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Chambre des représentants de
Belgique
Séance
du jeudi 2 juin 1836
Sommaire
1) Pièces
adressées à la chambre
2) Projet
de loi apportant des modifications au tarif des douanes. Motion d’ordre (Dubus, Lardinois, de Theux, Desmet, Dumortier, (+négociations commerciales avec la France) (d’Huart, Dumortier), Gendebien, d’Huart, Dubus, de Theux, Gendebien)
3) Projet
de loi autorisant l’émission d’un emprunt de 30 millions de francs
4) Projet
de loi relatif au transit. Politique commerciale du gouvernement. Marchandises
soumises (ou non) au droit de transit (d’Huart, Rogier, Legrelle, Rogier, d’Huart, Coghen,
Demonceau), notamment sucre (Rogier,
Desmet, Dumortier, A. Rodenbach, Smits, Coghen, d’Huart, Lardinois, Coghen, Dumortier), boissons distillées et sel (Rogier, d’Huart, A. Rodenbach, Dumortier,
(+négociations commerciale avec la France) Rogier, d’Huart, Coghen, A. Rodenbach, Smits, Dumortier, d’Huart, Legrelle), armes et munitions de guerre (Dumortier, A. Rodenbach),
bestiaux (Rogier, d’Huart), fer (d’Huart, Zoude), pierres à diguer (Rogier, d’Huart, Devaux,
d’Huart, Devaux, Dumortier, Coghen, Desmet, Devaux, Gendebien),
pipes de terre (A. Rodenbach, Rogier,
Smits), vinaigres (Rogier, d’Huart) (Smits, de
Theux, Rogier, d’Huart)
(Moniteur
belge n°155, du 3 juin 1836)
(Présidence de M. Raikem.)
M. Schaetzen
procède à l’appel nominal à une heure et demie.
M. Dechamps lit le
procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.
M. Schaetzen
fait connaître l’objet des pièces adressées à la chambre.
PIECES ADRESSEES A
« Des habitants propriétaires de Swalmen demandent
que le droit à l’entrée sur les foins étrangers soit augmenté. »
_______________
« Le sieur J.-J. Hans, professeur ordinaire à
l’université de Gand, renouvelle sa demande de naturalisation. »
_______________
- Cette dernière pétition est renvoyée à la
commission des naturalisations, déjà saisie d’un rapport sur la première
demande du pétitionnaire.
L’autre pétition est renvoyée à la commission des
pétitions chargée d’en faire le rapport.
PROJET DE LOI APPORTANT DES
MODIFICATIONS AU TARIF DES DOUANES
M.
Dubus (pour une motion d’ordre). - Messieurs, dans la séance du 14
avril dernier, il vous a été présenté par MM. les ministres de l’intérieur et
des finances un projet de loi proposant des modifications à certains articles
du tarif des douanes.
Jusqu’ici une section seulement s’est occupée de
l’examen de ce projet de loi : c’est la troisième section que j’ai l’honneur de
présider.
Cette section, messieurs, a été unanimement d’avis
de proposer à la chambre le renvoi du projet à l’examen de chambre de commerce,
ce renvoi ayant presque toujours eu lieu pour les projets concernant le même
sujet.
Il n’y a pas longtemps que la chambre s’est occupée
d’un projet de loi relatif aux droits d’entrée et de sortie des os, projet qui
a sans doute son importance, mais assurément d’une importance moindre que
plusieurs des modifications qui sont actuellement soumises ; eh bien, toutes
les chambres de commerce et même toutes les commissions d’agriculture ont été
consultées sur ce projet. Aujourd’hui, des modifications extrêmement graves
sont proposées au tarif des douanes. Il y a telle de ces modifications qui
peut-être peut amener la ruine de nos industries.
Il me semble qu’on ne peut condamner ici
l’industrie sans l’entendre : or, dans l’état actuel des choses, les
représentants de l’industrie sont les chambres de commerce.
Le moins que nous devions donc faire, c’est de
commencer par réclamer l’avis de ces chambres de commerce, avant de nous livrer
à l’examen d’une loi aussi importante.
Je viens, en conséquence, m’acquitter de la mission
dont m’a chargé la troisième section, en proposant à la chambre de décider que
le projet de loi, présenté par MM les ministres de l’intérieur et des finances,
dans la séance du 14 avril dernier, et relatif à des modifications à introduire
dans le tarif des douanes, soit renvoyé à l’avis des chambres de commerce, et
que les sections suspendent tout examen du projet, jusqu’à ce que cet avis soit
parvenu à la chambre.
M.
Lardinois. - Je ne puis qu’applaudir à la motion que vient de faire
l’honorable M. Dubus, et je l’appuie de toutes mes forces. Vous savez,
messieurs, que, dans une séance précédente, je me suis plaint du peu de
renseignements que nous avions pour discuter la loi de transit. Je dois de
nouveau témoigner mes regrets de voir que pour une loi de cette portée les
chambres de commerce n’aient pas été consultées. Cette indifférence ne fait pas
l’éloge du ministère : et notez qu’il s’agissait cependant de supprimer la prohibition
au transit de 50 articles mentionnes dans notre tarif. Nous ne devrions pas
oublier que nous sommes un peuple nouveau, et que, politiquement et
administrativement parlant, nous ne faisons que de naître ; et nous ne devrions
pas dédaigner les avis des hommes expérimentes et des corps constitués à cet
effet.
Je rappellerai encore à M. le ministre de
l’intérieur que nous manquons de statistique commerciale et je le prierai
d’activer la confection de cet ouvrage. Il est inutile que l’on fasse un
chef-d’oeuvre de typographie, il suffit qu’on s’attache à nous procurer un
travail exact.
Le gouvernement a envoyé à Paris une commission
pour y suivre des négociations commerciales ; cette commission a terminé sa
mission, et je demande que l’on fasse un rapport à ce sujet ; nous pourrons
apprécier jusqu’à quel point nous pouvons nous flatter d’obtenir des
concessions du côté de
Un honorable député de Bruges vous a dit
dernièrement qu’il croyait que le commerce de
M. le ministre
de l'intérieur (M. de Theux). - Messieurs, l’honorable préopinant a parlé
de la nécessité de presser le travail relatif à la publication des documents
statistiques. Je dois dire que nous nous sommes occupés sans relâche de cet
objet ; les tableaux sont actuellement à l’impression, et j’espère que sous peu
de jours des exemplaires pourront en être communiqués aux membres de la
chambre.
En ce qui concerne nos associations commerciales à
Paris, je crois véritablement que le rapport demandé à ce sujet par l’honorable
préopinant n’aurait pas une grande utilité dans l’état actuel des choses. Je
dirai seulement que les dispositions favorables qui ont été prises par des
ordonnances du gouvernement français, et qui ont été également présentées à la
chambre des députés de France, doivent être considérées comme une conséquence
des démarches que le gouvernement belge a faites dans l’intérêt de notre
commerce et de notre industrie.
Sous ce rapport donc, les discussions qui ont eu
lieu récemment, dans le sein de la chambre française, doivent suffisamment
éclairer la chambre.
M. Dubus vous propose de
renvoyer à l’avis des chambres de commerce le projet de loi que M. le ministre
des finances et moi vous avons présenté, concernant des modifications au tarif
des douanes ; vous concevez facilement, messieurs, pourquoi nous n’avons pas
préalablement consulté les chambres de commerce, car il s’agissait ici d’un
ensemble de dispositions que le gouvernement est mieux à même d’apprécier et de
connaître que chaque chambre de commerce en particulier.
Je dirai que si dans les sections ou dans la
section centrale on manifestait le désir d’obtenir des renseignements sur un ou
plusieurs articles du projet, nous nous empresserions de leur communiquer tous
ceux qui sont à notre disposition.
Je crois que, dans tous les
cas, la proposition de M. Dubus est prématurée ; car il est évident que dans le
projet il se trouve plusieurs articles sur lesquels il est inutile de consulter
les chambres de commerce. Tout le monde sait, par exemple, que les soies sont
aujourd’hui l’objet d’une fraude scandaleuse ; une réduction sur les droits qui
frappent actuellement cet objet a été réclamée très souvent sans rencontrer de
contradiction. Le projet renferme encore d’autres articles de la même nature.
Quelle utilité y aurait-il à consulter les chambres de commerce à ce sujet ?
Je crois, en conséquence, que les sections
devraient continuer l’examen du projet de loi dont il s’agit. La section
centrale, après avoir pris connaissance des observations faites par les
sections, pourra demander au gouvernement les renseignements qu’elle jugera
nécessaires.
La section centrale pourra même proposer de
suspendre la discussion de tel ou tel article sur lequel il pourrait manquer
des renseignements.
Je pense donc que la proposition de l’honorable M,
Dubus ne doit pas être accueillie.
M. Desmet. - Je
dois faire observer que la motion que nous discutons ne vient pas de M. Dubus,
mais bien de la troisième section que cet honorable membre préside.
Je suis extrêmement étonné que, pour un objet aussi
important, le ministère ne veuille pas consulter les chambres de commerce,
tandis qu’on l’a fait pour des objets de bien moindre importance, comme pour
les os.
M. Dumortier. -
La proposition faite au nom de la troisième section me paraissait tellement
simple et sage, que je ne m’attendais pas à voir le gouvernement s’y opposer.
Le ministre de l’intérieur vous dit qu’il est
inutile de consulter les chambres de commerce sur le projet, d’abord parce
qu’il est complexe, et ensuite parce qu’il renferme des articles sur lesquels
tout le monde est d’accord.
Je répondrai que si le projet est complexe, c’est
un motif de plus pour consulter les chambres de commerce ; au reste, l’avis des
chambres de commerce ne nous lie en aucune manière ; c’est une simple information
que nous voulons prendre.
Nous ne pouvons nous dissimuler que la session tire
à sa fin ; dans peu de jours la chambre s’ajournera ; il ne nous est donc pas
possible de songer à discuter dans le courant de cette session le projet
relatif aux modifications au tarif des douanes. Lorsque nous rentrerons, forts
des documents que nous aurons par-devers nous, nous pourrons plus facilement
examiner la loi.
Quant à l’objection
présentée par le ministre de l’intérieur, qui consiste à dire que les sections
n’ont qu’à toujours examiner le projet, et que si la section centrale veut
avoir des renseignements, le gouvernement les donnera, je répondrai que
l’examen des sections ne doit pas être frustratoire, et cela serait si la
chambre n’avait d’autre moyen de s’éclairer que d’aller demander des
renseignements au ministre ; car le gouvernement ne fournissant des
renseignements qu’autant qu’il voudrait, dans toutes les circonstances où il
tiendrait à ce qu’un projet de loi fût adopté, il écarterait les documents qui seraient
de nature à éclairer la conscience de la chambre et à l’engager à repousser la
loi.
Je pense donc qu’il n’y a rien de fondé dans les
objections présentées par M. le ministre de l’intérieur, et que la chambre doit
adopter la proposition de mon honorable ami M. Dubus.
Il y a une foule d’industries, telles que celle des
draps, qui occupe une grande partie de la population de Liège, la bonneterie et
la porcelaine, qui se fabriquent dans l’arrondissement de Tournay, les cristaux
de la province de Namur ; ces industries sont dominantes dans le pays ; on
propose de diminuer d’une manière très forte les droits sur les produits
étrangers de ces industries ; il est indispensable d’entourer de toutes les
lumières possibles l’examen des sections. La discussion n’en marchera que plus
promptement quand nous arriverons au vote.
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - Il me semble qu’on perd de vue
que le projet de loi dont il s’agit a été présenté dans des vues de
réciprocité, pour répondre à ce qu’a déjà fait
Qu’on poursuive l’examen de la loi dans les
sections, s’il est quelques articles sur lesquels elles n’ont pas tous leurs apaisements,
la section centrale nous l’apprendra, et nous nous empresserons, si cela est
reconnu nécessaire, de demander l’avis des chambres de commerce et des
commissions d’agriculture.
Et s’il est quelques articles sur lesquels il n’est
pas besoin de nouveaux renseignements, sur lesquels tout le monde est d’accord,
vous les adopterez ; vous répondrez au moins, de cette manière, au pas que
La chambre des députés de France n’a pas renvoyé le
projet qui lui a été présenté, aux chambres de commerce ; si elle l’avait fait,
la discussion n’aurait pas pu avoir lieu d’ici à deux ans, et vous auriez le
regret de n’avoir qu’en perspective les concessions que vous avez obtenues du
gouvernement français et dont plusieurs sont très utiles au pays. Car des
ordonnances ont été rendues qui présentent des modifications très avantageuses
pour notre industrie. Ne repoussons donc pas par des espèces de fin de
non-recevoir un projet de loi destiné à suivre nos voisins dans la voie de
concessions réciproques avantageuses aux deux peuples.
Que les sections, je le répète, examinent donc le
projet : s’il est plusieurs articles sur lesquels nous serons tous d’accord, je
n’en doute pas, votons-les ; et s’il est quelques points sur lesquels, des
doutes sérieux s’élèvent, remettons-les jusqu’à ce que nous soyons parfaitement
éclairés. Nous suivrons ainsi la marche la plus rationnelle et la plus conforme
aux intérêts du pays.
M. Dumortier. -
Je trouve que le ministre des finances fait très bien de se justifier aux yeux
du gouvernement français, et de l’assurer qu’il n’a pas voulu qu’on opposât des
moyens dilatoires aux mesures qu’il propose en faveur de
Si
L’essentiel est que les sections, qui doivent faire
un examen consciencieux d’un projet de loi, commencent par s’éclairer sur la
question. Ici on propose de réduire les droits sur un grand nombre de produits
étrangers qui sont l’objet de la fabrication indigène ; avant de nous prononcer
sur une semblable proposition, nous devons consulter les intérêts des
fabricants ; nous ne devons pas faire une loi dans l’intérêt de l’étranger,
sans avoir consulté ceux de nos frères dont cette loi peut compromettre
l’industrie. Il n’y a donc aucun motif fondé pour repousser la proposition de
mon honorable ami M. Dubus.
Si vous attendez que les sections aient examiné le
projet pour renvoyer aux chambres de commerce, ce renvoi aura lieu trop tard,
parce que les sections auront fait leur travail, et la section centrale ne
pourra baser son examen que sur le travail des sections. C’est maintenant, que
les sections ne se sont pas encore occupées de l’examen de ce projet, que le
renvoi aux chambres de commerce peut avoir lieu avec utilité.
Je conçois le motif pour lequel le ministère n’a
pas demandé l’avis des chambres de commerce avant de le présenter, c’est qu’il
a voulu agir par mesure de réciprocité, qu’il a voulu faire voir sa bonne
volonté vis-à-vis de
M.
Gendebien. - Cette discussion est déjà fort longue et pourrait bien
absorber une forte partie de la séance. Il est un moyen fort simple d’y mettre
un terme. Qu’on invite les sections à se réunir demain à dix heures, elles
examineront la question de savoir s’il y a lieu de renvoyer le projet aux
chambres de commerce. Si les sections sont unanimes pour proposer ce renvoi, il
faudra bien que le gouvernement y consente. De cette manière nous ne perdrons
pas de temps.
Je demande donc, que les sections soient invitées à
se réunir à dix heures ; elles verront s’il y a lieu de consulter les chambres
de commerce. Il est entendu que cela comprend l’examen du projet, parce qu’on
ne décidera pas qu’il est nécessaire de consulter les chambres de commerce sur
un projet, sans l’avoir examiné.
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - Je ne vois aucun inconvénient
à adopter la motion de l’honorable M. Gendebien ; elle rentre dans les
observations que j’ai eu l’honneur de faire. Que les sections examinent le
projet et qu’elles vous disent s’il est des articles sur lesquels elles n’ont
pas tout leur apaisement, et sur lesquels il soit nécessaire de conseiller les
chambres de commerce.
M. Dubus. - Je
demande la parole.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - J’entends demander la parole chaque fois que
j’exprime l’opinion que les sections doivent examiner le projet : et bien, je
dirai que, selon moi, il est du devoir des sections d’examiner les projets qui
leur sont renvoyés ; une section ou une personne d’une section ne peut pas
demander que toutes les sections suspendent l’examen d’un projet.
Je demande donc qu’elles poursuivent l’examen du
projet dont il s’agit en ce moment, et nous fassent connaître les articles sur
lesquels elles n’ont pas des éclaircissements suffisants ; la chambre décidera
ensuite s’il convient de prendre l’avis des différentes autorités qu’on voudra
consulter.
Je ne puis donc trop appuyer la proposition de M.
Gendebien d’inviter les sections à examiner demain le projet de loi en
question.
M. Dubus. - M.
le ministre des finances, en appuyant la motion de l’honorable M. Gendebien,
l’a complètement dénaturée. J’ai fait une motion dont m’avait chargé la
troisième section, c’est que la chambre réclame dès maintenant l’avis des
chambres de commerce sur un projet de loi dont la chambre est saisie. Comme le
gouvernement s’opposait à ma motion, M. Gendebien a proposé que les autres
sections de la chambre fussent consultées demain, sur la motion que j’avais
faite. Voilà quelle a été la proposition de M. Gendebien ; au lieu de cela, le
ministre demande que les sections soient consultées demain sur le fond ; et la
motion faite pour empêcher que la mienne n’absorbe la moitié de la séance, le
ministre la renverse et provoque ainsi la continuation de la discussion.
S’il fallait voter sur la
motion de M. Gendebien, comme vient de l’expliquer M. le ministre des finances,
j’aurais à répondre aux observations qui ont été faites sur ma motion. Mais
s’il ne s’agit que de consulter les sections sur la motion que j’ai faite, je
n’ai plus rien à répondre. J’attendrai que les sections aient manifesté leur
opinion.
M. le ministre des finances présente ma motion,
d’une part comme moyen dilatoire, et d’une autre part comme une fin de
non-recevoir absolue. Si c’était un moyen dilatoire, ce ne serait pas une fin
de non-recevoir.
M. le ministre de l’intérieur a trouvé ma motion
prématurée, il a trouvé qu’elle venait trop tôt. M. le ministre se
réserverait-il de demander plus tard l’avis des chambres de commerce ?
Mais cette manière de procéder serait plus
dilatoire que ma motion, Je ne sais comment faire concorder tout cela.
D’abord, quel est mon désir ? C’est que les
sections puissent être éclairées sur le vote qu’elles auront à émettre. Le
ministre dit que la section centrale aura tous les renseignements qu’elle
pourra désirer, mais les sections n’auront pas eu connaissance de ces
documents, et, à moins de vouloir les faire voter en aveugles, on ne peut pas
les leur refuser. La troisième section a pensé qu’elle devait scruter à fond
chacun des articles du projet, et que pour cela elle avait besoin d’être
éclairée de l’avis des chambres de commerce.
Si le ministre de l’intérieur a le moyen de
prouver, par les documents qui sont en son pouvoir, que l’avis des chambres de
commerce serait superflu, que n’a-t-il pas joint ces documents à son projet !
Les sections s’en seraient éclairées, et ma motion n’aurait pas été faite. Mais
puisque aucun document ne nous a été remis, il est du droit des membres des
sections de réclamer les renseignements qu’ils croient indispensables pour se
prononcer en connaissance de cause.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Je suis étonné que l’honorable préopinant se plaigne que nous n’avons pas
accompagné notre projet de documents. Nous avons fait assez souvent preuve de
notre bonne volonté en fait de communication de pièces. Nous nous empresserons
de communiquer à la section centrale les documents qu’elle croira nécessaires
pour éclairer sa conscience dans l’examen du projet de loi dont il s’agit.
Maintenant j’en reviens à la motion de M.
Gendebien. Cette motion ne tend pas seulement à demander que les sections se
réunissent pour voir s’il y a lieu oui ou non de renvoyer le projet aux
chambres de commerce.
L’honorable M. Gendebien a motivé sa motion. Les
sections, a-t-il dit, avant de se prononcer sur l’utilité du renvoi doivent
faire un examen, au moins sommaire, du projet, afin de voir s’il résulterait de
cet examen nécessité du renvoi de tout ou partie de la loi aux chambres de
commerce. Cette proposition est raisonnable ; ainsi c’est dans ce sens que l’on
doit convoquer les sections et les inviter à procéder à l’examen.
M. Gendebien. -
Dans la crainte qu’il ne s’élève encore une discussion sur la manière de
comprendre ma motion, je vais m’expliquer.
J’ai dit que les sections examineraient sommairement,
avant de se prononcer sur le renvoi, parce qu’elles ne pouvaient sans examen
préalable apprécier la convenance de ce renvoi.
Le ministre des finances voudrait que les sections
se livrassent à un examen approfondi avant de renvoyer le projet aux chambres
de commerce. Mais d’honorables membres craignent qu’en examinant à fond, le
renvoi aux chambres de commerce n’ait pas lieu : je crois que leur crainte
n’est pas fondée. S’il y avait majorité dans les sections pour demander le
renvoi, il y aurait aussi majorité dans la chambre pour ordonner le même
renvoi.
Il convient donc, dans tous les cas, de renvoyer le
projet aux sections ; elles examineront comme elles l’entendront ; nous ne
pouvons pas leur faire de loi à cet égard ; elles rempliront leur devoir, comme
elles l’entendront ; nous n’avons pas de règles à leur prescrire sur ce point.
De
toutes parts. - Aux voix, aux voix la proposition de M.
Gendebien !
M. le président. -
M. Dubus demande le renvoi immédiat du projet aux chambres de commerce ; M.
Gendebien demande la convocation des sections afin qu’elles se prononcent sur
la convenance du renvoi aux chambres de commerce.
- La proposition de M. Gendebien est mise aux voix
et adoptée.
PROJET DE LOI AUTORISANT
L’EMISSION D’UN EMPRUNT DE 30 MILLIONS DE FRANCS
M. Verdussen
dépose sur le bureau le rapport sur le projet de loi portant emprunt de 30
millions.
PROJET DE LOI RELATIF AU
TRANSIT
Discussion des articles
Article 9 (tableaux annexés à la loi)
M. le président. -
L’article
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Il me semble qu’il est convenable de discuter
actuellement les tableaux indiqués dans l’art. 9, parce que les précautions
indiquées dans les articles subséquents se rapportent presque tous aux
marchandises énumérées aux tableaux A et B.
M.
Rogier. - Je croyais qu’il avait été entendu hier que la discussion des
tableaux viendrait en dernier lieu, c’est-à-dire après la discussion des
articles ; aussi chacun de nous s’est préparé pour prendre part à l’examen des
articles.
Quant à moi, je ne me suis pas préparé pour
délibérer sur le tableau. C’est là une considération personnelle qui ne peut
avoir d’influence sur la chambre ; mais ma position est celle de beaucoup de
membres de la chambre.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - J’ai toujours compris que l’on discuterait
immédiatement les tableaux rappelés dans l’article 9, parce qu’ils font partie
intégrante de cet article. Il suffit de le lire pour en être convaincu. Il y a
plus, c’est que si l’on changeait les énumérations de marchandises faites dans
ces tableaux, il faudrait modifier en conséquence les articles subséquents.
Vous voyez donc qu’il est indispensable de délibérer avant tout sur les
tableaux.
M.
Legrelle. - J’ai cru qu’il était convenable de discuter les tarifs
après la loi ; et l’on ne nous donne aucune bonne raison pour procéder dans un
autre ordre. Le ministre paraît avoir combattu avec succès les observations de
la chambre de commerce sur les draps ; cependant, avant de me prononcer, je
voudrais entendre la chambre de commerce relativement à ce qu’a dit M. le
ministre des finances ; voilà pourquoi je voudrais attendre.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - J’ai donné, je crois, une raison déterminante
pour commercer par les tableaux : nous distinguons dans l’article 9 les
marchandises qui peuvent être transitées et celles dont le transit est prohibé,
et nous les rangeons dans plusieurs catégories différentes : or, tous les
articles subséquents se rapportent à ces catégories ; comment voulez-vous
prononcer sur ces articles, si les éléments de catégories ne sont pas connus ?
Est-ce l’article relatif aux draps qui demande un examen approfondi ?...
J’entends parler à côté de moi de cet article.
Mais laissez commencer la discussion, et l’on vous
démontrera que la chambre de commerce d’Anvers, qui a réclamé contre le projet
en ce qui concerne cette spécialité, s’est trompée sur l’élévation même du
droit de transit par
M.
Rogier. - Je ne reviendrai pas sur le motif personnel que j’avais
d’abord mis en avant pour demander que l’on passât à la discussion de l’art. 10
et des suivants.
Toutefois, j’avoue que les raisons émises par le
ministre ne me paraissent pas avoir plus de poids que les miennes.
Messieurs, si la discussion ne devait être portée
que sur une prétendue erreur de la chambre de commerce d’Anvers, il n’y aurait
pas de motif pour retarder la discussion du tableau ; car je prouverai que la
chambre de commerce n’a pas fait d’erreur. Mais j’ai beaucoup d’autres
observations à faire.
J’ai fait remarquer combien la loi contient de
dispositions décevantes, et combien de mesures, qui paraissent avantageuses au
commerce, lui seront au contraire funestes.
Il y a plus, la loi que nous discutons n’est pas
seulement aggravante sous le rapport des formalités, mais elle l’est quant au
fond même des dispositions. Car il est question de prohiber plusieurs marchandises
au transit qui ne le sont pas actuellement. Pourquoi les boissons distillées,
pourquoi le sucre raffiné est-il prohibé au transit, alors que l’on indiquait
le sucre raffiné comme un des objets les plus importants de transit ?
M. le ministre des finances a dit que les
modifications apportées aux états A et B auraient de l’influence sur les
dispositions des articles suivants, et qu’il faudrait renforcer peut-être les
mesures de police destinées à la répression de la fraude. Je défie M. le
ministre de rendre les mesures de police plus sévères qu’elles ne le sont dans
la loi soumise à vos discussions. Il est difficile de les pousser plus loin.
Je serais désolé d’être la cause du retard d’une
loi aussi importante. Si donc M. le ministre des finances tient à ce que l’on
discute immédiatement le tableau, comme c’est à lui que doit appartenir
l’initiative dans cette discussion, je déclare ne pas m’opposer plus longtemps.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). -
J’avais une raison personnelle pour ne pas insister sur l’examen immédiat des
tableaux A et B, si cela était possible, et cette raison serait la déclaration
faite par l’honorable député de Turnhout qu’il n’est pas préparé à soutenir la
discussion.
Mais je regarde comme impossible de postposer cet
examen. Il s’agit en effet d’une partie intégrante de l’article 9, de la partie
la plus essentielle de la loi, de celle peut-être qui soulèvera seule des
discussions. Tous les autres articles qui suivent sont combinés dans la prévision
de l’adoption des états A et B. Il serait donc impossible de les voter si nous
n’avions pas arrêté définitivement les objets permis au transit et ceux qui ne
le sont pas. Messieurs, l’on a parlé de sévérité, de précautions fiscales qui
font l’objet d’une grande partie de la loi, Messieurs, ces précautions ne sont
gênantes que pour la fraude. Le négociant loyal ne s’en inquiétera pas. Il fera
ses déclarations exactement et ne sera jamais sous le coup des dispositions
comminatoires que la loi renferme. J’avoue que ces mesures rendront la fraude
excessivement difficile. Mais c’est le but que vous devez tous désirer
atteindre et sous ce rapport la loi ne saurait être trop sévère.
M. Coghen - J’ai
demandé la parole pour faire observer qu’il est impossible de continuer la
discussion des articles, avant d’être fixés sur les tableaux A et B. En effet,
si vous votiez d’abord les articles qui suivent l’article 9 et que vous en
vinssiez ensuite à l’examen de ces tableaux, il serait possible que l’admission
ou le rejet de quelques objets de transit rendit les articles soit incomplets,
soit inutiles. Il me semble donc qu’il faut passer outre à la discussion des
tableaux. Je regrette vivement que l’honorable M. Rogier ne soit pas préparé à
parler dans cette discussion, lui qui a toujours fait preuve d’aptitude à
approfondir les questions qui touchent à l’économie sociale.
M. Demonceau. -
Il est tellement nécessaire de discuter avant tous les états A et B, que nous
serions arrêtés à l’art. 15 par les mêmes considérations que d’honorables
préopinants viennent de faire valoir.
- La chambre décide que l’examen des états A et B
aura lieu immédiatement.
« Etat litt. A. des marchandises d’accises non
prohibées au transit et rangées dans la troisième catégorie. »
« 1° Bière. »
- Adopté.
« 2° Sucre brut, à l’exclusion du sucre
raffiné. »
M.
Rogier. - Je crois ces mots : « à l’exclusion du sucre raffiné »
inutiles, d’autant plus que le sucre raffiné est compris dans les articles
prohibés.
M. Desmet demande
le maintien de ces mots.
M.
Dumortier. - Je ne comprends pas l’observation du préopinant. La désignation
du sucre brut indique assez l’exclusion du sucre raffiné.
M.
A. Rodenbach. - M. Desmet a voulu dire qu’il y avait entre le sucre
brut et le sucre raffiné une espèce intermédiaire que l’on pourrait faire passer
tantôt pour du sucre brut, tantôt pour du sucre raffiné, selon l’intérêt de la
fraude. Je veux parler des lumps, espèce de sucre qui a déjà subi une
préparation et qu’on raffine ensuite, à Hambourg, par exemple, c’est l’objet
d’un grand mouvement commercial et industriel.
M.
Smits. - Il est impossible de se tromper sur la classification des
lumps ; c’est évidemment du sucre raffiné, puisqu’il a subi une première
manipulation, et qu’il est cristallisé. Il y a lieu de supprimer, en toute
sécurité, les mots signalés à juste titre, par M. Rogier, comme formant un
pléonasme.
M. Coghen - Je suis
également d’avis qu’il faut supprimer les mots : « A l’exclusion du sucre
raffiné. » L’expression de sucre brute exclut toute idée de sucre raffiné.
L’on ne fera jamais passer les lumps pour du sucre brut. Cette espèce de sucre
a subi son raffinage et se trouve dans la catégorie des sucres raffinés.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Il y a d’autant moins de danger à retrancher
les mots signalés comme un pléonasme que c’est l’administration qui
interprétera la loi et que les employés décideront si cette espèce de sucre
doit rentrer dans la catégorie des sucres raffinés. La crainte d’ouvrir la
porte à la fraude ne doit pas arrêter ici la chambre.
M.
Lardinois. - Je crois qu’il convient de maintenir les mots qui se
trouvent dans le numéro, précisément par la raison que vient de donner
l’honorable ministre des finances.
Il ne faut pas que l’administration interprète ; il
vaut mieux que la loi soit claire. Si vous conservez l’expression : « à
l’exclusion du sucre raffiné, » il sera bien entendu que l’on ne peut faire
entrer en transit le sucre raffiné à un degré quelconque.
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - L’on avait inséré dans le
numéro 2° ces mots : « à l’exclusion du sucre raffiné, » parce que
l’on avait reconnu qu’il y a entre le sucre brut et le sucre raffiné une
qualité intermédiaire. C’est le sucre qui a subi une première préparation et
qui ne peut encore passer pour du sucre raffiné. Mais maintenant qu’il résulte,
de l’explication soulevée dans cette chambre, que le sucre qui aura reçu une
préparation quelconque ne sera pas admis au transit, il ne pourra y avoir lieu
à aucun doute, et l’administration tiendra la main à ce que le sucre brut seul
passe en transit.
M. Coghen - Il est
bien entendu que le gouvernement n’exclut pas du transit le sucre blond de
M. Dumortier. -
L’observation de l’honorable membre est inutile. Tout le sucre qui arrive des
colonies a subi une préparation première. C’est ce sucre, que l’on nomme
cassonade, qui forme ce qu’on appelle le sucre brut. Le sucre blond de
- La chambre vote la suppression des mots :
« à l’exclusion du sucre raffiné. »
Le numéro 2°, ainsi amendé, est adopté.
________________
« 3° Vins. »
- Adopté.
Article 9 (tableau B
annexé) (marchandises sujettes aux accises)
« Etat litt. B. des marchandises prohibées au
transit (quatrième catégorie). Marchandises sujettes aux accises
« 1° Boissons distillées ;
« 2° Saumure, sel brut et raffiné ;
« 3° Sucre raffiné. »
M. Rogier. - Je
demanderai pourquoi l’on prohibe au transit les boissons distillées qui,
aujourd’hui, transitent librement. Je demanderai également pourquoi l’on
prohibe la saumure ; le sel brut et raffiné était bien prohibé au transit, mais
jusqu’à présent la saumure ne l’était pas.
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - L’expérience a démontré la
nécessite de prohiber les boissons distillées en transit. La fraude
considérable qui se fait avec la plus grande facilité sur les spiritueux a
ouvert les yeux à l’administration.
Rien n’est plus facile que de substituer l’esprit
fait avec des pommes de terre aux esprits venus de France. Il est impossible,
et les procès qu’a perdus l’administration l’ont prouvé, de distinguer l’esprit
de marc de raisin d’avec l’esprit de pommes de terre, quand la force des deux
spiritueux est la même. Cette seule condition a au moins suffi pour donner gain
de cause aux fraudeurs contre l’administration dans les procès qu’elle leur
avait intentés.
Nous avons prohibé la saumure parce que l’on
comprend que l’on ne peut faire passer cet article en transit que dans
l’intention de frauder. Dans quel but transporterait-on de l’eau saumâtre, si
ce n’est pour chercher à substituer de l’eau à la substance salée ? Il serait
trop difficile à l’administration de vérifier l’altération qui se serait faite
d’un bureau à l’autre.
On comprendra pourquoi le sucre raffiné est prohibé
au transit. Il n’est pas d’article qui présente plus d’appât à la fraude. Qu’il
me suffise de rappeler que le droit sur les cent kilogrammes de sucre raffiné
est de 60 francs. L’on comprendra les bénéfices énormes que la fraude peut
réaliser en substituant une denrée quelconque au sucre raffiné. L’on croirait à
peine l’adresse avec laquelle cette fraude s’opère et la difficulté qu’il y a
pour les employés de l’administration de la déjouer. Il me semble que la seule
considération du droit de 60 fr. sur les
M.
A. Rodenbach. - Je partage entièrement l’opinion de l’honorable
ministre des finances. Rien n’est plus facile que de substituer l’eau-de-vie
indigène à l’eau-de-vie étrangère. La fraude y gagne cent pour cent, et comme
l’analyse chimique ne permet pas de découvrir la falsification, il est
impossible que les tribunaux condamnent les fraudeurs.
Il en est de même de la saumure. Rien ne serait
plus facile que de substituer l’eau au sel. Nous ne devons protéger la fraude
en aucune manière. Je rappellerai à cette occasion que la loi sur le sel est
une des plus urgentes que nous ayons à discuter. Elle rapporterait plus d’un
million annuellement au trésor.
On sait que la fraude a fait d’excellentes affaires
sur le sucre raffiné. Il s’est gagné des sommes immenses dans cette partie. La
substitution de pains de sucre brut de
Je me range donc complètement à l’avis de M. le
ministre des finances.
M. Dumortier. -
Je commence par déclarer, comme l’honorable M. Rogier, que le projet est
empreint d’un singulier esprit de fiscalité, et que l’on y a fort inutilement
introduit des mesures sévères contre le commerce.
L’on veut empêcher que la fraude sur un objet n’ait
lieu, et, au lieu de prendre des précautions, on trouve plus simple de
supprimer le commerce. On tue la fraude, mais du même pavé on tue le commerce.
Avec un procédé aussi expéditif, certes vous n’aurez plus de fraude ; mais
aussi vous n’aurez plus de commerce, et vous aurez un pays bien prospère.
M. le ministre des finances trouve qu’il est
nécessaire de supprimer le commerce de transit des boissons spiritueuses, parce
que la fraude substitue aux eaux-de-vie étrangères l’alcool indigène. D’abord,
je ferai observer que, quant au droit de consommation, cela est indifférent ;
il se paie toujours.
Mais il me semble qu’il y avait une chose plus
simple à faire que de supprimer le commerce de transit des boissons
spiritueuses ; il suffisait de dire que l’exportation des boissons distillées
ne pourrait se faire qu’autant qu’elles ne seraient pas sorties de l’entrepôt
réel. Sous la garde des employés, il est impossible qu’on les falsifie.
Je ferai remarquer que souvent des bâtiments en
charge à Ostende s’approvisionnent d’eaux-de-vie de France.
Le prix de cette denrée peut être plus bas dans
notre pays qu’en France, lorsqu’il s’est opéré de grandes ventes en France et
que notre marché est encombré.
On exporte maintenant beaucoup de genièvre distillé
en Hollande, et vous savez, messieurs, qu’en certaines colonies on ne veut que
du genièvre de Schiedam, ; d’après le projet en discussion, ce spiritueux ne
pourrait plus traverser le pays, non plus que l’esprit de vin, ni aucune
boisson distillée à l’étranger : le système du projet que les ministres nous
ont soumis, tend à supprimer la fraude, mais en même temps il aura pour effet
de supprimer le commerce.
Il était un moyen bien plus simple, messieurs, de
prévenir la fraude : c’était de dire que les boissons distillées qui
traverseront le pays en transit devront être déposées dans les entrepôts, non
pas dans des entrepôts fictifs, mais dans des entrepôts réels, dans des
entrepôts du gouvernement, où elles seront sous sa garde ; de cette manière, on
aurait conservé au haut commerce la faculté de faire le commerce de transit sur
les marchandises dont il s’agit, et l’on aurait évité au trésor public le
préjudice considérable qu’il subira par la prohibition de ces marchandises.
Ce système serait beaucoup plus conforme aux
intérêts du commerce et à ceux de l’Etat que celui qui vous est soumis par le
gouvernement, et je crois qu’on ne peut élever aucune objection sérieuse à cet
égard ; je vous présenterai donc un amendement autorisant le transit des
boissons distillées, pour autant qu’elles n’auront séjourné que dans les
entrepôts publics.
Le n°2° est relatif au sel
brut et raffiné et à la saumure ; à cet égard je désirerais quelques
explications : une des principales branches de notre industrie, c’est la pêche
et la salaison du poisson de mer ; or, quand des navires se mettent en mer pour
la pêche, ils prennent avec eux du sel ou de la saumure, et on leur restitue
les droits d’entrée qui ont été payés pour ces objets ; mais si vous en
prohibez le transit, il n’y a plus de restitution possible ; ainsi tout le sel
ou la saumure employé à la salaison du poisson pêché en pleine mer devra payer
les droits d’entrée et les droits de sortie.
Quant au sucre raffiné, je ne crois pas qu’il soit
nécessaire de prouver que, si vous en interdisez le transit, vous supprimez le
commerce de cet article, et il ne faut restreindre le commerce que lorsqu’il
est d’une indispensable nécessité de le faire. Or, cette nécessité n’existe
pas, car le sucre raffiné étant soumis à toutes les formalités auxquelles on
soumet les autres marchandises, telles que plombage, emballage, etc., l’on ne
peut pas craindre que le transit de cet objet donne lieu à la fraude, car si
les caisses qui renferment du sucre sont plombées par les agents du
gouvernement et surveillées par eux jusqu’à ce qu’elles aient passé la
frontière, il est impossible que quelqu’un s’avise d’y mettre d’autres
marchandises sans s’exposer à subir presque infailliblement les pénalités que
la loi commine contre cette fraude.
Toutefois, comme, si j’ai bon souvenir, le transit
du sucre raffiné ne peut se faire que par les trois bureaux de Quiévrain,
Marche et Henry-Chapelle, l’objet est très minime, et je n’y attache pas plus
d’importance qu’il ne faut ; mais je maintiens mes observations sur les numéros
1° et 2° qui concernent les boissons distillées, la saumure et le sel brut et
raffiné, qui sont en Belgique l’objet d’une industrie considérable.
M. Rogier. -
Messieurs, les motifs de la prohibition des boissons distillées sont puisés
dans la faculté que le transit de cette espèce de marchandises présente à la
fraude ; à cet égard, je dois abonder dans l’opinion de l’honorable M.
Dumortier qui a posé la question de savoir si, pour empêcher la fraude, il
fallait supprimer le commerce ; ce serait là un moyen efficace, mais cependant
pas aussi efficace qu’on pourrait le croire au premier abord ; car celui qui veut
frauder trouve bien plus de facilité à le faire en introduisant frauduleusement
des marchandises dans le pays qu’en les déclarant comme objets de transit,
puisque, dans le premier cas, il n’est pas continuellement sous la surveillance
du gouvernement, comme quand il a déclaré que ses marchandises doivent
transiter : dès l’instant qu’il fait cette déclaration, arrivent le plombage,
l’emballage le convoiement, les acquits-à-caution, les amendes, tandis que
quand il est parvenu à faire entrer l’objet de sa fraude dans le pays sans le
déclarer, il échappe à toutes ces précautions. Et remarquez qu’il n’est pas
extrêmement difficile d’introduire frauduleusement des marchandises en
Belgique, car nos frontières ont une étendue immense, et, ainsi qu’on l’a fait observer
dans un autre discussion, malgré toutes les précautions qui ont été prises pour
empêcher la fraude, malgré les 50 douaniers qu’on a ajoutés au grand nombre de
ceux qui existent déjà, il est reconnu que la fraude s’exerce encore sur une
grande échelle et que l’administration est, dans beaucoup de cas, impuissante
pour l’empêcher.
On peut donc soutenir jusqu’à un certain point que
si vous supprimez le transit, on introduira, sans les déclarer, les
marchandises que l’on voudra frauder. Je demande en outre si l’on peut encore
craindre que le transit ne facilite la fraude lorsque, par suite des
dispositions qui nous sont proposées, les marchandises qui traverseront le pays
ne pourront plus faire un pas sans être sous la main du gouvernement.
J’ai une observation générale à faire, messieurs,
c’est que si nous rendons le transit trop difficile, les marchandises se
détourneront vers d’autres pays de l’Europe :
Je dois dire qu’à mon avis il y a peu d’harmonie
entre les dispositions que nous discutons et celles dont il a été question tout
à l’heure, et qui concernent les droits d’entrée sur les marchandises
françaises. J’applaudis fort au projet qui nous a été présenté par le
gouvernement, en ce qu’il abaisse les droits sur certaines marchandises
provenant de France ; et je crois qu’il est de la loyauté de la chambre
d’adopter, dans une mesure équitable, des propositions qui ont pour but de
rendre notre système douanier moins rigoureux à l’égard de
C’est pour satisfaire aux vœux manifestés par les
chambres que notre gouvernement s’est mis en rapport avec le gouvernement
français, et il en a obtenu de grandes concessions. (Réclamations.) Je sais qu’aujourd’hui les concessions obtenues ne
sont plus rien ; on est toujours conséquent avec soi-même. Lorsqu’il s’agissait
d’abord d’ouvrir des négociations pour obtenir des modifications au tarif
français, on disait : « C’est un leurre, vous n’obtiendrez rien ; les
chambres françaises sont éminemment prohibitives ; nous ne croyons pas au
succès de vos négociations. » Aujourd’hui que ces négociations ont obtenu
du succès, ce succès n’est plus rien.
Je dis, moi, que c’est
beaucoup, que c’est un grand pas de fais, et si vous croyez que ce n’est rien,
lisez les discussions qui ont eu lieu à cet égard dans les chambres françaises,
et vous verrez si ce n’est pas la sueur de son front que le gouvernement a
obtenu les concessions qui nous ont été accordées.
Je dis donc que ce n’est pas en présence des bonnes
dispositions du gouvernement français que nous devons nous montrer sévères
envers les productions françaises, et c’est ici le moment de nous prononcer à
cet égard, car les boissons distillées sont un des articles de provenance
française sur lesquels s’exerce aujourd’hui le transit le plus important ; il
est donc convenable, messieurs, que nous facilitions ce transit au lieu de le
supprimer, d’autant plus que cela ne peut donner lieu à aucun inconvénient, car
je crois vous avoir prouvé que la liberté du transit ne peut pas faciliter la
fraude surtout après que vous l’aurez entouré de toutes les précautions
établies dans le projet en discussion.
Messieurs, les observations que je viens de vous
soumettre doivent nécessairement s’appliquer au sel raffiné et même au sucre
raffiné, et, quant à ce dernier article, je crois que dans l’état actuel des
choses il est nécessaire de prendre des précautions pour empêcher qu’il ne soit
introduit en fraude ; que même la décision que nous prendrons à l’égard du
transit de cette marchandise sera d’une assez minime importance, car nous
raffinons à très bon compte, et non seulement nous ne recevons pas de sucres
raffinés, mais nous en exportons en grande quantité.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Messieurs, d’après les dernières observations
de l’honorable M. Rogier, et d’après ce qui s’est passé tantôt dans cette
enceinte relativement au projet de loi modifiant le tarif des douanes, vous
pouvez juger combien la position du gouvernement est difficile, combien il doit
savoir résister à l’impulsion qu’on voudrait lui donner, tantôt dans un sens,
tantôt dans un autre ; il est d’honorables membres de, cette assemblée qui
semblent craindre qu’on n’aille trop loin dans la prohibition de certaines
marchandises venant de France ; d’autres redoutent qu’on n’accorde trop
facilement accès à ces mêmes marchandises ; l’honorable préopinant vient de
dire que si vous empêchez le transit de telle ou telle provenance française,
vous allez marcher en sens inverse du projet de loi relatif aux douanes que
nous vous avons proposé. Le gouvernement doit conserver, entre ces différentes
opinions, un équilibre convenable aux intérêts du pays. Il doit surtout se
garder d’admettre des principes absolus en pareille matière.
Et, messieurs, s’il importe à
Un
membre. - Alors il faut tout prohiber.
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - Non, il ne faut pas tout
prohiber ; il faut prendre un juste milieu, et celui-ci, je pense ne
rencontrera de l’opposition de la part de personne.
On vous a encore parlé de la saumure. On ne se rend
pas compte de ce que c’est que de faire transiter de la saumure, car les moyens
de transport coûteraient plus que ne vaut la marchandise, attendu que le poids
est immense comparativement à la valeur réelle. On n’aurait d’autre but, en
usant de la facilité de transiter la saumure, que de la laisser dans le pays.
On nous dit : Mais vous voulez empêcher le transit
de certains objets par votre territoire, parce qu’il prête à la fraude ; empêchez
plutôt la fraude sur la frontière ; empêchez, par exemple, l’introduction
frauduleuse des spiritueux de France, mais laissez-les transiter.
Je répondrai que j’aime mieux n’avoir qu’un moyen
de fraude à combattre que d’en avoir deux. Et le second serait plus difficile
que l’autre, car quand vous aurez la marchandise à frauder dans le milieu du
pays, il sera bien difficile de l’empêcher de s’étendre que de l’empêcher de
pénétrer quand elle se présente à la frontière.
J’ai donné une raison concluante ; c’est que si on
permet le transit, la fraude est impossible à éviter. On substituera des
spiritueux indigènes aux spiritueux étrangers, et il sera impossible de faire
constater qu’on a fraudé.
Messieurs, je crois avoir rencontré toutes les
objections présentées, à l’exception d’une seule sur laquelle je dois encore
donner un mot d’explication.
M. Dumortier a pensé qu’on ne pourrait pas exporter
les marchandises prohibées au transit, quand elles seraient entrées dans les
entrepôts libres. Il se trompe, toutes les marchandises qui viendront dans les
ports libres d’Ostende et d’Anvers pourront être réexportées par ces mêmes
ports. Si le contraire pouvait résulter le moins du monde des termes de notre
projet, cela serait en opposition avec nos intentions ; toutefois comme des
doutes se sont élevés à cet égard, je vais m’occuper de la rédaction d’une
disposition formelle pour obviera toute fausse interprétation.
M.
Coghen - Par la disposition que M. le ministre des finances annonce, les
marchandises continueront à être admises en entrepôt libre, et pourront être
réexportées même sans payer de droit. En ne permettant pas le transit des
marchandises dont il s’agit, nous perdons nécessairement le commerce qui peut
se faire de l’extérieur avec l’Allemagne ; nous perdons le commerce que
Dans l’intérêt de nos raffineries, je pense,
messieurs, qu’on peut, qu’on doit même défendre le transit des sucres raffinés.
On ne transite pas, ou très peu dans ce moment, parce que notre législation est
avantageuse à nos raffineries et leur permet de soutenir la concurrence avec
l’étranger sur les marchés voisins ; mais mille circonstances peuvent changer
cet état de choses, certaines modifications peuvent être apportées en France et
en Angleterre au régime du sucre raffiné, et nous faite perdre une grande
partie du commerce que nous faisons avec l’Allemagne.
Messieurs, je crois que lorsque notre chemin de fer
vers l’Allemagne sera achevé, nous pourrons sans danger admettre les boissons
distillées et les sucres raffinés destinés au transit, en entrepôt réel dans
les ports de mer, parce qu’on n’aura qu’à les charger sur les wagons, sans
qu’il soit possible d’y porter la moindre altération pendant le trajet jusqu’au
territoire étranger : ces transports se feront avec célérité et sous escorte.
Mais jusqu’à cette époque, qui n’est pas éloignée, il serait dangereux
d’accorder cette facilité au commerce.
M.
A. Rodenbach. - J’ai demandé la parole pour répondre à l’honorable
député de Tournay que je ne pensais pas que les pêcheurs payassent les droits
pour le sel qu’ils emportent en mer ; ils doivent remplir les mêmes formalités
que dans les fabriques. Les tanneurs, par exemple, pour le sel qu’ils emploient
pour tanner leurs peaux, obtiennent une réduction du droit. Il y a une foule
d’autres fabriques qui jouissent de la même faveur, il doit en être de même
pour les pêcheurs. Le ministre des finances connaissait cela.
Je pense, comme l’honorable préopinant, que s’il
n’y avait que des ports de mer en Belgique, le principe de la liberté du
transit serait très favorable ; mais nous devons envisager les intérêts de
l’industrie, et si vous permettez le transit du sel raffiné, on le raffinera
dans les pays voisins et on le fera transiter, et cela laissera fort peu de
bénéfice ; vous perdrez par là vos raffineries de sel qui ne sont pas déjà dans
un état trop prospère.
Je ne dis pas qu’il faut adopter un système tout à
fait prohibitif, mais il ne faut pas non plus accorder une protection excessive
au transit, car nous perdrions les débouchés que notre industrie trouve vers
l’Allemagne. Si quelques branches, d’industrie ont souffert de la révolution,
il en est qui n’ont rien perdu ; les raffineries de sucre, par exemple, ont
prospéré ; il est des industriels qui en très peu de temps ont fait des
fortunes de quatre à cinq cent mille francs. Si vous ne voulez pas leur nuire,
vous ne pouvez pas adopter pour le transit un principe par trop large : l’excès
en tout est mauvais.
M. Smits. - Je viens
appuyer les propositions du tableau litt. B, présenté par le gouvernement,
parce que dans mon opinion il est incontestable qu’une fraude très considérable
aurait lieu si le transit des boissons distillées était libre, attendu qu’on
substituerait des mélanges indigènes aux liquides étrangers pour frauder les
droits d’entrée qui sont assez considérables.
L’honorable M. Dumortier a dit qu’en défendant ce
transit, les navires en charge dans nos ports, qui voudront faire des
exportations vers des pays étrangers, ne pourront pas trouver toutes les
parties de cargaison dont ils auront besoin pour leur voyage de sortie ; mais
l’honorable membre n’a pas réfléchi que la loi du 31 mai 1828, qui règle les
entrepôts libres, continue de subsister, et que, d’après cette loi, les
eaux-de-vie étrangères sont admises dans les entrepôts libres d’Ostende, de
Bruges et d’Anvers, et peuvent être réexportées par la même voie, de sorte que
les navires qui visiteraient nos ports et qui auraient besoin de ce liquide,
trouveraient toujours tous les approvisionnements nécessaires.
Quant à la saumure, il est
probable que si on en permettait le transit, on ne se servirait de ce moyen que
pour soutirer les futailles et fabriquer du sel avec leur contenu, et frustrer
le trésor de ses revenus. Voilà à quoi ce transit pourrait tendre, et à rien
autre chose.
Maintenant, pour ce qui concerne le sucre raffiné,
je partage l’opinion de M. Coghen ; le transit pourrait être quelquefois
défavorable à notre industrie. En effet, pourquoi doit-on quelquefois s’écarter
des principes généraux et défendre le transit ? C’est quand il peut procurer à
une nation étrangère le moyen de venir en concurrence avec nous sur un marché
voisin que nous approvisionnons. Ainsi, on propose de défendre le transit du
fer parce qu’une industrie rivale pourrait, en empruntant notre territoire,
venir en concurrence avec la forgerie nationale sur les marchés français. Il
pourra en être de même pour le sucre lorsque, par le chemin de fer,
Des puissances qui
nous avoisinent accordent des avantages immenses à leurs industries ; aussi
n’est-ce qu’à force de travail et parce qu’elles travaillent en grand, de
manière a diminuer les frais généraux de fabrication, que nos raffineries
nationales soutiennent la concurrence avec ces raffineries étrangères. Mais, je
le répète, quand vous aurez établi une voie plus économique et plus rapide avec
l’Allemagne, ces dernières essaieront peut-être d’emprunter notre territoire,
pour venir lutter avec nous au moyen de nos propres communications. Je ne dis
pas que cela arrivera, mais cela peut arriver, et c’est pour cela, messieurs,
qu’il faut être prudent. Je crois, d’après ces modifications, qu’il y a lieu
d’adopter la proposition du gouvernement.
M. Dumortier. -
Il faut répondre à ce qu’a dit l’honorable préopinant ; suivant lui, les
eaux-de-vie de France ne seraient pas exclues du transit en entrepôt libre.
Pour décider la question il faut lire l’article premier de la loi qui distingue
les espèces de transit et le titre du tableau B ; on voir en effet par là que
les marchandises prohibées au transit comprennent les alcools en entrepôt
libre. La rédaction de l’article de la loi doit subir une modification.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Je proposerai l’amendement suivant qui
satisfera, j’espère, à toutes les exigences. Il serait mis à la fin de
l’article :
« Le dépôt et le transit des objets prohibés
restent permis dans les entrepôts libres, sous la condition que l’importation
et l’exportation en soient effectuées respectivement et exclusivement par le
port même de l’entrepôt dans lequel ces objets seront entrés. »
M. Legrelle. -
A propos de l’article des eaux-de-vie dont on s’occupe maintenant, je ferai
observer à ceux qui prétendent que la loi sur le transit est dans l’intérêt des
localités, que le transit des alcools est loin de produire cet effet.
- Les paragraphes de l’état B sont mis aux voix.
« 1° Boissons distillées. »
- Adopté.
« 2° Saumure, sel brut et raffiné. »
- Adopté.
« 3° Sucre raffiné. »
- Adopté.
Article 9 (tableau B
annexé) (marchandises non sujettes aux accises)
« Etat litt.
B. des marchandises prohibées au transit (quatrième catégorie). Marchandises
non sujettes aux accises
M. le président. -
Nous allons passer à la nomenclature des marchandises non sujettes aux accises.
« 1° Armes et munitions de guerre. »
(Le transit n’en est permis que par les bureaux des
frontières vers les pays qui ne sont point en hostilité avec
M. Dumortier. -
Je ferai observer ici que l’état d’hostilité est une chose assez difficile à
définir ; par exemple, il serait difficile de dire que nous soyons en état
d’hostilité envers
M. A. Rodenbach.
- L’état d’hostilité est évident !
M. Dumortier. -
Cependant, nous ne sommes pas en paix avec
M. A. Rodenbach.
- Non ; mais nous sommes dans l’état de guerre !
M. Dumortier. - Je
ne vous interromps pas, M. Rodenbach ; ne m’interrompez pas non plus.
Je voudrais qu’on dît : « avec les pays qui
sont en paix avec
- L’amendement présenté par M. Dumortier étant mis
aux voix est adopté.
Le paragraphe premier ainsi amendé est adopté.
« 2° Bestiaux, à l’exclusion des chevaux et
mulets. »
M. Rogier. - Mais,
dans une loi spéciale sur les bestiaux, n’a-t-il pas été statué sur les
exceptions, et la loi actuelle est-elle en harmonie avec la loi spéciale ?
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Nous faisons une loi générale, il est vrai ;
mais la loi spéciale n’en subsistera pas moins. Cependant on peut modifier la
rédaction de manière à rappeler cette loi spéciale, pour qu’il ne reste pas de
doute sur son existence obligatoire.
- Le n°2° « bestiaux, à l’exclusion des chevaux et
mulets, » est mis aux voix ; il n’est pas adopté.
________________
« 3° Drilles et chiffons. »
- Adopté.
« 4° (projet du gouvernement). Minerai de fer,
ferraille ou vieux fer, et petite mitraille de fer. »
« « 4° (projet de la section centrale).
Fer. »
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - Vous remarquez que la section
centrale a étendu à toute espèce de fer la mesure qui nous proposions de
restreindre au minerai de fer, à la ferraille et à la petite mitraille de fer.
Ainsi toute sorte de fer serait exclue de la faculté du transit. Je pense que cette
mesure serait trop rigoureuse, car des ouvrages en fer, du fer prêt à être
livré à l’usage immédiat, ne doivent pas être exclus de la faculté du transit.
Je proposerai donc de substituer au n°4° un
paragraphe ainsi conçu :
« 4° Fers, savoir : Minerai, fonte en gueuse,
en plaque ou en autre forme, non ouvrés, battus ou étirés en barres, verges et
carillons, y compris les barres à rainures dites rails, tôles, canons coulés et
battus, vieux fer, ferraille et mitraille. »
Vous voyez que de cette manière nous n’excluons que
le fer non ouvré sortant des usines. Pour celui-là, nous avons intérêt à
l’exclure ; il est possible que le haut prix du fer ne se maintienne pas. Quand
les chemins de fer seront achevés, quand différentes usines importantes seront
construites, le prix du fer pourra fort bien changer. Nous avons en tout cas
intérêt à ne pas en permettre le transit, alors que nous pouvons éviter par là
une concurrence nuisible à notre forgerie. Tolérer le transit du fer, ce serait
en effet nous créer une concurrence ; ce serait favoriser à notre détriment la
vente des fers étrangers sur les marchés de nos voisins ; nous pourrions, à
cette occasion, vous signaler un exemple des effets du transit des fers :
l’ouverture d’un bureau de douanes en France, opérée dans une zone déterminée
par le gouvernement français pour l’avantage exclusif de nos établissements
métallurgiques, a favorisé l’introduction et la vente en France de certains
fers étrangers en concurrence nuisible pour les fers de notre pays. Ne
sommes-nous donc pas fondés à dire qu’autoriser le transit du fer ce serait
souvent favoriser à notre détriment la vente du similaire étranger ?
M. Zoude. - Je
demanderai à M. te ministre des finances pourquoi le projet prohibe le transit
du minerai de fer. Comme les droits sur cette matière surpassent la valeur, je
crois la prohibition inutile.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Le minerai de fer est prohibé à la sortie ; on
en conçoit la nécessité ; je croyais n’avoir pas besoin de la démontrer.
Le minerai de fer se produit sous différentes
formes et notamment en paillettes extrêmement menues. On pourrait donc
introduire un sabre rouge ressemblant au minerai de fer et substituer à ce
sable du minerai. Cette fraude serait très facile. Je ne sais pas d’ailleurs à
quoi servirait d’autoriser le transit du minerai, sinon à favoriser la fraude ;
car dans tous les pays on prohibe la sortie de cette matière première.
M. Zoude. - La
sortie du minerai de fer est prohibée en France. Mais la sortie de cette
matière est permise en Prusse, et le droit de sortie surpasse la valeur. En
sorte que je ne vois pas l’utilité de prohiber le transit.
- L’amendement de M. le ministre des finances est
adopté ; il forme le n°4°.
« 5° Pierres à diguer. »
M. Rogier. - Je ne
vois pas pourquoi on prohibe le transit des pierres à diguer, non plus que des
pipes de terre. Car, pour moi, je regarderais comme un bonheur que
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - Les motifs qui nous ont engagé
à prohiber le transit des pierres à diguer, sont très simples. D’abord, nous
fournissons des pierres à diguer à
La disposition qui autoriserait le transit
pourrait, d’ailleurs, tourner au profit de la fraude, et cette fraude serait
très facile ; car en plaçant dans un bâtiment une masse de pierres à diguer, et
au-dessous de celles-ci des marchandises frappées d’un haut droit, telles que
des soieries ou des spiritueux, on soustrairait ces introductions à la
vigilance des employés ; et, en effet, à moins de faire décharger chaque fois
toutes ces pierres, ce qui serait à peu près impossible, l’on ne saurait
garantir que lesdites marchandises ne seraient pas déversées dans le pays par
le moyen du transit de ces pierres.
Quant aux pipes de terre j’avoue que la disposition
ne me paraît pas très importante. On n’a proposé la prohibition du transit de
ces objets que parce qu’on a trouvé dans le tarif actuel qu’ils étaient déjà
prohibés, et parce que l’on fabrique, d’ailleurs, des pipes dans le pays.
M.
Devaux. - J’ai à faire une observation qui ne se rapporte pas
spécialement au numéro en discussion, mais une observation générale. C’est
qu’il me semble que si l’on admet les motifs que vient de donner M. le ministre
des finances pour prohiber le transit de plusieurs objets, on aura bientôt des
raisons pour exclure tout transit.
Il faut, dit-on, prohiber le transit des pierres à
diguer, parce que le transit de ces pierres, en raison de la difficulté à les
charger et les décharger, pourrait favoriser la fraude. Mais d’après cela il
faudrait aussi prohiber le transit des pavés, des pierres à bâtir. Cependant,
c’est en qu’on ne fait pas.
M. le ministre des finances dit aussi que l’on doit
prohiber ce transit, parce que ce serait offrir à l’étranger qui exporté nos
produits, le moyen de leur préférer des produits étrangers.
Mais si l’on admet ce principe de M. le ministre
des finances, il ne faut plus de transit ; si vous craignez tellement la
rivalité de l’étranger pour vos produits, je ne sais pas pourquoi vous faites
une loi de transit.
J’ai dû faire cette observation générale, pour que
les principes énoncés par M. le ministre des finances ne le fussent pas au
moins sans contestation, et pour faire voir que la conséquence de ces principes
était la prohibition du transit.
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - Au lieu de venir m’attribuer
l’émission de principes et de prétendre que ces principes sont erronés, il eût
fallu, ce me semble, démontrer d’abord que j’avais posé des principes, ensuite
indiquer les erreurs dont eussent été entachés ces principes.
Il est évident que si j’avais émis une théorie
large comme celle que m’attribue gratuitement l’honorable préopinant, je ne
voudrais d’aucune loi de transit ; car, selon cette théorie, il faudrait
empêcher, dans tous les cas, le transit de tous les produits étrangers. Mais je
n’ai jamais raisonné en thèse générale dans cette discussion. Je me suis borné
à soutenir que dans certains cas il était utile d’interdire le transit de
certaines marchandises ; et quoi qu’en puisse penser mon contradicteur, je
défendrai toujours cette opinion ; si d’une autre part nous devons protection
au commerce, d’autre part nous devons aussi protection à l’industrie
intérieure. (Approbation de la part de
plusieurs membres.)
L’un vaut l’autre.
Mais puisqu’on parle de
principes, n’est-il pas évident qu’avec ceux de l’honorable préopinant il ne
faudrait gêner en rien le transit d’aucun objet ? Il suffirait en effet de
déclarer que le transit de toute espèce de choses est complètement libre. Voilà
où, par une conséquence nécessaire, conduisent les raisonnements de l’honorable
préopinant.
Pour moi, je le répète, je n’ai pas énoncé de
principes absolus ; j’ai cherché, pour chaque article isolément, à justifier la
mesure proposée et à démontrer qu’elle était dans l’intérêt du pays.
Pour revenir aux pierres à diguer, je dis que
puisque nous fournissons ces pierres à
Mais, m’a-t-on opposé, la conséquence d’une telle
prohibition devrait aussi entraîner celle du transit. Je répondrai à cela qu’il
n’y a pas de similitude, et que le transit des pavés, trop pesants d’ailleurs
pour être transportés au loin, n’a pas de par sa nature à faire l’objet d’une
disposition particulière dans l’intérêt de l’exploitation de nos carrières ; il
en est de même des autres articles non désignés dans la loi.
M.
Devaux. - Je persiste à dire que la conséquence des principes que M. le
ministre des finances vient encore d’émettre, c’est d’interdire le transit de
tous les produits étrangers similaires à ceux de
M.
Dumortier. - Je suis d’accord avec l’honorable préopinant dans les
principes qu’il a émis ; il est incontestable que M. le ministre des finances a
été trop loin dans les motifs qu’il a donnés en faveur de la prohibition du
transit en général. Mais en ce qui concerne les pierres à diguer, je demande le
maintien de la prohibition du transit. Vous savez que, dans l’état actuel, toutes
les pierres à diguer proviennent des bords du Rhin, de
M.
Coghen - Le motif qui a fait défendre le transit des pierres à diguer
est celui-ci. Les départements limitrophes de France ont aussi des carrières abondantes
de ces sortes de pierres dont
Ce transit est interdit dans l’intérêt de la
navigation intérieure. En effet, si on le tolère, cette navigation, qui est en
souffrance, se trouvera réduite à rien, et les bateaux français qui iraient
prendre des cendres en Hollande, y amèneraient des pierres à diguer, ressource
qui serait tout à fait perdue pour nos nombreux bateliers.
M. Desmet. - Je
suis étonné de voir l’honorable M. Devaux partisan si exclusif du transit, lui
qui, dans un discours prononcé à l’une des dernières séances, a raconté que
M. Devaux. - J’ai cité
cet exemple, au contraire pour prouver l’utilité du transit, et pour faire voir
que le débit d’un produit pouvait favoriser le débit d’un autre produit tout
différent.
M. Gendebien. -
Il me semble que l’on s’occupe trop de théorie dans cette discussion ; on
devrait ne pas perdre de vue que c’est une question de fait qui domine ici ;
enfin si on ne permet pas le transit des marchandises par notre pays, elles
viendront à leur destination par d’autres points. Ainsi, par exemple, je ne
conçois pas pourquoi on ne laisse pas transiter le sel par notre pays ; car, à
défaut de
- Le n°5 est mis aux voix et adopté.
« 6° Pipes de terre. »
M. A. Rodenbach.
- Je crois, messieurs, qu’il est nécessaire de frapper de prohibition les pipes
de terre ; en agir autrement ce serait favoriser singulièrement
Messieurs, on a parlé de principes, et l’on a dit
qu’il fallait admettre le transit ; mais, messieurs, avec de pareils principes,
il ne nous resterait plus qu’à déclarer
Je persiste à demander la prohibition des pipes de
terre.
M. Rogier. - Je
pense que c’est à tort qu’on accuse certaines membres de la chambre de poser
des principes généraux, jusqu’à présent nous ne nous sommes occupés que de
questions spéciales, non pas que nous éprouvions du dédain pour les principes,
car je crois qu’en politique comme en économie politique et en beaucoup
d’autres choses, les principes ne gâtent rien.
Mais je remarque que ceux qui reprochent à leurs
adversaires de poser des principes, sont précisément ceux qui tiennent le plus
aux leurs.
M. Smits. -
Messieurs, je ne pense pas qu’il y ait lieu à maintenir la prohibition des
pipes de terre : Car, comment pourrait-on craindre la fraude de cette marchandise
?
Je suppose qu’il y ait substitution de pipes
pendant le transit ; qu’en résultera-t-il ? C’est qu’on exportera des pipes
nationales.
________________
« 7° qui devient 6°
Poudre-à tirer. »
- Adopté.
«7° Vinaigre de toute espèce. »
M. Rogier. - je
demanderai pourquoi on prohibe les vinaigres de toute espèce alors qu’ils ne
l’étaient pas suivant la loi en vigueur.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Le droit de transit est assez élevé
aujourd’hui sur les différentes espèces de vinaigres étrangers. Toutefois comme
nous faisons dans le pays un vinaigre de pommes qui n’a aucune espèce de valeur
marchande, mais qui sert aux habitants des campagnes, on pourrait impunément
substituer au vinaigre étranger introduit par le transit, ce vinaigre de
pommes, sans qu’on puisse constater la fraude ; ce qui frustrerait le trésor de
ses droits.
Voilà le motif de la prohibition de transit du
vinaigre.
- Le n°7° est mis aux voix et adopté.
M. le président. -
Voici la disposition additionnelle que propose M. le ministre des finances :
« Le dépôt et le transit des objets dénommés à
l’état ci-dessus restent permis dans les entrepôts libres, sous la condition
que l’importation et l’exportation soient effectuées respectivement et
exclusivement par le port même de l’entrepôt dans lequel ces objets seront
entrés. »
M. Smits. - Je
propose de faire commencer cet amendement par ces mots : « Conformément à
la loi du 31 mars 1828. »
Je pense que M. le ministre ne trouvera aucun
inconvénient à cette addition que je ne propose que pour faire voir que cette
loi continue à être en vigueur.
M. le ministre
de l'intérieur (M. de Theux). - Il me semble que cette addition est
inutile, car la loi de 1828 sur les entrepôts ne sera pas abrogée par celle qui
nous occupe.
M. Rogier. -
Je crois qu’il vaut mieux laisser la loi
du 31 mars 1828 telle qu’elle est que d’adopter la disposition proposée par le
ministre des finances. Il suffirait d’ajouter après les deux tableaux
renfermant les marchandises sujettes ou non aux accises prohibées au transit,
la disposition suivante :
« La loi du 31 mars 1828 reste applicable aux
marchandises comprises au littera B. »
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Il est nécessaire d’adopter la disposition que
j’ai proposée, à cause des mots « respectivement et exclusivement »
que j’y ai insérés. C’est ainsi qu’il faut entendre la loi de 1828, mais elle
ne s’exprime pas d’une manière assez formelle, quoiqu’on l’ait toujours
exécutée ainsi. Mais on pourrait prétendre qu’on peut faire transiter les
marchandises, d’un port libre à un autre par l’intérieur du pays. Mon honorable
collègue M. Coghen, qui a été ministre des finances, a dit qu’on a élevé des
doutes sur le sens de la loi de 1828 à cet égard, et qu’on a prétendu qu’elle
devait être interprétée de cette manière. Pour lever tout doute à l’avenir, il
vaut mieux ajouter quelques mots.
M. Rogier. - Je
crois qu’au lieu d’être favorable au transit on ne fera qu’empirer sa position.
La législation actuelle, la loi de 1828 est très claire. Je ne crois pas
qu’elle ait donné lieu à des réclamations. Je ne vois donc pas de motif pour y
substituer la disposition proposée par le ministre des finances.
Ce que nous demandons, c’est que les marchandises
prohibées au transit déposées en entrepôt libre puissent être réexportées. S’il
y a doute sur la force obligatoire de la loi de 1828, c’est-à-dire qu’elle
continue à être applicable à ces marchandises.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Le but de la disposition que j’ai présentée
est de bien faire comprendre que les marchandises entrées dans un entrepôt
libre doivent ressortir par le bureau par lequel elles sont entrées. On peut
ajouter à cette disposition, ainsi que le demande M. Smits :
« Conformément à la loi de 1828. » Ceci tranchera tout doute, s’il
pouvait en exister.
- Le sous-amendement présenté par M. Smits est mis
aux voix et adopté.
La disposition présentée par M. le ministre des
finances, ainsi modifiée, est adoptée.
La séance est levée à 5 heures.