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Chambre des représentants de
Belgique
Séance
du lundi 6 juin 1836
Sommaire
1) Pièces
adressées à la chambre
2)
Rapport sur des demandes en naturalisation
3) Motion
d’ordre relative à la tenue des séances de la chambre (absentéisme et règlement
de la chambre) (F. de Mérode, Dubus,
Gendebien)
4) Projet
de loi portant des modifications au tarif des douanes
5) Motion
d’ordre relative à la tenue des séances de la chambre (Dumortier,
Gendebien)
6)
Rapports sur des demandes en naturalisation (de
Brouckere, Desmanet de Biesme, Pollénus,
de Brouckere, Legrelle, Dubus)
7) Projet
de loi autorisant l’émission d’un emprunt de 30 millions de francs. Situation
de la société générale vis-à-vis du trésor (d’Huart, Dumortier, (+construction du chemin de fer) d’Huart, Dumortier, d’Huart, Dumortier)
8) Motion
d’ordre relative à l’état d’avancement du chemin de fer. Corps des ingénieurs
des ponts et chaussées (Gendebien, de
Theux, Dumortier, Devaux, Gendebien)
9) Projet
de loi relatif au transit. Politique commerciale du gouvernement. Condition de
réciprocité avec une puissance étrangère (délégation du pouvoir législatif) (Smits, Pollénus, d’Huart,
Dumortier, de Theux, (+sénat)
Dubus, d’Huart, Dumortier), possibilité pour l’administration de
transiger (Rogier, d’Huart)
10)
Projet de loi ouvrant un crédit au budget du département de la guerre pour le
couchage des troupes (Desmaisières)
(Moniteur
belge n°159, du 7 juin 1836 et Moniteur belge n°160, du 8 juin 1836)
(Présidence de M. Raikem.)
(Moniteur belge
n°159, du 7 juin 1836) M. de Renesse
fait l’appel nominal à une heure et demie.
M. Schaetzen
lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.
M. de Renesse
fait connaître l’objet des pièces adressées à la chambre.
PIECES ADRESSEES A
« Le sieur Brycx
(Désiré-François-Guillaume), né en France et habitant
________________
« Le sieur Mengal,
clerc laïc, né en Belgique d’un père français, ayant omis de faire la
déclaration prescrite par l’article 9 du code civil, demande la
naturalisation. »
________________
« Le
sieur Moraux, ex-employé des douanes, admis à la retraite, réclame le paiement
d’une somme de 61 francs qui lui reviennent du chef de sa pension pour le 1er
semestre de 1832. »
________________
« Le
sieur Nicolas-Joseph Dumoulin, à Liège, réclame la pension du chef d’indemnités
contractées au service. »
________________
« Trois
miliciens de 1835 de la province de Namur, non tombés au sort et mariés en
1835, réclament contre la décision de la députation de la province de Namur,
qui les appelle au service pour compléter le contingent de la classe de 1836. »
________________
- Les pétitions concernant les naturalisations sont
renvoyées à M. le ministre de la justice ; les autres sont renvoyées à la
commission des pétitions chargée d’en faire le rapport.
RAPPORTS SUR DES
DEMANDES EN NATURALISATION
M. Dubus, M. Lejeune, M. Milcamps
et M. Desmet,
rapporteurs de la commission des naturalisations, déposent des rapports sur le
bureau.
MOTION D’ORDRE
RELATIVE A
M. F. de Mérode.
- Messieurs, d’après notre règlement, nos séances doivent commencer à midi.
Néanmoins, depuis assez longtemps, on ne parvient à être en nombre qu’à deux
heures ; il en résulte que ceux qui arrivent à midi doivent attendre pendant
deux heures, sans aucun avantage pour nos travaux.
Il me semble qu’il serait urgent de prendre une résolution
relative à la tenue de nos séances. On devrait faire l’appel nominal à midi
précis, procéder à un réappel à midi et demi ; et si
alors on n’était pas en nombre, les membres présents sortiraient de la salle de
manière que chacun serait averti le lendemain que s’il n’était pas rendu à la
chambre à midi, la séance ne pourrait avoir lieu.
De cette manière, nous aurions des séances de 4 à 5
heures ; nous pourrions faire de la besogne, au lieu que si nous continuions à
n’avoir que des séances de 2 heures, nous pourrions encore passer une grande
partie de l’été ici.
M. le président. -
Demain nous ferons l’appel nominal à midi et quart.
M. F. de Mérode.
- Je ne demande pas qu’on fasse simplement l’appel nominal, sans autre
résultat. Je le répète, l’objet de ma motion est qu’on procède à un réappel à midi et demi, et qu’alors, si la chambre n’est
pas en nombre, les membres présents prennent la résolution de quitter la salle.
J’entends dire que la session ne durera guère plus
de 8 jours ; mais, messieurs, je ne pense pas qu’il faille perdre la
moitié des séances, parce que la session ne durera plus que huit jours ; je
pense, au contraire, que c’est un motif de plus pour adopter ma proposition ;
les huit jours qui nous restent en seront d’autant mieux utilisés.
Je demande qu’il soit pris une décision sur ma
motion d’ordre.
M.
le président. - Je déclare de nouveau que demain nous ferons l’appel
nominal à midi et quart.
M. F. de Mérode.
- Mais, M. le président, je demande qu’on fasse un réappel
à midi et quart.
M. le président. -
Nous le ferons, quand nous serons en nombre.
M. F. de Mérode.
- Il me semble que M. le président n’est pas disposé à mettre ma proposition
aux voix.
M. Dubus. - La
proposition de l’honorable ministre d’Etat, M. de Mérode, telle qu’il vient de
la formuler, serait réellement un article de règlement. Or, je ne pense pas
qu’on puisse adopter un nouvel article de règlement, sans examen préalable.
Je ferai observer, d’ailleurs, que l’adoption de la
proposition aurait un résultat contraire à celui que se promet l’auteur de la
motion. Il pourrait en résulter, en effet, que les travaux de la chambre
fussent entravés ; nous pourrions souvent ne pas avoir séance ; et il me paraît
qu’il vaut mieux avoir une séance de deux ou trois heures que de n’en avoir pas
du tout. (L’ordre du jour ! l’ordre du jour
!)
M. F. de Mérode.
- Messieurs, ma proposition tend évidemment à rendre nos séances plus longues,
et il ne plus laisser attendre ceux qui se rendent toujours à la chambre à
l’heure précise, sans aucun encouragement pour eux.
L’honorable préopinant ne montre pas beaucoup de
sollicitude pour l’emploi du temps de la chambre : car, dans beaucoup de
circonstances, il est disposé à voter des congés, à lever les séances de bonne
heure, et même à les faire cesser.
Quant à moi, j’ai un autre système ; si l’on ne
veut pas adopter ma proposition, il est clair qu’on veut traîner les sessions
indéfiniment, comme cela a eu lieu jusqu’à présent.
M.
Dubus. - Je demande la parole pour un fait personnel.
Comme je suis le seul qui aie pris la parole pour
répondre aux observations de l’honorable ministre d’Etat, M. de Mérode, je ne
puis appliquer qu’à moi les insinuations qu’il s’est permises.
C’est donc moi que M. le ministre d’Etat signale
comme étant fort empressé de provoquer des congés, et de rendre les séances
aussi courtes que possible.
Je dois dire que ma conduite à la chambre me paraît
tout à fait opposée à celle que me prête M. de Mérode ; et je me bornerai à
répondre à l’honorable membre que je l’invite à articuler des faits, et que je
les rencontrerai un à un.
Certes, messieurs, il ne dépend pas de moi que les
séances de la chambre ne soient pas plus longues, et il m’est arrivé aussi
souvent qu’à tout autre de mes honorables collègues d’attendre assez longtemps
avant l’ouverture de la séance.
M. Gendebien. -
Il n’y a pas plus de trois mois que nous avons adopté un article additionnel au
règlement. Il a été décide alors qu’on ferait l’appel nominal à midi et quart
précis, et qu’on insérerait les noms des absents dans le Moniteur.
Messieurs, nous devons prendre un parti
aujourd’hui. Fera-t-on l’appel nominal demain à midi et quart, et inscrira-t-on
au Moniteur les noms des absents ?
Quant à moi, si on est décidé à faire l’appel
nominal à midi et quart, je serai à mon poste à midi et dix minutes.
PROJET DE LOI
PORTANT DES MODIFICATIONS AU TARIF DES DOUANES
M. David monte en ce
moment à la tribune et dépose un rapport sur le projet de loi modifiant certains
articles du tarif des douanes.
- Ce rapport sera imprimé et distribué.
MOTION D’ORDRE
RELATIVE A
- La chambre reprend la discussion de la motion de
M. de Mérode.
M.
Dumortier. - Messieurs, certainement c’est une chose très fâcheuse de
voir que l’assemblée n’est généralement en nombre que vers deux heures, alors
que le règlement nous oblige d’ouvrir la séance à midi.
Mais je ne pense pas que l’on doive, ainsi que l’a
fait un des préopinants, adresser de ce chef des reproches à l’un ou à l’autre
membre de cette chambre.
Comme les paroles de M. de Mérode pourraient avoir
du retentissement dans le pays, je dois expliquer les causes du retard
qu’éprouve la chambre d’être en nombre ; il provient, messieurs, de ce que les
séances sont beaucoup trop prolongées sans intervalle. Rappelez-vous que nous
avons été convoqués au mois d’août dernier ; c’est donc depuis dix mois que la
session dure, et dans cet intervalle nous n’avons été en vacances que pendant
le mois d’octobre.
Il n’en est pas de même en Angleterre ; là, le
parlement ne reste jamais rassemblé que pendant 6 semaines ou deux mois ; après
quoi il prend un congé de la même durée.
Il faut l’avouer, messieurs, la vie que nous menons
ici est tout à fait fatigante. Comment pouvez-vous exiger une assiduité
constante pendant des sessions qui durent dix mois ? On ne pourra parer à
l’inconvénient dont on se plaint, qu’en adoptant le système suivi en Angleterre
et en France.
M. Gendebien. -
En attendant, le règlement doit être exécuté. La chose dépend du bureau. Je le
prie de vouloir bien s’expliquer.
M. le président. -
Messieurs, nous faisons toujours l’appel nominal, dès que la chambre est en
nombre, et le bureau est toujours à son poste à midi.
Si l’assemblée le désire, on procédera demain à
l’appel nominal à midi et quart.
RAPPORTS SUR DES DEMANDES
EN NATURALISATION
M. Desmanet de
Biesme. - Messieurs, j’ai l’honneur de déposer sur le bureau divers
rapports sur des demandes en naturalisation.
La chambre a renvoyé à la commission une nouvelle
pétition de M. Hauss, professeur à l’université de
Gand, sur la première pétition duquel j’ai déjà fait un rapport.
Comme la nouvelle requête ne contient aucune
considération nouvelle, je demande qu’elle puisse être jointe au premier
rapport. (Oui ! oui !)
M.
de Brouckere. - La chambre est maintenant saisie d’un certain nombre de
rapports relatifs à des demandes en naturalisation. Il conviendrait de fixer
dès à présent des séances pour prendre des décisions sur ces rapports.
Comme ce ne sera guère qu’une opération de vote, on
pourrait y consacrer des séances du soir.
M. Desmanet de Biesme. - Tout en
appuyant la proposition faite par M. de Brouckere, je ferai remarquer que nous
ne pouvons pas nous occuper de toutes les demandes en naturalisation à la fois,
et de là j’en infère que nous devons commencer par statuer sur les demandes les
plus pressées. Par exemple, il y a beaucoup de douaniers qui peuvent continuer
leur service sans être naturalisés ; mais il est beaucoup d’employés dans les
administrations communales pour lesquels il importe d’être promptement
naturalisés. Il est ainsi beaucoup de personnes qui, par certaines
circonstances, ont perdu leur qualité de Belges et qui veulent la recouvrer ;
il serait important pour elles qu’elles pussent prendre part aux élections
départementales et communales. De tout ceci il résulte qu’il faudrait ranger
les demandes en naturalisation en diverses catégories.
M.
Pollénus. - Je rappellerai que parmi les demandes en naturalisation il
en est une d’un magistrat de l’ordre judiciaire ; il est extrêmement important
pour ce magistrat et pour le tribunal où il doit remplir ses fonctions, que
l’on statue sur sa demande.
M.
de Brouckere. - Je crois que ce n’est pas le moment de rechercher dans
quel ordre nous discuterons les demandes en naturalisation. La commission qui a
examiné ces demandes pourrait nous dise quel ordre serait le meilleur.
M. Legrelle. -
Dans l’ordre qui nous sera proposé, je ferai observer qu’il est important de ne
pas négliger les demandes en naturalisation faites par des capitaines de
navires.
- La chambre décide que mercredi soir elle
s’occupera des demandes en naturalisation. La réunion aura lieu à 8 heures
précises du soir.
M. de Brouckere.
- Mercredi soir, la commission nous fera connaître dans quel ordre il
conviendra de procéder.
M. Dubus. - Il
y a environ soixante rapports déposés sur le bureau ; pour les discuter, il faut
que les rapporteurs soient présents. Ce serait un précédent fâcheux que
d’établir l’ordre d’une discussion dans la séance même où elle doit avoir lieu.
Les rapporteurs pris à l’improviste pourraient ne
pas être en état de donner les renseignements utiles. Si les rapporteurs
jetaient un coup d’œil sur les travaux qu’ils ont déjà faits, ils pourraient,
dès demain, nous dire dans quel ordre il conviendrait de délibérer.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart) (pour une motion d’ordre). - Je pense avec M.
Dubus que demain, à la séance, nous pourrons déterminer l’ordre de la
discussion, sur l’avis de MM. les rapporteurs de la commission des
naturalisations.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart) (pour une motion d’ordre). - Mais j’ai une autre
motion à soumettre à l’assemblée.
Je demande que la discussion sur le projet de loi
concernant l’emprunt de 30 millions soit mis à l’ordre du jour immédiatement
après la délibération sur le projet concernant le crédit pour les lits
militaires.
M.
Dumortier. - Je pense que l’on doit entendre la proposition faite par
le ministre en ce sens que l’on s’occupera de l’emprunt après le second vote
sur la loi concernant le transit.
Mais, à propos de la motion du ministre, je dois
rappeler une question préjudicielle agitée par la troisième section dont je
faisais partie. Cette section a demandé que l’on ne discutât l’emprunt qu’après
avoir discuté la question relative à la banque.
Le trésor public possède entre les mains de la
banque une somme de 25 millions environ ; avant de faire un emprunt, il faut
savoir si nous ne pouvons pas disposer d’une grande partie de ces 25 millions.
Je demande que les questions de la banque et de l’emprunt soient mises
simultanément en discussion.
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - Je pense qu’il n’y a pas lieu à
mettre en délibération la proposition de M. Dumortier ; la section centrale en
a fait justice, en l’écartant. Les chiffres se joignent aux raisonnements pour
combattre péremptoirement cette proposition. Quand même vous pourriez obtenir
les 25 millions qui sont, dites-vous, entre les mains de la banque, quand même
cette somme pourrait être versée au trésor, il y aurait encore lieu à s’occuper
de l’emprunt.
M. Dumortier nous parle sans cesse de ces 25
millions ; mais cette somme ne se touchera pas sans quelques difficultés, sans
de longs délais, et cependant il y a urgence à faire de l’argent, car les dix
millions de bons du trésor créés pour le chemin de fer sont à peu près épuisés,
et si l’on écarte l’emprunt, ce ne sera qu’au détriment de la continuation des
travaux du chemin de fer ; ce qui ne peut entrer dans la pensée de personne.
Il ne faut pas embrouiller les idées et les
affaires ; il faut se borner à l’examen de la question que soulève l’emprunt,
comme la majorité de la section centrale l’a déjà décidé.
M. Dumortier. -
Le ministre des finances s’exprime légèrement sur la décision qu’a prise la
section centrale, et sur la manière dont elle a envisagé la question. La
section centrale n’a pas combattu victorieusement ma proposition.
On vous dit : L’argent que le gouvernement a dans
les mains de la banque, n’est pas de l’argent dont on puisse disposer, et si on
n’accorde pas un emprunt, il faudra abandonner momentanément le chemin de fer ;
mais, réfléchissez que le moyen le plus sûr d’avoir de l’argent n’est pas de
faire un emprunt : tout le monde sait que les rentrées pour les emprunts se
font mensuellement : le prêteur donne deux ou trois millions par mois, et il
faudra 12 ou 15 mois pour l’encaissement de 30 millions.
Quant aux 25 millions en
litige et sur lesquels la chambre est appelée à statuer, il en serait
autrement. En maintenant le traité avec la banque, vous obtiendrez facilement
la somme ; en ne le maintenant pas, vous obtiendrez encore la somme après
régularisation des opérations par la cour des comptes.
Ainsi, loin de considérer ma proposition comme
défavorable au chemin de fer, elle lui serait très favorable, et il ne faut pas
la traiter légèrement.
Je demande que la chambre ne préjuge rien
actuellement. Quand nous en viendrons à l’emprunt, nous examinerons s’il faut
accorder la priorité au rapport sur la banque ou à l’emprunt.
Tout particulier qui a besoin d’argent, avant de
faire un emprunt, doit voir s’il ne peut pas disposer de l’argent qu’il a entre
les mains de son caissier. Il faut appliquer cette notion si simple aux
affaires de l’Etat.
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - Lorsque la discussion de la
loi concernant l’emprunt sera ouverte, on examinera s’il faut recourir à cet
emprunt ou si l’on peut s’en passer ; on développera toutes les raison qui
appuient la demande du gouvernement ou qui la repoussent ; ceux qui n’en
voudront pas, voteront contre, ou ils accorderont avec M. Dumortier un fragment
de la somme réclamée, Car je crois qu’il veut donner six millions au lieu de
30.
Si ses raisons sont concluantes, si vous pensez que
l’on peut toucher, en temps utile, les fonds de la banque, vous ne voterez que
six millions. Ce sera contre la loi un motif que nous aurons à combattre. Mais,
entre discuter la question de l’emprunt et examiner toutes les questions que
soulève le rapport de M. Fallon, il y a une différence immense ; vous le
sentirez facilement.
Je n’ai pas besoin d’insister sur l’urgence de
l’emprunt, elle est évidente pour tout le monde.
Je ne veux pas aborder le fond de la question,
quoiqu’il me serait facile de démontrer par des chiffres à M. Dumortier qu’il
est dans l’erreur lorsqu’il prétend qu’un emprunt ne produirait pas de suite
les sommes nécessaires pour continuer les travaux du chemin de fer.
Je me borne à demander que le projet de loi relatif
à l’emprunt soit mis à l’ordre du jour. M. Dumortier fera valoir ses motifs
pour le faire rejeter ou pour faire voter six millions au lieu de trente.
M. Dumortier. -
Je prie M. le ministre des finances de ne pas placer la sixième section dans
une autre position que celle où elle s’elle mise. La 6ème section n’a pas
demandé le rejet de l’emprunt, elle a demandé que la priorité fût accordée à la
question de la banque, parce qu’elle s’est dit que si l’examen de cette
question était que l’on pût disposer des fonds de la banque, il y aurait lieu
de modifier en ce sens la loi de l’emprunt ; tandis que si vous mettez d’abord
en discussion la loi de l’emprunt, vous nous mettez dans une fausse position,
vous nous mettez dans l’impossibilité de faire triompher l’opinion que nous
défendons.
Réfléchissez-y bien : avant d’entrer dans la voie
ruineuse des emprunts, il importe que nous sachions si nous avons ou non le
moyen de toucher les fonds que nous doit la banque.
Dès le mois de novembre dernier, sur la proposition
de l’honorable M. Lebeau, la question de la banque a été mise à l’ordre du
jour. Elle devait venir immédiatement après la loi communale, ensuite
immédiatement après les budgets ; nous voici arrivés au mois de juin, et la
question de la banque n’est plus à l’ordre du jour, je ne sais comment.
J’aurais pensé qu’on aurait dû continuer de la porter à l’ordre du jour comme
on y a porté la loi communale, qui a figuré pendant deux mois sur nos bulletins
de convocation.
Je maintiens la proposition de la 6ème section ; je
demande que, sans rien préjuger, la chambre décide qu’elle examinera, avant de
discuter le projet de loi d’emprunt, s’il n’y a pas lieu d’accorder la priorité
à la question de la banque.
- La chambre consultée adopte successivement la
proposition de M. le ministre des finances, tendant à ce que le projet de loi
relatif à l’emprunt de 30 millions soit mis à l’ordre du jour après les objets
qui s’y trouvent déjà, et la proposition de M. Dumortier tendant à ce que,
quand viendra la discussion de ce projet de loi, on examine la question de
savoir s’il n’y a pas lieu d’accorder la priorité la discussion du rapport sur
la banque.
MOTION D’ORDRE RELATIVE A
L’ETAT D’AVANCEMENT DU CHEMIN DE FER
M. Gendebien
(pour une motion d’ordre.) - Je ne puis me dispenser de renouveler la motion que
j’ai faite il y a quelques jours. M. le ministre des finances a reconnu la
nécessité d’achever le plus tôt possible les travaux du chemin de fer. Je pense
qu’il est d’accord sur ce point avec M. le ministre de l’intérieur. Cependant
je ne puis m’empêcher de rappeler que de toutes parts il s’élève des plaintes
sur la lenteur des travaux, sans doute par suite de l’excès de zèle des deux
ingénieurs directeurs des travaux, qui croient pouvoir suffire à tout et qui
craignent peut-être aussi de partager la gloire qu’ils espèrent en retirer.
Je demande si les
travaux ne marcheraient pas avec plus de promptitude, s’ils étaient dirigés par
six ingénieurs, au lieu de l’être par deux. Il ne s’agit pas ici de travaux
d’entreprise particulière, qui doivent souvent marcher lentement, parce que les
entrepreneurs n’auraient pas d’argent. Non : tous les fonds sont faits, et la
chambre est prête à fournir les fonds nécessaires ; nous ne manquons pas de
capacités ni de bras dans le pays ; il ne manque qu’une volonté ferme qui fasse
sentir aux deux ingénieurs qu’en partageant la gloire de la direction des
travaux, ils conserveront celle de la conception de cet immense travail, et ils
acquerront encore une gloire suffisante à leurs justes prétentions.
Je demande donc que M. le ministre de l’intérieur
examine s’il n’y a pas lieu d’appeler à la direction des travaux six ou huit
ingénieurs au lieu de deux. Il n’y a pas d’ingénieur des ponts et chaussées qui
ne soit disposé à y concourir avec le même zèle que
ceux qui s’y consacrent aujourd’hui.
D’un autre côté, je dois dire que j’ai reçu du
Hainaut une lettre où on me fait remarquer que M. le ministre de l’intérieur ne
m’a pas répondu catégoriquement lorsque je lui ai demandé quand on s’occuperait
des travaux de l’embranchement du chemin de fer vers le Hainaut. Il faudrait
cependant une solution à cette question.
M. le ministre
de l'intérieur (M. de Theux). - Je crois avoir répondu le plus
catégoriquement possible. J’ai dit que le rapport de la commission des
ingénieurs, chargée d’examiner les diverses directions par le Hainaut, n’était
pas encore prêt. Ce rapport doit m’être remis demain. Je m’occuperai
immédiatement de son examen.
M.
Dumortier. - J’approuve les motifs qui ont dicté les observations de
l’honorable M. Gendebien. Mais
puisqu’il a parlé du Hainaut, je dois dire quelques mots dans l’intérêt de la
ville que je représente.
Rien n’est décidé pour la direction de la route
vers
M. le ministre
de l'intérieur (M. de Theux). - Je puis répondre à l’honorable
préopinant que les ingénieurs se sont occupés des diverses directions par le
Hainaut, et que leur rapport contiendra des conclusions sur ce point.
M.
Devaux. - Il me semble qu’il n’y a pas de reproches à adresser aux deux
ingénieurs qui dirigent les travaux du chemin de fer, et qu’ils méritent au
contraire des éloges pour leur activité et leur intelligence.
Je crois qu’un honorable préopinant est dans
l’erreur relativement à l’embranchement par le Hainaut ; car les deux
ingénieurs auxquels il a voulu faire allusion sont absolument étrangers à ce
projet. Ce sont trois autres ingénieurs qui sont chargés de cette partie de la
route en fer.
Quant à la continuation de la route commencée, il
n’y a pas, ce me semble, de retard : dix lieues de route sont terminées ; la
section de Termonde va être bientôt livrée.
Les travaux sont en outre très avancés sur
plusieurs points, notamment entre Louvain et Tirlemont. Plusieurs autres
sections sont mises en adjudication. Je crois donc que l’on n’est pas fondé à
adresser des reproches à des hommes qui font preuve, je le répète, de beaucoup
d’activité et d’intelligence et qui ont plutôt droit à des éloges que pour ma
part je leur adresse très volontiers.
M. Gendebien. - Il
faut avoir une singulière manie d’interpréter, et d’interpréter d’une manière
malveillante, les paroles d’un collègue pour voir un reproche dans ce que j’ai
dit. Je voudrais bien qu’un membre de la chambre indiquât un reproche, ou même
seulement l’intention d’un reproche, dans ce que j’ai dit à l’égard des deux
ingénieurs auxquels j’ai fait allusion. Il faut avoir une singulière manie
d’interpréter à mal les paroles d’un collègue pour voir, dans ce que j’ai dit,
un reproche à leur égard. Au contraire, en toute occasion, j’ai rendu justice à
leur zèle, à leur capacité, à leur bonne volonté. Mais n’est-il pas évident
qu’il y aura plus d’activité dans les travaux, s’il y a 6 ingénieurs au lieu de
2 ?
Voilà la seule observation que j’ai faite
précédemment, et que j’ai renouvelée aujourd’hui. Quant aux reproches que
j’aurais adressés aux ingénieurs, je repousse cette imputation malveillante, et
je défie de citer une de mes expressions qui puisse la justifier.
Le préopinant dit que ce ne sont pas les 2
ingénieurs qui dirigent l’exécution des travaux qui ont été chargés de lever
les plans pour l’embranchement vers Mons. Je le sais aussi bien que lui, et je
ne leur ai pas plus adressé des reproches sous ce rapport que sous l’autre
point de vue. Mais je dis que sur les routes vers Gand, Ostende, Liége, il est
impossible d’activer davantage les travaux, si on n’en confie pas la direction
à 6 ingénieurs au lieu de deux. Il me semble qu’il y a là plutôt louange que
blâme.
Quant à l’embranchement vers le Hainaut, je ne veux
pas entrer dans cette discussion de savoir s’il doit passer par Mons plutôt que
par Tournay. Je ne veux pas qu’on dise que j’insiste en faveur de mon clocher.
Si la route de France passe par Amiens et Lille, Tournay aurait son
embranchement vers Lille. Mais cela n’empêche pas que Mons ait un embranchement
qui lui est indispensable.
Du reste, il est certain que si le gouvernement
français fait passer la route en fer par Cambray, il
y aura deux embranchements : l’un vers Lille, l’autre vers Valenciennes. Si le
chemin de fer ne va que jusqu’à Valenciennes, il se trouvera bien une société
qui fera un embranchement de Mons vers Valenciennes.
- La chambre passe à la suite de l’ordre du jour.
PROJET DE LOI RELATIF AU
TRANSIT
Discussion des articles
Article
37
(Moniteur
belge n°160, du 8 juin 1836) M. le président.
- La discussion continue sur l’article 37 et l’amendement proposé à cet article
par M. Dubus.
M.
Smits. - Je ne pense pas que la proposition de l’honorable M. Dubus
puisse être admise ; car il y a une grande différence entre l’article 15 et
l’article 37. L’article 15 accorde au gouvernement la faculté de prohiber le
transit de telles denrées qu’il jugera convenable, sauf à donner aux chambres,
dans leur plus prochaine session, communication des mesures qu’il aurait
prises. D’après l’article 37 le gouvernement peut accorder à une nation
étrangère des avantages de transit sous la condition d’une entière et parfaite
réciprocité. Ainsi il peut arriver que le gouvernement traite, par exemple,
avec
M. Pollénus. -
Après que M. le ministre des finances s’était rallié, à la dernière séance, à
la proposition de la section centrale, l’honorable rapporteur a déclaré que
l’intention de la section centrale avait été d’adopter la proposition telle
qu’elle a été faite par l’honorable M.
Dubus. En effet, le rapporteur de la section centrale nous a renvoyés à
la page 15 du rapport où nous lisons :
« Nous avons cru devoir accorder au
gouvernement cette faculté de suppression ou de diminution des droits de
transit, mais en la limitant dans le sens de l’art. 15, c’est-à-dire que les
diminutions ou les suppressions de droit que l’administration aura opérées
viendront à cesser, après la clôture de la plus prochaine session de la
législature, si elles n’ont été converties en lois. »
Je demanderai donc à M. le ministre des finances
s’il se rallie à la proposition de M. Dubus, laquelle, d’après le rapporteur
rend mieux la pensée de la section centrale que la proposition qu’elle avait
faite.
L’honorable préopinant
croit qu’il n’y a pas les mêmes motifs pour adopter à l’article 37 la disposition
que vous avez votée à l’article 15. Je crois que les mêmes motifs existent
absolument. De quoi s’agit-il, dans l’une et l’autre disposition ? De modifier
une disposition sur un objet sur lequel il appartient au pouvoir législatif
seul de statuer ; car l’art. 112 de la constitution porte : « Nulle
exemption ou modération d’impôt ne peut être établie que par une loi. »
Or, une loi, c’est bien un acte des différentes branches du pouvoir exécutif.
Un acte du pouvoir exécutif remplaçant une loi, même pour un terme limité !
Cela est déjà exorbitant. L’art. 15 porte que le
gouvernement n’aura ce droit qu’en l’absence des chambres.
Je dis, messieurs, que nous avons le même motif de
nous assurer que la déviation de l’art. 112 de la constitution ne sera pas
permanente. C’est à porter à l’art. 37 la même disposition qu’à l’art 15.
Je trouve qu’il y a ici une difficulté grave, une
question constitutionnelle à examiner. D’après l’art. 112 de la constitution,
un impôt ne peut être établi que par une loi. Une loi est l’œuvre des trois
branches du pouvoir législatif, et ici vous voulez déléguer au pouvoir exécutif
un droit qui appartient aux différentes branches réunies du pouvoir législatif.
Je n’ai pas eu le temps d’examiner la question ; les réflexions que je viens de
faire m’ont été suggérées par ce que vient de dire l’honorable préopinant ; je
les livre aux méditations de la chambre.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Ainsi que l’a fait remarquer l’honorable M.
Smits, il faut convenir qu’il y a une différence notable entre l’article 15 et
l’article 37. L’article 15 donne au gouvernement la faculté de prohiber telle
ou telle marchandise, par conséquent de prendre une mesure rigoureuse, tandis
que dans l’article 37 il ne s’agit que de diminuer, de supprimer même les
droits de transit par voie de réciprocité.
Nous avons pensé devoir vous présenter une
rédaction qui nous paraît de nature à recevoir notre approbation. Elle est
conçue dans le même sens que celle de M. Dubus, sans présenter les mêmes
inconvénients.
Nous pensons que dès qu’une seule chambre aura
manifesté son opinion, la mesure doit tomber de plein droit. Il n’y a donc pas
à craindre ainsi que la mesure subsiste contre la volonté d’une partie du
pouvoir législatif, puisque nous voulons aussi qu’il y ait obligation pour le
gouvernement de soumettre la disposition aux deux chambres à la plus prochaine
réunion. Dès qu’une des branches de la législature aurait manifesté une opinion
contraire, cette mesure tombera d’elle-même.
D’après la proposition du
gouvernement, si la session qui suivrait la mesure prise était laborieuse comme
elles le sont toutes, si des projets plus importants occupaient les moments des
chambres, ou s’il n’y avait qu’une courte session extraordinaire, on pourrait
se borner à prendre ratification de l’arrêté communiqué, et les chambres le
laisseraient subsister, sans se prononcer, jusqu’à la session suivante ;
toutefois, si on y trouvait des inconvénients, il suffirait de le déclarer, et
pour faire tomber l’arrêté, il ne faudrait pas pour cela le concours des trois
branches du pouvoir législatif. Le refus d’approbation d’une seule branche du
pouvoir législatif amènerait le même résultat.
Voici la disposition que je propose :
« Les diminutions et les franchises accordées
par le gouvernement devront être soumises à l’approbation de la législature
dans sa plus prochaine session, et cesseront leur effet de plein droit le jour
où l’une des deux chambres aurait déclaré ne pas admettre le projet. »
Vous avez là toutes les garanties que vous pouvez
désirer.
M. Dumortier. -
Messieurs, je ne pense pas que vous puissiez adopter cette proposition. Le
texte de la constitution est formel. J’aurai l’honneur de faire remarquer qu’il
y a une différence entre l’article en discussion et l’art. 15 ; mais cette
différence n’est pas celle signalée par le député d’Anvers. Par l’art. 15,
dit-on, vous avez autorisé le gouvernement à diminuer ou augmenter la
prohibition. L’art. 15 n’accorde au gouvernement qu’une chose, la faculté
d’augmenter la liste des objets prohibés. Mais qu’est-ce qu’une prohibition ?
C’est la défense d’entrer. La constitution n’a rien stipulé à cet égard ; nous
avons donc pu voter l’art. 15 sans porter atteinte à la constitution.
Mais ici il s’agit de diminuer les droits de
transit ; or, les droits de douanes sont des impôts, pouvons-nous
autoriser le gouvernement à lever un impôt par simple arrêté ? L’art. 112 porte
: « Nulle exemption ou modération d’impôt ne peut être établie que par une
loi. »
Le gouvernement ne peut donc pas faire de
modération d’impôt ; à la loi seule appartient de modifier, augmenter ou
diminuer les impôts. Si on avait eu l’art. 112 de la constitution sous les
yeux, on ne nous aurait pas proposé cette disposition. Son inconstitutionnalité
est si flagrante que nous ne pouvons pas la discuter.
Si on admettait une semblable proposition, on
substituerait le régime des ordonnances au régime de la loi.
Il pourrait se faire que le gouvernement fît un
traité avec
Même en admettant qu’il y ait eu convention
réciproque, vous ne pourriez pas adopter la proposition qui vous est faite, car
cette convention ne peut être faite aux termes de la constitution qu’avec
l’assentiment des chambres. Lisez l’article 68 de la constitution ; il porte :
« Les traites de commerce et ceux qui pourraient grever l’Etat ou lier
individuellement des Belges n’ont d’effet qu’après avoir reçu l’assentiment des
chambres. »
On voudrait ici que ces traités eussent leur effet
avant d’avoir eu l’assentiment des chambres.
Il y a donc deux articles de la constitution qui
s’opposent à l’adoption de la disposition proposée, les articles 68 et 112 ;
l’art. 112 qui ne permet de modération ou exemption d’impôt que par une loi.
Une voix. - Eh bien, ce
sera la loi qui le dira !
M.
Dumortier. - L’art. 112 ne dit pas : « par la loi » mais
« par une loi, » ce qui indique qu’il faut une loi spéciale.
Ensuite vient l’art. 68, aux termes duquel aucun
traité pouvant grever l’Etat ou individuellement des Belges ne peut avoir
d’effet qu’après avoir reçu l’assentiment des chambres.
Dans l’un et l’autre cas, il y a violation formelle
de la constitution.
L’amendement de mon honorable ami a l’avantage que
la chambre est obligée de se prononcer à la prochaine session, car la mesure
tombe si elle ne le fait pas.
L’application de l’art. 68 ne peut pas être l’objet
d’un doute. Quand le gouvernement a fait un traité de pilotage avec le Brésil,
ce traité avons-nous eu le droit de le ratifier ou de ne pas le sacrifier ?
Manifestement nous avons eu ce droit. Ce n’était pas une loi de douane, mais
c’était dans l’intérêt du transit actuel, car les modifications apportées aux
droits de tonnage étaient un moyen d’arriver au transit.
Eh bien, vous avez fait une loi, et, manifestement,
vous ne pouviez pas faire différemment ; si donc vous avez alors été obligés de
faire une loi, vous ne pouvez pas actuellement autoriser le gouvernement à en
faire lui-même. Vous ne pouvez pas substituer le pouvoir exécutif au pouvoir
législatif, ce qui est contraire à la constitution.
M. le ministre
de l'intérieur (M. de Theux). - Messieurs, vous aurez remarqué que nous
admettons la première partie de l’amendement de M. Dubus, qui dit que le
gouvernement ne pourra prendre les mesures dont il s’agit que dans l’intervalle
des sessions législatives. Nous admettons également, sans la moindre
opposition, que la communication aux chambres devra se faire immédiatement à
l’époque de leur première réunion qui suivra l’arrêté. Maintenant, M. Dumortier
dit : « Mais vous autorisez le gouvernement à modérer l’impôt, à conclure
des traités de commerce, sans l’intervention des chambres. » Je vous ferai
remarquer, messieurs, que ni l’une ni l’autre de ces assertions ne me paraît
fondée ; d’abord il n’est pas question d’autoriser le gouvernement à conclure
des traités sans l’intervention des chambres ; car, en premier lieu, il ne
s’agit pas de conventions définitives, puisqu’elles doivent être soumises aux
chambres à leur plus prochaine réunion ; et, en, second lieu, ces conventions
provisoires ne se feront qu’en vertu de l’autorisation que nous vous demandons
par l’article en discussion, article qui détermine d’avance les conditions sous
lesquelles nous pourrons conclure des conventions provisoires, savoir : une
entière et parfaite réciprocité. Je crois donc que de ce chef la disposition
est constitutionnelle.
L’art. 37 suppose également que la réduction du
droit de transit sur l’une ou sur l’autre marchandise ne pourra être accordée
que dans l’intérêt du commerce et de l’industrie nationale ; dès lors vous
voyez bien qu’il faut envisager la disposition seulement sous le rapport
industriel et commercial, et non pas comme étant relative à l’impôt : toute la
discussion de la loi que nous votons prouve en effet qu’il ne s’agit pas d’une
question d’impôt, mais d’une question de commerce ; il n’y a donc également
sous ce rapport rien d’inconstitutionnel à adopter l’amendement présenté par M.
le ministre des finances ; tous les droits des chambres sont entièrement
réservés, car du moment que l’une ou l’autre aurait déclaré qu’elle n’adopte
pas le projet de loi qui approuve une convention conclue par le gouvernement,
cette convention assurerait tout son effet.
J’ajouterai quelques mots
sur l’utilité de la disposition. Indépendamment des considérations qu’a fait
valoir M. le ministre des finances, il en est encore d’autres qui militent
fortement en faveur de l’adoption de la proposition qu’il vous a faite ; par
exemple que le gouvernement ait pris une des mesures dont il s’agit et qu’il
ait soumis aux chambres un projet de loi à cet égard. Mais les chambres
désirent, avant de se prononcer, s’éclairer sur l’utilité de cette mesure par
l’expérience des effets qu’elle produira ; eh bien, la rédaction que nous vous
soumettons présente cet avantage, que dans un pareil cas les chambres pourront
consacrer un temps plus long à l’examen de la mesure, et que cet examen sera
d’autant plus parfait que la mesure sera mise en pratique, tandis que dans le
cas où les chambres devraient prendre une décision immédiate, lorsque la
question ne serait quelquefois pas assez éclaircie, elles pourraient
sanctionner une convention qui laisserait à désirer et qui, devenant ainsi
définitive par l’approbation de la législature, ne pourrait plus être modifiée,
ou bien elles pourraient rejeter une mesure salutaire et avoir plus tard à se
repentir d’avoir émis un vote prématuré, ou plutôt à regretter de s’être
trouvées dans la nécessité de se prononcer sur une mesure avant d’avoir pu
l’examiner mûrement.
M. Dubus. -
Messieurs, quand j’ai présenté mon amendement, je n’en avais pas aperçu toute
la gravité ; je dirai même que je ne m’attendais pas à ce qu’il ne rencontrât
aucune espèce d’opposition, car j’avais uniquement pour but de mettre la
rédaction de la section centrale d’accord avec le rapport de cette même
section, dans lequel on lit à la page 15 :
« La section centrale s’est ralliée à
l’observation faite par la deuxième section, qui a trouvé avec raison cette
faculté d’exemption d’impôt abandonnée au gouvernement, comme étant en
opposition avec la lettre et avec l’esprit de la constitution.
« Ne voulant pas cependant, puisque
l’administration allègue que les inconvénients de l’absence d’une autorisation
pareille qui permette de satisfaire à des nécessités imprévues, fondées sur les
besoins du commerce et de l’industrie, se sont fait fréquemment sentir,
empêcher que le gouvernement puisse alors faire tout ce que commandera
l’intérêt de l’agriculture, de l’industrie et du commerce.
« Nous avons cru devoir accorder au
gouvernement cette faculté de suppression ou de diminution des droits de
transit, mais en la limitant dans le sens de l’art. 15, c’est-à-dire, que les
diminutions ou les suppressions de droit que l’administration aura opérées
viendront à cesser après la clôture de la plus prochaine session de la
législature, si elles n’ont été converties en lois. »
Vous voyez, messieurs, que la rédaction de la
section centrale n’atteignait pas le but que, dans son rapport, elle disait
vouloir atteindre. Car au lieu de dire que l’ordonnance du gouvernement
cesserait son effet dans le cas où elle n’aurait pas été approuvée par les
chambres, elle s’est bornée à dire que cette ordonnance serait soumise à
l’approbation de la plus prochaine législature, d’où il résultait que si les
trois branches du pouvoir législatif ne se mettaient pas d’accord sur le
projet, et que par suite il n’y eût aucune solution de la question,
l’ordonnance du gouvernement subsistait et acquérait par conséquent le
véritable caractère d’une loi, ce qui, de l’aveu de tout le monde, est en
opposition manifeste avec la constitution ; car nous ne pouvons pas donner au
gouvernement le pouvoir de faire des lois, nous ne pouvons pas déléguer le
pouvoir législatif.
Il fallait donc, d’après les observations de la
section centrale que j’ai citées tout à l’heure, ajouter à l’art. 37 la même
disposition qui se trouve dans l’art. 15, et c’est ce que j’ai eu l’honneur de
proposer à la chambre.
Cependant M. le ministre des finances, qui s’est rallié
au travail de la section centrale, ne veut pas admettre que l’on introduise
dans l’art. 37 une disposition semblable à celle de l’art 15, parce qu’il
trouve entre ces deux articles une grande différence en ce que dans l’art. 15
il s’agit d’étendre la prohibition du transit ; mais ce sont là deux genres de
modification qui ont tout à fait le même caractère ; il peut importer autant au
pays de ne pas accorder, dans un cas donné, diminution ou franchise du droit de
transit que de ne pas étendre la prohibition du transit dans un autre cas donné
; il est évident que ce sont deux sortes de dispositions qui affectent, tout
autant l’une que l’autre, la loi du transit, et que vous ne pouvez pas établir
de différence entre elles ; je crois que tous ceux qui sont conséquents
voudront la même règle pour l’art 37 que pour l’art. 15, et que si vous
n’insérez pas dans l’art. 37 la disposition qui se trouve dans l’article 15, ce
sera une raison pour modifier celui-ci au second vote ; car, encore une fois,
les deux articles ont le même caractère.
Il y a plus, messieurs ; je trouve dans l’art. 37
la prévision d’un cas plus grave encore, puisqu’il suppose que la franchise du
droit de transit pourra être accordée, non pas seulement en faveur du commerce
du pays, mais encore en faveur du commerce de nos voisins.
M. le ministre
de l'intérieur (M. de Theux). - A condition de réciprocité.
M. Dubus. - Un moment
; nous verrons si tout le monde se laissera payer par ce mot de réciprocité.
Je disais que ce ne serait pas en faveur du pays,
mais en faveur des puissances étrangères que le gouvernement serait autorisé à
conclure des conventions, des traités de commerce ; car toute convention en
matière de douane est évidemment un traité de commerce.
Or, la constitution a précisément réservé à la
législature la sanction des traités de commerce, et elle a même prescrit qu’ils
ne sortiront aucun effet avant cette sanction. Considéré sous ce point de vue,
l’art. 37 est donc plus grave que l’art. 15, et au lieu de trouver entre ces
deux articles une différence en faveur de l’article 37, on en trouve une qui
tourne contre cet article.
Mais, dit-on, si le gouvernement peut accorder des
avantages au commerce étranger, c’est sous la condition d’une parfaite et
entière réciprocité ; remarquez bien, messieurs, que, dans une convention qui a
pour base une parfaite réciprocité, les intérêts du pays peuvent très bien être
sacrifiés, car le pays peut avoir intérêt, sous plusieurs rapports, à prohiber
telle ou telle marchandise, et cet intérêt ne cessera pas toujours lorsque la
puissance voisine admettra la même marchandise. Dès lors vous devez reconnaître
qu’une convention qui accorde franchise entière du droit de transit sous la
condition d’une parfaite réciprocité peut être favorable au pays voisin, mais
dommageable à
Mais, dit-on, nous ne voulons pas enlever à la
législature le droit de sanctionner de telles mesures ; mais il pourrait
arriver que la chambre à laquelle le gouvernement avait communiqué un projet de
loi ayant pour objet de conserver une ordonnance provisoire, pourrait n’avoir
pas le temps de s’en occuper. Messieurs, s’il est nécessaire que la mesure soit
définitive, vous avez la garantie que la chambre s’en occupera ; vous ne devez
pas vous défier de vous-mêmes ; or ce que l’on vous propose c’est de vous
défier de vous-mêmes.
Toutefois apprécions l’amendement en lui-même et
tel qu’on vous le propose, et voyons s’il ne présente pas d’autres inconvénients,
s’il répond au but que l’on veut atteindre.
On consent à stipuler que le gouvernement ne pourra
prendre ces mesures que dans l’intervalle des sessions ; à stipuler qu’il devra
présenter un projet de loi aux chambres à l’ouverture de la plus prochaine
session ; et l’on a ajouté que l’on présenterait cette loi aux deux chambres.
Mais veut-on les mettre à même de se prononcer en
même temps ? Ce serait quelque chose de tout nouveau dans notre système
parlementaire que la présentation d’un projet de loi aux deux chambres en même
temps ! Le gouvernement, lorsqu’il use de l’initiative, présente un projet de
loi à l’une des deux chambres ; et c’est quand l’une d’elles a prononcé qu’on
le présente à l’autre. Si les chambres venaient à délibérer toutes deux
ensemble sur le même projet, on verrait entre elles un échange de projets assez
singulier ! Quoi qu’il en soit, n’y a-t-il pas des projets qui doivent être
présentés en premier lieu à la chambre des représentants ? Ces projets ne
sont-ils pas précisément ceux qui
concernent les recettes et les dépenses, et toutes les lois d’impôt ? Et
ici qu’est-ce autre clause qu’une loi d’impôt ?
Tout à l’heure j’ai entendu dire que la loi sur le
transit n’était pas une loi d’impôt. Messieurs, d’après les définitions de la
constitution, elle est bien une loi d’impôt.
L’art. 110 porte : « Aucun impôt au profit de
l’Etat ne peut être établi que par une loi. »
L’art. 111 porte : « Les impôts au profit de
l’Etat sont votés annuellement.
« Les lois qui les établissent n’ont de force
que pour un an si elles ne sont renouvelées. »
Ainsi, du moment qu’une loi
stipule une rétribution à exiger des citoyens, elle devient une loi d’impôt ;
alors la loi qui établit un droit de transit, un droit sur des marchandises qui
traversent le territoire, est une loi d’impôt, tout aussi bien que la loi qui
établit un droit sur les marchandises à l’entrée et à la sortie.
Si la loi de transit est une loi d’impôt, toute loi
qui la modifiera sera également une loi d’impôt. Par conséquent, si vous avez
seul l’initiative de la loi concernant le transit, vous avec seuls l’initiative
de la loi qui la modifierait. Le gouvernement serait donc obligé de présenter
en premier lieu à la chambre des représentants son projet de loi ; et si la
chambre des représentants ne les examinait pas dans sa session, elle enlèverait
au sénat la faculté de se prononcer encore qu’il voulût se prononcer.
De là il s’ensuivrait que l’ordonnance aurait le
caractère d’une loi par la simple volonté de la chambre des représentants, volonté
qu’elle ne manifesterait qu’en s’abstenant de s’occuper d’un projet de loi
présenté ; et de cette manière vous ôteriez à l’autre branche du pouvoir
législatif sa prérogative.
La modification présentée par le ministre des
finances ne me paraît pas acceptable. Je crois que vous devez introduire dans
l’article 37 le même amendement qui a été introduit dans l’article 15, sauf à
examiner, lors du second vote, si l’un et l’autre article peut se concilier
avec tous les textes de la constitution.
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - Nous ne pensions pas que la
question soulevée pût subir une discussion sérieuse ; mais nous voyons, d’après
les discours des préopinants, que le débat peut se prolonger très longtemps
encore ; alors il vaudrait mieux, dans l’intérêt de la chose publique, nous
rallier à l’amendement de M. Dubus.
Nous ne voulions en rien toucher aux prérogatives des chambres ; mais nous ne
voulions pas les mettre dans le cas de s’occuper de questions sur lesquelles il
y aurait eu assentiment tacite ou qu’on n’aurait pas eu le temps de juger par
les lumières d’une expérience suffisante.
Aux opinions contradictoires émises, nous pourrions
cependant opposer une autorité bien imposante, celle de la législature belge
elle-même. En effet nous pouvons citer plusieurs lois qui ont décrété la même
chose. La loi du 8 août 1835 qui donne au gouvernement la faculté d’accorder la
franchise de l’importation ou de l’exportation de certains objets, en est une ;
la loi concernant l’introduction des machines en est une autre.
Je pourrais citer encore d’autres exemples de
dispositions semblables adoptées par notre législature ; mais, je le répète,
puisque la mesure que nous proposons paraît sujette à une très longue
controverse, nous déclarons nous rallier à la disposition présentée par M.
Dubus. (Aux voix ! aux voix !)
M. Dumortier. -
Si on veut réserver la question de constitutionnalité pour le second vote, je
ne m’oppose pas à la clôture de la discussion.
- La chambre ferme le débat.
L’amendement présenté par M. Dubus est adopté.
L’article 37 est adopté.
Article
38
« Art. 38. Les mesures de surveillance, de
vérification, de précaution, ainsi que les pénalités prescrites dans la
présente loi pour le transit, sont, en tout, rendues applicables à
l’exportation en décharge des droits pour les objets soumis à l’accise, de même
qu’aux marchandises importées même autrement qu’en transit sur un entrepôt, ou
transportées d’un entrepôt sur un autre.
« Elles ne dérogent point toutefois aux
mesures spéciales établies par les lois du 31 juillet 1834 (Bulletin officiel,
n°626 et 672), on ce qui concerne les céréales, les toiles et le bétail. »
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Je me rallie à cette rédaction de l’article
38, présentée par la section centrale, en demandant l’addition, au deuxième
paragraphe, de ces mots : « et de la loi du 31 décembre 1835,
n°866, » que l’on placerait avant ceux-ci : « en ce qui concerne les
toiles et les céréales. »
- L’amendement est adopté.
L’article 38 est adopté.
Article
additionnel
M. le président. -
M. Rogier propose l’article additionnel suivant :
« Il pourra être transigé par
l’administration, ou d’après son autorisation, sur toutes contraventions à la
présente loi, toutes et autant de fois que l’affaire sera accompagnée de
circonstances atténuantes, ou qu’on pourra raisonnablement supposer que la
contravention doit être attribuée plutôt à une négligence ou erreur qu’à
l’intention de fraude préméditée. »
M.
Rogier. - Messieurs, l’article additionnel que je propose n’est autre
chose que la reproduction de l’art. 229 de la loi actuelle. J’ai cru utile de
faire cette proposition, parce que comme nous venons de voter un code complet
de transit et que ce code renferme plusieurs dispositions rigoureuses, il est
bon de montrer aux négociants de bonne foi qu’il y a un recours ouvert contre
ces rigueurs dans certains cas.
Cette loi, étant destinée à augmenter nos rapports
avec les étrangers, sera répandue dans les pays étrangers, Je pense qu’il est
utile qu’elle y arrive aussi complète que possible.
Déjà nous avons introduit dans la loi sur le
transit plusieurs articles qui ordonnent des mesures de police. Il est bon d’y
insérer également une disposition qui en adoucît la rigueur.
En proposant cet article, nous n’en demandons pas
l’application aux fraudeurs, mais nous demandons que l’on n’effraie pas non
plus inutilement le commerce loyal.
Je ne pense pas que M. le ministre des finances
s’oppose à l’adoption de cet article dont je lui ai parlé avant de le présenter
à la chambre. J’espère avoir encore occasion de rendre hommage aux vues
conciliatrices qui l’ont dirigé dans cette discussion et qui ont singulièrement
contribué à l’abréger.
Pour ce qui est de la loi en elle-même, nous
attendons du temps et de l’expérience, et surtout des besoins et des rapports
nouveaux qui résulteront de l’ouverture de la route en fer pour nous éclairer
sur la nécessité des dispositions rigoureuses qu’elle renferme.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - L’article 34 de la loi en discussion porte que
toutes les dispositions de la loi générale de 1822 auxquelles il n’est pas
dérogé par la présente loi demeurent maintenues. Par conséquent, l’article
additionnel que propose l’honorable M. Rogier se trouve dans cette catégorie.
Mais je crois comme lui qu’il est utile de
l’insérer dans la loi actuelle, par la raison qu’il en a donnée. Il est
intéressant pour notre commerce de transit, que les étrangers sachent que si la
loi contient des dispositions rigoureuses, elles ne sont que comminatoires pour
ceux qui auraient intention de frauder. Je me rallierai donc à la proposition
de M. Rogier.
J’ajouterai, avec l’honorable préopinant, que je
laisse comme lui au temps et à l’expérience à décider si nous avons poussé trop
loin les formalités que nous avons jugées nécessaires ; s’il en est que l’on
puisse rapporter sans s’exposer à la fraude, si la suite démontre qu’il en est
ainsi et si je suis encore alors dans la situation d’y remédier, je
m’empresserai de le faire en proposant à la législature les modifications
nécessaires.
- L’article additionnel proposé par M. Rogier est
mis aux voix et adopté.
Le second vote de la loi sera fixé ultérieurement.
PROJET DE LOI OUVRANT UN
CREDIT AU BUDGET DU DEPARTEMENT DE
M. Desmaisières,
rapporteur. - Dans la séance de mardi dernier, M. le ministre de la
guerre vous a fait distribuer un très volumineux mémoire, qu’il a ensuite
appuyé d’un discours non moins volumineux. A peine ai-je eu le temps, à raison
de mes autres occupations à la chambre, d’en faire une lecture attentive.
Je n’ai donc pu que rédiger à la hâte des notes
très incomplètes que je suis obligé de développer oralement. J’aurai en
conséquence besoin, pour être bien compris, de votre attention que, vu la
gravité de la question, j’ose réclamer toute entière de votre part en ce
moment.
J’entre en matière et je passe tout de suite à la
page 5 du mémoire de M. le ministre, à la troisième question. Cette question et
ainsi posée.
__________________
« Le modèle des couchettes, tel qu’il a servi de
base à l’adjudication, était-il dans les formes convenables à son usage
? »
M. le ministre commence par poser qu’il n’est pas
exact de dire que le ministre et les entrepreneurs ont reconnu que le modèle
des couchettes tel qu’il a servi de base à l’adjudication n’était pas dans la
forme convenable. Il dit cependant plus bas que le courbage des six pieds du
lit demandé et obtenu depuis peu par les entrepreneurs, est une amélioration
dans le système ; et qu’est-ce, je vous prie qu’une pareille amélioration de
système si ce n’est une amélioration de la forme du modèle ? Ne prétendez donc
pas qu’il n’est pas exact de dire qu’en admettant une amélioration dans le
système, vous avez reconnu par là que le modèle n’était pas dans les formes
convenables. Certes, messieurs, il est fort peu d’inventions qui ne se
modifient avec le temps, comme le dit M. le ministre. Je lui répondrai : c’est
pour cela que vous avez mal fait d’abord de ne pas mettre cette invention au
concours et ensuite plus mal fait encore de ne pas vous être borne à quelques
lits pour le service d’une seule place.
La peinture a trois couches au lieu du vernis à une
seule couche ; n’est-ce pas une nouvelle amélioration que vous avez été obligé
d’introduire. Si vous aviez d’abord consulté des officiers d’artillerie et du
génie, si vous aviez fait un essai, vous auriez appris avant l’adjudication
qu’un seul vernis ne peut suffire.
A la page 6 du mémoire on trouve cette phrase :
« Si elle (l’oxydation) est le résultat de
l’usé naturel, on ne pourra pas plus en imputer les conséquences aux hommes
qu’on ne pourrait leur imputer les déchirements provenant de l’usé naturel des
draps de lit ou autres effets en toile, sujets à se détériorer par l’usage,
Mais, qu’est-ce qui est juge entre le soldat et
l’entrepreneur ? N’avez-vous pas mis le soldat, sous ce rapport, tellement à la
discrétion de l’entreprise que tous vos officiers de casernement, sans
exception aucune, ont reculé devant l’expertise.
Mettez, je dirai jusqu’a 10 couches de peintures,
il arrivera toujours que les lames du fond métallique se découvriront dans
quelques parties, sans qu’il y ait de la faute du soldat, et, dès ce moment,
elles seront sujettes à une oxydation rapide qui produira des tâches de rouille
que vous voulez faire payer au soldat.
Il n’est pas vrai, dites-vous, que les
inconvénients signales par les entrepreneurs, en ce qui concerne les fonds
métalliques, aient été tellement appréciés en France que le ministre de la
guerre de ce pays y a renoncé, et vous vous chargez cependant ensuite de
prouver la vérité de cette allégation que vous combattez, puisque vous dites
qu’après avoir confectionné et mis en service 70,000 couchettes à fond
métallique, le gouvernement français (éclairé sans doute par l’expérience), a
préféré les lits à tréteaux en fer et à fond de planches. Mats, dites-vous
encore, ce ne sont pas les motifs que le rapporteur allègue qui ont déterminé
le gouvernement à en agir ainsi, ce sont des motifs d’économie, de facilité de
transport et d’emmagasinage.
Ces motifs sont-ils donc comptés par vous pour rien
? Puis de ce que nous voyons figurer dans la compagnie un des principaux
actionnaires de l’entreprise française, ne sommes-nous pas fondés à croire que
les assertions émises par les entrepreneurs sont très vraies ?
Certes, messieurs, la facilité d’emmagasinage
devait être prise en considération dans un pays où le gouvernement livre les
magasins ; mais s’ensuit-il qu’il ne faille pas la prendre en considération,
lorsque l’on laisse les magasins à la charge de l’entreprise ? Ne faut-il pas
précisément, à cause de cette facilité d’emmagasinage, chercher à obtenir des
conditions meilleures pour le trésor. Ne doit-on pas tout faire pour obtenir le
plus bas prix possible, et n’est-ce pas un moyen de l’obtenir que de mettre à
la charge de l’entreprise les conditions les moins onéreuses possibles ?
Vous dites que le prix élevé a influé sur la
détermination du gouvernement français. Est-ce que ce prix élevé ne serait donc
rien pour vous ? Le peuple belge est-il donc composé de gens taillables à
merci, et la question d’économie ne vous touche-t-elle donc pas, surtout quand
il doit en résulter moins de dégradations à la charge du soldat.
« On comprend facilement, dites-vous, que
poussé par des motifs aussi puissants, le gouvernement français ait renoncé à
étendre l’usage des couchettes à fond métallique à toutes les places du royaume
et qu’il ait donné la préférence au chalet à tréteaux. »
Eh bien, je le demande, n’est-ce pas là reconnaître
vous-même, que les motifs qui ont fait prendre au gouvernement français cette
détermination, étaient puissants, et cependant ils n’ont eu aucune influence
sur celle que vous avez prise. Mais ces motifs d’économie n’existent pas pour
lui en Belgique, dit le ministre. Il prétend que le prix des couchettes est ici
inférieur d’un tiers à ce qu’il est en France.
Eh bien, messieurs, si les couchettes à fond
métallique coûtent un tiers de moins que les couchettes à fond de planches en
France, n’est-il pas logique de dire par analogie, que les couchettes de fer à
fond de planchent coûteraient un autre tiers de moins que les couchettes à fond
métallique. Et dans tous les cas, n’en fût-il pas ainsi, il resterait toujours
une différence presque de moitié en Belgique, entre le prix de la couchette à
fond métallique et celui de la couchette à fond en planches.
L’observation que j’ai faite que les aspérités du
fer peuvent produire des déchirures, est, dit-on, sans fondement, et il est
sans exempte depuis que le service existe, que des déchirures aient eu lieu à
Bruxelles ou à Tournay.
Je remarquerai d’abord, que quelques soins
qu’apportent les commissions de vérification à la réception des lits, il leur
échappera toujours quelques aspérités du fer qui occasionneront des déchirures.
Ces déchirures n’ont pas été signalées, dit-on, jusqu’ici. Mais je ferai
observer que tous les objets de couchage dont on se sert actuellement sont
encore neufs. Mais qu’on attende un peu plus tard, on verra si ces objets ne
céderont pas facilement aux aspérités du fer.
L’Etat, dit M. le ministre, n’a souffert aucun
préjudice des améliorations qui ont été introduites dans le système de la
couchette. Ces améliorations n’ont pas influé sur le prix d’adjudication ; mais
M. le ministre oublie-t-il qu’il a permis à la compagnie de se servir des lits
du gouvernement, et qu’il paie ou plutôt qu’il se propose de payer le loyer
entier, quoique les lits de l’entreprise ne soient pas en usage.
La commission avait signalé plusieurs défauts dans
les lits de fer et M. le ministre de la guerre se borne à répondre que si le
modèle qu’il a adopté ne réunit pas toutes les perfections que l’on pourrait
désirer dans sa structure, il n’a pas non plus les défauts qu’on lui reproche.
Ces défauts avaient été pourtant reconnus être des
défauts par les officiers présents aux visites que nous avons faites dans les
casernes, et qui plus est, par le commandant de l’école militaire lui-même.
« La commission n’a donc pu, sans tomber dans
l’exagération, présenter le modèle de couchette en fer adopté par le
gouvernement, comme une cause de ruine pour le soldat. »
Et cela parce qu’un lit a été traîné sans se briser
dans une caserne. Mais La commission n’a-t-elle pas trouvé des lits neufs déjà
cassés à l’endroit où les lames transversales du fond des lits sont recourbés ?
Un guide ne nous a-t-il pas déclaré en présence de
ses officiers, d’un des de aides-de-camp du ministre et de ses camarades qu’il
lui avait suffi de jeter sa paillasse sur le lit pour en casser le fond ? Avant
de taxer la commission d’exagération, l’on devrait détruire les objections
qu’elle a présentées.
_________________
Je passe à la quatrième question, ainsi conçue :
« Les effets de literie tels que la fourniture
en a été prescrite, étaient-ils convenables ? »
M. le ministre de la guerre dit ici que les
objections tirées de l’absence de dispositions prises sur le taux des
indemnités pour dégradations doivent disparaître par suite de l’établissement
d’un tarif dont la rédaction est confiée à une commission d’officiers supérieurs
présidée par un inspecteur-général d’infanterie.
Il serait plus exact de dire « vont
disparaître. » N’aurait-on pas dû stipuler ce point dans le cahier des
charges ? Quand M. le ministre s’est-il décidé à prendre cette mesure ? Le 10
mai, huit jours après le dépôt de mon rapport sur le bureau de la chambre. Et
si la commission de la chambre ne s’était pas jointe en quelque sorte à la
compagnie Legrand sous ce rapport, cette mesure déjà si tardive eût-elle été
prise ?
Après cela, M. le ministre dit qu’il a peine à
s’expliquer, du reste, le reproche que la commission lui fait de n’avoir pas
inséré dans le cahier des charges les dispositions du règlement du 30 juin 1814
concernant l’estimation des dommages résultant des dégradations, dont les
réparations doivent être payées par les soldats.
Il suffira, messieurs, de rapprocher ce qui se
trouve aux pages 8 et 9 du mémoire du ministre de ce que disent les
entrepreneurs dans leurs explications, page 29 de mon rapport, et de ce que je
dis moi-même page 3 pour vous prouver combien c’est à tort que le général Evain
attaque ici de nouveau la commission de la chambre d’une manière que je ne veux
pas qualifier.
J’extrais d’abord textuellement du mémoire l’art.
37 du contrat du 29 juin :
« Art. 37. S’il résulte de la vérification
qu’il est survenu, du fait de la troupe, des pertes ou dégradations dans les
fournitures, il sera sursis à leur réception, et l’intendant militaire, ou, à
son défaut, le commandant de place, sur le compte qui lui en sera rendu, fera
procéder par expertise à l’estimation du dommage qui en sera résulté pour
l’entrepreneur.
A la page 3 de mon rapport se trouve l’analyse des
articles 37 et 47 du règlement des villes de 1814, en ces termes :
« Les articles 37 et 47 combinés établissaient
expressément que les détériorations résultant de l’usage ne seraient pas à la
charge des corps, que l’estimation des autres dégradations mises à leur charge
se ferait par deux experts, dont un à nommer par l’agent municipal chargé du
casernement, et l’autre par l’officier chargé de l’inspection des casernes ; en
cas de partage le commandant de place nommait un troisième expert qui
décidait. »
Voici maintenant ce que disent (page 29 de mon
rapport) les membres de la compagnie Legrand qui ont été entendus par la
commission :
« L’art. 37 du contrat porte que lorsque l’on
ne pourra pas s’entendre de gré à gré, l’intendant militaire où à son défaut,
le commandait de place fera procéder par expertise à l’estimation du dommage,
mats on ne dit pas à charge de qui tomberont les frais d’expertise.
« La compagnie pense que c’est à charge de
celui qui succombe dans ses prétentions, mais, etc. »
Je vous le demande, messieurs, y a-t-il ici
similitude entre les deux systèmes, entre celui de 1814 et celui de
l’adjudication du 29 juin ? Le soldat ne trouverait-il pas toutes les garanties
possibles dans la nomination des experts d’après le mode établi par le
règlement de 1814 ?
Dans le contrat du 29 juin, au contraire, on se
borne à dire qu’il sera procédé par expertise à l’estimation des dommages qui
seront résultés pour l’entrepreneur, mais on n’indique pas le mode de
nomination de experts, et en l’absence d’un mode de nomination déterminé par le
contrat, comme il s’agit d’une expertise contradictoire, il est naturel que
l’entrepreneur nomme un expert, que l’officier de casernement de son côté en
nomme un et qu’en cas de désaccord les experts de deux parties en nomment un
troisième ensemble qui vide le différend.
Quelle est là la garantie du soldat, du malheureux
soldat qui n’a aucun moyen d’influence sur les esprits et qui n’aura à opposer
que la pauvreté aux moyens dont peut disposer une riche compagnie
d’entrepreneurs ?
Vous voyez donc bien que votre contrat du 29 juin
diffère essentiellement du règlement de 1814, qu’il enlève aux soldats les
garanties qu’ils trouveraient dans le mode de nomination des experts.
Eh bien, venez encore dire après cela :
« N’est-il pas étonnant dès lors que la commission, qui pendant trois mois
et demi à pu consulter le contrat du 29 juin, vienne me faire un grief de
n’avoir pas adopté des dispositions qui s’y trouvent néanmoins positivement
insérées ? »
Ne pourrions-nous pas, maintenant que nous avons
prouvé que ces dispositions du règlement de 1814 ne sont pas reproduites dans
votre déplorable marché, ne pourrions-nous pas dire qu’il est étonnant qu’un
ministre qui a sous ses ordres une foule innombrable d’officiers et d’employés,
ne pourrions-nous pas dire qu’il est étonnant, et tout à fait étonnant qu’un
ministre qui a pu consulter et dû mettre en pratique les règlements de 1814,
dont le devoir était de compulser ces règlements avant de faire une opération
aussi important, pour l’Etat et pour le soldat, pas étonnant, dis-je, que ce
ministre ignore encore aujourd’hui les garanties que ce règlement de 1814 assurait
aux soldats ?
Ne serait-il pas plus étonnant encore si le
ministres ne les ignorait pas, ces dispositions du règlement de 1814, que
lorsque l’ancien gouvernement a cru devoir prendre de pareilles mesures contre
les régences qui sont naturellement protectrices du soldat, il ait cru lui
pouvoir se dispenser de les prendre vis-à-vis des entrepreneurs ?
Maintenant, messieurs, après avoir prétendu que les
dispositions du règlement de 1814 étaient insérées dans le contrat du 20 juin,
M. le ministre fait la critique du règlement de 1814. Et notez-le bien,
messieurs, que puisqu’il soutient qu’il y a identité entre les deux règlements,
la critique qu’il prétend appliquer aux règlements de 1814, s’applique
particulièrement aussi au règlement du 29 juin.
Eh bien, messieurs, que vous dit le ministre de la
guerre ? Il vous dit, après avoir cité un exemple qui s’applique effectivement
très bien aux dispositions du contrat du 29 juin, il vous dit :
« Ainsi donc, outre les francs auxquels
auraient été taxées les dégradations, les soldats devront encore payer douze
francs aux experts pour leur vacation, et ils auront ainsi déboursé une somme
cinq fois plus forte que celle à laquelle s’élevait l’estimation du dommage.
« Ce seul exemple suffit pour démontrer que
les dispositions du règlement du 30 juin 1814 sont, dans certains cas, plus
défavorables que profitables au soldat. La formation d’un tarif établi sur des
bases également équitables pour le soldat et pour l’entrepreneur devenait donc
indispensable pour empêcher que le soldat fût livré à la discrétion des
entrepreneurs. »
Ainsi, sous le rapport des dégradations, par le
contrat du 29 juin, le soldat est livré à la discrétion des entrepreneurs ;
c’est le ministre de la guerre lui-même qui le dit !
D’après le tableau ci-joint, dit ensuite le
ministre, page 10 de son mémoire :
« Les corps en garnison à Bruxelles et à
Tournai, où le nouveau service est établi, ont payé ou doivent encore à la
compagnie des Lits militaires pour les dégradations constatées à leur charge
depuis qu’ils sont détenteurs des fournitures, les premiers, fr. 2,407 35, et
les seconds, fr. 485 70.
Il fait ensuite des calculs à l’aide desquels il
arrive au chiffre de 1 fr. 58 cent, pour Bruxelles, et à celui de 96 cent. pour Tournay comme étant les sommes moyennes à payer par
homme et par an pour les dégradations dans ces places respectives en supposant
que les dégradations continuent sur le même pied que pendant ces quelques
premiers mois d’exécution du marché.
Prenant de nouveau la moyenne entre ces deux
chiffres de 1 fr. 58 cent. et 96 cent, il en conclut
que les dégradations ne coûteraient au soldat que terme moyen, 1 fr. 27 cent,
par année.
Je ne veux pas contester les chiffres du tableau C
qui se trouve à la fin du mémoire du ministre de la guerre. Mais je ne peux
m’empêcher de faire remarquer qu’il aurait rendu sa statistique beaucoup plus
complète s’il avait procédé par moins d’occupation, alors on aurait pu voir si
les visites faites au mois de février par deux membres et ensuite plus tard par
toute la commission, aux casernes de Bruxelles, n’ont pas eu pour effet
d’atténuer ces chiffres des indemnités pour les derniers mois d’occupation.
Et puis fr. 1,58 ou 1,27 pour les literies seules,
car on a soutenu n’avoir encore rien porté en compte aux soldats pour les
couchettes de fer, fr. 1,27 pour literies seules, n’est-ce pas déjà beaucoup
dès les premiers mois, lorsque tous les effets sont encore neufs ? Si déjà le
soldat doit payer fr. 1,27 pour des effets encore tout neufs, qui ne donnent
pas lieu nécessairement à d’aussi grandes dégradations que quand ils ont déjà
un certain temps de service, que sera-ce plus tard ?
Le loyer du lit en fer et des literies ensemble est
de 20 fr. 50 c. et lorsque tout est encore cent. Et lorsque tout est encore
neuf, dans les premiers mois d’occupation, le soldat paie déjà, en supposant
justes les chiffres posés par le ministre, le soldat, dis-je, paie déjà, terme
moyen, de 6 à 8 p. c. pour dégradations aux seules literies, et cela encore
lorsqu’on ne fait encore rien payer pour les taches de rouille qui ont lieu.
Qu’on rapproche ce résultat de ce qu’on paie dans les villes avec les régences
qui font le service avec des effets qui ne sont plus neufs, et verra quel est
sous le rapport des charges imposées aux soldats, le meilleur des deux
systèmes.
Pourquoi ne paie-t-on pas autant aux régences
qu’aux entrepreneurs ? Parce que les régences ne sont pas naturellement aussi
exigeantes des soldats, parce que le règlement de 1814 présente toutes garanties
pour les intérêts du soldat, parce que le soldat n’est pas mis à la discrétion
des régences comme il est mis, de l’aveu du ministre, à la discrétion des
entrepreneurs, par le contrat du 29 juin.
La commission s’est en effet appuyée, comme le ministre,
sur le fait des 45 fr. exigés de 14 hommes pour très peu de temps d’occupation.
Si elle s’est appuyée sur ce fait, c’est parce que ce fait lui a été certifié
par les officiers de casernement eux-mêmes, et voudrait-on par hasard que la
commission eût raisonné sur de pures hypothèses ?
Je dois encore faire remarquer qu’on oublie de
donner dans le tableau dont j’ai parlé le chiffre des mutations ; car,
messieurs, s’il n’y a pas eu beaucoup de mutations pendant les quelques mois
d’occupation sur lesquels on table ses calculs, vous sentez que le paiement des
dégradations n’est que différé jusqu’à la fin du trimestre, suivant l’art. 12
du contrat.
Le ministre dit page 10 et 11 de son mémoire :
« Je ne parlerai pas ici des indemnités à
payer pour perte d’effets, et qui sont fixées par le tarif annexé au contrat du
29 juin. La commission n’a fait à cet égard aucune objection sérieuse. Elle
s’est attachée seulement à faire ressortir la différence existant entre les
prix des couvertures portés à ce tarif, et ceux fixés aux tarifs annexés aux
cahiers des charges du 30 avril et du 7 juin. J’ai fait connaître à la
commission les causes de la majoration qu’elle a remarquée et à l’égard de
laquelle elle a demandé des explications ; il est donc inutile de revenir sur ce
point.
C’est-à-dire qu’il est inutile de revenir sur le
point de 50 p.c. dont le ministre a majoré le tarif des pertes des couvertures.
Mais, messieurs, je demanderai au ministre de la
guerre s’il trouve que les explications qu’il a données à la commission (voir
page 41 de mon rapport et la pièces jointe littera AA), le justifient de s’être
permis de modifier le tarif des pertes entre l’adjudication et la signature du
contrat, et cela, encore une fois, au détriment du malheureux soldat.
Les pertes, dit-on, ne proviennent que par suite de
vols, et il est juste, par conséquent, de faire en sorte qu’on ne puisse pas
gagner sur la vente des couvertures.
Mais, messieurs, est-ce toujours celui qui a volé
qui paiera ? Non, c’est le plus souvent celui à qui on aura volé ; et ainsi au
malheur qu’éprouvera le soldat de devoir payer une couverture qu’on lui aura
volée, il devra encore payer 50 p. c. en sus du prix de cette couverture, tel
qu’il se trouvait porté au cahier des charges.
__________________
Je passe à la cinquième question.
- « L’adjudication générale du couchage de la
troupe était-elle préférable à des adjudications particulières pour chaque
place de garnison ? »
Vous voyez qu’ici, messieurs, le ministre de la
guerre s’appuie fortement sur le système de mobilisation facultative qu’il a
introduit.
Il vous dit :
« C’est là en effet, qu’est toute la question,
et les membres même qui se sont prononcés pour l’adjudication partielle n’ont point
contesté les avantages qui doivent résulter d’un service établi sur un système
de mobilisation facultative des effets de couchage d’une place sur une autre ;
seulement ils ont pensé que ces avantages n’étaient pas assez marquants pour
qu’on sacrifiât les intérêts des communes qui se sont montrées disposées à
seconder les vues du gouvernement pour l’amélioration du couchage des troupes.
»
Il paraît qu’on n’a pas bien compris ici ce que
j’ai dit dans mon rapport. Les membres de la majorité de la commission ont dit,
les uns, que, dans tous les cas, c’était un bien mince avantage que ce système
de mobilisation facultative, parce qu’ils croyaient qu’on n’en ferait pas usage
; et les autres, que c’était une faculté tout à fait illusoire.
A la page 14 de son mémoire le ministre vous dit :
« Et c’est en présence de ces faits et avec la
preuve acquise, par des documents authentiques, que je n’ai rien négligé pour
obtenir le concours des régences, que la commission veut révoquer en doute le
ferme désir que j’ai eu de traiter avec elles, et poser comme un fait
incontestable que je les aurais amenées à l’entreprise, si l’adjudication avait
été proposée sur d’autres bases que celles stipulées dans le cahier des charges
du 30 avril. »
Je ne sais vraiment, messieurs, comment le ministre
de la guerre peut vouloir autant persister à dire qu’il a tout fait pour amener
les régences à traiter avec lui, qu’il a eu constamment un ferme désir de
traiter avec elles ; tandis que l’art. 4 du cahier des charges du 30 avril
était tel qu’il était impossible aux régences de concourir, et je l’ai
tellement prouvé dans mon rapport qu’on n’a pas même essayé de réfutation à cet
égard.
On vient dire ensuite au bas de la même page 14 du
mémoire :
« En ce qui concerne l’adjudication provisoire par
services partiels, et l’adjudication par accumulation de tous les services
partiels, je ferai remarquer que la marche tracée par la commission est
précisément celle qui devait être suivie, d’après l’art. 4 du cahier des
charges pour l’adjudication tentée le 1er juin, sauf qu’il n’a pas été fait
mention dans l’article susdit d’une adjudication provisoire par entreprise
générale. Je ne vois pas, au reste, de quelle utilité, eût été cette
adjudication provisoire par entreprise générale, pour ouvrir ensuite un rabais
entre la masse des soumissions partielles et l’entreprise générale. Ce qui
formait l’entreprise générale était évidemment l’accumulation de tous les
services partiels. Or, ouvrir un rabais entre la masse des soumissions
partielles et l’entreprise générale, n’était pas mettre l’entreprise générale
en concurrence avec elle- même ? »
Non, messieurs, ce n’était point mettre
l’entreprise générale en concurrence avec elle-même ; c’était mettre en
concurrence deux entreprises générales distinctes, l’une ne formant qu’une
seule et même entreprise, et l’autre formée de diverses entreprises partielles
dont les adjudicataires provisoires s’entendaient pour répartir entre eux la
diminution qu’ils doivent nécessairement opérer sur le chiffre total, pour concourir
contre l’entrepreneur de l’entreprise générale. Cela se pratique tous les
jours, et il n’y a pas jusqu’au plus petit clerc de notaire qui ne sache cela.
Messieurs, il est un peu tard, si la chambre le
désire, je continuerai demain. (Oui, oui.)
- La séance est levée à 5 heures.