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Note d’intention
Chambre des représentants de Belgique
Séance
du mercredi 30 novembre 1836
Sommaire
1) Pièces
adressées à la chambre, notamment pétition relative au droit de sortie sur les
os (Donny) et sur les faïences (Berger)
2) Fixation
de l’ordre des travaux de la chambre. Droit sur les os (Desmet),
primes pour constructions navales (Smits), pêche
nationale (A. Rodenbach, Donny)
3) Projet
de loi relatif aux crimes et délits commis par des Belges à l’étranger
4) Projet
de loi relatif à la surveillance des prisonniers libérés (Ernst)
5)
Rapports sur des pétitions relatives, notamment à la remise du droit d’accise
en faveur d’un raffineur de sucre (J.-L. Casier), suite à l’incendie de son
entrepôt) (Hye-Hoys, Verdussen,
Gendebien, Dubus, d’Huart, Verdussen, Hye-Hoys, Dumortier, d’Huart, Hye-Hoys, Gendebien, Verdussen, Dubus, d’Huart, Dumortier,
Gendebien, de Brouckere)
6) Projet
de loi prorogeant la loi sur les concessions de péages
7)
Fixation de l’ordre du jour
(Moniteur
belge n°337, du 1er décembre 1836)
(Présidence de M. Raikem.)
M. Verdussen
procède à l’appel nominal à 2 heures.
Il donne ensuite lecture du procès-verbal de la
séance précédente ; la rédaction en est adoptée.
Le même membre présente l’analyse des pièces
adressées à la chambre.
PIECES ADRESSEES A
« Les sieurs Janssens et Deknuyt,
à Ostende, renouvellent leur demande d’augmentation du droit de sortie sur les
os. »
_______________
« Plusieurs médecins et chirurgiens de Ninove
demandent l’adoption du projet de loi qui modifierait l’art. 42 de la loi sur
la contribution personnelle. »
_______________
« Des propriétaires
de faïenceries de la province de Luxembourg adressent des observations
relatives aux faïenceries, sur le projet de loi relatif aux modifications au
tarif des douanes. »
_______________
M d’Hoffschmidt informe la chambre qu’une
indisposition l’empêche de prendre part aux délibérations de l’assemblée.
- D’après les précédents de la chambre, la pétition
des médecins et chirurgiens de Ninove est renvoyée à la commission chargée de
l’examen du projet de loi relatif à la contribution personnelle.
_______________
M. Donny. -
Messieurs, l’on vient de présenter l’analyse d’une pétition relative à la
sortie des os ; je demande que cette pétition soit renvoyée à la commission
d’industrie, avec demande d’un prompt rapport.
A cette occasion, je rappellerai que les os sont
frappés à la sortie d’un droit pour ainsi dire dérisoire ; que la chambre s’est
déjà occupée de cet objet, et qu’elle y aurait porté remède dans la session
précédente, si le temps ne lui avait manque.
M. Smits. - La
commission d’industrie n’a plus à faire de rapport ; un projet de loi a été
présenté ; il ne s’agit plus que de le discuter.
M. Donny. -
Messieurs, je ne demande pas que la commission d’industrie fasse un rapport sur
le projet de loi présenté par le gouvernement, mais bien sur la pétition
adressée à la chambre ; le renvoi à la commission lui fournira l’occasion de
communiquer à la chambre les nouveaux renseignements qu’elle peut avoir
recueillis.
- Le renvoi de la pétition
à la commission d’industrie, avec demande d’un prompt rapport, est ordonné.
_______________
M. Berger. - Parmi
les pétitions qui viennent d’être analysées, il s’en trouve une qui a été
adressée par plusieurs fabricants de faïenceries dans la province de
Luxembourg.
Cette pétition renferme des observations
extrêmement importantes et relatives aux modifications proposées par M. le
ministre des finances à notre tarif des douanes.
Je demande, en conséquence, que la pétition soit
renvoyée directement à la commission d’industrie. Si cette pièce devait passer
par la filière ordinaire, il serait probable que le projet de loi présenté par
M le ministre des finances fût mis en discussion avant que le rapport sur la
pétition pût vous être fait. Comme elle renferme des faits importants, des
observations précieuses, je demande qu’elle soit renvoyée, directement à la
commission d’industrie.
- La proposition de M. Berger est adoptée.
M. Desmet. - Je
demande que la chambre veuille ordonner que le projet de loi sur la sortie des
os soit mis à l’ordre du jour le plus tôt possible, par exemple la semaine prochaine.
M.
Smits. - Je ne m’oppose pas à ce que cet objet soit mis à l’ordre du
jour ; mais s’il s’agissait de régler les matières de l’ordre du jour, je
demanderais la priorité en faveur du projet concernant les primes pour constructions
navales.
Ce projet est bien plus important que l’autre ; et
la discussion de celui-ci pourrait venir immédiatement après.
Si la commission chargée d’examiner le projet de loi
sur la pêche avait préparé son rapport, on pourrait également discuter ce
projet ; cette loi est également urgente, et réclame toute la sollicitude de la
chambre.
M. A. Rodenbach.
- Il est des lois plus importantes que le projet relatif aux primes pour
constructions navales ; de ce nombre est la loi concernant le sel ; il est
indispensable qu’on s’occupe de cet objet après la discussion des budgets
puisque la loi est destinée à rapporter au gouvernement un million de plus
qu’il ne reçoit actuellement de ce chef.
Je demanderai encore que M. le ministre des
finances veuille bien déposer le plus tôt possible la loi sur la pêche ;
personne ne contestera que ce ne soit là un objet de la dernière importance.
M. Donny. - Je pense
avec l’honorable préopinant que le projet de loi, que M le ministre des
finances a promis de nous présenter sur la pêche, doit être déposé avant que
l’on statue d’une manière définitive sur le projet de loi relatif aux primes
pour constructions navales ; ces deux projets de loi sont corrélatifs par leur
nature ; et aussi longtemps que le projet du ministre des finances n’aura pas
été présenté nous ne pourrons pas, en connaissance de cause, prendre une
décision sur le projet concernant les primes.
Je me joins donc à l’honorable préopinant pour
prier le ministre des finances de nous soumettre la loi le plus tôt possible.
La chambre décide que le projet de loi relatif à la
sortie des os fera partie des matières du prochain ordre du jour.
PROJET DE LOI RELATIF AUX CRIMES ET DELITS COMMIS
PAR LES BELGES A L’ETRANGER
Second vote des
articles et vote sur l’ensemble du projet
La chambre confirme successivement les amendements
introduits dans le projet de loi lors du premier vote.
On procède au vote, par appel nominal, sur
l’ensemble de la loi.
En voici le résultat :
63 membres prennent part au vote.
60 répondent oui.
3 répondent non.
En conséquence, le projet de loi est adopté. Il
sera transmis au sénat
Ont répondu oui : MM. Andries, Beerenbroeck,
Bekaert, Berger, Goblet, Brabant, Coppieters, Cornet de Grez, Dams, de
Brouckere, Dechamps, de Jaegher, de Longrée, de Meer de Moorsel, F. de Mérode,
W. de Mérode, Desmaisières, Demonceau, de Muelenaere, de Nef, Dequesne, de Roo,
Desmanet de Biesme, Desmet, de Terbecq, Devaux, d’Huart, Donny, Dubois, Dubus
(aîné), Dubus (Bernard), Dumortier Duvivier, Eloy de Burdinne, Ernst, Heptia,
Hye-Hoys, Keppenne, Liedts, Mast de Vries, Morel-Danheel, Nothomb, Pirson,
Polfvliet, Pollénus, Raikem, A Rodenbach, C. Rodenbach, Scheyven, Smits, Stas
de Volder, Troye, Ullens, Vandenbossche, Vandenhove, Vanderbelen, Verdussen,
Verrue-Lafrancq, L. Vuylsteke, Zoude et Fallon.
Ont répondu non : MM. Gendebien, Seron et Van den Wiele.
PROJET DE LOI RELATIF A
Second vote des
articles et vote sur l’ensemble du projet
Les amendements adoptés à l’article premier et aux
premiers paragraphes de l’art. 2 sont confirmés sans discussion.
Sur la proposition de M. le ministre de la justice,
le dernier paragraphe de l’art.
« Ceux qui, ayant été condamnés à l’une des
peines prévues par le paragraphe premier de l’article 1er, ou pour l’un des
crimes ou délits désignés par le présent article, commettraient ensuite l’un de
ces crimes ou délits, pourront être mis sous la surveillance de la police
pendant cinq ans au moins et dix ans au plus. »
M. le ministre de la justice
(M. Ernst). - Messieurs, je viens d’insérer dans non amendement le mot
« crimes » avant le mot « délits ; » au lieu de cette
phrase : « commettraient ensuite un de ces délits, » nous aurons la
phrase suivante : « commettraient ensuite un de ces crimes ou délits, »
c’est-à-dire, un des crimes ou délits désignés dans le présent article. Au
moyen de cette rectification il n’y aura plus le moindre doute sur le texte qui
s’appliquera non seulement aux délits proprement dits, mais encore aux crimes
qui sont assimilés aux délits en ce qu’ils n’ont donné lieu qu’à une peine correctionnelle.
- L’amendement de M. le ministre de la justice est
définitivement adopté avec la modification qu’il vient d’indiquer.
L’amendement adopté à l’article 3 est confirmé.
On procède ensuite à l’appel nominal sur l’ensemble
de la loi.
En voici le résultat.
65 membres ont pris part au vote.
62 ont répondu oui.
3 ont répondu non.
En conséquence le projet de loi est adopté. Il sera
transmis au sénat.
Ont répondu oui : MM. Andries, Beerenbroeck,
Bekaert, Berger, Goblet, Brabant, Coppieters, Cornet de Grez, Dams, de
Brouckere, Dechamps, de Jaegher, de Longrée, de Meer de Moorsel, F. de Mérode,
W. de Mérode, Demonceau, de Muelenaere, de Nef, Dequesne, de Roo, Desmaisières,
Demanet de Biesme, Desmet, de Terbecq, Devaux,
d’Huart, Donny, Dubois, Dubus (aîné), Dubus (Bernard), Dumortier Duvivier, Eloy
de Burdinne, Ernst, Heptia, Hye-Hoys, Keppenne, Lardinois, Liedts, Mast de
Vries, Meeus, Morel-Danheel, Nothomb, Pirson, Polfvliet, Pollénus, de Man
d’Attenrode, Raikem, A Rodenbach, C. Rodenbach, Scheyven, Smits, Stas de
Volder, Troye, Ullens, Vandenbossche, Vandenhove, Vanderbelen, Verdussen,
Verrue-Lafrancq, L. Vuylsteke, Zoude et Fallon.
Ont répondu non : MM. Gendebien, Seron et Vanden Wiele.
RAPPORTS SUR DES PETITIONS
M. Hye-Hoys, rapporteur.
- Messieurs, les pétitions relatives à la péréquation cadastrale, inscrites au
feuilleton sous les n° de
- Adopté.
_______________
M. Hye-Hoys, rapporteur.
- « Par pétition du 25 octobre 1835, le sieur Jean Louis Casier, raffineur
de sucre à Gand, renouvelle sa demande que la chambre adopte une loi qui
autorise M. le ministre des finances à lui accorder restitution ou décharge des
droits d’accises sur deux quantités de sucre incendiés dans son entrepôt
fictif, dans le cas où la chambre prononcerait que l’art. 282 de la loi
générale ne fût pas applicable. »
Le pétitionnaire vous a exposé par ses deux
pétitions la dernière en date du 25 octobre 1835, que dans la nuit du 6 au 7
avril 1834 son usine avait été la proie des flammes et qu’il avait entièrement
perdu dans cet incendie, outre les bâtiments et les ustensiles de la
raffinerie, 117,400 kilog. de sucres consumés dans
l’usine et dans les magasins, dont rien, messieurs, n’était assuré ;
Que dans cette malheureuse position il avait
présenté une enquête au Roi, pour obtenir la décharge des droits d’accises sur
cette quantité de sucre, se fondant sur l’art. 282 de la loi générale du 26
août 1822, d’après lequel il peut y avoir exemption de droits pour les
marchandises « qui seraient perdues, naufragées, brûlées, etc., et sur
lesquelles l’accise due n’aurait pas encore été acquittée ; »
Mais que sa demande avait été rejetée en tant
qu’elle frappait sur les sucres qui, lors de l’incendie, se trouvaient dans son
usine et dans ses magasins particuliers pour le motif qu’aucune disposition
législative en vigueur n’autorise la restitution ou la remise des droits sur
les marchandises dont l’accise est acquittée, ou qui ont été mises à la
disposition particulières des négociants.
La première pétition du sieur Casier fut envoyée
par décision de la chambre du 1er mai dernier, à M. le ministre des finances
avec demande d’explications, et ces explications furent fournies par M. le ministre
dans la session extraordinaire du mois d’août 1835.
Il serait superflu de vous rappeler, messieurs, et
les explications du ministre et les observations auxquelles elles ont donné
lieu de la part du pétitionnaire, puisque tout cela se trouve amplement
développé dans sa dernière pétition que le sieur Casier a fait imprimer et
distribués à tous les membres de la chambre.
Tout ce que votre
commission peut dire, c’est qu’après avoir examiné avec attention les requêtes
du pétitionnaire et les pièces et documents à l’appui, elle reconnaît avec lui,
et pour les motifs déduits dans sa dernière pétition, que l’accise prise en
charge de termes de crédit est à considérer comme n’ayant pas été acquittée
dans le sens de l’art 282 de la loi générale, et que par suite il y a justice
de lui appliquer l’exemption prononcée par ledit article, en faveur des
marchandises perdues, naufragées ou brûlées.
Pour ces motifs, votre commission vous propose de
passer à l’ordre du jour, motivé sur ce que dans l’espèce ledit article 282 n’a
pas besoin d’interprétation, et que le gouvernement peut faire au pétitionnaire
la juste application dudit article, en lui faisant remise des droits sur la
quantité de 117,400 kilog de sucres qui ont été réellement brûlés et perdus,
pat l’incendie de son usine.
M.
Verdussen. - Messieurs, la commission propose l’ordre du jour. Mais il
est bien entendu que c’est l’ordre du jour avec les motifs qu’elle allègue ;
c’est-à-dire qu’après le vote de l’ordre du jour le gouvernement se croira
autorisé à faire usage de l’art 282 de la loi du 26 août,1832, pour accorder à
M. Casier exemption des droits sur ses sucres brûlés.
M. Gendebien. -
La commission des pétitions propose à la chambre d’interpréter l’art. 282 de la
loi du 26 août 1822. Mais si cette interprétation est nécessaire, ce n’est pas
de cette manière qu’elle doit avoir lieu, elle doit être faite législativement
par les chambres sur la proposition d’un membre, ou du gouvernement usant de son
initiative.
Je demande que, toutes choses restant en état, la
chambre vote l’ordre du jour, sans rien préjuger ni pour ni contre la pétition.
M.
Dubus (aîné). - Il me semble que le vote de l’ordre du jour, sans les
motifs du rapport, portera préjudice au pétitionnaire. Le gouvernement doute
s’il peut, dans l’espèce dont il s’agit, faire usage de la faculté que lui
donne l’art. 282 de la loi du 26 août 1832. Dans l’opinion unanime de la
commission, le gouvernement peut faire usage de cette faculté. Quant à la
question de savoir s’il convient qu’il en fasse usage, la commission et la
chambre laissent au gouvernement le soin de la résoudre sous sa responsabilité.
Mais il s’agit de savoir si, dans des cas analogues, l’art. 282 de la loi du 26
août 1832 ouvre une faculté au gouvernement. C’est sous ce rapport que la
question a été examinée par la commission.
Si nous n’adoptons pas l’ordre du jour motivé, nous
ne devons pas la repousser par l’ordre du jour pur et simple. Il convient alors
d’en ordonner le dépôt.
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - C’est la seconde fois qu’une
pétition sur cet objet est présentée à la chambre par le sieur Casier. Déjà une
première demande du même réclamant a été renvoyée, avec demande d’explications,
au ministre des finances ; celui-ci vous a fait connaître que d’après lui, il y
avait au moins doute sur la portée de l’article 282 de la loi du 26 août 1822,
entendu dans le sens indiqué par M. le rapporteur de la commission des
pétitions. Maintenant, si vous renvoyez purement et simplement la pétition au
ministre des finances, il sera libre d’en rester dans les mêmes termes, parce
qu’il ne sera pas lié par un renvoi pur et simple.
Du reste, messieurs, je pense avec l’honorable M.
Gendebien et avec le préopinant que la chambre ne peut pas adopter, d’après un
rapport et par des conclusions semblables, l’interprétation d’une loi
quelconque, car cette interprétation serait sans valeur, puisque pour qu’elle
fût valide, il faudrait qu’elle fût loi et déclarée telle par les trois
branches du pouvoir législatif. Je crois donc que la conclusion motivée de la
commission ne peut être admise par la chambre.
Quoi qu’il en soit, je ne m’oppose pas à ce qu’on
me renvoie la pétition, et si ce renvoi a lieu, j’examinerai les arguments
exposés par la commission des pétitions, et si j’acquiers la conviction que
l’art. 282 de la loi générale peut s’interpréter d’une manière aussi libérale
que l’entend la commission, j’en ferai application dans le cas où j’aurais
également mes apaisements sur la question de fait.
M. Verdussen. - Il ne m’est pas échappé de voir
ce qu’il y avait d’insolite dans le rapport de la commission des pétitions ;
c’est pour cela que j’ai appelé l’attention de la chambre sur les conclusions
que cette commission a prises.
M. le ministre dit qu’il a déjà examiné la
réclamation ; mais ce premier examen n’a pas été favorable au pétitionnaire. Le
ministre ajoute qu’il examinera de nouveau, et que s’il trouve son apaisement
par les renseignements de la commission, il agira en conséquence ; toutefois,
il ne nous dit pas ce qu’il fera dans le cas contraire, et s’il présentera un
projet de loi sur ce cas spécial.
Tout le monde connaît la position de M. Casier, et
sait combien il importe de statuer sur l’interprétation de la loi ; et je
voudrais que le dépôt de la pétition au bureau des renseignements fût ordonné
en même temps que le renvoi au ministre, afin qu’il fût possible à un ministre
de provoquer lui-même un projet interprétatif.
M. Hye-Hoys, rapporteur.
- Le pétitionnaire est persuadé avoir droit ; et si on faisait refus
d’appliquer la loi comme il croit qu’elle doit être entendue, il provoquerait
une loi particulière, une loi qui lui serait toute spéciale.
M.
Dumortier. - Il n’y a pas de demande plus juste que celle faite par le
pétitionnaire ; et, quant à moi, je ne crois pas qu’on puisse élever le moindre
doute sur cette question : Un négociant a de la marchandise prise en charge ;
elle est brûlée ; le ministre peut-il refuser la restitution des droits ? La
chambre commettrait une injustice si elle refusait les conclusions de la commission.
S’il plaît au ministre de ne pas faire droit à un grief que nous reconnaissons
comme fondé, je vous le demande, est-il possible que l’on vienne ici prétendre
que la chambre ne doit pas intervenir ? Pour que ces prérogatives de la chambre
ne soient pas annihilées, pour qu’elles ne soient pas illusoires, nous devons
nous empresser d’admettre la proposition de la commission en faveur de la
personne qui se plaint et qui a droit de se plaindre.
Le ministre aurait-il peut que, dans la loi des
comptes, on ne lui allouât pas la somme dont il s’agit. Mais dès qu’elle sera
intervenue, il ne doit plus avoir cette crainte.
Je demande l’adoption des conclusions de la
commission et le dépôt au bureau des renseignements ; car autrement ce serait
déclarer qu’il ne sera pas fait justice au réclamant.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - En vertu de l’art. 112 de la constitution,
nulle exemption ou modération d’impôts ne peut être établie que par une loi.
Dans l’espèce, lorsque l’impôt est légitiment acquis au trésor, si la loi de
1822 que l’on a invoquée ne stipule pas expressément que le gouvernement peut
en faire remise, celle-ci devient impossible. Or, d’après les lois sur les
sucres, lorsqu’ils sont pris en charge, les droits sont légalement acquis au
trésor, et si la marchandise, si le sucre disparaît ensuite, soit par incendie,
soit par fraude, ou par tout autre événement, il n’en est pas moins vrai que
l’impôt est légalement acquis au trésor.
Maintenant on dit
que le ministre n’a qu’à proposer une loi spéciale en faveur du pétitionnaire
pour lui faire remise du droit ; mais des mesures semblables ne sont pas sans
entraîner de graves inconvénients ; après avoir vendu une telle loi, ne
serons-nous pas exposés à nous laisser entraîner par des demandes spéciales
qu’à chaque instant on vous adressera pour des cas de force majeures ? Qui nous
garantira que nous ne serons pas engagés dans des mesures exceptionnelles
toujours dangereuses ?
Relativement à l’objet particulier qui nous occupe,
il ne saurait être prouvé d’une manière bien claire, bien péremptoire, que les
sucres brûlés l’aient été réellement : les bâtiments de l’entrepôt particulier
ont été incendiés, soit ; mais les sucres y étaient-ils encore quand ces
bâtiments ont été détruits par le feu ? Cela est probable, mais non
incontestable.
Les propositions faites par MM. de Brouckere et
Gendebien sont convenables et conformes à la nature des choses : que l’on
renvoie la pétition à mon département ; je l’examinerai de nouveau ; et si même
il ne me reste plus que des doutes, je les interpréterai favorablement au
réclamant.
M. Hye-Hoys, rapporteur,
revient sur les motifs qui ont déterminé la commission à prendre des
conclusions favorables à la requête du sieur Casier, et persiste à croire que
la remise des droits est légale.
M. Gendebien. -
Les réflexions de l’honorable rapporteur n’ont aucun poids ; car, dés qu’un
négociant a pris en charge, il est débiteur. Je m’intéresse autant que tout
autre au malheur dont M. Casier a été la victime ; nous ne voulons pas que l’on
consomme une injustice à son égard, mais nous voulons que l’on n’aille pas plus
loin qu’il ne faut aller ; nous voulons éviter une interprétation insolite, et
voilà tout ; or, la forme dans laquelle le rapport est rédigé, entraîne une
interprétation.
Ce serait un acte insolite de votre part ; vous ne
pouvez interpréter les lois que conformément aux règles tracées par la
constitution, c’est-à-dire que par l’intervention des trois branches du pouvoir
législatif.
Vous ne pouvez pas contraindre le ministre à
changer d’opinion ; ce n’est que par une interprétation législative que vous
pouvez agir sur sa volonté, et non par une injonction de la chambre.
Ne serait-ce pas d’ailleurs compromettre la dignité
de la chambre que de prendre une décision que le ministre serait en droit de ne
pas respecter ? Examinez ces nouvelles considérations que j’ajoute à celles
qu’on a déjà fait valoir.
J’appuie le renvoi au ministre des finances et le
dépôt au bureau des renseignements, c’est tout ce que nous pouvons faire ; le
ministre examinera de son côte, nous examinerons du nôtre, et nous verrons s’il
y a lieu à interpréter la loi. C’est là la seule manière de repaver une grande
injustice, si tant est qu’il y ait injustice.
Quant à moi, je ne connais pas encore assez les
faits pour me prononcer sur ce point, Le ministre vous dit même que l’on n’est
pas d’accord sur les faits ; les bâtiments ont été incendiés, voilà un fait
incontestable ; mais un fait qui n’est pas prouvé, vous a dit le ministre, et
qui doit l’être, c’est de savoir si le sucre pris en charge a été brûlé.
M.
Hye-Hoys. - Ces faits ont été constatés !
M. Gendebien. -
Si les faits sont constatés, j’en félicite le pétitionnaire ; mais nous ne
pouvons entrer dans tous les détails qui ne sauraient, au surplus, faire
légitimer les conclusions de la commission des pétitions. L’unique objet de mes
observations, c’est d’empêcher que la chambre ne pose un antécédent fâcheux. En
demandant le renvoi au ministre des finances et le dépôt au bureau des
renseignements, nous pourrons avoir chacun nos apaisements ; nous ne
préjugerons rien, et nous nous réserverons d’examiner ultérieurement le point
de droit s’il y a lieu à interprétation, et le point de fait s’il y a lieu à
procéder par voie d’équité.
M.
Verdussen. - Messieurs, lorsque le ministre des finances vous a
détaillé tantôt les motifs pour lesquels il n’a point accueilli la demande du
pétitionnaire, il s’est appuyé principalement sur l’art. 112 de la
constitution, qui dit que nulle exemption d’impôt ne peut être établie que par
une loi ; et d’après les scrupules de M. le ministre il paraît croire que la
demande dont il s’agit ne repose pas sur une loi ; mais, messieurs, c’est là
une erreur, car la loi qui régit la matière laisse au gouvernement le soin de
décider, dans des cas particuliers, si l’exemption peut être accordée.
Le ministre a dit qu’il n’est pas prouvé que les
sucres qu’on dit brûlés se trouvassent réellement dans l’entrepôt au moment de
l’incendie ; c’est là une question, messieurs, que je ne veux pas préjuger et
qui doit être soumise à l’examen de M. le ministre ; mais quand on dit que la
demande ne peut pas être accueillie parce qu’en vertu de l’art. 112 de la
constitution une exemption d’impôt ne peut être accordée que par une loi, je
réponds que cette loi existe et qu’il dépend du ministre de l’appliquer.
M. Dubus (aîné).
- Messieurs, on vous a dit tout l’heure que la chambre ne devait pas
intervenir, de manière à prendre sous sa responsabilité la décision éventuelle
du ministre ; et l’on insiste encore à cet égard, en s’appuyant sur la loi que
vient de mentionner l’honorable préopinant ; remarquez, messieurs, que cette
loi est extrêmement fiscale, puisqu’elle pose le principe qu’aucune restitution
d’impôt ne peut être faite.
Cependant elle autorise le gouvernement à accorder
une exemption dans certains cas particuliers, c’est que la loi a voulu que
toutes les fois que le gouvernement aurait des motifs pour supposer que les
allégations de perte n’ont été faites que pour frauder les droits, il pût
refuser l’exemption.
Quel est le droit dont il
s’agit ? C’est un impôt de consommation, car c’est pour cela qu’il est restitué
au négociant qui exporte les marchandises pour lesquelles il l’a payé. Or
comment concevoir qu’on fasse payer un impôt de consommation au négociant qui a
perdu ses marchandises par un accident de force majeure ? Du moment que la
marchandise ne peut plus être consommée (et elle ne peut pas l’être quand elle
n’existe plus), il va de soi que l’impôt doit être restitué. Mais l’esprit
fiscal qui a présidé à la rédaction de la loi a fait voir de la fraude partout,
a fait craindre qu’on ne prît prétexte d’un événement malheureux pour supposer
des pertes qui réellement n’existeraient pas, pour se faire ainsi
frauduleusement restituer les droits de marchandises qui, dans le fait, ne se
seraient pas trouvées dans le bâtiment incendié, dans le navire naufragé. C’est
pour cela que la loi a laissé au libre-arbitre du gouvernement qui s’enquerrait
des faits, la faculté d’accorder la restitution lorsqu’il aurait acquis la
conviction que les pertes alléguées auraient été réellement subies, et de la
refuser quand il soupçonnerait de la fraude.
Je n’hésite donc pas à déclarer que la question de
droit est tout à fait favorable au pétitionnaire ; quand à la question de fait,
nous devons abandonner au ministre le soin de l’examiner ; pour ma part, je
crois qu’il est prudent de n’émettre aucune opinion à cet égard.
M.
Hye-Hoys, rapporteur. - Toutes les pièces sont en règle et les faits
sont bien constatés.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Je crois, messieurs, qu’il est inutile de
prolonger ce débat ; je répète de nouveau que si la chambre me renvoie la
pétition, je l’examinerai en ce qui concerne le point légal et la question des
faits ; si j’ai mes apaisements quant au point légal, et si, d’un autre côté,
il m’est bien démontré que les sucres dont il s’agit ont réellement été
détruits par les flammes, je prendrais une décision dans le sens de la demande
du pétitionnaire. C’est là tout ce que la chambre peut exiger. J’ajouterai
seulement, messieurs, que la position du réclamant est toute spéciale, et
qu’elle peut mériter la bienveillance du gouvernement.
M.
Dumortier. - M. le ministre des finances paraît avoir motivé sa
première décision sur ce que, les marchandises étant prises en charge, le droit
en aurait dès lors été acquis au trésor. Remarquez, messieurs, qu’il n’en est
pas ainsi : je suppose, en effet, que demain un entrepôt du gouvernement vienne
à être incendié ; pourrait-on prétendre que les négociants devraient encore
payer les droits de marchandises qu’ils y avaient déposées, sous le prétexte
qu’elles étaient prises en charge ? Certainement non ! Eh bien, messieurs, la question
est ici absolument la même ; et du moment que la prise en charge ne suffit pas
pour qu’on puisse exiger le paiement des droits des marchandises incendiées
dans un entrepôt du gouvernement, cette considération ne peut pas davantage
rendre exigible le droit des marchandises incendiées dans un entrepôt
particulier.
D’ailleurs, messieurs, la loi est positive : elle
dit que le gouvernement pourra accorder la remise des droits dans des cas
particuliers. Elle ne dit pas : lorsque les marchandises n’auront pas été
prises en charge, mais lorsque l’accise n’en aura pas été acquittée. Or, comme
elle n’a pas été acquittée, le pétitionnaire se trouve dans le cas prévu par la
loi ; il n’y a donc pas lieu à interpréter la loi, qui est claire ; et c’est au
gouvernement à accorder la remise demandée s’il n’y a pas fraude.
M.
Gendebien. - Je n’ai qu’une seule observation à faire, c’est que nous
n’entendons pas le moins du monde lier le ministre dans un sens ou dans un
autre ; c’est précisément pour cela que nous ne voulons pas du renvoi motivé,
qui pourrait être considéré comme une interprétation de la loi. Nous voulons
laisser la question entière ; nous voulons que le ministre conserve la liberté
d’agir, sous sa responsabilité, comme il l’entendra, sans que nous le gênions
en rien. Le renvoi pur et simple et le dépôt au bureau des renseignements
proposés par M. de Brouckere ne préjugent rien : c’est là ce que nous devons
adopter.
M. de Brouckere.
- Ce que vient de dire l’honorable préopinant est tellement vrai que, lorsque
j’ai demande 1a parole, c’était pour appuyer la pétition de M. Casier, et si
j’ai combattu les conclusions de la commission, c’est parce que la marche
qu’elle nous propose de suivre est tout à fait irrégulière ; mais, je le
répète, mon intention était d’appuyer la pétition.
D’ailleurs, le ministre a déclaré qu’il ferait, en
faveur du pétitionnaire, tout ce que sa responsabilité lui permettrait de faire
; il me semble que cela suffit.
M. Gendebien. -
Mon intention était aussi d’appuyer la pétition.
- La proposition de M. de Brouckere mise aux voix
est adoptée.
En conséquence, la pétition est renvoyée purement
et simplement à M. le ministre des finances, et le rapport sera déposé au
bureau des renseignements.
PROJET DE LOI PROROGEANT
M. le ministre
de l'intérieur (M. de Theux) présente un projet de loi relatif à la prorogation,
pour un an, de la loi concernant la concession des péages.
- Ce projet est renvoyé à une commission de cinq
membres, qui sera nommée par le bureau.
FIXATION DE L’ORDRE
DU JOUR
M. le président. -
A quand la chambre entend-elle fixer sa prochaine séance ?
- La chambre décide qu’elle se réunira samedi
prochain à deux heures. Elle décide ensuite qu’elle s’occupera, dans cette
séance, du projet de loi sur les primes pour constructions navales ; du projet
relatif à la sortie des os, et enfin de celui qui a pour objet une demande de
crédit pour l’établissement Yates et compagnie.
- La séance est levée à quatre heures et demie.