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Note d’intention
Chambre des représentants
de Belgique
Séance
du samedi 3 décembre 1836
Sommaire
1) Pièces
adressées à la chambre, notamment pétition relative au tarif des douanes (Demonceau) et à l’impôt sur le sel (A.
Rodenbach)
2) Projet
de loi portant le budget des voies et moyens pour l’exercice 1837
3) Projet
de loi portant un transfert de crédit au budget du département de la justice
4)
Rapport sur une pétition relative aux droits sur les os
5) Projet
de loi relatif aux droits sur les os (+fabrication de sucre de betteraves) (A. Rodenbach, Desmet, de Brouckere, Donny, Zoude, de Theux, Coghen,
de Brouckere, A. Rodenbach,
Donny, Desmet, de
Theux, A. Rodenbach, Desmaisières,
Smits)
(Moniteur
belge n°341, du 5 décembre 1836)
(Présidence de M. Raikem.)
M. de Renesse
procède à l’appel nominal à 2 heures et demie.
M.
Kervyn lit le procès-verbal de la séance précédente ; la
rédaction en est adoptée.
M. de Renesse
présente l’analyse des pièces adressées à la chambre.
PIECES ADRESSEES A
« Le sieur Tombay,
agent de la société générale à Termonde, demande à être nommé à la place
vacante à la cour des comptes. »
________________
« Trois armateurs de la pêche nationale au
port de Nieuport adressent des observations sur la loi relative au sel. »
________________
« Les
fabricants de draps et autres industriels du district de Verviers s’opposent au
projet relatif aux modifications au tarif des douanes et demandent le maintien
de la prohibition des draps étrangers. »
________________
« La
dame Tiberghien née de Kermann, demande la
liquidation de la créance portée sous le nom de M.-F.-A. Gérard, dans un projet
présenté par le ministre des finances pour solder l’exercice 1830 au
département de la guerre, pour dépenses arriérées. »
________________
« L’administration communale de Lennick St-Martin réclame contre le projet de transférer le
chef-lieu du canton qui se trouve actuellement dans cette commune, dans celle
de Lennick-St-Quentin. »
________________
« L’administration communale de Marilles (Brabant) réclame le paiement d’une somme de 2,131
fr. 6 centimes du chef de prestation faites à l’armée française en 1831 et non
encore liquidées. »
« Même
demande de la part de la commune d’Eninnes pour la
somme de 1,078 fr. 40 c. »
« Le
sieur J.-J. Wahlen, batelier à Vroenhoven,
réclame le paiement d’une indemnité de 236 fr. 60 c. du chef de dégâts causés
par le siège de Maestricht en 1830 et 1831. »
________________
M. Demonceau. -
Messieurs, parmi les pétitions dont on vient de vous présenter l’analyse, il en
est une, signée par un grand nombre d’industriels du district de Verviers, qui
renferme des renseignements précieux et propres à éclairer l’une des questions
les plus importantes relatives au nouveau système de douanes proposé par le
gouvernement. Je demande que cette pétition soit renvoyée à la commission
d’industrie.
- Cette proposition est adoptée.
________________
- Sur la demande de M.
A. Rodenbach., la pétition qui est relative au projet de loi sur le
sel, est renvoyée à la section centrale, chargée de l’examen de ce projet :
Les autres requêtes sont renvoyées à commission des
pétitions.
________________
M. le ministre
de l'intérieur (M. de Theux). adresse à la
chambre un exemplaire du roman flamand de Renard
édité sous les auspices du gouvernement.
- Le dépôt de cet ouvrage à la bibliothèque est
ordonné.
________________
M. Verdussen,
rappelé inopinément à Anvers pour prendre part aujourd’hui à une délibération
importante du conseil d’administration du mont-de-piété, s’excuse par lettre
sur cette circonstance, de ce qu’il n’assiste pas à la séance.
- Pris pour notification.
PROJET DE LOI PORTANT LE BUDGET DES VOIES ET MOYENS
POUR L’EXERCICE 1837
M. Jadot, au nom de
la section centrale chargée de l’examen du projet de loi de budget des voies et
moyens de l’exercice 1837 dépose le rapport sur ce projet.
- La chambre en ordonne l’impression et la
distribution, et décide qu’il sera mis à l’ordre du jour aussitôt qu’il aura
été imprimé et distribué.
PROJET DE LOI
PORTANT UN TRANSFERT DE CREDIT AU BUDGET DU DEPARTEMENT DE LA JUSTICE
M. Pollénus, au
nom de la commission spéciale chargée de l’examen du projet de loi de transfert
du budget du ministère de justice, dépose le rapport sur ce projet de loi. La
chambre en ordonne l’impression et la distribution et le met à l’ordre du jour
de la prochaine séance.
RAPPORTS SUR UNE PETITION RELATIVE AUX DROITS SUR
LES OS
M. Zoude., au nom de
la commission d’industrie, lit le rapport suivant. - « Messieurs, à votre
dernière séance vous ayez renvoyé à la commission d’industrie une pétition du
sieur Janssens-Deknuydt demandant une augmentation de
droit à la sortie des os.
« D’accord avec le pétitionnaire sur le besoin
de cette majoration, nous ne le sommes guère sur les motifs qui l’ont empêchée
jusqu’ici.
« Au dire du sieur Janssens, la chambre ne se
serait déterminée dans l’adoption du tarif que sous l’influence de sa
commission d’industrie, et ce ne serait, qu’instruits par l’expérience, que
vous auriez reconnu combien ses raisons étaient fondées lorsqu’il réclamait
alors un droit élevé.
« Nous repoussons, et vous repousserez avec
nous, messieurs, ces insinuations aussi injustes qu’offensantes ; et nous
répéterons qu’à l’époque de la loi de 1834, les os qui encombraient le pays
excédèrent considérablement ses besoins, que le vil prix que lui donnait le
commerce laissait à peine une chétive ressource à la classe pauvre, en
possession de les recueillir alors. Et il devait en être ainsi, car en 1832 et
33 les exportations avaient été presque nulles ;
« On ne dira pas qu’il y a eu compensation par
la sortie d’une plus grande quantité de noir animal, car il était repoussé en
France par un droit de quatre fois et en Angleterre par celui de dix fois la
valeur, et
« D’après ce qui précède, nous ne croyons pas
que l’on puisse soutenir de bonne foi que la loi que vous avez portée alors
n’était nécessaire.
« C’est par elle que l’indigent de tout âge et
de tout sexe a trouvé dans l’augmentation du prix, qui a suivi immédiatement,
un salaire qui a fait bénir le législateur. Heureux, messieurs, si nous
pouvions entreprendre toutes nos lois de dispositions aussi bienfaisantes.
« Par cette loi et par la publicité des débats
auxquelles elle a donné lieu, vous avez éveillé l’attention publique sur la
valeur d’une matière que jusque-là avait été jetée parmi les immondices. Depuis
lors les os se sont ouvert une carrière dont la science ne peut encore assigner
le terme.
« Aussi, la commission d’industrie vous
disait, en 1834, que la libre sortie des os cesserait d’être une question,
lorsque leur importance se fait apprécier, et c’est dans une semblable
prévision que vous avez sagement introduit dans la loi une disposition portant
qu’elle n’aurait de force obligatoire que jusqu’au 1er janvier 1836. Votre
commission vous disait encore, dans son rapport du 18 décembre 1835, que le
temps était venu d’apporter une restriction à la sortie des os.
« Depuis lors, de nouveaux motifs sont venus
ajouter à ceux qu’avait déjà votre commission lorsqu’elle proposait une
augmentation de droit.
« Ces motifs, nous les puisons dans la
protection due à une industrie naissante qui promet un si bel avenir à notre
agriculture : dès son début, elle a déjà employé 600 bonniers de terre à la
culture des betteraves, et des millions y seront d’abord consacrés si nous
imitons la rapidité de ses progrès en France, et nous sommes, au moins autant
qu’elle, dans des conditions heureuses de production, nous sommes même plus
favorisés sous le rapport des os que le pays fournit dans une quantité
relativement plus forte.
« Mais prenons-y garde, messieurs,
« Nous avons dit plus haut que
« En 1834, elle en a reçu 350,000
« En 1835, cette quantité s’est élevée à près
de 2,000,000
« Et, d’après l’exportation pendant les huit
premiers trimestres, le chiffre de 1836 s’élève à 3,000,000
« Mais, en réalité, l’exportation est
supérieure de beaucoup aux quantités déclarées, et telle exacte, telle
rigoureuse que puisse être la surveillance aux bureaux frontières, il est
impossible de prévenir la fraude qui s’en fait ; cette fraude, dit la chambre
de commerce de Tournay, résulte de la difficulté de contrôler les déclarations
à la sortie. Des os puants s’exportent par charge pleine, sans emballage et de
manière à rendre la vérification presque impossible, en sorte que dans le fait
on ne paie pas même la moitié du droit. Vous voyez que la modicité d’un droit
n’est pas toujours une garantie contre la fraude.
« Cependant, messieurs, vous le savez, la
sucrerie de betterave exige un emploi très considérable de noir animal : la
quantité qu’il lui faut est du tiers en poids du sucre fabriqué. Ainsi, dès la
première année, il faut à ces établissements un demi-million de noir, ce qui
représente un million de kilog. d’os
; cette quantité sera probablement doublée l’an prochain.
« En présence de ces faits, votre commission
déclare qu’elle appuiera les amendements qui auront pour but de majorer le
droit proposé par le gouvernement. »
- La chambre ordonne l’impression de ce rapport au Moniteur.
PROJET DE LOI RELATIF AUX DROITS SUR LES OS
Discussion des
articles
Article premier
M. le président. -
Messieurs, voici le projet tel qu’il a été présenté par le gouvernement ; la
commission en propose l’adoption.
« Art. 1er. L’entrée, la sortie et le transit
des os seront, à partir du 1er janvier 1837, soumis aux dispositions suivantes
:
« Os de toutes sortes (excepté les pieds de
moutons), sans distinction s’ils contiennent ou non de la gélatine, rognures de
boutons et autres déchets d’os, les 1,000 kilog. : 20 c. à l’entrée ; 10 fr. à la sortie ; 20 c. en transit
;
« Pieds de moutons, les 1,000 kilog. :
20 c. à l’entrée ; prohibés à la sortie ; 2 fr. en transit. »
« Art. 2. La présente loi cessera son effet au
1er janvier 1838, si elle n’a été renouvelée avant cette époque. »
M.
A. Rodenbach. - Messieurs, il y a environ un an que la chambre a
renvoyé le projet en discussion à la commission d’industrie ; à cette époque,
la commission était d’avis qu’un droit de sortie de 10 fr. les mille kilog. suffisait ; mais depuis
lors il s’est établi beaucoup de fabriques et entre autres des fabriques de
sucre de betteraves qui consomment beaucoup d’os. Il y a donc lieu de moduler
le projet, puisque les circonstances ont changé depuis qu’il nous a été
présenté.
On a fait une statistique de la consommation de la
viande, que j’ai lieu de croire exacte ; il en résulte que nous consommons en
Belgique annuellement 100 millions de kilog. de viande ; or, comme les os qui en résultent s’élèvent,
suivant les unes à un quart, suivant les autres à un cinquième, on peut calculer
que nous avons environ 20 millions de kilog. d’os par an. La perte peut s’évaluer à 3/5, car on en donne
même aux animaux ; resterait donc environ 8 millions pour les besoins de
l’industrie. Il en faut déjà 4 millions pour les raffineries de sucre de cannes
; un million pour les fabriques de colle forte ; il en faut encore beaucoup
pour plusieurs autres fabrications ; nous avons même vu à l’exposition des
faïences faites avec des os. Il est donc indispensable de restreindre la sortie
de cette marchandise, car nous devons absolument protéger la fabrication du
sucre de betteraves : c’est là une industrie nouvelle qu’il est de la plus
haute importance de favoriser, d’autant plus que nous n’avons pas de colonies.
L’honorable rapporteur
vient de nous faire connaître qu’en 1834 il est passé de Belgique en France
350,000 kil. d’os ; en 1835, 2,500,000 et qu’en 1836
ce chiffre s’élève à 3 millions. Il y a plus,
Il est donc essentiel, messieurs, de ne pas laisser
sortir ces os du pays, et il me semble que le droit de 10 fr. par 1,000 kilog., proposé par le gouvernement, est beaucoup trop
faible pour atteindre ce but ; je proposerai donc de doubler le chiffre ministériel
et même si quelqu’un proposait un chiffre encore plus élevé, je crois que je
l’appuierais.
M. Desmet. -
Messieurs, au lieu de 10 fr. par 1,000 kilog., je proposerai d’élever le droit à 5 fr. par 100 kilog. : depuis que la prohibition de la sortie des os a
été levée, cette marchandise a considérablement renchéri, au point que ce qui
se vendait 1 fr. se vend maintenant jusqu’à 14 fr., et cela n’est pas étonnant,
car la consommation du noir animal a augmenté de 40 p. c. ;
celle de la colle dont on se sert pour la fabrication des draps a augmenté de
50 p. c. ; il en est de même du sel ammoniac.
Toutes les chambres de commerce qui ont été
consultées sont d’accord sur la nécessité d’augmenter le droit, je pense en
conséquence que la chambre ne voudra pas s’opposer à ce qu’un droit élevé soit
porté, qui n’aille pas, au reste, au-delà de 50 p. c.
M. de Brouckere.
- M. le ministre se rallie-t-il aux modifications proposées par les deux
honorables préopinants ?
M. le ministre
de l'intérieur (M. de Theux). - J’attendrai la discussion.
M. de Brouckere.
- Messieurs, vous vous rappellerez sans doute que la loi du 25 mars
Le gouvernement est venu, par suite de cette
considération, vous proposez un projet de loi qui double le droit sur la
sortie, qui l’élève de 5 fr. à 10 fr.
Je suis tout prêt à donner mon assentiment à ce
projet, mais je viens d’entendre deux honorables collègues qui demandent que le
droit soit élevé à un taux qui me paraît hors de toute proposition. La
proposition de M. Rodenbach tendrait à quadrupler le droit actuel ; M. Desmet
va plus loin ; il veut décupler le droit ; il demande qu’on le porte à 50
francs.
Pour accueillir des propositions aussi
exorbitantes, il faut avoir des motifs réels à faire valoir ; or, je ne vois
pas que nos honorables collègues nous aient présenté ces motifs.
On a dit que le noir animal est devenu plus cher :
cela est vrai ; le prix de la colle peut être aussi augmenté : je ne le nie pas
non plus ; mais je demanderais : Y a-t-il donc des plaintes si grandes dans le
pays, du chef de cette augmentation ? C’est ce que, pour moi, je ne crois pas.
Remarquez que les
fabricants, et les chambre de commerce qui ont été consultées tout en
témoignant le désir, pour la plupart, que le droit fût augmenté, se sont
empressés d’ajouter qu’il ne faut pas porter ce droit à un taux qui équivaille
à une prohibition ; et la raison en est simple : c’est que si vous veniez à
prohiber la sortie des os, ou à la frapper d’un droit tellement élevé qu’il
équivaille à la prohibition, le commerce des os perdrait son activité, et par
là, la classe indigente que ce commerce entretient perdrait sa principale
ressource. Permettez-moi, messieurs, de vous lire, à cette occasion, un
paragraphe du rapport fait par l’’honorable M. Zoude :
« Quant au prix, nous avons lieu de croire que
celui des os est doublé dans six provinces, et qu’il est resté presque le même
dans les trois autres ; ceux de la colle et du noir animal sont augmentés de
moitié ; mais cette augmentation, qui a accru de beaucoup le salaire de la
classe indigente, occupée particulièrement à recueillir les os, ne paraît pas
avoir exercé une influence fâcheuse sur le commerce ; car, d’un côté, la
prospérité des raffineries de sucre va toujours en croissant, tandis que le
renchérissement de la colle n’a excité aucune réclamation dans les lieux où il
s’en fait la plus grande consommation ; et cependant le rapport d’une localité
éloignée, à la vérité, fait valoir cette considération comme devant seule
déterminer la prohibition, tandis que le commerce de la ville même que ce
renchérissement intéresse, Verviers, enfin, déclare qu’il ne voit pas
d’inconvénient à en restreindre la sortie, pourvu, toutefois, que cette
restriction ne soit pas portée jusqu’à la prohibition. »
Eh bien, j’adopte en tout point l’opinion de la
chambre de commerce de Verviers, qui me paraît extrêmement sage, et qui semble
être celle de la commission d’industrie ; je veux bien que le droit existant en
vertu de la loi du 25 mars 1834 soit élevé jusqu’au double ; mais il me paraît
qu’il n’existe pas de motifs pour le porter aux taux proposés par MM. Rodenbach
et Desmet.
Je voterai, en conséquence, pour le projet du
gouvernement.
M. Donny. -
Messieurs, j’appuierai l’amendement de l’honorable M. Desmet, et j’ajouterai
une considération nouvelle aux excellentes raisons qui ont été données par
l’honorable rapporteur de la commission d’industrie et par MM. Rodenbach et
Desmet.
Le gouvernement vous propose de doubler le droit
actuel sur la sortie des os, de le porter de 50 centimes les 100 kilog. à un franc ; ou en d’autres
termes, de 5 p. c. sur la valeur à 10 p. c. Sous l’empire du droit de 5 p. c.
sur la matière brute, il s’est établi en France, contre nos frontières, de
nouvelles fabriques, uniquement destinées à l’exploitation, à leur profit, des
richesses matérielles que nous laissons sortir de notre pays, et ces fabriques
ont prospéré.
Maintenant pense-t-on que l’on puisse diminuer
l’exportation qui se fait vers ces fabriques, au moyen d’une majoration de 5 p.
c. sur la matière brute ? certainement, il ne sera pas
ainsi. Pour que cette majoration de 5 p. c. sur la matière brute pût entraver
les travaux de ces fabriques, et diminuer l’exportation, il faudrait
nécessairement que le bénéfice des fabricants fût inférieur à 5 p. c. sur la
matière première qu’ils emploient ; or, bien certainement, ces fabriques ne se
sont pas établies là pour ne faire qu’un bénéfice de 5 p. c. sur la matière
brute. Le bénéfice du fabricant est donc beaucoup plus considérable ; et, s’il
en est ainsi, l’effet de votre loi sera simplement de diminuer quelque peu les
profits des fabricants français, et de faire passer cette diminution dans le
trésor public. Voilà le seul avantage que l’on procurera au pays, et ce n’est
pas cet avantage-là qu’il faut avoir en vue.
Mais supposons, pour un moment, que je me trompe,
et que ces fabriques ne fassent qu’un bénéfice égal ou inférieur à 5 p. c. de
la matière brute qu’elles emploient. Encore, messieurs, dans ce cas, que je
considère comme une absurdité, votre loi n’entravera pas l’exportation des os ;
et voici pourquoi ; sans doute, aussitôt que votre loi sera publiée, le
fabricant cessera de travailler, parce que vous lui ôtez, par votre majoration,
le bénéfice qui lui restait sur son travail ; l’exportation sera donc suspendue
; mais cette suspension aura pour conséquence nécessaire une baisse dans les
prix. Au bout de quelques mois, de quelques semaines, de quelques jours
peut-être, la baisse atteindra le taux de 5 p. c. de la valeur des os ; et
alors le fabricant pourra recommencer ses travaux, l’exportation pourra être
reprise, puisque le fabricant trouvera dans la baisse du prix des os en Belgique
de quoi le compenser de la majoration de votre droit.
Vous voyez donc que la majoration proposée
n’atteindra pas le but qu’on veut atteindre.
Mon honorable ami, M. de Brouckere, s’est étonné de
ce que l’amendement de M. Desmet décuple le droit actuel ; cet étonnement
serait bien légitime, en vérité, si le droit actuel était un droit normal.
Mais, messieurs, veuillez-vous rappeler que le droit qui pèse à présent sur la
sortie des os n’est qu’un droit d’essai.
Vous vous souvenez, messieurs, que lorsqu’en 1834
nous nous sommes écartés du système prohibitif, nous nous sommes trouvés dans
l’embarras pour fixer d’une manière convenable le taux d’un droit de sortie ;
cet embarras était rationnel, le droit pouvait varier entre deux termes
extrêmes, entre le droit prohibitif français de 20 fr. par 100 kil. et la sortie libre des os. On
s’est alors, dans le désir de favoriser autant que possible la classe
indigente, et dominé par l’idée erronée, selon moi, d’un énorme excédant d’os
qui se serait trouvé dans le pays, on s’est alors, dis-je, rapproché autant que
faire se pouvait, de la libre exportation ; et on l’a fait par manière d’essai.
On ne peut donc considérer
le droit actuel comme un droit normal qu’on ne puisse décupler sans exciter la
surprise.
L’honorable préopinant, en s’élevant contre
l’amendement de M. Desmet, s’est appuyé sur les observations des chambres de
commerce et sur le rapport de l’honorable M. Zoude, présenté à la chambre, il y
a un an ; mais je dois faire remarquer à l’honorable membre que depuis lors les
circonstances sont entièrement changées en ce qui concerne les os ; depuis lors
des industries nouvelles se sont fait jour, notamment les fabriques de sucre de
betterave qui promettent de prendre beaucoup d’extension, et cette industrie en
consomme des quantités immenses. On ne peut donc pas s’en rapporter
exclusivement aux renseignements recueillis il y a un an, il faut bien plutôt
prendre en considération le rapport que vient de faire dans cette séance M.
Zoude au nom de la commission d’industrie. Ce rapport prouve d’une manière
évidente que depuis les avis reçus des chambres de commerce, l’état des chose
est changé, à tel point que la commission d’industrie, après avoir examiné de
nouveau la question, s’est trouvée dans la nécessité de changer de langage et
de venir nous dire : Je n’appuie plus le projet du gouvernement, et j’appuierai
tout amendement qui aura pour but d’élever le chiffre proposé.
Je crois inutile d’en dire davantage ; j’appuierai
l’amendement proposé par l’honorable M.
Desmet.
M.
Zoude. - Je ferai remarquer que le rapport auquel M. de Brouckere a
fait allusion a été arrête par la commission d’industrie dans un moment où les
sucreries de betteraves n’étaient encore qu’un projet, et où nos raffineries
n’étaient alimentées que par le sucre de canne. Or, le sucre de canne n’emploie
que 5 p. c. de noir animal, tandis que le sucre de betterave en emploie 50 p.
c. Il y a même un rapport qui vous est parvenu, où il est dit que, pour avoir
du sucre de betterave d’une qualité supérieure, il faudrait employer 100 p. c.
de noir animal. D’ailleurs, à l’époque du précédent rapport de la commission
d’industrie, on ignorait la quantité considérable d’os que
D’après cela, l’honorable M. de Brouckere doit
comprendre que la commission ne pouvait pas persister dans ses conclusions.
Elle n’a pas non plus voulu proposer de chiffre, afin de laisser à chacun la
faculté de présenter celui qui lui paraîtrait le plus convenable. Mais l’avis
de la commission est que le droit soit majoré ; elle croit que c’est une
nécessité ; et pour mon compte j’invite le gouvernement à se rallier au moins
au chiffre proposé par M. A. Rodenbach.
M. le
ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je pense en effet que la
proposition de l’honorable M. Rodenbach pourrait être adoptée avec avantage. Il
est constant qu’il s’établit dans le pays une grande quantité de sucreries de
betteraves qui vont être en pleine activité. La consommation des os deviendra
plus considérable, et il importe, dans l’intérêt de notre industrie, que leur
prix ne soit pas trop élevé. Je ferai remarquer que si d’une part, en empêchant
l’élévation du prix des os, on blesse dans leur intérêt une classe d’ouvriers,
ceux qui s’occupent de les recueillir, d’un autre côté on vient au secours
d’une autre classe d’ouvriers non moins nombreuse, de ceux qui sont employés
dans les établissements qui dont consommation d’os.
Je ne pense pas qu’en portant le droit à 20 fr. on
amène une baisse sur le prix des os. Je crois qu’il se maintiendra au taux actuel,
vu la grande consommation qu’on va en faire.
On concilierait donc tous les intérêts en adoptant
le chiffre de 20 fr.
Mais je ne puis admettre l’amendement de M. Desmet. Le droit qu’il propose me
paraît trop élevé ; jusqu’à présent la nécessité d’une semblable augmentation
ne s’est pas fait sentir.
On a dit qu’un droit de
sortie, s’il n’était pas très élevé, ne produirait pas grand effet, parce que
momentanément on suspendrait les demandes de l’étranger, ce qui amènerait une
baisse, et qu’alors on voudrait faire des achats… Je ferai observer que dès que
les étrangers se représenteront pour faire des achats d’os, le prix se
relèvera.
Je pense que si le droit que propose d’établir M.
Rodenbach n’a pas pour effet d’opérer une baisse, il arrêtera du moins la
hausse, et c’est là le seul but que nous devons nous proposer.
M. Coghen - J’ai
demandé la parole pour appuyer l’amendement de M. A. Rodenbach. La commission d’industrie, dont je fais partie, a
voulu laisser à la discussion de faire voir dans quelle proportion il convenait
d’élever le droit à la sortie des os. On a invoqué les rapports envoyés l’année
dernière par les chambres de commerce ; en présence du développement qu’ont
pris les sucreries de betteraves, leurs avis ne seraient plus les mêmes. Dans
l’intérêt de notre industrie et de notre agriculture, elles ne manqueraient pas
de demander une augmentation de droit sur les os à la sortie. C’est par ce
motif que je me rallie à l’amendement de M. A. Rodenbach. Cet amendement même ne peut être que temporaire,
parce que vous serez obligés de prendre, dans la suite, les mesures plus
sévères contre la sortie des os, dont les sucreries de betteraves feront une
grande consommation. Comme cette industrie doit nous affranchir d’un tribut de
11 à 12 millions que nous payons à l’étranger, nous avons intérêt à conserver
dans le pays ce qui est indispensable à son exploitation. Or, avec les os on
fait le noir animal qui sert à clarifier le sucre de betteraves.
M.
de Brouckere. - Si on veut avoir une loi qui produise de bons effets,
il faut éviter deux écueils. D’un côté, il ne faut pas que le prix des os
puisse s’élever d’une manière démesurée, et d’un autre côté, il ne faut pas non
plus qu’il soit avili à tel point que les malheureux qui en font le commerce
n’y trouvent plus leur subsistance.
Nous sommes tous d’accord pour reconnaître que le
droit de. 5 fr. par mille kilog. n’est
pas suffisant. La question est de savoir à quel taux il doit être porté.
J’avais pensé que si on le doublait, si de 5 fr. on le portait à 10, comme le
proposait le gouvernement, c’était assez faire pour les fabricants de sucre ;
la commission, qui d’abord avait été de cet avis, semble avoir changé
d’opinion, ainsi que le gouvernement qui s’est rallié à un amendement qui
double le droit qu’il propose dans son projet. Je ne ferai pas d’opposition
contre le ministre et la commission d’industrie. Je ne m’opposerai pas à ce
qu’on porte le droit à 20 fr. quoique je pense qu’il suffirait de le fixer à 10
fr.
L’honorable M. Donny a raisonné comme s’il
s’agissait d’établir un droit fiscal. S’il avait lu le rapport et l’exposé des
motifs du gouvernement, il aurait vu qu’il ne s’agissait pas ici d’une mesure
fiscale, mais d’une mesure protectrice, dans l’intérêt du commerce. La seule
chose à examiner est donc la question de savoir si le commerce aura, oui ou
non, une protection suffisante quand les os seront frappés d’un droit de 10 fr.
par mille kilog. à la
sortie.
Mais, dit encore M. Donny, on est parti, pour fixer
son opinion, sur la quotité du droit, du projet de loi de 1834. Or, cette loi
n’était qu’une loi d’essai ; on ne peut pas la prendre pour point de départ.
La loi de 1834 était un essai, c’est vrai, mais en
ce sens qu’on a levé la prohibition à la sortie, moyennant certain droit. Mais
j’en appelle à M. Donny, s’en est-on plaint, de cette loi ? Qu’il lise les avis
des chambres de commerce, il verra qu’elles ne demandent pas toutes une
augmentation de droit. Et si une forte moitié demande que le droit soit élevé,
elle ne demande pas la prohibition, parce qu’une semblable mesure avilirait le
prix d’une matière que le pays produit en trop grande abondance pour ses
besoins. Il y a des chambres de commerce qui demandent qu’on n’établisse qu’on
droit léger, et il y en a qui réclament la libre sortie.
Vous voyez que s’il y a quelques plaintes locales,
ces plaintes ne soit pas générales. En portant, comme je le disais, le droit à
10 fr., on satisfaisait à toutes les exigences.
En me résumant, je déclare que je ne m’opposerai
pas à l’amendement de M. Rodenbach, qui sera une transaction entre la
proposition du gouvernement et celle de M.
Desmet. Comme je préfère celle du gouvernement à celle de M. Desmet, je
voterai pour celle de M. Rodenbach qui se rapproche plus de la première.
M.
A. Rodenbach. - Je ferai observer que le prix des os est maintenant
considérablement augmenté. La chambre de commerce de Tournay vous dit que ce
qui se vendait autrefois 75 c. se paie aujourd’hui jusqu’à 14 fr. Cela vient de
ce qu’autrefois
Je pense que si nous voulons que l’industrie des
sucres prospère, nous devons conserver dans le pays ce qui est nécessaire pour
les faire marcher.
Dans trois départements de France, dans le Nord,
Ainsi, lorsque nous augmentons nos propriétés, nous
enrichissons le pays. Le commerce des os n’est pas si important, d’ailleurs le
droit que je propose n’est pas énorme. M. le ministre de l'intérieur demandait
un droit de 10 fr. par mille kilog. C’était un droit
de 10 p. c. Puisqu’il y a eu hausse dans le prix des os, le prix que je propose
n’est que de 15 p. c. Pour protéger notre industrie, ce droit n’est pas
exorbitant. Remarquez que
M.
Donny. -Messieurs, je ne sais si je me suis mal expliqué ou si
l’honorable M. de Brouckere ne m’a pas bien compris ; mais toujours est-il que
je n’ai pas du tout examiné la loi sous le rapport fiscal. J’ai cherché à
établir que la loi, telle qu’elle a été proposée par M. le ministre,
n’empêcherait pas les fabricants français d’enlever les os de
J’ajouterai un mot. Plusieurs orateurs ont déjà
exprimé l’opinion qu’à une époque plus ou moins prochaine, il faudrait
augmenter le droit pour restreindre l’exportation. L’amendement de M. Desmet
n’a donc d’autre tort que d’établir de suite un état de choses qu’il faudra
bien établir par la suite. Ce n’est pas là un motif pour me faire changer
d’opinion. Je persiste donc à appuyer cet amendement.
M. Desmet. - Il
paraît, à entendre certains orateurs, que le droit que je propose est
exorbitant. Cependant si l’on considère que l’industrie de la fabrication du
sucre de betteraves a besoin de protection, et d’autre part que le prix des os
s’est élevé jusqu’à 14 fr., on doit reconnaître qu’un droit de 35 à 40 fr.
n’est pas trop élevé.
Nos fabriques de betteraves ont besoin d’os ; les
os sont accaparés pour les fabriques du nord de la France. Il faut donc un
droit plus fort. Je crois que celui proposé par M. A. Rodenbach est beaucoup
trop faible. J’espère que la chambre adoptera mon amendement. Je le considère
comme nécessaire pour favoriser la fabrication du sucre de betteraves.
Plusieurs
membres. - Aux voix !
- L’amendement de M. Desmet est mis aux voix ; il
n’est pas adopté.
L’amendement de M. A. Rodenbach, auquel le
gouvernement s’est rallié, et qui consiste à élever de 10 à 20 fr. le droit sur
les mille kilog. d’os de
toutes sortes (excepté les pieds de mouton), sans distinction s’ils contiennent
ou non de la gélatine, rognures de bouton et autres déchets d’os, est mis aux
voix et adopté.
L’art. 1er est mis aux voix et adopté avec cet
amendement.
« Art.
2. La présente loi cessera son effet au 1er janvier 1838, si elle n’a été
renouvelée avant cette époque. »
M. le ministre
de l'intérieur (M. de Theux). - Je proposerai d’indiquer comme terme
auquel la loi cessera ses effets « le 1er janvier 1839. » De cette
manière, on aura 2 ans pour en faire l’expérience.
M. A. Rodenbach.
- Je propose de maintenir le terme d’une année par les raisons que j’ai fait
valoir tout à l’heure. Si j’avais présumé que l’on voulût donner à la loi une
durée de deux ans, j’aurais proposé un droit non pas de 20 fr. mais de 30 ou 40
fr.
M. le ministre
de l'intérieur (M. de Theux). - Je ferai remarquer que, bien que la loi
soit votée pour deux ans, si dans le courant de l’année prochaine le droit
paraît trop bas, rien n’empêchera de faire une nouvelle proposition pour le
majorer. Je crois donc qu’il vaut mieux adopter la loi pour le terme de deux
ans. Déjà un grand nombre de lois doivent être renouvelées annuellement. Il est
inutile de s’imposer d’avance la perte d’un jour de la session prochaine. Si,
contre mon opinion, il était nécessaire d’adopter une majoration de droits, je
serais le premier à proposer un projet de loi dans ce but.
M.
Desmaisières. - Comme l’a dit tout à l’heure l’honorable M. de
Brouckere, il y a ici deux écueils à éviter, c’est d’une part de produire une
trop grande hausse sur le prix des os, et d’autre part de produire une trop
grande baisse dans le commerce des os, où une partie de la classe pauvre trouve
à pourvoir à son existence.
M. le ministre de l'intérieur désire que la loi ait
deux ans de durée. Cependant
l’expérience vient de nous prouver que dans une année, il peut se
produire, à l’égard des os, des changements assez importants pour donner lieu à
une augmentation de droits, puisque l’année dernière M. le ministre de
l'intérieur n’avait proposé qu’un droit de 10 fr., et que cette année il s’est
rallié à un amendement qui élève le droit à 20 fr.
Ainsi, en un an les circonstances sont tellement
changées que l’opinion de M. le ministre de l'intérieur a dû se modifier en
conséquence ; je crois que tout prouve qu’il convient de ne donner à la loi
qu’un an de durée.
M. le ministre
de l'intérieur (M. de Theux). - J’ajouterai une observation à celles
que j’ai faites.
Vous vous rappelez que l’an dernier le projet dont
nous nous occupons a été présenté et n’a pu être discuté. Cela prouve la nécessité
d’économiser autant que possible notre temps.
J’ajouterai une considération majeure. Si vous
donnez à la loi une durée d’un an, en faisant considérer comme probable une
majoration de droits au bout de ce terme, vous donnerez lieu aux accaparements.
Je crois donc que dans l’intérêt du commerce, il faut donner à la loi une durée
de deux ans, sauf à la modifier avant ce terme si cela est nécessaire. Car en
votant la loi pour une année, sous l’impression d’une majoration probable, vous
donnerez lieu à des spéculations contraires aux vœux de ceux qui veulent donner
à la loi une durée d’un an seulement.
M. Smits. - Je
demande à ajouter une seule réflexion à celles qui viennent d’être soumises à
l’assemblée par M. le ministre de l'intérieur, c’et que si la loi est votée
pour un an seulement vous n’aurez devant vous que neuf mois d’expérience, car
il faudrait que la loi soit prête à être discutée au commencement de décembre
prochain. Il faudra consulter les commissions d’agriculture et les chambres de
commerce, faire une enquête préalable qui devra être commencée le 1er octobre.
Vous n’aurez donc, je le répète, qu’un eexpérience de
neuf mois. Je crois que ce délai serait insuffisant. Par ces motifs, j’appuie
la proposition de M. le ministre de l'intérieur.
M. le président. -
Reste à mettre aux voix le second article ainsi conçu :
« La loi cessera son effet au premier janvier
1839, si elle n’est pas renouvelée avant cette époque. »
- Cet article est adopté.
M. Smits fait
observer que dans le projet distribué à la chambre une faute d’impression a eu
lieu ; ce qu’on a oublié de mettre que pour le transit le droit doit être de 2
fr. par
- La rectification de l’erreur est ordonnée.
Vote sur l’ensemble de la loi
La chambre procède au vote définitif sur l’ensemble
de la loi, mais l’appel nominal constatant qu’il y a moins de 52 membres
présents le scrutin est déclaré nul.
Ont voté l’adoption : MM. Beerenbroeck, Bekaert,
Berger, Goblet, Coghen, Lehoye, Cornet de Grez, Dams, de Jaegher, de
Longrée, Demonceau, de Muelenaere, de Nef, Dequesne, de Renesse, de Roo,
Desmaisières, Desmanet de Biesme, Desmet, de Theux, Donny, Dumortier, Eloy de
Burdinne, Ernst, Troye, Ullens, Vandenhove, Vandenhove, Vanden Wiele, Vanderbelen, Verrue-Lafrancq,
C. Vuylsteke, Zoude, Pirson.
M. Devaux a voté le rejet.
- La séance est levée à quatre heures et demie.