les chambres de commerce, et on a eu raison de le faire. Pour
celle à faire sur l’article des os, on a de même consulté toutes les chambres
de commerce et les commissions d’agriculture ; quand il a été question
d’apporter quelques changements au système des poids et mesures, M. le ministre
des finances a pris les avis, non seulement de toutes les chambres de commerce
du royaume, mais encore des villes, des gouverneurs des provinces et des
commissions d’agriculture.
Et on s’opposerait à ce que pour un projet qui,
quand on l’examine bien, porte une révolution entière au tarif actuel pour ce
qui concerne le transit, on s’entourât de tous les avis ? Et on ne peut ignorer
que quand on touche le transit, vous attaquez en même temps votre commerce
national, votre industrie et votre agriculture ; et ici je ne puis partager
l’opinion de l’auteur de l’exposé des motifs joint au projet de loi, qui dit
que le transit forme la base du système commercial ; je la repousse au
contraire de toutes mes forces, et à l’exception de quelques commissionnaires
du commerce extérieur, tous mes compatriotes la repousseraient avec moi.
Vraiment elle est nouvelle
cette opinion, et je ne puis imaginer comment elle peut être produite dans une
chambre belge : on doit bien peu connaître le pays pour pouvoir avancer qu’en
Belgique le transit ou le commerce extérieur est la première base de sa
prospérité matérielle, et que le commerce national, l’industrie et
l’agriculture ne viennent qu’en seconde ligne.
J’espère donc, messieurs, que vous trouverez utile
comme moi d’adopter la motion d’ordre, et de ne pas passer outre à l’adoption
du projet sans avoir consulté toutes les chambres de commerce du royaume, et que
vous sentirez aussi qu’il serait aussi dangereux qu’injuste de ne pas demander
l’avis de celles des Flandres, provinces qui sont foncièrement industrielles et
agricoles, et qui, par conséquent, sont les plus propres à éclairer nos
consciences sur les véritables intérêts matériels du pays. Et que pourrait-on
penser de la chambre si elle votait une loi de commerce sur le simple avis de
la chambre de commerce d’Anvers. Ce serait comme si les états-généraux
néerlandais eussent fait passer un pareil projet sur le seul avis du commerce
hollandais.
M. Lardinois. -
Je crains, messieurs, que si nous n’adoptons pas l’ajournement proposé par M.
Hye-Hoys, nous ne fassions une mauvaise loi ; nous sommes tout à fait privés de
renseignements : consultez, messieurs, le rapport de la section centrale et ce
que vient de dire l’honorable rapporteur, et vous verrez qu’il y a disette
complète de renseignements. M. le ministre de l’intérieur a répondu que la
section centrale, que les chambres de commerce avaient été consultées sur les
principes du premier projet, et que ces principes ont aussi ceux sur lesquels
repose le projet qui nous est actuellement soumis. Je conteste ce fait,
messieurs : il est évident que les deux projets ne sont pas basés sur les mêmes
principes ; d’ailleurs les renseignements fournis par les chambres de commerce
qui ont été consultées jettent bien peu de lumières sur la question ; les
observations de la chambre de commerce d’Anvers, par exemple, ne portent que
sur les mesure fiscales, que les industriels approuvent tous, puisqu’elles sont
une garantie contre la fraude.
Le projet de loi qui nous occupe supprime la
prohibition de 40 ou 50 articles sur lesquels elle existe d’après la
législation actuelle, et il la maintient seulement sur 11 articles ; de plus,
il annule presque entièrement, ou du moins il réduit de 25 à 95 pour cent le
droit de transit actuellement établi ; vous voyez, messieurs, que ce sont là
des changements trop important pour les adopter sans nous être entourés de
toutes les lumières possibles ; or, comme nous sommes entièrement dépourvus de
renseignements, nous devons absolument ajourner la question jusqu’à ce que nous
ayons pu en recueillir.
Depuis plusieurs années, on
nous promet une statistique de l’industrie et du commerce belges ; si nous
avions ce travail, il pourrait nous être d’une grande utilité dans l’examen de
la loi que nous discutons ; nous pourrions y voir, par exemple la valeur des
marchandises qui passent en transit par notre pays, par navires belges ou par
navires étrangers, et par terre, il nous apprendrait de quels pays ces
marchandises proviennent et quel est le lieu de leur destination ; maintenant,
messieurs, nous ignorons complètement tous les faits qui pourraient jeter du
jour sur l’importante question qui nous est soumise, et je pense que si l’on
faisait à M. le ministre de l’intérieur une interpellation sur les motifs qui
ont fait supprimer la prohibition de tel ou tel article et sur l’effet que doit
produire cette suppression, il ne pourrait pas y répondre.
Je demande donc que l’on consulte les chambres de
commerce avant de discuter le projet dont il s’agit, cela n’occasionnera pas un
bien grand retard ; d’ailleurs, il n’y a pas péril en la demeure, la loi sur le
transit ne pouvant produire d’effet marquant avant l’achèvement du chemin de
fer ; il n’y aura donc pas grand mal si nous tardons quelques mois à voter
cette loi.
M. Rogier. - Le
projet de loi que nous sommes appelés à discuter se divise en deux parties.
Dans l’une on affranchit le transit de droits qui pesaient sur plusieurs
articles, dans l’autre on stipule toutes les précautions contre l’introduction
frauduleuse des objets admis en transit. Sur cette dernière partie qui est
disciplinaire, les chambres de commerce n’ont pas été consultées. Je le
regrette, parce que j’ai la conviction que toutes auraient remis au
gouvernement les mêmes observations que la chambre de commerce d’Anvers.
Il ne s’agit pas ici d’une question anversoise,
mais d’une question nationale, d’une question industrielle et commerciale. Je
ne comprends pas de commerce sans industrie, ni d’industrie sans commerce. Nous
nous sommes déjà expliqués sur ce point, et à l’occasion nous y reviendrons.
Les chambres de commerce n’ont pas été consultées
sur la partie fiscale, sur la partie disciplinaire. Est-ce une raison pour
ajourner encore ce projet ? La section centrale en a été saisie cinq à six mois
sans qu’elle fît son rapport ; à telles enseignes que plusieurs fois j’ai dû
insister pour qu’il fût soumis à la chambre.
Elle a eu le temps nécessaire pour demander l’avis
des chambres de commerce, et je m’étonne que le rapporteur ne se soit aperçu
qu’aujourd’hui que les renseignements lui manquaient, que la chambre de
commerce de Gand n’a pas été consultée. Mais après tout, à qui la faute ?
N’est-ce pas à la section centrale, qui a été en possession du projet du
gouvernement pendant cinq à six mois, et ne s’est aperçue qu’aujourd’hui que
les renseignements lui manquaient.
Je ne comprends rien à cette conduite de la section
centrale. Hier encore il paraissait qu’elle s’était entourée de tous les
renseignements, car elle se disait prête à discuter la loi. Ce n’est
qu’aujourd’hui, depuis que le ministre des finances s’est montré disposé à
adoucir la rigueur extrême des mesures disciplinaires, qu’on semble vouloir
réagir contre cette disposition du ministre. Hier il n’était nullement question
de renvoyer le projet aux chambres de commerce.
Si nous avons applaudi aux adoucissements apportés
aux dispositions peu favorables au transit, ce n’est pas que nous soyons
satisfaits ; nous trouvons que la rigueur en est encore très grande. Je ne suis
pas du tout rassuré sur la liberté du transit ; je crains que par trop de
précautions pour empêcher la fraude, vous ne finissiez par repousser le transit
de
Il s’est passé en Hollande un fait d’une grande
portée qui n’a pas pu échapper à l’attention du pouvoir législatif. Vous savez
que depuis cinq ans
Les exportations d’Anvers vers le Rhin n’ont été
que de 1,243 tonneaux. Les exportations du Rhin vers
Les causes sont faciles à démontrer. Avant la
révolution, nous possédions un passage vers l’Allemagne par les eaux
intérieures de
La convention de Mayence du mois de mars
De ceci je conclus qu’il est de toute urgence de
nous occuper du transit, Ce n’est pas d’aujourd’hui, mais depuis cinq ans que
nous voulons une législation à peu près parallèle à celle de
Si vous renvoyez le projet
aux chambres de commerce, c’et encore une année perdue, il faut le reconnaître,
car si vous voulez avoir un avis motivé, mûri, des chambres de commerce, quinze
jours ou trois semaines se passeront, et d’ici là, je crains, que les chambres
ne soient plus réunies.
Il faut dire les choses franchement : voulez-vous
aujourd’hui, comme vous vouliez hier, de la discussion de la loi sur le transit
? Si vous en voulez, discutons-la, nous sommes prêts à nous relâcher beaucoup
de nos justes prétentions ; mais il faut aussi que les opposants nouveau-nés ne
persistent pas dans une motion dont je ne puis voir la portée sans me jeter
dans quelques soupçons peu favorables sur leurs intentions.
Me résumant, je demanderai qu’on rejette la motion
de M. Hye-Hoys, et qu’on passe immédiatement à la discussion des articles. Je
ferai volontiers le sacrifice d’un discours que je me proposais de prononcer
dans la discussion générale, et qui durerait plus d’une heure ; je renoncerai à
la parole pour ne pas prolonger la discussion.
M. Desmaisières,
rapporteur. - L’honorable préopinant, probablement par habitude, car ce
n’est pas la première fois qu’il adresse des reproches à la section centrale,
lui en fait aujourd’hui un extrêmement grave qu’il est de mon devoir de
repousser. Il vous a dit : Ce n’est pas d’aujourd’hui que la section centrale
sait que toutes les chambres de commerce n’ont pas été consultées ; dès lors il
était de son devoir de les consulter.
D’abord je dirai que la section centrale n’avait
pas reçu de la chambre mission de faire une enquête, de consulter les chambres
de commerce et les commissions d’industrie et d’agriculture. La section
centrale a donc fait son devoir en demandant au ministre de l’intérieur s’il
les avait consultées, et en cas d’affirmative en le priant de lui communiquer
les documents qu’il avait reçus.
Maintenant, messieurs, la chambre se rappellera que
dans les dernières séances qui ont précédé les vacances de Pâques, elle avait
montré le désir, sur l’instance de l’honorable préopinant lui-même, que le
rapport sur le transit fût présenté le plus tôt possible. La section centrale
s’est assemblée pendant les vacances afin de pouvoir achever promptement son
travail ; elle s’est réunie en séance avec le ministre de l’intérieur et le
ministre des finances, l’honorable membre qui est directeur du bureau de
l’industrie et du commerce, et le directeur de l’administration des douanes.
L’honorable directeur du bureau de l’industrie et du
commerce était porteur des avis des chambres de commerce ; je lui ai demandé de
me les laisser, et, par inadvertance, sans doute, il les emportés avec lui, et
je n’ai pas eu le temps de lui rappeler ma demande.
J’ai fait aux ministres les diverses questions que
la section centrale avait posées ; ils ont répondu verbalement, et il a été
convenu que je transmettrais les questions par écrit et que les ministres y
répondraient également par écrit. Je l’ai fait le surlendemain, en annonçant à
MM. les ministres que je partais pour Gand et que je serais de retour quelques
jours après, exprès pour m’occuper du rapport de la loi sur le transit.
Je suis revenu à Bruxelles
; j’y suis resté six jours pour m’occuper du rapport. J’ai reçu les
renseignements promis par le ministre des finances ; mais j’ai étonné de ne pas
recevoir ceux qui avaient été promis par le ministre de l’intérieur. Je me suis
rendu en personne près du ministre de l’intérieur ; il m’a dit qu’il avait
transmis les notes au bureau de commerce et d’industrie, et qu’il avait donné
les ordres pour qu’elles me parvinssent de suite. Je devais retourner à Gand,
et c’est en revenant assister à la reprise de nos séances publiques que j’ai
trouvé la réponse du ministre de l’intérieur à ma demande.
J’avais attendu cette réponse pour terminer mon
rapport ; mais comme M. le ministre n’avait pas joint les avis des chambres de
commerce, je ne pus le terminer entièrement. Après bien des sollicitations, ces
avis furent enfin remis à mon honorable ami M. Zoude, mais ce fut après que,
sur les instances d’un honorable représentant d’Anvers, la chambre eut mis à
l’ordre du jour la loi du transit sans que le rapport eût été déposé. Aussitôt
que ces pièces furent en ma possession, la section centrale fut convoquée. Je
lus mon rapport qui fut approuvé, et en sortant de la section centrale je vins
en séance publique déposer ce rapport sur le bureau.
La section centrale a donc rempli ses devoirs, et
quand on a rempli ses devoirs, il est pénible de se voir en butte à des
attaques qui, je dois le faire remarquer, partent toujours de ces mêmes bancs
où siège le préopinant.
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - Je tiens maintenant plus que
jamais à ce que la chambre n’adopte pas la motion d’ordre faite par M. Hye-Hoys. Si je pensais que cette
motion eût des chances d’adoption, je demanderais à répondre de suite à des
considérations émises par M. Rogier ; je considère cette réponse comme très
importante pour la justification de notre projet. (La clôture ! la clôture !)
- La chambre consultée
ferme la discussion sur la motion d’ordre.
La motion d’ordre faite par M. Hye-Hoys mise aux
voix n’est pas adoptée.
Elle ordonne l’impression des observations faites par
la chambre de commerce d’Anvers sur le projet relatif au transit.
M. Gendebien. -
Ma motion d’ordre n’a plus d’objet maintenant, et je la retire. Toutefois, je
ne crois pas qu’en repoussant la proposition faite par M. Hye-Hoys, on puisse
s’engager à poursuivre la discussion quoi qu’il arrive car il pourrait arriver
en effet que la discussion prouvât la nécessité de renvoyer le projet aux
chambres de commerce et d’industrie.
M. Lardinois. -
Il faut aussi décider que si, par suite de la discussion, on reconnaît la
nécessité de consulter les chambres de commerce, le projet leur sera renvoyé.
M. Gendebien. -
Je demande que mes paroles soient insérées au procès-verbal ; alors aucun doute
ne restera relativement à ce point.
M. le président. -
L’observation faite par M. Gendebien sera consignée au procès-verbal.
Discussion générale
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Messieurs, je combattrai de suite et en très
peu de mots les principes erronés avancés par M. Rogier.
Cet honorable membre a exprimé la pensée que nous
devions adopter en principe l’adoption d’une loi de transit parallèle à celle
de
En facilitant le transit, nous avons dû en même
temps prendre les moyens de ne pas faciliter la fraude. Les droits de transit
étant abaissés à presque rien, des mesures nouvelles, minutieuses même,
devaient être prescrites dans l’intérêt de notre agriculture et de nos
fabriques, afin de ne pas ouvrir sous la forme d’un simple emprunt de notre
territoire, une voie large à la fraude.
Voilà les observations fondamentales que j’avais à
faire.
M. David. - Je
répondrai peu de chose aux honorables orateurs qui se sont prononcés contre la
discussion, dans ce moment-ci, du projet de loi sur le transit ; voilà dix
mois, messieurs, que l’on promet le transit au pays. Cette mesure ne peut
qu’être utile à tout le royaume, et si elle avait pu être hostile à
l’industrie, les chambres de commerce n’eussent pas attendu qu’on les
consultât. Elles eussent pris l’initiative et réclamé de toutes parts. Ce sont
donc des craintes chimériques, et quand on aura écouté les chambres de
commerce, on ne sera guère plus avancé qu’aujourd’hui.
Les modifications que vient d’annoncer M le
ministre des finances aux divers articles de la loi sur le transit, sont de
nature à diminuer les craintes du commerce sur les imperfections du projet, et
dans tous les cas, je suis heureux de voir que la législature se décide enfin à
la discussion de la loi du transit ; je désire bien sincèrement que malgré la
lassitude de la chambre, à la suite de ses longs travaux, cette intéressante
question pour le pays ne soit pas abandonnée avant d’avoir été jugée et
sanctionnée par une bonne loi.
Quand on se demande, messieurs, s’il est dans les
choses possibles que nos voisins empruntent notre territoire pour le transit de
leurs marchandises, lorsque notre gouvernement entrave ce transit par des
droits et des frais, la réponse négative n’est pas douteuse.
Voyez le peu de transit resté à
Mais si ce droit était aboli,
Qui ne reconnaîtra alors combien est considérable
la somme que, sur des masses, nos voisins auront à nous payer annuellement pour
avoir emprunté notre territoire : ils nous en sont tributaires, cela saute aux
yeux et a été compris depuis des siècles ; on ne perçoit en France aucun droit
de transit, mais seulement un droit de balance, et actuellement en Hollande
aussi on a affranchi le transit sur le Rhin de tout droit. C’est une énorme
faute que
Une autre considération, messieurs, c’est que la
loi du transit doit être à nos yeux le complément du grand œuvre de
l’établissement des chemins de fer dans notre beau pays. Ne serait-il pas
ridicule, en effet, de construire d’une part des chemins de fer, de songer à
ranimer notre navigation par des constructions navales stimulées par des
primes, de posséder un commencement de navigation à la vapeur, d’augmenter le
nombre de nos canaux, si nous n’avons pas le puissant véhicule du transit, qui
est appelé à féconder ces entreprises dont notre pays surtout s’enorgueillit à
juste titre ?
Quand on comprend bien ses plus chers intérêts, ces
intérêts qui dans une nation vivent du tribut que lui paient ses voisins, ne
doit-on pas réellement déplorer que la loi du transit ne se soit pas fait jour
plus tôt dans cette enceinte ? Fût-elle même publiée et mise en vigueur
aujourd’hui, deux ans s’écouleront encore avant qu’elle ne porte ses véritables
fruits auprès du commerce transatlantique et des contrées plus éloignées de
nous encore. Elles ne seront bien persuadées, ces contrées, que désormais elles
peuvent expédier en toute tranquillité vers nos ports, pour lesquels les marins
ont évidemment une si grande sympathie, que quand les effets de la loi du
transit auront été sentis au loin comme dans l’intérieur du pays, et quand la
navigation étrangère sera pour ainsi dire devenue coutumière de nos beaux
bassins.
Le projet de loi qui noua
est soumis doit, à quelques changements près, satisfaire la juste impatience du
commerce, de l’industrie et de l’agriculture. Notre loi ne fût-elle pas même
parfaite, je voudrais la voir voter par acclamation, tant elle est désirable ;
et je la voudrais alors temporaire, pour qu’après en avoir fait un essai, mieux
éclairés plus tard, nous y retouchions avec un plein succès. Je le répète,
messieurs, cette loi me paraît si nécessaire, qu’à mon avis mieux vaudrait
adopter le projet tout entier du gouvernement que de ne pas l’obtenir du tout
cette année. En effet, les changements que la législature introduira dans le
projet ne seront jamais que d’un intérêt secondaire ; on cherchera à dégager le
transit des entraves rendues toutefois nécessaires par le besoin de protéger la
production nationale, on demandera si est possible encore une réduction sur les
frais qu’entraîneront les formalités dit plombage et tout ce qui tombe à la
charge du commerce. L’existence de ces griefs, quelque bien reconnue qu’elle
fût à l’avance, ne serait donc pas une raison de priver le pays d’une loi qui
ne doit pas avoir plus longtemps le sort de l’ajournement. C’est ruiner
bénévolement le pays et le forcer à envoyer son commerce à
M. Devaux. -
Messieurs, si je surmonte un instant la répugnance que j’éprouve souvent à me
mêler aux discussions générales, ce qui m’y porte, ce sont les difficultés que
le projet a rencontrées pour arriver jusqu’à la discussion, les efforts qu’on
vient de renouveler encore tout à l’heure pour un nouvel ajournement, et
l’incertitude qui règne encore sur la continuation de cette discussion, qui est
loin de pouvoir se terminer en un jour et qui déjà sera interrompue à la séance
prochaine.
Toutes ces circonstances me font croire que nous ne
donnons pas tous à la loi le caractère de gravité qui me semble lui appartenir
: la matière est assez neuve en cette enceinte, je le conçois, pour que
plusieurs de nous s’y sentent d’abord un peu dépaysés, moi comme les autres. En
effet, messieurs, nous avons fait jusqu’ici beaucoup de lois politiques, des
lois administratives, des lois financières ; nous avons pris quelques mesures
spéciales se rapportant à quelques branches particulières d’industrie
manufacturière ou agricole ; mais c’est la première fois, la toute première
fois que nous abordons une de ces lois, que je puis appeler lois organiques de
notre commerce.
Il en est du transit comme de beaucoup d’autres
matières ; en principe d’abord tout le monde semble d’accord. Ainsi, comme tout
le monde ici s’empresse d’admettre la liberté du commerce en principe général,
tout le monde aussi admet l’utilité d’un transit facile. Mais quand on arrive à
vouloir préciser le degré de cette utilité, ou qu’on en vient aux applications
du principe, l’unanimité cesse et la divergence des opinions commence.
Il est sur le transit deux opinions fort
différentes que j’ai quelquefois entendu exprimer et que je ne puis partager ni
l’une ni l’autre. Suivant l’une, le transit est une chose bonne en théorie ;
mais, en pratique, c’est une véritable hostilité contre les industries du pays.
Suivant une opinion, qui est celle de très chauds partisans
du transit, les avantages du transit consisteraient principalement dans les
bénéfices qu’en retirent quelques commissionnaires, ou dans les dépenses que
font quelques vaisseaux qui viennent se faire radouber dans le pays, s’y
fournir de quelques voiles et de quelques cordages. De ces deux opinions,
également étroites, la première me paraît bien fausse ; la seconde me semble
une appréciation bien incomplète, bien mesquine des avantages du transit, qui
sont à mes yeux d’une tout autre nature, et d’une tout autre importance.
Je vois dans un transit facile une des conditions
de notre véritable position commerciale, une des conditions indispensables de
ce que cette position doit être, de ce qu’elle doit espérer devenir un jour.
Messieurs, dans un pays qui comme le nôtre vient de
se créer une existence indépendante, il me semble que les hommes d’Etat,
appelés à le gouverner, à le fonder en quelque sorte, doivent se demander avant
tout quelle doit être en Europe la position politique de ce pays, quelle doit
être sa position militaire, quelle doit être sa position de civilisation, si je
puis m’exprimer ainsi ; quelle doit être enfin sa position industrielle et
commerciale. Ce n’est pas à l’époque où nous vivons que cette dernière question
pourrait être négligée ; ce n’est, messieurs, qu’après avoir cherché une
solution à ces questions, après s’être tracé ainsi les divers buts, les
diverses grandes questions de notre nationalité, qu’on pourra se flatter de
gouverner le pays avec quelque esprit d’ensemble et de suite, et dans quelques
vues d’avenir,
A mon avis, il ne faut pas se faire de notre
position commerciale à venir une idée puisée dans celles du passé. Il ne faut
pas juger de ce que nous devons être par ce que nous avons été jusqu’ici. Le
commerce de
Le temps qui s’est écoulé depuis la paix de 1815
jusqu’en 1829 suffisait-il pour que notre commerce réparât de pareils maux et
parvînt à son apogée ? Non ; il faut plus de temps pour réparer les habitudes
du commerce, le mouvement des capitaux, les relations à l’étranger, la
réputation d’un port ; pour élever la réputation de nombreuses maisons
commerciales, pour refaire en un mot une grande place de commerce. La
prospérité commerciale de 1829 ne pouvait être que les premiers signes de vie,
après un sommeil deux fois séculaire ; aussi ne doit-elle pas être notre but.
Nous devons viser plus haut. L’avenir commercial de
En face de nous est situé le premier des pays
commerciaux, l’Angleterre, qui est le marché des cinq parties du monde et dont
nous ne sommes séparés que par quelques lieues de mer, Croyez-vous que notre
position géographique soit tant inférieure à la sienne ? Sous d’autres
rapports, je le sais, il y a entre les deux pays des différences énormes qu’il
serait ridicule d’oublier ; je sais aussi que l’Angleterre a sur nous deux
siècles d’avance dont elle recueille les fruits. Mais si ce n’est toutes, ne
pouvons-nous donc espérer au moins de réaliser de ce côté de la mer
quelques-unes des merveilles que le commerce a enfantées sur le rivage opposé ?
Avec notre position spéciale, vis-à-vis de l’Angleterre, entre le nord et le
midi de l’Europe, entre l’Allemagne,
Et ce n’est pas là, messieurs, de la présomption
nationale ; ce ne sont ni des rêveries ni des vanteries patriotiques ; car j’ai
pour moi ici une grande autorité, une autorité étrangère, une autorité
commerciale, celle d’un grand homme d’Etat, de M. Huskisson.
Vous le savez, M. Huskisson ne s’effrayait pas
aisément de la concurrence étrangère. Cependant il semble que la concurrence
future du port d’Anvers n’était pas sans lui donner certaine inquiétude. En
plein parlement britannique il a reconnu que le port d’Anvers était pour le
moins aussi bien situé pour l’avantage du commerce que ceux d’Angleterre, et
que si l’on y offrait plus de facilité qu’en Angleterre, le commerce lui
donnerait la préférence.
Connaissez-vous un événement plus grand pour le
commerce et l’industrie belges que de parvenir à établir en Belgique un grand
marché commercia,l une de ces foires immenses,
perpétuelles, où toutes les nations viennent acheter et vendre, où tous les
besoins viendront se satisfaire ; un de ces grands foyers d’affaires, quelque
chose enfin qui ressemble aux marchés des grands ports anglais ? Par là, au
lieu d’aller péniblement à la découverte de débouchés lointains, nous les
forcerions en quelque sorte à venir à nous ; nous les placerions aux portes
mêmes de nos industries. Qu’avons-nous à faire pour arriver là à l’aide du
temps et de progrès successifs, ou tout au moins pour avancer vers ce but ? En
vérité nous avons peu à ajouter à ce que la nature a fait pour nous et aux éléments
que nous avons sous la main.
Un grand marché, ce n’est pas après tout beaucoup
d’acheteurs et beaucoup de vendeurs. Que les achats et les ventes soient
faciles, acheteurs et vendeurs arriveront, vous pouvez y compter. Avec toutes
les conditions que vous possédez déjà, rendez les achats et les ventes faciles,
et ne vous inquiétez plus des arrivages ou des exportations, la progression
suivra son cours sans que vous vous en mêliez autrement.
Or, messieurs, la loi qui nous est soumise est une
de celles où il s’agit de poser ces conditions de facilité pour les achats et
les ventes. C’est là la grande importance du transit, c’est par là qu’il se lie
aux plus grands intérêts matériels du pays.
Alors nous retomberons,
sinon dans notre ancienne léthargie commerciale, au moins dans un état qui
n’est supérieur à celui-là que de peu de degrés. Alors la prospérité
commerciale de 1829, les 160,000 tonneaux du port d’Anvers ne seront plus notre
point de départ, mais le but que nous ne pourrons espérer de dépasser que de quelques
pas ; alors au lieu de faire venir les débouchés à nous, nous enverrons tous
les 4 ou 5 ans un vaisseau faire le tour du monde pour placer quelques pièces
de calicot.
En envisageant les choses
sous cet aspect, vous sentez l’importance qu’acquièrent toutes les lois
organiques du commerce, et par là j’entends non seulement la législation des
droits d’entrée et de sortie, mais encore celle du transit d’entrepôt et celle
de la navigation qui comprend la question des droits différentiels. Vous sentez
aussi qu’en se plaçant à ce point de vue, on ne peut attacher qu’une importance
fort secondaire à certains bénéfices directs du transit, tels que les bénéfices
des commissionnaires et de quelques dépenses de séjour ou d’approvisionnements,
lorsqu’on met les résultats en regard du mouvement d’affaires que le transit
est destiné à faciliter, et sans lequel il est impossible de faire atteindre à
notre commerce les proportions que la nature semble lui avoir assignées.
La cargaison d’un vaisseau
se compose rarement d’une seule marchandise. Comment un vaisseau, s’il a besoin
de marchandises diverses, les unes belges, les autres étrangères,
s’approvisionne-t-il dans le pays où le transit et l’entreposage n’est pas
facile ? Il ira assurément charger de préférence dans les ports, où toutes les
marchandises dont il a besoin auront un large et commode accès.
Remarquez bien que 20
vaisseaux qui exportent un tiers de leurs cargaisons en produits belges sont
plus utiles à notre industrie qu’un seul vaisseau, ou deux vaisseaux dont la
cargaison serait exclusivement composée de produits indigènes. Cependant on n’a
que ce choix.
Tel vaisseau chargera
volontiers chez nous des clous, des draps, de la quincaillerie, du coton, de la
verrerie, des machines, des toiles, etc. Mais peut-être et le plus souvent il
lui serait avantageux de joindre à ces marchandises d’autres que le pays ne
produit pas. S’il ne le peut pas, il ira ailleurs se charger et vous
restreignez votre propre exportation. Dans tous les ports du monde, un produit
s’exporte souvent à l’aide d’un autre. Il y a de l’utilité et de la nécessité
de ces assortiments, à ces accouplements quelquefois bizarres pour
l’exportation des produits souvent les plus divers, plus d’un exemple frappant
connu dans le commerce. J’en citerai quelques-uns pris du temps de l’ancienne
prospérité commerciale de
Comment se faisait cette
exportation ? Le Portugal tirait de
Cependant, qui
s’imaginerait jamais a priori qu’il puisse y avoir quelque chose de commun
entre l’exportation des fromages et celle des cordes ? Et supposez que les
cordes fussent un produit étranger à
Je citerai un autre exemple
du même temps et du même pays ;
Comment les Hollandais s’y
prirent-ils ? Ils se servirent d’une autre marchandise, d’une marchandise
étrangère. Ils introduisaient chaque année des grains renfermés dans une
immense quantité dé grands sacs de toile fine. L’enveloppe était, pendant le
trajet, l’objet de plus de soins que le contenu et échappait aux droits. Il est
arrivé en Hollande que des objets qui paraissent bien peu faits pour
l’exportation se plaçaient ainsi dans les intervalles que laissait la cargaison.
C’est ainsi que des meubles, des tables et des chaises étaient devenus un objet
assez considérable d’exportation.
Si d’un côté l’exportation
des marchandises étrangères se lie aux exportations des marchandises belges,
les arrivages se lient d’une manière tout aussi directe aux facilités du
transit, comment pourrait-on espérer d’avoir des arrivages nombreux, des
retours avantageux et par conséquent des occasions d’exportations nombreuses,
si dans les ports de
Ce sont là autant de débouchés nouveaux pour le
commerce qui vit de débouchés comme l’industrie. Ce n’est pas en donnant ces
facilités au commerce que nous utilisons les avantages de notre position
géographique.
Une chose à laquelle il faut bien songer, c’est
qu’une maison de commerce qui a des relations établies pour le commerce de
transit avec un pays, les étend facilement aux produits mêmes de ce pays. On
aime bien mieux adresser vingt commandes à une seule maison que d’écrire à
vingt maisons différentes. C’est encore là un moyen qui rattache le commerce
intérieur au transit. Les relations se créent et s’appellent l’une l’autre.
Le transit sera sans doute d’abord de peu
d’importance en Belgique. Mais il faut avoir une législation prête, éprouvée et
connue pour le moment où pourront s’ouvrir nos grandes communications, celles
qui résulteront de l’achèvement de notre chemin de fer
Pendant les guerres de Napoléon, l’Angleterre, par
l’effet du blocus du continent, était devenue forcément le marché du reste du
monde ; lorsque la paix survint et que le commerce maritime devint libre,
l’Angleterre dut craindre que les choses ne reprissent leur ancien cours ;
cependant les nouvelles relations étaient établies et résistèrent, l’Angleterre
ne vit pas sa prospérité diminuer. Il est vrai, messieurs, que dans cette
position qui ressemble à la nôtre depuis 1830, en ce que l’une et l’autre sont
la suite d’un brusque et grand changement politique, l’Angleterre s’empressa,
pour retenir le commerce étranger, de lui offrir de grandes et nouvelles
facilités ; ne négligeons pas de suivre cet exemple.
Une loi de transit, si elle
est bien faite, aidera à ce mouvement de renaissance qui se manifeste
aujourd’hui dans notre commerce et dans notre industrie, Le seul effet moral en
sera déjà favorable. Elle stimulera, elle encouragera le commerce en Belgique,
consolidera les espérances qu’a fait concevoir le chemin de fer. Elle engagera
les négociants à faire tous leurs efforts pour maintenir même les relations qui
peuvent être momentanément onéreuses ou de peu de profit.
Mais pour qu’une loi sur le transit ait des
conséquences aussi belles, il faut, outre un tarif favorable, qu’elle n’impose
pas des formalités trop rigoureuses au commerce. Si nous parvenons à rédiger
une bonne loi sur cette matière, nous aurons non pas peut-être fait tout ce
qu’il faudrait faire pour le commerce en attendant l’achèvement du chemin de
fer, mais au moins nous aurons pris une des mesures qui doivent le plus
favorablement influer sur son avenir.
M. Legrelle. -
J’avais demandé la parole pour démontrer que la loi sur le transit pas une
question de localité, mais qu’elle intéresse tout le pays. Je voulais démontrer
également que la question du transit ne se renferme pas dans le cercle étroit
des droits perçus sur les marchandises transitées, mais se rattache à un vaste
mouvement commercial qui intéresse le commerce intérieur du pays, son industrie
surtout, tout aussi bien que le commerce de transit lui-même.
Mon intention état de
combattre vivement le projet de loi primitivement présenté. L’honorable
préopinant a singulièrement abrégé ma tâche ; je m’abstiendrai donc de parler
dans la discussion générale. Les observations présentées par M. le ministre des
finances au sujet de l’avis de la chambre de commerce d’Anvers l’ont également
abrégée. Je me proposais de démontrer combien les dispositions de la loi
répondaient mal à l’exposé des motifs présentés par M, le ministre de
l’intérieur.
M. le ministre des finances, sans toutefois
modifier les mesures tendant à la répression de la fraude, a expliqué comment
il entendait les appliquer. Je rends hommage à M. le ministre ; il a
considérablement simplifié la discussion : non pas que j’approuve toutes les
dispositions du projet, mais tel qu’il est nous pouvons le soumettre à un mûr
examen.
Comme l’a fort bien dit la chambre de commerce
d’Anvers, il s’agit moins d’avoir une loi parfaite de transit que d’avoir
promptement une loi sur cette matière. Tout le commerce de transit se fait
maintenant par
Mettons-nous donc sans retard à l’œuvre, et en
exprimant le vœu que la législature dote promptement le pays de l’importante
loi du transit, je ne parle pas au nom de la ville que je représente, mais au
nom de
M. le ministre
de l'intérieur (M. de Theux). - Sans doute l’exposé des motifs présenté
par le gouvernement contient toutes les considérations qui doivent engager la
chambre à discuter promptement la loi de transit ; mais je dois déclarer qu’il
n’y a jamais eu divergence d’opinions entre mon honorable collègue M. le
ministre des finances et moi. Nous avons pensé tous les deux qu’il fallait
autant que possible favoriser le commerce de transit en l’entourant de toutes
les garanties contre la fraude, qu’exige la protection de notre agriculture et
de notre industrie.
Nous sommes heureux d’avoir, en quelque sorte,
terminée nos lois d’organisation militaire. Nous pourrons nous livrer avec plus
de suite à tous les projets qui intéressent la prospérité matérielle du pays.
Déjà nous vous avons présenté les projets les plus importants : la loi sur le
transit, celle sur la construction des navires, celle sur la pêche et celle sur
les droits différentiels. Celui que nous discutons est un des plus importants
par les relations nouvelles qu’il doit nous ouvrir avec les puissances
étrangères.
Vous avez aussi
pourvu aux moyens d’améliorer les communications intérieures et celles qui
doivent nous mettre en rapport avec les pays voisins.
Quant à ce dernier point, il ne restera plus que
peu de chose à faire ; et nous pensons que dans le courant de la session
prochaine, nous pourrons également vous présenter des dispositions qui tendront
à compléter ce système de communications ; de cette manière, la chambre pourra
d’ici à un an avoir pourvu véritablement à tous les besoins du commerce et de
l’industrie.
M. Smits. - Mon
intention était de parler dans la discussion générale ; mai, je crois que
toutes les idées sur le transit ont déjà été émises dans cette enceinte ; et je
demande que la chambre passe immédiatement à la discussion des articles.
M. Lardinois. -
Je demande que la discussion des articles soit remise à la semaine prochaine.
Je le répète, nous manquons de renseignements ; il faut que les observations de
la chambre de commerce et des fabriques d’Anvers soient imprimées, et que nous
ayons le temps de les examiner mûrement.
M. Legrelle. -
Messieurs, nous devons actuellement clore la discussion générale. C’est la
demande que M. Smits vous a présentée.
M. le ministre
de l'intérieur (M. de Theux). - Je viens appuyer la demande de la
clôture de la discussion générale ; je pense qu’il serait véritablement
difficile de la prolonger utilement.
Au reste, messieurs, toutes les considérations qui
pourront encore être émises se présenteront naturellement dans la discussion
des articles.
M. A. Rodenbach.
- Nous ne pouvons pas prendre actuellement une décision ; nous ne sommes plus
en nombre ; nous ne sommes que 47.
- La séance est levée à 5 heures.