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Note d’intention
Chambre des représentants
de Belgique
Séance
du mardi 15 novembre 1836
Sommaire
1) Pièces
adressées à la chambre
2)
Rapport sur des demandes en naturalisation
3) Projet
de loi relatif à la mise à charge de l’Etat du traitement des vicaires (en place
notamment des fabriques d’églises ou des communes). Discussion générale (Stas de Volder, Vandenbossche,
Lebeau, Fallon, Dechamps, Desmet)
(Moniteur
belge n°322, du 16 novembre 1836)
(Présidence de M. Raikem.)
M. de Renesse
fait l’appel nominal midi 3/4.
M. Lejeune lit le
procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.
M. de Renesse
présente l’analyse des pétitions suivantes.
PIECES ADRESSEES A
« Les vicaires de plusieurs paroisses de la
ville de Liége demandent le paiement de l’arriéré de leur traitement depuis
1835, et que la chambre assuré leur sort pour l’avenir. »
_______________
« Le docteur Koch, médecin du 7ème régiment de
ligne, déclare que son intention a été de demander la naturalisation ordinaire
au lieu de la grande naturalisation. »
_______________
« Le
collège du conseil communal de Bellinghen (Brabant)
demande que l’église de cette commune devienne succursale, et que le traitement
du curé soit à la charge de l’Etat. »
_______________
« Des
propriétaires et fermiers de prairies dans les polders d’Eeckeren,
Merxhem, etc., renouvellent leur demande de la
prohibition des foins de
_______________
« Quatre jardiniers fleuristes de
Bruxelles demandent de nouveau que la chambre refuse l’allocation demandée au
budget pour subside au jardin botanique. »
_______________
« La
veuve de J.-B. Cloetens, en son vivant garde
forestier de la forêt de Soignes, demandé une pension. »
_______________
« Un
grand nombre de cultivateurs des communes de Wilmarsdonck,
Voordoren et Stabroeck
(province d’Anvers), s’occupant principalement de la culture de la chicorée,
demandent qu’on prohibe la chicorée hollandaise. »
_______________
« La dame
baronne de Messemaere, née de Doncker,
demande que sa pension de 200 florins soit portée à 300. »
_______________
« Les
bourgmestres et les notables de Boulaide et de Sorré demandent que ces deux villages fassent partie de
l’arrondissement judiciaire de Diekirch. »
_______________
« Quatre
cultivateurs de la commune d’Oost-Acker demandent de
nouveau à être payés des prestations militaires fournies par eux dans les
années 1814 et 1815. »
_______________
« Un
grand nombre d’habitants de Zeelhem (Limbourg)
demandent : 1° que l’élection qui a eu lieu le 5 novembre courant, en
remplacement d’un membre du conseil communal qui avait donné sa démission, soit
déclarée nulle, et 2° que l’ancien bourgmestre qui fait de nouveau partie du
conseil, soit maintenu dans des fonctions. »
_______________
« Le
sieur P.-J. Vynesse à Zedelghem
se plaint de ce que son frère, milicien de 1834, ait dû se rendre à l’armée par
suite de la non-arrestation de deux réfractaires. »
_______________
« La
dame Jeanne Landers, épouse de Pierre Guick, adresse la même plainte pour son fils Joseph. »
_______________
« Le
sieur C.-L. Dansaert, armateur à Bruxelles, porte à
la connaissance de la chambre les droits élevés que paient les navires belges
tant à l’entrée qu’à la sortie de Prusse. »
_______________
- La chambre décide que la pétition relative au
traitement des vicaires restera déposée sur le bureau pendant la discussion
relative à cet objet.
La pétition relative à une demande de
naturalisation est renvoyée à la commission des naturalisations.
Les autres pétitions sont renvoyées à la commission
des pétitions.
RAPPORT SUR DES
DEMANDES EN NATURALISATION
M. Milcamps
dépose, au nom de la commission des naturalisations, un rapport sur des
demandes de naturalisation.
- L’impression en est ordonnée.
PROJET DE LOI RELATIF A LA MISE A CHARGE DE L’ETAT
DU TRAITEMENT DES VICAIRES
M. Stas
de Volder. - Messieurs, lors de la clôture de nos débats parlementaires,
au mois de juin dernier, plusieurs membres de cette auguste assemblée
témoignèrent tout leur regret de voir de nouveau ajournée la question du
traitement des vicaires. Alors, comme aujourd’hui on sentait toute l’importance
de s’occuper d’un projet de loi qui mît un terme à l’inconstitutionnalité
exercée envers les ministres du culte professé par la presque totalité des
Belges. Plusieurs vicaires ne reçoivent plus de traitement depuis que l’on
persiste à vouloir leur faire une fausse application de l’art. 117 de la
constitution et se trouvent par là dans un état de gêne auquel ils n’auraient
pas dû être exposés.
Les journaux de toutes les nuances, l’opinion
publique et surtout le rapport de la section centrale, si lumineux et si fort
de raisonnements sur la matière, ont démontré à l’évidence combien il serait
injuste de continuer plus longtemps à priver une classe de nos fonctionnaires
ecclésiastiques des avantages constitutionnels dont jouissent les autres
membres du clergé. Il est hors de doute qu’un traitement convenable appartient
aux uns comme aux autres, à titre d’indemnité des biens dont le clergé a été
dépouillé.
De nouveaux développements sur la matière, au point
où la question en est, seraient, ce me semble, superflus, et ne serviraient
qu’à faire perdre un temps précieux à la chambre pour la discussion des
nombreux et anciens projets de loi dont elle n’a pu s’occuper jusqu’à ce
moment.
Je voterai pour le projet de loi présenté par la
section centrale, moyennant les modifications dont je le crois susceptible, et
j’inviterai la chambre à prendre les mesures convenables en faveur des
vicaires, dont les traitements n’ont pas été payés depuis plusieurs années.
M. Vandenbossche.
- Messieurs, il est généralement reconnu que les vicaires sont d’une nécessite
absolue pour le service du culte catholique ; dès lors il ne peut y avoir de
doute sérieux qu’ils soient compris parmi les ministres des cultes que l’art.
117 de la constitution entend salarier aux frais de l’Etat.
Reste à savoir si la législature peut, pour le tout
ou pour une partie, en charger soit les fabriques des églises ou les communes.
L’article 117 dit : « Les traitements et
pensions des ministres des cultes sont à la charge de l’Etat ; les sommes nécessaires
pour y faire face sont annuellement portées au budget. »
Ces dispositions annoncent clairement, je pense,
que l’Etat est chargé de l’intégralité des traitements et pensions des
ministres des cultes. En effet, ce ne sont pas « des traitements et pensions, »
mais ce sont « les traitements et pensions des ministres des cultes »
que la constitution a mis à la charge de l’Etat.
M. le ministre pense que les termes de l’article
117 sont parfaitement synonymes de ceux de l’article 6 de la charte française,
qui porte : « Les ministres..., reçoivent des traitements du trésor
public, » et que c’est le peuple français que nous devrions consulter pour
savoir ce que le congrès belge a voulu dire.
Je ne puis partager ici l’opinion de M. le ministre
; sans être né Français, ou même sans en connaître à fond la langue, je pense
que tout homme, après mûre réflexion, conviendra qu’il y a une grande
différence entre mettre les traitements à la charge de l’Etat, et recevoir des
traitements du trésor public ; qu’il n’y a point de synonymie possible, et que
par conséquent l’état de la législation française ne peut pas nous servir de
règle de conduite.
Vainement dirait-on que le congrès n’a pas dit :
«que ces traitements seraient exclusivement à la charge de l’Etat. »
« Les », article déterminé, dénotait suffisamment l’intégralité des
traitements, pour que le mot « exclusivement » n’y fût plus
nécessaire pour assurer cette interprétation.
Le ministre dit que différents amendements furent
proposés à la proposition de la section centrale ; que le premier mettait les
traitements des ministres des cultes exclusivement à la charge des provinces et
des communes ;
« Qu’un autre diamétralement opposé les
mettait exclusivement à la charge de l’Etat ;
« Qu’un troisième demandait que la législature
conservât le droit de réviser chaque année les traitements des ministres des
cultes ;
« Que dans la séance du 5 février, la question
de fixité occupa seule l’assemblée ;
« Qu’un membre proposa simplement de dire : Les
ministres des cultes reçoivent un traitement de l’Etat, et qu’enfin un nouvel
amendement devint l’art. 117 de la constitution. »
M. le ministre dit « qu’il ne résulte point de ces
débats que le congrès ait voulu modifier la législation, en ce qui concernait
le débiteur des traitements du clergé ; » mais il n’en résulte point non
plus que le congrès l’ait voulu conserver.
« Le débat a roulé, dit-il, sur la garantie de
fixité, et c’est cette garantie de fixité que le congrès a rejetée par l’adoption
de l’art. 117 de la constitution. Il a voulu, d’une part, consacrer en principe
l’obligation de l’Etat, et de l’autre laisser à la législature le soin
d’apprécier annuellement le chiffre de la somme nécessaire pour remplir cette
obligation.
C’est le ministre qui parle, et ici je partage son
opinion ; l’article a voulu consacrer en principe l’obligation pour l’Etat de
payer les traitements des ministres des cultes ; conséquent avec ses
antécédents, le congrès ne pouvait point établir une autre disposition ; mettre
à la charge soit des fabriques des églises soit des communes, le traitement des
vicaires, eût été une infraction à l’art. 12 déjà voté, car le traitement des
vicaires est un véritable impôt pour la commune, et charger de leur traitement
la commune qui en possède, tandis que celles qui n’ont qu’un desservant ne
doivent rien payer pour le culte, serait consacrer un privilège en faveur de
celles-ci.
Il n’est donc pas juste de dire, je pense, que
l’article a voulu écarter le deuxième amendement, parce qu’il mettait
exclusivement à la charge de l’Etat les traitements et pensions des ministres
des cultes.
M. le ministre pense que la disposition de mettre
« exclusivement » à la charge de l’Etat les traitements des ministres
des cultes n’eût pas manqué d’être l’objet d’une discussion approfondie,
attendu qu’il en résultait nécessairement pour l’Etat un accroissement
considérable de charges et qu’on ne découvre aucune trace de pareille
discussion.
Mais s’il y a un accroissement considérable de
charges pour l’Etat, les charges des communes subiront un décroissement dans la
même proportion, et comme c’est le peuple qui fournit aux besoins de l’Etat, il
ne lui importe guère comment il y contribue ; toutefois, mettant ces
traitements exclusivement à la charge de l’Etat, on préviendrait tout
privilège, et on n’en ferait qu’une plus équitable répartition.
Si donc cette question n’a subi aucune discussion,
on doit se tenir à la lettre de l’article qui déclare à suffisance que les
traitements des ministres des cultes sont exclusivement à la charge de l’Etat.
La section centrale désirerait y faire une
exception pour les fabriques des églises, qui jouissent en biens immeubles ou
en rentes, toutes dépenses et charges acquittées, d’un revenu ordinaire
suffisant pour supporter ces traitements. Mais le nombre de ces fabriques est
si petit, et il y aurait peut-être encore des difficultés pour établir cette
suffisance ; de sorte que je pense qu’il vaudrait mieux mettre indistinctement
tous ces traitement à la charge exclusive de l’Etat.
Nous n’avons pas à craindre que toutes ces
fabriques n’emploieront pas leurs revenus : d’ailleurs, ne devant plus rien
payer aux vicaires, l’Etat ou la commune ne devra plus aussi les secourir pour
les réparations ou restaurations que pourraient exiger leurs églises, comme on
en voit l’exemple à Bruxelles et à Gand.
Mais quel doit être le montant du traitement d’un
vicaire ?
Le projet de M. le ministre, ainsi que celui de la
section centrale, établissent le minimum à 500 florins. L’un et l’autre
admettent qu’ils pourront recevoir un traitement plus élevé et semblent
préjuger qu’ils recevront des suppléments.
Le congrès, d’accord avec les lois et décrets
préexistant, a voulu accorder des traitements convenables ; il a même voulu
conserver tous ceux qui n’étaient pas trop élevés. Or, je vois dans l’exposé
des motifs de M. le ministre que 1,600 vicaires reçoivent 969,487 fr. 65 cent.,
ce qui fait, terme moyen, 605 fr. 50 cent. par tête. D’après ces
considérations, je désirerais voir établir directement les traitements des
vicaires à 600 fr., tout en supprimant, dans l’art. 2 du projet de la section
centrale, « sans préjudice, etc. »
Quant aux fabriques d’églises qui n’ont pas besoin
d’être secourues par la commune, elles resteront libres, car la commune n’a pas
à se mêler de leur budget.
Mais si dans la loi nous stipulons cette faculté
aux communes, ces suppléments dépendront des régences : l’une l’accordera,
l’autre pas ; et les régences ne pourront faire l’un ou l’autre sans encourir
des critiques de la part de leurs administrés, ce que je désirerais de tout mon
cœur pouvoir prévenir.
M. le ministre nous annonce
qu’un nombre plus considérable de vicaires est nécessaire pour le service du
culte.
Il résulte de l’art. 16 de la constitution que les évêques
ont le droit de nommer autant de ministres du culte qu’ils le jugent
convenable. « D’un autre côté dit M. le ministre, il n’est dû de
traitement qu’aux ministres du culte réellement nécessaires ; or, il faut un
juge de cette nécessité, et ce juge doit être le pouvoir
législatif. » Or, je ne peux encore
partager ici l’opinion de M. le ministre, car il est de toute impossibilité que
le corps législatif puisse connaître s’il y a ou non nécessité ; impossible par
conséquent d’en décider. Nécessairement nous devons laisser cette besogne aux
évêques, dans l’espoir qu’ils n’en abuseront pas : libre au corps législatif de
déterminer leur traitement, gros ou maigre, comme il l’entendra.
Avant de finir, je dois témoigner à la chambre que
j’eusse désiré voir, dans la loi qui nous occupe, déterminer les traitements
des desservants : ceux-ci ont toujours eu droit, à charge de la commune à un
supplément de 200 francs, cette contribution à leur entretien est devenue
facultative avec notre constitution. Une commune, à ma connaissance, s’est déjà
refusée à porter ce supplément dans son budget pour 1837, et je ne doute pas
qu’elle ne soit bientôt imitée par d’autres, tandis qu’il est généralement
reconnu, je pense, que le traitement des desservants, avec le supplément des
200 francs de la commune, est déjà insuffisant pour beaucoup de localités.
M. Lebeau. -
Messieurs, lorsque la grave question qui occupe la chambre fut soumise à ses
délibérations, à l’occasion de la loi communale, la raison qui paraît avoir
déterminé un grand nombre de ses membres à voter contre le système du projet
ministériel, a été puisée dans le texte de la constitution ; il semblait que ce
texte fût tellement clair, tellement évident que le doute ne pouvait pas
subsister en présence de ses dispositions. Quoique décidé, messieurs, à voter
contre le projet de M. le ministre de l’intérieur, il m’est impossible, après
un examen approfondi de la question, de souscrire aux raisons de légalité qui
ont entraîné plusieurs honorables membres de cette assemblée. La question
constitutionnelle ne me paraît pas aussi simple ni aussi claire qu’on l’a
prétendu.
M. le ministre de l’intérieur, dans l’exposé des
motifs du projet de loi, vous a rappelé, messieurs, les circonstances dans
lesquelles la disposition constitutionnelle, relative à la matière qui nous
occupe, a été portée : il vous a dit que cette disposition a été votée avec une
certaine précipitation, parce qu’à cette époque on avait hâte de clore le
travail constitutionnel ; il vous a fait voir qu’aucune des conséquences
financières qui résultaient du texte de la constitution, interprété comme il
l’a été par la majorité de la chambre, ne paraît s’être présentée à l’esprit
des membres du congrès, quoique ces conséquences soient graves ; il vous a fait
remarquer ensuite que dans la rédaction du budget de l’Etat, faite sous
l’impression, encore récente, de la discussion de la constitution, on a
appliqué pendant plusieurs années le texte constitutionnel comme il soutient
qu’il doit être appliqué aujourd’hui ; il vous a fait remarquer en outre que
dans toutes les communes on a continué à considérer, comme une dépense
communale, les traitements des chapelains et des vicaires, et que cela n’a
donné lieu qu’à des protestations rares et tardives. Si je consulte mes propres
souvenirs, je dois à la bonne foi d’avouer que je n’ai pas entendu, en votant
la disposition dont il s’agit, introduire un droit nouveau, en ce qui concerne
les traitements des ministres des cultes. Si donc je me suis décidé à combattre
le projet ministériel, c’est par d’autres raisons que celles qui dérivent du
texte constitutionnel.
« Le vicaire est-il un ministre du culte, oui
ou non ? » Voilà toute la question, » a dit l’honorable M. Jullien. Si la réponse est et doit
être affirmative, tout est résolu, » a dit, à peu près, l’honorable M. Fallon. Je pense, messieurs, que la
question n’est pas bien posée de cette manière ; car si vous la posez ainsi,
tout prêtre remplissant les devoirs de son état est-il ministre du culte ? L’affirmative
me paraît incontestable : un prêtre agréé par l’évêque, mais qui n’a pas charge
d’âmes, est-il, dans le langage vulgaire, dans le langage légal, ministre du
culte ? Le desservant d’un oratoire particulier est-il ministre du culte ? Oui,
sans aucun doute. Si vous consultez les lois civiles, les lois administratives,
si vous examinez notamment la loi communale, quand elle énumère les
incompatibilités, si vous vous arrêtez aux exemptions prononcées dans les lois
sur la milice et sur la garde civique, si vous cherchez dans ces lois ce que
c’est qu’un ministre du culte, évidemment, messieurs, dans l’esprit du
législateur cette qualification s’applique aussi bien au prêtre agréé par
l’évêque, au desservant d’un oratoire particulier qu’à tout autre fonctionnaire
ecclésiastique ; les incompatibilités créés par les lois administratives pour
exclure de certaines fonctions administratives les ministres des cultes
s’appliquent évidemment à cette catégorie de prêtres, aussi bien qu’aux curés,
aux desservants, aux chapelains et aux vicaires.
Cependant, messieurs, personne ne soutient que les
prêtres agréés par l’évêque et les titulaires des oratoires particuliers aient
droit à un traitement sur le trésor. Et cependant il est évident que d’après le
texte des lois administratives, ils sont
ministres du culte comme les autres fonctionnaires ecclésiastiques. Je suis
donc en droit de dire, messieurs, que la question n’est pas bien posée, et que
tous les ministres du culte n’ont pas droit à un traitement sur le trésor
public. La section centrale l’a reconnu elle-même, car elle n’a pas demandé
qu’il fût accordé un traitement sur le trésor de l’Etat aux prêtres agréés ni
aux titulaires d’oratoires particuliers, bien qu’ils soient ministres du culte,
bien qu’ils rendent des services aux fidèles, bien qu’ils soient admis à
célébrer la messe, avec l’agréation de l’évêque, dans telle ou telle église.
La section centrale a reconnu ailleurs encore que
la disposition de la constitution n’a pas l’inflexibilité qu’on veut lui prêter
: ainsi, par exemple, elle excepte de la rétribution par le trésor de l’Etat
les vicaires des communes où la fabrique possède des revenus suffisants pour
faire face à leur traitement ; or si le texte de la constitution est absolu, il
doit profiter non seulement aux communes, mais encore aux fabriques ; et je ne
conçois pas de quel chef la section centrale établirait une exception résultant
d’une circonstance à laquelle la constitution n’a pas eu égard. La section
centrale ne s’en est donc pas tenue au texte seul de la constitution,
puisqu’elle a fait une distinction qui ne s’y trouve pas ; mais elle a consulté
l’esprit de la constitution, comme nous devons le faire.
Messieurs, si l’article de la constitution que l’on
invoque ne pouvait pas être interprété par la législature, il en résulterait
que toute secte qui est reconnue secte religieuse n’aurait qu’à s’établir dans
le pays pour pouvoir invoquer le bénéfice de cette disposition. Si des quakers,
des méthodistes, si toute espèce de secte, généralement reconnue comme secte
religieuse, s’introduisait en Belgique, elle pourrait, si le texte de la
constitution n’était pas susceptible d’interprétation, en revendiquer le
bénéfice, au même titre que le culte catholique.
Lorsqu’il s’est agi, messieurs, de rétribuer le
culte anglican, si mes souvenirs ne me trompent pas, ce n’est point la
constitution à la main, mais par des considérations d’une tout autre nature,
pas des considérations politiques, qu’on a amené la chambre à lui voter une
allocation.
La constitution ne veut donc pas qu’on accorde sans
distinction un traitement à tous les ministres du culte, et s’il en est ainsi,
la loi peut désigner quels sont les ministres qui seront salariés ; la section
centrale l’a reconnu elle-même.
Maintenant les vicaires doivent-ils être du nombre
des ministres du culte salariés par l’Etat ? c’est là la véritable question.
Après l’avoir examinée consciencieusement, je
penche quant à présent pour l’affirmative.
Je crois que le gouvernement et la chambre sont
d’accord sur un point, c’est qu’il y a quelque chose à faire pour le clergé des
campagnes : assez souvent, messieurs, lorsqu’on a exercé ici une critique plus
ou moins sévère sur certains détails du budget du clergé, je n’ai jamais
entendu exprimer qu’une seule opinion à l’égard du clergé des campagnes ; tout
le monde a été d’accord qu’il y a quelque chose à faire pour lui, qu’il y a
lieu d’améliorer sa position.
C’est donc une pure question de moyens qui se présente,
et vous aurez à choisir entre ceux qu’indique le gouvernement et ceux que vous
propose la section centrale. Ces moyens pourront, si le système de la section
centrale est admis, être modifiés par suite d’amendements.
Je crois qu’il entre dans la nature de la
discussion de jeter un coup d’œil sur la législation qui régit la matière.
Nous pouvons considérer, je pense, après les
décisions de l’assemblée constituante, comme point de départ de la discussion
actuelle la convention du 26 messidor an IX, autrement dite le concordat ; car,
messieurs, je ne partage pas l’opinion qui a été quelquefois exprimée dans
cette enceinte ; que toutes les dispositions organiques relatives au clergé, et
notamment celles du concordat de 1801, aient cessé d’être obligatoires dans
toutes leurs parties, par le seul effet de la promulgation de l’acte
constitutionnel.
Certes, les dispositions contraires au texte et à
l’esprit de la constitution ne peuvent se trouver dans la convention de
messidor an IX, dans la loi de germinal an X, et dans toutes les lois
postérieures, ces dispositions, dis-je, sont abrogées. Mais si, dans les lois
organiques des rapports du clergé avec l’Etat, il se trouve des dispositions
qui peuvent se concilier avec la constitution, sans contredit, messieurs, ces
dispositions n’ont cessé d’être en vigueur ; c’est ainsi que le gouvernement
applique journellement le décret du 18 germinal art X, en ce qui concerne
l’érection des cures et des succursales ; qu’il applique le décret du 30
septembre 1807, sur les créations des places de chapelain et de vicaire ; qu’il
applique enfin les dispositions du décret du 30 décembre 1809, qui règle
l’administration des fabriques d’église.
J’argumente donc d’abord de la convention du 26
messidor an IX, et j’y lis, art, 10 : « Les évêques nommeront aux cures,
leur choix ne pourra tomber que sur des personnes agréées par le
gouvernement. »
(Il va sans dire que je regarde la dernière partie
de cette disposition comme abrogée, puisque l’intervention de l’Etat dans la
nomination des ministres du culte est opposée à la constitution.)
L’article 11 de la même convention porte que le
gouvernement assurera des traitements convenables aux évêques et aux curés dans
les diocèses et les paroisses qui seront comprises dans la circonscription.
A la vue de ces deux dispositions, abstraction
faite de toutes les dispositions postérieures, si l’on se demande de bonne foi
ce que l’on a voulu dire par cures, curés et paroisses, évidemment on doit
reconnaître que ces expressions ont un sens beaucoup plus étendu que celui qui
leur a été donné par des dispositions ultérieures ; ces mots : cure, curé,
paroisse, dans leur sens naturel et vulgaire, m’ont toujours paru signifier
qu’il y aurait au moins un pasteur par commune, et que sous ce rapport l’administration
spirituelle était au moins, dans l’ordre des besoins des habitants, placée sur
la même ligne que l’administration civile. Evidemment, messieurs, ces
expressions doivent s’expliquer par les besoins des populations, par les
intentions qui, de la part de la cour le Rome, devaient avoir préside à la
convention de messidor an IX.
Or, en présence de ces dispositions, il est
manifeste qu’en restreignant le mot cures aux chefs-lieux des justices de paix,
on n’avait pas rétabli en France le culte catholique, objet exprès de la
convention du 26 messidor an IX.
Remarquez que les dispositions qui ont suivi sont
des dispositions unilatérales, où une des parties interprétait sans le concours
de l’autre, à la différence du concordat qui est un véritable contrat bilatéral,
un traité.
Dans la loi du 18 germinal an X, on définit avec
d’étranges restrictions ce qu’il faut entendre par cure, curé, paroisse :
l’art. 10 porte : « Il y aura au moins une paroisse dans chaque justice de paix
; il sera, en outre, établi autant de succursales que le besoin pourra
l’exiger. »
Voilà déjà, messieurs, une grave restriction du mot
paroisse, mot qui n’était pas défini dans la convention de messidor an IX.
Ensuite arrive pour la première fois (toujours dans
une disposition unilatérale qui interprète un traité) la définition d’une
succursale, mot nouveau qui n’a pas été une seule fois introduit dans la
convention de messidor.
Ce n’eût été rien, si l’art. 68 de la même loi
n’avait pas ajouté immédiatement que les vicaires et les desservants des
succursales ne jouiraient d’aucun traitement à charge de l’Etat.
Voilà une étrange façon d’exécuter l’art. 11 du
concordat, portant que le gouvernement assurera des traitements convenables aux
évêques et aux curés ; on restreint la définition des cures aux chefs-lieux des
justices de paix ; on déclare ensuite qu’il y aura des succursales, et, en
outre, que ces succursales ne seront pas rétribuées par le trésor public,
qu’elles seront à charge des communes. Il me semble que si l’on rapproche le
commentaire de la convention de messidor an IX du texte même de la convention,
il n’y a pas moyen de justifier une pareille interprétation.
Comment expliquer ceci ?
Qu’on se rappelle combien de préjuges, de
préventions haineuses, le premier consul avait froissés, par la signature du
concordat : le parti révolutionnaire, encore très actif alors, lui savait très
mauvais gré d’avoir accompli cet acte, un des plus politiques peut-être de
cette époque. De là, messieurs, une réaction plus ou moins vive ; et le premier
consul fut ainsi amené à retirer, en partie, d’une main ce qu’il venait
d’accorder de l’autre.
Mais bientôt la réaction qu’avait suscitée le
concordat dans une certaine portion du peuple français, ne tarda pas à
s’affaiblir ; des idées plus justes, plus bienveillantes envers le clergé,
reprirent cours ; aussi voyez-vous le gouvernement français, à mesure que
l’opinion publique devient plus favorable au culte, revenir peu à peu de
l’interprétation restrictive et évidemment injuste qu’il avait donnée au concordat.
C’est ainsi, par exemple, que l’on voit
successivement publiés : l’arrêté du 7 thermidor an XI, qui rend aux fabriques
d’église leurs biens non vendus ; le décret du 11 prairial an XII, qui crée 74
mille succursales et qui accorde un traitement de 500 fr. sur le trésor public
aux desservants de ces succursales ; puis le décret du 5 nivôse an XIII, qui
détermine la circonscription des nouvelles succursales, et qui déclare que les
titulaires de celles qui ne sont pas comprises dans cette circonscription,
restent à charge des communes ; puis enfin le décret du 30 septembre 1807, qui
porte les succursales à 30,000 et efface la distinction entre les succursales
subsidiées par le gouvernement et les succursales subventionnées par les
communes. Vous voyez quelle progression ont suivie les idées que j’ai signalées
tout à l’heure. Vous voyez que successivement le gouvernement français se
rapproche du véritable sens de la convention du 26 messidor an IX, en
s’éloignant par une sage gradation des restrictions véritablement iniques
auxquelles il avait assujetti l’interprétation de cette convention. Toutefois,
messieurs, par le décret du 30 septembre 1807, on ne créa pas encore un curé ou
desservant par commune ; ce qui, à mon avis, était le vœu du concordat de 1801.
Le décret du 30 septembre 1807, après
avoir institué de nouvelles succursales, ne s’occupa que de l’institution de
chapelles et d’annexes destinées à suppléer aux besoins du culte, auxquels il
n’avait pas été pourvu par la création de ces succursales ; mais on négligea de
faire justice complète, et les traitements des chapelains et vicaires furent
mis à la charge des communes.
Reconnaître la nécessité des chapelles, c’était
cependant reconnaître la nécessité des succursales ; car, véritablement, dans
l’ordre des services que rendent les chapelains et les desservants, il y a
assimilation parfaite ; cela est si vrai, messieurs, que c’est très souvent un
chapelain qui dessert seul une commune tout entière, c’est lui qui en est
l’unique pasteur.
La chapelle a, comme la succursale, sa fabrique
séparée : elle peut ester en justice et recevoir par testament et par donation
; le chapelain ressortit, non pas au desservant, mais au curé primaire, de
manière que dans l’ordre des services qu’il rend, et dans la position qu’il
occupe dans la hiérarchie ecclésiastique, le chapelain est entièrement assimilé
au desservant. Dès lors, où est la raison d’une distinction qui n’a cessé
d’exister jusqu’aujourd’hui ? le texte du décret du 30 septembre 1807 paraît
contraire à cette assimilation, mais la jurisprudence administrative et
judiciaire l’a positivement établie.
Il y a, sous la dénomination générale de vicaires,
trois sortes de ministres du culte : les chapelains auxquels le gouvernement
accorde un traitement de 400 francs ; les desservants d’annexes, qui reçoivent,
je crois, un traitement de 210 francs, et enfin les vicaires qui desservent
dans une église, sous la direction d’un curé ou d’un desservant, et auxquels,
si je ne me trompe, le même traitement de 21 francs est alloué. Mais
quelques-uns de ces fonctionnaires continuent à être rétribués par la fabrique,
ou, à son défaut, par la commune. Les chapelles sont ordinairement créées par
suite d’une délibération du conseil communal, qui établit les ressources
destinées à constituer la dotation et qui fournit un logement. L’annexe
s’établit d’après le vœu des principaux contribuables, et l’engagement qu’ils
prennent de faire face au traitement des titulaires.
Les titulaires d’annexes ont aussi la dénomination
de vicaires ; et, bien qu’ils soient jusqu’à certain point sous la dépendance
du desservant, ils ont d’ordinaire pour ressort une ancienne commune réunie
sous le rapport administratif, mais souvent isolée du chef-lieu.
Pour les chapelains donc, qui ont l’administration
d’une commune toute entière, je pense qu’il y aurait injustice à ne pas leur
appliquer toutes les dispositions que j’ai retracées tout à l’heure, à ne pas
les mettre à peu près sur la même ligne que les desservants. Je n’entends pas
dire cependant qu’on doive leur donner le même traitement, car leur
circonscription est moins étendue, les communes où ils exercent moins
populeuses ; mais qu’ils doivent être rétribués par le trésor public.
Je sais, messieurs, l’objection que l’on fera au
système, qui a déjà prévalu dans une discussion précédente. Il faut craindre,
dira-t-on, la multiplicité des créations nouvelles de vicaires ; il faut
craindre d’abandonner aux évêques la faculté de grever le budget de l’Etat,
sans aucune espèce de contrôle et d’obstacle. Je crois que cette crainte est
véritablement chimérique. Car nous avons une double garantie contre l’abus
qu’il prévoit.
Je pense que l’autorisation du gouvernement restera
indispensable, même sous l’empire de la loi que vous allez voter, pour la
création d’un vicariat ou chapelle quelconque, en ce sens qu’elle donnerait le
droit de réclamer un traitement du trésor public. Si l’autorité spirituelle a
les moyens de faire face aux traitements des vicaires ou chapelains qu’elle
institue, sans recourir au trésor public, le gouvernement n’a pas qualité pour
intervenir ; mais je pense que son intervention est indispensable dès qu’il
s’agit de créer une fonction ecclésiastique qui donne lieu à une demande de
subside sur le budget. C’est ce que le gouvernement a fait toutes les fois
qu’on a érigé une succursale ou chapelle pour laquelle on a réclamé un
traitement du trésor public, ou l’homologation d’une dotation votée par la
commune.
La seconde garantie que nous avons contre l’abus
qu’on craint, est le vote annuel des chambres. Vous les appelez chaque année à
apprécier les besoins du culte ; et la rédaction que vous propose la section
centrale ne méconnaît pas ce droit. La constitution, d’ailleurs, établit ce
droit d’une manière positive, car elle dit : « Les chambres votent
annuellement les fonds nécessaires pour faire face aux besoins du service du
culte. »
Nous trouvons donc une double garantie dans le
contrôle des chambres et l’intervention du gouvernement. Le gouvernement n’autorisera
pas, sans nécessité, la création de vicariats à la charge du trésor, et s’il le
faisait, l’investigation à laquelle vous vous livrez chaque année quand il
s’agit des besoins du culte comme des autres parties du budget en ferait
justice.
Voici ce qui arrive avec le système actuel. Ce sont
les communes pauvres qui sont en général victimes du système que le ministre
propose de maintenir.
Dans les communes riches ou populeuses, il y a un
curé ou desservant rétribué par l’Etat, sauf le supplément de traitement que le
conseil communal peut leur accorder ; mais cela est purement facultatif.
Au contraire, les communes pauvres, qui n’ont en
général que des chapelains ou vicaires, sont placées dans la position la plus
défavorable, à ce point que beaucoup sont obligées de créer des cotisations
personnelles pour s’assurer les moyens d’avoir un vicaire.
Qu’arrive-t-il dans les communes où le traitement
du vicaire n’est pas à la charge de l’Etat ? C’est ce que pour la plupart des
dépenses d’amélioration administratives, pour les dépenses indispensables,
l’Etat et la province sont accablés de demandes de subsides. S’agit-il de
réparer l’église, le presbytère ou l’école, les fonds de la commune étant
absorbés par le traitement du vicaire qui souvent est la principale dépense, il
y a impossibilité de réparer si l’Etat et la province n’accordent pas de
subsides. Si vous rendez à ces communes pauvres une grande partie de leurs
ressources en mettant le traitement des vicaires à la charge de l’Etat, elles
vous demanderont moins de subsides, et vous serez plus en droit de leur faire
faire seules les dépenses que peut réclamer l’entretien des édifices communaux
; vous ne pouvez l’exiger aujourd’hui que pour faire face aux dépenses
obligatoires et indispensables, elles sont obligées de créer des cotisations
personnelles.
Quant aux motifs de convenance, qu’on a fait valoir
dans une discussion antérieure, pour mettre les traitements de ces vicaires à
la charge de l’Etat, il me paraît qu’on n’y a jamais répondu.
Il y a quelque chose d’odieux, aux yeux des
habitants d’une commune pauvre, à devoir s’imposer spécialement pour le
traitement du ministre du culte. Il est impossible que les rapports qui doivent
exister entre la population du village et le pasteur n’en soient pas altérés de
manière à porter atteinte à la considération et à l’influence de celui-ci.
Je sais que le ministre de l’intérieur croit avoir
répondu à cette objection en changeant le mode de procurer au vicaire ou
chapelain les fonds nécessaires à son traitement. Mais ce n’est là qu’un vain
palliatif. Qu’importe aux habitants d’une commune que les fonds passent par la
main du trésorier de fabrique ou du receveur communal, pour arriver dans celles
du vicaire ? Quant au vicaire ou chapelain, cela peut diminuer quelque peu le
désagrément de sa position ; mais cela empêche-t-il l’habitant de savoir que
s’il paie une cotisation personnelle, cela vient de la dépense portée au budget
de la commune pour faire face au traitement de son curé ? Les communes ne s’y
méprennent pas.
Aujourd’hui quand une commune est obligée de faire
face à une dépense obligatoire, par exemple, pour entretenir un aliéné ou un
mendiant dans un dépôt de mendicité, croyez-vous que si on est obligé de créer
une cotisation personnelle, on ne s’enquiert pas des motifs ? qu’on ne
considère que l’insuffisance des ressources ? Détrompez-vous : la commune
ne prend pas le change ; elle sait au juste pourquoi elle est obligée de payer
une cotisation annuelle. Elle le saura, que le paiement se fasse par le trésorier
de la fabrique on par le receveur communal.
La commune saura que s’il y a lacune dans ses
ressources, c’est uniquement au traitement du vicaire qu’elle est obligée de
payer qu’il faut l’attribuer. Voilà ce qui peut singulièrement altérer les bons
rapports qui doivent exister entre le pasteur et les habitants d’une commune
rurale.
Qu’arrivera-t-il dans telle commune ou
l’administration se trouvera bien disposée en faveur du chapelain ? On lui
votera un traitement de 500 francs, le maximum. Et si par la suite il y a un
revirement d’opinion, s’il survient quelque dissentiment entre le pasteur et le
chef de l’administration communale, on proposera de réduire le traitement du
vicaire à 400 fr., ou même au minimum 300 francs, on ne manquera pas de raisons
pour motiver ces réductions ; il faudra que le vicaire réponde, que l’autorité
supérieure intervienne, etc.
Il ne convient pas d’exposer le vicaire d’une
commune à de semblables tracasseries, suite naturelle des fluctuations
possibles dans le personnel administratif de la commune.
Il n’y a pas de fonctionnaire si infime qu’il soit
qui voulût accepter une semblable position, qui voulût voir ainsi marchander
son traitement, remettre en question sa position.
C’est pourtant là le sort auquel est exposé le plus
grand nombre des titulaires de vicariat ou de chapelle, d’après le système
qu’on veut faire prévaloir.
On dit qu’ils sont exposés aux mêmes vicissitudes,
si leur traitement est mis à la charge de l’Etat ; qu’il sera également remis
en question chaque année, le crédit étant soumis au vote législatif. Je ferai
observer que les chambres sont placées au-dessus des passions qui s’agitent
dans de petites localités. Ne pensez pas que dans une commune on propose la
réduction du traitement d’un vicaire, par mesure de réforme administrative ;
non, ce sera par suite d’une collision entre tel ou tel membre influent du
conseil et le vicaire de la commune. Voilà ce qui arrivera le plus souvent. De
telles passions n’ont pas accès chez vous, vous ne procédez que sous l’empire de
vues et plus générales, et dès lors plus impartiales : les petites passions qui
peuvent être soulevées dans des localités restreintes, ne peuvent se manifester
dans cette enceinte.
Je sais que les ministres,
dans une sollicitude bien naturelle pour le budget de l’Etat, se récrient sur
l’augmentation qu’il subirait si on y portait le traitement des vicaires. Je
crois qu’on a un peu exagéré en portant le surplus de dépense à 800 mille
francs. Je ne sais si dans ce chiffre on a tenu compte des traitements et
suppléments qui sont payés actuellement par l’Etat. Les traitements des
chapelains ne doivent être majorés que d’un cinquième.
Je ne sais pas non plus si on a songé à la
diminution qui sera apportée au chiffre assez considérable des subsides que le
gouvernement accorde maintenant aux communes, pour réparation de presbytères et
d’églises.
Or, si vous laissez aux petites communes la
meilleure partie de leurs ressources en prenant à votre charge les traitements
qu’elles devaient s’imposer, évidemment vous pourrez introduire une réduction
dans les subsides que le gouvernement accorde chaque année pour réparations des
presbytères et des églises, subsides qui s’élèvent, comme je l’ai dit, à un
chiffre assez considérable.
Ce n’est pas d’ailleurs une simple question de
finances pour beaucoup d’entre vous, c’est une question de constitutionnalité.
Pour d’autres, c’est une question d’équité, une question de convenance
politique et administrative, une question de bonne foi.
Il en résultera en outre que la position financière
de beaucoup de communes en recevra une notable amélioration. On pourra faire un
bon usage des ressources qui seront disponibles du moment où l’on cessera de
laisser à leur charge des dépenses qui, selon mot d’après les dispositions
antérieures doivent être à charge de l’Etat.
D’après ces considérations, et en attendant les
lumières d’une discussion ultérieure, je suis disposé à voter contre le projet
de loi présenté par M. le ministre de l'intérieur.
M.
Fallon. - Si le gouvernement avait eu quelque chose de nouveau à nous
dire sur l’application de l’article 117 de la constitution au traitement des
vicaires, je ne trouverais pas étrange qu’il soit venu nous demander la
révision de notre premier jugement.
A défaut de renseignements suffisants ou d’une
discussion assez approfondie sur une mesure proposée par le gouvernement, la
chambre, en la rejetant, pourrait avoir procédé trop précipitamment, pourrait
avoir mal jugé.
En semblable circonstance, j’applaudirais à
l’insistance du ministère.
Mais lorsqu’il ne s’est agi que d’une question de
principe, lorsque cette question n’a été résolue qu’après un long délibéré,
qu’après une discussion à laquelle ont pris part la plupart des membres de
cette chambre, je ne comprends pas qu’au dépourvu de nouvelles considérations,
et ne revenant à la charge qu’avec des arguments déjà victorieusement réfutés,
on puisse se flatter d obtenir que la chambre se réforme.
La question des vicaires n’était pas une de ces questions
incidentes qui passent inaperçues.
Lorsqu’en 1834 une pétition vint soulever la
difficulté, la question avait déjà eu du retentissement dans plus d’une
localité.
La chambre jugea que l’objet de cette pétition
méritait un sérieux examen ; cette pétition fut renvoyée à l’avis de la section
centrale qui s’occupait alors du budget de l’intérieur.
Cette section, dont la majorité se composait de
membres qui avaient siégé au congrès, fut unanimement d’avis que, dans l’esprit
comme dans les termes de l’article 117 de la constitution, les traitements et
suppléments de traitements des vicaires, étaient une charge générale à laquelle
il devait être pourvu par le budget de l’Etat.
Ce n’est qu’un an après, en février 1835, que la
question se reproduisit à l’occasion d’un amendement à la loi d’organisation
communale.
La chambre avait eu une année tout entière pour
délibérer sur le sujet de cet amendement ; il fut vivement discuté et rejeté à
une grande majorité.
Nous voici maintenant en 1836. La question n’a pas changé
de face ; les principes sont restés les mêmes, et ce sont les mêmes juges qui
sont appelés à prononcer de nouveau.
En présence de ces antécédents, les convictions
resteront sans doute aussi les mêmes, alors surtout que le ministère ne nous
apporte aucun nouveau moyen de solution.
Quoi qu’il en soit, puisqu’on nous oblige à
recommencer le procès à nouveaux frais, il faut bien tout au moins en résumer
et en discuter les principaux actes.
Le jugement de la chambre a porté tout à la fois
sur une question constitutionnelle et sur une question de convenance.
Je ne parle pas de la question d’argent que l’on
veut faire intervenir aux débats, parce que, pas plus aujourd’hui qu’alors, ce
moyen n’est et ne peut être d’aucune considération.
Celui qui a la conscience que la disposition
constitutionnelle n’est pas douteuse, ne fera pas violence à son opinion parce
qu’il s’agirait de grever le budget d’un chiffre plus ou moins élevé ; ce
serait là, à raison de la matière, un calcul financier peu digne de la représentation
nationale.
Sur la question constitutionnelle, l’honorable
rapporteur de la section centrale a parfaitement exposé les motifs qui ont
déterminé l’opinion de la majorité. Les considérations sur lesquelles il les a
appuyés sont décisives.
A l’argument tiré de la généralité des termes de
l’art. 117, on a opposé que ceux-là mêmes qui attribuent à la disposition un
sens aussi absolu, sont forcés de lui assigner des limites, puisque, sans cela,
ce ne sont pas seulement les curés, les desservants et les vicaires qui
devraient être salariés par l’Etat, mais tout prêtre généralement quelconque,
puisque tout prêtre est ministre du culte.
Cette objection serait fondée s’il était dit d’une
manière générale et indéterminée, dans l’art. 117, que les ministres du culte
sont salariés par l’Etat ; mais tel n’est pas le langage de la disposition dont
nous argumentons. Il ne s’y agit pas de tous les ministres des cultes sans
distinction, mais bien tout spécialement des ministres des cultes qui avaient
droit et qui recevaient des traitements et pensions.
L’art 117 de la constitution veut, non pas que tous
les ministres du culte en général soient rétribués par l’Etat, mais seulement
que les ministre de culte à traitements soient à sa charge sans aucune
distinction.
Or, en ce qui concerne notamment le culte
catholique, quels étaient les ministres du culte qui étaient à traitements ?
Ce n’étaient pas tous les prêtres du culte
catholique en général, mais seulement ceux qui se trouvaient activement chargés
de pourvoir aux besoins religieux d’une paroisse ; ceux qui exerceraient une
véritable fonction paroissiale ; c’étaient donc, suivant les besoins des
diverses localités, et, outre le haut clergé, les curés, les desservants et les
vicaires.
Ce sont bien là les ministres du culte catholique
qui recevaient des traitements et qui les recevaient tous au même titre, le
besoin du service religieux.
En effet, lorsque, dans une paroisse populeuse, le
curé ou le desservant ne pouvait suffire, un vicaire lui était adjoint ; ce
vicaire partageait avec lui le service de la paroisse ; il avait donc le même
droit à un traitement puisqu’il n’était pas moins indispensable à ce service
que tel autre desservant d’une paroisse moins populeuse ou moins étendue, qui
pouvait faire le service sans avoir besoin d’un adjoint.
Qu’importe la circonstance que les uns étaient
payés par l’Etat, les autres par les fabriques ou les communes.
Si cette circonstance ne changeait rien à la nature
de leurs services, ils n’en étaient pas moins ministres du culte à traitements,
dans l’acception légale ; ils n’étaient pas moins chargés chacun du service
d’une paroisse.
Qu’importe également cette autre circonstance que
les vicaires exerçaient leur ministère sous la direction et la surveillance des
curés.
Si cette circonstance pouvait être prise en
considération pour excepter de la disposition constitutionnelle les vicaires,
il faudrait aussi, pour être conséquent, en excepter les desservants.
Ouvrez la loi du 18 germinal an X, et vous lirez, à
l’art. 31, que les desservants étaient rangés sur la même ligne que les
vicaires, et que les desservants aussi n’exerçaient leur ministère que sous la
direction et la surveillance des curés.
Or, alors que, sans admettre aucune de ces
distinctions, qui n’étaient d’ailleurs que purement arbitraires sous la
législation du concordat, la constitution est venue nous dire, en termes
généraux, que les traitements des ministres du culte sont à la charge de
l’Etat, prétendre qu’il y a doute si les vicaires se trouvent compris dans ce
langage, pour s’autoriser à recourir à la voie d’interprétation, c’est un abus,
c’est un antécédent dangereux.
Il n’est pas d’article de la constitution, quelque
clair qu’il soit, qu’on ne puisse parvenir à altérer, si, dans un cas
semblable, le doute légal peut être permis.
Voyons toutefois, si même en nous plaçant sur le
terrain de l’interprétation, on pourrait raisonnablement faire fléchir le
texte.
Vous dites que, par le concordat, le gouvernement français
n’avait pris d’engagement qu’à l’égard des évêques et des curés ; que ce n’est
qu’après coup qu’il voulut bien y associer les desservants, mais que, quant aux
vicaires, il ne voulut pas s’en charger, et qu’en conséquence il les abandonne
à la discrétion des fabriques, des communes ou des cotisations volontaires des
paroissiens.
Vous ajoutez que cet état de choses fut maintenu
par le roi Guillaume et continué, même pendant trois ans, par le gouvernement
belge.
Vous en concluez que c’est en vue de maintenir cet
état de choses que le congrès a voté l’art. 117, et qu’en conséquence c’est
dans cet esprit qu’il faut entendre la disposition.
C’est bien dans ce raisonnement que se résume votre
système. C’est bien dans cette argumentation que se concentrent les différents
moyens sur lesquels il est appuyé.
Pour en apprécier la justesse, il faut l’examiner
dans toutes ses parties, et soumise à cette épreuve, il est facile de
s’apercevoir qu’elle n’a rien de concluant.
Vous parlez du concordat, et déjà vous divisez la
disposition de l’art 117 ; car ce n’est pas seulement du culte catholique, mais
de tous les cultes existants en Belgique qu’il est question en cet article.
Toutefois, puisqu’il s’agit plus spécialement des
vicaires j’admets pour le moment cette division, et je ne m’occuperai d’abord
que du culte catholique.
Pour juger sainement de l’état des choses et des
esprits à l’époque où le congrès a été appelé à statuer sur les traitements, en
ce qui pouvait concerner le culte catholique, je ne crois pas que ce soit au
concordat qu’il faut prendre le point de départ ; je pense qu’il faut
rétrograder d’une quinzaine d’années.
Voyons cependant, puisqu’on argumente du concordat
et de la législation, si le concordat était bien de nature à faire impression
sur le congrès dans la réforme qu’il voulait introduire dans les institutions
du clergé.
Avant d’en venir à l’art 117, avant de s’occuper du
traitement des ministres du culte, le congres s’était déjà trouvé à plusieurs
reprises, dans la discussion de la constitution, en présence du concordat.
La convention du 26 messidor an IX attribuait au
chef de l’Etat la nomination des évêques et des curés, elle exigeait d’eux un
serment tout politique ; aucun prêtre ne pouvait être ordonné sans
l’autorisation du gouvernement.
Vous connaissez l’impression que ces dispositions
capitales ont faite sur le congrès.
Le droit d’intervenir, soit dans la nomination,
soit dans l’installation des ministres du culte, fut refusé à l’Etat.
Les articles organiques défendaient la publication
d’aucune bulle sans l’autorisation du gouvernement.
Le congrès a donné main levée de cette défense.
L’enseignement dans les séminaires était placé sous
le contrôle du gouvernement.
Cet enseignement a été complètement émancipé par le
congrès.
L’exercice du culte était astreint à des mesures de
police. Le congrès en a proclamé la plus entière liberté.
Je m’abstiens des autres modifications
fondamentales que le congrès a apportées au concordat.
Dans ce renversement complet de la convention du 26
messidor an IX, le congrès, arrivé à l’art. 117, s’est-il arrêté ? a-t-il voulu
conserver là une fraction de l’édifice ? a-t-il voulu maintenir l’état de
choses quand au traitement des ministres du culte ?
C’est bien là le sujet de l’interprétation à
laquelle on veut se livrer.
Mais d’abord qui doit être charge de la preuve ?
Ce n’est pas nous, car nous avons de notre côté le
texte de la constitution. La disposition est générale ; donc les traitements
des vicaires y sont compris, si on ne prouve une intention contraire de la part
du congrès ; nous n’avons donc rien à prouver,
C’est à ceux qui combattent le texte à prouver que
le congrès a voulu autre chose que ce qu’il a si clairement exprimé.
Vous prenez donc une position qui ne vous
appartient pas, lorsque vous posez en fait ce qui est en question ; lorsque
vous posez la question comme si c’était à nous, à prouver que le congrès a
voulu effectivement moduler la législation du concordat en ce qui concernait
les traitements.
La modification est dans les termes de la disposition,
cela suffit à notre système. Si vous prétendez que ce n’est pas là l’esprit du
congrès, c’est à vous à le démontrer.
Si nous avions, nous, à justifier la lettre dans
toute la généralité de ses termes, notre tâche serait facile à remplir.
Nous vous dirions qu’alors que le congrès
repoussait le concordat dans les dispositions capitales, on ne peut pas croire
qu’il voulût le conserver dans la partie non moins essentielle des traitements.
Nous vous dirions que ce n’est pas du concordat
qu’il faut prendre le point de départ, mais qu’il faut rétrograder jusqu’au
décret du 2 novembre 1789 ;
Qu’il n’est pas possible que ce décret qui avait
proclamé solennellement que les biens du clergé n’avaient été attribués à la
nation qu’à la charge de pourvoir d’une manière convenable aux frais du culte
et à l’entretien de ses ministres, ait pu échapper au congrès ;
Qu’il n’est pas possible que le congrès ne se fût
pas aperçu que ce principe de justice nationale avait été méconnu dans la
législation du concordat, qui n’avait chargé l’Etat que du traitement des
évêques et des cures, dont un seulement par justice de paix ;
Qu’il n’est pas possible qu’il ne lui soit pas venu
dans la pensée que le ministère des desservants et des vicaires n’étant pas
moins indispensable au service du culte, leurs traitements devaient également
être supportés par l’Etat ; que si l’infraction au principe du décret de 1789
avait ensuite été rectifié, quant aux desservants, le motif était le même pour
opérer le même redressement quant aux vicaires ; et qu’enfin, en laissant plus
longtemps les traitements des vicaires à la charge des communes, l’injustice
était d’autant plus flagrante que ce n’étaient pas les communes qui avaient
profité des biens du clergé, destinés à pourvoir à ces traitements, mais
l’Etat.
Vous avez contesté l’existence de cette injustice
en vous appuyant sur cette considération que c’est à la charge des fabriques
que les traitements des vicaires ont été portés, et que ce n’est que tout à
fait subsidiairement que les communes étaient appelées à y pourvoir.
Mais cet argument n’est qu’une subtilité incapable
de faire illusion.
Une charge n’en est pas moins une charge parce
qu’elle ne serait que subsidiaire.
Si les fabriques étaient en général assez riches
pour que ce ne soit que dans des cas rares que les communes eussent été
obligées d’y suppléer, ce ne serait effectivement là qu’une charge subsidiaire
; mais à l’époque du congrès, comme à présent, on sait qu en fait la charge est
bien une charge principale.
Ces diverses considérations, sur lesquelles on ne
peut contester que le congrès a dû nécessairement porter son attention,
puisqu’il s’occupait précisément à démolir le concordat, cette considération
était bien de nature à le déterminer à repousser le concordat sur ce point
comme sur tout autre.
Si donc c’était à nous, qui avons le texte en notre
faveur à prouver que l’intention du congrès a dû se trouver en harmonie avec la
généralité des expressions dont il s’est servi ; ou que tout au moins les
motifs les plus puissants existaient pour comprendre dans ladite position les
traitements de tous les ministres nécessaires à l’administration du culte, nous
satisferions complètement à toutes les exigences.
Voyons toutefois si, dans vos mains, le secours de
l’interprétation peut amener une solution aussi concluante ; voyons comment
vous essayez de justifier que ce n’est pas là ce que le congrès a voulu ; qu’il
a voulu que les choses restassent dans un état stationnaire, qu’il n’a voulu
donner aux ministres des cultes qu’une garantie de fixité.
Vous invoquez ce qui s’est dit au congrès dans la
discussion de l’art. 117. Mais déjà l’honorable rapporteur de la section
centrale a fait remarquer que, si l’un ou plusieurs membres de cette assemblée
ont manifesté une opinion conforme à votre système, il y a compensation,
puisque d’autres orateurs ont manifesté une opinion contraire.
Vous ne pouvez donc vous prévaloir de ce qui s’est
dit au congrès ; vous le pouvez d’autant moins que rien ne garantirait que la
majorité est déterminée plutôt par l’une que par l’autre de ces opinions. En
conséquence, dans le doute, c’est encore au texte qu’il faudrait s’en tenir.
A la dissertation très lumineuse du rapporteur de
la section centrale sur ce point, je n’ajouterai que ce qui m’a le plus frappé
dans l’historique de cette discussion.
Il est un membre de cette assemblée qui, pour moi,
fait ici autorité, et qui me semble devoir imposer silence à la controverse par
la conséquence décisive de son témoignage.
C’est lui qui est l’auteur de l’amendement sur lequel
l’art.
C’était, nous a-t-il dit, c’était précisément parce
que le projet de la section centrale du congrès avait pour objet le maintien et
la fixité de la législation existante, et que le statu quo allait résulter
naturellement de son adoption, que ces amendements furent proposés.
L’argument est ici sans réplique. Si le projet de
la section centrale avait effectivement pour objet le statu quo, si ce projet
fut combattu par des amendements, si l’un de ces amendements a été adopté, il
faut bien en conclure qu’on a voulu autre chose que ce que voulait la section
centrale, qu’on a voulu autre chose que le statu quo.
A coup sûr l’honorable M. Thienpont voulait autre
chose, et son amendement expliquait même surabondamment ce qu’il voulait.
Il voulait que les traitements des ministres du
culte, sans distinction de curé, de desservant ou de vicaires, fussent à la
charge de l’Etat, et, pour que l’on comprît bien son intention, il se servit
même du mot « exclusivement ».
Ce mot « exclusivement » est ensuite
disparu ; mais voyez comment et pourquoi il est disparu, sans que M. Thienpont
lui-même s’y opposât.
Il faut remarquer que M. Thienpont n’avait présenté
son amendement que comme paragraphe additionnel à la rédaction même proposée
par la section centrale, rédaction déjà un peu prolixe.
Pendant la discussion, M. Destouvelles réduisit, en
une seule disposition plus laconique, la proposition de la section centrale
avec l’addition proposée par M. Thienpont, rédaction nouvelle qui fut agréée et
forma l’art.117.
Le mot « exclusivement » n’y était plus,
cela est vrai, mais il se trouvait suffisamment remplacé par la généralité des
expressions que proposa M. Destouvelles, et M. Thienpont se rallia à cette
rédaction.
Or lorsque c’est l’auteur même de l’amendement qui
nous dit qu’il ne s’est pas opposé au retranchement du mot
« exclusivement, » parce qu’il a regardé ce mot comme devenant
surabondant dans la nouvelle rédaction proposée, vous ne pouvez pas argumenter
de ce retranchement pour contester la portée de la disposition.
Que certains membres du congrès aient pensé que ce
retranchement restreignait la généralité des termes, et rétablissait le statu quo,
cela paraît certain ; mais on ne peut pas en conclure que ce fut là l’opinion
de la majorité.
Nous avons la certitude que telle ne fut pas
l’opinion de M. Thienpont, qu’elle ne fut pas l’opinion de M. l’abbé de Foere,
que telle ne fut pas non plus celle de ses collègues du congrès, qui, dans le
rapport de la section centrale de 1834 sur la pétition relative aux vicaires,
nous attestent comme lui que les traitements et suppléments de traitements des
vicaires étaient compris dans l’esprit comme dans les termes de l’art. 117.
Cette section était alors composée de MM. Coppieters, Desmet, Pollénus,
Gendebien, de Puydt, Dugniolle et Dubus.
Or, dans ce conflit d’opinion, quelle a été celle
de la majorité ?
Vous voulez que ce soit celle qui rentre dans votre
système, mais la conséquence est évidemment inadmissible ; car dès lors que
nous avons la preuve que plusieurs membres de la majorité ont partagé le
système contraire, rien ne vous autorise à supposer que ceux-ci eussent été en
minorité dans la majorité.
Il faut donc encore, dans cet état de choses, s’en
tenir au texte, et ne pas sortir de la propre signification des termes, quelque
générale qu’elle soit.
Abordant cette signification, vous nous dites que
c’est la langue française que l’on a parlée, et vous nous renvoyez à la charte
française, où, suivant vous, les mêmes termes sont entendus autrement que nous
voulons les faire comprendre.
Mais cette argumentation est encore en défaut, et
quant au fait, et quant à la conséquence.
Sauf la tournure de la phrase, les termes,
dites-vous, sont parfaitement synonymes.
C’est déjà peu logique, dans la recherche du sens à
attribuer à une disposition de loi, que de ne pas vouloir tenir compte de
l’ordre dans lequel la pensée a été exprimée ; mais ce qui est plus étrange, c’est
de trouver une synonymie, et une synonymie parfaite, dans le langage de la
charte française et le langage de l’art. 117.
« Les ministres de la religion catholique… et
ceux des autres cultes chrétiens reçoivent des traitements du trésor public. »
Voilà le langage de la charte française.
On y remarque, d’abord, que la disposition ne
s’applique qu’au culte catholique et aux autres cultes chrétiens, de manière
que tous les autres cultes sont exclus de la disposition ;
Que l’on donne à la phrase quelle tournure on
voudra, cette restriction, cette exclusion des autres cultes est dans la charte
française, et elle n’est pas dans la disposition de l’art. 117 ; ainsi, de ce
premier chef la synonymie n’existe pas.
On y remarque, en second lieu, que ce ne sont pas
« leurs » traitements que les ministres catholiques doivent recevoir
du trésor public, mais « des » traitements, expression qui permettait
à la législature française de n’imposer au trésor qu’une partie des traitements
et de rejeter le surplus sur les communes.
Cet expédient n’est pas donné à la législature
belge dans la rédaction de l’art. 117 ; ce sont non pas « des
traitements, » mais « les traitements » entiers qui sont imposés
à l’Etat.
Ainsi, de ce second chef, pas de synonymie encore.
Une troisième remarque, et celle-ci est plus
concluante encore.
La charte française se borne à déclarer que les
ministres du culte catholique reçoivent des traitements du trésor public, sans
indication de la manière dont il y sera pourvu, tandis qu’ici la signification de
la disposition principale est renforcée par une disposition accessoire qui ne
se trouve pas dans la charte française.
Les sommes nécessaires pour faire face à ces
traitements seront annuellement parties au budget.
Il n’y a donc aucune synonymie entre la charte
française et notre constitution, quelle que soit la tournure que l’on veuille
donner à l’arrangement des mots.
Il y a plus, c’est qu’il n’existe aucune analogie
entre les idées que l’on était appelé à exprimer de part et d’autre ; il n’y
avait pas surtout d’analogie dans l’esprit qui devait dicter l’une et l’autre
disposition.
En France, ou ne voulait se lier qu’envers les
ministres de certains cultes, et ici on a voulu se lier envers les ministres de
tous les cultes indistinctement.
En France, on ne voulait se lier qu’envers les
ministres du culte catholique et des autres cultes chrétiens, parce que ce
n’était qu’envers ces cultes que l’Etat se trouvait engagé par le concordat et
les articles organiques.
En France, on ne voulait ni toucher ni déroger au
concordat sur aucun point ; et l’on sait que, suivant la législation du
concordat, il n’y avait que certains traitements qui étaient à la charge de
l’Etat ; on y tint en conséquence un langage conforme à l’état de choses que
l’on voulait maintenir.
Ici, tout au contraire, on était précisément occupé
à renverser, pour ainsi dire complètement, le concordat et sa législation, et
on ne laissa debout que quelques parties sans cohérence.
Ce n’est donc pas, comme en France, sous
l’influence de la législation du concordat, que l’on est appelé à résoudre la
question des traitements.
Les positions étant différentes, les expressions ne
peuvent avoir été dirigées par le même esprit.
Il y a présomption là que l’on a voulu maintenir l’état
de choses existant, puisqu’on ne voulait toucher et qu’en fait on ne touchait
pas à la législation du concordat sur aucun point.
Ici il y a présomption qu’on n’a pas voulu
s’arrêter à la législation existante quant aux traitements des ministres du culte
catholique, puisqu’on ne voulait pas maintenir et qu’en fait on ne maintenait
pas le concordat dans ses autres dispositions non moins importantes ;
puisqu’enfin on ne voulait pas conserver l’état de choses établi par le
concordat.
Nous avons de plus ici cette circonstance : qu’en
fait on n’a pas voulu de la charte française.
M. Forgeur en avait rapporté les termes textuels
dans l’amendement qu’il proposa. Cet amendement a été rejeté pour adopter la
rédaction de l’art. 117 ; d’où il faut encore conclure qu’on a voulu exprimer
autre chose que ce que voulait la charte française.
La synonymie n’existe donc pas, et d’ailleurs la
conséquence que l’on voudrait en tirer serait d’autant plus illégitime qu’il
faudrait attribuer la même signification à des termes employés dans un esprit
tout différent, et sous l’influence d’une préoccupation diamétralement opposée.
J’aborde une autre objection.
L’exécution de la loi, dit-on, est ordinairement
l’interprète la plus fidèle, de l’intention qui a dicté la disposition.
Or, jusque vers la fin de 1833, aucune commune ne
s’était avisée de soutenir que l’état précédent des choses avait subi quelque
modification ; les vicaires ont continué à être payés comme précédemment, et
deux budgets ont été votés sans qu’aucune ne voix se soit élevée, ni à la
chambre, ni au sénat, tandis que les deux chambres comptaient beaucoup de
membres qui avaient figuré au congrès.
Donc, dit-on, l’exécution de l’art. 117 prouve
qu’en effet l’on n’avait pas voulu innover à l’état existant des choses.
Je reconnais que l’exécution donnée à la loi est un
moyen d’interprétation.
Mais cependant, quelque puissant que soit en
général ce moyen, il n’est concluant qu’alors que l’on ne peut assigner une
autre cause à la divergence existante entre l’exécution et le texte de la
disposition, qu’alors que l’on ne peut pas rendre compte de cette divergence.
Si la constitution avait pu être mise en action
dans toutes ses parties immédiatement, ou peu de temps après sa publication, je
concevrais qu’on aurait fort mauvaise grâce de venir deux ans après mettre en
doute si c’est bien dans son esprit que telle ou telle disposition a reçu son
exécution.
Mais, dans, les deux premières années de notre
existence politique, nous avions bien autre chose à faire qu’à nous occuper des
traitements des vicaires ; des matières bien autrement importantes ont dû
rester en souffrance.
L’opportunité d’une discussion sur les traitements
des vicaires ne devait trouver sa place qu’alors que l’on s’occuperait de
l’organisation communale.
C’est ce que fit observer, avec vérité, la section
centrale dans son rapport de 13 février 1834 sur le budget de l’intérieur, tout
en émettant cependant l’avis que, pour se conformer à la constitution, les
traitements des vicaires devaient être mis à la charge de l’Etat.
Avant les requêtes qui arrivèrent à la chambre, on
laissa marcher les choses, parce qu’il n’y avait pas de plaintes, et qu’en
attendant l’organisation communale, rien ne pressait pour charger le trésor.
Après les requêtes, ceux même qui étaient convaincus
que c’était inconstitutionnellement qu’on laissait peser la charge sur les
communes, demandèrent de surseoir jusqu’à l’organisation communale.
Si donc on ne s’occupa pas des vicaires avant les
requêtes de 1834, et si on différa ensuite de s’en occuper avant la discussion
de la loi communale, le motif est notoire. C’est qu’on avait à s’occuper de
choses beaucoup plus urgentes ; c’est que sur ce point comme sur beaucoup
d’autres, on laissa provisoirement continuer l’état de choses existant jusqu’à ce
qu’il y soit autrement pourvu ; c’est que le moment d’organiser la commune et
de déterminer constitutionnellement ses droits et ses obligations n’était pas
encore arrivé.
Nous avons d’ailleurs surabondamment le témoignage
de plusieurs membres de cette chambre qui ont attesté que s’ils avaient
souffert l’exécution du précédent état de choses, ce n’était pas à cause qu’ils
avaient le moindre doute sur le sens de l’art. 117, mais, à raison que le
moment de mettre à exécution le principe constitutionnel n’avait pas encore
trouvé sa place.
Un autre moyen d’interprétation, ou plutôt de
restreindre la disposition, c’est de démontrer qu’en se tenant à la généralité
des termes sans aucune exception, on se trouverait entraîné à l’absurde ; et,
en conséquence, voici l’argument qu’on nous oppose.
Il faut bien, dit-on, assigner des limites à la
lettre, car sans cela il n’y aurait pas de raison pour s’arrêter aux vicaires.
Dans la généralité des termes, la disposition pourrait comprendre tous les
ministres quelconques du culte, et, entre autres, les prêtres habitués dans les
églises des grandes villes, puisque ce sont là des ministres du culte et que la
lettre de la constitution ne distingue pas.
Mais une conséquence aussi absurde ne pourrait
jamais se déduire des termes de l’art. 117, quelque généraux qu’ils soient. La
raison en est fort simple ; c’est que, dans cet article, il ne s’agit que de
traitements ; c’est que des traitements ne sont dus que pour des services
qualifiés par la loi, et qu’en conséquence il ne peut avoir évidemment été
question dans l’art. 117 que des ministres du culte à traitements, c’est-à-dire
des ministres exerçant une fonction reconnue par la loi, un service actif dans
la paroisse.
Tel n’est pas, a-t-on dit, un vicaire dans la
hiérarchie ecclésiastique.
Ici je me trouve placé sur un terrain où l’avantage
de la discussion n’est pas de mon côté, car des questions hiérarchiques
cléricales ne sont guère de mon ressort.
Cependant, le moyen que je combats est tellement
faible qu’il me semble permis d’entreprendre de le réfuter.
C’est le curé, dites-vous, qui est seul le
titulaire. Le vicaire n’est pas envoyé dais la paroisse pour y remplir une
charge qui lui soit personnellement déférée, pour y desservir une place,
puisque c’est le curé qui occupe la place ; il n’y est envoyé que pour aider le
curé ou le desservant titulaire.
C’est probablement parce que je ne conçois pas
l’importance de cette distinction entre celui qui occupe la place et celui qui
en remplit ou en partage la fonction avec le titulaire, que je ne vois là
qu’une futile argutie.
Il importe peu à la question des traitements, me
semble-t-il, il importe peu à la question d’application du traitement, que ce
soit le curé qui soit en possession de la place, si le vicaire qu’on lui adjoint
est aussi à sa place ; c’est-à-dire, si le curé ne pouvant seul remplir toutes
les fonctions de la place, un second vient partager avec lui, si pas la place,
tout au moins les fonctions de la place, ce qui est un peu plus essentiel.
L’exemple que l’honorable rapporteur de la section
centrale a puisé dans la hiérarchie judiciaire me paraît ici parfaitement
applicable.
J’assimile un arrondissement judiciaire à une
paroisse, et je me dis : Il n’y a qu’une place de procureur du Roi dans un
arrondissement judiciaire.
Si le titulaire de cette place peut suffire au
service de la justice dans cette grande paroisse judiciaire, on ne le fait
aider par personne. Mais s’il ne peut suffire à lui seul, on lui envoie un
vicaire que, dans l’ordre judiciaire, nous appelons un substitut.
Or, quoique le substitut ne soit pas envoyé pour
desservir la place qui est occupée par le titulaire, nous avons toujours
considéré qu’il n’était pas moins indispensable au service judiciaire que le
titulaire ; que ce n’était pas moins une partie des fonctions du titulaire
qu’il exerçait, et qu’en conséquence il devait être à traitement tout comme le
titulaire, sauf la différence du chiffre, en raison de la différence du degré
sur l’échelle de la hiérarchie.
Au surplus, si, sur la matière de la hiérarchie
ecclésiastique, il faut s’en rapporter à la loi du 18 germinal an X, le
desservant ne se trouverait pas dans une meilleure condition que le vicaire, et
il faudrait appliquer à l’un l’exclusion que l’on veut appliquer à l’autre.
En effet, les desservants et les vicaires sont là
nominativement rangés sur la même ligne, et l’art
Il ne peut donc résulter de conséquence absurde de
la généralité des expressions de l’art. 117. Les ministres du culte dont il
s’agit sont bien exclusivement ceux qui étaient reconnues légalement
indispensables au service des paroisses suivant les besoins des localités, et
tels étaient les vicaires.
En s’arrêtant même aux vicaires, la charge, dit-on,
ne sera pas moins onéreuse pour le trésor ; et, pour nous en convaincre, on
nous donne des chiffres.
Mais on ne veut pas sans doute subordonner une
question constitutionnelle à une question d’argent.
La question d’argent ne peut se mêler aux débats
que sur le second point de la discussion actuelle, dans la discussion de la
question subsidiaire, la question de convenance.
Sur la question constitutionnelle, son intervention
aux débats serait une espèce d’outrage fait à la conscience des membres de
cette assemblée qui ont la conviction que les vicaires sont compris dans la
disposition de l’art. 117, et qui par conséquent ne sont pas libres de charger
ou de ne pas charger le trésor.
Sur la question subsidiaire de convenance, j’aurais
moins à abuser de l’attention de la chambre.
Dans la supposition où nous serions libres de
prendre, à l’égard du traitement des vicaires, les dispositions administratives
que nous jugerions les plus utiles aux intérêts généraux, la question consiste
à savoir s’il conviendrait d’en faire une charge obligatoire directe ou
indirecte pour les communes.
Dans l’examen de cette question, il est quelques
considérations générales qui doivent servir de point de départ.
L’esprit qui a dominé notre constitution a été la
séparation complète entre l’église et l’Etat : c’est la une innovation par trop
importante à la législation alors existante pour que nous pussions penser
sérieusement qu’il puisse être convenable d’appliquer tout justement au nouvel
état de choses la procédure du décret de 1809, qui a été élaborée pour un
régime diamétralement opposé.
La condition essentielle de ce nouvel état de
choses a été de placer le ministre du culte, quant à ses moyens d’existence
comme ministre du culte, hors de l’espèce de dépendance dans lequel il se
trouvait sous le décret de 1809.
Pour arriver franchement à ce but, il faut aller
au-devant de toute collision ; il faut éviter tout point de contact ; il faut
faire cesser tout sujet de discorde entre les ministres du culte et les
administrations avec lesquelles ils se trouvent dans des relations de tous les
jours.
L’expérience prouve que, dans nombre de localités,
la mésintelligence et les désordres qui en ont été la suite, n’ont
ordinairement eu pour objet que des questions d’argent.
Si vous voulez que le curé, le desservant ou le
vicaire vivent en bonne harmonie avec les administrateurs des communes, faites
en sorte qu’ils n’aient rien à se demander ni à se refuser l’un à l’autre ;
faites en sorte surtout que pas plus le vicaire que le curé n’ait à mendier de
l’administration locale les moyens suffisants d’existence : sinon, vous aurez
beau faire, vous n’empêcherez pas les effets de cette espèce d’humiliation ;
vous n’empêcherez pas que le prêtre salarié par la commune ne soit considéré
comme l’un des employés subordonnes de l’administration locale, et vous ravalez
ainsi son ministère.
Il importe peu aux vicaires, dites-vous, par qui
leur traitement leur est payé.
Il semble cependant que cela doit lui importer
beaucoup ; je ne puis croire qu’il lui soit indifférent d’avoir une existence
indépendance du ménage municipal, et de n’être pas le sujet de débats entre
l’autorité locale et ses chefs ecclésiastiques.
Aussi voyez combien seraient multipliés les sujets
de collision et de discorde dans le système ministériel.
Pour pouvoir contraindre une administration
municipale à fournir en tout ou en partie au traitement du vicaire, plusieurs
faits seraient à constater.
1° La nécessité du vicaire.
2° L’insuffisance des revenus de la fabrique.
3° le chiffre convenable au traitement.
Pour constater la nécessité du vicaire, il faudra
que l’administration municipale fasse une excursion dans le ménage du culte, et
discuter le point de savoir si effectivement le curé, le desservant, est réellement
insuffisant aux besoins religieux de la paroisse.
Pour constater l’insuffisance des revenus de la
fabrique, il faudra entrer plus avant encore dans les détails du ménage
ecclésiastique.
La fabrique qui reconnaîtra le besoin d’un vicaire,
mais qui saura qu’à son défaut la commune pourra être contrainte à y pourvoir,
aura bon soin de se faire très pauvre et de grossir ses propres besoins.
Si, d’un autre côté, l’administration municipale
n’est pas convaincue de la nécessité d’un vicaire, si elle croit que les
revenus de la fabrique ne sont pas administrés avec assez d’économie ou qu’il y
a profusion dans l’application de ses ressources, elle aura soin aussi
d’étendre ses investigations ; le budget de la fabrique et sa comptabilité
seront discutés article par article, et l’on entrera dans les plus petits
détails de l’administration intérieure de l’église et des services religieux.
C’est un procès tout entier, et un procès qui peut
parcourir trois degrés de juridiction.
En première instance, devant le gouvernement,
premiers débats entre l’administration municipale et la fabrique.
En seconde instance, devant la députation des
états, seconds débats entre l’administration municipale et l’évêque.
Et enfin en troisième instance, entre les mêmes
parties, devant le ministre de l’intérieur.
Supposez maintenant que l’administration municipale
soit définitivement condamnée malgré qu’elle ait la conviction d’une juste
résistance, et jugez à combien d’influences diverses elle pourra attribuer la
perte du procès ; jugez de quelle manière sera reçu et considéré le vicaire
dans la commune lorsque chaque année elle devra porter à son budget une
allocation qu’elle considérera comme une injustice.
Une autre considération qui ne vous aura pas
échappé, c’est que tout en demandant le maintien de la législation du
concordat, en ce qu’elle a d’onéreux pour les communes, on les dépouille d’une
garantie importante que lui assurait cette législation.
En cas de dissentiment entre l’évêque et
l’administration municipale, c’était en conseil d’Etat que le chef de l’Etat
prononçait. Aujourd’hui il prononcera sous le contreseing d’un ministre.
En remplacement de la garantie du conseil d’Etat,
on propose celle de la députation du conseil provincial ; mais la commune n’est
pas même certaine de pouvoir être protégée efficacement par cette nouvelle
garantie, puisqu’en définitive le ministre peut ne pas en tenir compte.
Si, après avoir repoussé de la législation du
concordat ce qu’il avait d’onéreux pour le clergé, vous voulez le maintenir en
ce qu’il avait d’onéreux pour les communes, soyez au moins justes dans votre
système, n’aggravez pas la charge en altérant les garanties que cette
législation leur assurait.
Mais, dit l’exposé des motifs du projet de loi, si
vous dégrevez les communes du traitement des vicaires, vous imposez au trésor
une charge de 500,000 francs, et même de 778,000 fr., si on veut pousser les
choses a leur dernière conséquence.
Il ne faut pas se faire illusion sur cette
élévation du chiffre. L’honorable rapporteur de la section centrale a démontré
que, dans la combinaison du projet que propose cette section, il y a beaucoup à
rabattre de ce chiffre qui, au surplus, irait successivement plutôt en
diminuant qu’en augmentant, tant à cause de l’extinction des pensions ecclésiastiques
sur lesquelles, depuis 1830, il a été fait une économie de plus de 350,000 fr.,
qu’à raison de l’augmentation des dotations des fabriques.
Au surplus, le service du culte n’est pas, dans les
intérêts généraux, d’une importance moindre que l’enseignement public, et si la
question d’argent n’a exercé aucune influence sur l’un de ces services, elle ne
doit pas plus influer sur l’autre.
Les communes y perdront, dit-on, par la privation
des centimes additionnels.
Mais c’est là, je pense, une grave erreur ; l’établissement
des centimes additionnels, tels qu’ils existent aujourd’hui, n’a rien de commun
avec la législation du concordat.
Quel que soit le système que l’on adopte, je ne
vois pas qu’il puisse être question de faire perdre aux communes les centimes additionnels
qui leur sont assignés par la loi du 12 juillet 1821.
Vous avancez, comme fait certain, que la plus
grande partie des localités n’ont pas de vicaires, et dès lors vous
reconnaissez que la plus grande partie des communes percevaient les centimes
additionnels, nonobstant qu’elles n’étaient pas chargées du traitement de
vicaires.
Quel serait donc aujourd’hui le motif de les priver
de ces centimes additionnels, alors que, quant à elles, rien ne serait changé à
l’état des choses.
Quant aux communes, en plus petit nombre, qui
fournissent au traitement de vicaires, je ne vois pas non plus par quelle
raison elles ne profiteraient pas du même avantage que les communes qui
n’avaient pas cette dépense à supporter.
Si, se trouvant dégrevées de cette charge, elles
n’ont pas à fournir à d’autres besoins, elles seront libres de demander
elles-mêmes le dégrèvement d’une partie de ces centimes.
L’art. 15 de la loi du 12 juillet 1821 affecte
généralement, et sans aucune distinction aux besoins des communes les 5 centimes
obligés et les 2 centimes facultatifs. Ni là, ni ailleurs, il n’est dit que ces
centimes ont plutôt pour objet le traitement d’un ou de plusieurs vicaires que
toute autre nature de dépense. Il n’y aurait donc pas de raison pour modifier
la législation sur ce point.
On a cherché à justifier la législation du
concordat par la considération que le traitement du vicaire serait une charge
essentiellement communale.
L’honorable rapporteur de la section centrale a
réfuté victorieusement cette objection.
Aux considérations décisives qu’il a opposées,
j’ajouterai la suivante qui me paraît aussi de nature à faire impression.
Suivant vous, le traitement du curé, ou du
desservant n’est une charge générale de l’Etat que parce qu’il y a des curés ou
des desservants dans toutes les communes ; et, de cette circonstance, vous
concluez que si, pour le besoin du service auquel les curés et les desservants
sont préposes il faut y suppléer dans certaines localités par des vicaires, ce
supplément de personnel devient une charge communale.
Mais, pour que la conséquence de ce raisonnement
soit logique, il faut qu’elle puisse s’appliquer non seulement au culte
catholique, mais à tous les autres cultes.
Or, si j’applique le raisonnement au culte
protestant et aux autres cultes, je trouve que ce n’est que dans très peu de
localités que des ministres de ces cultes sont nécessaires. Je me dis aussi que
ce n’est là qu’un accident purement local qui, comme vous le dites fort bien,
n’intéresse nullement la généralité des communes. Je pourrais dès lors conclure
de ce fait, tout aussi logiquement que vous, que les traitements des curés et
des desservants du culte catholique sont seuls d’intérêt général, puisqu’il y
en a dans toutes les communes et même dans celles où il se trouve un ou
plusieurs ministres d’autres cultes ; j’arriverais ainsi à la conséquence que
le traitement du ministre protestant, dans cette localité isolée, est une
charge essentiellement communale.
Voilà bien la conséquence de votre argument si vous
n’admettez pas que tout le personnel reconnu nécessaire au service d’un culte
quelconque doit être à la charge de l’Etat, sans égard à ce que ce personnel
doit être plus ou moins nombreux, suivant le besoin de telle ou telle localité.
Mais, dit-on, avec un
pareil système, les évêques, qui n’auront plus à redouter les résistances des
administrations locales, nommeront autant de vicaires qu’ils le jugeront
convenable.
Fort bien, si les évêques avaient en même temps à
leur disposition la clé de du trésor public. Mais c’est à la législature qu’il
appartient de voter le subside, et par conséquent c’est le pouvoir législatif
qui, dans ce cas comme en tout autre, sera juge de la nécessité.
Les abus ne sont donc pas à craindre ; s’il pouvait
en exister, le contrôle des chambres serait à coup sûr plus efficace que
l’action d’une simple administration municipale.
De ces diverses considérations, il résulte que le
projet du gouvernement heurte les principes de la constitution et ceux d’une
sage administration, tandis que le projet de la section centrale ne laisse rien
à désirer.
Dans le système de la section centrale, la
disposition de l’art. 117 est respectée dans son texte comme dans son esprit ;
toutes collisions cessent entre les administrations municipales et le clergé ;
l’embarras des questions contentieuses en matière de culte, questions toujours
irritables, est écarté. Chaque commune, quelle que soit sa population, ayant un
droit égal à un personnel suffisant pour le service du culte, obtient ce qu’en
stricte justice on ne peut lui refuser.
Là où le curé est insuffisant on placera, soit un
desservant, soit un vicaire, suivant que le besoin l’exigera de manière à ce
que la charge ne pèse pas plus sur une localité que sur l’autre, et, ainsi,
aucune commune ne se trouvera placée dans un régime exceptionnel. Entre ces
deux systèmes, et quelles que soient d’ailleurs les opinions sur la question
constitutionnelle, le choix ne paraît pas douteux ; c’est celui de la section
centrale auquel je donnerai la préférence, sauf les modifications dont il me
paraîtra susceptible lors de la discussion des articles.
M. Dechamps. -
Messieurs, on a dit qu’il n’est pas de proposition si fausse qu’on ne puisse la
défendre par quelque raison spécieuse ; ce vieil adage reçoit ici une nouvelle
confirmation, car entreprendre de prouver que l’article 117 dont les termes
sont : « que les traitements des ministres des cultes doivent être à la
charge de l’Etat, » tâcher de prouver que cet article signifie qu’une
catégorie notable de ces traitements n’est pas à la charge de l’Etat, mais des
communes, n’est-ce pas vraiment proposer une gageure pour soutenir que oui veut
dire non ? Les deux raisonnements principaux à l’aide desquels on a voulu
obscurcir la clarté du texte de la constitution consistent d’abord en ce que le
mot « exclusivement » n’est pas inséré, et en second lieu en ce qu’on
soutient que les vicaires ne sont pas ce qu’on a voulu entendre par ministres
du culte.
L’honorable M. Dubus, lors de la précédente
discussion, a suffisamment détruit cette première objection en produisant
divers textes constitutionnels qu’on a toujours interprétés dans un sens
absolu, sans que pour cela le mot « exclusivement » s’y trouve
inséré. Cette expression « exclusivement » n’ajoute rien en effet au
sens qui ressort des termes de la constitution, et d’ailleurs l’art. 117, comme
pour ôter toute possibilité de douter, ajoute que les sommes nécessaires pour
faire face à ces traitements sont annuellement portées au budget. Est-ce donc
du budget des communes qu’il est ici parlé ? Evidemment non, messieurs ; c’est
le budget de l’Etat qui doit seul mentionner les sommes nécessaires pour faire
face aux traitements des ministres des cultes.
La seconde objection a été tellement mise au néant
par le rapporteur de la section centrale, que je doute fort qu’on la reproduise
encore. Mais s’il pouvait rester quelque doute à cet égard dans l’esprit de
quelques-uns, je me bornerais à lire le passage de l’exposé des motifs du
ministre relatif à ce point, et l’inexactitude des assertions sur lesquelles il
appuie sa thèse prouve à l’évidence combien elle est erronée.
Je suis d’accord avec M. le ministre que l’exercice
des fonctions ecclésiastiques ne suffit pas pour être compris sous la
dénomination de ministres des cultes, qu’il faut desservir une place existante
dans la hiérarchie ecclésiastique ; mais je ne puis être de son avis quand il
affirme que les vicaires ne sont pas dans ce cas.
La charge des paroisses, dit l’exposé des motifs,
n’est pas déférée personnellement au vicaire, mais au curé. Le nombre des
vicaires varie selon les besoins du moment, tandis que le curé, au contraire,
est pourvu d’une place véritable, dont l’existence est indépendante du
titulaire.
Messieurs, il y a là autant d’erreurs que de mots :
les vicaires tiennent leur mission directement des évêques, et leur juridiction
s’étend aux mêmes objets et au même territoire que celle des desservants ; la
charge dont ils sont investis leur est donc personnellement conférée.
L’existence de leur place est aussi indépendante du
titulaire que celle des desservants, et lorsqu’elle est vacante, cette vacature
est désignée et la place n’en continue pas moins d’exister.
Messieurs, je ne m’appesantirai pas davantage sur
ce point, parce qu’il est tellement de notoriété qu’un vicaire occupe un des
échelons de la hiérarchie ecclésiastique que ce serait abuser de vos moments
que de m’évertuer à vous le prouver plus longuement.
Si donc le mot « exclusivement » est
inutile pour donner à l’art. 117 le sens absolu que nous lui prêtons ; et si
d’un autre côté il est hors de doute qu’un vicaire est un ministre du culte
dans l’acception constitutionnelle, il n’y a pas à biaiser, le texte est
formel, et ce n’est pas ici le cas de recourir à la voie interprétative et de
rechercher laborieusement l’intention du législateur.
Mais je veux supposer un moment que le doute soit
possible sur le sens de l’art. 117 ; encore me paraît-il que la discussion du
congrès manifeste assez son intention de déclarer l’Etat débiteur des traitement
du clergé. Les nombreux amendements que la discussion a fait surgir se divisent
en deux classes : les uns tendaient à faire décider quel serait le débiteur des
traitements ecclésiastiques ; et c’étaient, d’abord l’article de la section
centrale qui laissait subsister la législation en vigueur, puis l’amendement de
M. Jottrand qui portait ces traitements aux budgets des provinces et des
communes ; et en troisième lieu celui de M. Thienpont, qui déclarait qu’ils
seraient payés par le trésor public et portés au budget de l’Etat.
La seconde catégorie d’amendements roulait sur la
question de savoir si les traitements
dont jouissait le clergé lui seraient garantis, ou bien si la législature
conserverait le droit de révision annuelle.
Divers systèmes furent présentés pour résoudre ce
point sur lequel une grande divergence existait.
L’amendement de M. Destouvelles qui a été admis
résume toute la discussion et décide les deux points sur lesquels l’attention
du congrès avait été tour à tour portée. Pour ce qui concerne le débiteur des
traitements ecclésiastiques, il reproduit l’opinion de M. Thienpont qui se
rallie à l’amendement, et il décide qu’ils seront portés au budget de l’Etat,
rejetant ainsi l’amendement de M. Jottrand qui les portait au budget des
provinces et des communes, et l’article de la section centrale qui ne
mentionnait rien à cet égard.
Pour ce qui concerne la question de fixité,
l’amendement de M. Destouvelles laisse à la législature le droit de réviser
annuellement, Vous voyez, messieurs que l’intention du législateur ressort
assez clairement de la marche même de la discussion.
M. le ministre demande pourquoi, si l’intention du
congrès avait été de déclarer l’Etat seul débiteur de ces traitements, pourquoi
l’amendement de M. Thienpont qui était conçu dans ce sens n’a pas été adopté.
Mais avant de répondre directement, je demanderai à
mon tour à M. le ministre pourquoi, s’il est vrai, comme il le prétend, que le
congrès n’ayant eu en vue que la question de fixité, pourquoi cette assemblée
n’a pas adopté le troisième amendement présenté et qui est reproduit à la page
4 de l’exposé des motifs ? Cet amendement demandait que la législature
conservât le droit de réviser chaque année les traitements des ministres des
cultes.
Si l’intention du congrès avait été telle que le
suppose le gouvernement, cet amendement aurait été infailliblement admis
puisqu’il traduit cette intention sans aucune ambiguïté, et la majorité de
l’assemblée n’aurait certes pas attendu la proposition de M. Destouvelles pour
se décider.
Mais, messieurs, cet amendement ne pouvait pas être
adopté non plus que celui de M. Thienpont, et la raison en est bien simple,
c’est que l’un et l’autre étaient incomplets, c’est qu’ils ne rencontraient
chacun qu’une partie de l’intention du congrès constituant. Le premier
amendement, celui de M. Thienpont, laissait subsister la garantie de fixité
dont la majorité ne voulait pas ; le second amendement ne décidait pas quel
serait le débiteur des traitements du clergé. M. Destouvelles n’a fait que
réunir ces deux amendements, et sa proposition a été accueillie précisément
parce que seule elle tenait compte des deux points que le congrès voulait et
devait résoudre.
Ainsi, messieurs, si j’examine les termes de la
constitution, je les trouve clairs et non susceptibles d’interprétation ; et
si, en supposant la possibilité d’un doute sous ce rapport, j’interroge
l’intention du législateur, cette intention m’apparaît conforme au sens que
nous prêtons à l’art. 117.
Cette question de constitutionnalité étant ainsi
résolue à mes yeux, je pourrais borner là mes observations ; mais, à ceux qui
n’auraient pas acquis la même certitude à cet égard, je veux prouver qu’en
admettant même que le texte de l’art. 117 nous laisse la faculté de choisir
entre les deux systèmes, encore devrions-nous préférer celui de la section
centrale, parce qu’il est plus conforme au principe que le congrès avait en vue
en votant l’article de la constitution.
En effet, pourquoi le congrès a-t-il décidé que des
traitements, des pensions, seraient payés par le trésor public aux ministres
des cultes ?
Le ministre dans son exposé des motifs ; la section
centrale dans son rapport ; les orateurs qui ont pris part à la discussion dans
la séance du 12 février 1835, tous sont tombés d’accord sur un point : c’est
que le congrès avait voulu reconnaître la dette que l’Etat avait contractée en
confisquant les biens du clergé, comme l’avait reconnue antérieurement le
gouvernement consulaire et impérial, comme l’avait reconnue la loi fondamentale
des Pays-Bas, comme l’assemblée constituante l’avait créée par son décret du 2
novembre 1789.
C’est donc en acquit de cette obligation sacrée,
léguée par la constituante aux gouvernements de bonne foi, que le congrès a mis
les traitements ecclésiastiques à la charge de la nation, et non pas en vue de
rémunérer des services rendus.
Eh bien, ce principe que M. le ministre admet à la
page 2 de son exposé des motifs, il l’oublie complètement un peu plus loin et
raisonne comme si c’était à raison de leurs fonctions et de l’intérêt des
populations qui s’y rattache, que les ministres du culte reçoivent des
traitements.
Voulant prouver que les subsides à fournir en cas
d’insuffisance des revenus des fabriques sont une charge communale, M. le
ministre fait ce raisonnement : que les traitements des curés et desservants
doivent être regardés comme une dépense d’intérêt général, puisque toutes les
communes du royaume y sont intéressées ; tandis qu’un très grand nombre de
communes n’ayant point de vicaires, leurs traitements ne doivent pas intéresser
la généralité.
Vous voyez que M le ministre suppose ici que c’est
d’après l’intérêt que les communes ont, ou bien la généralité, aux services
rendus par les ministres des cultes, que les traitements leur sont attribués.
La raison qu’il allègue en faveur de la thèse qu’il soutient n’a aucune valeur
si les traitements du clergé forment une dette nationale, puisque dans ce cas
il ne s’agit aucunement de savoir si tel membre du corps ecclésiastique est
plus utile à l’intérêt d’une commune qu’à l’intérêt d’une nation, mais
seulement s’il fait partie de la hiérarchie sacerdotale, s’il doit être compté
parmi les ministres des cultes à l’entretien desquels l’Etat est tenu de
pourvoir convenablement en vertu de l’engagement pris par l’assemblée constituante
et reconnu par le congrès belge.
Vous voyez, messieurs, que le ministre ne parvient
à prouver que c’est la commune et non l’Etat qui doit fournir le traitement des
vicaires en cas d’insuffisance des revenus de la fabrique, que par un argument
tout à fait contradictoire avec le principe que le congrès a voulu sanctionner
en déclarant l’Etat débiteur des traitements et pensions des ministres des
cultes.
C’est principalement à cause de cette déviation du
principe admis par le législateur que je voterai contre le projet de loi du
gouvernement ; je tiens fortement pour ma part à ce que ce principe soit
franchement admis, parce que s’il ne l’était pas, si on parvenait à l’entamer
par des exceptions, plus tard on pourrait s’appuyer sur ces réticences pour
ravir au clergé et au culte l’indépendance que la constitution leur assure.
Et en effet, si c’est pour reconnaître les services
que le clergé rend à la nation, et non à titre d’indemnité pour l’aliénation de
ses biens, que les traitements dont il jouit lui sont alloués, ce traitement
n’est qu’un salaire, et les membres du clergé sont des fonctionnaires publics.
Libre en théorie et sur le papier, le clergé serait esclave par le traitement,
et les articles 14 et 16 de la constitution qui établissent la garantie solennelle
de son indépendance ne seraient plus qu’une hypocrite déclamation.
La base du projet de la section centrale est au
contraire entièrement conforme au principe qu’il a été dans l’intention du
congrès de poser ; il est l’application littérale et fidèle du décret du 2
novembre 1789 et de l’article de notre constitution. Lorsque j’appuie le projet
de la section centrale, j’entends parler du principe général de ce projet qui
déclare l’Etat débiteur des traitements des vicaires. Quand nous en viendrons
aux articles, je m’expliquerai sur l’art. 3 de ce projet, relatif aux fabriques
qui ont récupéré des revenus suffisants pour payer aux vicaires un traitement
de 300 francs. Dans la discussion générale il est, je crois, préférable
d’examiner le principe de la loi sans descendre aux applications.
Outre l’avantage d’être mieux calqué sur le
principe d’où dérive l’obligation de rétribuer convenablement le clergé, le
système de la section centrale en a un autre, c’est qu’il est plus simple et
qu’il établit moins de chances de collision entre les autorités ecclésiastiques
et le gouvernement.
S’il est vrai que le projet du ministre améliore le
décret de 1809, surtout en ce qu’il empêche les contestations directes entre
les vicaires et les administrations locales, le germe des divisions entre le
clergé et l’Etat n’en est pas cependant effacé. En cas de contestation entre le
conseil communal et l’évêque, la députation provinciale prononce, et sur
recours le Roi est appelé à décider en dernier ressort.
Vous voyez, messieurs, que dans le système du
gouvernement les points de contact entre l’autorité épiscopale et le pouvoir
civil sont encore nombreux, et c’est ce que nous devons tâcher d’éviter.
Je sais bien que puisqu’il s’agit d’une dette de
l’Etat envers le clergé, il est impossible d’empêcher, pour en fixer le
montant, qu’il n’y ait entre eux des points de contact, mais il faut les rendre
les plus rares que l’on pourra ; le principe de la séparation de l’église et de
l’Etat en sera plus exactement suivi.
Sous ce point de vue encore, le projet de la
section centrale offre moins d’inconvénients et simplifie extrêmement les
rouages administratifs.
Je ne reviendrai pas sur le motif principal qui a
engagé le gouvernement à proposer son projet de loi, celui de ne pas grever le
budget de l’Etat d’un surcroît de dépense ; on a fort bien répondu que peu
importait aux contribuables le mode de paiement, puisque c’étaient toujours eux
qui payaient ; mais il importe de ne pas laisser passer sans observations ce
qui a été dit dans la première discussion sur le chiffre du chapitre des cultes
que quelques-uns ont regardé comme excessif. Un orateur a représenté le clergé
comme absorbant une somme considérable du trésor public, comme ayant les mains
dans toutes les caisses provinciales et communales et il ajoute qu’il concevait
après cela que le ministre mît une sorte de pudeur à consentir à ce que les
traitements des vicaires fussent portés au budget de l’Etat.
Cela peut être spirituel, mais ce n’est assurément
ni juste ni impartial ; l’honorable M. Julien, qui est l’orateur dont je parle,
va me fournir lui-même tous les éléments de la réplique : Après avoir avoué que
le congrès avait vote l’art. 117 « comme la conséquence de la mesure qui a
privé le clergé de ses biens, » il a prouvé nettement lui-même que depuis
cette disposition les traitements ecclésiastiques ne pouvaient être
insuffisants.
Or, je le demanderai franchement à cet honorable
préopinant, pourrait-on réduire les traitements actuels du clergé sans les
rendre insuffisants, sans mentir au texte constitutionnel ? Sur quel traitement
en effet la réduction pourrait-elle porter ? Sur ceux des vicaires ? Mais
l’honorable M Julien nous a dit qu’il avait demandé lui-même à plusieurs
reprises que ces traitements fussent augmentés.
Sera-ce sur ceux des curés et des desservants dont
le chiffre est si peu élevé que M. Lebeau, au congrès, avait proposé un
amendement pour que, dans aucun cas, ils ne pussent être réduits ? Sera-ce sur
ceux des évêques qui ont été, dès le temps du congrès, baissés à un chiffre
moindre de moitié que celui dont ils jouissaient sous le roi Guillaume, qui ne
passait pas cependant pour un grand ami des évêques ?
Vous voyez, messieurs, combien cette accusation
manque de vérité, puisque c’est à peine si les traitements ecclésiastiques sont
fixés d’une manière convenable, comme le veut le décret de la constituante.
Maintenant si j’examine l’allocation portée au
budget pour le clergé catholique sous un autre point de vue, si je me demande
quelle est la proportion établie entre l’indemnité qu’il perçoit pour
l’expropriation qui a été faite de ses biens et la valeur de cette
expropriation, savez-vous, messieurs, quelle est cette proportion ? Vous en
pourrez juger par le passage suivant du rapport de Siméon sur le concordat : « Il
n’en coûte pas au trésor public, dit-il, la quinzième partie de ce que la
nation a gagné à la réunion des biens du clergé. » Or, en Belgique la
disproportion est encore plus grande, et je vous avoue qu il faut avoir bon
courage après cela pour épiloguer sur les richesses actuelles du clergé.
Messieurs si les chambres belges ont été de facile
composition pour voter les dépenses des cultes, ç’a été évidemment pour
d’autres cultes que pour celui de la majorité des populations : tandis que le
congrès refusait de garantir au clergé les traitements dont il jouissait sous
la loi fondamentale des Pays-Bas, tandis qu’il réduisait de moitié les
émoluments des évêques, et qu’une législature postérieure diminuait les
traitements ecclésiastiques de 2,400 fr., on doublait en 1832 le salaire pour
le culte israélite, le culte protestant obtenait plusieurs augmentation
successives, et la chambre admettait au partage du budget, le culte anglican,
qui n’est pas professé par des Belges, acte de tolérance religieuse tellement inouï
au milieu des pays qui se vantent cependant de leur tolérance, que les journaux
anglais s’en étonnèrent en y applaudissant.
S’il est vrai cependant, messieurs, comme l’ont
affirmé presque tous les orateurs qui ont parlé dans cette discussion, que le congrès,
en votant l’art. 117 de notre charte, avait l’intention de reconnaître la dette
qui incombe à l’Etat par suite de l’aliénation des biens du clergé ; si cela
est vrai, les autres cultes n’avaient aucun motif analogue pour être rétribués
par le trésor national.
La justice la plus impartiale ne leur devait rien,
c’est la tolérance qui les a dotés.
Messieurs, je vous ai montré qu’il n’est pas vrai,
comme on l’a prétendu, que le congrès, en maintenant ce qu’on nomme le salaire ecclésiastique,
a fait en faveur du clergé une exception au principe de la séparation de
l’église et de l’Etat. Vous me permettrez, messieurs, de finir par une
observation qui vous prouvera que le congrès a décidé par là comme il le devait
faire, une haute question sociale que des esprits ardents et aventureux
tâchaient de mettre à l’ordre du jour des gouvernements constitutionnels.
Vous n’ignorez pas que depuis quelques années
surtout des doctrines contre le droit de propriété tel qu’il existe sont
sérieusement répandues partout et spécialement parmi la jeunesse sur laquelle
l’avenir repose.
On a ri pendant quelque
temps de ces utopies, mais maintenant qu’elles ont des professeurs dans les
universités, des journaux et des clubs, maintenant qu’il demeure évident aux
yeux des hommes politiques que si de prochaines révolutions doivent encore
troubler la paix européenne, le caractère distinctif de ces révolutions sera
une attaque contre la propriété ; un devoir incombe à tous les hommes d’Etat, à
tous ceux qui veulent protester contre ces doctrines d’anarchie, et ce devoir
c’est de respecter dans les lois ce principe de la propriété qu on veut menacer
de nouveau.
Or messieurs, le traitement ecclésiastique est une
indemnité disproportionnelle, il est vrai, mais sacrée pour la vaste
expropriation des biens du clergé qui a été faite en 1789. Ce traitement, cette
indemnité est une espèce de protestation contre la violation du droit social de
propriété que la nécessité a forcé la constituante de consommer ; nous devons
tenir à cette indemnité, à cette protestation, pour ne pas laisser entamer le
principe sacré ne quelques-uns voudraient détruire ; et si une législature
était assez imprudente pour ne plus reconnaître la dette nationale créée par le
décret de 1789, elle ouvrirait par cela même la porte par où les doctrines
antisociales envahiraient la législation actuelle sur la propriété, et après
les biens des nobles et du clergé, crouleraient à la première secousse les
propriétés de la classe industrielle que l’on nomme déjà dédaigneusement
« la bourgeoisie, » comme pour la montrer du doigt à l’avidité des
classes inférieures pour le jour des révolutions que l’on espère.
J’ai dit.
M. Desmet. - Messieurs,
dans l’exposé qui accompagne le projet de loi et que je m’abstiens de
qualifier, mais qui a dû étonner toute
Il me semble que si on eût voulu avoir recours aux
citations de ces lois spoliatrices du jacobinisme français, et annoncer avec
emphase qu’elles avaient reçu leur exécution en Belgique, on aurait du moins dû
avoir eu la bonne foi et la loyauté de ne pas tronquer les citations et ne pas
en omettre.
Du décret de l’assemblée constituante du 2 novembre
1789, on vous a omis la principale partie. Voici comment était conçue la motion
du comte de Mirabeau, et telle qu’elle a été décrétée par l’assemblée et qui a
formé le décret du 2 novembre : « Qu’il soit déclaré premièrement que tous
les biens ecclésiastiques sont à la disposition de la nation, à la charge de
pourvoir d’une manière convenable aux frais du culte, à l’entretien de ses
ministres et au soulagement des pauvres, sous la surveillance et d’après les
instructions des provinces.
« Secondement (et c’est ce paragraphe qu’on a
omis), que, selon les dispositions à faire pour les ministres de la religion,
il ne puisse être affecté à la dotation des cures moins de
Si cette citation ne regarde que les curés et non
point les vicaires, j’ai voulu la relever d’abord par ce motif, et en second
lieu pour vous faire remarquer que quand on a spolié le clergé de ses biens
fonds, on a positivement stipulé que les traitements des curés devaient tomber
totalement à la charge de l’Etat, et que jamais pour aucune partie la commune
n’en devait être chargée, et aussi pour vous faire voir que la seconde
condition était que les curés auraient eu au moins un traitement de
Cependant, quantité de curés, et même le plus grand
nombre, ne jouissent pas d’un traitement de 1,200 francs, car il y en a
beaucoup qui ne touchent que 800 et 400 francs de l’Etat ; et s’ils touchent,
pour subvenir à leur subsistance, une somme annuellement de la commune, c’est
bien contre la condition sine qua non du décret, et qu’aujourd’hui, les
communes pourraient même refuser de payer, comme déjà on en a vu des exemples.
Mais comme le projet de loi ne concernait que le
salaire des vicaires, on n’aurait pas dû citer une partie de la disposition du
décret du 2 novembre 1789, mais bien celle de l’art. 5 du décret ou arrêté du 4
août de la même année, par laquelle les dîmes ont été abolies ; car c’était
particulièrement les dîmes qui servaient à payer le salaire des curés et des
vicaires. Si l’exposé eût cite cette disposition, vous auriez pu mieux
apprécier de quelle manière la constituante avait établi la condition du
salaire des vicaires quand elle a décrété l’abolition des dîmes.
Voici comment cette disposition est conçue : « Les
dîmes de toute nature … sont abolies, il sera pourvu à l’augmentation des
portions congrues et à la dotation des vicaires, et il sera fait un règlement
pour fixer le sort des curés des villes. »
Si donc, comme l’exposé le relève avec tant
d’emphase, les vicaires ont été abandonnés à la charge des fabriques et des
communes, ce fut certainement contre la condition expresse du décret, de
l’abolition des dîmes, et c’est très à tort et mal à propos que l’on voit
avancé dans cet étrange exposé que ce fut pour améliorer le sort des vicaires
et par grâce spéciale que le gouvernement de Guillaume accorda à la plupart de
ces ecclésiastiques sur les fonds du trésor une gratification annuelle de cent
florins.
Il est possible que l’auteur de l’exposé ne connût
point les droits des vicaires, mais il me semble que quand on voulait faire des
tentatives pour détruire la disposition constitutionnelle de l’art. 117, et
déclarer notre gouvernement héritier des gouvernements de la république, de
Bonaparte et de Guillaume, on aurait dû faire des recherches si ces
gouvernements n’avaient pas méconnu les droits des vicaires et s’ils n’avaient
pas agi contre la disposition du décret du 4 août 1789.
Si on devait juger des intentions d’après ce qu’on
trouve dans cet exposé, on serait forcé de croire qu’on voudrait, pour ce qui
concerne le cuite catholique, marcher sur les traces des derniers gouvernements
et rendre nos curés et vicaires entièrement dépendants du pouvoir civil et de
la direction des cultes ! Cependant l’auteur devait savoir aussi bien que nous
que ce n’était pas là l’intention du congrès, mais qu’au contraire la
disposition constitutionnelle fut uniquement votée pour rendre entièrement
indépendant le clergé catholique et le soustraire aux caprices et au despotisme
d’un ministre ou d’un directeur des cultes.
Quand on suit cet étrange exposé, on est vraiment
étonné de voir que son auteur soit si peu au fait de la hiérarchie de l’église
catholique ; d’après lui les vicaires ne remplissent point de fonctions, ils ne
desservent point de places, ce ne sont point des titulaires, ils ne sont pas
investis personnellement d une place existante dans la hiérarchie
ecclésiastique ; ce ne sont, d’après le langage de l’exposé, que les valets,
les domestiques du curé ; ce ne sont que des manœuvres qu’on doit payer à la
journée d’après le travail qu’ils font pour les curés !
Et voulez-vous savoir, messieurs, où on trouve la
preuve de ces étranges allégations ? c’est que
« le nombre des vicaires varie dans les paroisses » ! Admirable
logique ! mais qui ferait trembler quand nous songeons que l’administration
intérieure de notre beau pays se trouve entre les mains des personnes qui
tiennent un tel raisonnement et montrent si peu de connaissances dans les
choses les plus simples !
Si dans l’exposé on voulût traiter la question des
fonctions des vicaires, avant de le publier, on aurait du moins dû prendre des
renseignements sur l’étendue de ces fonctions.
On aurait appris que les vicaires ne sont point les
laquais des curés et qu’ils ne remplissent aucune fonction particulière, mais
que ce sont des titulaires personnellement investis d’une place existante dans
la hiérarchie de l’église, et qu’ils reçoivent de l’évêque diocésain une
mission toute spéciale et indépendante de leur curé ; ils ont des devoirs
particuliers à remplir, qui sont distincts de ceux du curé et qui leur sont
imposés directement de l’évêque.
Ce sont des titulaires et des fonctionnaires en
place aussi bien que les curés, et ils sont aussi bien les ministres du culte
qu’eux.
C’est ainsi aussi que les a appréciés l’assemblée
constituante, quand le 4 août 1789 elle a aboli le revenu des dîmes qui
servaient à pourvoir au salaire des ministres du culte ; il est positivement
dit dans le décret de l’abolition des dîmes que la nation pourvoirait à la
dotation des vicaires. Est-elle douteuse cette expression ?
La constituante voyait donc dans les vicaires de
véritables ministres des cultes qui, avant l’abolition des dîmes et la
confiscation des biens du clergé, recevaient comme les curés leurs portions
congrues des décimateurs ou touchaient eux-mêmes les revenus des dîmes qui
étaient annexés à leur place ; elle a voulu et conditionné que, puisque la
nation enlevait à son profit les biens et les revenus qui servaient à pourvoir
au salaire des vicaires, elle assurât pour l’avenir, par des dotations, à ces
ecclésiastiques, le paiement de leur salaire.
C’est ce que le congrès a de même voulu quand il a
décrété l’art. 117 de la constitution ; il a voulu faire sortir le clergé de
l’état d’esclavage où il avait été tenu par les décrets et arrêtés des
gouvernements de la république, de l’empire et de Guillaume ; il a voulu
décréter son émancipation en assurant son traitement constitutionnellement,
pour le préserver dans l’avenir des faiblesses de la législature et des
exigences des ministres ; le congrès a suivi les traces de l’assemblée
constituante et respecté les conditions que cette assemblée avait prescrites
quand elle a aboli les dîmes et décrété la cession des biens du clergé au
profit de la nation.
Pour arriver à son but et faire réussir ses
projets, l’auteur de l’exposé s’efforce à nous faire atteindre de la peur
panique, en nous montrant un tableau effrayant de toutes les sommes, qui seront
enlevées au trésor de l’Etat, par les traitements qu’on y prélèvera pour
pourvoir au salaire des ministres de la religion catholique.
Mais je ne pense pas que nous serons ici les dupes
de ces calculs et que par poltronnerie nous nous laisserions prendre au piège
et ratifiant un acte inique et anti-constitutionnel, et rejetant derechef le
clergé dans l’esclavage et la dépendance du pouvoir civil, et l’asservir aux
caprices d’un directeur des cultes.
D’ailleurs, pourquoi voudriez-vous rendre plus
mauvaise la condition de la religion catholique, que celle du culte des
sectaires, et pourquoi voudriez-vous mettre pour ainsi dire hors de la loi
constitutionnelle la religion de l’immense majorité des Belges, quand vous avez
appliqué aux églises protestantes et calvinistes, et aux synodes, la disposition
constitutionnelle dans toute son étendue ?
Jetez un coup d’oeil sur les budgets que vous avez
voté depuis que nous avons acquis notre indépendance ; je ne dois pas vous dire
que vous y verrez combien sont fortement salariés les « domines » luthériens
et calvinistes, les prêtres de l’église anglicane et les rabbins du synode, et
que même votre générosité ne s’est pas borné à payer un exorbitant salaire aux
ministres, mais que vous l’avez étendue à leurs enfants, aux marguilliers de
leurs temples, etc.
Non pas que je veuille critiquer ces allocations ;
nous avons fait ce que notre nation a toujours fait, car la Belgique a toujours
exercé la tolérance civile, et n’a jamais voulu employer des mesures
d’intolérance envers les religions dissidentes ; je veux seulement vous faire
remarquer que ce serait une criante partialité de refuser à la religion
catholique ce que vous accordez à celle des différentes sectes !
Je ne suivrai pas plus longtemps l’auteur de
l’exposé dans le tissu raffiné de sophismes qui a entrelacé avec tant de
peines, pour torturer un sens clair en parlant du pacte fondamental, ni ne
rechercherai les moyens qu’il a employés pour mettre hors de la loi commune les
prêtres de la religion des Belges, et leur faire refuser ce qui est accordé aux
ministres des autres cultes. Mais, je demanderai ce qu’on a voulu, quel peut
être le motif pourquoi on a publié un tel exposé et fait tant d’efforts pour
rendre si mauvaise la condition d’une partie du clergé belge, et lui enlever
une indépendance que la constitution lui garantir et que le congrès a voulu lui
rassurer en faisant une obligation constitutionnelle de son traitement.
Pourrait-on soupçonner que la direction des cultes a plus peur de
l’indépendance du clergé catholique que de celui des ministres des autres
cultes ? En méditant sur les citations qui figurent dans l’exposé et de la
manière astucieuse qu’elles ont été produites, on devrait au moins croire que
notre direction des cultes a les mêmes tendances qu’avaient celles de Buonaporte et de Guillaume. Mais que cette administration
se désabuse, le clergé catholique est comme il l’a toujours été, le principal
appui du trône et des libertés constitutionnelles ; le souverain, comme la
nation, y trouve ses amis les plus sincères et les plus désintéressés.
Vraiment on devrait dire que l’auteur de l’exposé
était dans une espèce de délire contre les catholiques quand il l’a écrit, sa
plume n’a su que tracer pour prouver qu’une partie du clergé devait être
tellement garrottée et réduite à rien, que comme des mendiants elle serait
obligée d’aller demander l’aumône et se jeter à genoux aux pieds des autorités
civiles, pour avoir le pain quotidien. Est-ce pour cela que les catholiques
belges ont fait la révolution et chassé le despotique et intolérant Nassau ; auraient-ils jamais cru qu’ils auraient été jetés comme sous
son gouvernement et celui de Bonaparte, dans l’esclavage d’une direction des
cultes ? Car, messieurs, soyez assurés, de l’antre de la direction des
cultes, ne sortira jamais que des verges pour châtier les prêtres catholiques
et les tenir dans l’esclavage et la dépendance, et vous en ressentirez surtout
les effets quand, comme malheureusement dans cette époque où il règne chez nous
un si dangereux esprit de coterie, qui n’agit que trop fort sur quelques
branches de l’administration entière.
Nous avons depuis longtemps eu des soupçons, et cru
nous convaincre par des faits, mais aujourd’hui sans doute tout se livre quand
on voit un tel exposé suivi d’un tel projet de loi !
Mais à côté de ces vues, que je ne puis assez
blâmer, existe encore dans ce projet le plus parfait des ridicules, les
traitements des vicaires sont à la charge des fabriques des églises,
trouve-t-on dans l’article premier.
Ne devrait-on pas croire que nos églises viennent
d’être richement dotées et qu’elles possèdent d’immenses richesses ? Quand on
voulait priver les prêtres catholiques d’un droit constitutionnel et leur
refuser des traitements qu vous accordez aux autres cultes, du moins on
l’aurait dû faire avec puis d’adresse et ne pas pousser le ridicule à faire
puiser dans des caisses qui très souvent ne suffisent point pour l’entretien de
leur propre temple et le service quotidien du culte !
Le second article pourrait se comprendre s’il était
conçu par tout autre religionnaire qu’un catholique, mais comment peut-on
concevoir que quelqu’un qui doit connaître les éléments de sa religion puisse
soumettre les décisions des évêques à l’avis des marguilliers laïques pour
établir le nombre d’ecclésiastiques qu’une paroisse peut avoir besoin ?
Est-ce de la sorte que la constitution de
Mais que dire ! quand on veut brusquer et violer le
pacte constitutionnel et tous les principes, et qu’on veut remettre dans
l’esclavage notre religion et ses ministres, on tombe dans l’absurde et le
ridicule, et c’est ce qui est arrive à l’auteur du projet de loi qui couronne
son ouvrage, en assujettissant absolument l’allocation des traitements des vicaires
et l’établissement de la quotité au pouvoir civil, et n’y faire figurer les
chefs des églises que pour encourir le scandale de devoir se disputer avec des
administrations communales et provinciales.
Mais je me rassure sur le sort de nos prêtres, et
je ne doute aucunement que la chambre fera droit d’un tel projet de loi, comme
elle repoussera avec dédain tous les arguments sophistiques de l’exposé, et
qu’elle ne laissera pas consommer un acte d’une telle injustice, qu’elle
interprètera la constitution dans son véritable sens et répondra aux vues du
congrès, qui étaient de rendre le clergé catholique entièrement indépendant du
pouvoir civil, assurer son traitement dans la constitution même, et prévenir à
jamais le retour du despotisme anti-catholique de Bonaparte et de Guillaume.
Je me borne en ce moment à traiter la question de
la constitution qui met à charge de l’Etat les traitements de tous les
ministres du culte sans aucune exception, je me réserve de parler sur la
quotité du traitement, qui seule est laissée à la législature de fixer, comme
je me réserve de combattre en son lieu la disposition de l’article du projet de
la section centrale, qui contient une disposition entièrement contre la
constitution et très dangereuse, qu’elle assujettit la grande partie de nos
églises aux caprices du pouvoir civil et prive inconsidérément les fabriques
d’un revenu qui est à elle seule et qui a toujours servi à l’entretien et à la
restauration des églises ; si la section centrale eût bien pesé le danger qui
existait à enlever à nos fabriques le peu de revenus qu’elles ont, je suis
certain qu’elle n’aurait pas fait de tentatives pour torturer le véritable sens
de la constitution, et qu’elle n’aurait point disputé aux catholiques ce que
nous avons accordés dans tous les budgets aux autres cultes sans la moindre
discussion.
Les revenus des églises ont toujours été distincts
de ceux qui devaient servir à pourvoir au salaire des cures et vicaires,
c’était surtout la dîme qui y était destinée et les églises avaient pour leur
entretien des biens fonds ; jamais ces biens n’ont été confondus ; dans
l’assemblée constituante l’évêque d’Autun en fit une distinction claire et
précise, quand le premier fit la motion d’enlever au clergé catholique les
biens et les revenus qui servaient à l’entretien des églises et des ministres
de la religion ; ce ne fut que les gouvernements qui suivirent qui ont tâché de
faire une confusion dans ces biens, et ainsi, mettre entièrement dans
l’esclavage et dans leur dépendance les prêtres catholiques pour le
recouvrement de leur traitement, et même tous les catholiques pour l’entretien
et la restauration de leurs églises ; car vous savez, messieurs, à combien
d’abus n’ont pas conduit les subsides que nos églises ont dû demander aux
gouvernements de Bonaparte et de Guillaume, pour l’entretien et la restauration
de leurs bâtiments ; comme malheureusement nous commençons à faire la dure
expérience que notre direction des cultes entre dans la même déplorable voie et
qu’on se plaint de la partialité qui a lieu dans la distribution de ces
subsides.
Vous n’avez pas le droit de toucher aux biens des
fabriques, ils sont, je le répète, uniquement destinés à l’entretien des
temples, à leur ameublement et restauration, et aux dépenses des services
quotidiens : la constitution est précise, la disposition de l’art. 117 est
claire ; aucune exception n’est prévue, et chose étrange ! des catholiques
voudraient méconnaître la constitution pour agir en défaveur de leur religion.
Soyons tolérants et respectons toutes les religions, mas aussi ne soyons pas
partiaux contre les catholiques et ne leur refusons pas ce que vous avez
accordé aux sectes.
Plusieurs
membres. - La clôture ! la clôture !
M. le président. -
L’assemblée n’est plus en nombre, il sera prononcé demain sur la demande de
clôture.
Messieurs, la députation chargée de présenter à S.
M. l’adresse de la chambre devant être reçue par elle demain à midi, je propose
de fixer à une heure l’ouverture de la séance.
- Adopté.
La séance est levée à quatre heures et demie.