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Note d’intention
Chambre des représentants de Belgique
Séance
du mardi 7 mars 1837
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre, notamment pétition relative au chemin
de fer vers Namur et
2) Proposition de loi visant à supprimer la quatrième classe des
tribunaux (Heptia, Watlet, Pollénus)
3) Projet de loi portant le budget du département de la guerre pour
l’exercice 1837. Discussion des articles. Traitement et indemnités de
représentation des officiers généraux et situation de l’armée hollandaise (de Puydt, F. de Mérode, Jullien, Brabant, F. de Mérode, Brabant, de Puydt, Jullien, Willmar, de Brouckere, Brabant, Jullien, Willmar, de Puydt, Dumortier, F. de Mérode, de Puydt, A. Rodenbach, Desmaisières, Willmar, Dumortier, Willmar, Dumortier, de Brouckere, Dubus, Desmaisières, Willmar, de Theux, Jullien, Willmar, Desmaisières, Dumortier, d’Huart, Gendebien, Willmar, Rogier, Desmaisières, d’Huart),
indemnités de représentation des chefs de corps (de Puydt,
Willmar, Brabant, Mast de Vries, de Puydt, Brabant, Willmar, Brabant, (+convention de Zonhoven) (Gendebien, Willmar, Dubus))
4) Projet de loi tendant à régler les élections provinciales dans les
cantons de Maestricht
(Moniteur belge n°67, du 8 mars 1837 et
Moniteur belge n°68, du 9 mars 1837)
(Présidence de M. Fallon,
vice-président.)
(Moniteur belge n°67, du 8 mars 1837) M. de Renesse fait l’appel nominal à midi et
demi.
M. Lejeune
lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est
adoptée.
M. de Renesse
présente l’analyse des pièces adressées à la chambre.
PIECES ADRESSEES A
« Des
habitants de la commune de Wilmarsdonck demandent la
construction d’une digue intérieure au rayon le plus rapproché du fort
Lillo. »
________________
« L’administration
communale de Grand-Metz (Hainaut) réclame l’intervention de la chambre pour
obtenir l’autorisation de M. le ministre de l’intérieur de continuer la perception
du rôle de cotisation personnelle de 1836 rendu exécutoire par les états
députés.
________________
« La dame veuve Vandenabbeelen,
née Fassiaux, domiciliée à Braine-le-Château, réclame
le paiement de l’indemnité qu’elle prétend lui revenir du chef des pillages et
dévastation, exercés dans son domicile par les Hollandais en 1830. »
________________
« Des propriétaires industriels et
négociants de la province de Namur demandent la construction d’un embranchement
de la route en fer vers Namur et
- La première
pétition est renvoyée à la commission des polders, les autres à la commission
des pétitions.
________________
M. Desmanet de
Biesme. - Messieurs, parmi les
pétitions dont on vient de vous présenter l’analyse, il en est une qui est
signée par environ 400 habitants notables de la ville de Namur, lesquels
demandent que le gouvernement veuille faire construire dans la province de
Namur un embranchement du chemin de fer, ou s’occuper des demandes en
concession qui sont faites à cet égard par des sociétés particulières de la
province de Namur. Comme la commission des pétitions ne fait que très rarement
des rapports et que la pétition dont je viens de parler est très urgente, qu’il
serait à désirer qu’on pût y donner suite dès cette année, je demande que la
commission soit invitée à nous faire un prompt rapport sur cette pétition.
- Cette proposition
est adoptée.
________________
M. Vanderbelen écrit à la chambre pour l’informer que par suite du
décès de son frère il lui est impossible d’assister à la séance.
- Pris pour
information.
________________
M. Corneli, élu membre de la chambre par le district de
Maestricht, et qui a été admis dans une précédente séance, prête serment.
________________
Par message du
sénat en date du 6 mars, la chambre est informée que le sénat dans la séance du
même jour a adopté le projet de loi relatif à l’impôt sur les chevaux.
- Pris pour
notification.
M.
Heptia monte à la tribune et développe sa proposition tendant à
supprimer la quatrième classe des tribunaux, dont les sections ont autorise la
lecture.
- La proposition
est successivement appuyée et prise en considération.
M.
le président. - Désire-t-on le renvoi en section ou à une commission ?
M. Watlet. - La chambre a déjà renvoyé à une
commission nommée par le bureau une demande du tribunal de Courtray d’être
placé dans la deuxième classe ; comme la proposition dont il s’agit se rapporte
à une matière à peu près semblable, je propose de la renvoyer la même
commission.
M. Pollénus. - S’il ne s’agissait, messieurs,
que d’une proposition relative à un objet isolé, je concevrais très bien qu’on
la renvoyât à une commission ; mais la proposition dont il s’agit concerne tout
le système d’organisation judiciaire, elle tend à supprimer la 4ème classe de
tribunaux, et par conséquent à changer la position relative de tous les
tribunaux entre eux. Toutes les localités où il y a des tribunaux étant
intéressées à cette question, il importe que les représentants de ces localités
soient appelés à l’examiner. Je demande donc que la proposition soit renvoyée
aux sections.
- Le renvoi à la
commission qui est chargée d examiner la demande du tribunal de Courtray, est
mis aux voix ; il n’est pas adopté.
Le renvoi en
sections est ensuite mis aux voix et adopté.
PROJET DE LOI
PORTANT LE BUDGET DU DEPARTEMENT DE
Discussion des
articles
Chapitre II. - Soldes et masses de l’armée, frais
divers des corps
Section I. – Solde des états-majors
Article
2
M.
le président. - La discussion est ouverte sur l’art 2 de la section
première du chapitre II (indemnité de représentation aux généraux qui
commandent les troupes campées, au gouverneur de la résidence et aux généraux
commandants supérieurs des troupes stationnées dans les provinces d’Anvers et
des deux Flandres).
Le gouvernement
avait demandé la somme de 36,051 francs,
La section centrale
propose d’allouer seulement 26,400 francs.
Il y a un
amendement de M. F. de. Mérode qui propose de porter le crédit à 51,000 francs.
M. de Puydt a
retiré son amendement.
M. de Puydt. - Je dois prévenir la
chambre que je n’ai retiré mon amendement que parce qu’il porte sur le nombre
des officiers généraux auxquels je proposais d’allouer des frais de
représentation ; mais, en retirant mon amendement, je me sois rallié à celui de
M. le ministre de la guerre qui fixe le chiffre comme je désirais le voir fixé.
M. F. de Mérode. - Messieurs, ayant bien
examiné de nouveau, après mon admission au sein de la section centrale, les
motifs de mon amendement ; après avoir comparé entre elles les subventions
attribuées aux généraux des pays qui nous entourent, dans les circonstances
analogues à celles de notre position militaire présente, j’ai cru devoir m’en
référer, sauf modifications, au règlement du royaume des Pays-Bas, auquel
Les généraux-majors
en Hollande reçoivent, d’après les règlements, vu les charges qui leur incombent
sur le pied de rassemblement où ils sont placés, prêts à entrer en campagne,
150 florins ou 320 francs de frais de représentation par mois, y compris les
frais de bureau (en somme 3,800 francs), qui, ajoutés à la solde sur pied de
paix de 11,040 francs, toute retenue déduite, met à leur disposition une somme
totale de 11,800 francs. Les maréchaux de camp français recevaient, dans une
situation semblable, 15,000 francs, c’est-à-dire, 700 francs de plus.
Je ne comprends
pas, en vérité, comment on est parvenu à enlever entièrement à nos généraux,
toute espèce de subvention de guerre et à les mettre sur pied de paix absolu,
malgré les règlements et la différence de l’état actuel des choses à l’état de
paix. Lorsqu’un général doit toujours être prêt à marcher équipé et monté pour
la guerre, les frais qu’il supporte sont tout autres que lorsqu’il est sur un
pied de paix réel. Alors des relations aussi intimes, entre lui et les
officiers ses inférieurs, ne sont pas nécessaires ; alors il peut se dispenser d’entretenir
le même nombre de chevaux et de domestiques ; alors, son domicile est plus
stable. Ces différences valent bien certainement, pour un général de brigade,
un supplément de 3,200 francs accordé par le gouvernement des Pays-Bas : Je ne
demanderai pas davantage, bien qu’en France ce supplément soit plus élevé de
700 francs, Je ne tiens pas à imiter
Je consens même,
pour établir un chiffre rond, à demander pour nos généraux de brigade une
subvention de 3,000 fr. et à retrancher ainsi 200 francs. Pour 12 généraux de
brigade en activité, ma proposition formera un total de 36,000 francs ; il
recevront ainsi 200 francs de moins qu’un général major hollandais, et 900
francs de moins qu’un maréchal de camp français.
Quant aux généraux
de division, ils reçoivent actuellement en Hollande 300 florins par mois de
frais de représentation, c’est-à-dire 7,600 fr. par an ; leurs appointements et
subventions réunis forment un total de 24,500 fr. Les généraux de division
français en reçoivent 24,900 sur simple pied de paix. Eh bien, messieurs, pour
être économe, je ne demanderai pour les généraux de division belges qu’une
subvention de guerre de 5,000 francs ; ils auront ainsi en tout 21,900 fr.,
c’est-à-dire 2,600 fr. de moins qu’en Hollande, et 3,000 de moins qu’en France,
sur simple pied de pied. A leur égard, il s’agira donc, selon ma proposition,
d’une somme de 15,000 fr. à porter au budget ; le total, avec les 36,000 fr.
applicables aux douze généraux de brigade, formera un ensemble de 51,000 fr.
M. le ministre de
la guerre ayant vu refuser les années précédentes toute allocation quelconque,
s’était borné, afin de diminuer l’état de gène de plusieurs de nos généraux, à
demander 1,600 fr, pour les généraux de brigade et 3,000 fr. pour les généraux
de division, c’est-à-dire d’une part 21.000 fr., de l’autre 9,000 fr., ensemble
30,000 fr. Ma proposition établit donc sur la sienne une majoration de 20,400
fr., à répartir entre quinze généraux belges, et rapproche ainsi leur solde et
les subventions accessoires du taux fixé en France, en Hollande et probablement
en Prusse, car l’on a considéré partout ces subventions comme indispensables.
Dernièrement,
messieurs, j’ai entendu accueillir avec bienveillance l’amendement proposé par
M. de Puydt, en faveur des sous-officiers promus au grade d’officier. Que si le
sous-officier auquel on prend avec raison beaucoup d’intérêt par son mérite et
ses longs services devient général, le laisserez-vous
au-dessous de sa position ? L’homme aisé parvenu à ce grade s’embarrasse peu
des 1,200 francs que je demande de plus pour le général de brigade, et de 2,000
fr. comme général de division. Remarquez que c’est dans notre état d’attitude
défensive seulement que je demande une augmentation. La paix assurée supprime
ces accessoires, mais aussi elle supprime les charges qui l’accompagnent. Ce
qui coûte dans une armée ce sont les masses d’hommes, de chevaux et de
matériel. Ce ne sont pas les sommités, parce qu’elles ne se trouvent qu’en
petit nombre.
Aussi, suis-je
toujours étonné d’entendre dire que l’on donnera tous les soldats jugés
nécessaires, et en donnant tant de soldats c’est la liberté des hommes dont
vous faites bon marché sans vous embarrasser de la manière dont ces soldats
seront conduits. S’il m’est permis de faire une comparaison, je tiens beaucoup,
non seulement à la solidité du navire de guerre dans sa masse et son équipage,
mais à la constitution du gouvernail, à la bonne volonté, au zèle du capitaine
et des pilotes. Aussi, le ministre doit soigner le personnel supérieur, le
choisir aussi bien que possible.
Je résumerai tout
ce que j’ai dit aujourd’hui et précédemment par une série de questions simples
et claires que voici :
1° Est-il vrai
qu’en Belgique les grades supérieurs soient accessibles à tous les Belges,
quelle que soit leur naissance et leur fortune personnelle ?
2° Est-il vrai que
plusieurs de nos généraux sont d’honorables militaires ayant combattu longtemps
comme soldats et sous-officiers, et qui ne possèdent que peu ou point de
revenus indépendants de leur épée ?
3° Est-il vrai que
l’emploi de général en activité de service exige des frais notables et spéciaux
de tenue et de représentation ?
4° Est-il vrai que
les frais sont plus considérables sur le pied de guerre que sur le pied de
paix, l’effectif en domestiques et chevaux devant être plus nombreux et les
déplacements plus multipliés ?
5° Est-il vrai que
les 3,000 fr. et les 1,800 fr. pétitionnés par le ministre de la guerre pour
les généraux de division et de brigade ne sont point une compensation
suffisante des charges qui leur incombent selon leurs grades respectifs dans
notre situation militaire présente ?
6° Est-il vrai que
c’est uniquement à cause du refus de toute subvention attribuée aux généraux,
refus itérativement renouvelé au dernier budget de la guerre, que M. le
ministre de ce département s’est contenté d’une demande d’allocation trop
restreinte selon son opinion, exprimée dans une des séances précédentes ?
7° Est-il vrai que dans les pays qui entourent
8° Enfin, l’économie
qui résulte de cette différence très appréciable dans le budget particulier de
chaque officier-général, privé du bénéfice des règlements, est-elle importante
pour le trésor en rapport avec ses effets nuisibles ?
Telles sont les
questions que je me suis faites à moi-même, avant de vous proposer mon
amendement. J’y aurais renoncé, messieurs, si elles avaient été résolues
autrement que par des fins de non-recevoir, en un sens contraire au mien
suffisamment expliqué et motivé, mais par de bonnes et solides raisons.
M. Jullien. - Il me paraît, messieurs, d’après le
rapport de la section centrale, qu’il s’agit maintenant plutôt d’une question
de principes que d’une question d’augmentation du budget ; en effet, si j’ai
bien compris le rapport de la section centrale, elle a considéré comme un
principe dont on ne peut se départir qu’en général il n’y a pas lieu à voter
plus que le ministre n’a demandé ; je vous avoue, messieurs, que je partage
entièrement ce principe qui a toujours été le mien. En effet, que venons-nous
faire ici, nous mandataires de la nation ? Nous venons dans ce qu’on appelle la
bataille du budget, disputer au gouvernement les deniers des contribuables.
Nous venons accorder au gouvernement tout ce qui est nécessaire aux besoins de
l’Etat et même tout ce qui est utile pour faire marcher toutes les
administrations d’une manière régulière ; mais on conviendra aussi que les
mandataires de la nation ne peuvent pas donner au gouvernement plus qu’il ne
demande, ne peuvent donner au gouvernement ce qu’il ne demande pas. Or,
remarquez bien, messieurs, que le ministre n’avait pas réclamé
plusieurs sommes que nous avons bien voulu généreusement lui donner. C’est
cependant au gouvernement, quand il établit son budget, de savoir ce qu’il veut
; c’est à lui de connaître ses besoins et de les
expliquer aux représentants de la nation. Eh bien, messieurs, si M. le ministre
de la guerre, quand il a fait son budget, n’a pas cru que la somme dont il
s’agit en ce moment fût nécessaire au bien-être du service, devons-nous voter
cette somme ?
Un honorable
orateur a dans une des dernières séances interpellé M. le ministre sur la
question de savoir si, quoiqu’il puisse faire le service avec la somme
demandée, il ne le ferait pas plus efficacement avec une somme plus forte ; je
vous avoue, messieurs, que cette question n’a rien d’ambigu, rien de complexe ;
qu’il était très facile d’y répondre. M. le ministre demande 45 millions : on
lui dit : Mais si nous vous donnions 46, 47, 48 millions, ne feriez-vous pas
mieux le service ? Il est évident que le ministre répondra toujours à une
semblable question ; voilà cependant ce qui s’est passé dans une des dernières
séances. On vient de plusieurs côtés jeter l’argent à pleines mains au ministre
: le ministre le prend, c’est tout naturel ; dans sa position nous en ferions
tout autant. Si l’on avait eu l’intention de mettre M. le ministre de la guerre
dans une position embarrassante, il était impossible de s’y prendre mieux, car
lorsqu’on vient dire au ministre ; Nous vous offrons un supplément de solde, un
supplément de traitement, une indemnité pour les officiers généraux ;
prenez-vous ou ne prenez-vous pas ? Il est bien certain, messieurs, que le
ministre ne peut pas manquer d’accepter sans se mettre en guerre avec les
officiers généraux qui lui reprocheraient qu’il n’a pas su profiter d’une
circonstance où l’on avait jeté la peur dans la chambre, la peur qui est
toujours si bonne à exploiter. Voilà cependant la position équivoque où l’on a
placé M. le ministre : on l’a mis dans la nécessité de dire (comme je crois
qu’il l’a dit en effet) que, s’il n’avait pas demandé cette somme, c’était
parce qu’il craignait que la représentation nationale ne la lui refusât ; mais
qu’il la croyait nécessaire au bien-être du service. M. le ministre ne peut
avoir donné cette réponse que par suite de la position embarrassante où on
l’avait placé, car un homme politique ne peut pas faire un semblable aveu ;
quand il croit qu’un crédit est nécessaire, il doit le demander, à ses risques
et périls ; que le crédit soit considérable ou qu’il ne le soit pas, si le
ministre en a besoin, il doit dire : « Telle somme m’est nécessaire ; si
vous ne me la donnez pas, je ne réponds pas du service. » Voilà le langage
que doit tenir un ministre. Je ne fais pas des reproches à M. le ministre de la
guerre sur la conduite qu’il a tenue dans cette circonstance : dans la position
où on l’avait placé en venant de trois ou quatre côtés de la chambre lui offrir
des augmentations, tout le monde aurait répondu comme lui ; mais il n’en est
pas moins vrai qu’on a placé le gouvernement dans une position très équivoque.
Il s’en tirera comme il pourra ; quant à moi j’adopterai les conclusions de la
commission.
Quant aux frais de représentation je les accorderais volontiers si la
nécessité ou même la grande utilité m’en était démontrée ; mais, messieurs,
comme je vous l’ai déjà dit, si vous entrez dans cette voie, savez-vous où vous
vous arrêterez ? Si vous donnez des frais de représentation aux officiers généraux,
les ministres ne seront-ils pas autorisés à venir en demander de leur côté, et
si vous en donnez aux ministres, n’allez-vous pas voir venir les gouverneurs,
les évêques et les archevêques ? (Bruit.)
En vérité, toutes les facultés des contribuables ne pourraient pas y suffire.
Encore une fois je
ne repousserais pas la demande qui nous occupe, si la nécessité m’en était
démontrée ; mais aussi longtemps qu’elle ne le sera pas, et surtout aussi
longtemps que M. le ministre ne prendra pas sur lui de nous faire une
proposition expresse et bien motivée, je la rejetterai toujours.
M. Brabant. - Messieurs, la somme dont s’occupe
maintenant la chambre est certainement une somme de peu d’importance, en
comparaison du budget dont elle fait partie ; mais ce n’est pas par son peu
d’importance, considérée d’une manière absolue, qu’il faut en juger, mais bien
par la nécessité de cette majoration, et par les conséquences probables qui en
découleront ; or, messiers, c’est là que je vois le principal danger de cette
majoration.
On a établi une
comparaison entre nos officiers généraux et les officiers généraux des pays
voisins, particulièrement de
Que les officiers
généraux en Hollande aient des frais extraordinaires que n’ont pas les nôtres,
je le conçois ; on nous a dit que leur armée était constamment rassemblée,
constamment disposée et prête à envahir notre pays au moindre événement
politique. Eh bien, là où il y a concentration d’hommes, tout devient plus cher,
et il est certain que les traitements qui suffirait dans les temps ordinaires
seraient insuffisants pour les officiers-généraux qui se trouvent placés dans
de semblables circonstances. Ensuite, le général qui est en contact continuel
avec ses troupes doit avoir avec ses officiers des relations qui nécessitent
des dépenses et qui ne sont pas aussi rigoureusement exigées lorsque les
différents corps de troupes placés sous le commandement d’un officier-général,
soit dispersés dans un cercle de 14 à 15 lieues de diamètre.
Aussi la section
centrale nous a-t-elle proposé de n’allouer qu’une partie de ce qui a été
demandé par le ministre de la guerre, à titre de frais de présentation, et cela
dans les circonstances que je viens de qualifier ; elle n’entend faire accorder
une indemnité de l’espèce qu’aux officiers-généraux qui commandent des troupes
constamment rassemblées, comme le sont les troupes dans les deux Flandres et la
province d’Anvers.
J’ai dit,
messieurs, qu’il n’y avait pas de règle absolue pour apprécier le traitement
des généraux ; il en est de même de tous les fonctionnaires, et ce n’est guère
que par comparaison qu’on peut arriver à établir le chiffre de ces traitements,
et c’est de cette comparaison aussi que résulte le danger dont j’ai parlé tout
à l’heure.
On a comparé les
traitements de nos officiers-généraux avec ceux des officiers-généraux
français. La différence n’est pas très grande, et je vous signalerai tout à
l’heure les points qui ont nécessité une augmentation en faveur des généraux
français.
Un
lieutenant-général français (grade qui correspond à celui de général de
division en Belgique) touche, lorsqu’il est en activité 17,400 francs : c’est
donc 500 francs de plus que ne touche notre général de division.
Messieurs, la
moitié du cadre d’activité en France se trouve généralement en disponibilité :
il n’y a pas même de cause permanente d’activité que le commandement des
divisions territoriales qui sont au nombre de 20.
J’ai examiné les
projets des budgets français pour les exercices 1835 et 1836 ; la moyenne des
traitements des lieutenants-généraux est de fr. 20,800, est il été postulé fr.
1,378,000… (chacun de vous,
messieurs, pourra vérifier l’exactitude de mes calculs) ; cette moyenne, au
budget de 1835, était de 23,773 francs ; il y avait 59 lieutenants-généraux en
activité, et il avait été postulé fr. 1,402,588.
Maintenant,
messieurs, quelle est la situation d’un lieutenant-général français vis-à-vis
de la principale autorité avec laquelle il se trouve presque constamment en
contact, et sur la ligne de laquelle il se trouve place dans l’ordre des
préséances ? Je vous ai dit qu’il y avait 20 divisions militaires commandées
par un lieutenant-général ; j’ai dit que la moyenne la plus forte, celle de
1835, était de 25,773 francs ; l’allocation réglementaire de 1823, d’après le
compte de 1823, était de 23,400 fr.
Eh bien, messieurs,
voici quel étaient les traitements des préfets dans les villes où se trouvaient
les lieutenants-généraux commandant les divisions territoriales :
1 préfet à 80,000 fr.
3 préfets à 45,000
fr.
3 préfets à 40,000
fr.
1 préfet à 35,000
fr.
6 préfets à 30,000
fr.
2 préfets à 25,000
fr.
4 préfets à 20,000
fr.
Vous voyez,
messieurs, que malgré ces allocations si hiérarchiques, le lieutenant-général
commandant la division territoriale se trouve dans une position pécuniaire fort
inférieure à celle où est placé le préfet du même département.
Eh bien, nos
gouverneurs qui n’ont pas précisément les attributions des préfets, mais qui,
dans l’ordre hiérarchique de notre pays en tiennent lieu, nos gouverneurs,
dis-je, touchent uniformément 4,700 fr., tandis que le général de division
touche 16,900 fr ; on dira peut-être que le gouverneur reçoit un logement, mais
la différence entre le traitement du lieutenant-général et celui du gouverneur
peut compenser le logement du gouverneur.
Messieurs, si vous
augmentez les traitements de vos généraux, vous arriverez à devoir augmenter
les traitements de vos gouverneurs, des premiers présidents, des procureurs-généraux
et en général de toutes les sommités dans toutes les hiérarchies.
Ce n’est pas là,
messieurs, l’exemple que donne ce pays voisin sur les errements duquel on
voudrait nous faire marcher ; en France, au lien d’augmenter, on a diminué tous
les traitements : ainsi les traitements des maréchaux, qui, en 1823, étaient
fixés à 40,000 fr., sont réduits aujourd’hui à 30,000 fr. ; le traitement d’un
lieutenant-général en disponibilité, qui précédemment était de 12,000 fr., est
aujourd’hui de 9,000 fr. seulement
M. F. de Mérode. - Je n’ai pas parlé des
traitements de disponibilité.
M. Brabant, reprenant. - Moi, j’en parle, la chambre
jugera le mérite de mon observation, et je prie M. de Mérode de ne pas
m’interrompre. .
Du reste,
messieurs, le gouvernement lui-même a jugé que les traitements des
officiers-généraux n’étaient pas inférieurs au taux où ils devaient être,
puisque, de son propre mouvement et sans y avoir été provoqué par les chambres,
il a réduit, et a considérablement réduit, les allocations éventuelles.
Je veux en citer un exemple. Un arrêté, pris à la fin de l’année 1832,
et à l’époque où il fallait coordonner les divers traitements avec notre
nouveau système monétaire, avait alloué 31 fr. 76 c par journée de séjour aux
généraux de division en tournée ; et bien, un arrêté postérieur de neuf mois
environ à celui dont je viens de parler
a réduit ces frais de séjour à 20 fr. et a même introduit une disposition
nouvelle ayant pour objet de réduire l’indemnité d’un tiers pour le cas où le
séjour se prolongerait au-delà de huit jours.
Je crois,
messieurs, en avoir dit assez pour prouver que l’allocation proposée par la section
centrale est suffisante. Certainement il faut donner aux généraux les moyens de
connaître leurs officiers par des relations plus intimes que celles qu’amène le
service ; mais aussi il ne faut allouer ces moyens extraordinaires que quand
ils peuvent être véritablement employés au but que l’on se propose.
Nos troupes sont
maintenant disséminées sur toute la surface du royaume, et la plupart de nos
généraux pour lesquels on demande ce supplément de traitement se trouvent à
Bruxelles.
M. F. de Mérode.
- Messieurs, l’honorable préopinant n’a répondu à aucune des questions que j’ai
posées ; il n’a rencontré aucun des arguments que j’ai fait valoir à l’appui de
ma proposition, il a seulement cherché à effrayer la chambre sur les
conséquences que l’adoption de mon amendement entraînerait selon lui.
L’honorable membre
vous a dit : si vous accordez des suppléments de traitement aux généraux, vous
serez obligés d’augmenter les appointements des fonctionnaires publics. Mais,
messieurs, je ne demande pas que les traitements des généraux sur pied de paix
soient changés d’un centime, je demande seulement que leur subvention en temps
de guerre soit en proportion des dépenses qu’ils sont obligés de faire. En
temps de paix, ils ne doivent avoir que 2 chevaux ; dans l’état où nous sommes,
ils sont obligés d’en avoir six, Or, je vous le demande, peuvent-ils avec
l’indemnité de fourrage qu’on leur accorde en ce moment, payer les domestiques
chargés de les soigner ?
On a parlé de
généraux en disponibilité, je n’ai pas dit un mot de cette catégorie
d’officiers à laquelle mon amendement ne s’applique pas, parce que l’état de
disponibilité est invariable soit en temps de paix, soit en temps de guerre, et
n’entraîne, en conséquence, dans ce dernier cas, aucun surplus de dépense.
M. Brabant. - Le principal argument de
l’honorable préopinant auquel je n’ai pas répondu, c’est qu’en temps de paix un
général devait avoir moins de chevaux qu’en temps de guerre. Quand le général a
plus de chevaux, il reçoit plus de rations, ainsi il n’en souffre pas.
M. de Puydt. - M. Brabant nous a dit qu’il ne
fallait pas faire de comparaisons trop absolues entre les traitements des
officiers-généraux belges et ceux des officiers-généraux étrangers. Je suis
parfaitement de son avis ; mais je me garderai bien de tomber dans le tort
qu’il condamne, comme il vient de le faire lui-même.
La différence de
traitement qui existe entre les généraux belges et les généraux hollandais lui
paraît justifiée par la position différente dans laquelle se trouvent les
généraux hollandais qui sont constamment en campagne et dans des localités où
les grandes agglomérations d’hommes causent le renchérissement de ce qui est
nécessaire à la vie
Cette considération
doit, selon lui, motiver la supériorité de traitement des généraux hollandais ;
il croit que les généraux hollandais étant constamment en campagne, sont
obligés de faire de plus grandes dépenses qu’ils ne feraient sur le pied de
paix. Mais je lui répondrai que c’est précisément pour des officiers-généraux
placés dans la même position en Belgique que nous réclamons une indemnité à
titre de frais de représentation, afin de les mettre sur la même ligne que les
généraux hollandais. Nous ne réclamons pas de frais de représentation pour tous
les généraux, mais seulement pour ceux qui sont dans une situation analogue à
celle des généraux hollandais, c’est-à-dire à la tête de divisions et brigades
de l’armée active. On vient d’opposer à cela que quelques-uns de ces généraux
résidaient en ce moment à Bruxelles. C’est là un fait exceptionnel ; tandis que
c’est un principe que nous voulons faire admettre. Ce n’est dont pas une
exception actuelle qui doit faire repousser le principe.
Il est incontestable
que la grande dispersion des troupes de quelques divisions et brigades de notre
armée est une cause de dépense extraordinaire pour les chefs qui les
commandent. Bien que les officiers de ces troupes ne soient pas constamment
réunis, les généraux ne les voient pas moins, et comme, pour inspecter les
corps sous leurs ordres, ils sont obligés de se déplacer, il en résulte que,
s’ils réunissent moins d’officiers à la fois, ils en réunissent plus souvent,
ce qui, joint aux déplacements, doit augmenter nécessairement leurs frais.
On a opposé à notre
proposition, à nos calculs précédents sur la solde des officiers généraux
français, des calculs tout autres. Je crois que l’honorable membre, qui prétend
rectifier nos chiffres, est tombé à son tour dans une grave erreur. Les
officiers généraux français touchent une solde plus élevée que celle accusée
par lui. Il vous a dit qu’un général de division avait en France 17,400 fr.
Je ne sais dans
quelle position un général de division touche en France cette solde. Mais je
sais qu’un officier français dans la position de nos généraux de division
touche 25,800 fr. Il m’importe peu que dans une autre position on leur donne
une solde moindre. Pour que les comparaisons que l’on fait soient exactes, il
faut les faire porter sur des éléments de même nature.
Voici comment se
compose la solde d’un général de division en France du moment qu’il est en
activité :
Traitement fixe :
15,000 fr.
Frais de
représentation : 6,000 fr.
Indemnité de
logement : 1,800 fr.
Frais de bureau :
3,000 fr.
Total : 25,800 fr.
Indépendamment de
ces diverses allocations, lorsqu’il est sur le pied de guerre, il touche un
quart de son traitement à titre de supplément de solde de 3,750 fr., de qui
porte son traitement total à 29,550 Ir.
Si vous voulez
déduire de ce chiffre les frais de logement et de bureau, et ne conserver que
la solde et les frais de représentation, vous aurez pour solde d’abord 18,750
fr., plus les six mille fr. de frais de représentation, ce qui fait 25,750 fr.
Dans l’un et l’autre cas, ces allocations dépassent de beaucoup la solde de nos
généraux.
Un lieutenant-général touche de plus en France, en cas de guerre, une
gratification d’entrée en campagne, qui est de six mille fr. On lui alloue
ensuite des frais de poste qui sont assez forts ; s’il perd des chevaux, on les
lui remplace ; s’il des effets, on les lui remplace ; ce qui le met dans une
position infiniment plus favorable que celle d’un général de division belge.
Je ferai remarquer en
outre qu’il ne s’agit nullement d’augmenter d’une manière absolue le traitement
de tous nos généraux de division, mais seulement d’avoir égard à la position de
ceux qui sont aujourd’hui à la tête de leurs corps et exposés à de plus grandes
dépenses, et de leur accorder temporairement et jusqu’à la dislocation de
l’armée active, un supplément de solde nécessaire pour subvenir à ces excédents
de dépense, comme on les accorde en France.
Les propositions
faites sont très modérées, car elles sont loin d’atteindre le taux de la solde
en France et en Hollande. Je ne pense pas qu’elles puissent être considérées
comme exagérées par l’assemblée.
M. Jullien. - J’entends toujours parler d’état de
guerre pour justifier toutes ces augmentations d’allocation. Mais, de bonne
foi, sommes-nous en guerre ? Quel est celui qui oserait répondre
affirmativement à une pareille question ? Le traité du 21 mai à l’ombre duquel
nous vivons depuis 1833 nous a procuré cet heureux statu quo qu’on s’est accordé
à vanter comme nous mettant dans une quiétude parfaite. Eh bien, depuis ce
temps peut-on dire que nous soyons en guerre !
Il peut, dit-on,
arriver une catastrophe en France ; mais dans tout pays il peut arriver des
catastrophes, toute l’Europe est peut-être à la veille d’une catastrophe.
Pensez-vous que
Il ne faut pas
venir effrayer la chambre pour faire augmenter les charges que supportent les
contribuables et que pour mon compte je trouve déjà fort lourdes.
En France, dit-on, les généraux de division ont autant. Mais
pouvons-nous nous comparer à
C’est l’opinion de
cet honorable membre que le traité de 1831 n’existe plus ; mais si l’opinion de
ceux qui l’ont conclu est différente, je crois qu’elle balancerait celle de
l’honorable membre. Il me semble du moins qu’il y a à hésiter sur la question
de savoir laquelle de ces opinions dominerait.
Quant à moi, je ne
vois rien qui puisse déterminer la chambre à modifier les conclusions de la
section centrale.
M. le ministre de la guerre (M. Willmar). -
L’honorable préopinant ayant répété deux fois qu’on avait l’intention
d’effrayer l’assemblée, je crois devoir revenir sur la définition que j’ai
donnée de la position que je désire que le pays prenne. J’ai dit que nous
devions prendre une attitude défensive imposante. Je le demande, peut-on voir
là la moindre intention d’effrayer l’assemblée ? L’honorable orateur a posé
cette question : Sommes-nous en guerre ? Je lui répondrais volontiers :
Sommes-nous en paix ? Je crois qu’on pourrait également répondre par la
négative à l’une et à l’autre question.
Remarquez qu’il ne
s’agit pas ici d’état de guerre, mais du pied de guerre de notre année. Quand
je dis du pied de guerre, c’est encore une expression inexacte, car le pied de
guerre, c’est-à-dire celui d’une armée qui d’un jour à l’autre peut en venir
aux mains avec l’ennemi, n’existe plus, surtout depuis la réduction
considérable opérée sur les rations de fourrage. Si notre armée était restée
sur le pied d’une armée qui doit entrer prochainement en campagne, on n’aurait
pas fait subir aux indemnités de fourrage la réduction qu’on a faite depuis
quatre ans.
L’honorable M. de
Puydt a rétabli la question qui avait été déplacée par l’honorable M. Brabant. Celui-ci avait comparé la
situation de nos généraux avec celle de nos fonctionnaires publics ayant à peu
près le même rang. Mais cette comparaison, pour être juste, devait
essentiellement reposer sur la supposition que nous voulions établir une sorte
de similitude entre eux. Il s’agit ici de positions qui n’ont aucun rapport
avec celle des fonctionnaires civils. On a demandé une indemnité pour les
généraux commandant les divisions ou les brigades de l’armée active.
Cette demande a un
rapport intime avec la position de rassemblement de notre armée, qui n’a aucun
rapport avec la position stable des fonctionnaires civils. Maintenant, puisque
cette question a été soulevée, je prie la chambre de réfléchir aux habitudes
militaires et de les comparer aux habitudes civiles. Il existe entre les
militaires un esprit d’hospitalité plus exigeant qu’entre les fonctionnaires
civils. Quand la comparaison serait exacte, on pourrait soutenir encore qu’il y
a quelque justice à accorder aux militaires des traitements plus élevés.
L’honorable
préopinant a répondu à l’objection tirée du nombre des chevaux que doivent
avoir les généraux, que, comme tous les militaires, les généraux recevaient des
indemnités de fourrages : mais vous savez, messieurs que l’entretien des
chevaux ne se réduit pas à leur nourriture, qu’il exige d’autres dépenses très
considérables dont peuvent se rendre compte ceux qui ont des chevaux ; il y a
surtout la grande question de l’achat primitif des chevaux, puis celle de leur
remplacement.
En France, chaque
fois que l’armée entre en campagne, on donne des indemnités d’entrée en
campagne aux généraux ; ces indemnités qui dépassent 6,000 francs pour les
lieutenants-généraux mettent ces officiers à même de faire l’acquisition de
leurs chevaux. Ils ont en outre des indemnités pour pertes de chevaux et même
d’effets ; tandis qu’en Belgique, les généraux ont à supporter et l’achat
primitif et toutes les pertes de chevaux et d’objets.
L’honorable orateur
a puisé une objection contre le chiffre relatif aux indemnités de
représentation dans la situation actuelle de notre armée, dans sa dislocation :
l’honorable M. de Puydt a répondu d’une manière péremptoire en disant que cette
dispersion exigeait, de la part des généraux, des dépenses plus grandes que ne
l’exigerait un état de concentration, puisqu’ils devaient aller en plusieurs
villes ou en plusieurs localités pour voir leurs brigades ; et que, quand ils
sont dans des villes étrangères, ils sont obligés de faire plus souvent des
frais de représentation. Il est d’ailleurs à remarquer que cette dispersion
dont on s’appuie doit changer ; car tel est l’objet des amendements que j’ai
proposés.
Je ne rentrerai pas
dans la comparaison qui a été faite entre le traitement des généraux français
et celui des généraux de notre pays ; je crois que de part et d’autre on a
commis quelques inexactitudes ; mais ce qui rendait la comparaison tout à
fait inexacte, c’est d’avoir pris la moyenne du traitement des généraux ; en
effet, il y a des généraux en activité et en disponibilité et leurs traitements
sont bien différents ; la moyenne de ces traitements change donc selon qu’il y
a plus ou moins d’officiers en disponibilité.
Nous avons un
sixième de nos généraux en disponibilité ; si on prenait la moyenne pour tous
nos généraux on arriverait à un résultat trop faible. Le calcul que l’on a fait
est donc vicieux.
Un autre argument a
été tiré du rassemblement des forces hollandaises, ce qui mettait les généraux
de cette nation en contact avec leurs troupes et pouvait exiger d’eux de plus
grandes dépenses, parce que tout est plus cher où il y a agglomération d’hommes
: mais ce rassemblement ne peut causer de frais qu’à un très petit nombre de
généraux hollandais ; je vous ai signalé la position de nos ennemis ; je vous
ai dit qu’une partie de leurs troupes, l’artillerie surtout ainsi que la
cavalerie, est cantonnée dans le Brabant septentrional avec quelques bataillons
d’infanterie ; qu’une seconde partie des troupes ennemies était dans les
places, et que le restant se trouvait dans l’intérieur ; enfin, que le tout
était dans une telle disposition qu’en cinq ou six jours l’armée pourrait se
réunir et former une masse d’environ quarante mille hommes. J’ai dit, en outre,
que ces trois parties n’étaient pas dans un tel état de concentration qu’on
puisse les regarder comme sur le pied de guerre ; seulement elles sont plus
concentrées que les différents éléments de notre armée.
L’honorable M.
Jullien appuyant l’objection produite par la section centrale, a déclare qu’il
ne fallait allouer aucune indemnité qui n’eût été demandée par le ministre
lui-même. En développant son opinion, il a chargé un peu les couleurs du
tableau, en disant que ces demandes d’indemnité faites par des membres de la
chambre plaçaient le ministre dans une position très fâcheuse, très
embarrassante. Je rappellerai, à cet égard, que j’ai franchement exposé ma
manière de voir dans une séance précédente, quand j’ai déclaré que le silence
que j’avais d’abord gardé sur l’indemnité pour frais de représentation m’avait
été inspiré par la crainte d’en voir rejeter la demande, crainte motivée sur ce
qui s’était déjà passé relativement à cette question. Que j’aie eu tort ou
raison, je dois déclarer que c’est là ce qui m’a arrêté. Mais des propositions
ayant été faites, j’ai voulu au moins faire réussir le principe de l’indemnité,
et, par ce motif, j’ai insisté.
J’ai montré comment
la question pouvait être considérée sous une double face. J’ai dit que M. de Mérode
l’avait considérée sous le rapport de l’intérêt particulier des généraux, et
que l’honorable M. Rogier l’avait surtout envisagée sous le rapport du moral de
l’armée ; ce dernier orateur a fait voir les bons effets qui ne manqueraient
pas de résulter des fréquentations habituelles des officiers avec leurs
généraux ; et selon moi, voilà le véritable motif d’intérêt public ; et c’est
ainsi que j’ai toujours considéré la question. L’indemnité que je réclame est
une indemnité dans toute la force de l’expression ; c’est un remboursement pour
les frais auxquels les généraux sont assujettis pour recevoir convenablement
les officiers placés sous leurs ordres. Aussi je réclame l’adoption de
l’amendement de l’honorable M. de Mérode, comme étant seul propre à remplir le
but.
Je m’étais abstenu
de traiter aujourd’hui la question sous sa double face, parce que je voulais
éviter des redites, car je l’ai déjà traitée de cette manière le lendemain du
jour où plusieurs orateurs s’étaient fait entendre et auraient démontré
l’utilité et la justice de l’indemnité ; je ne croyais pas devoir répéter ce
qui avait été très bien exposé et très bien développé par ces messieurs.
Je n’ai pas besoin
d’énumérer les bons résultats qui doivent être la conséquence de la
fréquentation des officiers avec leurs généraux. C’est une idée assez répandue
qu’il règne du mécontentement dans notre armée ; qu’on l’appelle dégoût, qu’on
l’appelle découragement, il faut le faire cesser s’il existe.
Or, pour cela il
faut que les hommes haut placés fassent comprendre
dans l’intimité aux officiers quelle est leur véritable position ; et s’il se
trouve que les officiers aient des prétentions exagérées, qu’ils leur fassent
surtout comprendre l’exagération, car de là résultera la cessation de tout
mécontentement.
Mais sous un autre
point de vue, la fréquentation des officiers avec les généraux est nécessaire.
Il règne dans notre armée des habitudes de dissipation, habitudes qui
entraînent des dettes ; pour détruire ces habitudes, il serait bon de changer
les goûts des officiers, de les soustraire à la vie des cafés, des estaminets ;
c’est en les réunissant autour d’eux que les généraux viendront à bout de
combattre efficacement ces habitudes pernicieuses.
Je viens à la question du bien-être des généraux ; mais il me semble
qu’elle n’a pas besoin de recevoir de longs développements. La dépense
qu’occasionnent les chevaux et les logements est tellement considérable que les
généraux qui n’ont pas de fortune doivent être dans une situation gênée, et
doit les obliger à une vie retirée, ou à éloigner d’eux leurs subordonnés
plutôt qu’à les attirer. Cela est tellement vrai que si l’on n’allouait des
frais d’indemnité égaux à ceux que propose la section centrale, ce serait un
dommage pour les généraux plutôt qu’un avantage. Dans l’opinion des officiers
elle accroîtrait les obligations des généraux, et elle ne ferait que leur ôter
le mérite d’une hospitalité qui leur serait très onéreuse. Je dis onéreuse
parce qu’avec cent francs par mois un général ne peut pas augmenter beaucoup
ses dépenses habituelles ; cependant l’idée que cette indemnité serait accordée
ferait naître dans les corps d’officiers des prétentions fâcheuses, et on
augmenterait peut-être le nombre des mécontents, on ferait naître de nouveaux
mécontentement sans qu’il en résultât de l’émulation dans l’armée.
Par ces
considérations je me réunis à l’amendement de M. de Mérode parce qu’il faut que
le gouvernement se réserve la faculté de nommer un général de division et un
général de brigade.
(Moniteur belge n°68, du 9 mars 1837) M. le président. - M. de Mérode demande 20,000 fr.
pour quatre généraux de division, et 36,000 fr. pour douze généraux de brigade,
en tout 56,000 fr.
M. de Brouckere. - J’avais demandé la parole
avant d’avoir entendu M. le ministre de la guerre ; je pourrais maintenant
m’abstenir de parler après ce qu’il a dit ; cependant, je désire ajouter
quelques mots.
Je crois qu’il
importe que l’on réponde d’une manière positive à cette allégation déjà
plusieurs fois répétées, que l’on cherche à faire naître des craintes
relativement à des projets d’attaque de la part de l’armée hollandaise, projets
que l’on vous a présentés comme devant avoir une exécution très rapprochée.
Je ne me rappelle
pas que, soit dans les discours prononcés par les organes du gouvernement, soit
dans ceux prononcés par des membres de la chambre, on ait tenu un langage
pareil. Personne n’a fait entendre que le gouvernement hollandais soit plus
disposé à nous attaquer aujourd’hui qu’il ne l’était, par exemple, l’année
précédente. Mais on vous dit :
Mais, a dit un
honorable orateur, le pays peut être bien tranquille ; car si jamais
D’abord je pense
avec beaucoup de membres de la chambre que si nous pouvons faire nos affaires
nous-mêmes, cela vaudra mieux que d’avoir recours à nos voisins. En second
lieu, avant que
J’arrive maintenant
à la question que nous avons résoudre en ce moment :
Messieurs, il me
paraît évident à moi que les appointements des généraux, tels qu’ils ont été
jusqu’ici portés au budget, ne sont pas suffisants.
La chambre, chaque
année, a cru devoir rejeter les demandes du ministre de la guerre tendant à
obtenir pour les chefs de l’armée des frais de représentation ou de table,
enfin une somme spéciale pour le temps de guerre. Eh bien malgré le refus fait
chaque année, le ministre prédécesseur du ministre actuel a cru ne pouvoir pas
faire autrement que de payer ces frais de table, aux généraux ; et il les a
payés sur des fonds qui n’étaient pas destinés à cet objet.
Plusieurs membres. - Le ministre a eu tort.
M. de Brouckere. - Je ne prétends pas
justifier le ministre. Je dis au contraire, avec la section centrale, que le
ministre, en agissant ainsi, a fait une chose très irrégulière. Mais enfin, on
peut en tirer cette conséquence que le ministre a dû être bien convaincu que le
traitement des généraux est insuffisant pour se permettre une semblable
irrégularité, irrégularité qu’il savait bien sans doute ne pas devoir échapper
à l’examen de la chambre et particulièrement de la section centrale. Je n’ai
cité ce fait que pour démontrer jusqu’à quel point il était évident dans les
idées de l’ancien ministre que les appointements des généraux étaient
insuffisants. Eh bien ! aujourd’hui le ministre
actuel, qui probablement veut sortir de la voie irrégulière dans laquelle son
prédécesseur était entré, vient demander un crédit spécial ayant pour objet les
suppléments de solde à accorder aux généraux. Il paraît que la chambre est
assez disposée à voter ce supplément, mais il s’agit de savoir quelle sera la
somme qu’on accordera.
Primitivement le
ministre avait demandé 36,051 fr.
La section centrale
avait réduit cette somme à telle de 26,400 fr.
C’est-à-dire
qu’elle proposait une diminution de 9,651 fr.
A la première
séance, où nous nous sommes occupés de cet article, différents amendements ont
été proposés, un entre autres par l’honorable M. F. de Mérode (amendement qui,
tel qu’il était rédigé d’abord, m’a semblé pécher par la forme ; mais cette
forme a été abandonnée). Il ne faut pas perdre de vue qu’à l’instant même où
cet amendement a été présenté, M. le ministre de la guerre non seulement s’y
est rallié ; si ce n’était que cela, cet amendement n’aurait que peu de poids à
mes yeux ; j’ai déjà dit que les amendements proposés par des membres de la
chambre, et qui auraient pour objet de demander une augmentation aux chiffres proposés
par le ministre, n’auront pas en général mon approbation, parce que, selon moi,
le ministre est le meilleur appréciateur des besoins du service. Mais, dans le
cas spécial dont il s’agit, il importe de rappeler comment les choses se sont
passées. Le ministre a déclaré que non seulement il se ralliait à l’amendement,
mais que s’il ne l’avait pas présenté lui-même, c’était par la seule crainte
que ce chiffre ne fût pas adopté par la chambre.
Cette crainte (il
faut bien le reconnaître) n’était pas sans fondement, puisque chaque année la
chambre s’était montrée inexorable dans ces sortes de demandes. D’après cela il
me semble que la question de principe pour laquelle la section centrale a
répondu à l’amendement de M. F. de Mérode pour le rejeter, n’est pas la même
que dans d’autres cas ; en effet il ne s’agit plus d’un amendement présenté par
un membre de la chambre, mais d’une véritable proposition du gouvernement ;
car, à la manière dont le ministre s’est rallié à l’amendement présenté par M.
F. de Mérode, cet amendement est, pour ainsi dire, devenu le sien. Je ne crois
donc pas que ce soit ici le cas d’appliquer ce principe que j’ai moi-même
invoqué dans d’autres circonstances, que la chambre doit, en général, repousser
les amendements présentés par des membres de la chambre,et qui ont pour objet
de majorer les chiffres présentés par le ministre.
Reste donc la
question de convenances :
Faut-il,
convient-il que la chambre vote une somme de 51,000 fr. pour supplément de
solde des généraux ? Ou bien se contentera-t-on de voter une somme moindre ?
J’ai écouté avec attention tous les arguments que l’on a fait valoir contre la
plus forte somme. Je déclare qu’aucun de ces arguments ne m’a touché.
La principale
crainte qui anime les orateurs auxquels je réponds, c’est que si on augmente
les appointements des généraux, il faille aussi augmenter ceux des gouverneurs
de province, des présidents et des procureurs-généraux des cours, enfin de
toutes les autorités supérieures, obligées par la place qu’elles occupent à une
certaine représentation.
Je ne crois pas que
cette crainte doive nous occuper beaucoup. La position des, gouverneurs de
province (non pas que je veuille dire que ces fonctionnaires soient payés comme
ils doivent l’être ; ce n’est pas la question à examiner), et celle des autres
autorités civiles, est bien loin d’être la même que celle des généraux en
activité. Le gouverneur a sa résidence fixe ; jamais il n’est tenu d’entretenir
deux ménages. Il en est de même pour toutes les autorités. Mais un général commandant
une division est exposé à changer continuellement de
résidence. Ce général, s’il est établi, ne peut traîner avec lui sa femme ; il
est obligé d’avoir un deuxième ménage, d’avoir pour sa femme une résidence
fixe. Voilà donc une charge spéciale à la position des officiers.
Il faut remarquer
de plus que le supplément de solde réclamé aujourd’hui ne l’est pas d’une
manière générale et pour un temps illimité. On laisse les appointements des
généraux tels qu’ils sont, et on se borne à demander, pour la durée de la
guerre, un supplément de solde en faveur des généraux en activité, commandant
des divisions ou des brigades en activité.
Vous voyez donc que
l’on n’a pas à craindre que cet antécédent soit invoqué par les fonctionnaires
civils ; car l’allocation est toute spéciale, elle est une suite de la position
extraordinaire de ceux en faveur de qui on la demande.
On avait fait
valoir comme un argument en faveur de l’amendement que les généraux en activité
étaient tenus de faire beaucoup de dépenses extraordinaires, par exemple
d’avoir un grand nombre de chevaux. A cela un honorable membre répond : Mais on
leur donne des fourrages. Sans doute. Mais tout le monde sait que les fourrages
accordés aux officiers ne suffisent pas pour les indemniser des frais résultant
pour eux de l’obligation d’avoir un grand nombre de chevaux ; car si le
gouvernement donne de quoi nourrir les chevaux, il ne donne pas de quoi les
acheter.
On a cité dans une
séance précédente l’exemple d’officiers supérieurs qui ont perdu des sommes
très élevées, pour lesquelles ils n’ont reçu aucune indemnité, quelle qu’elle
soit.
De tout cela je tire la conséquence qu’il est incontestable qu’un
supplément de solde doit être accordé aux généraux commandant les divisions et
les brigades qui composent l’armée active.
Pour moi, je me
sens assez disposé à voter en faveur de 1’amendement qui a été présenté dans la
séance précédente, et que je regarde comme étant l’amendement de M. le ministre
de la guerre ; mais si la majorité de la chambre estimait ne pas devoir voter
dans ce sens, je crois qu’il conviendrait au moins d’adopter alors le chiffre
primitivement demandé par M. le ministre de la guerre.
Je bornerai là mes
observations parce que je pense que la discussion a été assez longue pour que
chacun de nous ait pu se former une opinion.
M. Brabant. - Messieurs, la plupart des orateurs
ayant procédé par comparaison, je crois devoir rectifier quelques-unes des
allégations inexactes qui ont été mises en avant.
Lorsque j’ai parlé des
indemnités accordées aux généraux français, je n’en ai parlé que le tarif en
mains, et j’ai dû, par conséquent, en parler plus pertinemment que ceux qui ne
connaissaient pas même l’existence du tarif. D’après le tarif de 1823, un
général commandant une division territoriale reçoit 6,000 fr. pour frais de
représentation, de bureau et de tournée ; et je vois en note, dans la colonne
des observations, que les frais de bureau et de tournée sont compris pour un
cinquième dans les frais de représentation. Il n’y a donc pas pour cet objet
une allocation extraordinaire de 3,000 fr,, comme le
disait l’honorable M, de Puydt, puisque l’allocation de 6,000 fr. comprend non
seulement l’indemnité de représentation, mais aussi les frais de bureau et de
tournée.
M. de Puydt a
encore parlé de gros frais de poste. Eh bien ! sous ce
rapport on peut encore comparer le tarif français avec celui de notre pays : en
Belgique, un arrêté de 1835 alloue pour frais de poste précisément ce qu’il en
coûte pour payer la poste et les postillons ; le tarif français n’alloue pas
davantage ces deux tarifs sont identiquement les mêmes.
Un point sur lequel
on a beaucoup insisté, c’est la différence qui existerait entre nos officiers
et les officiers français sous le rapport de la gratification d’entrée en
campagne, et d’après l’insistance qu’on y a mise, on croirait que cette
gratification est une gratification annuelle ; cependant, messieurs, il en est
tout autrement ; aucun officier ne peut recevoir dans le même grade deux fois
la gratification d’entrée en campagne dans le cours d’une même guerre,
c’est-à-dire, dans l’intervalle d’une paix générale à l’autre.
Vous pouvez voir,
messieurs, à la page 164 du budget, qu’il est alloué des frais de bureau à tous
les généraux ; il leur est ensuite alloué, d’après un tarif spécial, des frais
de tournée qui, sans être exorbitants, permettent cependant à un officier
général de vivre convenablement selon son rang. Il me semble qu’avec vingt
francs d’indemnité par jour, un général est suffisamment indemnisé du surcroît
de dépenses que sa tournée lui occasionne.
Nous avons comparé la position des officiers généraux belges avec celle
des officiers généraux hollandais, et il résulte de cette comparaison que, eu
égard à ce qu’il en coûte pour vivre en Hollande, et à ce qu’il en coûte pour
vivre en Belgique, nos officiers généraux sont traités sur le même pied que les
officiers généraux hollandais. Cependant la section centrale n’a pas voulu
borner les officiers généraux à leur traitement proprement dit ; elle a encore
alloué ce qu’elle croyait nécessaire pour mettre les officiers généraux, qui
sont dans l’occasion de représenter, à même de pouvoir le faire pendant tout le
temps qu’ils en auront véritablement l’occasion. Nous avons supposé que les
généraux de division resteraient au camp pendant trois mois au plus ; et sans
vouloir faire la répartition de la somme, mais pour avoir une base de nos
calculs, nous avons cru qu’il suffirait d’allouer, pour frais de représentation
pendant trois mois, 2,000 fr. aux généraux de division, 1,200 fr. aux généraux
de brigade et 1,600 fr. aux commandants supérieurs dans les provinces d’Anvers
et des deux Flandres.
M. Jullien. - Messieurs, lorsque j’avais demandé
à la chambre : « Sommes-nous en état de guerre ? » M. le ministre a
demandé à son tour : « Sommes-nous en état de paix ? » J’avoue qu’il
serait peut-être aussi difficile de répondre à une question qu’à l’autre ; je
sais qu’il est d’usage dans notre langage parlementaire, lorsqu’on parle de
notre situation, de l’appeler un état de quasi-paix, de quasi-guerre ; voilà le
langage dans lequel on s’exprime. Eh bien, qu’on nous demande donc aussi une
quasi-indemnité. (On rit.) Mais ce
n’est pas ce qu’on fait, on nous demande une indemnité bien positive, comme si
nous étions vraiment en état de guerre ; cependant cet état de guerre on le nie
parce qu’en effet, aux yeux de tout le pays, il n’existe pas ; mais on dit :
« Sans nous embarrasser de la question de savoir si nous sommes en guerre
ou non, nous devons mettre l’armée belge en état de repousser une agression de
l’armée hollandaise. » Mais, messieurs, qui donc dit le contraire ? Tout
le monde dit que l’armée belge doit être mise en état de repousser une
agression de
On a dit, messieurs, qu’il ne faut pas attendre que
On parle toujours
de cette intervention, contre laquelle s’est tant élevé l’honorable M. Rogier,
comme d’une chose qui viendrait humilier notre amour-propre ; mais il ne faut
pas perdre de vue que si
M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - Je
répondrai à l’honorable orateur, qui a ramené la question de l’intervention
française, que, quel que fût le motif pour lequel
Répondant à une
plaisanterie de l’honorable M. Jullien, fort bonne d’ailleurs, je dirai que
l’indemnité que je demande, et surtout celle que la section centrale propose
d’accorder, est véritablement une quasi-indemnité.
L’honorable M. Brabant a contesté l’exactitude de quelques chiffres que
j’ai posés ; je vous demande, messieurs, la permission d’entrer à cet égard
dans quelques détails.
Un général de
division français touche sur le pied de paix 15,000 fr. de traitement.
Lorsqu’il est sur pied de guerre, il a un quart de plus ; il a six mille francs
d’indemnité que je réduis à 4,200 fr., en retranchant les frais de bureau et de
tournée. Je ferai observer en passant que ces tournées sont des tournées
ordinaires, et que dès que la mission a un caractère extraordinaire, il obtient
des frais de poste. De plus il touche 1,800 fr. d’indemnité pour ameublement,
de sorte qu’il a au-delà de 25,000 fr.
Si je fais le même
calcul pour le général de brigade, je trouve qu’il a environ 7,700 fr.
Je n’ai plus qu’un
mot à dire sur la gratification pour l’entrée en campagne. Personne n’a
prétendu que cette gratification dût se renouveler tous les ans ; elle est
allouée seulement toutes les fois qu’une campagne commente.
M. de Puydt. - Messieurs, je voulais
répondre à M. Brabant ; mais je crois que ce que vient de dire M. le ministre
de la guerre me dispense d’ajouter de nouvelles considérations. Je ferai
seulement observer que M. Brabant a raison dans ses calculs, et moi dans les
miens. M. Brabant a constamment parlé des généraux employés dans l’intérieur du
pays, sans avoir de commandement dans l’armée active ; mais il n’a rien dit des
généraux employés à l’armée ; or, ceux-ci reçoivent toujours toutes les
indemnités que j’ai énumérées, les autres reçoivent celles dont parle M. Brabant. Or, comme il ne s’agit ici
que des généraux en activité à l’armée, il s’ensuit que M. Brabant n’est pas
dans la question et que son calcul ne détruit pas le mien.
M. Dumortier. - Messieurs, je dois faire
remarquer à la chambre la singulière progression dans laquelle nous avons
marché depuis le commencement de cette discussion.
Le chiffre primitif
demandé au budget pour l’objet qui nous occupe était de 30,600 fr., chiffre que
la section centrale a proposé de réduire à 26,400 fr. Plus tard, le ministre a
présenté une majoration ; divers membres de la chambre en ont présenté à leur
tour, de manière que nous avons été conduits à demander si c’était une comédie
qu’on jouait devant nous. L’allocation, par suite des divers amendements, avait
déjà atteint le chiffre de 51,000 fr. ; mais voici un nouvel amendement de M.
le ministre qui surgit, et qui élève le chiffre à 56,000 fr.
Je serais fort
tenté de croire que si la discussion se prolongeait, l’allocation monterait
bientôt à 80,000 fr., et à ce prix j’aimerais mieux que la discussion fût
immédiatement terminée ; cependant, puisque j’ai la parole, je présenterai
encore quelques observations, certain au moins qu’on ne présentera pas
d’augmentation pendant que je parlerai. (On
rit.)
Messieurs, j’ai
toujours voté pour toutes les propositions du gouvernement qui avaient pour but
d’augmenter le nombre de nos soldats et celui de nos officiers inférieurs ; mon
appui est encore assuré au gouvernement s’il prouvait que l’état actuel de nos
forces est insuffisant, et qu’il vînt nous présenter les moyens de les
augmenter.
Mais, messieurs,
quand il s’agit d’élever le taux de traitements déjà très considérables,
n’est-il pas absurde de s’entendre ainsi à deux ou trois, pour proposer
majorations sur majorations, alors que nous devrons bientôt, pour faire face
aux nouvelles dépenses, demander de nouveau au peuple impôts sur impôts ?
Remarquez,
messieurs, que l’augmentation qu’on vous propose en ce moment se compose de
deux éléments : des frais de représentation d’abord, puis de la création d’un
nouveau général de division et de deux généraux de brigade.
Je prie la chambre
de prêter ici toute son attention à ce que je vais lui dire, parce que je ne
pense pas que l’observation que j’ai à faire ait été produite dans la
discussion : il n’existe d’après le budget que cinq emplois de général de
division ; or, on vous propose des traitements pour huit généraux de division ;
on vous demande donc un traitement plein pour trois généraux de plus qu’il n’y
a d’emplois : n’est-ce pas une absurdité ? Si demain l’on venait vous demander
la nomination de trois premiers présidents de cour au-delà des besoins, que
diriez-vous ? Que diriez-vous encore, si l’on proposait des traitements pour
des ministres sans portefeuille ? Assurément vous diriez : Ce sont là des
sinécures, nous n’avons pas de fonds à donner pour cela.
De deux choses
l’une, ou les généraux de division que nous avons maintenant sont capables, ou
ils sont incapables ; s’ils sont capables, employez-les ; s’ils sont
incapables, mettez-les à la réforme, et donnez aux généraux de brigade qui sont
capables et qui ont droit à l’avancement, donnez-leur l’avancement qu’ils
méritent.
Je demande donc
pour mon compte la division de l’article que nous discutons, et qu’on mette
d’abord aux voix l’augmentation du nombre des généraux, et puis ce qui est
relatif aux frais de représentation.
J’ai dit,
messieurs, qu’on proposait des traitements pour huit généraux de division, et
qu’il n’y avait que cinq emplois de ce grade. Je suis à justifier mon dire.
En effet, messieurs, il y a un chef d’état-major général, trois généraux
commandant les divisions, et un général de division commandant le génie, il n’y
a donc que 5 emplois, et l’on veut vous faire voter des traitements pour 8
personnes. Qu’on veuille bien justifier une pareille demande ; pour moi je ne
puis la concevoir.
En ce qui concerne
les deux nouveaux généraux de brigade, je dirai que le budget n’accuse encore
que 15 emplois de général de brigade et l’on vous demande 25 traitements
complets ; encore une fois, une semblable demande n’est-elle pas singulière ?
Qu’on nomme des généraux
en nombre nécessaire pour les commandements, rien de mieux ; mais venir
demander la création de sinécures, c’est ce que la législature ne peut admettre
et n’admettra pas.
Je pense donc que
la proposition du gouvernement ne peut être accueillie, et que nous devons nous
en tenir à la proposition de la section centrale.
M. F. de Mérode. - Messieurs, je ne
me suis pas entendu avec deux ou trois personnes, pour présenter des
amendements, je n’ai pas joué la comédie ; j’ai expliqué les choses très
simplement ; j’ai posé des questions claires auxquelles il était facile de
répondre.
On a parlé
d’augmentation d’impôts sur le peuple. Je n’ai pas non plus réclamé de nouveaux
impôts sur le peuple. Si l’on juge qu’il n’y a pas lieu d’accorder les millions
supplémentaires proposés pour le département de la guerre, eh bien, on ne les
votera pas. Mais je ne pense pas qu’avec les 20,000 fr. que j’ai réclamés nous
chargions le peuple ; nous le chargerions au contraire, si nous augmentions
incessamment le nombre de nos soldats, comme M. Dumortier ne cesse de le
demander.
M. de Puydt. - J’ai demandé la parole pour
donner une simple explication à M. Dumortier sur les huit généraux de division.
Il vous a dit qu’il y avait huit généraux de division et qu’il n’y avait que
cinq emplois.
Il y a huit
généraux de division, il est vrai, mais tous sont employés, quoiqu’il n’y ait
d’emploi à l’armée que pour cinq ; les autres sont inspecteurs-généraux
d’infanterie ou ont d’autres fonctions à l’intérieur. On conçoit que dans un
pays où il y a une armée organisée, tous les généraux ne sont pas employés à
l’armée.
En France, par
exemple, où on compte 102 lieutenants-généraux, 4 à 5 seulement sont employés à
l’armée expéditionnaire d’Afrique ; s’ensuit-il qu’il faut supprimer de 97 à 98
lieutenants-généraux en France ?
M. Dumortier vous a dit qu’il ne suffisait pas de s’entendre à deux ou
trois, afin de proposer des augmentations, pour que la chambre les vote. Je
trouve que cette observation renferme une insinuation fort peu parlementaire.
M, Dumortier a le droit comme tout membre de la chambre de combattre les
arguments dont on fait usage dans la discussion ; mais à cela se borne son
droit. Il ne lui appartient, non plus qu’à personne, de faire des insinuations,
de supposer des manœuvres de la part de tel ou tel membre, et de scruter les
intentions. Les intentions doivent être respectées. Quand M. Dumortier
s’opposera à mes propositions par une discussion raisonnée, je lui répondrai
par des arguments ; mais quand il se permettra des insinuations malveillantes,
je le préviens, une fois pour toutes, que je ne le souffrirai pas, et que ce ne
sera plus par des arguments que je le combattrai.
M. A. Rodenbach. - Je répondrai à l’honorable
préopinant que la division qu’il demande a déjà été demandée par la section
centrale. Je dirai aussi à l’honorable membre qui croit que nous allons voter
de nouveaux impôts, qu’il est dans l’erreur. Cela ne sera pas nécessaire
quoique nous ayons accordé plusieurs millions d’augmentation à M. le ministre
de la guerre.
Nous avons voté
l’année dernière une subvention de guerre qui a dû rapporter environ 7
millions. L’augmentation que nous avons accordée est, je crois, de 4 millions ;
il restera encore 3 millions de disponibles sur le produit de la subvention de
guerre. Il ne faudra donc pas accabler le peuple de nouveaux impôts, ce que
pour mon compte je ne suis pas disposé à faire.
Il est à propos, je
crois, de demander l’emploi qu’on veut faire de cette somme. On demande que
l’on fasse des fortifications dans
Ce qui s’est passé depuis plusieurs jours prouve que le ministre de la
guerre aurait dû prendre l’initiative de ces propositions. L’augmentation dont
il s’agit n’a pas été demandée par lui, c’est une proposition de M. de Mérode à
laquelle il s’est rallié. Ceci prouve que le ministre aurait dû demander
franchement cette somme ; aussi lui refuserai-je franchement ces 57 mille
francs.
On ne peut pas dire
qu’on lui refuse pour rien. Car pourquoi avons-nous refusé, pendant deux ans,
les frais de représentation aux généraux ? On le sait ; d’ailleurs on n’a qu’à
recourir à la discussion qui a eu lieu, on le verra ; c’est parce qu’on
oubliait de représenter. Il n’y avait qu’une voix à cet égard ; plusieurs officiers
m’ont assuré qu’on oubliait de représenter. C’est pour ne pas en dire davantage
que je me sers de cette expression.
Nous accordons aux
généraux de brigade 1,200 fr. de frais de représentation, 1,800 aux commandants
militaires de province, et 2,000 francs aux généraux de division. Avec cela ils
pourront représenter ; je suis persuadé qu’ils représenteront aussi bien que si
on leur accordait beaucoup plus.
M. Desmaisières. - J’ai demandé la parole
pour rectifier une erreur dans laquelle est tombé involontairement un honorable
membre de la section centrale. Il a dit, en répondant à M. Dumortier, qu’il y
avait huit généraux de division et qu’il y avait aussi huit emplois de généraux
de division dans notre armée.
Messieurs, la
section centrale n’a pas négligé de demander au ministre de la guerre quels
étaient les emplois des huit généraux de division portés aux développements du
budget. Si la section centrale, après avoir reçu les renseignements de M. le
ministre de la guerre, ne les a pas insérés dans son rapport, c’est par des
motifs de convenance que tout le monde appréciera. Cependant, puisqu’il en a
été question, puisqu’on conteste l’opinion de ceux qui soutiennent qu’il n’y
que cinq emplois de général de division dans l’armée active, je crois de mon
devoir de faire connaître, sans nommer personne, quels sont les emplois actuels
de nos généraux de division.
L’un est chargé de
préparer les règlements qui doivent faire la base de l’exécution des lois du
mois de juin dernier et le projet de règlement de discipline, et de service
intérieur. Ces projets, quand ils seront rédigés, seront soumis à l’examen
d’une commission qui se réunira sons la présidence de ce général. Un deuxième
commande la troisième division ; un troisième commande la quatrième division ;
le quatrième est président de la commission des pensions ; le cinquième est
inspecteur-général de l’infanterie ; le
sixième est chef de l’état-major général ; le septième est inspecteur-général
des fortifications et du corps du génie, et le huitième figure pour la solde de
disponibilité.
Voilà quels sont
les emplois de nos huit généraux de division. Il aura suffi de les énumérer,
pour juger si nous n’avions pas raison quand nous disions qu’il n’y a dans cinq
emplois de généraux de division.
Il est étonnant que dans sa demande de crédits supplémentaires le
ministre soit venu demander d’ajouter à ces huit généraux, pour lesquels il n’y
a que cinq emplois dans l’armée active, un nouveau général de division pour
l’employer dans des circonstances fortuites ou nouvelles. Certainement, sur les
huit généraux de division qui n’ont pas réellement d’emploi dans l’armée
active, il en trouvera toujours bien un disponible pour les circonstances
fortuites ou nouvelles qui pourraient se présenter.
Je ne ferai pas
l’énumération des emplois des généraux de brigade. C’est à peu près dans le
même genre. Je dirai qu’en parlant ainsi, je crois parler dans l’intérêt
véritable des officiers généraux. Car eux-mêmes ne sont pas intéressés à ce
qu’on en augmente par trop le nombre. Si nous nous montrons sévères, difficiles
pour augmenter les allocations qu’ils ont eues jusqu’ici, nous serons plus
difficiles encore quand on en aura augmenté indéfiniment le nombre sans motif
aucun.
M. le ministre de la guerre (M. Willmar). Je
demande la parole pour répondre aux observations de l’honorable rapporteur de
la section centrale. Je lui rappellerai seulement qu’il y a dans tous les pays
une armée active destinée à être employée aux opérations en campagne et une
armée intérieure. En France, par exemple, outre les commandants de division et
de brigade en campagne, il n’y a pas moins même nombre de commandants de
division territoriale et de département. Il y a de plus des comités de toutes les
armes qui sont réunis à Paris, et dans lesquels sont employés un grand nombre
de généraux.
Ainsi, d’après
l’énumération dans laquelle vient d’entrer M. le rapporteur, on désigne un
général faisant les fonctions de ces comités, car il est chargé de préparer les
règlements de toute espèce.
J’ai cité les
règlements les plus urgents, les règlements d’exécution des dernières lois
votées. Si on veut que l’armée soit à la hauteur de toutes les autres armées de
l’Europe, il y a toujours des changements à apporter aux règlements. Il faut
que ces changements soient bien délibérés avant que d’être introduits par le
ministre seul. Or tout le monde sait qu’une commission quelconque ne peut sans
une grande perte de temps discuter sans avoir un projet préparé par un homme
capable. Si on possède un général ayant les connaissances nécessaires pour
préparer ces projets, c’est économiser beaucoup le temps de ceux qui devront
les discuter, que de charger ce général de les préparer.
On a aussi parlé
d’un général président la commission des pensions. Je ferai observer qu’il a
d’autres attributions. D’ailleurs cette commission est assez occupée pour
siéger une fois par semaine, et tous ses membres ont beaucoup de travail à
préparer dans l’intervalle d’une séance à l’autre. Je pense donc que les
emplois des généraux de division sont suffisamment justifiés. Au reste c’est
une question sur laquelle je reviendrai encore.
M. A. Rodenbach m’a
de nouveau reproché de n’avoir pas fait de prime abord la proposition à
laquelle je viens de me rallier. J’ai déjà donné plusieurs fois des
explications à ce sujet. J’ai confessé, si l’on veut, le motif qui m’a retenu.
A cette occasion, je protesterai sur-le-champ contre l’insinuation de M.
Dumortier, qu’il y ait eu concert dans la présentation des divers amendements
proposés. Quant à moi, je dois déclarer de la manière la plus formelle qu’il
n’en est rien du tout.
Puisque la question
est placée sur le nombre des généraux, la proposition que j’ai cru devoir faire
à la chambre de me donner l’autorisation d’augmenter le cadre de l’armée, dans
l’état de choses que j’ai exposé, je dirai, en rappelant que s’il était
nécessaire de donner un emploi nouveau dans l’armée active, il faudrait en
prendre un qui remplît des fonctions utiles dans une position différente.
Mais je prie la
chambre d’observer surtout que notre armée actuelle est bien loin d’être à son
maximum. Il ne serait donc pas logique d’exiger que le chiffre de nos généraux
fût à son maximum. En effet notre situation vis-à-vis de
On critique l’état
des généraux employés. Je n’aurais pas besoin de répondre à cela si l’on
n’avait omis les inspecteurs généraux des armes de l’infanterie et de la
cavalerie.
L’un des généraux
dont j’ai parlé est attaché à la garde civique, ce que je regarde comme fort
important ; car il est utile d’imprimer aux gardes civiques les idées
militaires. Le commandement confié à un général en activité peut surtout
contribuer à donner cet esprit militaire. On a pu remarquer que les gardes
civiques choisissent pour officiers d’anciens militaires quand ils peuvent, et
surtout des militaires en activité de service.
Si on voulait
prendre pour terme de comparaison du nombre des généraux composant l’état-major
général
Ainsi, par exemple,
on ne compte en France que 40 divisions d’armée à 10,000 hommes chacune, nombre
d’hommes convenable pour la bonne composition d’une division. Cependant il y a
100 généraux de division en activité.
Il n’y a que 90
brigades ; il y a 150 généraux de brigade.
Je ne veux pas que
nous suivions servilement l’exemple d’un autre pays. Mais il me semble
cependant que cet exemple n’est pas à dédaigner, et peut nous servir de règle
de conduite.
En Hollande, pays
où il est naturel que nous cherchions des exemples, le nombre des généraux est
de 62 en tout ; et cependant l’armée hollandaise ne sera jamais plus forte ni
même aussi forte que la nôtre, puisque nous avons des positions intérieures
plus considérables à garder.
Une autre proportion qu’on peut également prendre pour règle, est celle
des généraux avec la force même de l’armée. Eh bien, un relevé fait sur un
grand nombre d’armées de l’Europe donne la proportion d’un à 1,600 ; cette
proportion est, à peu de chose près, celle existant dans le pays. Nous pouvons
être obligés, en cas d’hostilités, d’augmenter l’armée. Nous nous apercevrons
alors de l’insuffisance des cadres.
Je répète donc que
tous les officiers généraux du cadre étant employés, il importe, si une
circonstance nouvelle se présentait, que l’on puisse avoir un général de plus.
C’est dans cette
prévision que je maintiens mon amendement.
M. Dumortier. - Vous voyez donc que, comme
j’avais l’honneur de le dire tout à l’heure, vous n’avez que 5 généraux de
division en activité, et qu’on veut vous faire voter 8 généraux de division,
dont 7 en activité et un en disponibilité. Or, le nombre actuel de généraux
excède déjà les besoins ; car je ne pense pas que personne comprenne qu’un
général, chargé de rédiger les règlements de discipline ou de présider la
commission des pétitions, soit en activité. Un colonel, un major même, ne
peuvent-ils pas être chargés de ces travaux tout aussi bien qu’un général de
division ? Ce genre d’occupations n’exige d’ailleurs aucuns frais de
représentation.
L’armée, dit M. le
ministre de la guerre, est loin d’être à son maximum. Il peut y avoir nécessité
de l’augmenter, et alors nous aurons besoin d’un plus grand nombre de généraux,
Mais, messieurs, sous le général Desprez, M. Ch. de
Brouckere étant ministre de la guerre, l’armée était de 100,000 hommes, et nous
n’avions que 6 généraux. D’ailleurs le ministre de la guerre a dit que s’il y
avait la guerre, il demanderait un subside. Nous verrons alors s’il convient
d’augmenter le nombre des généraux. Mais quand nous avons une armée sur le pied
de rassemblement, n’ayons pas nos généraux sur le pied de guerre.
Si le gouvernement veut avoir des généraux, qu’il propose la loi de l’organisation
de l’armée dont la constitution a prononcé l’urgence. Nous déterminerons alors
le nombre des généraux ; mais nous ne pouvons l’augmenter à chaque budget.
Comment ! nous reconnaissons que des augmentations
sont nécessaires à la cour des comptes, et chaque année nous nous abstenons de
voter une augmentation reconnue nécessaire, parce que nous sentons que pour
cela il faut une loi spéciale. Que diriez-vous si à chaque budget on venait
vous demander des augmentations dans le personnel de la magistrature ?
Assurément vous n’accéderiez pas à une telle proposition. Pourquoi donc y
aurait-il privilège pour les généraux ?
Quant au
rapprochement que j’ai eu l’honneur de faire relativement aux diverses
propositions d’amendements qui ont modifié le chiffre de 30,000 fr. proposé au
budget et l’ont élevé jusqu’à 6,000 fr., je n’ajouterai rien ; chacun répondra.
Mais je répondrai au préopinant que ses menaces ne m’intimideront pas et ne me
feront jamais dévier de mon devoir.
Si mes observations
étaient, selon lui, peu parlementaires, assurément son langage l’est encore
bien moins.
M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - Je ne
rentrerai pas dans la discussion.
Je maintiens ce que
j’ai dit tantôt.
Quant à l’indemnité
demandée, elle l’a été pour 3 généraux, puis ensuite pour 5.
Je prie la chambre
d’observer que c’est dans le budget primitif que j’avais demandé l’indemnité
pour 3 généraux. Les amendements que j’ai proposés au budget contiennent la
nomination éventuelle de 3 généraux dont un général de division.
Je suppose que ce
général prenne, par exemple, le commandement de notre cavalerie réunie en
division, tandis qu’elle est maintenant réunie en brigades. Dans ce cas il faut
que ce général ait la même indemnité que les généraux commandant les divisions
d’infanterie.
Pour expliquer la
différence de l’emploi du nombre des généraux, j’ai établi la distinction entre
la partie active de l’armée ou la partie qui est employée à la garde du
territoire, et les officiers-généraux qui remplissent à l’intérieur des
fonctions à la fois militaires et administratives : car il y a au ministère de
la guerre des fonctions administratives comme dans tous les autres départements
ministériels.
L’honorable membre
a fait ressortir la position extraordinaire où se trouve le ministère de la
guerre : moi-même j’aurais invoqué cette position extraordinaire pour faire
comprendre comment il a des besoins infiniment plus grands que la plupart des
ministères. Les autres branches de l’administration du pays ont pu être placées
depuis longtemps dans un état normal, tandis que le ministère de la guerre est
loin d’en être là. Il est sous l’influence des circonstances, et il doit
éprouver des modifications avec les circonstances. Ceci peut expliquer comment
le cadre de l’état-major général n’a pas été fixé ; car il faudrait se trouver
dans cet état normal dont je parle pour pouvoir s’en occuper.
La nomination d’un
général de division a eu lieu il y a deux ans ; mais la proposition nouvelle
que l’on fait n’a aucun rapport avec une nominations semblable ; il n’est pas
exact de dire qu’il y ait ici entraînement à nommer d’année en année des
généraux nouveaux, entraînement au moyen duquel on veut effrayer la chambre.
J’ai dit comment un général de division a été employé à faire ce que
font en France les comités d’armes. Il y a aussi un général de division à la
tête de la commission des pensions. On a dit que cet emploi pouvait être rempli
par des généraux inférieurs ; mais je ferai observer qu’en France les
commissions des pensions sont présidées par les sommités de l’armée, par des
maréchaux, afin de donner plus de poids, plus de crédit à leurs décisions. Dans
la commission centrale des pensions, il y a beaucoup de questions délicates à
résoudre, résultats des divers règlements auxquels l’armée a été soumise ; et
ces questions pouvant concerner des généraux de brigade ou de division, il est
convenable qu’un officier de ce grade soit dans la commission, pour qu’ils
puissent croire avoir été jugés par leurs pairs. Il faut qu’il y ait autant que
possible dans la commission des personnes dans une position analogue à celle de
la personne dont on règle l’avenir.
Je crois avoir
répondu à tout ce qui a été objecté.
M. le président. - Trois amendements
sont proposés : celui de la section centrale, dont le chiffre est de 26,000 fr.
; celui du ministre dont le chiffre est 36,051 fr. ; et celui de M. de Mérode,
montant à 56,000 fr.
M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - Il me
semble qu’on doit commencer la délibération par le chiffre le plus élevé.
M. Dumortier. -
Lorsque le gouvernement présente un amendement ou se rallie à un amendement, la
proposition primitive est absorbée ; il n’y a plus que deux propositions, celle
de la section centrale et celle de M. de Mérode.
M. de Brouckere. - Il suffira à un membre de
la chambre de reprendre la proposition primitive pour qu’elle soit mise aux
voix.
M. Dubus (aîné). - Il n’est pas nécessaire
qu’un membre fasse sienne la proposition du gouvernement ; elle subsiste
toujours, c’est sur elle que la discussion a eu lieu ; sans elle il n’y aura
plus d’amendements, car les amendements supposent une proposition qu’ils
modifient. (Adhésion.)
M. Desmaisières. - La proposition primitive
pour les frais de représentation était réellement de 30,051 fr. ; mais le
ministre de la guerre ayant en outre proposé 6,000 fr. pour le gouverneur à la
résidence de Bruxelles, cela porte réellement le chiffre à 36,051 fr.
- Le chiffre 56,000 fr. mis aux voix est rejeté.
Le chiffre 36,051
fr. proposé par le gouvernement, mis aux voix, est adopté.
M.
le président. - L’article sera intitulé : « Indemnité de
représentant aux généraux qui commandent les troupes campées, au gouverneur de
la résidence et aux généraux commandants supérieurs des troupes stationnées
dans les provinces d’Anvers et des deux Flandres : fr. 36,051. »
M. Desmaisières. - Ce libellé est proposé
par la section centrale ; je ne sais si M. le ministre l’admet ; je voudrais
qu’il s’expliquât à cet égard.
M. le ministre de la guerre (M. Willmar). -
J’adopte le libellé avec le chiffre. Il ne faut pas prendre cette expression :
« les troupes campées » à la rigueur, parce que l’armée active n’est
campée que pendant un certain temps de l’année, et elle ne l’est pas tout
entière. Cette indemnité est payée comme supplément de solde, puisqu’on retient
1 p. c. pour les médicaments. Je crois qu’il faut mettre « généraux qui
commandent l’armée active. »
Je crois qu’il faut
retrancher les expressions « troupes campées, » comme restreignant
trop l’emploi de l’allocation qu’il est bien entendu de donner aux officiers
généraux commandant des divisions ou des brigades de l’armée active.
M. Desmaisières, rapporteur. - Je
donnerai lecture à la chambre du passage du rapport de la section centrale où
il est question du libellé ; voici ce qu’il y est dit :
« La section
centrale croyant que, dans la position actuelle de notre armée, cette dépense
ne peut avoir lieu d’une manière utile que dans les camps et par les généraux
commandant les troupes stationnées dans les provinces d’Anvers et des Flandres,
a cru devoir proposer, en libellant toutefois le crédit de manière à ce qu’il
doive être dépensé conformément aux intentions qu’elle a eues en l’accordant,
une allocation de ce chef de 26,400 fr. »
Voila, messieurs,
quelle a été l’intention de la section centrale.
M. le ministre
de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Il me
semble, messieurs, que le libellé n’est plus du tout nécessaire depuis que M.
le ministre de la guerre a consenti à faire de l’allocation l’objet d’un
article spécial, et que la chambre a adopté cette mesure ; dès lors il n’y a
plus d’abus à craindre puisque l’usage qui pourra être fait du crédit se trouve
limité par le chiffre même.
M. Jullien. - Mais, messieurs, si vous supprimez
le mot « campées, » vous agissez contrairement aux intentions de la
section centrale qui n’a voulu accorder l’indemnité qu’aux généraux campés,
qu’aux généraux qui occupent des provinces frontières, et non pas à ceux qui demeurent constamment à Bruxelles et qui n’ont pas
besoin d’indemnité de guerre. Si donc vous supprimez le mot
« campés, » vous supprimez par ce fait tout le libellé de la section
centrale.
M. le ministre de la guerre (M. Willmar).
- D’après le libellé, messieurs, il me semble que l’indemnité ne devrait être
accordée que pendant l’occupation du camp ; or, je crois que ce n’est pas là
l’intention de la chambre ; l’intention de la chambre est de donner l’indemnité
seulement aux officiers généraux qui doivent entrer au camp ; c’est à eux
seulement qu’elle sera donnée comme supplément de solde. Eh bien, mon intention
n’est pas autre, je n’entends accorder l’indemnité qu’aux généraux commandant
des divisions ou de brigades qui sont destinées à être appelées au camp.
Toutefois, il ne faut pas conserver le mot « campées » puisque
l’indemnité ne doit pas être accordée seulement pour les mois de la durée du
camp, mais pour l’année entière.
M. Desmaisières, rapporteur. - Je
ne puis que répéter, ce que j’ai dit tout à l’heure, que la section centrale a
dit dans son rapport que, dans la position actuelle de notre armée, cette dépense
ne peut avoir lieu d’une manière utile que dans les camps ; ainsi lorsqu’elle a
inséré le mot « campées » dans son libellé, c’était pour stipuler que
la dépense ne pourrait se faire que lorsque les troupes seraient campées.
M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - Il
n’est pas contestable que la dépense doit se faire ; il s’agit seulement de
savoir comment elle doit être payée. Il est inévitable que pendant leur séjour
au camp les généraux fassent de grandes dépenses ; or, si on leur donne par
douzièmes une somme de 1,800 fr., ils n’iront pas la dépenser en garnison, mais
ils la réserveront pour l’époque où ils seront au camp.
M. Dumortier. - Remarquez messieurs, que le
ministre défend ici deux systèmes opposés, lorsqu’il s’est agi d’obtenir le
crédit, il a dit que c’était une indemnité pour frais de représentation ; mais
que le crédit est voté, il dit que c’est un supplément de solde : il ne fallait
pas le déguiser, il fallait le dire franchement. Si au contraire ce sont des frais de représentation, eh bien, il ne faut les
donner qu’aux généraux qui sont au camp, comme le stipule le libellé proposé
par la section centrale. Comment voulez-vous que les généraux représentent
lorsqu’ils se trouvent à Bruxelles, à 3 lieues de leur armée ? Tout cela n’est
donc qu’une duperie, et je demande que le libellé de la section centrale soit
admis sans modification.
M. le ministre de la guerre (M. Willmar).
- Je ne puis véritablement que répéter ce que j’ai déjà dit : je regarde
l’indemnité telle qu’elle a été réduite par la section centrale, comme devant
être spécialement allouée aux généraux de l’armée active, c’est-à-dire, à ceux
dont les troupes doivent rentrer au camp. Si je me suis servi des expressions :
« supplément de solde, » c’était uniquement pour faire comprendre que
l’indemnité devait être payée avec la solde et sans admettre qu’elle ne pût
être due que pour le temps du séjour des troupes au camp.
M. le ministre des finances (M. d'Huart).
- Il me semble, messieurs, que c’est ici une pure question de mots. Car alors
même que le mot « campées » serait conservé dans le libellé, M. le
ministre de la guerre ne serait pas embarrasse d’employer la somme que vous
venez de voter, puisqu’au lieu de la donner successivement et par douzièmes, il
la ferait alors payer en une seule fois aux généraux pendant qu’ils seraient au
camp. Je pense cependant que M. le ministre de la guerre fait bien d’insister
pour la suppression des mots dont il s’agit, afin de pouvoir payer
mensuellement l’indemnité ; mais, je le répète, la conservation de ces mots ne
gênera en aucune manière l’application de la somme aux généraux auxquels elle
est destinée.
M. Gendebien. - Il faut, messieurs,
une bonne fois que la chambre dise franchement ce qu’elle pense ; l’embarras
d’expressions provient de l’embarras où se trouve la chambre pour dire sa pensée
; eh bien, moi je vais la dire : les diverses commissions et sections centrales
qui ont examiné le budget de la guerre ont acquis la preuve que si le plus
grand nombre des officiers généraux dépensent l’indemnité qu’on leur accorde,
il en est cependant, en très petit nombre à la vérité, qui ne la dépensent pas
; je désire moi que, quelque soit le libellé de l’article, M. le ministre de la
guerre comprenne bien qu’on ne veut donner l’indemnité qu’aux seuls officiers
généraux qui sont en position de l’employer utilement. Il est tout naturel que
l’indemnité ne soit donnée qu’aux officiers généraux qui se trouvent soit au
camp, soit dans les cantonnements, et qui par là sont obligés de faire plus de
dépenses que ceux qui restent tranquillement dans leur demeure, dans la
capitale ou ailleurs, et qui en outre ne dépensent pas la somme qu’on leur
accorde ; je réclame du ministre qu’il ait le courage de refuser l’indemnité
aux généraux qui ne la dépensent pas, qu’il ait le courage de leur dire :
« Telle somme vous est allouée pour que vous la dépensiez utilement ; vous
ne l’avez pas dépensée, j’estime que vous ne l’avez pas dépensée ; elle ne vous
sera pas payée. » Je pense donc qu’il serait très convenable de ne pas
payer mensuellement l’indemnité, mais d’attendre que les troupes soient au
camp, on en cantonnement, et de ne pas admettre de cantonnement fictif.
M. le ministre de la guerre (M. Willmar).
- J’adopte les expressions.
M. Rogier. - Je ne
veux pas, messieurs, prolonger la discussion qui est déjà trop longue, mais il
me semble cependant que l’article doit être rédigé non pas d’après les
intentions de la section centrale qui n’ont pas été adoptées, mais d’après les
intentions de la chambre elle-même ; or, il est évident qu’en adoptant le
chiffre qu’elle vient de voter, la chambre a entendu que l’indemnité fût payée
à tous les généraux de l’armée active et non pas seulement aux généraux dont
les troupes sont campées. Il me semble qu’il n’y aurait aucune espèce de doute
si on substituait à la première partie du libelle de la section centrale le
libellé proposé par M. le ministre de la guerre dans le budget, et qui est
ainsi conçu : « Indemnité aux généraux de l’armée active. » On
pourrait ensuite continuer le libellé de la section centrale.
M. Desmaisières, rapporteur. - M. le
ministre s’étant rallié au libellé de la section centrale, la proposition
primitive de M. le ministre n’existe plus, et il n’y a plus que la proposition
de la section centrale dont la chambre puisse s’occuper.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). -
Messieurs, la chose est évidente. M. le ministre de la guerre entend que les
généraux qui obtiendront l’indemnité iront au camp, et comme toute l’armée
active ira au camp, tous les généraux qui s’y rendront auront l’indemnité.
Voilà pourquoi M. le ministre de la guerre s’est rallié au libellé de la
section centrale. (Aux voix ! aux voix !)
- Le libellé de la
section centrale est mis aux voix et adopté.
Article
premier
M.
le président. - Le chiffre
proposé par le gouvernement à l’art. 1er de la section I se trouve, par suite
du vote de la chambre, réduit à 718,657 fr. 57 c. ; la section centrale n’a
proposé de son côté que 682,053 fr. 70 c.
M. Dumortier a
demandé la division de l’article ; on atteindra ce but de la manière suivante :
Les membres qui voteront le chiffre le plus élevé entendront voter
l’augmentation pour trois nouveaux généraux ; ceux qui voteront pour le chiffre
le moins élevé entendront par là repousser cette augmentation. (Adhésion.)
- Le chiffre le
plus élevé est mis aux voix ; il n’est pas adopté.
Le chiffre le moins
élevé est ensuite mis aux voix et adopté.
Chapitre II. - Soldes et
masses de l’armée, frais divers des corps
Section III. – Solde des troupes
Article
nouveau
M.
le président. - Nous passons à l’article « solde des
troupes, » où M. de Puydt a
proposé un article nouveau : « Indemnité de représentation aux chefs des
corps : fr. 27,000. »
M. le ministre de la guerre (M. Willmar). -
Messieurs, si je ne me trompe, la section centrale n’a pas admis cette
allocation. J’ai à faire valoir, en faveur de ce crédit, les mêmes
considérations que celles que j’ai présentées en faveur d’une indemnité à
accorder aux généraux. Je crois qu’il est aussi utile d’allouer aux premiers
qu’aux seconds les moyens de réunir souvent autour d’eux les officiers sous
leurs ordres.
Dans notre pays, il
est vrai, cette indemnité n’a jamais existé, mais elle
a constamment été allouée en France. Elle me paraîtrait pouvoir être établie
chez nous avec justice, parce que les chefs de corps ont éprouvé en 1831 une
diminution notable dans leur traitement : on a précisément fait perdre aux
colonels commandant les corps la somme de mille francs qui leur serait
actuellement restituée en indemnité.
M. de Puydt. - Messieurs, quoique la section
centrale n’ait pas adopté ma proposition, je persiste cependant à demander
qu’elle soit mise en discussion.
Cette proposition a
été examinée dans le sein de la section centrale, lorsqu’elle était réunie au
nombre de cinq membres, et dans cette circonstance l’amendement a été adopté
par trois voix contre deux. Dans une séance suivante, au moment où l’on faisait
à la section centrale la lecture du projet de rapport qui devait être présenté
à la chambre, en vertu de la décision prise, deux membres qui avaient été
précédemment absents sont venus se rallier à l’opinion de la minorité, et cette
minorité est alors devenue majorité, de sorte que la proposition qui avait été
primitivement adoptée se trouve en définitive rejetée sans nouvelle discussion,
sans que les membres survenus dans cette séance aient fait connaître les motifs
de leur opinion, sans que cette opinion ait été combattue.
M. Brabant. - Messieurs, comme un des membres de
la section centrale qui sont venus changer la majorité, je tiens à justifier
l’opinion que j’ai émise au sein de cette section.
Le traitement des
colonels d’infanterie belges (et je me bornerai aux colonels de cette arme) est
de 7,400 fr. ; ils perçoivent en sus 640 fr. pour frais de bureau et d’administration.
Puisqu’on a procédé par voie de comparaison, je puis aussi recourir à la même
argumentation pour justifier le taux actuel du traitement.
En France, le colonel d’infanterie a 5,000 fr.
de solde principale, sur quoi l’on compte la solde d’absence à moitié, 2,500
fr. Il est vrai que le colonel français touche une indemnité dé logement et
d’ameublement ; il a en aussi 1,800 fr. de frais de représentation ; mais,
messieurs, cette dernière indemnité ne lui est accordée que lorsqu’il est au
corps ; ce n’est pas d’ailleurs au colonel seul qu’elle est affectée, car si le
colonel est absent, le lieutenant-colonel touche l’indemnité, et elle n’est pas
payée si l’un et l’autre ne se trouvent pas au corps.
Remarquez,
messieurs, que rien n’est alloué au colonel français pour frais
d’administration, tandis que le colonel chez nous reçoit de ce chef une somme
de 640 fr. : non pas que je veuille dire que cette somme soit mal employée, je
crois cependant que la besogne administrative d’un colonel belge ne diffère pas
beaucoup de celle d’un colonel d’autres pays.
Ainsi donc,
abstraction faite des frais de bureau, le traitement du colonel d’infanterie
belge est absolument le même que celui de la présence continue au corps du
colonel français, et je crois que n’ayant reçu de ce chef aucune réclamation,
nous pouvons nous en tenir à ce qui a existé jusqu’ici.
M. Mast de Vries. - Dans le
parallèle que M. Brabant vient d’établir entre le traitement du colonel d’infanterie
français et le colonel de la même arme chez nous, cet honorable membre n’a pas
fait une remarque importante que je crois devoir présenter : c’est que le
colonel français est obligé de dépenser en frais de représentation la somme de
1,000 fr. qu’il reçoit de ce chef, tandis qu’il n’en est pas de même pour le
colonel belge. Il en résulte que la solde du colonel belge, que M. Brabant a
trouvée égale à celle du colonel français, est réellement supérieure à celle-ci
de 1,800 fr. Si c’est là un motif d’augmentation, vous n’avez qu’à adopter la
proposition de M de Puydt.
M. de Puydt. - Messieurs, je crois que c’est
encore ici le cas de comparer les positions respectives, au lieu de se borner à
établir un parallèle entre les chiffres des traitements.
Le colonel belge,
avec sa solde de 7,400 fr a à pourvoir à tous ses besoins, dans sa position
d’activité, soit qu’il reste en garnison, soit qu’il fasse des mouvements pour
inspecter les troupes qui composent son régiment et qui sont souvent dispersées
dans trois ou quatre villes, soit enfin qu’il entre en campagne.
Le colonel
français, au contraire, qui n’a qu’une solde fixe de 5,000 fr., il est vrai, ne
fait pas un mouvement qui ne lui soit payé. S’il se met en route pour aller d’une
garnison à une autre, il a des frais de voyage et une indemnité de séjour de 5
francs par jour pendant une certaine durée ; il lui est alloué, en outre, un
supplément de solde pour tous ses voyages qui dépassent une étape. Lorsque le
colonel français entre en campagne, il reçoit une indemnité d’entrée en
campagne ; lorsqu’il perd des effets ou des chevaux, il obtient une somme qui
compense ces pertes. Enfin à cette solde de 5,000 fr., il faut ajouter 800
fr. pour
logement et 1,800 fr. pour frais de représentation, ce qui porte la solde à
7,600 fr.
Le colonel belge n’a rien de tout cela ; il est obligé de pourvoir à
tout avec sa solde. Une chose généralement reconnue, c’est que le colonel
français, avec une solde même moindre que celle du colonel belge, se trouverait
dans une position plus aisée que celui-ci. En effet, dans les villes à
garnison, en France, il y a dans beaucoup de maisons des logements spécialement
affectés aux officiers ; le prix en est modéré, ainsi que celui des pensions
chez les particuliers. Chez nous, au contraire, lorsqu’un régiment arrive dans
une ville, c’est à qui en rançonnera les officiers, parce qu’on pense qu’ils
jouissent de gros traitements.
Je n’ai pas besoin
d’entrer dans de nouveaux développements pour faire sentir l’utilité de ma
proposition sous le rapport du service ; plusieurs honorables membres qui ont
appuyé la proposition, ont parfaitement fait comprendre que les avantages qui
devaient résulter de cette allocation, étaient encore plus marqués que ceux
qu’on peut se promettre de l’indemnité aux généraux ; cette considération doit
me dispenser d’entrer dans de nouveaux détails, et j espère que ceux de mes
collègues qui ont appuyé une première fois mon amendement, ne se refuseront pas
à y donner leur assentiment en ce moment.
M. Brabant. - Si j’ai bien compris les paroles de
l’honorable préopinant, il fait consister la différence en ce que le colonel
français touche en route un supplément de solde que n’a pas le colonel belge.
Ce supplément de solde est de cinq francs par jour, de manière que pour arriver
à une centaine de francs, il faut que le colonel soit en route pendant 20 jours
avec son régiment. Malgré la grande mobilité de nos régiments, je ne crois pas
qu’on soit encore arrivé à les faire marcher pendant 20 jours sur l’année.
On dit aussi que
les habitudes des militaires sont différentes de celles des fonctionnaires
civils, et que cela seul pourrait motiver une supériorité de traitement. Je
pense, messieurs, qu’on ne doit pas régler le traitement sur les habitudes,
mais les habitudes sur le traitement. Un homme qui sait régler ses affaires,
calcule sa dépense sur son revenu, et s’il veut augmenter sa dépense, il
commence par augmenter son revenu par son travail.
On a répété que les
officiers français touchaient une gratification d’entrée en campagne. Mais,
comme je l’ai déjà dit, cette gratification n’est allouée qu’une fois pendant
la durée d’une guerre, quand on passe d’une paix générale à l’état de guerre.
Cette gratification est de 1,200 francs pour les colonels.
M. de Puydt. - De 1,800 francs.
M. Brabant. - De 1,200 ; j’ai le tarif sous les
yeux.
M. de Puydt. - Moi aussi, et celui que je tiens
la porte à 1,800 francs.
M. Brabant. - J’en appelle à M. le commissaire du
Roi.
M. de Bassompierre, commissaire du Roi. - Quel est le tarif que tient M. Brabant ?
M. Brabant. - Celui de 1823.
M. de Bassompierre, commissaire du Roi. - Je ne pense pas que ce tarif ait été modifié.
M. Brabant. - Une autre observation à laquelle
j’avais oublié de répondre, c’est qu’en cas de perte d’effets ou de chevaux, on
leur en remboursait la valeur. Quoique rien ne soit porté au budget de ce chef,
il y a, je crois, chez nous des règlements pour rembourser les pertes d’effets
et de chevaux faites devant l’ennemi. Ces pertes-là seules sont remboursées en
France aussi.
La proposition dont
il s’agit comprend tous les chefs de corps. J’ai dit tout à l’heure que je me
bornais à m’occuper des officiers d’infanterie. J’ai calculé aussi quelle
pouvait être la différence entre le colonel de cavalerie français et le colonel
de cavalerie belge.
Le colonel de
cavalerie français a pour traitement fixe 5,500 fr. ;
ce n’est que là-dessus qu’on compte ses journées d’absence. Il a ensuite 800
fr. pour logement et ameublement, 1,500 fr. de frais de représentation dont
l’emploi est déterminé de la même manière que pour les chefs de corps
d’infanterie, c’est-à-dire qu’en l’absence du colonel, c’est le
lieutenant-colonel qui les touche, et qu’on en fait l’économie si l’un et
l’autre de ces officiers sont absents.
On a parlé des facilites que les officiers avaient en France pour se
loger et qui ne se trouvent pas en Belgique. Je sais qu’il y a dans certaines
places de guerre un pavillon pour les officiers, mais dans ce cas l’indemnité
de logement cesse de leur être payée ; l’officier logé dans un bâtiment
appartenant à l’Etat n’a droit qu’à l’indemnité d’ameublement. C’est une
innovation. Que les chefs de corps voient leurs officiers, sans doute tout le
monde y applaudira Mais il est des communications entre les colonels et les
officiers qui les font mieux connaître et s’apprécier que les relations
qu’établissent les frais de représentation ; c’est sur le terrain de manœuvre
où se simule, où s’apprend la guerre, qu’un chef doit connaître ses officiers ;
c’est là qu’il apprécie leur mérite et le parti qu’on peut en tirer.
M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - Je
demande la parole pour rectifier quelques observations de l’honorable
préopinant. Il a énoncé le principe qu’on devait régler ses habitudes sur le
traitement et non le traitement sur les habitudes. Cela est vrai pour les
personnes qui ne sont pas dans une position déterminée, pour les personnes qui
sont dans une position libre ; les militaires ne sont pas dans cette position
libre ; il est pour eux des choses forcées auxquelles ils ne peuvent pas se
soustraire et ces obligations sont en assez grand nombre pour mettre les
officiers dans une position plutôt gênée qu’aisée.
Quant aux observations faites sur l’emploi des frais de représentation
en France, en cas d’absence du colonel, on pourrait stipuler que ces frais de
représentation seraient alloués au chef de corps quel qu’il fût, au
lieutenant-colonel en cas d’absence du colonel et au major en cas d’absence du
colonel et du lieutenant-colonel, car je pense qu’il y aurait injustice à en priver
ceux dont les appointements sont moins élevés.
En Prusse où on
s’entend en organisation militaire, l’officier commandant un corps, alors même
qu’il ne serait que major, touche non seulement les indemnités, mais le
traitement alloué aux colonels pendant qu’il occupe cet emploi.
En supposant le
principe des frais de représentation adopté, l’application pourrait en être
faite de cette manière.
(Erratum inséré au Moniteur belge
n°73, du 14 mars 1837 :) M. Brabant. - Il n’y a qu’une observation à faire
pour répondre à tout ce que vient de dire M. le ministre de la guerre. On s’est
appuyé de ce qui se passait en France pour faire augmenter les traitements des
généraux. Qu’on compare maintenant les traitements des colonels belges avec
ceux des colonels français. Un colonel français à 5 mille fr. de traitement,
800 fr. d’indemnité de logement et 1,800 fr. de frais de représentation, ce qui
fait 7,600 fr. Un colonel belge a 7,600 fr. de traitement, plus 600 fr. de
frais de bureau, ce qui fait 600 francs de plus.
Il en est de même
pour la cavalerie. En France un colonel de cavalerie touche en tout 7,800 fr.
En Belgique, il a 8,400 fr., ce qui fait encore 600 fr. de plus. Je ne vois pas
pourquoi on irait encore augmenter des appointements qui sont plus élevés que
ceux du pays auquel on a fait allusion.
M. Gendebien. - Puisqu’on a accordé des frais
de représentation aux généraux il est convenable de les accorder aux colonels.
Les colonels sont pour leurs régiments des pères de famille ; eh bien, je vous
demande combien il serait pénible pour un père de ne pouvoir jamais réunir ses
enfants dans un repas ou fête de famille. Dans ces réunions les avis paternels
sont bien reçus. Un colonel, en réunissant ses officiers autour de lui, s’il
s’en trouve qui aient de mauvaises habitudes, peut les en corriger ; une bonne
plaisanterie fait souvent plus d’effet que 15 jours de rigueur. Dans ces
réunions de famille, beaucoup d’officiers qui ne savent pas comment on se comporte
en société, en acquerraient l’habitude
J’appuie donc la
proposition de M de Puydt, et comme je le disais, lorsqu’il l’a présenté, je
crois qu’on retirerait plus de fruit des frais de représentation alloués aux
colonels que de ceux accordés aux généraux.
Mais, d’un autre côté, j’engagerai le ministre à aviser au moyen de
faire une économie. Un officier supérieur est chargé de veiller à l’exécution
du traité de Zonhoven, si mes renseignements sont exacts ; c’est là une chose
tout a fait inutile, la position de cet officier est même fâcheuse. On m’a dit
que cet officier touchait 3,600 fr, de frais de représentation. Ces
renseignements me viennent d’une personne très respectable de la province de
Limbourg. Autant j’appuie la proposition de M de Puydt, autant je dois m’élever
contre cette indemnité, et contre l’emploi tout à fait inutile de cet officier.
Il surveille, dit-on, l’exécution du traité de Zonhoven. Je ne sais ce qu’il
pourrait faire ; car ce traité ne contient aucune stipulation ni sur le nombre
des troupes qui pourront passer, ni sur les époques auxquelles les passages
auront lieu. Personne n’a dont le mot à dire sur ce qu’on pourra faire. Ce
serait rendre service aux épaulettes belges que de ne pas exposer un officier
supérieur à des relations désagréables. C’est de plus une dépense inutile et
même illégale, et par conséquent une économie à faire, qui viendra en déduction
des frais de représentation demandés pour les chefs de corps.
M. le ministre de la guerre (M. Willmar).
- La présence d’un commissaire pour surveiller l’exécution de la convention de
Zonhoven est indispensable. C’est un commandant de place de l’endroit où
doivent loger les troupes de passage. C’est lui qui leur assigne leur logement.
Quand des passages doivent avoir lieu, il est averti deux fois 24 heures à
l’avance.
L’indemnité dont a
parlé l’honorable préopinant est réelle ; mais elle n’est que la moitié de
celle accordée au commandant hollandais, qui est de 6,000 fr, Nous ne la lui avons
accordée que longtemps après sa nomination, parce qu’il se trouvait en présence
d’un officier hollandais, et qu’il ne pouvait pas êtes placé dans une position
inférieure, d’autant plus qu’il avait l’infériorité du grade.
Je le répète, la
présence de cet officier-général est tout à fait nécessaire dans cet endroit.
(Erratum
intégré au Moniteur belge n°70, du 11 mars 1837 : Dans le Moniteur du 9
mars 1837, n68,48 page, 55 colonne, le ministre de la guerre n’a point fixé le
chiffre de l’indemnité du commissaire hollandais à 6,000 fr ; mais il a dit
qu’il était environ du double de celui du commissaire belge.Il
a ajouté que celui-ci ne pouvait être placé dans une position inférieure,
d’autant plus qu’il avait la supériorité de grade.Il
a terminé en déclarant que la présence de cet officier supérieur est tout à
fait nécessaire à Bree.)
M. Dubus (aîné). - L’explication que vient de
donner M. le ministre de la guerre me suggère une question. C’est celle de
savoir si pour l’exercice présent la même indemnité serait encore imputée sur
les dépenses imprévues, au lieu d’être l’objet d’une allocation spéciale. Sur
ce point, je me réfère à une observation que j’ai faite dans une séance
précédente sur l’abus qu’on faisait de l’emploi de l’allocation pour dépenses
imprévues, en payant des dépenses de la nature de celle dont il s’agit qui
était prévue depuis que la convention a été faite.
M. le ministre de la guerre (M. Willmar). -
L’indemnité est en effet payée depuis la mise à exécution de la convention ;
mais comme elle peut cesser d’une année à l’autre, on a continué de la payer
sur les fonds réservés pour les dépenses imprévues. Mon intention est de
continuer à imputer cette indemnité sur ce chapitre. Mais si la chambre veut la
porter à un chapitre spécial, je ne m’y opposerai pas.
- L’amendement de
M. de Puydt est mis aux voix ; il n’est pas adopté.
PROJET DE LOI
TENDANT A REGLER LES ELECTIONS PROVINCIALES DANS LES CANTONS DE MAESTRICHT
M. le ministre de l'intérieur et des affaires
étrangères (M. de Theux). Dépose sur le bureau un projet de loi tendant
à régler les élections provinciales dans les cantons Sud et Nord de Maestricht
(Limbourg).
- la chambre
ordonne l’impression et la distribution de ce projet de loi, et le renvoie à
l’examen d’une commission à nommer par le bureau.
La séance est levée
à 4 heures 3/4.