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Note d’intention
Chambre des représentants
de Belgique
Séance
du lundi 23 janvier 1837
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre
2) Motion d’ordre relative au respect du règlement, en ce qui concerne
l’heure d’ouverture des séances (de Brouckere, Raikem, Desmanet de Biesme, F. de Mérode, de Brouckere, Desmanet de Biesme, Dubus, de Jaegher, Raikem, F. de Mérode, Fallon, de Brouckere, Raikem)
3) Projet de loi relatif à la vérification cadastrale
4) Projet de loi portant le budget du département de la justice pour
l’exercice 1837. Discussion des articles. Répression de la mendicité ((+
personnalité juridique des établissements de bienfaisance privés) Andries, Desmet, de
Theux, Pollénus, de Jaegher),
enfants trouvés (Doignon, Ernst)
5) Projet de loi relatif à la contribution personnelle (taxe sur les
chevaux). (Verdussen), recours à la députation
permanente en cas de contestation (comme tribunal administratif) (d’Huart, Milcamps, Pollénus, Trentesaux, Fallon, d’Huart, de Brouckere, Dubus, d’Huart, de Brouckere, Verdussen)
6) Projet de loi accordant un crédit au budget du département de
l’intérieur pour l’acquisition de la bibliothèque de M. Van Hulthem. Discussion
générale (de Theux, Desmet,
(+regroupement dans un bâtiment unique des collections d’art) de Theux, Desmet, Lejeune, Liedts, Desmet,
A. Rodenbach, Devaux, Pirmez, de Theux, Desmet,
Lardinois, Gendebien, de Theux, Gendebien, de Theux)
(Moniteur
belge n°25, du 25 janvier 1837)
(Présidence de M. Raikem.)
M. Verdussen fait l’appel nominal à une
heure.
M. Lejeune donne lecture du
procès-verbal de la dernière séance à une heure et demie.
M. Verdussen donne communication des
pièces suivantes adressées à la chambre.
PIECES ADRESSEES A LA CHAMBRE
« Des fabricants d’acides minéraux de diverses
villes du royaume adressent des réclamations contre la disposition contenue
dans le projet relatif aux modifications au tarif des douanes concernant les
droits d’entrée des acides minéraux. »
- Renvoi à la commission des pétitions avec demande
d’un prompt rapport.
_______________
« Un grand nombre de propriétaires exploitants
et demandeurs en concession de mines, à Liège, adressent des observations sur
le projet relatif aux mines, amendé par le sénat. »
- Renvoi à la commission des pétitions avec demande
d’un prompt rapport.
_______________
« Les
sieurs Tassaert, fabricants de produits chimiques,
demandent un entrepôt libre à Anvers pour le sel marin qu’ils emploient dans
leur fabrique de sulfate de soude, située dans la commune de Westwezel. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
_______________
« Le
sieur Aug. Gobert, brasseur
de vinaigre à Gand, soumet à la chambre le plan d’une industrie qui nécessite
un appareil distillatoire, et demande une disposition qui l’exempte de
l’imposition.
- Renvoi a la commission des pétitions.
_______________
« Le
sieur Liguer, né à St-Dié (France), et habitant la
Belgique depuis 1806, demande la naturalisation. »
- Renvoi à M. le ministre de la justice.
_______________
« La
chambre de commerce et des fabriques de Mons adresse des observations à l’appui
des réclamations des fabricants de sucre indigène. »
- Renvoi à la commission chargée de l’examen de la
question des sucres.
_______________
« M.
S.-N. Hausez adresse à la chambre 100 exemplaires
d’un mémoire relatif au nouveau projet de loi sur le sel. »
- Ce mémoire a été distribué.
_______________
« Les
fabricants de bonneteries de l’arrondissement de Tournay adressent à la chambre
des exemplaires d’un mémoire sur le projet de loi de douanes. »
_______________
« M.
René Beerenbroeck adresse à la chambre des copies de quatre lettres qu’il a
écrites à M. le ministre des finances et au Roi sur divers grands intérêts. »
M. de Brouckere.
- Messieurs, je me permettrai de rappeler à la chambre qu’il existe dans le règlement
un article par lequel il est ordonné que chaque jour l’appel nominal soit fait
à midi un quart. Cependant tous les jours nous nous écartons du prescrit de cet
article, et nous en sommes venus à ne plus ouvrir nos séances qu’entre une
heure et demie et deux heures. Il en résulte deux inconvénients. D’abord, c’est
que nos séances sont courtes et par conséquent que nous ne pouvons faire que
peu de besogne ; et ensuite, c’est que les membres qui se rendent à la séance à
l’heure indiquée perdent tous les jours de une heure à une heure et demie. Je
ne sais s’il existe un moyen de porter remède au premier des deux inconvénients
que je viens de signaler ; quant au second, il me semble qu’on pourrait le
prévenir. Pour cela, je demanderai qu’on fixe tous les jours l’heure de la
séance du lendemain et que les membres prennent sur eux d’être présents à
l’heure fixée. Il résulte des renseignements que j’ai recueillis que les
commissions sont souvent retenues par leurs travaux au-delà de l’heure de midi,
et que les membres de ces commissions ne peuvent se rendre à la séance au
moment où on fait l’appel nominal. Il vaudrait mieux que la chambre chômât un
ou deux jours par semaine et qu’on fût exact à l’heure indiquée quand il y
aurait séance.
Je prierai M. le président de vouloir bien aviser
aux moyens d’empêcher que les membres exacts ne perdent leur temps.
M. le président. (M. Raikem).
- La chambre conçoit que rien ne me serait plus facile que de faire l’appel
nominal à midi un quart, et que je désire qu’on soit en nombre de bonne heure.
Le bureau est toujours à son poste à l’heure indiquée, et si l’appel nominal
n’a pas toujours lieu à midi un quart, c’est pour ne pas perdre de temps ;
parce que quand il n’y a pas assez de membres pour procéder à l’appel nominal,
en attendant, la section centrale s’occupe de divers projets qui lui sont
renvoyés. Si nous faisions l’appel nominal à l’heure fixe, quand quelques
membres seulement sont présents, nous perdrions ici le temps que nous
consacrons aux travaux de la section centrale jusqu’à ce qu’on se trouve en
nombre suffisant pour ouvrir la séance.
Chaque fois que cela a été possible, nous avons
fait l’appel nominal à midi un quart.
Je pense comme l’honorable préopinant qu’il
vaudrait mieux avoir quelques jours par semaine consacrés aux travaux des
sections et de la section centrale, et qu’on se rendît exactement aux séances.
M. Desmanet de Biesme. - Personne n’est plus
disposé que moi à rendre justice à l’exactitude du bureau, mais je crois que
c’est parce qu’on se fie trop à l’indulgence du bureau qu’on ne se rend pas
exactement à l’heure fixée pour l’ouverture de la séance. Si l’appel nominal se
faisait à l’heure fixe, et si quand en ne se trouverait pas en nombre après la réappel, on levait la séance et la renvoyait au lendemain,
en insérant au Moniteur les noms des
membres présents, chacun craindrait de prendre sur lui la responsabilité de
faire manquer les séances de la chambre.
Je pense, comme l’honorable M. de Brouckere, que
quand il y a beaucoup de travail à la section centrale et dans les sections, il
vaudrait mieux ne pas avoir séance une ou deux fois par semaine et être exact
les jours où il y aurait séance.
M. F. de Mérode.
- J’avais demandé la parole pour faire une partie des observations que vient de
présenter l’honorable M. Desmanet de Biesme. Si ces observations étaient pour
une partie prises en considération, elles seraient de nature à apporter une
plus grande activité dans les travaux de la chambre. Mais si on établit qu’il
n’y aura pas de séance certains jours par semaine, on manquera tout à fait son
but ; il y aura de moins en moins de membres présents à Bruxelles et de plus en
plus de difficultés à se trouver en nombre, de sorte qu’on n’arrivera qu’à
ouvrir les séances plus tard.
Quand on jugera nécessaire
de laisser à la section centrale et aux commissions un peu plus de temps pour
accélérer leurs travaux, on pourra fixer l’ouverture de la séance à une heure
ou à deux heures. De cette manière on fera quelque chose et on mettra un terme
à la perte de temps que font ici journellement les membres qui sont exacts.
Mais je le répète, si on établit des interruptions, les membres qui habitent
non loin de Bruxelles en profiteront pour aller chez eux, y resteront plusieurs
jours, et nos travaux marcheront plus mal qu’auparavant.
J’appuie donc la première partie de la proposition
de M. Desmanet de
Biesme.
Qu’on fixe l’appel nominal à midi et un quart,
qu’une demi-heure après on fasse le réappel, et si on
n’est pas en nombre, qu’on renvoie la séance au lendemain en insérant les noms
des absents au Moniteur. Quand on
aura fait cela pendant plusieurs jours, il est certain que chacun se fera un
scrupule de faire manquer les séances, comme cela est arrivé jusqu’à présent.
M. de Brouckere.
- J’appuie les opinions émises par les honorables préopinants, mais je
demanderai qu’il n’y ait pas de second appel nominal, car il ne ferait que
remplacer le premier ; et si vous dites qu’un premier appel nominal aura lieu à
midi un quart et qu’il en sera fait un second une demi-heure après, les
retardataires ne viendront que pour le second appel. Je demande qu’il soit
entendu que l’appel nominal aura lieu tous les jours à midi un quart, et que
quand on ne se trouvera pas en nombre suffisant, il n’y aura pas de séance ce
jour-là et que les noms des absents seront insérés au Moniteur.
M. Desmanet de Biesme.
- Par le réappel, j’entends celui qui se fait tous
les jours immédiatement après l’appel nominal ; je ne demande nullement qu’un
second appel soit fait une demi-heure après le premier.
M. Dubus. -
J’appuierai les opinions de deux des honorables préopinants, mais je
n’appuierai pas celle du troisième, car il a demandé qu’il y ait séance tous
les jours et s’est opposé à ce que certains jours fussent réservé au travail
des sections et des commissions. Déjà deux fois la chambre a résolu le
contraire, elle a reconnu qu’il y avait nécessité de réserver certains jours au
travail des commissions. Elles sont surchargées de besogne, et il est
impossible qu’elles travaillent avec quelque suite de 10 heures à midi, si à
midi un quart les membres qui les composent doivent se trouver en séance. Il
est donc indispensable de leur réserver certains jours.
Je ferai observer que jeudi dernier les sections
étaient convoquées pour s’occuper du projet de loi relatif aux douanes, mais à
la séance on discutait le budget de la justice ; chacun s’était occupé de ce
budget chez soi et personne n’a été aux sections, et ceux qui y ont été n’ont
pu rien faire, parce que quelques-uns seulement s’y sont trouvés.
M. de Jaegher.
- J’ai demandé la parole quand j’ai entendu l’honorable préopinant demander que
certains jours soient réservés pour le travail des sections et des commissions.
Je pense que cette manière de procéder n’est nullement utile pour
l’accélération du travail des sections et des commissions. Quand on les jugera
surchargées de besogne, qu’on décide la veille qu’un jour sera consacré à ce
travail, soit ; mais que certains jours soient détermines d’avance, je crois
que ce serait inutile et même nuisible.
Je citerai un seul exemple. Lorsque la chambre a
adopté ce mode, je me suis trouvé en section avec un seul membre, et cette
section n’a pas pu se compléter.
M. Dubus. -
Il n’a jamais été question de fixer d’avance les jours qui seraient consacrés
au travail des sections et des commissions, mais seulement de réserver un
certain nombre de jours par semaine. Il avait été même résolu par la chambre
que le bureau indiquerait ces jours. Si je me souviens bien, je crois que le
bureau ne l’a jamais fait.
M. le président.
- Il est difficile au bureau de savoir à quoi en est le travail des sections ;
pour la section centrale il le sait, mais il ne peut pas juger quels seraient
les jours qu’il serait le plus utile de consacrer au travail des sections et
commissions. Ce qu’il y aurait de mieux à faire, ce serait de consulter
l’assemblée à la fin de chaque séance sur la question de savoir s’il y a lieu
de fixer la prochaine séance au surlendemain et de réserver le lendemain au
travail des sections et commissions.
M. F. de Mérode.
- Il ne s’agit pas ici de théories, mais de faits. Il est un fait certain,
c’est que quand on n’indique pour un jour qu’une réunion dans les sections, il
ne s’y trouve presque personne. Toutes les fois que vous n’aurez pas de séance
publique, la moitié des membres s’absenteront. Qu’on le fasse par exception de
temps en temps, quand la nécessité en est reconnue, je ne m’y oppose pas ; mais
que ce soit le plus rarement possible, car je crains que ce ne soient des jours
perdus.
M. Fallon. -
Il ne s’agit pas seulement des sections, mais aussi des commissions. Or, les
commissions sont surchargées de besogne. La commission de finances en est
écrasée, et on la presse de présenter son travail. La commission des
naturalisations a aussi un travail très important et qu’on presse tous les
jours. Une commission spéciale a été chargée d’examiner la question relative à
la société générale, c’est encore un travail qui demande beaucoup de temps et
qui reste en arrière parce que nous devons venir tous les jours en séance. Si
on continue cette marche, je ne sais pas quand vous aurez des rapports sur ces
objets.
M. de Brouckere.
- Je demande : 1° que chaque jour l’appel nominal soit fait à midi un quart, et
que quand on ne se trouvera pas en nombre, la séance soit renvoyée au lendemain
;
En second lieu, qu’à la fin de chaque séance on
décide s’il y aura séance le lendemain, ou si ce jour sera consacré aux travaux
des sections et commissions.
M. le président. - La disposition se
trouve dans le règlement et nous l’avons exécutée presque toujours, et quand
nous ne l’avons pas fait, ç’a été, comme je l’ai déjà
dit, pour ne pas perdre inutilement un temps que nous pouvions employer aux
travaux de la section centrale ; car, dès 10 heures du matin, les membres du
bureau sont ici, et rien ne leur serait plus facile que de faire l’appel
nominal à midi un quart. Tous les jours on le fera à l’avenir, et si on ne se
trouve pas en nombre, les membres présents décideront s’il y aura ou non
séance.
M. de Brouckere.
- Je voudrais que le président fût autorisé à déclarer qu’il n’y aura pas de
séance lorsque les représentants ne seront pas en nombre ; il faut donc que la
chambre décide que, dans ce cas, la séance sera renvoyée au lendemain et que
les noms des députés présents seront insérés au Moniteur.
M. le président. - Ainsi la question
est celle-ci : après l’appel nominal, si les membres présents ne sont pas en
nombre suffisant, le président déclare qu’il n’y aura pas de séance.
- Cette proposition, mise aux voix, est adoptée.
PROJET DE LOI RELATIF A LA VERIFICATION CADASTRALE
M. le ministre des finances (M. d'Huart)
dépose sur le bureau de la chambre un projet de loi relatif à la vérification
cadastrale.
- Ce projet est renvoyé devant les sections.
Discussion des articles
Chapitre IX. -
Etablissements de bienfaisance
Article 2
« Art. 2. Subsides à accorder
extraordinairement à des établissements de bienfaisance : fr. 50,000. »
M. le président. - M. le ministre de la
justice demande une augmentation de 10,000 fr. Il proposera une diminution de
pareille somme sur l’art. 4.
M. Andries. - La loi du 13 août
Un mot me reste à dire sur la mendicité le long des
grandes routes. Il est de toute nécessité de l’extirper. Elle s’exercer d’une
manière insultante pour la dignité de l’espèce humaine, et démoralise
complètement les enfants qui s’y adonnent. Que l’on s’amuse à voir faire des
tours à des animaux exercés, cela se conçoit ; mais que l’on prenne plaisir aux
efforts brutaux auxquels il se livre, cela est peu digne de l’homme civilisé.
Ensuite la monnaie qu’on leur jette est accueillie avec cette avidité qui fait
plus tard des voleurs, et contestée quelquefois au prix du sang.
L’arrêté du 22 octobre 1825
dit à l’art 5 : « Ils (les magistrats communaux) recommanderont à leurs
subordonnés, dans le service de la police, de surveiller particulièrement les
enfants de tout âge, se livrant à la mendicité, surtout le long des grandes
routes… Ils useront d’une juste rigueur envers ceux d’entre ceux de leurs
agents qui ne rempliraient pas ce devoir avec zèle et persévérance. »
Jusqu’à présent cet article
est resté sans exécution, au moins dans un grand nombre de localités ; cependant,
par sa circulaire du 24 juin 1834, adressée aux procureurs-généraux, aux
gouverneurs et au colonel de la gendarmerie, le ministre de la justice d’alors
en a recommandé de nouveau la stricte exécution.
« L’on a remarqué surtout, y est-il dit,
l’accroissement du nombre de mendiants sur les grandes routes, ce qui donne aux
voyageurs de fâcheuses impressions et pourrait faire naître des jugements
inexacts sur l’état du pays en général. »
Je prie M. le ministre d’aviser enfin à des moyens
efficaces, pour que cette disposition reçoive sans retard sa complète
exécution.
M. Desmet. -
Il est de fait que dans notre pays on tolère beaucoup trop la mendicité. Je
connais telle ville où il faudrait avoir ses poches pleines de petite monnaie
pour satisfaire l’avidité des individus qui assaillent les diligences ; ils se
présentent en groupes hideux de 40 ou 50 et vous obligent en quelque sorte à
leur donner. Il faudrait que l’autorité municipale prît des mesures pour faire
cesser de tels désordres.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). -
Le gouvernement a déjà plusieurs fois recommandé la plus grande surveillance
aux autorités locales ; mais la principale cause pour laquelle cette
surveillance ne reçoit pas d’exécution, c’est la crainte qu’ont les
administrations municipales d’entraîner les communes dans de trop grandes
dépenses par suite de l’arrestation de leurs mendiants ; car, quand un mendiant
est arrêté, il faut l’entreteneur dans le dépôt de mendicité. Il serait
nécessaire, pour arriver au but désiré, de diminuer cette charge qui pèse sur
les communes ; il faudrait encore que l’autorité communale s’occupât
d’organiser les moyens de donner des secours à domicile ; une économie bien
entendue pour les communes résulterait de cette organisation, car elle seule
pourrait extirper la mendicité.
M. Pollénus, rapporteur. - J’appuie à
tous égards les observations présentées par M. le ministre de l’intérieur.
J’ajouterai cependant que, d’après mon opinion, la cause qui agit le plus pour
empêcher l’extinction de la mendicité, c’est la facilité avec laquelle
l’autorité administrative consent au renvoi des dépôts les mendiants qui y sont
envoyés. La crainte des dépenses que supportent les communes quand leurs
pauvres sont arrêtés est ce qui maintient le délit de mendicité. Mais si le
gouvernement intervenait et recommandait aux autorités administratives de se
montrer sévères contre des demandes fâcheuses, je crois que l’on parviendrait à
diminuer le nombre des mendiants. Je
désirerais surtout que l’on fût très sévère contre les récidives. Que
voulez-vous que fassent les agents de la force publique quand ils voient des
individus, déjà condamnés, jouir de leur liberté ? Ils jugent que leur
intervention est inutile, puisqu’on relâche même ceux qui ont été condamnés
plusieurs fois.
M. de Jaegher. - Les observations de
l’honorable rapporteur sont très justes ; mais il y a un grand obstacle à ce
qu’elles soient réalisées. Cet obstacle, il le connaîtrait comme moi, s’il
avait été à même de suivre de plus près la comptabilité des communes. Il y
aurait vu que l’entretien d’un seul mendiant dans un dépôt absorbe quarante ou
cinquante fois la somme que la commune peut donner à chacun de ses pauvres
libres. En laissant les mendiants détenus dans les dépôts de mendicité, les
établissements de bienfaisance se mettent hors d’état de satisfaire aux besoins
les plus pressants des classes indigentes de la commune ; c’est avec douleur
que ces bureaux se voient dans la nécessité de demander la mise en liberté de
leurs mendiants arrêtés.
Toutefois je signalerai une classe de mendiants
fort dangereuse ; c’est celle des petits mendiants qui suivent les diligences
sur les routes, et qui obsèdent les voyageurs. Ils sont couverts de plaies,
frappés de diverses infirmités, qu’ils découvrent de la manière la plus
scandaleuse ; il faudrait recommander à la gendarmerie de sévir contre cette
classe.
- Le chiffre de 60,000 fr. mis aux voix est adopté.
Article 3
« Art. 3. Pour avances à faire au nom des
communes, à charge de remboursement de leur part, au dépôt de mendicité, établi
aux colonies agricoles ? »
- Adopté.
« Art. 4. Subsides pour les enfants trouvés et
abandonnés, sans préjudice du concours des communes et des provinces : fr.
200,000. »
M. le président. - Ce chiffre avait été
admis par la section centrale sur la première proposition du ministre ; mais
maintenant M. le ministre propose une réduction de 10,000 fr.
M. Doignon. - Dans la dernière séance,
M. le ministre de la justice a consenti une diminution sur ce chiffre ; mon
intention était aussi de proposer la même réduction. Je saisirai cette occasion
pour demander au gouvernement quelle est son opinion, relativement à la
suppression des tours. Plusieurs tours ont été supprimés dans nos provinces, et
c’est par suite de cette suppression que le chiffre de l’article doit être
diminué. Je persiste à penser qu’il y a lieu de supprimer tous les tours, en
procédant toutefois successivement et avec prudence. J’ajouterai à ce que j’ai
dit sur cette question, dans nos sessions précédentes, que depuis plus de
cinquante années elle a été jugée en Angleterre : dans ce pays-là on regarde
l’établissement des tours, non comme une institution de charité, mais comme une
chose nuisible, qui porte une atteinte profonde aux mœurs du peuple.
Je vais citer à cet égard une autorité respectable,
celle de lors Broughman. Je ne puis mieux faire qu’en
mettant sous vos yeux ses propres paroles.
« Un hôpital des enfants trouvés dit à tous
ceux qui désirent avoir un commerce illicite, et qui cependant sont effrayés de
ses conséquences : « Ne vous occupez pas des conséquences ; si vous avez
un enfant, vous en serez débarrassé. »
« Votre charité n’est pas destinée à de
pauvres enfants sans protecteur et sans asile, votre charité s’adresse à des
bâtards. Supposez que quelqu’un crée un asile pour tous les bâtards nés dans un
certain district ; chaque voix ne s’élèverait-elle pas contre une aussi grande
atrocité, contre une prime d’encouragement offerte à l’immoralité ?
« Un hôpital d’enfants trouvés n’est autre
chose qu’un asile préparé pour les bâtards, l’expression seule est changée ;
mais ce n’est pas encore là le seul inconvénient. L’encouragement à
l’immoralité serait un mal assez grand sans doute, et cependant ce n’est encore
que le dernier ; je ne devrais peut-être pas dire le dernier, car l’institution
produit une autre conséquence, moins mauvaise peut-être, quoique fort nuisible
; elle tend à accroître cette partie de la population toujours dépourvue de
moyens d’existence ; elle dit à chaque couple, marié ou non marié :
« Prenez vos enfants, mettez-les dans le tour ; suivez l’exemple de Rousseau,
qui fût devenu par cette action un objet de mépris, si son crime n’eût été
attribué à l’égarement de son esprit. Portez ici le fruit de vos amours
criminelles ou de votre union imprudente, et nous vous dispenserons du soin
d’élever ceux à qui vous avez donné le jour. » C’est sans contredit la
conséquence directe, immédiate, irrésistible, nécessaire d’une pareille
institution, d’encourager les relations criminelles et les mariages imprudents,
d’en augmenter le nombre et de rendre plus fréquent un crime bien plus affreux
encore.
« En Angleterre, nous avons ouvert les yeux
sur la folie à courte vue, qui considérait, il y a un siècle, cet établissement
comme un bienfait pour la population. »
Aussi, messieurs, depuis longtemps les tours ont été
supprimés dans toute l’Angleterre.
En France, l’opinion générale se rallie aussi au
système de la suppression des tours. Voici comment un organe du ministère
français s’exprime à ce sujet :
« La suppression des tours paraît une mesure
rigoureuse, c’est cependant la seule qui puisse guérir le mal qui menace de
dévorer toutes les ressources des budgets départements ; n’oublions pas que les
communes et les départements donnent aux établissements charitables 14 millions
500,000 fr., et que là-dessus les enfants trouvés prennent un chiffre de 10
millions 250,000 fr., plus des deux tiers. Si cela continue, il faudra mettre
les malades et les vieillards à la porte des hôpitaux, pour entretenir les
bâtards du libertinage.
« Supprimer les tours, c’est faire un recours
et un appel à l’esprit de famille ; c’est écarter toutes les tentations qui le
corrompaient ; c’est lui rendre toute sa force et s’en fier à lui pour sauver
la société. Déclarez que l’administration n’aidera plus ceux qui ne veulent
être pères que pour le plaisir et non pour le devoir et la peine ; déclarez que
les enfants resteront à la charge de ceux qui les ont, et soyez sûrs que tout
aussitôt on regardera à deux fois avant d’en avoir, et que sachant qu’on ne
peut plus compter que sur soi, on fera plus d’efforts pour remplir ses
obligations, une fois qu’elles seront redevenues une impérieuse nécessité…
« Introduire avec une sage circonspection et
peu à peu, la suppression des tours semble la meilleure mesure qu’on puisse
prendre, et, malgré sa rigueur apparente, la plus salutaire à la
société. »
D’ailleurs, messieurs, que l’on prenne des
renseignements dans nos provinces, et l’on verra que les mères de ces enfants
préfèrent les garder par devers elles. Cette institution, d’origine française,
n’est donc pas dans nos mœurs. A Bruxelles, il en ainsi. Vous avez entendu ce
qu’a dit à cet égard dans cette enceinte le bourgmestre de cette ville.
Saint Vincent de Paule n’avait point imaginé
l’établissement des tours ; en recueillant les enfants trouvés, son but n’a pas
été de créer des établissements favorables au libertinage. Ces enfants
d’ailleurs ne sont pas recueillis dans les hospices ; mais la plupart sont
placés à la campagne chez des mercenaires qui très souvent négligent de les
soigner comme il convient. Un grand nombre meurt à défaut de soin. On serait
effrayé si l’on connaissait le nombre des enfants qui meurent par suite du
défaut d’attention et de la négligence des personnes à qui ils sont confiés. Le
gouvernement aurait pu recueillir, sur ce point, des renseignements et nous les
communiquer.
Malgré l’établissement des tours, le nombre des
infanticides est toujours le même ; il n’a pas diminué. En effet, ou la mère a
des intentions criminelles à l’égard de son enfant, et alors elle ne se décide
à lui ôter la vie que pour chercher à ensevelir dans le secret sa honte avec
son crime ; mais dans ce cas elle se gardera bien de recourir à l’exposition au
tour, qui exigerait la révélation de son secret envers un tiers chargé de
porter ou faire porter l’enfant à l’hospice. Elle se gardera bien aussi de l’y
déposer elle-même, dans la crainte d’être vue ou reconnue : vous voyez donc que
l’établissement du tour est inutile pour empêcher ou arrêter l’infanticide.
Ou les mères n’ont pas d’intentions coupables à l’égard
de leurs enfants. Dans ce cas vous pouvez vous en rapporter aux attentions de
l’amour maternel ; si elles se voient forcées de les abandonner, persuadez-vous qu’elles ne les confieront pas
à des personnes qui, en les exposant sur la voie publique ou ailleurs,
pourraient mettre leurs jours en danger ; mais l’exposition se fera de manière
à ne pas compromettre la vie de l’enfant. Si la mère ne surveille pas
elle-même, elle en chargera quelqu’un qui, sans qu’on s’en aperçoive, ne perdra
point de vue l’enfant ainsi exposé.
Sans doute, des imprudences
accidentelles peuvent quelquefois être commises lors de l’exposition ; mais de
pareils accidents peuvent également arriver dans une foule d’autres
circonstances lorsque les enfants sont près de leur mère, et ce n’est point là
une raison suffisante pour prendre une mesure générale, et faire intervenir la
charité publique ; de semblables accidents sont d’ailleurs excessivement rares.
Ainsi rien ne justifie, selon moi, l’institution
des tours ; elle encourage l’immoralité, et elle est en même temps organisée de
manière à donner la mort à beaucoup d’enfants.
La morale publique, l’économie et l’humanité se
réunissent donc pour leur suppression. Je voudrais que les tours fussent tous
supprimés dans un temps donné. Si le gouvernement faisait une proposition
tendant à déclarer que tous les tours doivent être supprimés dans un terme de
18 mois ou de 2 ans, j’y donnerais volontiers mon assentiment.
M. le ministre de la justice (M. Ernst).
- Je ne dirai que quelques mots sur la question soulevée par l’honorable
préopinant. Mon intention n’est pas de la discuter à fond ; je ne crois pas que
ce soit le moment d’entrer dans le long examen qu’elle réclamerait. Je dirai
seulement que la loi de 1834, portée sur cette matière, n’a pas supposé que la
suppression des tours fût nécessaire. Elle a abandonné aux régences le soin de
décider, d’après l’expérience et les convenances locales, si les tours doivent
être ou non maintenus.
Les tours ont été supprimés à Tournay et à Malines.
Cette mesure, je le reconnais, n’a pas présenté d’inconvénient, ni sous le
rapport des infanticides, ni sous aucun autre rapport. Cependant le
gouvernement pas à exprimer d’opinion actuellement sur le point de savoir si en
général les tours doivent être ou non supprimés. C’est là selon moi une
question où les faits surtout doivent être pris en grande considération.
Je fais dresser (je crois avoir eu l’occasion de le
dire) une statistique des établissements de bienfaisance. La chambre verra par
ces documents quel a été le résultat de la mise à exécution de la loi de 1834.
Alors un membre de cette assemblée ou le gouvernement pourra proposer à la loi
les modifications qui auront été reconnues nécessaires ou utiles.
- L’article 4 est adopté avec le chiffre de 190,000
fr.
Chapitre IX. -
Dépenses imprévues
Article unique
« Article unique. Dépenses imprévues : fr.
8,000. »
- Adopté.
La chambre fixe à après-demain le vote définitif du
projet de loi de budget du département de la justice.
Second vote des articles
Article premier
M. le président. - L’article premier et
l’amendement proposé à cet article par M. Verdussen sont ainsi conçus :
« Art. 1er. Il ne sera payé en principal que
15 fr. par cheval servant à la selle ou à l’attelage de voitures suspendues sur
ressorts ou soupentes, mais employé principalement et habituellement dans
l’exercice de leur profession, par les médecins, chirurgiens, artistes
vétérinaires, fabricants, commis-voyageurs et cultivateurs.
« Amendement de M. Verdussen. - J’ai l’honneur de
proposer de rédiger le commencement de l’art 1er de la manière suivante :
« Par modification de l’art 42 de la loi sur la
contribution personnelle du 22 juin 1822 (Journal
officiel, n°15), il ne sera payé en principal que 15 fr., etc. »
M. Verdussen. - Je n’ai rien à ajouter
aux développements que j’ai donnés en peu de mots avant-hier à ma proposition
Je pense avoir suffisamment démontré la nécessité de l’introduire dans l’art.
1er pour faire voir que la loi n’est qu’une modification à la loi sur la
contribution personnelle du 22 juin 1822.
- L’amendement de M. Verdussen est mis aux voix et
adopté.
Article 3
L’article 3 est mis aux voix et définitivement
adopté.
M. le président. - M. le ministre des
finances propose de rédiger l’art. 5 comme suit :
« La cotisation continuera à être établie sur la
déclaration du contribuable ; toutefois si, lors de l’examen des déclarations
avant leur inscription au rôle, il s’élève des doutes sur leur exactitude
relativement à l’usage du cheval, il en sera référé à la députation du conseil
provincial, et la cotisation sera établie d’office d’après la décision qu’elle
prendra sur l’avis de la commission instituée par l’art. 58 de la loi sur la
contribution personnelle, et dont chaque fraction avisera séparément lorsqu’il
y aura partage égal de voix. La commission joindra à son avis les observations
contradictoires qui, sur son invitation, devront lui être fournies dans le
délai de 8 jours par le contribuable intéressé.
« L’avis de la commission, avec les pièces y
relatives, sera présenté à la députation permanente par l’intermédiaire du
directeur des contributions directes, cadastre, douanes et accises.
« La cotisation d’office opérée par suite de
la décision de la députation permanente, est obstative
à tout recours judiciaire. »
M. le ministre des finances (M. d'Huart)
est appelé à développer sa proposition ; il s’exprime en ces termes. -
Messieurs, d’après la loi actuelle les rôles pour la perception de l’impôt sont
rendus exécutoires par le gouverneur, conformément aux déclarations des contribuables
; si les employés reconnaissent postérieurement que la déclaration est fausse,
par exemple, qu’un cheval sert à un autre usage que celui auquel il été déclaré
servir, ils dressent procès-verbal, et ce procès-verbal est porté devant les
tribunaux ; de là les nombreux procès contre lesquels on s’est souvent récrié.
D’après la disposition qui vous est soumise en ce moment, si, lors de la
déclaration du contribuable, il s’élève des doutes sur l’usage d’un cheval qui
y serait porté, la contestation serait déférée à la députation provinciale, non
sur un procès-verbal, mais sur un simple rapport ; la députation statuerait
dans ce sens qu’elle placerait d’office le cheval dans l’une ou l’autre des
catégories établies par le loi ; c’est-à-dire qu’elle déciderait si c’est un
cheval mixte ou un cheval de luxe ; la cotisation ainsi faite, il n’y aurait
plus de recours ouvert. Toutefois si, de cette manière, la députation portait
un jugement, ce ne serait qu’à l’égard de la cotisation et nullement pour infliger
aucune espèce d’amende ; il ne pourrait même plus être exercé une poursuite
ultérieure.
La disposition dont il s’agit introduirait une
notable amélioration dans la loi actuelle, en ce sens qu’il n’y aurait plus à
l’avenir de procès-verbaux qu’alors qu’il n’y aurait aucune espèce de
déclaration, qu’un cheval servant à un usage quelconque n’aurait pas été
déclaré du tout ; cette disposition est donc tout à fait dans l’intérêt des
contribuables : du reste, elle est tout à fait constitutionnelle ; car d’après
les motifs qui accompagnent le chapitre de la constitution, relatif au pouvoir
judiciaire, et d’après le texte lui-même de la constitution, il est
expressément réservé à la législature ordinaire le pouvoir d’établir en matière
de contribution telle juridiction qu’elle jugera convenable.
M. de Brouckere.
- Quel est l’article de la constitution dont il s’agit ?
M. le ministre des finances (M. d'Huart).
- C’est l’art. 92 ; il porté ce qui suit : (M.
le ministre donne lecture de cet article.)
On lit en outre ce qui suit dans le rapport de la
section centrale du congrès sur cet article de la constitution : (M. le ministre fait connaître le texte de ce
rapport, d’où il résulte que les rédacteurs de l’art. 92 de la constitution
l’ont entendu dans ce sens que le législateur ordinaire aurait le pouvoir
d’instituer telle juridiction qu’il jugerait convenable, en matière
d’imposition.)
Vous voyez donc, messieurs, que l’art. 92 de la
constitution donne à la législature ordinaire le droit d’établir, en matière
d’impôt, telle juridiction qu’elle jugera convenable.
M. Milcamps. - Messieurs, d’après
l’art. 5 tel qu’il a été voté, lorsqu’il s’élève une contestation sur l’usage
du cheval, la députation est chargée de statuer, sans recours à la justice de
la part du contribuable lésé.
D’après l’amendement, s’il s’élève du doute sur
déclaration du contribuable relativement à l’usage du cheval, il en est référé
à la députation qui, sur l’avis de la commission, opère d’office la cotisation
sans recours judiciaire.
Le but de cet amendement est de prévenir beaucoup
de contestations judiciaires ; s’il est adopté, il n’y aura plus de procès que
lorsqu’il y aura procès-verbal contestant l’usage d’un cheval, sans qu’il ait
été fait de déclaration.
Mais cet amendement, en appelant la députation des
états, en cas de doute sur l’usage du cheval, à établir d’office la cotisation
sans recours aucun, n’appelle-t-il pas le pouvoir administratif à juger d’un
fait qui est et qui doit être dans les attributions du pouvoir judiciaire ?
On peut, ce me semble,
répondre négativement ; car l’amendement ne fait que déterminer les formalités
à observer pour établir la cotisation, et l’autorité qui, en définitive, doit
établir cette cotisation.
Cet amendement ne semble pas contrarier l’art. 116
de la loi sur la contribution personnelle, qui porte : « La connaissance
de toute contravention à la présente loi est attribuée aux tribunaux, de police
correctionnelle. »
Cet article ne parle que des contraventions. Mais
cette disposition continuera d’être observée à l’égard des contraventions. Par
exemple, si des contribuables emploient des chevaux à la selle ou à des
voitures suspendues, sans avoir fait de déclaration, ils seront poursuivis
conformément à ladite loi. Je ne sache pas d’ailleurs qu’il y
ait jamais eu recours aux tribunaux contre la cotisation ; il n’y avait recours
que lorsqu’une contravention était constatée à charge du contribuable.
Je pense donc, messieurs, que nous devons sans
difficulté adopter l’amendement qui nous est présenté par M. le ministre, et
dont l’introduction dans la loi aura pour effet de prévenir beaucoup de procès.
Cette disposition ne présente aucune inconstitutionnalité, puisqu’elle ne fait que
déterminer une formalité à observer pour l’établissement de la cotisation.
M. Pollénus. - D’après la nouvelle
rédaction de l’art. 5, que propose M. le ministre des finances, la décision des
états députés ne serait plus un simple avis, mais un jugement définitif qui
serait à l’abri de toute espèce de recours. Je rappellerai à la chambre que
lorsque, dans la séance d’avant-hier, elle a adopté l’art. 5, c’était parce
qu’il laissait libre le recours aux tribunaux, en cas de contestation ; or,
messieurs, c’est ce qui n’existerait plus d’après la nouvelle rédaction qui
vous est proposée.
Il me semble, messieurs, qu’il y a des
inconvénients à adopter, en ce qui concerne les chevaux, un autre droit que
pour toutes les autres bases de la contribution personnelle ; à faire
intervenir l’autorité administrative dans les contestations relatives à la
sixième base, tandis que les contestations relatives à toutes les autres sont
du ressort des tribunaux. On nous a souvent reproché avec raison, ce me semble,
de faire un travail de marqueterie : si vous voulez admettre un nouveau
système, il faut l’admettre indistinctement pour toutes les bases de la
contribution personnelle, il faut faire un travail qui ait de l’ensemble.
Je conviens avec l’honorable ministre des finances
qu’on peut très bien soutenir la question de constitutionalité, attendu que,
d’après le rapport de la section centrale du congrès sur les articles de la
constitution qui sont relatifs au pouvoir judiciaire, le pouvoir constituant
n’a pas voulu exclure une juridiction spéciale en matière d’impôts ; mais il
est toujours vrai que, pour toutes autres parties de la contribution
personnelle, ce sont les tribunaux qui sont appelés à connaître des
contestations qu’elles soulèvent, et que, d’après l’amendement que nous
discutons, ce serait le pouvoir administratif qui prononcerait sur les
différends qui s’élèveraient relativement à la cotisation d’après la sixième
base.
Messieurs, il me paraît que ce système n’est guère
admissible. Selon moi, lorsqu’on veut établir une juridiction, il faut
l’établir d’après les principes ; et lorsqu’on admet la loi dans un cas, il
faut vouloir l’admettre dans un autre.
Je n’ai pas eu le temps
d’examiner mûrement toutes les conséquences qui peuvent découler du système
proposé par M. le ministre des finances ; mais je crois que rien n’est plus
dangereux que de toucher à un système de juridiction, sans que l’on connaisse
bien d’avance les conséquences d’une dérogation.
Ainsi que je l’ai fait remarquer dans la séance
d’avant-hier, je craignais que d’après la rédaction du projet primitif, il pût
arriver que deux décisions contraires existassent, sans qu’une autre autorité
pût les ramener à une seule.
Je suis à me demander si le
même inconvénient n’est pas encore possible. Je prie la chambre de remarquer
que le recours à l’autorité judiciaire n’est exclu de la part de M. le ministre
que contre la décision de la députation ; et qu’une fois qu’il est reconnu par
la députation que la déclaration d’un contribuable n’est pas exacte, qu’est-ce
qui empêcherait le gouvernement, après avoir obtenu cette dernière décision, de
poursuivre devant les tribunaux correctionnels l’application de la pénalité ?
Il y a toujours inconvénient à adopter une
juridiction spéciale pour une seule base de toute une catégorie de
contributions, tandis qu’on en suit une autre pour toutes les autres bases de
la même catégorie : jusqu’ici il ne m’a pas paru qu’il existe des motifs assez
puissants pour que nous établissions une juridiction exceptionnelle pour un cas
tout spécial.
M. Trentesaux.
- Messieurs, je propose la suppression totale, dans la loi, de l’article
nouveau proposé par M. le ministre, et de celui que vous avez voté
précédemment.
Je ne vois pas pourquoi nous établirions une règle
particulière pour un cas aussi particulier que celui qui nous occupe, et qui
est aussi d’une très mince importance dans l’ensemble de la loi sur le
personnel ; je pense donc que ce que
nous avons de mieux à faire, c’est de supprimer les deux articles.
Si la suppression ne devait pas rencontrer de
contradiction dans cette chambre, je m’abstiendrais de donner un plus long
développement à ma proposition.
M. Fallon. - Je pense aussi qu’il y a lieu
à supprimer l’art. 5, et qu’il est prudent de nous en tenir à la législation
sur le personnel. Si nous continuions à discuter le nouvel article présenté par
M. le ministre, nous absorberions toute la séance, sans obtenir aucun résultat.
M. le ministre des finances
(M. d'Huart). - Messieurs, je pense avec M. Trentesaux que si
l’on propose, par les motifs énoncés, la suppression de l’article nouveau que
j’ai présenté, il faut, pour être conséquent, demander également la suppression
de l’article qui a été voté dans une séance précédente ; car l’un et l’autre
consacrent une égale dérogation à la législation de 1822 ; seulement la
dérogation qui résultait de mon amendement me paraissait offrir plus
d’avantages puisqu’elle présentait une garantie pour le contribuable contre la
facilité de l’introduction des procès.
Je ne me le dissimule pas, messieurs, la question
est grave de savoir s’il convient d’ôter aux tribunaux ordinaires la
connaissance de certains faits, qu’ils ont aujourd’hui, pour saisir de ces
litiges les députations permanentes des conseils provinciaux.
Mais j’ai cru rencontrer,
dans la solution que je propose, tant d’avantages pour le contribuable, que je
n’ai pas craint de vous la soumettre.
On a opposé à mon amendement qu’il aurait pour
résultat de changer partiellement un des principes de la loi de 1822, qu’il
importait de conserver intact pour l’uniformité de l’application de toutes les
dispositions d’une même loi. Je répondrai à cela que cependant, comme il s’agissait
ici de la sixième base de la contribution personnelle, nous aurions pu, sans
disparate, adopter une disposition nouvelle, s’appliquant spécialement à cette
base. Quoi qu’il en soit, si je pouvais prévoir que la discussion dût se
prolonger, je préférerais retirer mon amendement ; mais, dans ce cas, je
voterais moi-même contre l’article, tel qu’il a été adopté dans une précédente
séance.
M. de Brouckere.
- J’avais demandé la parole, pour parler contre l’amendement de M, le ministre
; j’y renonce, puisque M. le ministre déclare vouloir le retirer.
Je dirai cependant que je partage son avis
relativement à la suppression de l’art. 5 que nous avons voté précédemment ; je
pense aussi que pour la sixième base de la contribution personnelle, nous
devons continuer à avoir la même juridiction que pour les cinq autres bases.
M. Dubus. - Messieurs, je ne suis pas
étonné de la suppression de l’art. 5 primitif, puisque M. le ministre n’avait
proposé cet article que dans l’intérêt des contribuables. La manière dont ce
même article était actuellement rédigé le rendait contraire à l’intérêt des
contribuables : c’est ce qui ne me serait pas difficile de démontrer.
Cependant, si l’on supprime l’article, je demande
quel sera, dans l’opinion de M. le ministre lui-même, le mode de procéder
existant : car, on le sait, l’application du système actuel n’a pas toujours eu
lieu sans contestation. Il y a des précédents qui nous font connaître la
manière dont le roi Guillaume exécutait la loi.
Or, l’article nouveau présenté par le ministre
tendait à faire revivre l’exécution du mode suivi par l’ancien gouvernement ;
la mesure proposée n’était peut-être pas aussi mauvaise, mais en prenant la loi
dans son ensemble je pense que nous n’aurions eu guère mieux.
Le gouvernement du roi Guillaume avait jugé à
propos d’interpréter à son gré la loi sur la contribution personnelle, en ce
qui concerne les chevaux mixtes ; l’interprétation officielle, transmise au
moyen d’instructions à toutes les autorités administratives, n’était pas reçue
pour des lois par les tribunaux, il a fallu se passer des tribunaux pour
imposer les contribuables. Cela se faisait au moyen d’experts ; les experts
venaient déclarer que tel cheval était un cheval de luxe ; cependant cela
paraissait absurde ; car enfin il ne suffisait pas que ces experts trouvassent
qu’un cheval, pour avoir telle ou telle qualité, était un cheval de luxe. Il
aurait fallu encore constater par des témoins à quel usage ce cheval était
employé. Or, cette constatation ne se faisait pas par l’expertise ; eh bien,
les experts déclaraient qu’un cheval était un cheval de luxe, et sur cette
déclaration l’autorité administrative imposait le contribuable.
On pouvait alors attraire le contribuable devant
les tribunaux, à l’effet de demander le paiement de l’amende qu’il avait
encourue pour n’avoir pas fait une déclaration suffisante.
Mais quand on s’est aperçu que ces poursuites dans
certains tribunaux amenaient une enquête, et que des tribunaux prononçaient des
sentences d’acquittement, lorsque l’enquête avait établi que le cheval n’avait
pas été employé à des usages de luxe, on s’est abstenu de poursuivre devant les
tribunaux. Un contribuable, alors qu’il avait pour lui la décision d’un
tribunal, n’en était pas moins taxé arbitrairement par l’autorité
administrative, en vertu de la déclaration des experts, uniquement appuyée sur
l’interprétation ministérielle de la loi.
Qu’aurons-nous maintenant ? car,
en définitive, ne prétendra-t-on pas faire intervenir les experts ? De
quelle manière la cotisation sera-t-elle établie ? La loi de 1822 n’est pas
très claire sur ce point.
C’est précisément parce
qu’il semble qu’il manque quelque chose à cette disposition, qu’on avait trouvé
ce biais, d’éviter le recours aux tribunaux, et d’imposer arbitrairement les
contribuables malgré les garanties que la loi leur offrait. Si vous retranchez
l’article déjà voté précédemment, il n’y aura plus de garanties.
Je sais que depuis la révolution l’on n’a pas vu se
renouveler les abus qui ont été commis sous l’ancien gouvernement. Mais il ne
m’est pas démontré que ces abus ne soient plus possibles.
Il m’a paru, par la nouvelle disposition présentée
par M. le ministre, qu’il n’a pas grande confiance dans les décisions des
tribunaux, en ce qui concerne cette matière, et qu’il leur soustrairait
volontiers la connaissance de ces sortes de contestations ; son article nouveau
ne peut avoir d’autre but, puisqu’on y lit :
« La cotisation d’office opérée par suite de
la décision de la députation permanente est obstative
à tout recours judiciaire. »
Que serait-il résulté d’une semblable disposition ?
Que si, d’une part, la députation avait été d’avis que le contribuable dût être
soumis à la cotisation et que, de l’autre, si ce même contribuable avait été
poursuivi du chef de la contravention prétendue de n’avoir pas fait une
déclaration suffisante, et avait été acquitté par le tribunal, ce tribunal eût
reconnu que le contribuable avait raison, tandis que la députation aurait
décidé qu’il avait tort, il aurait donc été condamné à payer, malgré la
décision des tribunaux. Il n’aurait pas été condamné à payer une amende, il est
vrai, mais au moins à acquitter une contribution qui ne lui incombait pas.
M. le ministre des finances (M. d'Huart).
- Messieurs, quoique j’aie renoncé à l’amendement que j’ai eu de vous proposer,
je dois cependant donner de nouveau quelques explications sur la portée de cet
article, qui ne me paraît pas avoir été parfaitement saisie par M. Dubus.
Aujourd’hui les rôles sont exécutoires,
conformément à la déclaration des contribuables.
Si la déclaration a été formée frauduleusement, ou
s’il n’y point été fait de déclaration, les employés des finances dressent
procès-verbal, et ce procès-verbal est déféré aux tribunaux. Je voulais autant
que possible diminuer le nombre des procès-verbaux et des procès ; je voulais
que, quand, après la déclaration, une contestation se serait élevée entre le
contribuable et les agents du fisc sur l’usage du cheval déclaré, cette
contestation fût portée devant la députation du conseil provincial, qui aurait
fixé d’office le droit à payer et mis ainsi fin à ce commencement de procès, en
rangeant le cheval dans l’une des deux catégories de cheval mixte ou de cheval
de luxe, car la proposition que je faisais avait l’avantage d’éviter tout
recours ultérieur devant les tribunaux. Il n’eût donc plus eu matière à
procès-verbaux, si ce n’est pour le cas où il y aurait eu absence de
déclaration. Voilà tout le système de la proposition que j’avais eu l’honneur
de déposer.
L’honorable M. Dubus pense
que cette manière de procéder serait contraire aux intérêts des contribuables.
Je ne le pense pas, parce que la députation du conseil provincial aurait une
propension toute naturelle à décider en faveur du contribuable, et qu’il lui
faudrait des preuves bien valides pour ranger dans la catégorie des chevaux de
luxe un cheval déclaré mixte.
Mais, a demandé M. Dubus, comment exécutera-t-on la
loi, aucune disposition n’est adoptée en remplacement de l’article qu’on veut
supprimer ?
Messieurs, on exécutera la loi comme on le fait
aujourd’hui, c’est-à-dire que si la déclaration est bien faite, le rôle sera
rendu exécutoire, et il ne sera plus question de rien à l’égard du contribuable
qui aura fait la déclaration ; si, au contraire, les agents du fisc croient que
la déclaration est fausse, ils dresseront procès-verbal, et l’affaire sera
déférée aux tribunaux. Ceux-ci jugeront : s’ils trouvent que le procès-verbal
n’est pas fondé, la déclaration sera maintenue, et le procès-verbal annulé ; si
au contraire ils condamnent le déclarant, non seulement il paiera le droit
qu’il aura voulu éluder, mais il paiera en outre l’amende qui est déterminée
par la loi. Ce qui, dans le système que je proposais, ne pouvait être,
puisqu’il n’y avait aucune espèce d’amende en cas de contestation sur la
validité de la déclaration.
Voilà comment la loi s’exécutera pour les
contestations sur la déclaration ; il sera procédé de même quand il y aura
absence de déclaration ; en définitive, après que les tribunaux auront décidé,
l’administration se soumettra, et elle ne saurait faire autrement, car si elle
voulait percevoir quelque chose contrairement à la décision judiciaire, elle ne
pourrait y parvenir sous notre régime de publicité et de légalité.
M. de Brouckere.
- Messieurs, ainsi que vous venez de l’entendre, d’après la législation
existante, toute contestation relative à la contribution personnelle est du
ressort des tribunaux. Ainsi chaque fois qu’un différend s’élève entre les
employés du fisc et un particulier qu’on prétend avoir fait une fausse
déclaration ou une déclaration erronée, ce différend est déféré à la justice et
c’est la justice qui prononce. Je sais très bien que sous l’ancien gouvernement
on s’était un peu écarté de cette voie, mais je pense que depuis la révolution
on y est entré et qu’on ne l’a plus quittée une seule fois.
L’article 5 qu’on avait voté dans une séance
antérieure décidait qu’en cas de contestation la députation permanente du
conseil provincial prononcerait d’abord sur la contestation, mais que si sa
décision lésait une des parties, la contestation pourrait être déférée aux
tribunaux. Il en résultait cet inconvénient, très grave selon moi, qu’on
déférait aux tribunaux de première instance le droit de casser une décision de
la députation permanente d’un conseil provincial. Vous conviendrez que ce sont
là des conflits qu’il faut autant que possible éviter. C’est là le seul motif
qui avait engagé le ministre des finances à présenter une disposition de
laquelle il résultait qu’en cas de contestation la question serait résolue par
la députation permanente du conseil provincial, et que sa décision serait
considérée comme passée en force de chose jugée, et qu’il n’appartiendrait plus
aux tribunaux d’en connaître.
Vous avez entendu quels sont les inconvénients qui
résultent de cette nouvelle disposition. Sans nous arrêter à la difficulté
constitutionnelle qu’elle soulève, et sur laquelle je déclare que je n’ai pas
tous mes apaisements, on vous a dit qu’il résulterait de cette disposition que
vous auriez une marche particulière relativement à la sixième base de l’impôt
personnel, une marche différente de celle qu’on suit pour les cinq autres
bases. C’en serait assez pour qu’on doive rejeter la proposition du ministre
des finances. Mais cette disposition aurait d’autres inconvénients, et je ne
crains pas de dire qu’elle serait inexécutable. En effet, supposez un
particulier qui déclare au cheval à usage mixte : sa déclaration se fait au
commencement de l’année ; les agents du fisc, regardant sa déclaration comme
inexacte, dressent procès-verbal, et font parvenir leur plainte à la députation
permanente du conseil provincial. La députation ne prononcerait pas de peine,
mais elle déciderait en dernier ressort si le cheval déclaré est d’un usage
mixte on doit payer la totalité de la contribution. Mais sur quoi la députation
basera-t-elle sa décision, alors que ce sera au commencement de l’année que son
jugement devra être porté ? Quels seront les faits qui prouveront que la
déclaration est fausse ou ne l’est pas ?
Aujourd’hui on s’en tient à
la déclaration du contribuable, on ne poursuit que quand le déclarant fait de
son cheval un usage autre que celui déclaré. Alors il y a un fait passé sur
lequel le juge peut s’appuyer pour baser son jugement.
Dans le nouveau système proposé, le jugement doit
porter sur les conséquences à venir d’une fausse déclaration. Vous voyez que
sous tous les rapports la disposition du ministre des finances ne peut pas être admise.
Quant à celle votée dans une précédente séance,
elle présente d’aussi graves inconvénients.
D’un autre côté, d’après la législation actuelle et
la marche suivie depuis la révolution, je pense qu’il n’y a aucun inconvénient
à laisser les choses comme elles sont actuellement, et à rejeter la disposition
proposée par le ministre ainsi que celle que nous avions adoptée au premier
vote.
M. Verdussen. - Indépendamment des
motifs qu’ont fait valoir MM. de Brouckere et Fallon pour la suppression de
l’art. 5 nouveau, je pense que vous avez déjà prononcé
sur cet article par l’adoption de mon amendement à l’art. 1er ; la question est
tranchée.
Pénétré que j’étais, à la lecture du rapport de M.
Dechamps, de cette pensée qu’il n’y avait qu’à changer la quotité de l’impôt
pour certains contribuables, j’ai eu l’honneur de présenter cet amendement
portant que la loi que nous faisions ne serait qu’une modification à l’art. 42
de la loi du 22 juin 1822.
En effet, cet article 42 établit exclusivement la
quotité du droit à percevoir sur les différents chevaux. Si vous vouliez
introduire une modification, non seulement à l’art. 42, mais à toute la loi, il
aurait fallu le dire dans les considérants ou proposer des articles spéciaux
pour remplacer les autres dispositions qu’on voulait changer. Mais l’intention
du gouvernement n’a été que de changer l’impôt sur certains chevaux. C’est pour
cela que j’ai proposé l’amendement que vous avez adopté et dont l’adoption
entraîne le retranchement de l’art. 5
nouveau, contre lequel vous avez entendu s’élever plusieurs honorables membres
et même M. le ministre des finances.
M. le président. - M. le ministre des
finances a retiré son amendement.
- L’article nouveau est mis aux voix. Il est
rejeté. (Note de bas de page insérée au
Moniteur : C’est par erreur que, dans l’analyse de cette séance donnée dans
notre numéro d’hier, il a été dit que l’amendement de M. le ministre des
finances avait été rejeté ; il a été retiré par son auteur.)
Article 6
« Art. 6. La présente loi est applicable à
partir du 1er janvier 1837. Néanmoins les déclarations qui auront été faites à
l’époque à laquelle la présente loi sera obligatoire, pourront être rectifiées
dans les 20 jours qui suivront cette époque. »
- Confirmé.
Vote sur l’ensemble du projet
La chambre procède à l’appel nominal sur l’ensemble
du projet, en voici le résultat :
63 membres sont présents et votent pour l’adoption.
La chambre adopte.
Ont voté pour l’adoption : MM. Andries,
Beerenbroeck, Bekaert, Berger, Goblet, Coppieters, David, de Jaegher, de
Longrée, de Meer de Moorsel, F. de Mérode, W. de Mérode, de Nef, de Puydt,
Dequesne, de Renesse, de Roo, Desmanet de Biesme, Desmet, de Terbecq, de Theux,
Devaux, d’Hoffschmidt, d’Huart, Dubois, Dubus (aîné), B. Dubus, Eloy de
Burdinne, Ernst, Fallon, Gendebien, Keppenne, Lardinois, Lejeune, Liedts, Mast
de Vries, Meeus, Milcamps, Morel-Danheel, Pirmez, Pirson, Polfvliet, Pollénus,
Raikem, Raymaeckers, A. Rodenbach, C, Rodenbach, Willmar, Scheyven, Seron,
Simons, Trentesaux, Ullens, Vandenbossche, Vanden Wiele,
Vanderbelen, Verdussen, Verrue-Lafrancq, Vilain
XIIII, C. Vuylsteke, L. Vuylsteke,
Wallaert, Zoude.
PROJET DE LOI ACCORDANT UN
CREDIT AU BUDGET DU DEPARTEMENT DE L’INTERIEUR POUR L’ACQUISITION DE LA
BIBLIOTHÈQUE DE FEU M. VAN HULTHEM
Discussion générale
M. le président. - La discussion est
ouverte sur l’ensemble du projet proposé par le gouvernement, et dont la
section centrale propose l’adoption ; ce projet est ainsi conçu :
« LEOPOLD, etc.,
« Vu le contrat conclu à Gand, le 2 août entre les
commissaires autorisés à cet effet par le ministre ce l’intérieur, d’une part,
et M. Charles-Jean-François De Bremmaecker, tant en
son nom qu’au nom et comme fondé de pouvoir de Mlle Marie-Colette-Caroline De Bremmarcker, d’une part, en vertu duquel la bibliothèque de
feu M. Charles Van Hulthem est acquise pour compte du gouvernement,
« Nous avons, etc.
« Art. 1er. Il est ouvert au département de
l’intérieur un crédit supplémentaire de trois cent quinze mille francs pour
faire face au prix d’achat, aux frais d’impression du catalogue et autres frais
relatifs à l’acquisition de cette bibliothèque.
« Art. 2. Ce crédit formera le chap. XXI,
article unique, du budget du même département pour l’exercice 1836. »
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). -
Je n’aurai que peu de mots à ajouter à l’exposé des motifs et au rapport de la
section centrale, qui me paraissent justifier suffisamment l’adoption du projet
de loi.
D’après les derniers renseignements que j’ai reçus,
le nombre des numéros de la bibliothèque de feu M. Van Hulthem est supérieur à
ce que j’avais annoncé ; en effet, au lieu de 50,000 il est de 51,000 ; et en
outre il y a mille manuscrits.
J’ajouterai que trois amateurs de livres très
expérimentés ont, il y a peu de temps, visité cette bibliothèque très en détail,
et qu’ils ont trouvé que son acquisition était utile et opportune.
M. Desmet. -
Avant que je présente mes observations sur la ratification de l’achat de la
bibliothèque de Van Hulthem, je désire savoir de M. le ministre de l’intérieur
à quoi est destinée cette collection de livres, si ce sera pour faire partie de
celle de la ville de Bruxelles ou si elle fera une bibliothèque à part, je
désire surtout le savoir parce que je crois que M. le ministre aura fait des
démarches près de la régence de Bruxelles pour s’entendre avec elle concernant
la bibliothèque de la ville.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). -
Evidemment, la bibliothèque de feu M. Van Hulthem est destinée à former une
nouvelle bibliothèque. Mais nous nous proposons de placer cette bibliothèque à
portée de celle de la ville de Bruxelles. A cet égard, je suis entré en
correspondance avec la régence pour obtenir son assentiment et son concours aux
nouvelles constructions qui seraient jugées nécessaires pour recevoir le dépôt
de toutes les collections publiques. Je pense que ce plan serait extrêmement
avantageux. Son exécution coûterait 1,200,000 fr. On
pourrait alors réunir dans un seul local tout ce qui concerne les lettres, les
arts, l’industrie et les archives.
Vous savez que le premier projet dont il avait été
question devait entraîner une dépense de 4 millions. Mais d’après un nouveau
plan que j’ai fait rédiger par M. Suys, et qui
consiste à agrandir le palais de l’industrie, la dépense s’élèverait seulement
à 1,200,000 fr. Toutes les collections de l’Etat
seraient ainsi réunies à côté de celles de la ville, ce qui serait une
circonstance très avantageuse.
Mais pour exécuter ces nouvelles constructions, je
compte sur le concours de la ville. Je me propose de demander aussi celui de la
province.
Provisoirement on pourrait, moyennant une somme de
70,000 fr, approprier le palais de l’industrie pour y placer la collection de
M. Van Hulthem, sans déranger les collections qui y sont actuellement placées ;
puis, en peu d’années, en accordant annuellement une somme au budget de l’Etat
; avec le concours de la ville et de la province, on arriverait, moyennant une
dépense peu élevée, à ériger un des plus beaux monuments pour les collections
publiques.
M. Desmet. - Vous le voyez, messieurs,
il est question d’établir une nouvelle bibliothèque dans la ville de Bruxelles.
Ainsi voilà encore une nouvelle administration ajoutée au département de
l’intérieur qui coûte déjà tant au pays. Vous avouerez, messieurs, que le
budget de ce département augmente annuellement effroyablement ; je le
demanderai comme l’a fait vendredi dernier l’honorable abbé de Foere, est-ce
que c’est dans ce moment où l’armée coûte tant au pays, et dont il est même de
première nécessité d’augmenter encore les dépenses, qu’il faut faire des
dépenses dont on ne reconnaît point l’utilité ? Est-ce vraiment le moment de
dépenser avec tant de facilité, pour ne pas dire de légèreté les deniers de
l’Etat ?
Je suis d’ailleurs très étonné de la réponse du
ministre, car à la commission il avait déclaré qu’il aurait fait des démarches
pour que la bibliothèque de Bruxelles devînt celle de l’Etat ; il paraît qu’il
y a peu de stabilité dans les projets et dans les décisions ministérielles au
double département de l’intérieur et des affaires étrangères.
Le ministre a dit qu’il ne faudrait que 2,200,000 francs pour créer un musée de toute espèce. Mais il
a oublié ce que coûte la bibliothèque de M. Van Hulthem.
Cette bibliothèque se compose de 60,000 volumes, et
la bibliothèque de Bruxelles de 140,000 volumes. Mais remarquez que tous les
bons livres qui sont dans la bibliothèque de M. Van Hulthem se trouvent déjà
dans celle de la ville. La bibliothèque de la ville peut former un noyau de
bibliothèque nationale, mais on ne peut pas en dire autant de la collection Van
Hutlhem, qui serait convenable pour une bibliothèque
de particulier, mais qui ne contient point ces ouvrages indispensables à une
bibliothèque publique ; et si on veut parvenir à avoir une bibliothèque telle
que celle de Bruxelles en achetant avec la même facilité qu’on achète les
livres de Van Hulthem, on devra faire une dépense d’au-delà 600,000 francs, et
cependant si on avait traité avec la ville, je suis convaincu qu’avec la somme
qu’on veut nous faire voter, l’Etat aurait été propriétaire de la bibliothèque
de la ville.
Quels sont à présent les arguments de M. le
ministre pour faire passer cet achat à prix d’or ? Il vous dit : 1° que le
catalogue contient trente mille numéros différents et que le pays a besoin
d’une bibliothèque nationale. Que le pays ait besoin de sa bibliothèque, nous
ne voulons pas le disputer, et ce n’est même pas là la question ; mais la
véritable est celle si la bibliothèque Van Hulthem vaut l’excessive somme pour
laquelle le ministre a contracté et qu’il voudrait nous faire confirmer avec
une égale facilité.
Que le catalogue contienne 50,000 numéros, c’est
bien exact ; mais il y a erreur de croire que ce sont 50,000 numéros différents
; il y a une telle quantité de doubles que le ministre devra faire le
bouquiniste pour s’en défaire. Je fais ici cette observation parce que le ministre
a répondu dans le sein de la commission que les doubles auraient été vendus et
même avec avantage.
Et encore il y a bien des choses à dire sur la
composition de ces 50,000 numéros. Il y des numéros pour toutes les parties
d’une collection, comme, par exemple, chaque brochure de la collection des
petites républiques forme un numéro. Chaque numéro de la collection de
l’annuaire de Maestricht, publié par M Charles de Brouckere, forme de même des
numéros différents. Une quantité de catalogues de livres et des plus petites
ventes, des catalogues de ventes de fleurs, de thèses d’étudiants, qui s’y
trouvent en grande quantité, forment tous des numéros à part.
Des ouvrages qui s’y trouvent en double sont très
souvent d’une mince valeur, comme je citerai, par exemple, l’encyclopédie de
Diderot et d’Alembert, dont tout le monde connaît l’importance et qui se vend
maintenant au poids du papier. J’oubliais de faire remarquer que j’ai rencontré
plus d’une fois dans le catalogue que le supplément d’un ouvrage faisait numéro
à part avec le corps de l’ouvrage.
Vous voyez d’après ce que je dis combien on a
cherché à augmenter le nombre des numéros du catalogue. Je ne veux pas en dire
davantage sur ce point. Mais ceux qui ne veulent être aveugles sentent
facilement le pourquoi.
La bibliothèque du savant Vandevelde
ne comprenait que 15,000 numéros. Mais ces 15,000 numéros valaient bien les
50,000 numéros de la collection Van Hulthem, d’abord par l’excellent choix que
ce savant docteur et bibliothécaire y avait fait, et aussi qu’on n’avait pas
cherché dans son catalogue à fabriquer des numéros différents, mais de classer
les ouvrages dans leur entier ; la différence est telle, que si on faisait le
calcul, je suis convaincu qu’on trouverait dans les 15,000 numéros de la collection
Vandevelde autant de volumes que dans la bibliothèque
Van Hulthem.
La bibliothèque du savant Vandevelde,
qu’on peut aussi élever à 60,000 volumes, a été vendue 60,000 fr. sur le pied
de 1 fr. le volume, tandis que c’est sur le pied de 5 à 6 fr. le volume que
l’on propose d’acheter la bibliothèque de M. Van Hulthem.
Dans la commission, on n’a pas juger que des livres
que contenaient les trois premiers volumes du catalogue, et il m’a paru qu’on
était assez unanime à déclarer que cette partie n’était pas bien importante, et
absolument introuvable, comme on l’avait débité quelques jours auparavant,
qu’om y avait beaucoup d’ouvrages incomplets, et que même on avait remarqué que
celui qui avait fait le catalogue, n’avait pas eu l’intention d’y faire remarquer
que des volumes manquaient. Mais on assurait que le quatrième volume des
imprimés contenait des ouvrages rares et introuvables sur l’histoire du pays.
On nous a remis depuis deux à trois jours le quatrième volume, que j’ai examiné
avec toute l’attention possible et confronté avec d’autres catalogues, et j’ose
déclarer, sans craindre un démenti, qu’il n’y a rien d’introuvable, mais qu’on
peut se procurer trois à quatre fois pendant l’année ; et pour ce qui regarde
les troubles du 16ème siècle, le règne intéressant d’Albert et d’Isabelle et la
révolution de 90, j’ai trouvé dans le catalogue du docteur Vandevelde
des collections bien mieux composées et plus intéressantes que celle dont il
est question.
Mais je dois faire remarquer que celui qui a fait
dans le catalogue ce qui accompagne le chorographia Brabantiae de Sanderus ne
peut aucunement concerner le premier volume, qui est commun et ne vaut guère
plus que son poids à trente centimes la livre. Cet ouvrage n’est précieux que
lorsqu’il est complet en volumes in-folio ; et alors il pourrait bien valoir
cinq cents francs, tandis que le premier volume n’est que du prix de six
francs, lorsqu’on a le bonheur de rencontrer un acheteur. Un tel ouvrage non
moins précieux que l’histoire ecclésiastique du Brabant, est pareillement
incomplet dans la collection Van Hulthem, c’est celui du comte de Saint-Genois, intitulé Monuments
anciens, dont il n’existe que deux exemplaires bien complets : l’un est la
bibliothèque publique de la ville de Bruges, et l’autre a été vendu il y a
quelques mois au prix de trois cents francs. Voilà les ouvrages réellement
précieux que la bibliothèque Van Hulthem aurait dû posséder ; ce sont des
livres introuvables, puisque le mot est destiné à devenir proverbial ; ce sont
ces livres qu’on aurait dû voir dans la bibliothèque Van Hulthem, et qui
doivent figurer dans une bibliothèque nationale. Mais les livres les plus rares
de la collection historique de M. Van Hulthem sont bien loin d’atteindre cette
haute valeur ; ce sont de bons volumes, de petits riens qu’il faut avoir, mais
qui, en vérité, ajoutent peu ou point de lumière sur les événements
historiques.
Ce que j’ai signalé au sujet du chorographia Brabantiae de Sanderus,
c’est une note qui portait le caractère de la charlatanerie : elle n’est pas
unique, et je pense devoir insister afin que la chambre ne tombe pas dans le
piège qui lui a été tendu. Je vous prie de faire attention à la note 25784. La topographie ou description des Pays-Bas,
de Marten-Zeiller,
accompagnée de 168 estampes gravées par Gaspar Mesian,
est très rare dans ce pays, et ce qui est surprenant, cet ouvrage ne se trouve
pas mentionné dans les bibliothèques historiques des Pays-Bas.
Après cette lecture tout le monde devrait être
convaincu que c’est un livre unique rarissime, précieux, introuvable, que celui
qui a mérité cette note ; mais désabusons-nous, il ni rare, ni précieux et
assez généralement connu ; mais il fait partie d’une volumineuse collection
qu’il est très rare d’avoir complète et dont les volumes ont été disséminés
dans tout le catalogue, afin d’augmenter le nombre désiré de volumes. A force
de torturer les ouvrages, on y est parvenu : et, en effet, la Bibliotheca Hulthemania
renferme 50,000 volumes.
Ce serait abuser de vos moments précieux que de
pousser plus loin mes investigations et mes critiques. Je suis intimement
convaincu que la collection Van Hulthem ne mérite pas les sacrifices qu’on
demande à la nation pour l’avoir. Soyez tranquilles, si vous ne l’achetez pas
en bloc, vous aurez l’avantage de l’acquérir en détail. Les livres sont en
général de trop bas aloi pour devoir même craindre la concurrence des
étrangers. Et je ne crains pas de déclarer que la valeur de cette collection ne
vaut pas le tiers de ce qu’on nous demande ; ce serait donc un scandaleux abus
que de dilapider ainsi les deniers de l’Etat dont nous avons bien besoin pour
le moment.
Messieurs, nous ne pouvons pas dire beaucoup de la
collection de manuscrits, car jusqu’à présent aucune liste, aucun catalogue ne
nous a été communiqué ; tout ce qu’on en sait, c’est par le dire du public.
On y a parlé beaucoup du manuscrit de l’ouvrage de Paquot ; mais j’ai de bons renseignements à ce sujet, même
du vivant de M. Van Hulthem, et je pourrai même dire de sa propre bouche : le
manuscrit de Paquot n’est autre chose qu’un recueil
de notes éparses et incohérentes qui devaient servir à la rédaction du 19ème
volume de son histoire littéraire !
On a aussi parlé du
manuscrit de l’ouvrage de Poppens, mais ici encore il
y a erreur en partie : on a voulu parler de quelques notes manuscrites du
chanoine Goyers, qui devaient servir à corriger et à
compléter la Biblioteca Belgica
de Poppens.
Quant à la collection de l’évêque Nélis, voici ce que j’ai appris. Cette collection ne se
compose que de copies modernes ; elle est donc indigne d’un établissement
public comme la bibliothèque de Bourgogne. Les unes ont été faites par des
personnes instruites, et les autres par des militaires invalides qui ne
possédaient pas même la langue dans laquelle ils écrivaient ou qui lisaient
difficilement et mal l’écriture du moyen âge. Ce fait est historique.
Le Voyage de Charles-Quint par Vandenesse,
manuscrit in-folio, qui se trouve dans la collection Nélis,
a été demandé par la commission d’histoire pour ses travaux, mais le texte est
tellement défectueux qu’il est impossible de s’en servir.
Je termine en répétant que la somme est beaucoup
trop forte pour la valeur de la collection, qui ne pourrait jamais dépasser les
100,000 fr. ; et quand on vient nous avancer en forme d’arguments, et pour
asseoir votre conviction, qu’un tel et un tel a offert une telle somme, je dois
dire que pour ce qui me regarde, je ne pourrai me laisser convaincre avec une
si grande facilité, surtout quand il s’agit de dépenser les deniers de l’Etat.
M. Lejeune. - Messieurs, dans une de
vos précédentes séances, un honorable membre avait déjà fait pressentir qu’il
regardait comme une dépense de luxe l’achat de la bibliothèque de M. Van
Hulthem.
L’honorable M. Desmet vient aussi de vous présenter
quelques arguments, tendant à faire rejeter le crédit nécessaire pour acheter
cette bibliothèque. Il a commencé par parler de la question financière, de la
grande dépense qu’entraînerait à sa suite l’achat de cette bibliothèque, tandis
que l’état de nos finances nous commande l’économie ; ensuite il a insinué que
l’acquisition de la bibliothèque de M. Van Hulthem vous était proposée, et de
la part du gouvernement, et de la part de la section centrale, presque sans
examen.
Messieurs, comme membre de la section centrale, je
désire répondre quelques mots aux objections qui viennent d’être faites.
L’acquisition de la bibliothèque Van Hulthem a été
taxée de dépense de luxe ; cette allégation est tellement mal fondée, que si le
gouvernement avait laissé échapper l’occasion unique d’acquérir un dépôt aussi
précieux pour notre pays ; si le gouvernement, sans faire aucune tentative,
avait laissé ce dépôt se disperser ou passer à l’étranger, on lui aurait
toujours reproché sa négligence comme un acte de vandalisme.
La bibliothèque de M. Van Hulthem est
particulièrement intéressante pour l’histoire de notre pays, pour tout ce qui
concerne notre nationalité ; l’occasion d’acquérir une semblable collection ne
se présentera plus ; je regarde donc la dépense non seulement comme utile, mais
comme une dépense nationale.
Quant à la question d’argent, messieurs ; nous
sommes tous d’accord, je pense, sur ce point, que nous devons faire des
économies. Mais il faut commencer par s’entendre sur le mot économie.
Si l’on venait vous proposer de faire une dépense
qui puisse être différée sans inconvénient, sans compromettre les résultats
qu’elle a pour objet, je pense aussi qu’une pareille dépense devrait être
remise à d’autres temps. Mais lorsqu’on vous demande un crédit pour faire une
acquisition qui intéresse vivement le pays, et que nous ne pourrions faire,
plus tard, que très incomplètement au moyen de sacrifices incalculables de
temps et d’argent, alors, messieurs, il est, selon moi, d’une sage économie
d’allouer le crédit. Or, je l’ai déjà dit, je regarde l’acquisition proposée
comme utile et nécessaire. Et si nous ne l’autorisions pas aujourd’hui,
l’occasion qui s’offre nous échappe pour toujours.
Je passe à une objection plus grave. On a fait entendre
que nous venons vous proposer l’acquisition de la bibliothèque sans l’avoir
examinée, sans savoir ce qu’elle contient.
Messieurs, je tiens à exposer franchement quelles
considérations ont déterminé ma conviction.
Si l’on a voulu dire que nous n’avons pas examiné
les 60,000 volumes et les mille manuscrits qui composent la bibliothèque, on a
eu raison ; mais quand on achète en masse une bibliothèque, comme celle de M.
Van Hulthem, je ne pense pas qu’il faille entrer dans ces détails.
On a parlé du nombre des volumes et on l’a comparé
au nombre des volumes compris dans une autre bibliothèque qui a été vendue à un
moindre prix ; mais ce n’est pas le nombre, c’est la qualité, l’ensemble des
collections qu’il faudrait comparer ; on n’achète pas une bibliothèque au
poids, au nombre, ou à la mesure.
Ce qu’il faut prendre en considération, selon moi,
c’est l’homme qui a recueilli ces vastes collections, le but qu’il s’est
proposé, sa réputation de bibliophile, et la réputation de la bibliothèque
elle-même.
Messieurs, il est reconnu qu’aucune bibliothèque
n’a été formée dans un but aussi éminemment national que celle de l’honorable
M. Van Hulthem ; il n’y en a nulle part qui réunisse une collection aussi
complète d’ouvrages concernant notre nationalité, concernant tout ce qui
intéresse
M. Van Hulthem a vécu dans les temps les plus
favorables pour former une bibliothèque, temps où tous les dépôts les plus
précieux des couvents, des abbayes, sont tombés dans le domaine public ; et il
a toujours recherché avec le plus grand soin tout ce qui avait rapport à
l’histoire de notre pays.
La bibliothèque de M. Van Hulthem est assez
appréciée dans le monde savant ; on l’a assez louée pendant la vie de celui qui
l’a formée ; et quand elle a été examinée de plus près, on n’a rien diminué des
éloges qu’elle avait obtenus.
Indépendamment de ces considérations générales,
voici les investigations qui ont eu lieu, pour éclairer le gouvernement et la
chambre. Le ministre de l’intérieur a nommé une commission de trois hommes de
mérite et de confiance, chargée de voir la bibliothèque et de traiter avec les
propriétaires. Ces commissaires ont été d’accord que l’acquisition était très
utile au pays et qu’il était très désirable qu’elle eût lieu aux conditions
convenues.
D’autres personnes dont le mérite et les
connaissances ne sont pas contestés, ont été consultées.
Des membres de la section centrale ont recueilli
des renseignements sur la bibliothèque, soit en l’examinant par eux-mêmes, soit
en consultant des hommes savants qui la connaissaient depuis nombre d’années ;
tous ces renseignements ont conduit aux mêmes conclusions : l’importance
d’acheter la bibliothèque aux conditions proposées.
Je citerai entre autres l’honorable rapporteur de
la section centrale : M Liedts ne connaissait pas suffisamment la bibliothèque
pour donner son assentiment au projet de lois ; il paraissait même assez
disposé à en proposer le rejet. Il s’est donné la peine d’aller à Gand pour
examiner la bibliothèque et recueillir des renseignements, il en est revenu
avec l’opinion la plus favorable à la proposition du gouvernement.
La réputation de nationalité attachée à cette
bibliothèque n’est pas usurpée. Pour mon compte j’ai pris des renseignements
auprès de quelques hommes reconnus capables d’apprécier un tel dépôt. Je
connais un homme instruit qui, depuis vingt ans, s’attache à recueillir des
documents concernant l’histoire de notre pays et qui ne possède encore qu’une
faible partie de ce qui se trouve dans la bibliothèque de M. Van Hulthem. Vous
concevez, messieurs, que ce qu’on n’a pas encore après tant de recherches doit
être précisément la partie la plus précieuse et la plus rare des matériaux de
notre histoire.
Il y a en faveur du projet une considération qui
domine toutes les autres.
Lorsqu’on sait que la bibliothèque Van Hulthem
contient les titres les plus précieux de notre nationalité, il serait sans
doute déplorable de la voir passer à l’étranger ; et, messieurs, c’est ce qui
arriverait si nous n’accordions pas au gouvernement le crédit qu’il demande. Je
suis persuadé que si nous n’achetions pas la bibliothèque, elle passerait non
pas à un gouvernement étranger, mais à des spéculateurs étrangers, qui
l’achèteraient en masse pour la revendre en détail. Des spéculateurs ont offert
un prix au moins aussi élevé que celui qu’on vous demande aujourd’hui. Ce qui
me confirme dans cette opinion, c’est l’assurance que j’ai acquise encore hier
au soir à Gand que le propriétaire de la bibliothèque est très indifférent sur
le résultat de nos délibérations actuelles. Il attache peu d’importance, pour
ce qui le concerne, à l’adoption ou au rejet du projet de loi.
S’il était possible, messieurs, de vous entretenir
de tous les détails du genre de ceux dans lesquels est entré l’honorable M
Desmet, on pourrait à chaque ouvrage de peu d’importance qu’il a cité, en
opposer plusieurs qui sont du plus haut intérêt pour le pays ; la bibliothèque
de M. Van Hulthem renferme plus de mille manuscrits, parmi lesquels il en est
de très anciens et de très précieux. (L’orateur
cite entre autres Poppens, Paquot,
Ermens.)
Pour ce qui concerne les
recueils de Paquot et d’Ermens,
je ne dirai pas que je consentirais à les acheter à tout prix, mais j’ose
déclarer que si le gouvernement les possédait, je ne consentirais pas à ce
qu’il s’en dessaisît pour 100,000 fr. Il y a, dans le nombre, des manuscrits
inconnus, qui ne pourront être appréciés qu’après une étude approfondie, et
dont par conséquent nous devons évaluer l’importance d’après la réputation du
bibliophile, et le but qu’il s’est proposé dans ses recherches.
Permettez-moi, messieurs, de faire valoir une
considération un peu plus matérielle, qui n’est cependant pas à dédaigner. Le
gouvernement a l’intention de former une bibliothèque nationale. La bonne
conservation des ouvrages est un point très important, et, dans un dépôt public
surtout, les livres doivent reliés. Eh bien, messieurs, la bibliothèque Van
Hulthem se trouve dans le meilleur état de conservation : les trois quarts au
moins des ouvrages sont reliés, un quart des 60,000 volumes a été reliés par
les soins de M. Van Hulthem, pendant les 20 dernières années ; la dépense qu’il
a faite en reliures peut être évaluée à 60 ou 70,000 fr. ; un autre quart est
encore relié avec autant de soin et autant de luxe. Ces considérations ne doivent
pas être négligées dans notre appréciation.
Je pense donc messieurs, que nous devons accorder
le crédit qui nous est demandé pour l’achat d’une bibliothèque à la formation
de laquelle un bibliophile instruit et ami de sa patrie a consacré cinquante années
de sa vie, parce que cette bibliothèque présente la collection la plus complète
qu’il soit possible, non seulement de trouver, mais même de former en un grand
nombre d’années, et que si pour l’étranger elle vaut la somme demandée et
au-delà, elle doit valoir encore davantage pour nous, attendu qu’elle renferme
les documents les plus précieux concernant l’histoire de
M. Liedts, rapporteur. - Messieurs,
après tout ce qui a été dit dans l’exposé des motifs de la loi que nous
discutons et dans la note qui y était jointe, je m’abstiendrai de faire encore
ici l’éloge de la bibliothèque de M. Van Hulthem. D’ailleurs, tout ce que je
pourrais dire n’ajouterait rien à la réputation si justement acquise à la
bibliothèque de notre savant compatriote. Je me félicite que le projet de loi
n’ait rencontré jusqu’ici qu’un seul adversaire, et surtout qu’il ne nous ait
présenté que des arguments si faciles à détruire.
La première réflexion qu’a faite l’honorable M.
Desmet consiste à dire que le gouvernement aurait dû se contenter de compléter
la collection de livres qui existe déjà à Bruxelles ; je pense, messieurs, que
s’il n y avait eu qu’à choisir entre compléter la collection qui se trouve à
Bruxelles et faire l’achat de la bibliothèque Van Hulthem, il n’y aurait eu
qu’une seule voix à cet égard dans le sein de la section centrale comme dans le
sein de la chambre, mais telle n’est pas notre position ; la bibliothèque de
Bruxelles n’appartient pas jusqu’ici au gouvernement, il ne s’agit donc pas de
la compléter ; en attendant, il se présente une occasion d’acheter une
collection de livres et de manuscrits telle qu’il n’en existe pas une seconde
en ce genre, non seulement en Belgique, mais même en Europe. Après les
révolutions des quarante dernières années, de toutes les précieuses collections
d’ouvrages et de manuscrits relatifs à notre histoire, la seule qui existe
encore est celle de M. Van Hulthem ; veut-on que ce riche dépôt passe entre les
mains de l’étranger ? Voilà, messieurs, toute la question.
On dit que, dans la bibliothèque dont il s’agit,
toutes les grandes collections manquent ; il est vrai, messieurs, qu’on
pourrait désirer un plus grand nombre de grandes collections académiques, mais
il n’est pas du tout exact de dire que toutes manquent. (Ici l’orateur cite plusieurs grandes collections qui se trouvent à la
bibliothèque de M. Van Hulthem, mais il nous est impossible d’en saisir les
titres.) Ce n’est pas même, messieurs, dans une bibliothèque telle que
celle qui existe à Paris, et qui renferme plus de 4 cent mille volumes, qu’on
pourrait trouver toutes les grandes collections que désire l’honorable M. Desmet.
L’honorable membre a dit que le catalogue est fait
avec charlatanisme, qu’on a placé sous des numéros différents jusqu’à des
catalogues de livres ; M. Desmet devrait savoir que des catalogues raisonnés
ont souvent un grand prix et méritent bien d’occuper des numéros séparés, que
des catalogues ne sont même pas sans valeur lorsqu’ils contiennent en marge les
prix auxquels les différents ouvrages ont été vendus à telle ou telle vente
publique. Cependant, messieurs, dans le catalogue de la bibliothèque de M. Van
Hulthem on en a accumulé jusqu’à cent dans un seul numéro.
Une autre preuve, messieurs, que le catalogue dont
il s’agit n’a pas été dressé avec charlatanisme, c’est que sous un numéro se
trouvent plus de deux mille brochures relatives à la révolution brabançonne
qui, dans toutes les autres ventes, figurent sous des numéros séparés ; c’est
ainsi encore que le recueil des édits et placards qui, dans les catalogues
ordinaires, comprend à peu près 150 numéros, et qui, à la vente de Madame la
comtesse d’Yves, a été vendu sous autant de numéros séparés, n’en occupe qu’un
seul dans le catalogue de M. Van Huilhem ; je
pourrais citer beaucoup d’autres exemples pour prouver que ce catalogue a été
fait sans dessein d’augmenter inutilement le nombre des numéros.
On nous oppose comme point
de comparaison la bibliothèque de l’abbé Vandevelde
qui fut vendue 60 mille fr. ; mais il faut remarquer, messieurs, que cette
bibliothèque, qui ne comprenait que 15 mille numéros, était très riche en
livres de théologie ; mais, comparativement à celle de M. Van Hulthem, très
pauvre en autres ouvrages : or, vu le grand dépôt de livres de théologie qui existe
déjà la bibliothèque de Bruxelles, ce sont ceux dont nous avons le moins
besoin.
On a encore été jusqu’à critiquer la collection de
manuscrits faite par Nélis, ci-devant évêque
d’Anvers, et qui se trouve dans la bibliothèque Van Hulthem ; on a été jusqu’à
dire que cet ouvrage ne renferme rien qui puisse encore être utile aujourd’hui.
Celui qui a avancé cela ignore probablement à quelle occasion et comment cette
collection a été formée : à la fin du dernier siècle on forma une commission
chargée d’étudier tous les ouvrages relatifs à notre histoire ; Nélis en fut nommé président ; en sa qualité d’évêque, il
avait accès à toutes les abbayes, à toutes les bibliothèques de corporations
religieuses, à tous les dépôts où pouvaient se trouver des documents utiles.
C’est au moyen de tous les renseignements que sa position lui permettait
d’obtenir qu’il est parvenu à former la collection dont il s’agit et à laquelle
il a travaillé avec tant de zèle qu’il s’y est ruiné. Cette collection se
trouve tout entière dans la bibliothèque Van Hulthem, et on ne pourrait plus se
la procurer ailleurs. Aujourd’hui aussi il existe une commission d’histoire
nationale, chargée de reprendre jusqu’à un certain point le travail de la
commission dont l’évêque Nélis était le président, et
elle ne peut faire un pas sans avoir les documents qui se trouvent à la
bibliothèque Van Hulthem.
Vous voyez donc, messieurs, que les arguments qu’on
a fait valoir pour vous engager à rejeter le crédit demandé ne sont pas fondés
; j’espère que vous le voterez et que vous mettrez le gouvernement à même de
faire l’acquisition dont il s’agit, et qui sera éminemment utile au pays.
M. Desmet. -
Messieurs, nous savons aussi bien que l’honorable préopinant qu’il y a des
catalogues raisonnés qui sont très intéressants, mais ce sont précisément ces
sortes de catalogues qui manquent chez Van Hulthem, et on ne trouve dans sa
collection qu’une quantité de catalogues de petites ventes de livres, qui sont
loin d’être raisonnés et de quelque importance.
Nous pensons aussi connaître, comme le même
orateur, l’origine de la collection manuscrite de Nélis,
mais peut-être que l’honorable membre ne sait pas tout ce qu’il devrait savoir
pour pouvoir se prononcer en connaissance de cause sur le véritable mérite de
cette collection ; ce sont, comme je l’ai dit tout à l’heure, simplement des
copies modernes et dont une partie des manuscrits est très mal écrite,
quelquefois indéchiffrable. L’honorable rapporteur croit que la bibliothèque de
M. Vandevelde doit perdre de son intérêt parce
qu’elle contenait beaucoup de livres de théologie ; mais je ne sais pas ce que
l’honorable membre entend par des livres de théologie ; s’il croit que les bibles,
les conciles, les saints pères, doivent être envisagés comme des livres de
théologie, il pourrait avoir raison ; mais ce ne sont pas ces ouvrages qu’on
regarde pour des livres de théologie, ce sont seulement les traités de
théologie proprement dits qu’on peut envisager comme livres de théologie ; les
bibles, les saints pères, les conciles, etc., doivent être envisagés comme des
livres de science qui sont indispensables dans une bibliothèque publique, et
surtout ceux qui concernent la collection rare et précieuse du savant docteur
de Louvain.
M. A. Rodenbach.
- Messieurs, on a reproché souvent au gouvernement de ne pas favoriser
suffisamment les lettres et les sciences en Belgique.
Dans ce moment une occasion se présente pour faire
l’achat d’une bibliothèque, qui peut concourir au but que l’on se propose.
Cette bibliothèque, et ici nous devons nous en rapporter au témoignage des
commissaires du gouvernement, du rapporteur et de quelques membres de la
chambre qui se sont rendus sur les lieux ; cette bibliothèque, dis-je, est trop
précieuse, pour que le gouvernement n’en fasse pas l’acquisition. Les matériaux
nombreux et importants qu’elle contient au sujet de notre histoire nationale,
seraient une perte immense pour
Le prix d’achat, messieurs, ne me paraît pas trop
élevé, eu égard à l’importance de la bibliothèque. Nous avons vu que des
bibliothèques moins bien choisies, et notamment celle de M. Murmans,
à La Haye, ont été vendues pour des sommes bien plus considérables.
Je donnerai en conséquence mon approbation à la loi
que le gouvernement nous a présentée. (La
clôture ! la clôture !)
- La clôture de la discussion générale est mise aux
voix et adoptée.
Discussion des articles
Article premier
M. le président. - La discussion est
ouverte sur l’article premier, ainsi conçu :
« Il est ouvert, au département de l’intérieur
un crédit supplémentaire de trois cent quinze mille francs, pour faire face au prix
d’achat, aux frais d’impression du catalogue et autres frais relatifs à
l’acquisition de cette bibliothèque
M. Devaux. - Messieurs, si je pouvais
penser que le sort de la loi fût déjà assuré, je ne prolongerais pas la discussion
; mais comme il me paraît qu’elle est destinée à rencontrer quelques
adversaires dans cette assemblée, et que tout au moins on n’attache pas assez
d’importance à la bibliothèque dont on propose de faire l’acquisition, j’aurai
l’honneur de vous présenter quelques considérations.
Quant à moi, je remercie M. le ministre de
l’intérieur d’avoir saisi cette occasion pour fonder une bibliothèque nationale.
Si l’entreprise de sa part devait rencontrer des obstacles, je crois qu’il
faudrait dire qu’il est difficile de faire le bien.
J’ai eu l’honneur de vous faire remarquer l’année
dernière combien était déplorable la lacune d’une bibliothèque nationale en
Belgique. Je disais alors qu’il n’y avait pas en Europe une seule nation qui ne
possédât tout au moins une bibliothèque nationale. Rendez-vous dans les plus
petites villes de l’Allemagne, vous y trouverez une, deux, et quelquefois
jusqu’à trois bibliothèques, appartenant à l’Etat, et se composant non pas de 50,000
volumes, mais de 100 ou de 200,000 volumes.
Messieurs, le mouvement intellectuel s’est ralenti
en Belgique, depuis le moment où elle a perdu son indépendance. Aujourd’hui,
une heureuse réaction commence à se manifester ; les études se raniment ; c’est
à nous à faire ce que nous pouvons pour aider ce mouvement, et même pour lui
donner une impulsion nouvelle.
Or, je ne crains pas de le dire, dans l’étal actuel
des choses, il est impossible d’approfondir aucune
science, sans dépenser un argent énorme, parce que toutes les bibliothèques qui
peuvent être consultées sont incomplètes. Il n’est pas une seule science pour
l’étude de laquelle nos bibliothèques offrent des matériaux nécessaires.
Cette lacune, messieurs existe principalement au
détriment d’une des études les plus importantes pour la Belgique ; je veux
parler de l’histoire ; il n’y a pas une bibliothèque en Belgique qui soit
complète sous le rapport historique. La bibliothèque de M. Van Hulthem, en tant
que collection de livres sur l’histoire, jouit depuis longtemps d’une grande
réputation, et c’est une circonstance heureuse que nous soyons aujourd’hui à
même d’acquérir cette bibliothèque ; et de l’acquérir à un prix qui n’est pas
exagéré ; car elle contient 30 mille numéros ; cela fait donc, l’un portant
l’autre, 6 à 7 francs par numéro.
Je crois que si dans ces numéros il se trouve des
catalogues de livres, de fleurs, il y a aussi des ouvrages de plusieurs volumes
; on y rencontre un grand nombre de ces ouvrages qu’on s’empresse d’acheter à
tel prix qu’on les vend.
Le gouvernement a fait dernièrement l’acquisition à
Londres d’un exemplaire flamand du poème du Renard ; en cela je crois qu’il a
bien fait ; si je ne me trompe, ce seul exemplaire a coûté plusieurs milliers
de francs ; si on le revendait aujourd’hui, je pense qu’on gagnerait à cette
vente le double du prix d’achat.
Les manuscrits de M. Van Hulthem sont les plus
précieux que nous ayons en Belgique. Si nous laissions sortir du royaume cette
collection unique de matériaux pour l’histoire nationale, nous nous
condamnerions nous-mêmes au ridicule.
Qu’il y ait une lacune dans une pareille
bibliothèque, je le conçois ; il y a des lacunes dans les plus grandes
bibliothèques, à plus forte raison doit-il s’en trouver dans une bibliothèque
qui, comme bibliothèque publique, n’est qu’un noyau.
On dit, messieurs, que la bibliothèque de M. Van
Hulthem offre des ouvrages en double ; je le veux bien, mais je suis sans
inquiétude à cet égard ; on ne risque jamais avec des doubles pareils ; on
pourra toujours les vendre à des prix très convenables.
Quant à la valeur scientifique et intrinsèque de la
bibliothèque, je crois que nous ne sommes pas compétents pour la juger ; aucun
de nous n’a parcouru le catalogue, et à cet égard nous devons nous en rapporter
aux commissaires que le gouvernement a nommés à cet effet.
M. le ministre de l’intérieur m’a fait l’honneur de
me communiquer un rapport qui a été rédigé par M. de Gerlache. Je désirerais
beaucoup, si M. le ministre n’y trouve pas d’inconvénient, de donner lecture de
ce rapport, qui apprécie la bibliothèque sous le rapport scientifique et sous
celui de sa conservation.
Voici ce rapport :
« Rapport sur la bibliothèque Van Hulthem.
« Bruxelles, le 19 janvier 1837.
« Conformément à votre invitation, je me suis
transporté à Gand, avec M. Marchal, pour examiner la bibliothèque de feu M. Van
Hulthem, dont le gouvernement se propose de faire l’acquisition. Nous avons
passé deux jours entiers à examiner ce vaste dépôt, et à prendre des notes.
J’avais prié M. Willems, membre de l’académie et qui connaît parfaitement la
littérature flamande de s’adjoindre à nous. C’est donc l’opinion commune de mes
deux collègues et la mienne que je vais essayer de vous faire connaître et de
motiver en peu de mots.
« Lorsqu’il s’agit d’une masse de 30 à 32
mille numéros, répartis ou plutôt pressés dans quinze chambres différentes, on
conçoit qu’il est de toute impossibilité de visiter chaque ouvrage en détail.
Nous nous sommes particulièrement attachés aux objets importants qui nous
étaient signalés par le catalogue, et par les notes qu’on nous avait remises ;
ensuite nous avons pris une assez grande partie de livres au hasard pour en
vérifier soit l’édition, soit l’état de plus ou moins bonne conservation. Nous
avons porté notre attention sur les manuscrits ; puis sur les livres imprimés
ayant spécialement rapport à la Belgique ; puis enfin sur les collections
générales et les ouvrages les plus capitaux sur toute sorte de sujets. C’est
l’ordre que nous suivrons dans le compte que nous allons vous rendre ci-après.
« Manuscrits.
« On sait que vers la fin du siècle dernier,
sous le gouvernement autrichien, une réunion de savants avait conçu le projet
de publier différentes chroniques ou histoires inédites, concernant
« M. Van Hulthem avait aussi rassemblé les
manuscrits originaux de Poppens, de Paquot, de Verdussen, de Servais, d’Ermens,
sur l’histoire littéraire, la biographie et la bibliographie des Pays-Bas :
collection unique, œuvre de plusieurs générations successives de savants. On
rencontre également dans cette collection : 1° Les dessins originaux et
enlumines du 4ème volume du Sandérus, exécutés par
les ordres de ce savant pour sa Flandre
illustrée, dont M. Dumortier a retrouvé le texte à Tournay. 2° Une copie du
voyage littéraire entrepris par les savants bollandistes Henschenius
et Papebrocht ; et une vingtaine d’autres volumes
nécessaires pour la continuation des bollandistes. 3° Un mémoire original et
inédit sur les troubles de Gand, de 1540, que la commission d’histoire se
propose de publier. 4° La chronique du Brabant de Cléricus,
commencée en 1318, et que M. Willems publie actuellement. 5° Une chronique
inédite du Mont-Blandin (ou abbaye de St-Pierre) du 14° siècle. 6° Un
cartulaire de la première moitié du 15ème siècle, contenant une partie des
privilèges de la ville de Gand, détruits par Charles-Quint. 7° Un volume de lettres
originales de Granvelle et de Marguerite de Parme. 8° Un volume de lettres
originales d’Hoppérus et de Viglius.
9° Un portefeuille contenant des lettres de Marguerite d’Autriche, d’Hoppérus et de Philippe II. 10° Un autre portefeuille
contenant des lettres du duc d’Albe et de Vargas, etc. Nous n’ajouterons rien à
cette nomenclature. Ce dépôt est connu de tous les savants. Camus en a porté
avec assez de détails dans son ouvrage intitulé Voyage dans les départements réunis (en 1803). L’on sait le parti
qu’en avait tiré Lebroussart pour son excellente
édition d’Oudeherst en 1788. Et depuis un demi-siècle
on pense bien que Van Hulthem devait l’avoir beaucoup enrichi.
« Ouvrage imprimés concernant spécialement
« Le quatrième volume du catalogue, qui vient
de paraître (Note de bas de page insérée
au Moniteur : Le cinquième volume doit contenir les manuscrits, et environ
2,000 numéros omis ou retrouvés) (qui contient depuis le n°22422, jusqu’au
n°29350) est relatif à l’histoire, aux sciences, aux arts, et à la littérature
des Pays-Bas. Cette collection est l’une des plus complètes qui existent quant
à l’histoire nationale. On y trouve un assez grand nombre d’ouvrages devenus
tellement rares qu’on les chercherait vainement ailleurs. Et quant aux grandes
collections qui sont pour ainsi dire le fondement de toute bibliothèque
considérable, on les rencontre également ici : tels sont le Recueil des
historiens français, par les bénédictions ; le Recueil des lois et ordonnances
françaises ; le Spicilegium de Dachery
le Recueil des PP. Durand et Martinelles ; les
Antiquités de l’Italie de Muratori ; les Mémoires de l’académie des
inscriptions et belles-lettres de France, en 159 vol., avec les suites ; la collection
la plus complète sur l’académie de Bruxelles, etc. Pour les amateurs de
bibliographie, nous signalerons 200 exemplaires d’incunables (du 15ème siècle),
et, entre autres, un exemplaire unique de Martens d’Alost ; des premières
éditions des Frères de la vie commune établis à Bruxelles ; de Collard Manson de Bruges ; de
Jean de Westphalie ; de Kayser d’Audenaerde ; la
célèbre Bible des pauvres, dont il n’existe que trois exemplaires complets ; le
Speculum humanae salvadonis
(catalogue, n°191 et 192) ; tous ouvrages d’une valeur inestimables au gré des
bibliophiles : presque toutes les éditions princeps imprimées dans les Pays-Bas
; une nombreuse collection d’Elzevirs ; tous les Plantins dans tous les formats ; un grand nombre d’éditions
imprimées par des Flamands hors de la Belgique ; la collection dite des Veriorum, in 4° ; celle des Barbon ; un grand nombre de
belles éditions des Didot, des Bodoni, des Baskerville,
des Ibarra ; un nombre considérable d’ouvrages sur les sciences et arts, sur
les mathématiques sur la peinture, la sculpture, la musique, avec des planches
magnifiques ; sur la littérature et l’histoire moderne. Nous citerons entre
autres une collection de 96 volumes in-folio contenant plus de 2,000 pièces ou
brochures sur la révolution brabançonne ; plus une vingtaine de volumes in-folio
sur le même sujet, etc., etc.
« Reliures. - Etat matériel des livres.
« Ces ouvrages sont en général très bien
reliés : un grand nombre le sont avec un luxe et une recherche étonnantes. La
reliure, ordinairement appropriée à l’importance du livre, est tantôt en veau,
tantôt en maroquin avec tranches dorées, pour les meilleurs ouvrages. Un tiers
de ces livres environ paraît relié à neuf ; un autre tiers est couvert de
reliures plus anciennes, mais parfaitement conservées. Un grand nombre de ses
reliures ont dû coûter 10 et 12 francs, et quelques-unes au moins le double.
« En portant la valeur des manuscrits (dont le
nombre est de plus d’un millier) à 60,000 francs, ce qui me paraît au-dessus de
leur valeur, et les 55,000 volumes imprimés, à 4 francs (ce qui me paraît
également beaucoup trop bas), on aurait une somme égale à celle stipulée par le
vendeur. Mais il est une considération qui ne saurait échapper à personne :
c’est que la valeur de cette collection augmente en raison du nombre et surtout
de l’ensemble. Il a fallu un demi-siècle pour la former, et, outre cela, une
réunion de circonstances qui ne se représenteront plus : la destruction des
couvents, un homme riche, ayant la monomanie des livres et s’y connaissant. Je
suppose qu’il fût possible de rassembler une telle bibliothèque, je ne dis pas
en 50 ans, mais en 10 ans : si l’on compte pour quelque chose le temps, et la
génération présente qui est avide de produire, il faudrait encore en faire
l’acquisition sans hésiter.
« On ne doit pas conclure toutefois de ce qui
précède que je regarde cette collection comme complète : elle présente, au
contraire, à mon avis, d’assez grandes lacunes ; mais ces lacunes il sera
facile de les combler en mettant annuellement au budget une somme raisonnable.
Telle qu’elle est, la collection de Van
Hulthem formerait déjà le commencement d’une belle et vaste bibliothèque
nationale, que
« Veuillez agréer, M.
le ministre, l’assurance de ma haute considération.
« E.-C-. de Gerlache.
« Approuvé les conclusions du présent rapport.
« Marchal. »
Ce rapport, messieurs, peut me dispenser d’entrer dans
d’autres considérations. Je dirai cependant que j’ai entendu avec regret
employer le mot de dépense luxueuse, et de dépense d’exaltation, pour qualifier
une dépense concernant un achat de livres.
Je ne pense pas, messieurs, que nous soyons tenus à
considérer comme dépense de luxe celle qui tend à favoriser le développement
des facultés intellectuelles et morales de l’homme. Gardons-nous de proscrire,
comme exaltation, la partie la plus noble, la plus élevée de la nature humaine.
Je crois qu’une nation, comme un individu, ne doit pas, dans les dépenses les
plus indispensables de son budget, oublier celle qui concerne la culture de ses
qualités morales et intellectuelles ; nous donnerons un exemple utile aux pères
de famille, en votant les fonds nécessaires pour cette partie si importante du
service public.
M. Pirmez. -
Tout le monde est d’accord sur ce point qu’il faut porter au budget les
dépenses nécessaires au perfectionnement moral aussi bien que celles
nécessaires pour augmenter la prospérité matérielle du pays, mais ce n’est pas
là la question. Il s’agit de savoir si la bibliothèque qu’on veut acheter vaut
le prix qu’on en demande. J’avoue que je n’ai aucune connaissance du prix des
ouvrages dont cette bibliothèque se compose, mais j’ai consulté des personnes
très désintéressés et instruites qui m’ont dit que le prix qu’on demandait était
très élevé.
Quoique j’eusse pleine confiance dans les personnes
que j’avais consultées, je me serais abstenu de prendre la parole. Mais comme
M. Desmet a parlé dans le même sens, je commence à croire qu’il y a quelque
chose de vrai dans ce qu’on m’a dit et qu’il y a une espèce d’engouement pour
cette bibliothèque. Je conçois qu’on ne peut pas entrer dans le détail des
ouvrages en indiquant le prix de chacun d’eux, mais on doit nous dire au moins
ce que cette bibliothèque contient de remarquable et ce qui lui donne le prix
auquel on veut l’acquérir. Il est vrai qu’on vient de citer plusieurs ouvrages,
mais il aurait fallu nous dire ce qu’ils valent.
M. Desmet vous a dit avec raison qu’on devait,
avant de faire une semblable acquisition, consulter l’état de nos finances.
Quand dans certains services on montre tant de parcimonie, entre autres quand
il s’agit de rendre la justice à des arrondissements qui la réclament, nous
devons examiner si c’est une dépense absolument nécessaire ou une dépense de
luxe qu’il nous propose. Quant à moi, je la considère comme une dépense de
luxe. Nous n’avons aucune idée sur la valeur des livres si ce n’est par la
réputation du bibliophile. On sait comment font ces réputations de bibliophile
: pour savoir si la réputation de celui dont il s’agit est fondée, il faut
consulter des bibliophiles.
En un mot, d’après ce qu’on m’a dit, cette
bibliothèque ne vaut pas le prix qu’on veut l’acheter.
(Moniteur belge n°26, du 26 janvier 1837) M. le ministre de
l'intérieur (M. de Theux). - Messieurs, je ferai une seule
observation. C’est que cette bibliothèque a été examinée par sept personnes
ayant des connaissances spéciales, dont quatre ont eu fréquemment occasion de
visiter cette bibliothèque et d’en apprécier la valeur. Je crois donc qu’on a
toutes les garanties désirables sous ce rapport.
Quant a l’importance qu’il y a pour le pays de
conserver cette collection, je crois qu’elle doit être appréciée par chacun de
vous. Si un citoyen, ayant une fortune bornée, a pu consacrer une si forte
somme et tant de soins, pendant un si grand nombre d’années, à réunir cette
bibliothèque, vous ne voudrez pas l’exposer à être morcelée ou à passer à
l’étranger. Il est à notre connaissance que des démarches ont été faites par
l’étranger pour l’acquérir. Certes, chacun de vous regretterait de la voir
quitter le pays, d’autant plus qu’elle a pour nous une valeur toute
particulière, toute spéciale, en ce qu’elle a été faite dans une pensée belge :
c’est l’intérêt littéraire de
(Moniteur
belge n°25, du 25 janvier 1837) M. Desmet. - Messieurs,
ce n’est seulement qu’à présent qu’on nous communique un rapport sur la
quantité et l’importance des manuscrits ; tout à l’heure nous aurions voté sur
une somme de 300,000 francs, et le ministre aurait tenu caché dans son
portefeuille le rapport de ses commissaires. Il serait difficile dans le moment
et à une première lecture, de dire son opinion sur le contenu du rapport ; je
tâcherai cependant d’en dire quelques mots.
J’ai trop de considération pour le talent des deux
respectables commissaires qui ont été prendre inspection de la collection des
manuscrits et surtout de la manière mesurée que leur rapport est fait : ils ont
indiqué les manuscrits qu’ils ont trouvés, mais il semble qu’ils ne se sont pas
positivement prononcé ni sur l’importance ni sur la valeur de la collection.
J’ai entendu que les manuscrits de Paquot s’y trouvaient, mais on ne dit pas si c’est tout son
ouvrage ou seulement quelques notes qui ont servi au dix-neuvième volume de ses
œuvres littéraires ; sur le manuscrit j’ai déjà fait mes observations.
J’ai entendu de même que ceux de l’évêque Nélis s’y trouvaient, je n’ai pas entendu que le rapport
contrariât les critiques que j’ai faites sur la collection Nélis.
J’ai aussi entendu qu’il y avait des lettres du
cardinal Granvelle, de Marguerite de Parme et de quelques autres personnages,
mais il m’a semblé que le rapport ne disait rien sur le contenu de ces lettres,
et ne faisait point connaître si elles étaient autographes ou de simples
lettres de service, ce qui fait grande différence pour la valeur.
Et pour vous faire
connaître, messieurs, combien est exagérée la valeur de la collection de ces
manuscrits, au moins telle qu’elle a été établie par les vendeurs (car, je le
répète ; je ne veux aucunement critiquer le rapport dont on vient de vous faire
la lecture, qui n’émet aucune opinion sur le montant du prix), il n’y a guère
longtemps qu’une collection complète de manuscrits qui concernaient les
troubles et les guerres du 16ème siècle, contenant une quantité extraordinaire
de lettres de Granville, de Marguerite de Parme, d’Alexandre de Farnèse, de
Philippe II, du duc d’Albe, des ducs d’Egmont et d’Hornes, de tous les
gouverneurs des Pays-Bas pendant trois siècles, des principaux généraux des
deux partis pendant les guerres avec le Taciturne d’Orange ; enfin une
collection complète de tous les grands personnages qui ont figuré dans cette
fameuse époque de guerres et de troubles et dans laquelle se trouve un grand
nombre d’autographes, a été estimée par un amateur qui était très entendu dans
la matière. Eh bien je vous laisse deviner combien ladite collection été
évaluée ; seulement 10,000 fr., grande différence avec ce qu’on demande pour
les manuscrits Van Hulthem, et encore je crois pouvoir dire que le prix a été
trouvé beaucoup trop élevé au département de l’intérieur : je suis très
satisfait d’avoir entendu la lecture du rapport, car il me fortifie de plus en
plus dans mon opinion que c’est un prix exorbitant et hors de mesure qu’on
donne pour cette collection et qu’il est de notre devoir de ne pas ratifier
l’achat, et surtout, messieurs, quand vous devez considérer que vous allez
encore créer des nouvelles dépenses annuelles dans le budget de l’intérieur,
qui s’enfle tous les ans d’une manière importante !
M. Lardinois.
- Je voudrais savoir si les experts se sont prononcés sur le prix.
Plusieurs
voix. - Oui ! oui !
M. Gendebien. - On nous dit que des
personnes ayant des connaissances spéciales ont examiné la bibliothèque, mais
je n’ai vu nulle part mention de leur rapport, je désirerais le connaître. Je
suis très disposé à allouer des fonds
pour commencer une bibliothèque nationale, mais je voudrais savoir ce qu’on se
propose d’acheter et quel est le prix. Dans l’état actuel de la question je ne
pourrais pas voter, je devrais m abstenir.
(Moniteur belge n°26, du 26 janvier 1837) M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). -
Messieurs, tous ces faits sont consignés dans le rapport dont vous vous êtes
saisis : MM. l’abbé Desmet, d’Hanne de Potter,
A. Voisin, bibliothécaire de l’université de Gand, de Gerlache, Willems et
Marchal, conservateur de la bibliothèque de Bourgogne : ces six personnes ont
été chargées d’examiner au nom du gouvernement la bibliothèque de M. Van
Hulthem. Le rapporteur de la section centrale a fait le voyage de Gand pour
inspecter cette bibliothèque, et c’est après cette visite que son opinion a été
entièrement favorable au projet qui vous est soumis. Nous n’avons pas de
rapport qui évalue chaque ouvrage séparément, mais seulement l’ensemble de la
bibliothèque ; c’est ainsi qu’on procède quand on achète en masse.
Chacune des personnes qui formaient la commission
d’estimation a des connaissances spéciales en fait de
livres ; nous pouvons nous en rapporter à leur avis. J’ai eu souvent occasion
de recevoir des offres de ventes de livres ; je puis vous assurer, d’après les
prix qu’on me proposait, que si nous devions procéder à la formation d’une
bibliothèque par des acquisitions isolées, avec le double de ce que nous vous
demandons, vous n’auriez pas une collection semblable.
(Moniteur belge n°25, du 25 janvier 1837) M. Gendebien.
- Je répète que je regrette qu’on ne nous ait pas communiqué le rapport des
savants chargés d’examiner la bibliothèque qu’on nous propose d’acheter. On
nous dit que ces personnes ont estimé qu’il fallait faire cette acquisition,
mais j’aurais voulu connaître les raisons sur lesquelles ces personnes
fondaient leur avis. Je ne refuse pas les 315 mille francs qu’on demande si la
bibliothèque les vaut, je donnerais même un million pour fonder une
bibliothèque nationale, pourvu que j’eusse la certitude qu’il serait bien
employé.
Je ne refuse donc pas l’acquisition, mais je veux
savoir ce qu’on va acquérir, et quelle en est la valeur. Le rapport de la
section centrale ne dit rien à cet égard, il ne fait que répéter les faits
contenus dans le rapport du ministre.
Je demande le renvoi à demain afin qu’on ait le
temps de s’éclairer.
(Moniteur
belge n°26, du 26 janvier 1837) M. le ministre de
l'intérieur (M. de Theux). - Messieurs, toute la correspondance
concernant cette affaire a été communiquée à la section centrale. Il faut se
déterminer d’après l’opinion des personnes compétentes qui ont examiné cette
bibliothèque à moins que chacun des membres ne veuille se rendre à Gand et
encore devraient-ils s’enquérir du prix des divers ouvrages, car sans cela ils
ne seraient pas plus avancés.
- On procède au vote par appel nominal sur
l’article unique du projet.
Cet appel nominal n’ayant constaté que la présence
de 48 membres, la délibération est renvoyée à la prochaine séance.
La séance est levée à 5 heures.