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Chambre des représentants de Belgique
Séance du mercredi 8 juin 1836
Sommaire
1) Pièces
adressées à la chambre
2)
Proposition de loi tendant à faire accorder une pension à la dame Plaisant (de Brouckere)
3) Projet
de loi portant modifications au tarif des douanes (Dubus)
4) Motion
d’ordre au chemin de fer et/ou à la pêche maritime (Donny,
de Theux, Hye-Hoys, Donny)
5) Projet
de loi ouvrant un crédit au budget du département de la guerre pour le couchage
des troupes (Evain, Milcamps, Mast de Vries, Evain, (indemnités dues
par le soldat) Gendebien, Desmanet
de Biesme), Verdussen, Evain,
(+indemnités dues par le soldat) (de Bassompierre,
Desmanet de Biesme), A.
Rodenbach, Evain, Dumortier,
de Bassompierre, (+indemnités dues par le
soldat) (Pirson, Evain), Legrelle, Desmaisières, Milcamps, (+annualité budgétaire) (Lebeau,
Dubus, Lebeau, Liedts,
Verdussen, Lebeau), Gendebien, A. Rodenbach, d’Huart, Dumortier, Legrelle, Pirson, A. Rodenbach)
(Moniteur
belge n°162, du 10 juin 1836)
(Présidence de M. Raikem.)
M. de Renesse
fait l’appel nominal à midi et quart.
M. Schaetzen
lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.
M. de Renesse
fait connaître l’objet des pièces adressées à la chambre.
PIECES ADRESSEES A
« Le sieur J.-G. Doubet,
soldat au 11ème régiment d’infanterie, demande qu’il
lui soit accordé un congé illimité. »
_______________
« Le sieur F.-D.-B
Simon, directeur de pension à Braine-le-Comte, né dans cette ville en 1809 d’un
père Français, ayant négligé de remplir à sa majorité la formalité prescrite
par le code civil, demande la naturalisation. »
_______________
Cette dernière pétition est renvoyée à M. le
ministre de la justice ; l’autre est renvoyée à la commission des pétitions,
chargée d’en faire le rapport.
_______________
M. Van Hoobrouck de Fiennes et M. Dequesne
s’excusent, par lettre, de ne pouvoir assister aux séances de la chambre.
- Pris pour notification.
_______________
Il est donné lecture de deux messages du sénat,
annonçant qu’il a adopté les projets de loi relatifs à l’école vétérinaire et a
un transfert de crédit à opérer au budget du département de la justice pour
l’exercice 1835.
- Pris pour notification.
PROPOSITION DE LOI TENDANT A FAIRE ACCORDER UNE PENSION A
M. Raymaeckers dépose sur le bureau le
rapport relatif à la proposition de M. de Brouckere, tendant à faire accorder
une pension à la dame veuve Plaisant,
- La chambre ordonne l’impression de ce rapport.
M. de Brouckere.
- Je demande que le rapport de la section centrale soit discuté en même temps
que celui qui concerne la pension à accorder à la dame veuve Kessels.
- Cette proposition est adoptée.
PROJET DE LOI PORTANT MODIFICATIONS AU TARIF DES DOUANES
M. Dubus. -
Messieurs, je crois devoir rappeler la motion d’ordre que la troisième section
m’a chargé de faire, tendant à ce que le projet de loi sur les modifications au
tarif des douanes soit renvoyé à l’avis des chambres de commerce.
La chambre a décidé que cette motion d’ordre serait
soumise à l’examen des sections qui ont été unanimes pour l’accueillir.
Le rapport de la section centrale étant maintenant
distribué, je demanderai que la chambre se prononce le plus tôt possible sur ma
motion ; car d’une part, il importe que la chambre prenne une résolution
portant sa séparation qui paraît prochaine ; et de l’autre, plusieurs sections
ne se sont pas occupées des exceptions proposées par la section centrale.
Comme il est possible que tous les membres de la
chambre ne se soient pas pourvus des pièces, je demanderai que l’assemblée
veuille bien s’occuper de l’objet dont s’agit, à l’ouverture de la séance de
demain.
- Cette proposition est adoptée.
MOTION D’ORDRE AU CHEMIN DE FER ET A
M. Donny. -
Messieurs, au mois de décembre de l’année dernière, j’ai eu l’honneur de
présenter à la chambre une pétition d’un grand nombre d’habitants d’Ostende
relative au chemin de fer.
Vous avez alors décidé que cette pétition serait l’objet
d’un prompt rapport ; et cependant il s’est écoulé six mois, sans que vous ayez
eu le temps de vous en occuper.
Comme nous sommes à la veille de nous séparer, je
proposerai à la chambre de consacrer une partie de la séance de vendredi
prochain à entendre le rapport que vous fera sur cet objet M. Mast de Vries,
rapporteur de la commission des pétitions.
Je pourrais, messieurs, tirer de l’objet même des
considérations pour appuyer ma demande. Mais pour ne pas anticiper sur la
discussion, je préfère les prendre d’ailleurs.
La ville d’Ostende se trouve en ce moment dans une
position extrêmement pénible ; sa pêche maritime est incapable de lutter plus
longtemps contre la concurrence hollandaise qui l’écrase.
Je sais, messieurs, que déjà des mesures sont
prises par les autorités locales, pour réclamer des mesures propres à faire
cesser cet état de choses ; et il y aura urgence de faire droit à ces
réclamations, car, la situation de la pêche est telle que non seulement on ne
peut plus vendre le poisson salé qui en provient à un prix qui permette de
couvrir les frais d’armement, mais que même on n’en vend pas du tout. Déjà l’on
a dû user de contrainte contre les pêcheurs pour les amener à remplir leurs
engagements envers les armateurs ; ces malheureux, presque tous pères de
famille, ne trouvant plus dans l’exercice de leur rude métier de quoi pourvoir
à leurs besoins, ne voient plus d’autres moyens de salut que de s’expatrier ;
aussi quittent-ils
M. Gendebien. -
Mais la pêche n’est pas à l’ordre du jour ; ce n’est même pas l’objet de la
motion d’ordre de M. Donny.
M.
Donny. - Je sais bien, messieurs, que ce n’est pas par le rapport de la
pétition dont j’ai l’honneur de vous entretenir qu’on pourrait porter remède au
mal que je signale. Mais en attendant qu’on puisse prendre des mesures
efficaces et directes, ce serait toujours donner aux habitants d’Ostende une
première marque d’intérêt que de consacrer quelques instants à une pétition à
laquelle ils attachent une haute importance et qui vous est présentée depuis
six mois.
Puisque j’ai la parole, j’en profiterai pour
adresser deux mots à M. le ministre de l’intérieur.
J’appellerai son attention sur le projet de loi
relatif à l’exportation des os. J’ai vu par le Moniteur que dans une séance précédente quelques pétitions sur la
matière ont été renvoyées à M. le ministre, afin qu’il pût examiner s’il n’y
avait pas lieu à modifier son premier projet de loi.
Je prierai M. le ministre de vouloir bien s’occuper
de cet objet assez à temps pour que la loi puisse être votée avant la clôture
de la session. (Oh ! oh !)
M. le ministre
de l'intérieur (M. de Theux). - Je crois pouvoir, en peu de mots,
répondre aux diverses observations de l’honorable préopinant.
La manière dont l’assemblée a accueilli la motion
de s’occuper immédiatement du projet de loi relatif à la sortie des os, me
dispense de répondre à cette première demande. Je crois que la question qu’il a
soulevée ne pourra se produire utilement que dans le courant de la session prochaine.
Quant à la détresse de la
pêche d’Ostende, aussitôt que j’ai vu qu’en effet il s’était opéré une baisse
si subite de poisson de mer, je me suis empressé de prendre des informations
auprès des diverses chambres de commerce. C’est hier seulement que j’ai reçu
l’avis de la chambre de commerce d’Ostende. La chambre conçoit qu’un certain
temps m’est nécessaire pour examiner mûrement cet objet.
Quant à la question du
chemin de fer vers Ostende, je n’ai obtenu jusqu’à présent des ingénieurs que
les plans ; mais le rapport pour la mise en adjudication ne m’est pas encore
parvenu.
Au surplus, cette adjudication aurait été inutile
et prématurée ; elle doit se lier avec la section de Termonde à Gand, dont
l’exécution exige plus de temps.
M. Mast de Vries. - Je veux faire une
simple observation : c’est que la pétition dont parle M. Donny n’a pas été
renvoyée à la commission des pétitions, avec invitation de faire un prompt
rapport.
M. Hye-Hoys. - Je
rappellerai, que le gouvernement a présenté un projet de loi relatif à la pêche
nationale ; ce projet a été renvoyé à une commission dont M. Donny est
président, et je dois déclarer que nous n’avons pas été convoqués depuis 6
mois. (Ah ! ah !)
M. Donny. -
L’hilarité de la chambre serait sans doute bien fondée, si l’honorable M.
Hye-Hoys ne se trompait en fait.
Je ne me suis pas du tout plaint de ce qu’on n’ait
rien fait pour la pêche ; j’ai signalé l’état où la pêche se trouve à présent,
afin d’obtenir de la chambre qu’elle consacrât quelques instants à une pétition
d’Ostende relative à un autre objet.
Je sais fort bien que la chambre est saisie d’un
projet de loi relatif à la pêche ; que je suis membre de la commission chargé
de l’examen de ce projet, mais je rappellerai que ce projet n’a pour objet que
d’accorder des primes. Or, quand toutes les primes proposées par ce projet
seraient immédiatement distribuées, elles ne pourraient sauver
la pêche de la détresse que j’ai signalée ; il faut des remèdes d’une nature
toute différente.
- La chambre décide qu’elle passe à l’ordre du
jour.
Discussion du rapport de la
commission spéciale
M. le ministre de la guerre
(M. Evain). - Messieurs, un honorable orateur a demandé le dépôt sur le
bureau de quatre pièces dont il a formulé le texte dans les questions qu’il m’a
adressées.
J’ai en ce moment l’honneur de déposer sur le
bureau les pièces dont il s’agit.
M. Milcamps. -
Messieurs, la commission qui a été chargée de l’examen du marché des lits de
fer émet l’opinion qu’il n’y a pas lieu de la part de la chambre à ratifier
l’adjudication faite le 16 juin, mais attendu qu’aucun crédit n’a été accordé
par la législature au budget de 1836 à l’effet de pourvoir au couchage des
troupes pendant cet exercice, elle nous présente un projet de loi par lequel,
art. 1er, il est ouvert au ministre de la guerre un crédit de 778.603 fr. 20
cent. pour le service du couchage des troupes pendant l’année 1836 ; et à
l’art. 4 il est déclaré que les conventions passées entre le ministre et les
administrations communales continueront d’être exécutées.
Il est évident que l’adoption du projet de loi,
dans les termes qu’il est présenté par la commission, n’emporterait pas de la
part du pouvoir législatif ratification de l’adjudication du 16 juin, mais elle
rendrait impossible l’exécution de cette adjudication, et par là, j’en
conviens, la commission place la législature d’autant plus à l’aise que
celle-ci n’est pas mise dans le cas de se prononcer explicitement sur le marché
des lits de fer ; les considérations du rapport de la commission n’étant
présentées que comme motifs qui doivent déterminer le vote de chaque branche du
pouvoir législatif sur le projet de loi.
On voit donc que la pensée de la commission n’est
point que la chambre se prononce explicitement sur le marché des lits de fer,
soit en lui donnant, soit en lui refusant son assentiment d’une manière
expresse, mais seulement qu’elle se prononce implicitement en posant un fait
qui rendrait impossible l’exécution du marché des lits de fer.
Dans le système de la commission cette manière de
provoquer le vote de la chambre est très logique.
Mais devons-nous admettre ce système ? Dans mon
opinion la chambre ne doit se prononcer sur le marché des lits de fer, ni
explicitement, ni même implicitement comme le propose la commission.
La question de savoir si le ministre qui a traité
avec la compagnie Legrand avait capacité pour conclure ce marché, si ce marché
est valide n’est pas dans les attributions de la chambre, ni du pouvoir
législatif. La décision de cette question est de la compétence de l’autorité
judiciaire.
Les marchés avec les ministres me paraissent
classés dans les matières judiciaires. Pour les effets définitifs, il s’agit
ici des droits privés, et si je consulte la constitution et les lois qui nous
régissent, je n’aperçois dans le marché de lits de fer rien qui doive arrêter
ou suspendre la marche judiciaire.
Les tribunaux jugeront d’après la constitution et
les lois, et lors même que le marché de lits de fer n’aurait son principe de
solution ni dans la loi, ni dans les règlements, ni dans les usages administratif,
la justice ordinaire est autorisée à se décider à défaut de règle expresse, par
l’esprit des règles connues, par l’équité naturelle civile et politique.
Pour ma part je trouve de l’inconvénient à ce que
la chambre se prononce implicitement sur l’adjudication du 16 juin et elle le
ferait implicitement si, conformément à la proposition de la commission, elle
votait un chiffre pour le couchage des troupes avec la stipulation que les
conventions avec les régences continueront d’être exécutées.
Il me paraît que la chambre doit se borner à voter
un chiffre pour le couchage des troupes pendant 1836, sans autre affectation
spéciale ; et de cette manière nous ne préjugeons rien sur le marché des lits
de fer.
On objectera que si nous votons purement et
simplement un chiffre pour le couchage des troupes, M. le ministre de la guerre
imputera la somme votée sur l’adjudication des lits de fer, et par là exécutera
le marché. Mais qu’importe ? S’il est vrai que le ministre n’avait pas capacité
pour contracter le marché pour un terme de 20 ans, question que je m’abstiens
d’examiner, l’exécution que le ministre donnera au contrat ne signifiera rien ;
car celui qui n’a pas la capacité de contracter, n’a pas et ne doit point avoir
celle de ratifier ou d’exécuter. La seule précaution que le pouvoir législatif
a à prendre, c’est de ne poser aucun fait qui emporte, de sa part, ratification
ou exclusion volontaire du marché.
Dans l’état de notre organisation politique et en
matière des dépenses, le pouvoir législatif les vote chaque année. Le ministre
ne peut excéder la dépense votée. Tel est le prescrit de la constitution.
Restons dans cette
légalité. Nous y resterons en votant la somme que nous présumons nécessaire
pour la dépense du couchage des troupes pendant 1836, et un pareil vote
n’emportera certainement pas ratification ou exécution du marché des lits de
fer. Si même la chambre avait quelque doute à cet égard, rien n’empêcherait
qu’on libérât le crédit de manière à ne pas lier l’Etat.
Car, messieurs, qu’ont à faire ceux qui pensent que
le ministre n’avait pas la capacité de contracter et que le marché est onéreux
au pays ? Ils ont, de deux choses l’une, ou à rejeter le chiffre demandé pour
le paiement du prix d’adjudication, ou à accorder le chiffre nécessaire pour le
couchage des troupes pendant 1836, chiffre qui, si le marché des lits de fer
est onéreux, sera insuffisant ; et, dans l’une ou l’autre de ces deux
hypothèses, si l’entrepreneur n’est pas payé, il lui sera libre d’agir comme de
droit, soit en portant son action devant les tribunaux, soit en proposant au
ministre des modifications qui fassent disparaître ce que l’adjudication peut
avoir d’onéreux pour le pays, soit enfin pour qu’un examen plus approfondi par
chacun de nous permette de voter dans le budget de 1837 en connaissance de
cause ; car j’avoue que jusqu’à présent je n’ai pu m’assurer si le marché est
ou n’est pas onéreux au pays.
M.
Mast de Vries. - La majeure partie des observations que je comptais
soumettre à la chambre lui ont été présentées par l’honorable rapporteur de la
commission. Il est cependant une observation que je dois faite ; elle est
relative au casernement.
M. le ministre de la guerre n’ignore pas qu’il est
des villes où les casernes sont la propriété des villes et où l’Etat est obligé
d’en payer le loyer.. Cependant ces dépenses ne sont pas entrées dans les
prévisions de. M. le ministre de la guerre.
Je demanderai ensuite qui fera la dépense de
l’ameublement des casernes, des tables, des bancs, etc.
En ce qui concerne les lits, j’ai soutenu, dans le
temps, que les 3/4 ne seraient pas occupés, et que par suite le marché était
onéreux. Nous voyons maintenant que cela est positif, en raison des troupes qui
sont en cantonnement, et de celles qui chaque année sont envoyées au camp.
J’attendrai sur ces divers points les explications
de M. le ministre de la guerre.
M. le ministre de la guerre
(M. Evain). - Il y a trois espèces de casernes pour le logement des
troupes. Dans les places fortes, dans les citadelles, une partie des casernes
fait partie des bâtiments militaires appartenant à l’Etat. On peut loger 26,000
hommes dans les casernes qui appartiennent à l’Etat. Les autres casernes, dans
les villes de garnison, ont été cédées par décrets de l’empereur de 1809, 1810
et 1811 à ces villes, à charge onéreuse, c’est-à-dire à la charge de les
entretenir en bon état et de les consacrer au logement des troupes, sans
pouvoir en changer la destination. Ces casernes peuvent contenir 30,000 hommes.
Ainsi, ces deux espèces de casernes peuvent contenir 56,000 hommes. Il y a en
outre deux casernes qui sont tenues à loyer ; ce sont celles des deux nouvelles
places que nous avons mises en état de défense : Lierre et Hasselt. Les
casernes de ces villes peuvent contenir chacune de 6 à 7 cents hommes. Ainsi,
c’est une faible exception au mode de casernement généralement suivi.
Le loyer de ces casernes est pris sur les fonds du
génie, comme loyer de bâtiments affectés au service militaire.
Maintenant nous avons
40,000 fournitures de literies à placer dans ces casernes. Or, nous avons
constamment sous les armes de 38 à 42 mille hommes. Qu’il y en ait 3,000
environ en cantonnement, il en restera toujours à caserner de 35 à 39 mille.
Vous voyez donc, messieurs, que toutes les fournitures de couchage sont à peu
de chose près généralement occupées : mais on parle des troupes qui quittent
leur garnison pour se rendre au camp, et je dois faire observer qu’elles n’y
restent que six semaines, et que jamais d’ailleurs le camp n’est formé de plus
du tiers de l’effectif de l’armée. Ainsi, la non-occupation
des casernes par le tiers des troupes pendant six semaines n’est pas aussi
importante qu’on pourrait le présumer.
Quant à la fourniture à faire par les régences, des
cases, bancs et tables, dans leurs casernes, les villes, d’après les conditions
onéreuses de la cession qui leur a été faite de ces casernes, sont obligées de
les fournir ; elles les ont fournis sous le gouvernement français, alors que le
service des lits militaires était exploité par une compagnie ; elles les ont
fournis de 1825 à 1830, lorsque l’ancien gouvernement a remis le casernement
aux troupes, qui furent chargées de se fournir et d’entretenir leurs effets de couchage.
M. Gendebien. -
Je pensais réfuter les nombreux et volumineux mémoires de M. le ministre de la
guerre, et aussi celui de la compagnie qui a entrepris le couchage de nos
soldats. L’honorable M. Desmaisières a fait les 9/10 de ma besogne, et
l’honorable M. Fallon vous a lu un traité complet sur la question de
constitutionnalité. Je restreindrai donc, autant que possible, ce que j’ai à
dire sur te trop fameux marché des lits militaires, et j’éviterai les redites
autant que je pourrai ; je passerai assez rapidement sur tous les antécédents.
Il est bon de vous rappeler qu’à la section
centrale, dont j’avais l’honneur de faire partie, la question des lits
militaires ne fut pas discutée, et en voici la raison : nous avons considéré la
question comme en dehors du budget ; la section centrale avait suspendu son
examen, après avoir discuté tous les articles concernant le budget régulier. A
la fin de son travail, la section centrale s’était trouvée très pressée ; et
sur les observations de M. le ministre de la guerre, elle crut pouvoir confier
au rapporteur le soin d’examiner de plus près le marché. Voici les observations
qui furent faites par le ministre de la guerre, et qui ont induit en erreur la
section centrale et moi le premier.
Le ministre de la guerre reconnut alors
positivement que si le gouvernement n’avait eu à payer que l’intérêt des
capitaux employés pour l’acquisition des couchettes, il aurait fait une
mauvaise affaire en donnant un prix de loyer aussi élevé que celui du contrat ;
mais il fit observer qu’il fallait y joindre l’entretien, l’administration, les
réparations, la surveillance ; et alors, tout le premier, à la section
centrale, je répondis que s’il en était ainsi, je ne concevais guère pourquoi
l’on avait tant écrit contre le marché des couchettes, reconnaissant que le
gouvernement était l’administrateur le moins économe ; et nous fûmes d’accord
sur ce point, et il fut décidé que la question du marché serait examinée de
plus près par le rapporteur.
En séance publique, le ministre de la guerre, et
après lui le rapporteur de la section centrale, renouvelèrent les observations
qui avaient été produites à la section centrale. Mais depuis on m’avait fourni
le cahier des charges, et j’y vis que, quel que fût le choix du gouvernement,
qu’il admît l’une on l’autre base, l’entrepreneur devait dans tous les cas être
chargé de l’entretien, des réparations et de tous les frais d’administration
des couchettes en fer, et que le gouvernement n’avait plus à s’en occuper soit dans
l’un soit dans l’autre cas, c’est-à-dire que l’entrepreneur fût propriétaire,
ou qu’il fût seulement usager des couchettes.
Dès lors je fus frappé de l’erreur dans laquelle on
nous avait jetés, et je demandai des explications qui aboutirent à faire reconnaître
par le ministre de la guerre que le gouvernement payait 27,000 fr. de plus par
an ; mais il ajoutait que c’était une bagatelle, attendu les grands
inconvénients qui pouvaient résulter de l’adoption de la deuxième base. Et
quels sont ces grands inconvénients ? Jamais il n’a pu, jamais il ne pourra les
établir.
J’ai établi que c’était une différence de 37,000
fr. L’honorable M. Verdussen a établi qu’il y avait une différence de 16,000
fr. par an, et qu’en outre le gouvernement était propriétaire de tout un
matériel au bout de 20 ans, tandis que d’après la base adoptée, le
gouvernement, en payant plus, n’avait rien au bout des 20 ans.
Le ministre de la guerre, revenant sur les mêmes
observations, a dit, dans ses mémoires, qu’il y a une différence de cinq mille
francs. Mais il s’est bien gardé de dire qu’indépendamment de cette différence
de cinq mille francs à payer en plus par an, il aurait eu, au bout de vingt
ans, la propriété des couchettes.
Hier le ministre de la guerre a essayé de prouver
qu’il n’y avait plus de différence, et que loin qu’il y eût une différence en
plus à la charge du trésor, il y avait au contraire un bénéfice considérable
par l’adoption de la première base. Vous voyez quels sont les progrès que l’on
a faits dans l’erreur. On a reconnut d’abord qu’il y avait 27,00 fr. de plus à
payer par le trésor, et en définitive aujourd’hui on prétend qu’il y a avantage
pour le trésor. Voilà, je dois le dire, ce qui a provoqué mon indignation ;
puis mes investigations m’ont conduit à une conviction complète que le marché
est intolérable sous tous les rapports.
Il en est ici comme du fameux marché Hambrouck. On disait toujours : « Mais ce haut prix
(qu’on n’osait contester sérieusement) n’est qu’une faible compensation des
chances de l’entreprise. » Et quand on connut le cahier des charges, on
vit que l’entrepreneur ne courait aucune chance et que le gouvernement faisait
toutes les avances, bien loin que l’entrepreneur en eût aucune à faire. Ici ce
sont des circonstances analogues qui se présentent.
C’est une erreur qui avait d’abord fermé les yeux,
qui avait trompé la vigilance de la section centrale, et cette erreur a été
enfin reconnue ; comme on l’a reconnue, mais tardivement, pour le marché Hambrouck.
Quoi qu’il en soit, voyons si le ministre a répondu
aux différents griefs qu’on a opposés au marché du 16 juin.
Dans les huit ou séances de janvier, dans les
dernières séances et dans ses volumineux mémoires, le ministre nous a beaucoup
parlé de sa prudence, de sa sagesse, de sa loyauté et même de son adresse (car
il a aussi parlé, de son adresse) dans la négociation du marché des lits
militaires.
Au mois de janvier
D’un autre côte, je lui fis remarquer qu’il fallait
une loi pour engager l’Etat pendant 20 ans. M. de Brouckere, ministre de la
guerre, reconnut qu’il fallait une disposition législative. Le général Evain,
qui a fait tout le travail, ne peut ignorer ces circonstances ; cependant il a procédé
comme s’il n’en avait aucune connaissance. Je ne parle, pas de la constitution
qu’il a méconnue, parce qu’en sa qualité d’étranger il se croit, à ce qu’il
paraît, dispensé de la connaître. Mais je rappelle un antécédent, un fait qu’il
ne peut ignorer, et qui vient cependant à l’appui de la constitution qu’il
aurait bien fait de consulter. En négligeant l’un et l’autre, il n’a pas fait
preuve de sagesse ni de très grande prudence.
En 1822, le général Evain fut chargé, en France, de
faire tous les calculs, toutes les dispositions pour le fameux marché qui fut
fait en mars 1822, marché qui l’avait occupé 18 mois ou deux ans, nous a-t-il
dit. Il devait avoir retiré une grande expérience de cette manipulation. Ce
marché devait lui servir de leçon. Car je crois que ce fut pour lui un sujet de
disgrâce : il se retira ou il fut renvoyé du ministère à cause ou à l’occasion
de ce marché. Cependant cette leçon fut oubliée par lui en 1835 ; il ne prit
aucune précaution pour se mettre à l’abri de nouveaux reproches, d’une nouvelle
disgrâce.
Qu’a-t-il fait pour faire preuve de prudence, de
sagesse et même d’adresse, ainsi qu’il vous l’a dit ? Il ne s’est pas même
donné la peine d’établir des devis. Savez-vous ce qu’on a fait ? On a été
trouver un serrurier rue de Schaerbeck, on lui a fait
faire deux lits de différents poids, et on a pris au sérieux les prix donnés
par ce serrurier. Ce brave, cet honnête et bon ouvrier, qui n’avait jamais fait
de lit en fer, qui ne savait pas ce que c’était qu’un lit à fond métallique, a
dû procéder par tâtonnements, recommencer plusieurs fois et faire payer ses
tâtonnements ; et cela n’était que juste pour lui. Voilà ce qu’on a pris pour
base d’un marché aussi important. Une couchette faite par un serrurier, le
premier venu ! Quelque bon ouvrier qu’il fût, on conçoit qu’il était peu sage
de prendre son essai pour base ou pour devis.
D’abord il eût été prudent pour le ministre de se
rappeler ses antécédents assez fâcheux et de réunir une commission d’officiers
d’artillerie, du génie, et même de toutes les armes, pour prononcer sur la
forme du lit reconnue aujourd’hui défectueuse, et sur le système le plus
économique pour l’Etat et surtout pour le soldat ; des tréteaux avec fonds en
bois, ou des lits à fonds métalliques.
On n’a pris conseil de personne ! Je me trompe, on
a eu recours au conseiller intime, le nommé de Valiennes,
qui s’appelait alors Marie. Voila le conseiller intime qu’on a consulté dans
cette grave affaire. Je m’abstiens de qualifier cette confidence faite à Marie
de Valiennes, nous verrons les résultats plus tard.
Pour la fourniture du lit, à qui s’est-on adressé ?
Au tapissier de la cour ! C’est, sans contredit, un excellent tapissier que M.
Delannoy ; il pourrait rivaliser avec les tapissiers de Paris. Si quelqu’un
avait à faire faire un lit très confortable, il pourrait, et je le lui
conseillerais, s’adresser à M. Delannoy. Mais, pour le couchage de nos soldats,
était-ce à M. Delannoy qu’il convenait de s’adresser ? Cependant, ce sont là
toutes les investigations qu’on a faites pour connaître la valeur des literies
militaires. On s’est adressé au tapissier de la cour ! Voilà la prudence, la
sagacité, l’adresse même du ministre !
On a admis sans examen les couchettes en fer avec
fonds métallique. Cependant on savait ou au moins on ne pouvait ignorer qu’en
France on avait abandonné ce mode de couchage. Voila la sagesse et l’expérience
du ministre encore tout à fait en défaut.
Enfin, messieurs, on a adopté deux bases : l’une,
la fourniture des literies et des couchettes ; et l’autre, la fourniture des
literies sans les couchettes. Eh bien croyez-vous qu’il y ait quelque chose de
sérieux dans ces deux bases ? Le ministre a pris soin lui-même de démontrer le
contraire. On a pris, vous a-t-il dit, deux bases. Il me semble, soit dit en
passant, qu’il en fallait trois : il fallait la couchette séparément, la
fourniture séparément, et la couchette et la fourniture ensemble. On en a fait
l’observation au ministre qui a répondu ; Je n’y ai pas pensé !
Voilà encore la sagesse, la prudence et
l’expérience du ministre en défaut. Il n’y a pas pensé ! mais à quoi donc
a-t-il pensé, si un aperçu aussi simple lui a échappé ?
Mais ce n’était pas même sérieusement qu’il avait
proposé plusieurs bases ; ce n’était, vous a dit le ministre, que pour
faciliter aux villes les moyens d’intervenir dans les adjudications et
d’entreprendre le couchage de leurs garnisons respectives. Eh bien, il n’en est
rien. Il y a plus ; ce n’est pas sérieusement, je le répète, qu’on a cherché à
traiter avec les villes, on ne l’a jamais voulu. Et la preuve, c’est que, dans
le cahier des charges d’adjudication du premier juin, une clause donnait au
ministre le droit de prendre le terme moyen de toutes les soumissions
partielles pour le mettre au rabais ; et dans le cas où il n’y aurait pas de
rabais, celui qui prendrait, au terme moyen de toutes les soumissions, toutes
les fournitures in globo, serait adjudicataire.
De sorte qu’à prix égal on préférerait encore un
adjudicataire général. Peut-on, après cela, protester de son sincère et vif
désir de favoriser les villes, et soutenir sérieusement qu’on aurait préféré
avoir des adjudications partielles que des adjudications générales ?
Voulez-vous une nouvelle preuve qu’on ne voulait pas d’adjudications partielles
? Vous la trouvez dans le cahier des charges où il est dit qu’on procédera
séance tenante aux calculs à faire pour établir la moyenne sur toutes les bases
des adjudications partielles, et qu’on procédera immédiatement à l’adjudication
définitive.
Cependant, lors de l’adjudication du 15 juin, pour
justifier la remise au lendemain, on a prétexté la nécessité de calculs à faire
pour établir la moyenne des soumissions ; c’est toujours ainsi qu’on procède,
vous a-t-on dit, lorsque le chiffre est complexe. Si on avait eu sincèrement
l’intention de faire des adjudications partielles, n’aurait-on pas aussi, le
1er juin, reconnu la nécessité de remettre au lendemain, puisqu’au 15 juin il
n’y avait qu’un simple calcul à faire ; tandis qu’à l’adjudication du 1er juin
le chiffre était complexe, et même très compliqué ; or, on n’a pas pensé à la
nécessité de remettre l’adjudication au lendemain.
Je ne puis voir là qu’une nouvelle preuve de
l’imprévoyance ou de l’inconséquence du ministre, ou une résolution prise
d’avance de ne pas adjuger sur les bases du cahier des charges. Une dernière
preuve qu’on n’avait pas l’intention de faire des adjudications partielles,
c’est que toutes les réclamations des régences et de ceux qui ont soumissionné
ou se proposaient de soumissionner au 1er juin, reposaient sur l’impossibilité
de faire des offres sérieuses pour l’adjudication générale ou les adjudications
partielles, si on n’assurait pas un prix ferme de loyer pour toutes les
couchettes, ou si ou n’accordait pas une prime suffisante pour non-occupation.
Le ministre savait cependant cela avant
l’adjudication du 1er juin 1833, puisqu’il avait eu des relations avec toutes
les villes qui lui avaient fait la même objection à la proposition
d’entreprendre le couchage de leur garnison. Eh bien, le ministre de la guerre
n’ouvre pas même les soumissions à la séance du 1er juin, tant était vif et
sincère son désir de faire entreprendre le couchage par les villes. Sans ouvrir
les soumissions, il déclare l’adjudication remise au 1er juin. Il ne s’occupe
plus des villes, il proclame une adjudication générale en apportant au cahier
des charges tous les correctifs demandés vainement par les régences et en
établissant un prix ferme de loyer, que les lits soient occupés ou non.
Si le ministre avait eu sincèrement le désir, comme
il l’a dit, d’appeler les régences à entreprendre le couchage de leur garnison,
il aurait remis l’adjudication non pas à 15 jours, mais à un mois, et, au lieu
d’adopter une adjudication générale, il aurait admis, il aurait provoqué les
soumissions partielles, et il s’en serait présenté. Ainsi donc qu’on cesse de
nous dire qu’on avait le ferme désir de voir des entreprises de couchage faites
pour le compte des régences. Je dois le dire, c’est le cri de ma conscience,
j’ai examiné à fond tous les éléments de cette affaire, toutes les parties du
contrat, et il m’est resté une conviction, qui n’est pas une conviction intime
comme celle dont vous avez le scandale depuis trois mois ; cette conviction,
toute rationnelle, toute logique, que l’on voulait un marché, rien qu’un marché
et un marché général, avec chances de gros bénéfices pour l’entrepreneur.
Or, vous a dit et répété à plusieurs reprises que
l’on s’était décidé, immédiatement après l’essai du 1er juin, pour une
adjudication générale, parce qu’il n’avait été fait aucune soumission
partielle, parce que toutes les soumissions étaient générales. On a contesté
cette assertion, et le ministre a déclaré itérativement dans ses discours qu’il
ne s’était présenté que des soumissions générales et pas de soumissions
partielles.
M. Destombes a établi
dans sa déposition, et des renseignements que je me suis procurés m’ont
convaincu qu’il y en avait eu plusieurs. Le ministre ne pouvait pas le
contester de bonne foi, parce qu’aucune soumission n’a été ouverte.
Que vous a dit le ministre dans la séance du 14
janvier ? Voyez à la page 9 du recueil de ses discours.
« J’ai écoulé avec toute l’attention possible
la lecture de la pétition du sieur Destombes, et je
vous avoue que je n’ai pas entendu qu’elle fasse mention de places qui aient
fait des soumissions pour fournitures de lits militaires. S’il s’en fût trouvé,
le procès-verbal d’adjudication en aurait parlé ; je n’en ai pas vu je le
déclare positivement. »
Voilà ce que disait le ministre dans la séance du
14 janvier. Le ministre interpellé, sommé de produire le procès-verbal de la
séance du 1er juin, a dit à votre commission qu’il n’y avait pas eu de
procès-verbal ! Cependant le 14 janvier, quand il pensait, quand il espérait
encore enlever d’assaut et de confiance son marché, il attestait qu’il n’y
avait pas eu de soumission partielle ; que s’il y en avait eu, le procès-verbal
en aurait fait mention.
C’était là une réponse en apparence très pertinente
et de nature à désarmer les plus incrédules ; mais il est des hommes dont
l’incrédulité ne tombe que devant des faits positifs et démontrés ; ces hommes
ont poussé le ministre à bout, et ils ont acquis la preuve qu’il n’y avait pas
eu de procès-verbal du simulacre d’adjudication du 1er juin.
On appellera cela de la franchise, si l’on veut ;
quant à moi, je m’abstiendrai de qualifier cette franchise.
On a fait plus, messieurs ; au 3 juin on a arrêté
un nouveau cahier des charges.
On a publié dans les numéros du Moniteur des 9, 11 et 13, l’annonce de
cette nouvelle adjudication, et on n’a pas fait la moindre mention, pas plus
que dans les affiches, du changement important, du changement radical qui
consistait à donner la location à prix ferme, c’est-à-dire de donner un loyer
pour l’occupation ou la non-occupation, condition qui
changeait la nature du marché, car il n’y avait plus de chances à courir ; il
n’y avait plus, comme autrefois, chance de voir seulement un dixième de ses
fournitures occupées pendant une année, et les neuf dixièmes pendant un mois
peut-être, comme cela s’est pratiqué jusqu’en 1830 ; on était toujours certain,
d’après les bases adoptées le 3 juin, de voir les fournitures occupées, ou
plutôt on était toujours certain de recevoir, même quand il n’y avait pas occupation
; de sorte que la non-occupation devenait un avantage
pour l’entrepreneur, au lieu d’être, d’après le premier cahier des charges, une
chance de ruine. Eh bien, je le répète, on n’a pas fait la moindre mention de
cette condition nouvelle dans les publications du Monsieur des 9, 11 et 13 juin, ni dans les affiches.
Dans quel dessein a-t-on fait cette grave omission
? Je n’en sais rien ; je ne veux pas pénétrer ce dessein ; mais encore m’est-il
permis de voir là imprudence, défaut de sagesse, défaut d’adresse : peut-être y
avait-il de l’adresse ; mais elle ne devait pas tourner an profit du trésor. En
effet, beaucoup de personnes pouvaient croire que c’était sur le même cahier
des charges que l’on voulait procéder, puisqu’on n’annonçait pas de changements,
et qu’au contraire on se bornait à annoncer une réadjudication, ce qui devait
faire croire que c’était sur les mêmes bases. Ce ne sont donc pas les régences
seules qui ont été écartées de cette nouvelle adjudication, d’autres encore ont
été dupes d’annonces incomplètes et même fallacieuses. Et voilà, messieurs,
comment on a provoqué la concurrence !
On ne peut pas se dissimuler l’avantage immense qui
eût résulté et pour le trésor, et pour le soldat, de faire concourir les villes
à l’entreprise, et les villes étaient elles-mêmes intéressées à prendre part à
ce concours.
D’abord les villes avaient une grande partie de
leurs fournitures dont elles pouvaient tirer parti. Les laines, quoi que le
ministre en ait dit, les laines au bout de 60 ans de d’usage sont tout aussi
bonnes, à peu de chose près, qu’au bout de 15 ans. Les couvertures ne se
détériorent pas autant qu’on le dit. Les régences sont propriétaires de la
plupart des casernes et de tout le gros et menu mobilier qui les garnissent.
En un mot, les régences pouvaient prendre part à
l’entreprise sans une mise dehors de fonds considérables. Et ce qui les aurait
surtout déterminées, c’est que n’étant pas adjudicataires, leurs fournitures
tombent en pourriture, tombent en pure perte ; car elles ne retireront pas 25
p.c. en les vendant. Si on avait donné aux régences la faculté de concourir,
évidemment il y aurait eu rabais dans le prix de location.
D’un autre côté, pour le remboursement des
dégradations, le soldat aurait été mieux traité ; il aurait eu affaire à une
régence, à une administration ordinairement toute paternelle ; or, vous savez
que les régences qui ont intérêt à avoir des garnisons ne tracassent pas le
soldat ; elles ne pressureraient pas le soldat, elles repousseraient la
spéculation que le ministre de la guerre a lui-même qualifiée d’infâme. Une
administration municipale est à l’abri du soupçon de vouloir spéculer sur la
solde du malheureux soldat ; mais il n’en est pas de même d’un entrepreneur. Je
ne fais pas allusion à la société Legrand en particulier, mais toutes les
sociétés on au moins tous leurs agents subalternes se ressemblent, tous sont
très avides quand on les intéresse, et les agents de la compagnie Legrand
prélèvent une part sur le remboursement des pertes. Un entrepreneur calcule ce
qu’un centime par homme produit pendant vingt ans, et quand il a vingt mille
hommes, l’appât ne laisse pas que d’être assez séduisant.
Une administration municipale au contraire est
toute paternelle. Elle présente donc toute garantie pour le soldat, surtout si
vous adoptez le règlement de 1814 ; selon ce règlement, les dégradations
s’évaluent par le concours du chef du corps, de l’officier municipal chargé du
casernement, et par l’intervention du commandant de la place. Il y a là
garantie pour le soldat indépendamment du désintéressement des régences.
Dans votre empressement de contracter un marché,
vous avez négligé les intérêts des régences, du soldat et du trésor, en
écartant les régences.
Toutefois, ce qui nous touche le plus aujourd’hui,
ce n’est pas ce qu’il y a d’onéreux pour le trésor ; mais c’est l’exploitation
du soldat : or c’est la conviction de tous les membres de la commission qui se
sont rendus aux casernes que le soldat est exposé à une odieuse exploitation, à
l’exploitation que le ministre a qualifiée d’infâme, mais qu’il aurait mieux
fait d’éviter, et il le pouvait.
Je suis convaincu, moi, d’après des notions
certaines qui m’ont été données par des personnes qui s’y connaissent et que le
ministre de la guerre reconnaît comme très habiles dans cette partie ; je suis
convaincu qu’au bout de six ou sept ans, la société récupérerait ses frais de
premier établissement si elle exploitait le soldat comme elle prétendait le
faire ; mais heureusement que par suite de cette discussion la chambre apportera
des tempéraments au marché. Je n’hésite pas à le dire, elle manquerait à ses
devoirs si elle ne venait au secours du trésor, et surtout en aide au
malheureux soldat.
On vous a dit, messieurs, que les indemnités payées
jusqu’à présent par les soldats étaient peu de chose, quelles pouvaient monter
à 1 fr. 27 c. par an et par homme ; à en juger par ce qui avait eu lieu avant
notre visite à la caserne, avant que le contrat fût critiqué, on nous permettra
de ne pas considérer comme sérieux le chiffre accusé par le ministre.
Depuis quand le soldat occupe-t-il les couchettes ?
Quand nous sommes allés aux casernes, il y en avait très peu ; on ne percevait
rien pour dégradations aux couchettes.
Nous avons entendu des soldats et des officiers et
d’après leurs déclarations nous avons établi les évaluations, et elles sont
bien différentes de celles que fait le ministre. Je sais bien que depuis on a
dissimulé les dégradations et réduit les exigences ; mais attendez que la
compagnie ait sécurité sur son marché, attendez que ses agents qui sont
intéressés à faire valoir les pertes aient reçu le signal, et vous verrez ce
qui arrivera, ce qui ne manquera pas d’arriver si la chambre ne s’interpose pas
dans cette affaire : avant un an l’exploitation du soldat recommencera comme il
avait commencé quand on se croyait certain du maintien du marché.
Au reste, d’autres de mes collègues ont des faits à
vous soumettre, ils sont de nature à vous faire faire de tristes et, j’espère,
de salutaires réflexions. Je n’en dirai pas davantage sur ce point.
On a dit, messieurs, qu’en France les
remboursements faits par les militaires pour dégradation et perte d’objets de
couchage étaient un objet de grand lucre pour la société qui avait
l’entreprise, que c’était l’objet de ses plus grands bénéfices. C’est le
ministre lui-même qui l’a dit. Je demanderai quelles précautions il a prises
pour qu’il n’en soit pas de même en Belgique. Je n’ai rien vu dans le cahier
des charges ni dans le contrat relatif à cet objet. Il y a plus, il a laissé
percevoir sur un tarif fait par la société sans son intervention, sans qu’il
ait même pris la peine de s’en apercevoir, malgré les nombreuses réclamations.
Le ministre a pris si peu à cœur l’intérêt du
soldat, qu’il ne s’est pas même donné la peine d’y réfléchir ; car il déclare,
dans la séance d’hier, qu’il n’avait pas encore d’idées bien arrêtées à cet
égard. Voilà donc les précautions que l’on a prises ! On n’a pas même
aujourd’hui d’idées arrêtées ! Cependant le ministre a reconnu que cet objet
était le plus important. Il est vrai que ce n’était que pour détourner
l’attention de la chambre, tout en nous disant qu’il comptait sur la majorité
de la chambre pour les autres parties du marché. Mais il est permis de croire
qu’il s’est trompé dans son calcul.
Le bénéfice des remboursements en France provient,
a dit le ministre, de ce que les objets appartenant aux fournisseurs sont
évalués plus qu’ils ne valent ou plus qu’ils n’ont coûté ; ainsi on les évalue
à 109 fr., quoiqu’ils n’aient coûté que 60 fr, ; et le ministre qualifie
d’infâme cette exploitation. Je suis tout à fait de son avis, mais à qui la
faute si une pareille exploitation a lieu en France : au général Evain qui a
préparé le marché de 1822. Et le ministre qui s’est rendu coupable d’un pareil
acte croit que nous allons nous incliner devant son expérience, devant sa
sagesse, devant son adresse, alors qu’il vient de déclarer lui-même qu’il a été
assez dupe ou assez complaisant pour souffrir que les effets de couchage soient
portés au chiffre de 109 fr., pour l’évaluation des pertes, quand ces objets ne
valaient que 60 francs : mais si on peut qualifier cette spéculation d’infâme,
comment qualifier celui qui l’a établie ou favorisée ? On peut au moins
dire que c’est en homme bien imprudent, un homme à l’expérience duquel il
devient désormais impossible de se rendre.
Qu’a fait, le général Evain pour éviter en Belgique
l’infâme spéculation française qu’il vous a dénoncée ? rien, messieurs, pas une
seule stipulation en faveur du soldat, ni dans le cahier des charges, ni dans
le contrat ; bien loin de là, il a laissé au contraire liberté entière à la
société franco-belge d’établir son exploitation selon son bon plaisir, et les
résultats seront les mêmes qu’en France si vous approuvez le marché.
Tel est pourtant l’ouvrage du général Evain, tout
convaincu qu’il se dit de l’infamie de l’exploitation du soldat par la
compagnie française, en France. Il nous avait cependant dit hier qu’il s’était
bien gardé de commettre une pareille injustice en Belgique.
Je crois en effet qu’en Belgique on a porté le
montant des effets de couchage à 77 francs, pour le remboursement en cas de
perte ou vol ; mais ce n’est pas pour les pertes ou destructions des objets de
couchage que l’exploitation est odieuse, c’est surtout pour les dégradations,
pour les plus petites taches.
Mais je me trompais lorsque j’accusais le ministre
de n’avoir rien stipulé dans le contrat. Il a réellement songé aux intérêts du
soldat ; en effet, si nous examinons le cahier des charges, les couvertures y
sont évaluées à 10 fr. quand elles ne sont destinées que pour un homme, et à 13
fr. pour un lit à deux places ; tandis que dans le marche on a ajoute 5 fr. à
chacune de ces évaluations.
Ainsi les couvertures de 10 fr. sont portées à 15
fr., et les couvertures de 13 fr. sont portées à 18 fr, c’est-à-dire que grâce
à la tendre sollicitude du ministre pour le soldat, il paiera, en cas de perte
ou de dégradation, 5 fr. de plus par couverture qu’il n’en devait payer par le
cahier des charges.
Voilà, messieurs, les seules stipulations du
général Evain : sont-elles au profit du soldat ?
Vous voyez bien que, dans toute cette opération, il
n’a songé qu’aux intérêts des entrepreneurs.
Mais, dit le ministre dans les séances du mois de
janvier, nous avons pensé qu’il fallait augmenter la qualité des couvertures ;
voilà pourquoi j’ai augmenté l’indemnité en cas de perte.
Cependant, dans le contrat, il n’est pas question
d’amélioration de la qualité des couvertures. Aucune clause du contrat n’impose
aux entrepreneurs l’obligation d’acheter des couvertures à un prix plus élevé ;
cependant, pour que toutes choses soient égales, il fallait cette double
stipulation.
On ne voit dans tout et partout qu’une seule vue ;
c’est d’augmenter les bénéfices de la société. Après l’adjudication, le
ministre a augmenté de cinq francs le prix des dégradations des couvertures, et
voilà comment il a stipulé dans l’intérêt du soldat !
On vous a dit, messieurs, qu’on n’a établi les deux
bases que pour faciliter aux régences les moyens d’entreprendre la fourniture ;
et cependant, lorsqu’en écartant toute adjudication partielle, on avait exclu
les régences, on a encore maintenu les deux bases : d’un autre côté, on s’est
attaché à vous prouver que la seconde base était absurde, et qu’on n’avait
jamais eu l’intention de l’admettre ; que si l’on avait mis le couchage en
adjudication d’après les deux bases, c’était seulement pour savoir quels
rapports on trouverait entre les conditions auxquelles serait demandée
l’adjudication dans l’un et dans l’autre système, comme si, pour obtenir le
même résultat, il n’était pas beaucoup plus simple de mettre séparément en
adjudication la fourniture des literies et celle des couchettes.
Ainsi le ministre a déclaré que ce n’était pas
sérieusement qu’il avait établi deux bases ; je demanderai donc dans quel
dessein il l’avait fait ? Il me semble que ce ne pouvait être là qu’une
déception, un leurre ; aussi ce moyen avait-il été suggéré par le même conseil
intime que j’ai déjà nommé, afin sans doute qu’il pût favoriser selon ses vues
tel ou tel adjudicataire ; car il me serait impossible d’expliquer la chose
autrement.
Voyons, messieurs, quelle pouvait être l’utilité de
la conservation des deux bases pour la fixation du prix ; voyons les
conséquences que le ministre a tirées de la combinaison des deux bases. Voyons
quelles ont été pour lui ces raisons déterminantes pour accepter la première
base plutôt que la seconde. Je vous avoue qu’ici ma logique est tout à fait en
défaut. J’avais cru jusqu’ici qu’il n’y avait rien de plus logique que des
chiffres, mais je dois convenir que je n’ai jamais rien vu de plus absurde que
le résultat des chiffres que je trouve dans le procès-verbal de l’adjudication
mentionnée à la page 22 du rapport de la commission.
M. le ministre de la guerre dit dans ce
procès-verbal qu’il a fait procéder aux calculs qui établissent, d’après les
prix portés aux soumissions, quel serait le montant du service pendant une
année sur l’une et sur l’autre base indiquée au cahier des charges, et qu’il en
est résulté qu’entre le plus haut et le plus bas prix il y a une différence de
fr. 58,177-25 pour les soumissions faites d’après la première base, et une
différence de fr. 26,321-70 pour les soumissions faites d’après la seconde
base. De la différence plus grande des chiffres de la première base, M. le
ministre conclut qu’il faut adopter la première base, car je ne vois pas
d’autre raison de la préférence accordée à la première base que celle-ci :
« La différence entre le plus haut et le plus bas prix est plus grande
pour la première base que pour la seconde, donc c’est la première qu’il faut
adopter. »
Je voudrais, messieurs, qu’on m’expliquât la magie
de ces chiffres, car je n’y vois rien qu’un déraisonnement complet, à moins
qu’il n’y ait de la magie ; je les ai lus, examinés, retournés dans tous les
sens, et il m’est impossible d’en tirer une conséquence logique : je suppose,
en effet, que pour la première base M. Destombes ait
demandé 500,000 fr. au lieu de fr. 490,827 25, et que MM. Legrand et compagnie
aient demandé 440,000 fr. au lieu de fr. 432,650 ; ces derniers n’en auraient
pas moins été adjudicataires quoique le marché eût été aggravé de 8,000 fr. par
an, puisque la différence entre la première et la seconde base eût été plus
forte. Mais je suppose maintenant que pour la seconde base MM. Bruno, Van Hoorebeek aient soumissionné au prix de 410.000 fr., et. M.
Destombes au prix de 400,000 fr. ; dans ce cas,
suivant le raisonnement du ministre, il aurait fallu adopter la seconde base, puisqu’alors la différence entre le plus haut et le plus
bas prix aurait été plus grande pour la seconde que pour la première base ;
cependant, dans cette supposition, le prix aurait été plus élevé de 25,000 fr.
par an ; la deuxième base eût été plus onéreuse, et cependant elle eût dû,
selon la logique ministérielle, être préférée à la première.
Je le répète, il m’est impossible de tirer le
moindre raisonnement logique des chiffres du ministre. Je n’y vois que de la
poudre jetée aux yeux des niais ou de la magie, et dans le dernier cas je
voudrais qu’on me l’expliquât cette magie, car je ne suis pas fort en fait de
magie et j’y crois peu.
Est-ce pour établir de semblables calculs qu’il a
fallu 24 heures, tandis que quand il s’est agi de la première adjudication qui
devait avoir lieu le 1er juin, on avait déclaré que tous les calculs, alors
très compliqués seraient faits séance tenante ? Il résulte, messieurs, de tout
cela une magie fort simple et facile à expliquer : le parti d’adjuger le marché
à la compagnie qui l’a obtenu était pris d’avance ; c’est là ma conviction.
Parlerai-je, messieurs, d’une singulière
coïncidence ? Le ministre dit, page 31 de son mémoire imprimé :
« Je crois pouvoir avancer, maintenant que le
marché est conclu, que j’avais calculé bien plus juste qu’eux. » Plus loin
il dit : « Voici donc quels étaient mes calculs : le loyer du lit est de fr. 20
50. » Il continue ensuite la démonstration de la justesse de son chiffre.
Eh bien, ce chiffre de fr. 20 50 est précisément
celui de l’adjudication ; voilà, il faut en convenir, une singulière
coïncidence.
Ainsi, d’un côté, on établit deux bases, tandis
qu’on n’est décidé à adopter que la première et qu’on a même depuis cherché à
démontrer l’absurdité de l’autre, et, d’un autre côté, le chiffre qui entrait
dans les calculs du ministre est précisément celui de la soumission qui a été
adoptée.
Dans une réunion qui eut lieu à l’Hôtel de Belle-Vue avant l’adjudication, quelqu’un dit qu’il avait le
chiffre auquel serait conclu le marché, et pour preuve il montra deux lettres
écrites par M. le général Evain à Marie, reconnu depuis s’appeler Valiennes, qui prétendait avoir le chiffre du ministre ; un
membre de la société, qui voulait s’assurer de la réalité du fait, se rendit au
ministère, où il montra au ministre Evain les deux lettres. Elles étaient sans
date, chose qui fut reconnue par le ministre et qui lui servit même à expliquer
comment ces deux lettres étaient dans la possession de Marie de Valiennes. Depuis, le ministre a remis à votre commission
deux billets écrits de sa maire et tous deux datés ; ils ont été mis sous les
yeux de M. Charles de Brouckere, qui a affirmé que ce n’étaient pas les deux
lettres qu’il avait eues dans sa possession et qu’il avait montrées au ministre
le 13 ou 14 juin. Quoi qu’il en soit, il reste constant que le ministre a su
que Marie de Valiennes l’avait gravement compromis,
et cependant il continue ses relations avec lui, et il le recommande même à la
compagnie adjudicataire au chiffre de fr. 20 50 par an, le même, sans doute,
qu’on se vantait de connaître avant l’adjudication.
Les membres de la société adjudicataire, interrogés
par votre commission, ont affirmé que M. Houzée
n’avait pas vu le ministre de la guerre avant l’adjudication, et celui-ci a
déclaré dans son interrogatoire qu’il avait vu M. Houzée
dans son cabinet ; il lui avait apporté des compliments de son frère,
commandant à Douai ou à Arras. Si ma mémoire est bonne, je crois que c’est ce
même M. Houzée qui était possesseur des deux lettres
en question et qui se vantait d’avoir le chiffre du ministre. Je ne prétends,
messieurs, tirer aucune conséquence de ces faits, de ces coïncidences ; mais,
il faut en convenir, tout cela est bien extraordinaire.
Que dit M. le ministre pour prouver que le marché
belge est bien plus avantageux que le marché français quoique celui-ci ait été
conclu à 15 fr. et une fraction, et l’autre à 18 fr. et une fraction, tandis
qu’en France les fournitures coûtent plus cher qu’en Belgique ?
Il dit que ce n’est pas 109 fr., mais seulement 60
fr. que les fournitures françaises ont coûté aux entrepreneurs et qu’ici les
adjudicataires devront les payer 103 fr. parce qu’elles doivent être neuves, au
lieu qu’en France elles avaient servi pendant de longues années.
Supposons que l’on admette cette observation ; eh
bien, elle ne mènera nulle part le ministre, car si les entrepreneurs français
ont acheté de vieilles fournitures, ils seront obligés d’en acheter de
nouvelles avant l’expiration de leur marché de 20 ans, à moins que M. Evain ne
soit en contradiction avec lui-même : il a dit, en effet, que des fournitures
neuves n’ont plus aucune valeur après 20 ans d’usage.
Le ministre évalue à 60 fr., lorsque ce chiffre
convient à l’ordre d’idées qu’il veut établir ; il évalue à 60 fr. des objets
qui ont servi depuis 1782 et 1792, et lorsqu’il s’agit d’apprécier les
bénéfices de la société avec laquelle il a traité, il dit que des fournitures
neuves ne vaudront plus rien après 20 ans. C’est à l’aide d’une pareille
logique qu’on a la prétention de répondre à tout et de tout justifier.
De deux choses l’une ou le ministre est en
contradiction avec lui-même, ou l’évaluation qu’il fait pour justifier les
pertes et diminuer les bénéfices est inexacte.
Vous parlerai-je du compte des bénéfices de la
société tel qu’elle le produit ? Je ne sens pas la nécessité. D’ailleurs c’est
une niaiserie de s’occuper de pareilles choses, sur un marché portant sur des
objets aussi multipliés. Il est si facile de diminuer d’un côté et de grossir
de l’autre, et quand on opère sur un grand nombre d’objets, la différence du
plus au moins peut être si imperceptible qu’elle ne devienne appréciable que
dans les totaux, qui peuvent facilement être doublés au moins de moitié. Je me
bornerai à faire une simple remarque.
La société essaie d’établir ses bénéfices, pages 20
et 30. Le foin y est coté au prix moyen de 60 fr. les
M. Verrue-Lafrancq.
- Les
M. Gendebien. -
Soit, les
Mais, dans le compte de ses bénéfices, la compagnie
se garde bien de dire qu’il y aura, terme moyen, 2/5 de non-occupation.
On se garde bien de faire entrer en ligne de compte l’exploitation du soldat,
qui, en ne la calculant qu’à 2 fr. par homme et par an, fait 40,000 fr. par an.
Puis l’on se crée un état-major nombreux : c’est la chose la plus facile que de
créer un état-major sur le papier, mais cela ne coûte pas bien cher aux
entrepreneurs. Examinons chaque article, il n’y en a pas un qui ne soit
réductible de moitié. Et c’est avec des chiffres ainsi grossis que l’on arrive
à un bénéfice presque imperceptible.
Cependant l’on a reconnu que l’on devait avoir au
moins 8 p. c. Si vous n’aviez que 8 p. c. tout compris, 10 p. c. même y compris
l’exploitation du soldat, nous n’aurions rien dit, pourvu que le soldat ne fût
point exploité. Aujourd’hui que le marché est mis en question, à entendre M. le
ministre, c’est un marché de dupes. Mais lorsque l’on se croyait en position de
pouvoir parler, l’on ne parlait de rien moins que de 30 à 40 p. c. L’on a
refusé, si mes renseignements sont exacts, de vendre des actions à 30 p. c. de
prime. Je pourrais citer les personnes qui ont insinué qu’elles iraient jusqu’à
40 p. c. Si des indiscrétions n’avaient pas été commises, l’on pourrait se
laisser prendre à ces pièges. De toutes parts, ce marché a été présenté comme
une mine d’or à exploiter, et aujourd’hui qu’il est attaqué, l’on voudrait nous
faire croire qu’il ne rapportera pas même 3 p. c.
Maintenant, veuillez remarquer que dans les calculs
que fait la compagnie, aux pages 30 et 31, elle commence par faire entrer en
ligne de compte 90,000 fr, d’amortissement et d’entretien. Elle se garde bien
de tenir compte de la valeur du mobilier à la fin de son entreprise. Le
mobilier reviendra tout entier à la compagnie, tel qu’elle l’a livré, excepté
les draps de lit que l’on s’engage à renouveler tous les 7 ans, ce qui, terme
moyen, n’arrivera certainement pas. Si le capital engagé dans l’entreprise est
de 3 millions, réduisez-le d’un sixième pour la diminution de la valeur des
objets au bout de 20 ans, il restera 2,500,000 francs qui, répartis par
vingtième sur les 20 années du bail, vous donneront un bénéfice tout autre que
celui que vous indiquez, car il faudra y ajouter 125,000 par an à toucher
cependant à la fin du bail.
Au reste, ce n’est pas du bénéfice qu’il s’agit. Il
a été démontré, clair comme le jour, que le marché pèche par sa base et par ses
résultats funestes pour le soldat.
M. le ministre, qui veut avoir raison en tout et
sur tous les points, s’est singulièrement fourvoyé quand il a voulu faire
croire que nos soldats, parfaitement couchés, coûtent fr. 3 fr. 20 cent, de
moins que sous le gouvernement hollandais.
Or, messieurs, pour arriver à ce résultat, il faut
qu’il vous prouve que 16 fr. 90 c. est plus que 20 fr. 50 c. C’est un tour de
force dont M. le ministre est peut-être capable. Quant à moi, j’avoue qu’il
dépasse mes moyens. Et encore faudrait-il ajouter les 3 fr. 50 c. que M. le
ministre trouve en moins dans le prix actuel, comparé au prix sous le roi
Guillaume, ce qui tendrait à prouver que 24 fr. sont moins que 16 fr. 50 c.,
que 50 p.c. est plus que 100. Ce n’est pas la moindre absurdité, qui vous a été
présentées entièrement comme moyen de justifier le fameux marché Legrand.
Il y avait en Belgique des lits pour 44,000 hommes.
16.000 hommes seulement étaient casernés pendant toute l’année. Pendant un mois
on logeait 42,000 hommes. Cela faisait, pour 16,000 hommes, 280,400 fr. par an,
dit M. le ministre. Il y a erreur de chiffres : cela ne faisait que 270,400 fr.
D’un autre côté, il faut ajouter pour le mois d’occupation la somme de… Le
total monte à 371,800 fr.
Mais le général Evain divise par 16,000 hommes,
plus le 1/12 de 22, et il arrive naturellement à un chiffre de 3 fr. 50 plus
élevé que le couchage actuel. M. le général Evain ne fait pas attention à une
chose : c’est que sous le roi Guillaume nous pouvions coucher 44,000 hommes,
tandis qu’aujourd’hui on n’en peut coucher que 20,000.
Il faudrait calculer ce que coûterait le couchage
de 44,000 hommes. Vous arriveriez à un résultat de 507,281 fr. 50 c. de plus
par an pour loger les troupes d’après le marché actuel, que sous le roi
Guillaume.
Telle est cependant la démonstration qu’on vous
présente comme très sérieuse, et à l’aide de laquelle on espère vous éblouir.
Je ne reviendrai pas sur les couchettes en fer.
J’ai démontré qu’il y avait une différence de 37,000 fr. entre ce que le
gouvernement paie pour location à la compagnie et ce qu’il en aurait coûté pour
les acheter, et cela en supposant que l’on ne put trouver à emprunter qu’à 5 p.
c., tandis que l’on pouvait très bien emprunter à 4, puisque les bons se négocient
aujourd’hui à 5 et demi p. c.
M. le ministre, comme je le disais, a reconnu
lui-même une différence de 27,000 fr. ; hier, il a présenté un nouveau calcul,
en adoptant le prix de 25 fr. par couchette. Cela présente 1 fr. 25 pour
l’intérêt à 5 p. c. résultat que je veux bien adopter, quoiqu’il y ait 25
centimes à en retrancher.
Pour frais et risques de transport, pour entretien
des couchettes et peinture, il compté 5 fr. Notez que la peinture à deux
couches entre en compte pour 2 fr., tandis que l’on aurait trouvé à faire
peindre à raison de 25 à 30 centimes pas lit.
La perte sur la valeur du capital employé est de 12
fr. 50, et l’on opère en sens inverse et l’on retranche 22 fr. 50, valeur
effective de 30 fr., valeur fictive, et l’on arrive à 17 fr. 50, que l’on
répartit sur 20,000 couchettes, sans tenir compte des intérêts composés. La
société met en poche chaque année 87 centimes dont l’intérêt court, lui
profite, et dont elle doit compte sur le prix du revient. Puis on suppose
arbitrairement une perte de 17 fr. 50 c., comme si au bout de 20 années les
couchettes ne seront pas encore des couchettes ? Que dis-je, elles seront
meilleures dans 20 ans qu’aujourd’hui. Toutes les défectuosités auront disparu
aux frais de nos malheureux soldats. Les couchettes auront subi toutes les
épreuves, toutes les expériences. Mais, dit M. le ministre, dans 20 ans les
couchettes ne seront plus que de vieux fers. Dans 20 ans l’on pourra changer le
modèle Mais cela ne se peut sans dédommager la société puisqu’il est stipulé
que tous les objets de couchage seront repris au bout de 20 ans par les
nouveaux entrepreneurs ou par le gouvernement. Vous pouvez être tranquilles, ce
n’est pas en faveur du gouvernement que les experts pencheront. Il ne sera pas
difficile de prouver que les couchettes ont toute leur valeur primitive, et on
nous prouvera même au besoin qu’elles valent mieux. Encore une fois, qu’est-ce
que c’est que des couchettes ? Ce sont des barres de fer, réunies au moyen
d’écrous. Dans 20 ans, ce seront des barres de fer comme aujourd’hui.
Lorsque l’on démolit un vieux bâtiment après deux
ou trois cents ans d’existence, les barres de fer que l’on en tire ont la même
valeur qu’autrefois, lorsqu’elles n’ont pas été exposées à l’oxydation trop
forte, tout ce qu’il y aura à faire pour l’entretien, ce sera de renouveler les
écrous, et c’est aux dépens du soldat que cela s’opère.
Moi, je pose en fait que les couchettes vaudront
mieux dans 20 ans qu’aujourd’hui. Mais, avec le raisonnement que l’on fait, on
est arrivé au pris de 20-34, et par conséquent on vous prouve qu’il n’y a que
16 centimes de bénéfice ; puis l’on entre dans des considérations pour vous
prouver qu’il y a perte. J’aime mieux m’en rapporter à la première assertion de
M. le ministre, puisqu’il a reconnu qu’il y avait 27 mille francs de différence
au profit de l’entrepreneur.
L’assemblée ne peut méconnaître que ce n’est pas 27
mille, mais 37 mille francs au moins et même 47 mille francs de différence, en
raison de l’intérêt moins fort qu’on aurait eu à payer pour le capital de
l’acquisition des couchettes.
L’on vous a dit qu’en réunissant les deux bases
d’adjudication, on a voulu éviter les procès que les deux entrepreneurs
auraient pu occasionner à l’Etat. C’était la chose du monde la plus simple à
éviter ; il suffisait de stipuler que le gouvernement ne serait en aucune façon
responsable du dommage causé à l’un des entrepreneurs par le retard de l’autre,
et qu’ils n’auraient de recours que l’un contre l’autre.
En définitive, quel est le
résultat du marché ? Le résultat le plus funeste, c’est pour le soldat M. le
ministre a beau dire que nos soldats ont été l’objet de toute sa sollicitude,
j’ai démontré que toute sa sollicitude s’était bornée à augmenter le prix des
couvertures de laine aux dépens du soldat. Il ne suffit pas de dire que l’on a
bien mérité de la patrie en prenant le plus grand soin des intérêts du soldat,
il faut le prouver et laisser à d’autres le soin de le proclamer.
J’ai la conviction que le marché est onéreux pour
le pays. Consultez tous les officiers de l’armée. Ils vous diront qu’il est
ruineux pour le soldat. Ils vous diront que la solde du soldat y passera tout
entière. Il en est qui m’ont dit que si cela devait continuer, ils ne
répondraient pas de la discipline dans un corps, que le soldat finirait pas se
révolter. Quand on veut que la discipline règne dans une armée il ne faut pas
soulever soi-même des motifs de mécontentement.
En un mot comme en cent, je repousse le marché
parce qu’il est onéreux pour l’Etat et mille fois plus onéreux pour le soldat.
M. Desmanet de
Biesme. - Les différents orateurs qui ont parlé se sont attachés à
faire voir combien le marché des lits de fer est onéreux pour l’Etat. L’on a
prouvé que le marché ne pouvait lier les chambres pendant 20 ans. Je ne
reviendrai pas sur ce point. Mon but est de faire voir combien le marché est
onéreux pour le soldat.
J’avais dit que des plaintes s’étaient élevées
contre le tarif des dégradations. Je me suis enquis de la vérité de ce fait
auprès d’officiers du régiment des guides en qui je puis avoir la plus grande
confiance. Ce sont des hommes tout dévoués au gouvernement.
Je ne citerai qu’un seul fait. M. le ministre de la
guerre vous a dit qu’il hésitait sur le mode qu’il prendrait, s’il adopterait
un tarif ou une expertise. D’après l’art. 45 du contrat il ne devait y avoir un
tarif que pour les objets perdus et rien pour les dégradations.
Voici pourtant le tarif que l’on m’a
communiqué, c’est celui qui est mis à
exécution dans le régiment des guides.
Etat des dégradations estimées d’après le tarif des
lits militaires, comme suit :
Un matelas à une place, uriné, 2 fr. 25
Une paillasse idem, 1 fr. 65
(Remarquez que la paillasse neuve ne coûte que 6
fr. 58 c. Je vous demande en combien de temps la compagnie se trouvera
remboursée.)
Une paillasse à refaire, 1 fr. 65
Une paire de draps, double lessivage, 40 c.
Une tache dans un matelas, 50 c.
Une tache dans une paillasse, 30 c.
Une tache dans une couverture, 30 c.
Une tache d’encre dans une couverture, 75 c.
Un trou dans une couverture, 2 fr.
Un trou dans une paillasse (écoutez, messieurs), 3
fr. 30 c.
Plusieurs
membres. - C’est trop fort !
M. Desmanet de
Biesme., continuant. - Une tache de graisse dans un matelas, 50 c.
Une paillasse à 2 places, urinée, 1 fr. 70
Une couverture à foulonner, 1 fr. 25
Un traversin à refaire, 60 c.
Un traversin troué, 50 c.
Le guide… (je tairai son nom, pour ne pas designer
les officiers qui m’ont donné ces renseignement)s a payé, pour un matelas et
une paillasse urinés, 5 fr. 15 c.
Les taches de graisse dans les couvertures sont
payées à raison de 30 centimes ; on y appose un V, et ce n’est, d’après le dire
du préposé, que quand il y a 7 ou 8 taches qu’on les lave. La compagnie reçoit
donc 2 fr. 40 c. pour la lessive d’une couverture que l’on peut faire laver en
ville pour 40 centimes ; la preuve en est que l’on a fait laver celles du
régiment des guides l’année dernière pour 40 centimes la pièce.
On prétend, et ceci justifierait les plaintes des
soldats, on prétend que les préposés de la compagnie ont des appointement fixes
et en outre un vingtième sur les dégradations, ce qui doit les engager à user
de la plus grande sévérité dans les expertises et toujours au détriment du
soldat.
Messieurs, je vous avoue que d’après ces
renseignements, et je suis certain de leur exactitude, j’ai été quelque peu
surpris d’entendre le ministre dire hier :
« Voilà, messieurs, le remède aux difficultés
que l’on a signalées, et aux abus qui auraient pu en résulter.
« Mais est-il possible de croire qu’une
société aussi bien composée que celle que nous avons pour le service des lits
militaires ait songé à établir ses bénéfices sur une spéculation aussi immorale
et aussi réprouvée ?
« Cette société dit dans son mémoire, et la
loyauté de sa conduite a prouvé jusqu’à présent la justesse de ses assertions :
« Les sommes perçues
pour dégradations ne doivent être que la juste indemnité du dégât commis, des
frais occasionnés, et non point une source de bénéfices. Telle est la ligue de
conduite que doit adopter et invariablement suivre toute compagnie qui se
respecte. C’est ce qu’a fait la compagnie Legrand, c’est ce qu’eût prouvé une
inspection attentive de ses registres, si on eût daigné les consulter. »
Quant à moi, je n’ai pas consulté les registres de
la compagnie, mais j’ai consulté des officiers qui sont tous les jours avec
leurs soldats, et qui sont indignés de voir que ces militaires seront ruinés si
le tarif que j’ai cité est maintenu pendant quelques années.
Que le ministre ne vienne pas nous dire qu’il n’y a
pas de tarif, puisque j’en ai cité un qui est exécuté.
Quant à la morale de cette société, je dirai que ce
sont des gens qui parlent très bien et qui agissent très mal.
Voilà les renseignements que j’avais à donner à
l’assemblée.
M. Verdussen. - Je dois faire quelques
observations sur les réponses fournies par le ministre aux questions qui lui avaient
été adressées par l’honorable M. Mast
de Vries. Nous avons tous entendu que cet honorable membre lui a demandé
quelles étaient les villes où les casernes appartiennent aux régences, et M. le
ministre lui répond qu’il doit borner aux places de Lierre et Hasselt le nombre
de celles où les casernes sont louées. Si M. le ministre a voulu mettre de la
finesse en faisant cette réponse, j’en suis indigné. Ce n’est pas là une
réponse catégorique. On ne lui demandait pas ce qui existe, on ne lui demandait
pas à quoi doivent se borner les places où les casernes seront louées ; la
question était de savoir quelles sont les villes où les casernes appartiennent
à l’Etat, ou sont la propriété des régences.
L’observation de M. Mast de Vries a une portée très
grande. Et pour vous entretenir de ce que je connais personnellement, je vous
parlerai de la ville d’Anvers. Là, toutes les casernes appartiennent à la
ville, non pas seulement comme propriétés, mais comme locaux loués dont elle
paie les loyers.
Jusqu’ici la ville s’est trouvée remboursée de ce
loyer et du prix de sa propriété par le prix du casernement des troupes. Mais
quand le service sera établi par la société Félix Legrand la ville, ne touchant
plus aucune indemnité pour le prix des locaux qui sont sa propriété viendra
demander au gouvernement le prix des locaux occupés par d’autres.
Ce n’est pas tout ; le système de casernement à
lits en fer, en faisant coucher les hommes isolément, nécessitera une
augmentation de locaux. Aujourd’hui nous pouvons, avec le système actuel de
couchage deux à deux, nous pouvons loger à Anvers, dans nos casernes, 6,600
hommes environ. Il faudrait beaucoup plus d’espace pour les loger isolément. Et
la note que vous avez pu voir à la suite du rapport de M. Desmaisières, sous le
littéra G, prouve que là où on logeait mille hommes
couchés deux à deux, on n’en pourra loger que 7 à 800 couchés isolément.
Vous voyez donc qu’en introduisant le système des
lits en fer, la dépense ne se borne pas aux frais de casernement, à la
fourniture des lits, matelas, draps et de tout ce qui constitue le couchage,
mais qu’il faut y ajouter l’extension des locaux et le loyer de ceux pour
lesquels les villes ne tireront plus l’indemnité que leur donnait le
casernement.
Puisque j’ai la parole, je rencontrerai
quelques-unes des observations de M. le ministre de la guerre. Il vous a dit
que si on avait adjugé séparément les lits et la fourniture du couchage, on
aurait eu à craindre des procès entre les entrepreneurs de la fourniture du
couchage et ceux qui auraient fourni les couchettes. Si le gouvernement avait
fait confectionner les couchettes pour son propre compte, rien n’était plus
facile que de mettre pour condition que celui qui fournirait le couchage serait
chargé de l’entretien et de l’administration des couchettes, et si on avait
adjugé séparément la fourniture des couchettes et celle du couchage, rien
n’était plus facile encore que de mettre en contact ces deux entrepreneurs et
de les laisser traiter ensemble, sans l’intervention du gouvernement, les difficultés
qui pourraient naître.
Au surplus, le ministre a dit très souvent que les
villes n’avaient pas voulu prendre à leur compte le couchage des troupes, et
qu’il aurait désiré de bien bon cœur qu’elles le fissent.
Je dirai à cet égard que jamais on n’a offert aux
villes les mêmes conditions qu’aux entrepreneurs, et pour parler encore de ce
que je connais le mieux, j’ajouterai que la régence d’Anvers n’a pas voulu
acquiescer aux demandes du ministre, principalement d’abord parce qu’il n’a
jamais voulu accorder d’indemnité de non-occupation.
Il ne s’agissait pas ici d’un même prix
d’occupation et de non-occupation, mais seulement
d’un prix quelconque de non-occupation qui peut-être
aurait été réduit au quart du prix d’occupation.
En second lieu, comme le ministre n’a rien voulu
stipuler par rapport à la durée du contrat et que nous avions fait une triste
expérience des pertes que pourrait nous faire éprouver un changement de
système, il était naturel que la ville eût quelques appréhensions à entreprendre
encore une fourniture extrêmement dispendieuse. On aurait pu encore du jour au
lendemain apporter au système des changements qui eussent entraîné des dépenses
immenses, et tout cela sans garantie de la part du gouvernement.
Enfin la troisième raison pour laquelle la régence
d’Anvers a refusé, est que le ministre exigeait que la ville fournît gratis le
surplus de locaux qu’il fallait pour l’introduction du nouveau système.
Ceci rentre dans la première observation que j’ai
eu l’honneur de faire, qu’il ne fallait pas seulement envisager, dans la
dépense que nécessitait le nouveau système, le lit et la fourniture du
couchage, mais le loyer des locaux qu’il faudra en plus quand on aura
universellement établi le couchage des hommes seul à seul.
Le ministre nous a dit dans le discours qu’il a
prononcé le 1er juin :
« Ce n’est donc que
pour une misérable somme de 36 mille fr. que vous voulez que je renonce aux
avantages de faire coucher nos soldats seuls. »
Messieurs, certainement nous pourrions faire un
sacrifice de 36 mille fr. pour procurer à nos soldats le bienfait d’un bon
couchage et d’un couchage seul à seul. Car ce bienfait ne vaut pas seulement 36
mille fr. à mes yeux, il en vaut 80 mille.
Mais le ministre déplace la question. Il ne s’agit
pas de savoir s’il est convenable de faire faire à l’Etat un sacrifice de 36
mille francs pour procurer au soldat l’avantage de coucher seul, mais il s’agit
de savoir si, pour obtenir cette amélioration, il fallait payer 36 mille francs
de plus qu’auparavant. La distinction entre ces deux questions est frappante.
Aussi les critiques de la chambre ont porté sur
l’économie système, sur ce que le ministre n’aurait pas profité de tous les
avantages qui lui étaient offerts et n’aurait pas pris toutes les précautions
nécessaires pour assurer à l’Etat toute l’économie possible.
Il ne s’agit donc pas de savoir si le bienfait dont
il s’agit vaut 36 mille fr., mais si on ne pouvait l’obtenir sans payer ces 36
mille fr. C’est à ces observations que je me bornerai, me réservant de prendre
de nouveau la parole si je le crois nécessaire.
M. le ministre de la guerre
(M. Evain). - Je commencerai par déclarer que je n’ai mis aucune espèce
de finesse dans la réponse que j’ai faite à l’honorable M. Mast de Vries. Ma mémoire
ne me rappelait que deux places où nous payions un loyer pour les casernes, et
je pensais que dans les autres nous n’en payions pas. L’observation que vient
de faire M. Verdussen me fait souvenir que la ville d’Anvers revoit une
indemnité pour le loyer de ses casernes, et même qu’il s’est élevé une
discussion entre cette ville et le gouvernement, pour savoir qui paiera en
définitive.
Je profiterai de ce que j’ai la parole pour
répondre à ce qu’on a dit du marché passe en France en 1822.
Après la discussion qu’eut le gouvernement en 1821
avec les compagnies propriétaires des lits militaires en France depuis 1792, je
conseillai de faire une nouvelle adjudication de ce service qui était onéreux à
l’Etat et qui devait être nécessairement amélioré. Après l’adjudication, qui
eut lieu en décembre 1821, le système politique du gouvernement éprouva un
grand changement et porta M. de Villèle au pouvoir. Les quatre directeurs de la
guerre, dont j’étais un, furent remplacés par deux nouveaux qui se partagèrent
nos fonctions ; et je quittai le ministère le 2 janvier 1822. Le 4 je fus nommé
lieutenant-général en récompense des services que j’avais rendus depuis 10 ans
; mais l’adjudication du traité ne fut pas ratifiée, par la raison que les
adjudicataires furent reconnus appartenir au parti libéral. Après beaucoup
d’intrigues on passa un marché, sans nouvelle adjudication, qu’on donna à la
compagnie Montagne, le 12 mars 1822. Mais dans l’intervalle on fit plusieurs
changements au cahier des charges, changements dont je ne suis pas responsable
et qui tiennent à des intrigues auxquelles je suis reste totalement étranger.
Ce marché était très avantageux à la nouvelle
société, et lorsqu’il fut question, en 1825, d’exécuter la clause de la
substitution des nouveaux lits en fer, les chambres s’étant occupées de ce
marché, qui allait recevoir son exécution, M. Clermont-Tonnerre, alors ministre
de la guerre, reconnut qu’il était nécessaire de le modifier, et il fit une
nouvelle convention avec la compagnie, convention signée le 12 mai 1826.
Quelques orateurs ont beaucoup parlé de l’avantage
que présentent les châlits, les tréteaux, et ont dit que j’aurais beaucoup
mieux fait de les préférer aux couchettes en fer.
En 1821, quand j’adoptai le modèle des lits en fer
pour chaque soldat, c’est-à-dire quand je reçus l’ordre du Roi de mettre ce
mode de couchage à exécution, on fit faire plusieurs modèles de lit. Celui que
je préférai fut un cadre de lit en fer dont le pourtour intérieur était garni
d’anneaux destinés à recevoir les sangles qui devaient former le fond du lit.
J’en fis confectionner quelques centaines, que je mis en essai dans les
casernes de Paris. Ce modèle de lit devait remplacer les 110,000 lits à deux
places qui existaient alors. Mais la guerre d’Espagne, qui eut lieu en 1823,
fit ajourner ce changement stipulé par le marché de 1822.
En 1825, Clermont-Tonnerre fit connaître, par la
circulaire dont je vais vous donner lecture, les modifications qui furent
apportées au premier marché :
Lors du renouvellement du traité des lits
militaires, pour le service de l’armée de ligne, au mois de mars 1822, il fut
décidé que les fournitures de couchage à deux places, appartenant à la
compagnie, seraient successivement remplacées, à partir de la même année, par
des fournitures à une place, dont la couchette serait établie en fer, aux frais
et pour le compte de l’Etat.
« Les articles 30 et 34 du traité Montagne, et
les devis n°5 et 6 qui y sont annexés, réglèrent en conséquence le mode
d’exécution de cette substitution ; ils déterminèrent notamment que le nouveau
coucher serait composé d’une couverture unique en toutes saisons, d’un
traversin et d’un matelas posé sur un fond sanglé, lequel s’adapterait au lit
de fer dont le modèle était alors mis en essai dans les casernes de Paris.
« Les circonstances politiques de 1822, les
charges résultant de l’état de guerre en 1823, et qui se sont prolongées
l’année suivante, ont forcé mes prédécesseurs d’ajourner l’accomplissement de
ce projet utile. Mais le délai qu’il a éprouvé a été mis à profit pour
multiplier les essais, les expériences. Le premier modèle du lit nouveau
présentait des imperfections ; on a cherché les moyens de le rectifier, de le
rendre à la fois solide, simple et facile à monter, à transporter, et cependant
d’un prix modéré.
« Ce n’est qu’après de longues épreuves, des
comparaisons attentives, faites par une commission composée d’officiers
généraux et supérieurs, pleins de talent et de zèle, que j’ai adopté, le 27
juin 1825, une couchette type, qui, par la facilité d assemblage de ses parties
et par sa grande solidité, a paru supérieure à tout ce qui s’est fait jusqu’ici
en ce genre, soit en France, soit à l’étranger.
« La principale différence qui se fait
remarquer entre ce modèle et celui qui avait servi de base au devis n°5 du
traite de 1822, consiste dans le fond de la couchette. D’après le devis, ce
fond devait se composer de sangles fournis par la compagnie Montagne ; le
pourtour du lit seulement eût été en fer. Mais il était à craindre que ces
sangles ne devinssent un réceptacle d’insectes ; que les anneaux destinés à les
fixer ne manquassent de solidité : j’ai en conséquence substitué à ce fond
sanglé un fonds métallique composé de bandes de fer et de tôle, qui ne présente
aucun de ces inconvénients.
« Le perfectionnement dans le lit lui-même m’a
permis d’améliorer d’une manière sensible le nouveau couchage spécifie par le
marché de 1822. La compagnie n’ayant plus à livrer et à entretenir les sangles
que le fond métallique remplace, je l’ai fait consentir à fournir, par voie de
compensation, un sommier en foin, et un couvre-pied qui, avec le matelas, le
traversin et la couverture, composeront désormais la fourniture complète. »
Depuis 1826 jusqu’à 1829 on travailla dans les
arsenaux et dans différents ateliers de Paris, à faire des couchettes en fer du
modèle adopté. Il en fut exécuté 71 mille, dont le prix moyen revenait à 50
francs.
Le gouvernement voyant qu’il allait être entraîné à
une dépense de 15 millions, songea à apporter des modifications aux modèles des
lits ; c’est alors que l’on eut l’idée des châlits sur tréteaux. Mais on a
adopté ces tréteaux, non pas, je le proclame ici, contre toutes les opinions
émises, non pas parce qu’ils étaient préférables aux couchettes en fer, mais
bien par la raison qu’ils étaient plus économiques, remarquez-le bien, et ainsi
que je vous en donne la preuve, en vous citant ce que disait M. le maréchal
Soult, à la chambre des députés en 1834, en présentant les comptes de 1832.
(Extrait du rapport fait par le maréchal Soult à la
chambre des députés en présentant les comptes de 1832 :)
« Le remplacement des couchettes en bois, qui
faisaient partie du mobilier des entreprises, par des couchettes en fer,
fabriquées au compte du gouvernement, avait été résolu dès l’année 1822.
Commencé à titre d’essai en 1825, il a été suivi activement à dater de
Messieurs, j’ai fait venir ici le modèle de lits
français, ainsi que celui des tréteaux ; j’en ai fait fabriquer à Liége, et
c’est après avoir comparé tous ces modèles que j’en ai fait faire un autre par
un serrurier de cette ville après avoir fait connaître ce que j’exigeais pour
le perfectionnement de tous. Il a établi deux ou trois nouveaux modèles ; j’en
ai accepté un, et je crois qu’avec toutes les précautions que j’ai prises, ce
modèle sera aussi bon que possible, sans toutefois vouloir soutenir qu’il ne
peut être encore perfectionné.
Vous savez que les tréteaux coûtent 23 fr et je
pouvais les faite établir pour 19 fr. Cependant je ne les ai pas adoptés parce
que j’entrevoyais de grands inconvénients dans leur usage. Les insectes s’y
logent. Un membre de l’intendance française, qui est passé par Bruxelles, m’a
donné des renseignements sur de nouveaux inconvénients reconnus dans ce genre
de couchage, et il paraît que les châlits sont loin de présenter les avantages
qu’on a voulu faire prévaloir ici, sans avoir l’expérience nécessaire sur ce
genre de couchage.
Voici donc la note qui m’a été remise et dont il
résulte qu’il existe un nouvel inconvénient que je pas prévu, mais qui est
grave sous le rapport de l’hygiène du soldat.
(Note sur le système de châlits à tréteaux employés
en France pour le couchage des troupes :)
« Un des plus graves inconvénients résultant
de l’emploi des châlits et tréteaux dans le casernement des troupes consiste en
ce que le sommier, reposant sur une surface continue de planches jointives ne
peut évaporer l’humidité dont il est imprégné, soit primitivement, soit par la
propriété hygrométrique des substances qu’il renferme, soit enfin par la
transpiration des hommes.
Cette humidité occasionne une fermentation dans ces
substances, et provoque la pourriture de la toile du sommier et quelquefois
celle du matelas qui est superposé.
« Cette cause de détérioration a été constatée
par l’usage de ce système de couchage, et on a constamment remarqué que la
surface inférieure du sommier, reposant sur les planches du châlit, présentait
des indices de moiteur plus ou moins prononcés.
« Cet inconvénient provenant sans aucun doute
du défaut de circulation de l’air entre le sommier et les planches, ne peut
exister avec le modèle de couchettes adopté ici ; en effet, dans ce système, le
sommier repose sur un fond de lit formé de bandes de fer largement espacées,
qui simulent un fond de sangles et permettent la libre circulation de l’air et
par conséquent le desséchement complet des sommiers.
« La détérioration
des effets de couchage et l’altération de la santé du soldat feront renoncer à
ce châlit, malgré la modicité de son prix. »
Maintenant, messieurs, je ne veux pas soutenir que
j’ai trouvé un modèle parfait ; et cela est si vrai que sur les observations
qu’on m’a présentées que les pieds de support s’enfonçaient dans les planchers
des casernes, et que quand on voulait avancer ou reculer les lits il en
résultait un ébranlement dans le système autour de la couchette, nous avons
fait plier l’extrémité des pieds pour leur donner plus de base. S’il se
rencontre encore d’autres améliorations à opérer, le gouvernement comme
l’entrepreneur s’empresseraient à les faire. Pour consolider ces lits, on avait
pensé à mettre des arcs-boutants ; on le fera aussi si on le juge nécessaire.
Quant aux soldats il est bien certain que l’on ne
veut pas qu’ils soient laissés à l’arbitraire des entrepreneurs, et toutes les
précautions seront prises pour que rien de semblable n’ait lieu.
M. de Bassompierre, commissaire du Roi. - Les faits dont M.
Desmanet de Biesme vient de vous entretenir sont si graves que je concevrais
tout le mécontentement que ressentirait et qu’éprouverait la chambre si le
tarif qu’il a cité était adopté par l’administration ; mais je puis assurer
qu’il n’en est rien, et que le gouvernement ne l’a pas autorisé. Si ce tarif
est celui de la compagnie Legrand, les officiers de casernement du corps des
guides ont eu tort de s’en servir ; ils devraient avant d’agir, s’informer si
le gouvernement adopterait ce tarif.
M. Desmanet de
Biesme. - Je répondrai en peu de mots à ce que dit M. le commissaire.
Il m’importe peu que le gouvernement ait approuvé
ou non le tarif ; mais ce qui m’importe beaucoup, c’est de savoir s’il
s’exécute. On m’a nommé les soldats auxquels il avait été appliqué. Il me
semble au reste bien difficile que le gouvernement n’ait pas eu connaissance de
ces faits ; et s’il en a eu connaissance, il est étonnant qu’il n’empêche pas des
mesures qui ruinent le soldat. S’il doit y avoir un tarif, j’espère qu’il sera
établi sur d’autres bases que celui dont j’ai fait connaître les chiffres.
M. de
Bassompierre, commissaire du Roi. - Il est très positif que
le gouvernement n’a aucune connaissance du tarif que l’on a cité et, je le
répète, si les officiers des guides se sont laissé influencer par les officiers
du casernement, relativement à ce point, ils ont eu tort.
L’administration a chargé plusieurs officiers
expérimentés de préparer un projet de tarif ; quand cette commission aura
terminé son travail, l’administration s’entendra avec la compagnie Legrand pour
le mettre à exécution.
Au reste tout tarif ne peut être que temporaire. La
première année les effets de couchage ont plus de valeur que la seconde, la
seconde plus que la troisième ; les effets se détériorent par l’usage ; le
tarif doit suivre ces modifications dans la valeur des objets ; il doit donc
varier.
Le tarif que l’on a cité, pas plus que celui que le
gouvernement fera, ne peut être définitif.
M. Desmanet de
Biesme. - Qui paie les expertises ?
M. de
Bassompierre, commissaire du Roi. - Les frais d’expertise
sont portés sur la masse du corps et non sur chaque soldat, quand on en déplace
trente ou quarante. (La clôture ! la
clôture !)
M. Pirson. - Je
demande la parole contre la clôture, je veux motiver mon vote ; je ne demande
que quelques minutes.
M. Gendebien. -
Vous parlerez sur les articles.
- La discussion générale est close.
Discussion des
articles
Article
unique (du projet du gouvernement) et articles 1 à 5 (du projet de la section
centrale)
M. le président. -
Voici l’article unique proposé par M. le ministre de la guerre :
« Article unique. Le budget des dépenses du
département de la guerre pour l’exercice 1836, fixé par la loi du 12 février
dernier à la somme de 37,341,000 fr., est augmenté de la somme de 723,000 fr.
pour le service du couchage des troupes.
Cette dépense formera l’art. 15 (casernement des
troupes) de la troisième section du chapitre II du
budget. »
Voici le projet proposé par la commission :
(Moniteur belge n°164, du 12 juin 1836) « Art. 1er. Il est ouvert
au ministre de la guerre un crédit de 778,603 fr. 20 cent, pour le service du
couchage des troupes pendant l’année 1836. »
« Art. 2. L’indemnité d’occupation des effets
de couchage est fixée à 5 cent, par homme et par jour pour les fournitures
complètes, et à 2 cent. et demi par homme et par jour pour les demi-fournitures. »
« Art. 3. Il ne sera rien payé pour les fournitures
non-occupées. »
« Art. 4. Les
conventions passées entre le ministre et les administrations communales
continueront à sortir leurs effets. »
« Art. 5. La présente loi sera obligatoire le
lendemain de sa promulgation. »
Il s’agit maintenant de savoir auquel de ces
projets la chambre donnera la priorité.
M. A. Rodenbach.
- Je veux bien voter le chiffre pétitionné par le ministre, le chiffre de
723,000 fr. ; mais je ne veux pas ratifier le traité qu’il a passé avec la
compagnie Legrand. Si M. le ministre veut s’engager à faire une transaction
avec cette compagnie dans l’intervalle des deux sessions, je voterais la somme.
Il est impossible de ratifier un traité onéreux au pays ; je m’y opposerai de
toutes mes forces. Je demande que la chambre décide en principe qu’elle veut ou
ne veut pas du traité. C’est cela qu’il faut mettre en délibération avant tous.
(Moniteur
belge n°162, du 10 juin 1836) M. le ministre de la
guerre (M. Evain). - Dans la séance d’hier, l’honorable M. Fallon a
présenté la question sous son véritable point de vue. Il n’y a entre ma
proposition et celle de la commission qu’une différence de chiffres, mais le
but est le même. Il s’agit de savoir si le traité est onéreux ou non à l’Etat.
C’est là-dessus que je vous prie de vouloir bien m’accorder quelques moments
d’attention. Et si vous y prêtez celle que je réclame, j’espère vous prouver
que ce marché est loin d’être onéreux.
M. Fallon, à la fin du discours qu’il a prononcé à
la séance d’hier, vous a dit, messieurs, que mieux informés sur le point de
fait, c’était maintenant à vous à juger si le marché ne lèse pas les intérêts
du trésor, ou s’il est avantageux à l’Etat.
Voilà la dernière question qu’il s’agit d’éclairer
et de résoudre avec justice.
Un marché est avantageux à l’Etat quand il procure
aux troupes un bien-être non contesté ; qu’on l’obtient à un prix tel qu’il ne
peut procurer au traitant qu’un bénéfice juste et raisonnable.
Or, c’est ce que j’ai bien certainement obtenu.
Que le prix de ce marché pour des couchettes en fer
à une place, et avec des effets de literies d’excellente qualité, soit un peu
plus élevé que celui que nous payons aux régences pour des lits à deux places,
il n’y a rien là qui doive étonner.
J’ai prouvé que ce prix de 20 fr. 50 c. était moins
élevé que celui payé par l’ancien gouvernement avec les deux espèces
d’indemnités d’occupation et de non-occupation.
Pour établir une comparaison exacte, il faut la
faire avec le marché français : on m’a objecte que le prix de location fixe du
lit à une place était de fr. 15 24
Qu’on y ajoute 2 fr. 76 c., représentant la
fourniture de la couchette au compte du gouvernement, le prix n’est que de 18
fr., tandis que nous payons ici fr. 20 50.
C’est ici le lieu de vous présenter quelques
détails, peut-être minutieusement précis, mais qui, si vous prenez la peine de
les suivre attentivement, vous feront bien connaître toute la vérité sur cette
question, et vous jugerez que, dans la réalité, le gouvernement français tient,
en définitive, et tout exactement apprécié, compte à son entrepreneur de 21 fr.
36 c.
C’est ce que je vais vous prouver.
Pour comparer les avantages que retirent les
entrepreneurs du marché qui existe en France sur celui que j’ai conclu en
Belgique, ii me suffira de vous faire connaître les
dépenses de cet article portées au budget de 1836. (J’ai fait les mêmes calculs
sur les budgets de 1833, 1834 et 1835, qui offrent les mêmes résultats.)
(Dépenses portées à ce budget.)
1,806 lits d’officiers, à 76 fr. 20 c., soit
137,617 fr.
279,301 lits de soldats, à 15 fr, 24 c., soit
4,251,547
11,329 demi-fournitures,
à 10 fr. 46 c., soit 120,593 fr.
Total, 4,509,757 fr.
Mais, comme, au budget précédent, il faut ajouter à
cette somme les dépenses accessoires qui sont encore au compte de l’Etat, et
qui se composent des sommes ci-après :
64,000 fr. pour le loyer des magasins fournis à
l’entreprise, dans quelques villes où il n’existe pas de bâtiments militaires
propres à cet usage.
18,191 fr. pour l’indemnité accordée à l’entreprise
pour l’entretien de 40,426 paires de tréteaux en bois (à défaut de tréteaux en
fer), à raison de 45 centimes par paire de tréteaux.
190,000 fr pour entretien, pertes et dégradations,
à la charge de l’Etat, sur les tréteaux, et lits en fer et trais d’expertise.
Total : fr. 192,191.
Mais ces dépenses sont loin encore de représenter
les charges de l’Etat pour le service des lits militaires.
Je vous ai déjà annoncé que le gouvernement
concéda, par le marché de 1822, à la nouvelle compagnie, la jouissance des
bâtiments, magasins, logements, buanderies, etc., appartenant à l’Etat, et dont
avait joui depuis 1793 l’ancienne compagnie.
Je vous ai dit aussi qu’ayant eu, en 1821,
l’intention de retirer la jouissance de ces bâtiments à la nouvelle compagnie
qui aurait l’entreprise des lits militaires, je voulus connaître
approximativement leur valeur dans les 244 places de France où ce service est
établi, et que je me souviens très bien que le montant de l’estimation fut de
14 à 15 millions ; que les prétendants au marché m’assurèrent que si on ne leur
laissait pas la jouissance de ces bâtiments, en y ajoutant même l’obligation de
leur en fournir dans les nouvelles places où l’on monterait ce service, ils
seraient nécessairement forcés à hausser de 2 à 3 fr. leur prix de location
annuelle : effectivement en calculant la valeur locative de ces bâtiments aux 5
p. c. du capital, cela fait une somme annuelle de fr. 750,000 fr.
Mais de plus, le gouvernement s’est chargé de faire
à son compte les grosses et menues réparations de l’entretien courant, et
d’après ce que je me rappelle des anciens comptes des dépenses du génie, cette
dépense n’allait pas à moins de 150,000 fr.
Enfin, si l’Etat avait rendu ces bâtiments comme je
le proposais, il en aurait retiré la contribution foncière, au 10ème du revenu, soit 76,000 fr.
Total, 975,000 fr.
Mais ce n’est pas tout encore ; un travail très
bien rédigé sur le budget de 1836 évalue à 2 fr. 76 c. l’intérêt des fonds
employés à la fabrication des lits en fer ; et vous vous rappellerez qu’il n’y
a réellement que 71,000 couchettes en fer, et que le surplus se compose de
trois planches posées sur deux tréteaux en fer.
Or, 290,850 lits à 2 fr. 76 c. constituent une
dépense de 802,600 fr.
Je trouve cependant cette évaluation trop forte, et
je la réduis aux 2/3, soit 535,000 fr.
Or, nous voyons que 279,301 lits coûtent de
location, a raison de 15 fr. 24 c., 4,251,547 fr.
et qu’il faut nécessairement ajouter à cette
première somme, pour avoir le prix de la dépense réelle au compte du
gouvernement :
1° Le montant des dépenses accessoires, 192,191 fr.
2° La valeur représentative de la jouissance
concédée de tous les bâtiments nécessaires à l’exploitation de ce service,
975,000 fr.
3° La valeur représentative de l’intérêt des fonds
déboursés par le gouvernement pour la fourniture des lits en fer, et que je
réduis aux 2/3, 535,000 fr.
Nous aurons un total de 5,955,738 fr., qui
représente bien le quantum de la dépense réelle.
Or, divisez cette somme de 5,955,738 par 279,301,
nombre de lits, vous verrez que le quotient est de 21 fr. 31 c., c’est-à-dire
de 81 c. plus élevé que celui de notre marché fixé à 20 fr. 50 c.
Et remarquez les différences énormes dans les
conditions du marché :
1° Paiement des 2/3 à l’avance chaque mois en
France, et ici, paiement après liquidation à la fin de chaque trimestre ;
2° Fixation stable du nombre de lits dans chaque
ville de France, et ici, faculté de les verser d’une place sur l’autre, ou de
diminuer les fixations de chacune ;
3° En France, confection des 2/3 des effets avec
l’ancien mobilier repris à dire d’experts, et ici, confection de tous effets
neufs avec des matières de la première qualité. Cela seul constitue une
différence immense dans les prix de confection.
4° Fourniture de grosse toile écrue pour les draps
en France, et ici, toile blanche, d’excellente qualité.
5° En France, une simple couverture grise (la
plupart très vieilles), pesant de 3 kil.1/2 à 4 kil.,
et un couvre-pied fait avec un morceau de couverture hors de service, et ici
deux couvertures neuves, d’excellente qualité et pesant ensemble six
kilogrammes au moins.
Je m’arrête à cette simple énumération des
avantages du marché que j’ai conclu ici, sur le marché français.
Je conçois très bien, messieurs, que quelques
personnes qui connaissent les bénéfices que fait la société qui exploite le
marché français se soient imaginé au premier abord que ces bénéfices seraient
les mêmes en Belgique ; mais ces personnes n’avaient pas alors suffisamment
étudié les clauses du marché que j’avais cimenté à Bruxelles, et quand elles
ont pu voir et apprécier le fond réel des choses, et tel qu’il résulte des
documents que je vous donne aujourd’hui, toutes ces belles illusions se sont
bientôt évanouies, et ces personnes ont acquis la conviction qu’il y a une
immense différence dans les résultats du marché français et du marché belge.
Je conçois encore que dans
ces premiers moments d’illusions on ait trouvé à céder des actions de la
société à 15, 20 et 25 p. c. de bénéfice ; car c’est ce qu’on voit tous les
jours, et souvent sur des espérances qui ne sont pas mieux fondées que celles
que les acheteurs pouvaient concevoir ; mais je sais cependant que le nombre de
ces ventes a été peu considérable.
Et cependant c’est ce marché français que, dans
plusieurs discussions du moins de janvier, plusieurs orateurs préconisaient, en
disant que j’aurais dû le prendre pour règle de conduite et malgré tout ce que
j’ai pu dire alors pour détruire une si fausse opinion, il m’a fallu, pour les
convaincre de cette erreur, leur apporter de nouvelles preuves de ce que je
disais (et avec connaissance de cause).
Je dois espérer maintenant que vous tiendrez ces
preuves pour irréfragables, et que vous resterez convaincus que le marché de
nos lits militaires est bien moins avantageux pour l’entreprise que celui qui
fut passé en France en mars 1822, et notifié en 1826.
Ainsi, comparez les deux marchés, et dites
maintenant sil n’y a pas un immense avantagé pour le gouvernement belge. Il
faut réellement se refuser à l’évidence pour ne pas le reconnaître.
M. Dumortier. -
Tous les calculs du ministre de la guerre ne prouveront jamais que le marché
n’est pas onéreux. Je ne veux pas le suivre dans des chiffres dont on peut
contester l’exactitude. Je comparerai trois marchés, le marché avec les villes,
le marché conclu par le gouvernement et le marche français.
Le marché avec les villes stipule que le
gouvernement payera 18 fr. 25 c. par homme ; c’est tromper la chambre que de
prétendre que l’on payait 36 fr. par homme. A raison de 10,000 hommes, cela
ferait 360,000 fr. Remarquez que les villes ne recevaient rien pour le cas de non-occupation. Il arrive cependant que dans le cours de
l’année un tiers des lits est inoccupé. De façon qu’en réalité, ce prix de 18
fr. ne revient qu’à 12 fr. c’est-à-dire à 240,000 fr. par an. Comparons ce
chiffre à celui de la société française, qui est de 20 fr. 50 c. par lit, et
qui coûtera 410,000 francs par an. En comparant le prix de la société française
à celui des villes, il y a une différence de 45,000 fr., en supposant que les
villes aient des soldats pendant toute l’année.
Mais en admettant,
comme cela a lieu, un tiers des lits inoccupés, il y a un préjudice annuel de
170,000 fr. pour le trésor public. Jamais l’on ne répondra à ceci.
Comparons maintenant le marché français avec le
marché belge. Jamais l’honorable général auquel nous devons beaucoup de reconnaissance
pour le bien qu’il a fait au pays, ne pourra prouver que le marché qu’il a
conclu en Belgique, soit aussi avantageux que celui qu’il a conclu en France.
Au moyen de couchettes en
fer que l’on aurait pu fournir en Belgique au taux de 18 fr. 20 centimes par
homme, l’on aurait dépensé 305,000 fr. par an. Comme vous donnez 410,000 fr.
c’est donc un préjudice de 105,000 fr. par an que vous occasionnez au trésor.
Comme le marché a lieu pendant 20 ans, il grève le trésor de plus de 2
millions, qui, si vous calculez les intérêts composés, s’élèveront à plus de 4
à 5 millions. La preuve que le marché est onéreux pour le pays, c’est que les
actions dès le principe se sont vendues à 150. L’on ne peut venir prétendre que
le trésor public n’est pas grevé. Il y a lésion énorme pour le trésor public,
car il est clair que dans toutes les hypothèses le trésor public perd plus de 2
millions.
M. de
Bassompierre, commissaire du Roi. - Toute l’argumentation
de l’honorable M. Dumortier me paraît victorieusement réfutée par le discours
que vient de prononcer l’honorable ministre de la guerre. Si vous ajoutez au
prix que l’on paie pour la location des lits, la location des bâtiments
militaires, il est démontré que le marché français dépasse de 8 centimes le
marché conclu en Belgique ; et en France le soldat est couché sur 3 planches,
où les insectes peuvent se loger. L’argument de l’honorable M. Dumortier me
semble donc tomber à faux.
M. Pirson. - Je ne
veux pas revenir sur les calculs que l’on vous a présentés. Je ne m’inquiète
que du résultat. Continuera-t-on ou ne continuera-t-on pas le marché. Il est de
fait que nous sommes tous d’accord sur la légalité ou plutôt sur l’illégalité
constitutionnelle du marché ; ce ne serait pas une raison pour le rejeter s’il
y avait avantage pour le trésor public. M. le ministre n’aurait péché que quant
la forme. Ce n’est pas cependant que la forme en soit essentielle.
Je ne m’expliquerai donc ni sur la forme ni même
sur le fonds du marché, car il est certain que les soldats seront mieux couchés
qu’ils ne l’étaient auparavant. Il a été prouvé que si le gouvernement n’avait
pas fait un marché unique, il y aurait eu à payer des frais éventuels, dans
lesquels il n’entre pas maintenant. Il y a donc une espèce de compensation.
L’amélioration qui résultera pour l’armée du mode actuel de couchage est telle
qu’il ne faut pas s’arrêter plus longtemps au préjudice qui peut en résulter
pour le trésor public. 27 mille francs de plus ou de moins ne peuvent entrer en
ligne de compte, s’il faut opter que le soldat soit bien ou mal couché.
La seule chose qui puisse nous arrêter encore,
c’est de savoir si les sommes que l’on exigera pour les dégradations ne seront
pas onéreuses pour le soldat. C’est la seule considération qui me retient. Tout
espoir est perdu d’obtenir un tarif avantageux pour le soldat, si vous
confirmez actuellement le marché. D’un autre côté, si vous ne le confirmez pas,
il y a perturbation dans le service, Les 2/3 du marché sont déjà exécutés. Les
villes aujourd’hui ne savent plus à quoi s’en tenir. Je voudrais donc laisser
au gouvernement le temps de s’éclairer non pas sur les pertes que le marché
peut occasionner au trésor, mais sur le taux des dégradations commises par le
soldat ; c’est pourquoi je voudrais accorder au ministre une allocation
purement et simplement pour le casernement des troupes sans expliquer comment
il emploiera cette allocation.
La mesure que je propose
concilie tout. Elle évite la perturbation qui résulterait de l’annulation du
marché, comme le propose la section centrale, et en même temps elle permet au
ministre d’obtenir un tarif plus conforme aux intérêts du soldat.
Je propose donc d’accorder au ministre de la guerre
l’allocation qu’il demande en ajoutant :
« Sans rien préjuger relativement au marche
des lits de fer, contracté par le ministre de la guerre, le 16 juin
1835. »
Car vous devez aussi prendre à cœur l’intérêt des
villes ; or, en établissant un système complet en une fois, il y aura des
villes dont les intérêts seront sacrifiés.
D’ici au budget prochain, le ministre de la guerre
aura le temps de donner satisfaction à tout le monde.
M.
le ministre de la guerre (M. Evain). - Je dois déclarer que je prends
l’engagement formel de faire connaître à la fin de l’année le montant de tous
les paiements faits, au compte des soldats pour pertes et dégradations, et d’en
dresser un tableau avec mes observations.
Je profite de l’occasion pour répondre à M.
Gendebien (qui a parle des couvertures) qu’effectivement j’ai pris sur moi de
porter à 15 fr. le prix qui était fixe à 10, et à 18 fr. le prix de celles qui
étaient à 13 ; en voici, messieurs, le motif, et je pense que vous reconnaîtrez
que j’ai agi en cela loyalement et avec justice.
Les entrepreneurs examinèrent le modèle de
couverture que j’avais fait établir pour les prix de 12 fr. 50 e. et 16 fr. à
Liége ; ils me dirent que ces couvertures ne dureraient pas longtemps, qu’il
fallait en avoir de plus solides, et ils me proposèrent d’en fournir d’autres
qui leur reviendraient à 16 fr. les unes, et à 21 fr. les autres.
Je fis alors comme j’avais fait pour les autres
objets de literies, c’est-à-dire que je pris les 4/5 pour fixer le prix moyen à
payer en cas de perte ; je substituais en conséquence, ces nouveaux modèles de
couvertures à ceux qui avaient d’abord été exigés et qui ne coûtaient pas aussi
cher.
Ces nouvelles couvertures sont beaucoup plus fortes
et mieux fabriquées que les autres ; et c’est pour cette raison, et nullement
dans l’intention d’avantager l’entrepreneur que j’ai cru loyal et juste de
faire ces deux changements au tarif des pertes.
M. Legrelle. -
Messieurs, les observations de M. le ministre de la guerre n’ont pour objet que
le tarif ; mais il y a une infinité de remarques à faire en dehors du tarif ;
si on devait les aborder, la séance n’y suffirait pas, Je me bornerai à appuyer
l’amendement proposé par M. Pirson.
M. Pirson vous propose de ne rien statuer
relativement au contrat, c’est-à-dire de ne pas reconnaître le contrat dans le
sein de la chambre ; c’est mon opinion aussi que nous devons en agir ainsi.
Voici pourquoi : je crois que l’honorable M. Fallon doit avoir convaincu M. le
ministre de la guerre que le contrat ne peut être considéré comme concluant
aussi longtemps que la chambre n’a pas donné son assentiment.
Il faut donc examiner si le
contrat est favorable ou défavorable à l’Etat.
Je ne puis partager l’opinion du ministre de la
guerre : qu’il est favorable au trésor public, et cela surtout pour le motif
que l’Etat aura à supporter d’autres frais que ceux que le ministre signale
maintenant.
Si nous adoptons l’amendement de M. Pirson, nous
laissons au ministre le temps de réfléchir ; je suis parfaitement convaincu que
le ministre profitera de tout ce qui a été dit dans cette importante
discussion, et qu’il nous présentera plus tard un autre système qui sera plus
avantageux à l’Etat, qui conciliera en même temps les intérêts du trésor et
ceux de l’Etat.
Adoptons simplement le chiffre qu’il nous propose,
sans entrer dans la question de savoir s’il faut ou non sanctionner le contrat
; car je déclare que si la question était posée ainsi, je croirais devoir voter
contre.
M. Desmaisières, rapporteur. - Après les
débats graves et solennels qui ont eu lieu dans cette enceinte, je crois que la
chambre manquerait à son devoir envers le pays, si elle ne se prononçait
nettement sur la question importante qui nous occupe.
J’appuie donc de toutes mes forces la proposition
qui a été faite primitivement par M. Milcamps, et ensuite par M. A. Rodenbach,
tendant à ce que la chambre prenne une décision sur la question suivante :
« La chambre ratifie-t-elle, oui ou non, le marché conclu le 16 juin 1833
par le ministre de la guerre, relativement aux lits militaires ? »
Je crois que si nous décidons la question
négativement, nous serons unanimes pour accorder le crédit.
M. Milcamps. - M.
le rapporteur de la section centrale m’a mal compris. Je n’ai nullement posé la
question de ratification du contrat. J’ai parlé dans le sens de l’honorable M. Pirson.
M. Lebeau. - Je
m’oppose, dans l’intérêt même des prérogatives de la chambre, à ce que la
question soit posée comme vient de le faire un honorable préopinant.
Hier, un honorable orateur s’est attaché, dans un
discours longuement développé, à établir que le pouvoir exécutif n’avait pas la
faculté d’engager l’action des chambres. Abondant dans ce sens (et je crois que
cette doctrine ne peut être niée par personne, et que c’est par suite d’un
malentendu que l’on a avancé que la compagnie Legrand et M. le ministre de la
guerre l’avaient révoqué en doute), je suis convaincu que nous pouvons rejeter
ou réduire l’allocation demandée par M. le ministre de la guerre ; mais ce qui
est vrai pour nous l’est aussi pour les législatures futures. De quel droit la
chambre actuelle engagerait-elle, sans une absolue nécessité, pour 20 ans, dans
la matière qui nous occupe, le vote des chambres qui nous succéderont ?
Comment, il suffira de
notre vote pour paralyser sans nécessité, je le répète, pendant 20 ou 30 ans,
l’action des législatures postérieures ? Cela n’est pas possible. Ce serait de
notre part une atteinte à la liberté du pouvoir législatif, qui a le droit de
se prononcer sur l’allocation du casernement chaque fois que le ministre de la
guerre viendra en faire la demande. La chambre vote les fonds ; c’est la seule
manière dont elle peut régulièrement concourir à l’exécution d’un contrat de
cette nature. C’est dans l’intérêt même des prérogatives des législatures
ultérieures que je m’oppose à ce que l’on puisse donner une portée aussi grande
au vote que nous allons émettre. Les législatures futures doivent être, comme
nous, en position de refuser si elles le veulent, l’allocation que le ministre
de la guerre leur demandera chaque année pour le casernement des troupes. Nous
ne pouvons pas plus les déshériter de ce droit que le pouvoir exécutif.
Pour moi, alors même que la proposition de
l’honorable M. Pirson ne serait pas textuellement votée, je déclare qu’en
accordant cette année les fonds que demande le ministre pour le casernement des
troupes, je ne me considérerais pas irrévocablement lié par ce vote, et je me
regarderais comme en droit, si j’étais mieux informé sur les conséquences du
contrat, de refuser l’année prochaine une semblable allocation pour en
paralyser l’effet autant qu’il est en moi.
C’est donc par respect pour les libertés de la
chambre que je m’oppose à ce que la question soit posée comme le demande
l’honorable préopinant.
M. Dubus. - Je
viens combattre la doctrine de l’honorable M. Lebeau.
Selon lui, nous ne pouvons, nous pouvoir
législatif, engager les chambres futures. C’est une erreur qui sera reconnue
par chacun de vous, si vous considérez qu’en admettant ce principe nous ne
pourrions voter une loi d’emprunt, car nous enchaînerions les législatures
futures.
Il faut qu’un marché tel que celui qui fait l’objet
de notre discussion, soit ratifié pour lier l’Etat. S’il était ratifié, l’Etat
serait lié pour tout le terme pour lequel il est conclu.
Si la doctrine de l’honorable membre était admise
il ne serait plus possible d’administrer même avec le concours des chambres.
Car l’on ne pourrait voter une loi qui engagerait l’Etat pour une série
d’années. Tous les ans il faudrait remettre en question si l’on admettrait les
intérêts de l’emprunt, la dette constituée de l’Etat. Une pareille doctrine est
inadmissible.
J’appuie la proposition de
M. le rapporteur de la section centrale, afin que toute cette discussion n’ait
pas été inutile. Je ne vois pas pourquoi nous reculerions devant ce vote,
pourquoi nous refuserions de nous prononcer sur la question de savoir si le marché
est ratifié ou non. Ceux mêmes dont les intérêts pécuniaires dépendent du
marché auraient le droit de s’en plaindre. Disons tout de suite que le marché
n’est pas ratifié. Les actionnaires de la compagnie sauront au moins ce qu’ils
auront à faire.
Je reviens à la doctrine de l’honorable préopinant,
et vous prie de considérer quelle en serait la conséquence. Après une année
d’exécution, un simple vote de la législature ferait tomber le marché et en
arrêterait l’exécution, sans engagement pour l’Etat et sans aucun dommage-intérêts pour la compagnie.
M. Lebeau. - Je
persiste à croire qu’il y aurait de l’imprudence à poser la question dans les
termes qu’a proposés l’honorable M. Desmaisières.
Si la doctrine que je soutiens est fausse, il en
résulte que non seulement le marché actuel pour le couchage des troupes, mais
tous les contrats passés par le gouvernement, du moment que le contrat est plus
qu’annal, devrait être soumis à la ratification expresse des chambres.
Ainsi, messieurs, pas de possibilité pour le
gouvernement de mettre, comme il le fait, à grand profit pour le trésor public,
l’entretien des routes en adjudication pour trois ans, de contracter pour
constructions de tel ou tel travail relatif à la navigation, construction de
digue, bail d’entretien de ces travaux ou de leur réparation, sans venir
demander aux chambres la ratification des nombreux contrats qui concernent ces
travaux.
Messieurs, le mode de couchage des troupes et tous
les détails de l’administration de la guerre sont évidemment du ressort
exclusif du pouvoir exécutif.
Et si, dans tel ou tel cas, les besoins du service
exigent un contrat dont la durée soit plus qu’annale, il faudrait donc, d’après
la doctrine du préopinant, il faudrait, dis-je, contre tous les précédents de
notre gouvernement et des gouvernements qui nous environnent, venir demander
constamment des ratifications à la législature ; sans quoi, le gouvernement
pourrait lui-même denier l’exécution des contrats qu’il aurait faits en
invoquant son incapacité. Avec un pareil système l’administration est
impossible.
La question de validité du contrat avec la
compagnie Legrand n’est pas déférée à la chambre. Jamais le ministre n’est venu
consulter la chambre sur ce point ; il a fourni ce contrat à l’appui d’une
demande de fonds, comme, chaque fois qu’un ministre présente un budget, il
l’accompagne de toute espèce de renseignements, y compris des contrats, s’il y
en a. Ces contrats nous sont soumis non comme projets de loi, mais comme
simples renseignements.
La question que nous traitons ici est neuve, et
susceptible d’être présentée sous plusieurs faces ; mais si nous poussions à
l’extrême les conséquences de la doctrine contraire à celle que je défends, il n’est
pas une seule des prérogatives des chambres futures qui ne pourrait être
aliénée. En supposant une chambre corrompue, on pourrait ainsi ratifier une
multitude de contrats qui paralyseraient l’action des chambres pendant une
période plus ou moins longue, et qui ferait du vote du budget un véritable
simulacre. Voilà les doutes graves qui se sont élevés dans mon esprit à
l’annonce de la proposition de l’honorable M. Desmaisières.
Je ne me dissimule pas que la position de la
société contractante sera très pénible, même après l’adoption de l’amendement
de M. Pirson ; cependant je crois que si elle avait à choisir entre cette
position et celle que certains membres veulent lui faire, son choix ne serait
pas douteux.
Remarquez qu’arrivé au terme de cette discussion,
les critiques les plus vives, qui avaient été d’abord dirigées contre le
contrat lui-même, se sont reportées sur les conséquences secondaires du
contrat. Ce dont on a surtout occupé l’assemblée, c’est l’exploitation à
laquelle le soldat serait livré sans protection, pour les indemnités à payer
aux entrepreneurs du chef des dégradations. C’est l’incertitude du taux du
tarif et du mode de constater les dégradations, qui, dans l’état actuel des
choses, ne présente pas les garanties nécessaires pour assurer la position des
soldats.
Le grand avantage de l’amendement de M. Pirson est
de mettre la compagnie adjudicataire et le gouvernement à même de donner au
moins à la chambre des apaisements sur les scrupules que ces divers points ont
soulevés. Voilà sous quels rapports la proposition de M. Pirson présente des
avantages sur celle de M. Desmaisières.
La rupture d’un contrat qui
a été fait avec toutes les formes voulues par la loi est un fait grave qui n’a
pas d’antécédents dans notre histoire parlementaire. Et qu’on le sache bien,
dans la pensée de beaucoup d’honorables membres, de nouvelles lumières sont
nécessaires pour qu’on puisse prononcer en connaissance de cause.
Nous ne nous dissimulons pas que la rupture d’un
contrat portera une fâcheuse atteinte à la considération du gouvernement et
même au crédit public.
M. Gendebien. -
Oh ! oh ! le crédit public.
M. Lebeau. - Permis
à l’honorable membre qui m’interrompt de ne pas partager mon opinion, mais je
déclare que telle est ma conviction intime, rationnel comme il lui plaira de
l’appeler et tout aussi profonde que la sienne. Voilà pourquoi j’appuierai la
proposition de M. Pirson.
M. Liedts. - Si
l’honorable préopinant s’était borné à soutenir que la proposition de M.
Desmaisières était inutile et qu’on arrivait au même résultat en posant la
question de chiffre, je n’aurais pas demandé la parole pour le combattre. Mais
les hérésies constitutionnelles qu’il a avancées ne me paraissent pas pouvoir
rester sans réponse.
A la chambre des représentants seule appartient la
souveraineté en fait de finances. La constitution a été si jalouse de lui
conserver ce, droit qu’elle n’a permis à aucune autre branche du pouvoir
législatif de prendre l’initiative en cette matière, sans passer par la chambre
des représentants. A nous seuls appartient de fixer annuellement les dépenses.
La théorie qu’à soutenue l’honorable préopinant ne tendrait pas à moins que de
dépouiller la chambre des représentants de sa principale prérogative.
S’il était vrai, dit l’honorable préopinant,
qu’aucun contrat ne fut valide qu’autant qu’il aurait été soumis à la
législature, il serait impossible d’administrer. C’est une erreur ; les
contrats ne doivent être soumis a la ratification des chambres que quand ils
lient l’Etat pour plus d une année, et cette ratification ne doit pas avoir
lieu par une loi expresse ; du moment que les chambres allouent les fonds pour
en commencer l’exécution, le contrat est implicitement ratifié.
Mais, dit M. Lebeau, vous
engagez par votre vote les législatures qui vous succéderont. Sans doute, en
fait de finances, les chambres peuvent lier les législatures futures. Par
exemple, le gouvernement contracte un emprunt remboursable en vingt années, la
validité de l’emprunt demeure suspendue jusqu’à la ratification des chambres.
Et si la législature alloue la première annuité, les autres législatures sont
liées, tellement que si elles ne voulaient pas accorder les fonds pour
continuer le paiement des engagements pris, les contractants s’adresseraient
aux tribunaux et les tribunaux ne manqueraient pas de condamner l’Etat à payer
; tandis que si l’allocation pour la première annuité était refusée par la
législature et que les contractants voulussent se pourvoir devant les tribunaux
pour demander l’exécution de leur contrat, les tribunaux fidèles aux principes
leur répondraient : attendu qu’un contrat sans la ratification de la
législature ne lie pas l’Etat, nous rejetons votre demande. Voilà les véritables
principes.
Pour en revenir à la position de la question, je
pense qu’il est impossible de la poser connue le propose M. Desmaisières, et
qu’il suffit de mettre aux voix la proposition de la section centrale.
M. Verdussen. -
L’honorable préopinant tout en soutenant les mêmes principes constitutionnels
que M. Fallon, ne s’est cependant pas tout à fait rallié à son opinion.
L’honorable M. Fallon a
dit, comme lui, qu’un contrat fait sans l’assentiment des chambres ne liait pas
l’Etat mais que pour un contrat qui comprend une période de plusieurs années,
il suffisait d’allouer des fonds pour une pour qu’il fût sanctionné. C’est à cela que M. Lebeau ne se rallie pas et je
voudrais bien savoir sur quoi il fonde son opinion. Est-ce sur l’article 115 de
la constitution qui veut que chaque année les chambres arrêtent la loi des
comptes et votent le budget ? En prenant cet article dans un sens absolu la
chambre pourrait refuser annuellement et les pensions et les intérêts des
emprunts et la liste civile, et l’ordre judiciaire, la législature aurait enfin
le pouvoir de rejeter un crédit quelconque. M. Lebeau a soutenu qu’il n’y
aurait pas d’administration possible dans le système de MM. Dubus et Fallon ;
c’est bien plutôt par son système que toute administration deviendrait
impossible.
Il est clair que pour certains marchés il y a
avantage à les contracter pour plusieurs années ; mais si la législature
pouvait chaque année mettre tout en question, les entrepreneurs seraient dans
des inquiétudes continuelles et ils comprendraient dans le prix de leurs
marchés et la valeur des fournitures et les chances qu’ils auraient à courir.
Une pareille manière d’opérer est inadmissible dans l’intérêt du trésor. (Aux voix ! aux voix !)
M. Lebeau. - La
chambre paraissant pressée d’aller aux voix, je ne répondrai pas ; mais il ne
me serait pas difficile de réfuter l’honorable préopinant.
M. Gendebien. -
Je ne veux pas entrer dans l’examen de la question constitutionnelle. Il a été
suffisamment répondu à M. Lebeau qui, se mettant en contradiction avec
lui-même, a soutenu successivement deux thèses contraires.
Il me semble, messieurs,
que si vous ne voulez par perdre les fruits d’une longue instruction et d’une
longue discussion, vous devez prendre un parti définitif. Pas un seul membre de
la chambre ni du cabinet ne s’est levé pour soutenir le marché ; personne par
conséquent ne le ratifie.
En déclarant d’une manière
explicite que vous ne le ratifiez pas, vous mettrez le ministre de la guerre,
soit celui-ci, soit son successeur, à même de faire, une transaction avec les
entrepreneurs, puisque par là ils seront éclairés sur leur position respective.
Puisqu’on reconnaît que l’amendement de M. Pirson
est le même au fond que celui MM. A. Rodenbach et Desmaisières, je ne vois pas
pourquoi ou ne voterait pas celui de ces derniers, car il est plus explicite.
M. A. Rodenbach.
- Je demande que l’on mette aux voix ce principe : « Le marché est-il ratifié
ou ne l’est-il pas » On s’entendra facilement ensuite sur le chiffre ?
M. Gendebien. -
L’amendement de M. Pirson n’est qu’un ajournement ; or, ce n’est pas quand la
discussion est close qu’on peut demander l’ajournement.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - C’est à tort, messieurs, qu’on nous présente
les amendements de MM. Rodenbach et Pirson comme étant les mêmes au fond. Il y
a entre ces deux amendements une énorme différence. Dans l’un, on propose de
ratifier ou de ne pas ratifier un traité qui n’est pas la base de la discussion
et duquel vous n’êtes pas spécialement saisis. Ce n’est en effet qu’à titre de
renseignement que ce traité vous a été soumis et toute la question se résume à
savoir si l’article du budget, formant une allocation spéciale de 723 mille
francs pour le couchage des troupes sera ou ne sera pas admis par la chambre.
Dans le second amendement, celui de M. Pirson, il
n’est pas question de ratifier le traité : il s’agit simplement d’allouer pour
cette année et sans rien préjuger sur le marché passé par M. le ministre de la
guerre, la somme demandée pour le casernement. L’auteur de l’amendement s’est dit
:
Je ne suis pas persuadé de
l’exactitude de tout ce que l’on a avancé de part et d’autre, toutefois ce qui
m’inquiète le plus, c’est la position du soldat. Je voudrais savoir avant tout,
si le tarif imposé au soldat pour le paiement des dégradations sera établi de
manière à ne pas léser ses intérêts ; je ne veux pas me prononcer
définitivement en présence de volumineux discours, dans lesquels on a soutenu
des thèses différentes ; je voudrais que toutes les questions restassent
intactes, et me réserver le droit de rejeter les moyens d’exécuter le traité en
1837. Il est fort difficile de résumer la discussion qui a eu lieu ; on nous a
présenté des chiffres au bout desquels je ne vois rien de concluant, et ce ne
serait pas demain, ni après-demain qu’il serait possible de se former une
conviction sur l’objet en discussion. Tel est le langage de M. Pirson ; aussi
nous propose-t-il de ne rien préjuger et d’attendre que l’expérience nous ait
éclairés surtout à l’égard de la position du soldat.
Il est difficile, messieurs de ne pas se rendre à
de tels scrupules, et pour mon compte je voterai volontiers pour l’amendement
de M. Pirson.
M. Dumortier. -
Je suis fort étonné d’entendre M. le ministre des finances dire qu’aucun contrat
n’a été dépose sur le bureau. La chambre a nommé une commission. Cette
commission s’est occupée de l’affaire dans ses moindres détails. Vous avec
discuté cette question deux fois et vous viendrez prétendre que nous ne sommes
pas saisis de la question. C’est par trop fort.
Si la chambre peut être éclairée sur une question,
c’est bien sur celle-ci. Comme on l’a déjà fait remarquer, aucun orateur ne
s’est levé pour défendre le marché, que tout le monde le reconnaît comme
onéreux pont le pays.
Il y a une grande
différence entre les propositions de M. Rodenbach et de M. Pirson. Sous le point de vue constitutionnel, elles reviennent
au même. Mais sous le point de fait, c’est différent, Il y a du jésuitisme dans
la proposition de M. Pirson.
Elle laisse la ratification du marché en suspens, comme si l’année prochaine la
chambre allait nommer une nouvelle commission et recommencer la discussion.
L’adoption de la proposition de M. Pirson sera l’approbation implicite du
marché.
Le but de M. Pirson est
d’obtenir un tarif avantageux au soldat. Mais il n’y a pas que l’intérêt du
soldat en jeu dans la question. Il y a l’intérêt de l’Etat. Il faut nous
prononcer. En présence du déficit que j’ai signalé tout à l’heure, nous ne
grèverons pas l’Etat d’une perte de 2,200,000 fr.
La proposition de M. Rodenbach est la seule sur
laquelle il faille voter.
M. Legrelle. -
Il est de toute nécessité de voter sur la question posée par M. Pirson avant
celle posée par M. Rodenbach. M. Pirson demande que l’on ne préjuge rien quant
à l’approbation du contrat. Or, si vous votiez d’abord sur la proposition de M.
Rodenbach, vous ratifieriez ou vous ne ratifieriez pas le contrat. Donc vous
préjugeriez la question. Donc vous ne pourriez plus voter sur la proposition de
M. Pirson. (Hilarité.)
M.
Pirson. - Je répondrai à M. Dumortier que je n’ai pas l’honneur d’être
jésuite, pas même académicien.
M. Dumortier. -
Il n’y a plus de sel dans cette plaisanterie ; elle est usée.
M. Pirson. - Je
voudrais que dans le tarif à arrêter, il ne fût rien payé par le soldat pour
détérioration.
Plusieurs
membres. - Ce n’est pas la question.
M. A. Rodenbach.
- Pour faire apprécier la portée de la proposition de M. Pirson je vous
rappellerai que M. Duvivier a conclu un contrat avec la banque, que celle-ci
regarde comme définitif, parce qu’elle
prend pour un consentement tacite le silence que la législature a gardé sur ce
point jusqu’à ce jour.
Plusieurs
membres. - Ce n’est que l’opinion d’une société.
M. A. Rodenbach.
- La compagnie adjudicataire pourrait penser de même. Il faut nous décider.
Voilà un an que l’adjudication a eu lieu. Il faut enfin trancher la question.
- La chambre est consultée sur la question de
savoir si la proposition de M. Pirson aura la priorité.
Deux épreuves sont douteuses.
La chambre vote par appel nominal.
61 membres sont présents.
59 prennent part au vote.
2 s’abstiennent.
30 votent pour la priorité.
29 votent contre.
Ont voté pour la priorité : MM. Bekaert, Cols,
Dechamps, F. de Mérode, W. de Mérode, de Muelenaere, de Nef, de Sécus, de Smet,
de Terbecq, de Theux, Devaux, d’Huart, Dubois, Ernst, Fallon, Lardinois,
Lebeau, Legrelle, Liedts, Milcamps, Morel-Danheel, Pirmez, Pirson, Raikem,
Rogier, Ullens, Vandenhove, Verdussen, C. Vuylsteke.
Ont voté contre la priorité : MM. de Meer de
Moorsel, Demonceau, de Renesse, Desmaisières, Desmanet de Biesme, Doignon,
Dubus aîné, Eloy de Burdinne, Dumortier, Gendebien, Heptia, Hye-Hoys, Jadot,
Keppenne, Kervyn, Lejeune, Mast de Vries, Pollénus, Raymaeckers, A. Rodenbach,
C. Rodenbach, Schaetzen, Simons, Stas de Volder, Thienpont, Troye,
Vandenbossche, Vande Wiele,
Vanderbelen.
Se sont abstenus : MM. Donny et Verrue-Lafrancq.
M. le président. -
MM. Donny et Verrue-Lafrancq sont invités, aux termes du règlement, à faire
connaître les motifs de leur abstention.
M. Donny. - Messieurs,
n’ayant pas assisté aux débats préalables, il m’a été impossible, dans une
occasion aussi grave, de me faire une opinion consciencieuse.
M. Verrue-Lafrancq.
- Messieurs, je me sais abstenu, parce que je suis intéressé dans le marché des
lits militaires.
M. le président. -
Je vais mettre aux voix l’amendement de M.
Pirson. (L’appel nominal ! l’appel
nominal !)
M. Verdussen. - Je
demande la parole sur la position de la question.
En votant sur l’amendement de M. Pirson, la chambre
n’entend sans doute rien préjuger à l’égard du chiffre de l’allocation. (Non ! non !)
- On procède au vote par appel nominal.
En voici le résultat :
59 membres ont répondu à l’appel nominal.
2 se sont abstenus.
30 ont répondu oui.
29 ont répondu non.
En conséquence, l’amendement est adopté.
Ont répondu oui : MM. Bekaert, Cols, Dechamps, F.
de Mérode, W. de Mérode, de Muelenaere, de Nef, de Sécus, de Smet, de Terbecq,
de Theux, Devaux, d’Huart, Dubois, Ernst, Fallon, Lardinois, Lebeau, Legrelle,
Liedts, Milcamps, Morel-Danheel, Pirmez, Pirson, Rogier, Schaetzen, Ullens,
Vandenhove, Verdussen, C. Vuylsteke, Raikem.
Ont répondu non : MM. de Meer de Moorsel, Demonceau,
de Renesse, Desmaisières, Desmanet de Biesme, Doignon, Dubus aîné, Eloy de
Burdinne, Dumortier, Gendebien, Heptia, Hye-Hoys, Jadot, Keppenne, Kervyn,
Lejeune, Mast de Vries, Pollénus, Raymaeckers, A. Rodenbach, C. Rodenbach,
Simons, Stas de Volder, Thienpont, Troye, Vandenbossche, Vande
Wiele, Vanderbelen et Verdussen.
M. le président. -
MM. Donny et Verrue-Lafrancq sont de nouveau invités à faire connaître les
motifs de leur abstention.
- Ces deux honorables membres déclarent qu’ils se
sont abstenus pour les mêmes motifs que ceux qu’ils ont énoncés tout à l’heure.
- La séance est levée à 5 heures et quart.