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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 8 novembre 1836

(Moniteur belge n°315, du 9 novembre 1836)

Ouverture de la séance royale

MM. les sénateurs et les représentants se sont réunis hier, à midi, sous la présidence de M. le comte de Quarré, sénateur, doyen d’âge, dans la salle où MM. les représentants tiennent ordinairement leurs séances.

Cette salle, dont on connaît l’élégante simplicité, a reçu quelques modifications dans sa décoration. Les tribunes réservées, établies à la hâte au commencement de la révolution, et dont la charpente avait été cachée sous une toile grossière, ont fait place à des tribunes de même dimension, mais disposées et décorées de manière à être en harmonie avec le reste des ornements de la salle, et surtout avec les banquettes où siégent MM. les représentants. Les draperies vertes qui les recouvrent, arrangées avec beaucoup de goût, donnent de la légèreté à leur construction, et sauvent, autant qu’il était possible, l’irrégularité de la coupure d’une colonnade.

Au-dessous de ces mêmes tribunes réservées, est une place circulaire qui, auparavant inutile et obscure, est rendue à la lumière et disposée de façon à recevoir de nombreux auditeurs ; des dames, élégamment mises, l’occupaient exclusivement hier, et l’éclat de leur toilette ajoutait à l’éclat de la réunion sans lui rien ôter de ce qu’elle avait d’imposant.

Les tribunes spécialement destinées au corps diplomatique et aux sénateurs étaient remplies des agents des puissances étrangères, et notamment de ceux de la France, de l’Angleterre, de l’Autriche, de la Prusse, de l’Amérique, de l’Espagne et du Portugal.

Les tribunes publiques, comme il arrive toujours dans ces solennités, n’étaient pas assez vastes pour contenir tous ceux qui se sont présentes pour assister à la cérémonie.

MM de Muelenaere, Ernst, d’Huart, Willmar et de Theux sont au banc des ministres.

A midi et demi, M. le président, comte de Quarré, assisté de MM. Dechamps et Kervyn, représentants, remplissant les fonctions de secrétaires, tire au sort les noms de MM. les sénateurs et de MM. les représentants composant la députation qui doit aller recevoir le Roi à son entrée dans le palais de la représentation nationale.

Cette députation est composée comme suit :

MM. le marquis de Rodes, le baron de Stassart, le baron de Pélichy, de Schiervel, le marquis d’Ennetières et de Rouillé, sénateurs ; Simons, Vandenbossche, Mast de Vries, Pirmez, Keppenne, Smits, C. Rodenbach, Beerenbroeck, Legrelle, Ullens, Milcamps et de Renesse, représentants.

A une heure, des salves d’artillerie annoncent que S. M. est sortie de son palais. Elle est précédée de M. le grand maréchal du palais et de la garde civique à cheval et suivie du général commandant en chef les gardes civiques, des généraux d’Hane, Buzen, Goethals, d’un nombreux et brillant état-major, d’un escadron des guides. S. M. s’est rendue à cheval au palais de la Nation à travers la haie formée par les troupes.

Les chasseurs volontaires de Bruxelles étaient rangés en bataille devant le palais de la Nation. Une grande affluence de monde remplissait les rues et l’allée du Parc.

A une heure précise, la grande députation sort de la salle. Peu de temps après, elle rentre précédant le Roi qui est accompagné de son état-major.

MM. les députés et MM. les sénateurs se lèvent, et font entendre unanimement les cris de vive le Roi ! Les dames répètent ces cris avec émotion, et les tribunes y répondent par des applaudissements prolongés. Ces moments d’enthousiasme sont suivis du silence le plus respectueux. S. M. monte sur son trône, invite MM. les sénateurs et MM. les députés à s’asseoir, se couvre, et prononce le discours suivant.

Discours du trône

« Messieurs,

« Votre session s’ouvre sous d’heureux auspices.

« Je continue à entretenir avec les puissances des relations d’amitié et de bonne intelligence.

« Mon gouvernement a su maintenir nos droit en défendant avec persévérance la position acquise au pays et garantie par les traités.

« Les lois sur l’organisation de la commune et de la province, ainsi que la loi qui règle l’enseignement supérieur, ont reçu leur exécution.

« L’élection des conseillers municipaux et provinciaux s’est faite régulièrement. Nous sommes persuadé qu’ils répondront aux vœux de leurs commettants et la juste attente du pays, en apportant toujours dans leurs travaux cet esprit de sagesse, de prudence et de modération digne d’un peuple qui sait apprécier les institutions qu’il s’est données.

« La réorganisation des universités de l’Etat, la libre concurrence de l’enseignement et l’institution impartiale du jury d’examen contribueront à étendre de plus en plus chez nous le domaine de l’intelligence.

« Le projet de loi sur les écoles primaires et moyennes qui vous est soumis complétera notre système d’instruction publique.

« Le commerce et l’industrie sont dans un état prospère.

« Les efforts de mon gouvernement ont constamment pour but de lier davantage nos intérêts à ceux des autres nations, et de donner ainsi à nos branches importantes de la richesse publique un plus libre essor et de nouveaux développements.

« La loi sur les mines établira une large concurrence dans l’exploitation de nos houillères.

« Nous devons des actions de grâces à la divine Providence qui, en répandant sur le pays les bienfaits d’une récolte abondante, a comblé l’espoir du cultivateur.

« Les travaux du chemin de fer se poursuivent avec activité. La sollicitude de mon gouvernement dans cette haute entreprise, s’unit à la pensée publique qui voit dans l’exécution de ces travaux une nouvelle source de bien-être et de gloire nationale.

« L’émulation qu’a fait naître dans les provinces le vote du subside pour les routes ordinaires, portera d’heureux fruits.

« L’amélioration et l’extension des voies navigables sont l’objet d’une attention sérieuse et de soins assidus.

« Un projet de loi vous sera présenté contenant des dispositions propres à assurer l’entretien des chemins vicinaux et à prévenir les usurpations.

« Mon gouvernement, d’accord avec les intentions que vous avez plus d’une fois manifestées, s’est montré empressé d’accorder aux beaux-arts sa sollicitude particulière. Le succès a justifié nos prévisions. La hauteur à laquelle nos artistes se sont déjà élevés, nous donne l’espérance de voir revivre les beaux jours de l’ancienne école flamande.

« Les lettres et les sciences, encouragées avec discernement, suivent le mouvement des arts.

« Les budgets pour l’exercice de l’année 1837 vous seront immédiatement présentés. J’ai la satisfaction de vous annoncer qu’une forte réduction de la dette flottante vous sera proposée.

« Bien que l’accise sur les sucres ne profite pour ainsi dire plus au trésor, les impôts tels qu’ils subsistent suffiront aux besoins de l’Etat.

« Ce résultat, messieurs, atteste la prospérité de nos finances. Vous ne perdrez pas de vue que la charge de l’emprunt contracté pour la continuation des chemins de fer et l’extension des routes ordinaires pèse déjà en entier sur le trésor, sans que celui-ci jouisse encore de tous les bénéfices que l’emploi des fonds de cette levée produira plus tard. La réalisation de cet emprunt a eu lieu à un cours avantageux, le mode employé pour son émission a consolidé le crédit national, en manifestant aux yeux de l’Europe les ressources dont la Belgique peut disposer et la confiance qu’elle inspire.

« La perception des impôts en général et particulièrement celle de la contribution foncière, répartie aujourd’hui dans de proportions plus équitables, s’opère avec la plus grande régularité.

« Nous avons l’espoir fondé que la paix ne sera pas troublée. Cependant la prudence nous fait un devoir de ne pas oublier que l’armée d’un Etat voisin est maintenue sur nos frontières dans une attitude menaçante. Aussi longtemps que ces circonstances ne changent point nous sommes contraints de conserver un état militaire qui puisse assurer la défense du pays.

« Les réunions annuelles dans les camps contribuent puissamment à l’instruction et à la bonne discipline de nos troupes. Nous avons pu, à notre grande satisfaction, nous convaincre par une expérience récente de leurs bons résultats.

« Nous avons la persuasion que vous voterez avec empressement les sommes jugées nécessaires pour cette importante partie du service.

« Il est à désirer que dans la présente session les chambres puissent voter les lois relatives à l’école et aux pensions militaires.

« Le pays, messieurs, a suivi vos travaux avec intérêt. Il a vu avec reconnaissance chaque résultat utile. La session qui s’ouvre appelle de nouveau votre attention sur de graves et importantes matières. Nous n’avons, j’en suis sûr, qu’une même pensée, qu’une seule ambition, c’est la gloire et la prospérité du pays. Pour atteindre ce but vous pouvez compter sur mes efforts constants, comme je compte sur votre coopération franche et active. »

Ce discours a été accueilli avec les plus grandes acclamations, et les cris de Vive le Roi ! ont de nouveau fait retentir la salle quand S. M. est descendue de son trône.

S. M. ayant salué l’assemblée, est retournée au palais avec le même cérémonial.

Les deux chambres se sont ensuite réunies séparément dans leurs salles respectives.

LL. AA.. les princes de Saxe-Cobourg ont assisté à la séance dans les tribunes de la reine.

Vérification des pouvoirs

(Moniteur belge n°315, du 9 novembre 1836)

(Présidence de M. Duvivier.)

A titre de doyen d’âge, l’honorable M. Duvivier occupe le bureau.

Après avoir fait donner lecture des pièces relatives aux élections récemment faites de MM. De Lehoye et de Man d’Attenrode, il tire au sort les membres formant la commission chargée de vérifier ces pièces. Le sort désigne MM. Andries, de Meer de Moorsel, d’Hoffschmidt, Legrelle, Smits et Donny.

M. le président annonce que demain la chambre aura à procéder à la formation du bureau définitif, à la nomination des commissions permanentes et à la nomination de la commission qui doit préparer le projet d’adresse en réponse au discours de la couronne.

- Il lève ensuite la séance.