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Note d’intention
Chambre des représentants de
Belgique
Séance
du jeudi 10 novembre 1836
Sommaire
1) Projet
de loi relatif aux crimes et délits commis par des Belges à l’étranger
2)
Nomination de la commission de l’industrie (Dumortier,
Gendebien)
3)
Présentation générale des recettes et des dépenses pour l’exercice 1837 (d’Huart). Emission de l’emprunt de 30
millions et situation de la dette flottante, équilibre
général des recettes et des dépenses, pensions à
charge de l’Etat, droit sur les sucres, situation de la société générale vis-à-vis du trésor)
4) Projet
de loi relatif à la convention passée avec le gouverneur de la société générale
5) Projet
de loi sur le sel
6)
Fixation de l’ordre des travaux de la chambre. Examen des budgets pour l’exercice
1837 (notamment budget de la guerre) (d’Huart, Legrelle, Gendebien) (de Jaegher), concessions de mines (de
Theux, Dumortier)
7) Motion
d’ordre sur la nécessité de renouveler, pour cause d’incompatibilité, le
mandat des députés élus comme membre des collèges communaux (Dumortier, de Theux, A. Rodenbach, Frison, Dumortier, Simons, Legrelle, Jadot)
(Moniteur belge n°317, du 11 novembre 1836)
(Présidence de M. Raikem.)
M. de Renesse,
l’un des secrétaires, fait l’appel nominal à une heure et demie, et la séance
est ouverte.
M. Kervyn, autre
secrétaire lit le procès-verbal de la séance d’hier ; la rédaction en est
adoptée.
Il donne ensuite lecture du procès-verbal de la
dernière séance de la session précédente ; la rédaction en est également
adoptée.
- Le sénat, par un message, annonce s’être
constitué dans la séance du 8 de ce mois.
PROJET DE LOI RELATIF AUX CRIMES ET DELITS COMMIS
PAR DES BELGES A L’ETRANGER
M. Liedts, au nom
d’une commission spéciale, dépose sur le bureau le rapport sur le projet de loi
concernant les crimes et délits commis par des Belges à l’étranger.
- L’impression et la distribution de ce travail
sont ordonnées.
Commission de l’industrie
M. le président. -
A la fin de la séance d’hier, nous avons nommé huit membres de la commission
permanente d’industrie ; nous allons procéder à la nomination du neuvième par
un scrutin. Les huit membres nommés sont : MM. Desmaisières, David, Zoude,
Coghen, A. Rodenbach, Pirmez, Manilius, Smits. Les députés qui après eux ont
obtenu le plus de voix sont : MM. Eloy de Burdinne, Desmet, Lardinois, Desmanet
de Biesme, de Puydt.
- Le scrutin est en effet ouvert.
Le résultat de ce scrutin fait connaître qu’il y a
55 votants ; mais personne n’ayant obtenu la majorité absolue des suffrages ou
24 voix, il est procédé à un scrutin de ballottage entre MM. Eloy de Burdinne
et Desmet, qui avaient obtenu la majorité relative.
On dépouille ce scrutin de ballottage.
M. le président. -
D’après le scrutin de ballottage qui vient d’avoir lieu, M. Desmet a obtenu 25
voix et M. Eloy 26.
M. Dumortier. -
Je ferai observer l’assemblée que 25 et 26 font 51, et qu’ainsi la chambre
n’est pas en nombre pour rendre valide une délibération.
M. le président. -
Il serait possible qu’il y eût quelques billets blancs ; mais je n’en sais rien
; je n’en ai pas été informé.
M. Dumortier. -
C’est aux scrutateurs à le faire connaître.
M. Gendebien. -
S’il n’y a que 51 votes, il est certain que le scrutin est nul ; le règlement
est formel sur ce point ; il faut qu’il y ait 52 billets au moins dans l’urne
pour faire un scrutin valable.
Je n’attache pas grande importance à la nomination
dont il s’agit, mais je ne puis laisser établir un précédent qui pourrait
devenir dangereux.
- La chambre consultée décide qu’il y a lieu de
procéder à un nouveau scrutin de ballottage entre MM. Desmet et Eloy de
Burdinne.
D’après le dépouillement de ce scrutin, il y a 63
votants : 2 billets nuls. M. Desmet obtient 30 suffrages, M Eloy de Burdinne 31
; en conséquence ce dernier est proclamé neuvième membre de la commission
d’industrie.
Commission des naturalisations
M. le président. -
Il reste encore une commission permanente à nommer ; c’est celle des
naturalisations. D’après une de vos décisions réglementaires, cette commission
est nommée par la chambre à la majorité absolue des suffrages ; elle est
composée de sept membres, et se renouvelle chaque session. La dernière
commission des naturalisations était composée de MM. Dubus aîné, Lejeune,
Desmanet de Biesme, Milcamps Fallon, Desmet, Mast de Vries.
Le scrutin est ouvert.
Sur 63 votants, les suffrages sont ainsi repartis :
M. Fallon a obtenu 63 voix.
M. Dubus aîné, 62.
M. Desmanet de Biesme, 60.
M. Lejeune, 60.
M.
Desmet, 58.
M.
Mast de Vries, 56.
M. Milcamps, 48.
En conséquence, ces messieurs sont proclamés
membres de la commission permanente des naturalisations.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart) monte à la tribune et présente le budget général
des dépenses et des recettes pour 1837 ; il en expose les développements et les
motifs en ces termes. - Messieurs, s’il est vrai que la situation favorable des
finances d’un Etat soit en quelque sorte le témoignage de sa bonne
administration intérieure, le gouvernement de
Cette situation prospère, due à l’esprit d’ordre et
d’économie qui a toujours anime les trois branches du pouvoir, et à la sagesse
des mesures qu’elles ont prises d’un commun accord, porté d’heureux fruits dans
une opération récente moins importante encore par elle-même que par la
manifestation de la confiance publique qu’elle a produite, tant chez nous qu’à
l’étranger.
Vous comprenez, messieurs, qu’il s’agit de
l’emprunt autorisé par la loi du 18 juin dernier.
La levée d’un capital de 30 millions était peu de
chose pour un pays aussi riche du présent, aussi fertile d’avenir que le nôtre
; mais la sanction donnée à cet avenir par l’empressement général à s’y
associer, et cela à des conditions peu lucratives, ne saurait être assez
profondément méditée par ceux qui espèrent encore l’anéantissement de notre
nationalité.
Un compte spécial de cette opération vous sera
transmis aussitôt que les derniers versements des souscripteurs auront été
effectués ; en attendant, je me plais à croire que vous reconnaîtrez dès
aujourd’hui qu’il n’a pas été abusé des latitudes laissées au gouvernement, et
que, par la fixation de l’intérêt à 4 p. c. de rente pour un capital effectif
de 92 fr., la véritable position du crédit actuel a été saisie en même temps
qu’une marche suffisante a été réservée aux progrès du crédit futur.
La réalisation de cet emprunt, dont le produit doit
être affecté à des entreprises publiques, sources de nouvelles richesses, n’est
pas en entier, ainsi que j’ai déjà eu l’honneur de le faire remarquer à la
chambre, une dette nouvelle ; car 11,490,000 francs de bons du trésor, créés
pour la construction des chemins de fer et pour solder une portion du prix de
la rétrocession de
En outre, la dette
flottante qui s’élevait à 26,490,000 francs, ainsi ramenée à son état primitif,
c’est-à-dire au chiffre de quinze millions où l’avait porté la loi du 16
février 1833, pour parer à l’insuffisance des ressources de cet exercice et aux
déficits antérieurs, pourra être réduite de trois autres millions de francs,
provenant d’excédant des ressources sur les dépenses effectives, excédant
constaté par l’état de situation du trésor que je vais déposer sur le bureau.
Le projet de loi que j’ai l’honneur de vous
soumettre, fixe donc, pour 1837, le maximum de la dette flottante à 12 millions
de francs, et comme il est probable que la circulation moyenne des bons du
trésor n’atteindra pas cette somme, il n’est porté au budget des dépenses, pour
les intérêts éventuels à payer, qu’un crédit de 400,000 fr..
C’est ainsi, messieurs, que par l’application
successive du boni des recettes à l’amortissement des bons du trésor,
l’ancienne dette flottante se trouvera éteinte en peu d’années, sans avoir à
recourir pour cela à des moyens onéreux ou à de nouvelles contributions. Le
budget général des dépenses de l’Etat s’élève, pour 1837, à la somme totale de
86,290,653 fr. 57 c., c’est-à-dire, à 509,316 fr. 12 c. de plus que le montant
des crédits votés par diverses lois pour l’exercice de 1836.
Cette augmentation est due aux causes principales
que je vais avoir l’honneur de vous signaler en entrant dans quelques
explications sur les différences les plus saillantes que présentent les dépenses
des deux exercices.
D’abord, le budget de la dette publique est majoré
de 800,000 francs par suite de la compensation faite entre le crédit destiné
aux intérêts et à l’amortissement de l’emprunt de 30 millions de francs, et les
diverses réductions dont la plus importante est celle d’une somme égale sur les
intérêts à payer pour la dette flottante.
Je dois faire remarquer,
cependant, que cette majoration n’est en réalité que de 600,000 francs, car
200,000 francs proviennent d’une réduction de pareille somme au chapitre des
travaux publics du budget de l’intérieur. Ces 200,000 francs forment la part
contributive du produit des barrières, pour l’intérêt et l’amortissement de la
portion de l’emprunt de 30 millions, qui sera d’abord affectée à la construction
de routes nouvelles.
Les subsides demandés pour la caisse de retraite
des employés des finances sont les mêmes que ceux alloués pour l’année
courante. Cependant ces subsides seront loin de suffire pour couvrir les
besoins toujours croissants de cette caisse, mais ce sera par une demande
spéciale que l’on proposera à la chambre de pourvoir à l’insuffisance de 1837,
et aux déficits des exercices précédents.
Les états de situation qui sont annexés au budget
présentaient d’après le nombre des pensionnés existants au 1er août dernier, un
excédant de dépenses de 89,294 fr. 20 c. sur les recettes probables de l’année,
parmi lesquelles je comprends les 380,000 fr. de subvention. Ce premier chiffre
s’est accru depuis.
Le travail de la révision des pensions liquidées
depuis la révolution jusqu’au 31 décembre
Le budget des dotations n’a subi aucune
modification à citer, mais celui du ministère de la justice présente une
majoration de 250,000 fr. destinés aux constructions et réparations de prisons.
Cette majoration se réduit toutefois à 149,530 fr. par l’effet de diverses
diminutions sur d’autres articles.
Les besoins du département des affaires étrangères
et de la marine, sauf une allocation de 60,000 fr. pour quelques consulats,
sont à peu près les mêmes que ceux de l’année actuelle.
Une réduction de 448,896 fr. 56 cent, est présentée
par le ministère de l’intérieur. A la vérité, ainsi que je viens d’avoir
l’honneur de le dire, 200,000 fr. de cette réduction ne sont qu’un transfert de
l’article des routes au budget de la dette publique.
Quant au département de la guerre, il est réclamé
316,000 fr. de plus qu’au budget de 1836. Cette majoration définitive, après
avoir fait la part des diverses réductions, résulte de la nécessité de
conserver sous les drapeaux un plus grand nombre d’hommes que celui actuel, et
de pourvoir aux dépenses d’une augmentation du matériel de l’artillerie et du
génie. Les diverses modifications en plus et en moins qui se rencontrent au
budget, seront développées et justifiées par M. le ministre de la guerre, lors
de la discussion.
Bien que l’accroissement des recettes ait dû faire
porter l’éventualité des remises allouées aux receveurs à un chiffre supérieur
à celui précédemment demandé, le budget de mon département offre cependant une
réduction de 166,562 fr. 22 c., due notamment à ce que le crédit destiné à
l’acquisition d’un hôtel contigu à celui des finances ne se présente plus cette
année.
Par suite d’une plus exacte appréciation des
choses, le budget des remboursements et non-valeurs a subi également une
réduction qui s’élève à 104,000 francs.
Déjà le discours du trône
vous a fait connaître, messieurs, que les dépenses de 1837 seraient couvertes
par le produit des impôts existants, sans qu’il soit besoin d’augmenter le
nombre des centimes additionnels.
Aussi le budget des voies et moyens, basé sur les
recettes effectives des six derniers mois de 1835 et du premier semestre de
1836, offre-t-il dans ses prévisions peu de différences réelles avec celui qui
fut adopté pour cette dernière année.
Cependant, messieurs, un des impôts indirects
établi pour être très productif au profit du trésor, cesse de plus en plus
d’alimenter les ressources de l’Etat, et ne profile plus guère qu’à une de nos
industries et à notre commerce maritime. Il s’agit de l’accise sur les sucres.
Depuis longtemps, et particulièrement lors de mon
entrée au ministère, l’état de choses qui s’est accompli, depuis, vous a été
signalé comme une conséquence inévitable et prochaine de la législation qui
régit cette branche de revenus. Il a été démontré dans cette enceinte que les
proportions établies dans la loi, pour la restitution des droits d’entrée sur
le sucre brut, lors de sa réexportation en sucre raffiné, étaient vicieuses ;
que le déchet au raffinage, supposé par la loi, était triple du déchet réel, et
qu’enfin ce n’était plus un simple drawback qui était accordé comme l’avait
voulu le législateur, mais une véritable prime d’exportation, prélevée sur le
consommateur indigène et dont le taux s’accroissait à chaque perfectionnement
introduit dans les procédés du raffinage.
Des considérations graves qui se rattachaient à la
fois aux succès d’une manipulation profitable au pays par les bras et les
matières qu’elle emploie, et aux intérêts de notre navigation et de notre
commerce à l’étranger, avaient engagé le gouvernement à différer de vous
présenter des réformes qu’il croyait juste de faire, mais dont l’opportunité
n’était pas arrivée.
Ces mêmes considérations subsistent encore
aujourd’hui, du moins telle est l’opinion de mon collègue au département de
l’intérieur que j’ai consulté à cet égard, et qui, par sa position et les avis
qu’il peut recueillir, est plus à même que moi d’apprécier les suites d’un
changement de système. Je dois ajouter que la complication qui va surgir de
l’érection de nombreuses sucreries de betteraves, fait une loi de prudence de
n’apporter à l’état des choses, quelque fâcheux qu’il soit pour le trésor,
aucune modification, avant de connaître à peu près le résultat que doit amener
la production d’un sucre indigène. Nous aurions trop de regrets, messieurs, si,
par des mesures intempestives nous nuisions aux développements d’une conquête
industrielle, qui promet d’être aussi favorable à notre agriculture qu’à notre
commerce et qui peut nous affranchir d’un tribut immense payé jusqu’ici à
l’étranger.
Le produit de l’accise sur les sucres, qui avait
été évalué aux différents budgets comme devant rendre chaque année au trésor 17
à 18 cent mille francs, n’est porté à celui-ci que pour 120,000 francs.
Cependant, messieurs, grâce à l’augmentation qu’on est en droit d’attendre
d’autres revenus et spécialement du chemin de fer, qui figure dans nos
prévisions pour quinze cent mille francs au lieu de six cent cinquante mille,
la balance des recettes et des dépenses ne sera pas détruite ; et même pour
1836 je conserve l’espoir que l’évaluation globale des ressources sera
dépassée, nonobstant la perte majeure sur les sucres.
En résumé, messieurs, le budget des voies et moyens
excède de 352,046 fr. 33 cent. le montant total des dépenses proposées. Cet
excédant, et celui qui provint de la différence entre le crédit de douze
millions en bons de trésor, et les déficits anciens qu’ils servent à couvrir,
permettront de pourvoir amplement aux dépenses extraordinaires non prévues, à
résulter éventuellement de lois qui pourraient être adoptées pendant la
présente session.
Le projet de loi des recettes n’apporte, messieurs,
qu’une légère modification aux lois fiscales ; j’ai la confiance que vous
l’adopterez volontiers. Elle a pour but de faciliter l’introduction plus
complète du système métrique des poids en supprimant les rétributions exigées
pour leur poinçonnage. Ces rétributions, quelque légères qu’elles fussent, ont
souvent été la cause pour laquelle on cherchait à soustraire les ustensiles du
mesurage à l’application du poinçon légal, et de là les nombreuses
contraventions constatées,
Mais comme il n’est pas possible de toujours
réduire les impôts sans combler le vide qu’en éprouve le trésor, le
gouvernement a pensé qu’il était juste de reporter sons une autre forme la même
perception à charge des mêmes contribuables.
A cet effet il vous est proposé, messieurs, de
rendes exigible la totalité du principal du droit de patente, au lieu des trois
quarts de ce droit, mais en même temps de supprimer les 26 centimes
additionnels ordinaires qui le frappent, en sorte que la somme payée
précédemment par les patentables des 3/4 du droit de patente, des 26 centimes
additionnels à ce taux, et des rétributions pour poinçonnage des poids et
mesures, est à très peu de chose près la même que celle qui sera perçue comme
principal seulement du droit de patente.
Il y aura simplification pour le contribuable et
pour l’administration.
Je dois faire observer que cette mesure est
particulièrement à l’avantage des petits commerçants, parce que, plus que les
grands, ils font usage de poids et de mesures.
Des arrangements faits avec des pays voisins ont
assuré à
Le service des
postes rurales, déjà organisé dans quelques-unes de nos provinces, ne tardera
pas à produire ses bons effets dans
Ces diverses améliorations ne seront pas seulement profitables
au commerce et aux relations sociales, elles seront en outre productives pour
le trésor. Aussi ai-je pu majorer de 200,00 fr. les prévisions du produit de la
taxe des lettres.
Contrairement à ce qui s’est pratiqué l’an dernier,
les intérêts de l’encaisse de l’ancien caissier général figurent cette année au
budget.
Quelle que soit la résolution que les chambres
prendront au sujet de l’importante question soulevée à cet égard par le rapport
de la commission dite de la banque, le gouvernement n’a pas cru devoir attendre
davantage pour comprendre cette somme dans les prévisions de recettes ; ainsi
que l’art. 113 de la contribution en fait une obligation.
A cette occasion, messieurs, j’ai la satisfaction
de vous annoncer qu’une convention récente que j’aurai l’honneur de déférer
immédiatement à l’approbation du pouvoir législatif, est destinée à mettre fin
au litige important qui subsistait entre le gouvernement et la société générale
pour favoriser l’industrie nationale, au sujet des redevances dues par cette
société en exécution de l’art. 12 de ses statuts.
Je croirais manquer à mes devoirs, messieurs, si je
n’appelais de nouveau et avec instance votre haute sollicitude sur des
dispositions concernant les distilleries, qui vous ont été soumises dans la loi
des voies et moyens de 1836, et dont vous avez désiré faire une loi séparée. La
morale publique, plus même que le trésor, est vivement intéressée à ce que ces
dispositions soient adoptées.
Je vais avoir l’honneur de déposer sur le bureau le
projet de loi sur le sel, réclamé depuis longtemps ; la loi sur la révision des
opérations cadastrales vous sera également remise très prochainement, ainsi que
j’en ai pris l’engagement.
Enfin, messieurs, la loi des comptes des exercices
de 1830, 31 et 32, dont l’examen vous est facilité par les observations de la
cour des comptes, viendra régulariser cette partie essentielle de
l’administration générale du pays. Les comptes de 1833, déjà déférés à la cour,
vous seront aussi renvoyés par elle dans cette session, et la loi pour les
clore définitivement vous sera aussitôt présentée.
Jusqu’ici, messieurs, les présages de prospérité
nationale exprimés chaque année à cette tribune se sont accomplis.
Tout me dit que l’espoir que je nourris de voir se
développer de plus en plus notre état florissant, se réalisera encore.
Mais, avant de terminer, ne dois-je pas de nouveau
faire ressortir combien en d’autres temps nos immenses ressources étaient
absorbées dans un intérêt qui n’était pas le nôtre, puisqu’après avoir réduit
successivement nos impôts annuels de 15 millions ; après avoir créé une armée
et une administration ; après avoir fait face à d’énormes dépenses, résultat
d’un état de guerre permanent, la situation de notre trésor public est
aujourd’hui à envier par la plupart des Etats de l’Europe.
Aussi, messieurs, comme ministre du Roi et comme
représentant de la nation belge, il m’est doux d’avoir pu répondre ici par le
tableau de l’ordre et du bien-être dont jouit notre belle patrie, à ceux qui
par les accents impuissants du dépit cherchent encore à flétrir notre heureuse
et juste révolution.
(Note du
webmaster : le Moniteur reprend ensuite le texte des projets de budget fixant
les montants globaux des recettes et des dépenses. Ce texte n’est pas repris
dans la présente version numérisée.)
PROJET DE LOI RELATIF A
M. le ministre des finances (M. d'Huart). donne
ensuite lecture de la convention qu’il a passée avec le gouverneur de la
société générale relativement aux redevances annuelles de cette société envers
le gouvernement, échues depuis 1830.
PROJET DE LOI SUR LE SEL
Enfin il présente un projet de loi sur le sel.
M. le président. -
La chambre donne acte à M. le ministre des finances de la présentation des
projets de lois concernant les budgets des dépenses et des recettes pour
l’exercice 1837, du projet de loi relatif à la convention passée entre le
gouvernement et la société générale et du projet de loi relatif au sel.
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - Messieurs, j’avais en quelque
sorte pris l’engagement, avant la clôture de la dernière session, d’envoyer
imprimés les budgets de 1837 à vos domiciles, afin que vous pussiez les
examiner avant l’ouverture de cette session ; mais un changement dans
l’administration de la guerre ayant eu lieu, nous n’avons pu satisfaire à cette
promesse. Le nouveau ministre a dû examiner le budget spécial de son
département, et ceci a entraîné des délais. Ce retard ne sera cependant pas
considérable, car j’espère que lundi tous les budgets seront distribués ; or vous
savez, messieurs, que ce travail est très long, il faut cinq à six semaines
pour effectuer l’impression de ces documents.
- La chambre ordonne l’impression et la
distribution des projets de loi relatifs au sel et à la convention entre le
ministre des finances et le directeur de la société générale.
- La chambre, consultée, décide que toutes les lois
présentées par le ministre des finances seront renvoyées devant les sections.
M. Legrelle. -
Je crois que l’on pourrait excepter le budget du ministère de la guerre, et le
renvoyer à une commission ; il faut des connaissances spéciales pour procéder à
l’examen de ce budget.
M. Gendebien. -
Messieurs l’année dernière on a renvoyé en sections le budget de la guerre
comme tous les autres budgets ; je ne vois pas pourquoi l’on agirait autrement
cette année : le budget de la guerre est assez important pour que tous les
membres de la chambre en prennent une connaissance détaillée, et chacun de nous
peut très bien concourir à son examen sans qu’il soit nécessaire de posséder
pour cela des connaissances spéciales.
- La chambre décide que le
budget de la guerre sera, comme les autres, renvoyé en sections.
M. Liedts (pour une
motion d’ordre). - Messieurs, dans le relevé de la composition des différentes
commissions, qui vous a été soumis, vous aurez remarqué, comme moi, que
plusieurs de ces commissions sont aujourd’hui incomplètes par suite de la
démission de divers membres de la chambre qui en faisaient partie : je demande
que le bureau soit invité à les compléter.
- La chambre décide
que le bureau complètera ces commissions.
M. de Jaegher
(pour une autre motion d’ordre). - Messieurs, au moment de la clôture de la
dernière session, les sections avaient terminé l’examen de divers projets de
lois qui leur avaient été renvoyés, et nommé leurs rapporteurs ; mais la
section centrale n’avait pas encore pu s’assembler : j’appelle l’attention de
la chambre sur l’utilité qu’il y aurait à ce que les différentes sections
continuassent leurs anciens rapporteurs dans leur mandat.
M. le ministre
de l'intérieur (M. de Theux). - J’appellerai aussi votre attention,
messieurs, sur le projet de loi sur les mines qui a été amendé par le sénat. Il
serait à désirer que ce projet fût renvoyé à une commission.
- Appuyé.
M. Dumortier. -
Je demande, messieurs, que ce projet soit renvoyé aux sections ; il est trop important
pour que l’examen n’en soit confié qu’à un petit nombre de personnes. A la
vérité, avant la première discussion du projet de loi sur les mines, on pouvait
dire que, pour l’examiner, des connaissances spéciales étaient indispensables ;
mais aujourd’hui que ce projet a été discuté longuement dans cette enceinte,
chacun de nous a pu suffisamment s’éclairer sur les matières auxquelles il se
rapporte.
Je crois donc que nous devons tous prendre part à
l’examen du projet qui nous est renvoyé par le sénat, et que ce serait manquer
notre but que de le renvoyer à une commission.
M. le président. -
Ayant fait observer que la chambre voudra sans doute discuter l’adresse en
réponse au discours du trône avant de s’occuper de la loi sur les mines, il
n’est pas donné suite aux observations de MM. le ministre de l’intérieur et
Dumortier.
MOTION D’ORDRE SUR
M. Dumortier. -
Messieurs, l’article 36 de la constitution s’exprime en ces termes :
« Le membre de l’une ou de l’autre chambre qui est
nommé par le gouvernement à un emploi salarié cesse immédiatement ses
fonctions, et ne les reprend qu’en vertu d’une nouvelle élection. »
Avant la discussion de l’adresse, je crois,
messieurs, devoir vous faire remarquer qu’il est nécessaire de soumettre à une
réélection les membres de cette chambre qui viennent d’être nommés par le
gouvernement aux fonctions de bourgmestres ou échevins.
Je regrette que cette question touche plusieurs de
mes collègues, plusieurs de mes amis ; mais la vérité avant tout, la
constitution avant tout ! Pour moi, il ne s’agit plus d’amis quand la
constitution a parlé.
L’article de la constitution que je viens de citer
ne laisse aucun doute sur la question que j’ai l’honneur de vous soumettre.
« Le membre de l’une ou de l’autre chambre qui
est nommé par le gouvernement à un emploi salarié, cesse immédiatement ses
fonctions, et ne les reprend qu’en vertu d’une nouvelle élection. » Or,
les bourgmestres et les échevins exercent-ils, oui ou non, un emploi
quelconque, et cet emploi est-il salarié ? Voilà, messieurs, toute la question,
question bien simple et qu’il suffit de poser pour la résoudre.
Déjà, lors de la discussion de la loi communale,
j’ai eu l’honneur de faire remarquer à l’assemblée qu’en admettant la nécessite
d’un traitement pour les fonctionnaires dont il s’agit, on admettrait en même
temps la nécessité de la réélection.
Si vous vouliez éviter la réélection, il fallait de
deux choses l’une : ou laisser au peuple l’élection des bourgmestres et
échevins, ou ne pas stipuler dans la loi l’obligation de leur donner un
traitement ; mais vous avez préféré de confier leur nomination au pouvoir
exécutif, et d’insérer ensuite dans la loi l’obligation de les rétribuer ; dès
lors, vous tombez dans l’article 36 de la constitution, et vous ne pouvez pas
éviter de soumettre à une réélection tous ceux qui se trouvent sous le coup de
cet article à moins qu’on ne veuille jouer sur les mots, et prétendre, comme je
l’ai entendu faire tout à l’heure, que les fonctionnaires dont il s’agit ne
reçoivent pas de traitement du trésor public.
Dans ce cas je vous ferai remarquer que la
constitution ne dit pas que le traitement doit être payé par le trésor public :
« nommé par le gouvernement à un emploi salarié ; » ainsi, du moment qu’un
salaire est attaché à l’emploi que le gouvernement a conféré, cela suffit, et
la constitution ne s’inquiète pas d’où provient ce salaire. D’ailleurs, messieurs,
le mot trésor public, dans son acception générale, ne désigne pas seulement le
trésor de l’Etat, mais encore celui des provinces et des communes, et cela est
tellement vrai que la gestion des deniers des provinces est soumise au contrôle
de la cour des comptes et qu’il en est de même en France, du moins pour les
départements dont le revenu s’élève à une certaine somme.
Lorsque l’honorable député
M. Davignon, député de Verviers, après sa nomination aux fonctions
d’administrateur de la banque de Belgique, a été soumis à une réélection, on
n’a pas pu objecter que le traitement de cet honorable membre ne devait pas
être payé par le trésor public, il n’était pas dans le cas prévu pas l’article
36 de la constitution ; ainsi, messieurs, l’on ne peut pas contester
aujourd’hui que les fonctions de bourgmestre et d’échevins sont des emplois de
la nature de ceux dont parle cet article. Quand l’honorable M. Corbisier a été
nommé secrétaire de la chambre de commerce de Mons sur la présentation de cette
même chambre de commerce, cet honorable collègue a aussi été soumis à une
réélection, quoique le traitement de secrétaire de la chambre de commerce soit
supporté par la caisse communale de même que le traitement des bourgmestres et
des échevins. La chambre a donc tranché la question dont il s’agit ; il y a
donc jurisprudence établie à cet égard.
Quant à l’élévation de ces traitements, c’est là
une question qui n’en est pas une : dès l’instant qu’une fonction entraîne un
salaire, quelque minime qu’il soit, fût-il d’un franc, cette fonction est de
celles dont il est question dans l’article 36 de la constitution.
D’ailleurs, quoiqu’il y ait des bourgmestres dont
le traitement est très faible, il en existe aussi qui en touchent de très
élevés : je crois que la ville de Bruxelles, par exemple, accorde au moins dix
mille francs ; la ville d’Anvers cinq mille : ce sont là sans doute des
fonctions bien rétribuées, et l’on ne peut pas dire qu’elles ne sont pas
salariées, aux termes de la constitution.
Je demande donc que la chambre statue sur ce point
: quant à moi, la question ne me laisse pas de doute : et il me semble que ce
qui s’est passé relativement à MM. Davignon et Corbisier lève toute incertitude
à cet égard ; ainsi je pense qu’il y a lieu de décider que tous les membres de
cette assemblée qui ont été promus aux fonctions de bourgmestres ou d’échevins
doivent être soumis à une réélection.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Messieurs, si la motion de l’honorable M. Dumortier était fondée, nous
devrions tous regretter qu’il ne l’ait pas faite à l’instant même où la chambre
s’est réunie et avant qu’elle ne procédât aux diverses élections qu’elle a déjà
faites.
Sans doute, si votre proposition était fondée, vous
deviez la faire avant que la chambre procédât aux nominations qui viennent
d’avoir lieu et dont quelques-unes, à votre compte, pourraient être contestées
comme irrégulières.
Mais, messieurs, je ne pense pas que l’opinion de
M, Dumortier ait le moindre fondement ; d’abord il existe une erreur de fait
dans une assertion que cet honorable membre a avancée ; il invoque une décision
de la chambre, en vertu de laquelle M. F. Corbisier, secrétaire de la chambre
de commerce de Mons, avait été soumis à une réélection ; mais il n’en est pas
ainsi ; M. Corbisier, nommé aux fonctions dont il s’agit, a demandé avant la
réunion des chambres, à être soumis à une réélection ; cela a été une démarche
volontaire, spontanée de sa part.
Pour en revenir à la question soulevée par M.
Dumortier, je ne pense pas que les fonctions municipales soient de la catégorie
de celles dont s’est occupé l’article 36 de la constitution, et que les
fonctionnaires municipaux doivent être soumis à une réélection. Outre que ce ne
sont pas des employés d’administration générale, il est à remarquer que leurs
traitements sont payés sur les budgets communaux et qu’en général, si l’on en
excepte quelques grandes villes, ces traitements, dans la plupart des
localités, sont tellement exigus, qu’ils suffisent à peine aux titulaires pour
faire face aux faux frais d’administration.
M. A. Rodenbach. - Je demanderai à
l’honorable M. Dumortier s’il entend aussi que les conseillers municipaux
doivent subir une réélection.
Des
membres. - Les conseillers ne sont pas nommés par le
gouvernement.
- L’observation de M. Rodenbach n’a pas de suite.
M.
Frison. - J’appartiens à la catégorie des fonctionnaires que M.
Dumortier veut soumettre à une réélection ; je ne dirai rien sur la proposition
de cet honorable membre ; je désire seulement que la chambre se prononce, afin
que sa jurisprudence soit fixée sur ce point.
M. Dumortier. -
M. le ministre de l’intérieur vient de déclarer que M. Corbisier a demandé
lui-même à subir une réélection ; je le répète, c’est par suite de sa
nomination à des fonctions salariées que notre ancien collègue a été soumis à
une réélection ; le cas qui nous occupe est tout à fait identique, et la
question ne peut recevoir une solution différente : il y a chose jugée. Décider
la question dans un autre sens, ce serait déclarer que la constitution n’est
plus qu’un vain mot ; ce serait se mettre au-dessus du pouvoir constitutionnel.
M. Simons. - Je
prie l’honorable M. Dumortier de me dire s’il n’établit pas de différence entre
les bourgmestres qui étaient déjà en fonctions avant la nouvelle organisation
communale, et ceux qui n’ont été nommés que postérieurement à cette
organisation. Si la motion de l’honorable membre avait rapport aux bourgmestres
de la première catégorie, on pourrait lui opposer des antécédents ; je me
bornerai à citer le cas suivant.
Plusieurs de nos collègues appartenaient à l’ordre
judiciaire lors de la réorganisation de cet ordre en 1832, ceux de ces membres
qui furent simplement continués dans leurs fonctions ne furent pas soumis à une
réélection, tandis que ceux qui avaient été nommés à un rang plus élevé, durent
subir cette réélection.
Je demanderai donc à M. Dumortier si sa motion
comprend ou non les bourgmestres nommés avant la nouvelle organisation
communale.
M. Dumortier. -
Il est facile de répondre à l’observation de l’honorable préopinant ; il n’y a
pas de similitude entre le cas qu’il a cité et celui qui nous occupe.
D’abord, lorsqu’on a organisé l’ordre judiciaire,
tous les membres de l’ordre avaient été précédemment nommés par le pouvoir
exécutif, et c’est le pouvoir exécutif qui les a continués dans leurs
fonctions. Ici, au contraire, tous les bourgmestres et échevins avaient été
nommés par le peuple, et aujourd’hui c’est du gouvernement qu’ils tiennent
leurs nominations. Si l’honorable préopinant s’était fait représenter les
motifs qui ont milité en faveur de la disposition prise en 1832 relativement à
l’ordre judiciaire, il aurait trouvé des arguments, non pas pour combattre ma
proposition, mais au contraire pour l’appuyer.
En effet, pourquoi avons-nous exempté les membres
de l’ordre judiciaire de la réélection ? c’est parce que les membres de
l’ordre, par le fait de la nomination du gouvernement, avaient acquis
l’inamovibilité définitive, et que, pour lors, ils avaient acquis aux yeux des
électeurs une garantie de plus.
Ici, il n’en est pas de
même ; ce sont des hommes qui avaient été choisis magistrats communaux par
leurs concitoyens, et qui aujourd’hui sont nommés par le gouvernement ; ils se
trouvent donc dans une position bien défavorable. Si les bourgmestres, compris
dans la nouvelle organisation, avaient acquis l’inamovibilité, je comprendrais
les motifs que fait valoir l’honorable préopinant ; mais loin de là, ces
fonctionnaires ont perdu une garantie qu’ils avaient autrefois ; aujourd’hui
ils sont les serviteurs du pouvoir, tandis qu’ils étaient jadis les serviteurs
du peuple. (Bruit.) Il est
incontestable que les bourgmestres tombent dans l’acception de l’art. 36 de la
constitution ; et je soutiens qu’il est impossible que cet article ne reçoive
pas sa pleine et entière exécution.
Au reste, je ne m’oppose pas à la division, en ce
qui concerne les bourgmestres nommés dernièrement pour la première fois, et
ceux qui ont été simplement continués dans leurs fonctions.
M.
Legrelle. - Messieurs, je trouve rationnel que l’honorable M. Dumortier
soulève la question qui nous occupe ; et qui, peut-être, peut recevoir la
solution que cet honorable membre lui donne. Je resterai en dehors d’une
discussion dans laquelle je suis intéressé ; mais je ne puis pas laisser
inaperçue la qualification de serviteurs du pouvoir dont M. Dumortier nous
qualifie. Les bourgmestres, aujourd’hui, ne sont pas moins des magistrats
populaires qu’ils l’étaient avant la réorganisation communale ; ils ont
commencé par recevoir leur mandat du peuple, et ils resteront les hommes du
peuple. Je déclare ici, en mon nom, que si le pouvoir m’imposait une obligation
contraire aux intérêts du peuple, je donnerais ma démission des fonctions que
j’exerce.
M. Jadot. - Je
demande que l’on ajourne à demain le vote sur la proposition de M. Dumortier.
- La proposition d’ajourner la discussion à demain
est mise aux voix par appel nominal. Voici le résultat du vote :
68 membres y prennent part.
39 votent pour l’ajournement à demain.
29 votent contre.
En conséquence l’ajournement à demain est prononcé.
- La séance est levée à 3 heures 3/4.