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Note d’intention
Chambre des représentants
de Belgique
Séance
du mercredi 15 mars 1837
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre, notamment lettre du général Evain évoquant
sa responsabilité personnelle dans un marché des lits militaires (Rogier)
2) Projet de loi portant le budget du département de la guerre pour l’exercice
1837. Abus dans le service sanitaire de l’armée, refus du ministre de
transmettre un rapport, proposition de constituer une commission d’enquête
(question politique) (de Brouckere, Willmar, A. Rodenbach, Willmar, (+abus de la liberté de presse et jury d’assises)
(F. de Mérode, Dumortier, F. de Mérode, Ernst, Dumortier, F. de Mérode, Pirson), de Theux, de Jaegher, Dumortier, Liedts, Willmar, Jullien,
Willmar, de Theux, Dumortier, Jullien, Willmar, Dechamps, Milcamps, Dolez, Pollénus, Liedts, Dubus,
de Theux, Verdussen, Pirson, Willmar, Gendebien, Devaux, Lejeune, A. Rodenbach, Devaux, Dumortier, Lejeune, Gendebien, d’Huart, Gendebien)
(Moniteur belge n°76, du 17 mars 1837)
(Présidence de M. Raikem.)
M. de Renesse procède à l’appel nominal à midi
et demi.
M. Lejeune lit le procès-verbal de la dernière
séance ; la rédaction en est adoptée.
M. de Renesse fait l’analyse des pièces
adressées à la chambre.
PIECES ADRESSEES A
« Plusieurs
pensionnaires de la caisse de retraite demandent que la chambre alloue les
fonds nécessaires pour leur payer la dernière moitié de leur pension du
quatrième trimestre de l’année 1834, et que pour le futur ils soient assimilés
aux autres pensionnaires de l’Etat qui sont payés régulièrement. »
- Renvoi à la
commission des pétitions.
« Lettre de M.
le général de division baron Evain, ministre d’Etat, relative à l’allégation
énoncée par un membre de la chambre qu’il aurait perdu son emploi en France par
suite de la passation du marché des lits militaires, qui eut lieu en 1822. (Note du webmaster : cette lettre a été
publiée dans le Moniteur n°75, du 16 mars 1837, avec les pièces en appui dont
il est question ensuite.) Cinq pièces à l’appui de cette lettre, savoir :
1° dépêche officielle de M. le lieutenant-général Bernard, ministre de la
guerre en France, à M. le général Evain, en date du 30 janvier dernier ; 2°
sous les numéros 2, 3, 4 et 5, copie certifiée de lettres adressées à M. le
général Evain, sous la date des 30 décembre 1821, 31 idem. 3 janvier 1822, et 5
idem par M. le maréchal duc de Bellune, alors ministre de la guerre en France.
»
- Sur la
proposition de M.
Rogier, la chambre décide que cette lettre et les pièces à l’appui
seront imprimées et distribuées.
Discussion des
articles
Chapitre III. – Service de santé
M.
le président. - La parole est à M. de Brouckere pour une rectification.
M. de Brouckere. - A en croire
certains journaux, j’aurais dit qu’en 1830 et 1831 il n’a pas été donné un
atome de quinine aux soldats malades. D’abord on sent que j’aurais avancé là un
fait absurde et même impossible ; je l’ai si peu dit que j’ai avancé que tout
le sulfate employé dans les hôpitaux à cette époque avait auparavant été
examiné par un savant chimiste de cette ville. Mais j’ai dit, ou telle a du
moins été mon intention, qu’en 1831 une horrible épidémie avait régné dans
l’armée, qu’elle avait particulièrement attaqué les hommes qui avaient séjourné
dans les polders (j’ai même cité deux régiments), que c’était cette épidémie
qui avait décimé nos soldats, et que dans le traitement de l’épidémie, il
n’avait pas été donné un atome de quinine. Ce fait, je l’avais puisé dans une
brochure que j’ai citée et que j’avais sous les yeux ; car cette brochure ne
traite que de l’épidémie dont je viens de parler.
Vous comprendrez
que grande est la différence entre une semblable allégation et celle qu’en 1830
et 1831 on n’aurait employé de sulfate de quinine pour aucune fièvre. Je ne
fais cette rectification, que pour empêcher que l’erreur que j’ai signalée ne
contribue à prolonger la discussion.
M. le ministre de la guerre (M. Willmar). – (En ce compris les corrections apportées par
un erratum inséré au Moniteur belge n°79, du 21 mars 1837 :) Avant de
rentrer dans l’exposé et le développement des faits qui fait l’objet de la
plainte contre l’inspecteur général du service de santé, je désire compléter la
réponse que j’ai faite hier à M. A. Rodenbach à propos de la grande mortalité
qui, selon lui, aurait eu lieu dans l’hôpital de Gand et par l’emploi du
sulfite de quinine.
M. Rodenbach a
prétendu que pour traitement des fièvres, on employait dans cet hôpital le
sulfate de quinine dans la proportion de 40 à 60 grains.
M. A. Rodenbach. - Je n’ai pas dit cela.
M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - Vous l’avez
dit, Monsieur, en réponse à l’opinion de M. Andral que l’on a citée.
A cela, je réponds
que j’ai sous les yeux un rapport du médecin de l’hôpital de Gand, qui fixe à
15 le maximum du nombre de grains administrés aux fiévreux qu’il a eu à traiter
dans son hôpital. J’ajouterai que dans ce même rapport le même médecin dit que,
pour sa clientèle, en ville, il a toujours été obligé d’administrer une
quantité plus grande ; et il tire de là, certes avec raison, la conséquence que
le sulfate de quinine de la pharmacie de l’hôpital est supérieur à celui des
pharmacies particulières.
L’honorable membre
a dit que le chiffre de la mortalité dans l’armée a été de 3 à 4 mille. Il est
malheureusement vrai qu’en 1835 et 1836, et surtout à la fin de ces années, des
fièvres ont accru dans l’hôpital de Gand le chiffre de la mortalité ordinaire.
J’ai sous les yeux le tableau du nombre des morts ; il s’élève en totalité,
pour l’hôpital de Gand, à 271.
On a encore répété
dans cette séance, à propos de la dysenterie ou de la maladie quelconque qui a
frappé notre armée en 1831 et en 1832 que là encore le nombre des morts s’est
élevé de 3 à 4 mille. Les honorables membres qui ont articulé ces faits
affligeants auraient pu puiser dans leurs propres bibliothèques la preuve que fort
heureusement ils sont bien loin d’être exacts ; j’ai entre les mains le relevé
des décès dans les hôpitaux militaires du royaume, pendant les années 1831,
1832, 1833, 1834 et 1835, relevé qui a été distribué à tous les membres de la
chambre, avec le budget de 1836. Eh bien, le total, des décès, pour les années
1831 et 1832, est de 2,329. Ce total est celui de tous les hôpitaux militaires
du pays, pour toute espèce de maladies. Maintenant, d’après le chiffre total de
la mortalité pendant ces cinq dernières années, je trouve que la moyenne, par
année, est de 800. Si on appliquait cette moyenne aux deux années 1831 et 1832,
on trouverait 1,780 décès d’après les circonstances ordinaires. Il resterait
donc 609 décès par suite de la grande maladie dont on a fait un bruit si
affligeant. Ce sont là des chiffres incontestables.
J’avais préparé
d’autres observations sur l’emploi du sulfate de quinine. Trouvant la
discussion sur ce point assez avancée, je les supprimerai, sauf à les produire
si de nouvelles objections venaient à être présentées.
Je viens aux
différentes questions de l’honorable M.
Liedts. Je dois au préalable exprimer ma satisfaction que ces questions
aient été posées, parce que, quand elles ne devraient pas conduire à un
résultat positif, au moins elles me fourniront l’occasion d’établir la vérité.
Je prends la
première question de M. Liedts : elle est ainsi conçue :
« 1° Est-il vrai qu’en 1831 et 1832
l’administration centrale fit l’achat sans publicité, sans concurrence et sans
expertise, d’une énorme quantité de quinquina tellement sophistiqué, qu’on fut
obligé de le mettre hors de service dans plusieurs hôpitaux militaires ? »
Je demanderai à la
chambre la permission de substituer à cette question telle qu’elle est posée,
l’article même qui y répond dans la pièce qui a fait l’objet de l’examen du
département de la guerre. C’est la même question ; seulement elle est plus
étendue et plus détaillée. La voici :
« M. Vleminckx
acheta en 1831, à des pharmaciens de son choix, sans concurrence, sans adjudication,
sans expertise, une masse considérable de quinquina royal de morphine, etc.,
etc., masse si considérable qu’après avoir fourni aux besoins de tous les
hôpitaux du royaume depuis 1831, il reste aujourd’hui en magasin assez de
quinquina pour approvisionner les pharmacies militaires pendant plusieurs
années. Il a été constaté depuis cette époque que la plupart des médicaments
achetés par le chef du service de santé de l’armée, envoyés dans les hôpitaux
et ambulances au-delà des besoins et sans nécessité, étaient de mauvaise
qualité, sophistiqués. C’est au moins ce qui a été constaté à Liége où ils ont
déjà été anéantis par le feu ; à Nieuport et récemment à Louvain, où ils seront
bientôt livrés aux flammes. »
Voilà le fait
développé et la question posée. Je n’ai qu’une observation à faire, c’est que
le mot « sophistiqué » s’applique aux médicaments en général et non
spécialement au quinquina.
Il y a dans ce fait
ainsi développé une accusation au moins triple :
1° Achat sans
adjudication ;
2° Achat en trop
grande quantité ;
3° Mauvaise
qualité.
Sur le premier chef
j’ai à déclarer qu’en effet il n’y a pas eu d’adjudication. Mais je dois dire
que les règlements sur le service de santé ne prescrivent pas le mode d’achats
des médicaments, et j’ajouterai en passant que, d’après ces règlements,
l’inspecteur-général n’a rien à faire dans cet achat.
Je ferai d’ailleurs
remarquer à la chambre qu’en 1831, la régularité ne régnait pour ainsi dire
dans aucune administration, et que le crédit du pays n’était pas assez bien
établi pour qu’il eût chance de succès dans les adjudications. Par conséquent
le fait de non-adjudication n’aurait rien de criminel ; ou, pour le rendre
criminel, on serait obligé d’établir que le fournisseur a partagé avec celui
qui a reçu les médicaments.
Ce fait même
peut-être expliqué par les circonstances.
Je rappellerai à ce
sujet à la chambre qu’un honorable orateur qui a parlé sur cette question, a
signalé les inconvénients résultant du mode d’adjudication appliqué à l’achat
des médicaments. Je crois bien que ce mode présente des inconvénients. Mais,
d’après l’esprit de défiance qui règne dans le pays, je pense qu’il vaut mieux
faire des adjudications que d’être exposé à être soupçonné comme l’est
maintenant l’inspecteur-général du service de santé.
Je passe au second
chef d’accusation relatif au premier numéro de la série posée par l’honorable
M. Liedts : « Achat en trop grande quantité. » Ceci est encore vrai.
Il est certain qu’il existait l’année dernière ce qui existe maintenant encore
du quinquina jaune acheté en 1831. Mais ici je dois prier la chambre de vouloir
de vouloir bien se reporter au temps où le marché a été passé ; nous étions à
la veille d’une guerre avec
Dans une telle
situation, peut-on, messieurs, faire un reproche à un fonctionnaire public,
chargé de pourvoir aux besoins d’un service important, d’être allé au-delà des
prévisions ordinaires, plutôt que d’être resté en deçà ?
Le troisième chef
dépendant de la première question, est la mauvaise qualité des substances.
Je commencerai par
prier la chambre de remarquer les expressions dont on se sert en parlant de la
qualité des médicaments : « Il a été constaté depuis cette époque... »
Lorsque la
pharmacie centrale envoie des médicaments dans un des hôpitaux du pays, il est
du devoir de tous les officiers de santé et de tous les pharmaciens, de se
réunir en commission pour les examiner et déclarer s’ils sont bons ou mauvais.
S’ils sont mauvais, ils ont le droit et il est de leur devoir de les refuser,
et d’en renvoyer un échantillon à l’inspecteur-général, afin qu’il soit procédé
à un nouvel examen.
De cette
disposition des règlements, je suis en droit de conclure que s’il n’y a pas eu
de procès-verbal dressé au moment de l’envoi des substances, c’est qu’alors
elles étaient bonnes. Si elles ont été reconnues mauvaises depuis, qui peut
dire que la faute doive en être attribuée à la pharmacie centrale plutôt qu’aux
pharmacies des hôpitaux où elles avaient été envoyées pour y être employées et
conservées ? Dans des choses aussi graves que celles qui concernent les
médicaments falsifiés, on doit se donner la peine d’observer les formes
réglementaires.
Et dans cette affaire
je dirai que les hommes excessivement coupables sont ceux qui viennent dire
plus tard : « J’ai employé de mauvais médicaments. » De tels hommes
ont manqué aux premières lois de l’humanité ; en les employant, ils se sont
rendus criminels. Qui les obligeait à faire cet emploi ? En présence de l’usage
de substances délétères et de la crainte de quelques peines disciplinaires
qu’ils pouvaient encourir, pouvaient-ils hésiter ? C’est pour éviter quelques
inconvénients qui leur auraient été personnels qu’ils ont préféré administrer
aux soldats des médicaments altérés, propres à compromettre leur santé, propres
à les empoisonner ! Des hommes qui peuvent avouer eux-mêmes de pareilles
turpitudes, de pareils forfaits, ne méritent aucune confiance.
Je reviens aux
médicaments de mauvaise qualité. On a découvert quelques plaintes, postérieures
à l’envoi, concernant certains médicaments. On a trouvé, entre autres, une
lettre du médecin principal de l’hôpital de Mons, dans laquelle il désignait
deux ou trois médicaments, mais où il n’était pas question de quinquina. On a
trouvé encore une lettre du médecin en chef de l’hôpital de Gand, et dans
laquelle cet officier de santé se prononce contre l’emploi du quinquina rouge.
La lettre du médecin de Mons n’a pas eu de suite, de sorte que les médicaments
qu’il avait désignés ont été remplacés ou réparés.
La lettre du
médecin principal de Gand a eu pour effet de faire cesser l’usage du quinquina
rouge ; et c’est une des causes qui peut expliquez pourquoi il y en reste
encore une partie, très faible cependant, des achats de 1831.
Toutefois, il est
des faits qui ont établi une opinion contraire à celle qu’on s’était formée
relativement à l’usage du quinquina rouge.
J’ai dit que
j’avais fait faire une inspection pour connaître le sulfate de quinine existant
dans les pharmacies ; je me suis fait remettre les procès-verbaux de cette
inspection et des vérifications qui en ont été la suite, et de ces procès-verbaux
il est résulté plusieurs faits.
Ils m’ont appris
que dans l’infirmerie de Nieuport, il n’y avait pas de sulfate de quinine ; je
me suis informé de cette circonstance et j’ai vu une lettre de l’officier de
santé dirigeant cet hospice, et dans laquelle il déclare employer le quinquina
rouge parce qu’il produit de bons effets. Ce médecin ajoute que tant qu’il aura
du quinquina ronge, il ne fera pas usage du sulfate de quinine qui ne produit
pas, selon lui, d’aussi bons résultats.
L’inspecteur
général a fait faire un essai dans cet hôpital, et cet essai a conduit à
épuiser les approvisionnements du quinquina rouge parce qu’on a reconnu que ce
médicament bien employé produisait les mêmes effets que le sulfate de quinine,
et même réussissait là où le sulfate de quinine avait échoué.
Tous ces
médicaments figurent sur les contrôles des pharmacies que l’on dresse tous les
six mois, et ils y figurent comme étant de bonne qualité. Les investigations
auxquelles on s’est livré n’ont fourni aucune preuve relativement aux faits
allégués pour les villes de Nieuport et de Liège, où des médicaments auraient
été brûlés.
Quant au fait qu’à
Louvain il existait des médicaments qui seraient livrés aux flammes, pour
savoir ce qui pouvait en être, j’ai envoyé à l’improviste, à l’hôpital de
Louvain, un officier du corps de l’intendance, avec l’ordre de faire mettre ces
médicaments sous les scellés, devant le médecin Feigneaux, et de les envoyer à
la pharmacie centrale. Là, un examen soigneux a été fait de tous ces
médicaments, j’ai sous les yeux le tableau des résultats de cet examen ; or, la
plupart de ces médicaments ont été trouvés hors d’état de servir ; mais il est
bon de savoir dans quelle forme cette déclaration a été généralement conçue. Je
prends les premiers numéros, et je lis :
« Agaric de
chêne : hors de service par suite d’une mauvaise conservation ou vétusté,
pourrait cependant encore être utilisé, soit comme moyen haemostatique, soit à
l’application des moxas, soit pour la compression.
« Agaric blanc
: hors de service par vétusté, à anéantir.
« Fleurs de
camomille vulgaire : même observation que ci-dessus, malgré que l’on pourrait
encore en faire usage pour les cataplasmes. »
Je puis lire le
procès-verbal tout entier, et partout je trouverai la même observation : ainsi voilà
une série tout entière de médicaments, comprise dans une accusation formulée,
et désignée dans cette accusation comme ayant été livrés de mauvaise qualité,
tandis qu’elle est reconnue de mauvaise qualité par suite de vétusté et par
défaut de conservation.
Je ne pense pas que
j’aie besoin d’ajouter des développements sur ce fait ; du reste, s’il y a des
objections, je m’empresserai d’y répondre.
Le procès-verbal
que je viens de citer est signé par MM. Seulin, Herlant, Gilisquet, Heylighen,
Lepage.
Voici la seconde
question posée par M. Liedts :
« Est-il vrai qu’au mois de février 1832, la
fourniture des médicaments composés fut accordée, sans adjudication publique, à
un droguiste privilégié, encore qu’il demandât un prix supérieur à celui
réclamé par un autre droguiste ? »
Ce fait est ainsi
développé dans l’accusation primitive :
« Au mois de
février 1832, l’inspecteur-général accorda au droguiste Cornelis Goetevinck,
sans concurrence ni publicité aucune, la fourniture générale des médicaments
composés nécessaires pour assurer le service des hôpitaux et ambulances du
royaume pendant le premier semestre de cette année ; nous disons sans
concurrence, attendu que le pharmacien Soiron ayant soumissionné en même temps
et au même prix que le droguiste Cornelis Goetevinck, ce dernier fut seul
invité par M. Vlemiinckx à diminuer son prix, tandis que M Soiron avait déclaré
à celui-ci, ainsi qu’au pharmacien en chef, qu’il prenait l’engagement de
fournir toujours à un prix inférieur à celui de son concurrent. Le droguiste
adjudicataire privilégié des médicaments composés ne tint nullement ses
engagements ; il employa pour leur préparation des matières premières de
qualités inférieures aux échantillons types déposés à la pharmacie centrale. Il
en résulta que ses fournitures étaient de mauvaise qualité et ont été
acceptées, comme on peut s’en convaincre par les procès-verbaux de réception.
Lorsque des discussions s’élevaient entre le pharmacien en chef (M. Van den
Corput), les experts et l’adjudicataire, sur la mauvaise qualité des
médicaments, elles étaient tranchées par M. l’inspecteur-général ; c’est ainsi
que des sirops avariés, fermentés et d’autres articles, rejetés par ces
messieurs, furent acceptés, grâces aux soins de M. Vleminckx.
« Aussi, des
plaintes ne tardèrent pas à arriver de la plupart des hôpitaux auxquels on
avait fait l’envoi de ces composés, et notamment sur ceux les plus employés.
« Ce fait a
déjà été signalé en 1832 paf M. Dulcérin, pharmacien de deuxième classe,
démissionné. »
Ainsi, le premier
chef d’accusation est que le pharmacien Cornelis a été préféré à Soiron ; ce
fait est vrai, mais voici les explications qui en sont données et qui serviront
à faire comprendre les réponses que j’ai à faire sur la troisième des questions
posées par l’honorable M. Liedts : le sieur Soiron avait été fournisseur des
médicaments composés pendant le dernier semestre 1831, et lorsqu’il envoya sa
soumission pour obtenir la fourniture pendant le semestre de 1832, on trouva
ses prix tellement inférieurs à ceux qu’il avait exigés auparavant, qu’on fut
convaincu qu’il y avait en de sa part exaction évidente ; en présence d’un tel
fait, on ne voulut point admettre pour fournisseur un homme qui, ne pouvant
plus faire payer les choses trois ou quatre fois leur valeur, comme il l’avait
fait précédemment, semblait vouloir les fournir trois ou quatre fois plus
mauvaises. Je pense, messieurs, qu’il est fâcheux que de telles choses aient eu
lieu : à mes yeux, ainsi que je l’ai déjà dit, le système des adjudications
publiques est préférable, même pour ces sortes d’objets ; mais il faut convenir
aussi que, voyant un soumissionnaire établir des prix si différents pour des
médicaments de même espèce, il y avait de grands motifs pour ne pas vouloir
traiter avec un homme qui avait des poids et des mesures si différents. C’est
là ce qui explique pourquoi il n’y pas eu d’adjudication publique, ce que
j’appelle le deuxième acte d’accusation.
Le troisième point,
c’est qu’on aurait employé des matières premières de mauvaise qualité, des
sirops avariés et fermentés, à la confection des médicaments composés.
Messieurs, ce n’était pas le fournisseur des médicaments composés qui était
chargé de la fourniture des matières premières, c’était la pharmacie centrale :
or, il me paraît assez difficile à concevoir que celui qui était chargé de
préparer les médicaments composés et qui devait répondre de la bonté de ces
médicaments, pût accepter de la pharmacie centrale des matières premières de
mauvaise qualité ; il me semble que la fausseté d’une semblable accusation
ressort d’elle-même. Il y a eu quelques plaintes à l’égard de certains sirops,
et il a été reconnu qu’ils avaient été confectionnés avec du sucre candi d’où
il résultait qu’ils avaient fermenté : ici une mesure a été prise, qui laissait
intacts les intérêts du trésor public et ceux du soldat, mais que je crois
pouvoir qualifier, à la rigueur, d’irrégulière. L’inspecteur-général trouvait
que les sirops, qui avaient seulement fermenté, pourraient être ramenés à leur
état normal, en leur faisant donner ce qu’on appelle un bouillon. On ordonna
que cette mesure fût prise, mais, en raison des moindres qualités du sucre
employé, on convint que les fournisseurs de sirop seraient payés à un prix
inférieur. Après l’opération dont je viens de parler, il ne fut plus formulé
aucune nouvelle plainte ; ainsi, j’ai eu raison de dire que les intérêts du
trésor avaient été garantis, puisque les choses n’ont été payées que ce
qu’elles valaient ; j’ai eu également raison de dire que la santé du soldat
n’était point compromise puisqu’après l’exécution de la mesure qui avait été
prescrite, il n’a plus été fait aucune plainte.
On a dit que
lorsque des difficultés s’élevaient entre les fournisseurs et les experts,
c’était l’inspecteur-général qui les tranchait. Dans toutes les investigations
auxquelles je me suis livré, je n’ai trouvé aucun autre fait que celui des
sirops auquel cette observation pût s’appliquer, et je viens de démontrer à
quoi, pour les sirops, elle peut se réduire. Une fois cependant il y eut aussi
des plaintes relativement à un onguent ; mais il est constaté que cet onguent
avait été reçu par les experts, sans aucune intervention de
l’inspecteur-général. Voilà donc les quatre chefs d’accusation que j’ai cru
pouvoir distinguer ; je pense qu’ils sont réduits à une bien minime valeur.
La troisième
question posée par l’honorable M. Liedts est celle-ci :
« Est-il vrai qu’en 1832 on a voulu exiger
d’un fournisseur de médicaments le sacrifice de 1,200 fr. sur un mandat de
3,000 florins. »
Voici la manière
dont cette accusation est formulée ailleurs :
« Cette
préférence accordée au droguiste Cornelia Goetevinck sur les propositions
avantageuses faites par M. le pharmacien Soiron, s’explique peut-être par ce
qui s’est passé vers la même époque, entre M. Soiron d’une part et MM.
Vleminckx et Tallois de l’autre.
« M. Soiron,
pharmacien, rue Haute, avait livré à l’administration du service de santé des
médicaments pour une somme de 3,000 florins. Ne recevant aucune nouvelle de son
mandat de paiement, il se rendit au ministère de la guerre pour le réclamer. On
lui dit qu’il avait été adressé depuis plusieurs jours à M.
l’inspecteur-général. M. Soiron se transporta chez cet administrateur.
Introduit près de lui, il y trouva M. Tallois, à qui il réclama la délivrance
de la pièce susmentionnée.
« M. Vleminckx
la retira d’un portefeuille, en lui disant « qu’il ne la lui remettrait
que lorsqu’il aurait laissé tomber quelque chose de son mandat, parce que,
ajouta-t-il, vous avez coté vos médicaments à un prix trop élevé. » M. Soiron,
croyant que cette observation n’avait d’autre but que de le forcer à faire un
cadeau aux employés de M. Vleminckx, et principalement à M. Tallois, contrôleur
de la pharmacie centrale qui avait pris dans la conversation le titre de
sous-inspecteur vis-à-vis de M. Soiron, demanda à M. l’inspecteur général
quelle était la somme qu’il exigeait de lui : on lui répondit qu’il devait
faire le sacrifice de 1,200 fr. pour
obtenir la remise de son mandat. M. Soiron répondit que puisqu’on était si
exigeant, il ne donnerait pas un
centime.
« Au moment de
sortir, M Vleminckx rappela M. Soiron et lui demanda s’il avait bien réfléchi
sur sa demande ; ce dernier dit que oui, sortit et se rendit immédiatement chez
un ami, qu’il savait lié avec M. Vlaminckx, pour le prévenir des démarches
qu’il allait faire pour obtenir la restitution de son mandat. Peu de jours
après le mandat fut remis à M. Soiron sans la retenue des 1,200 francs
demandés. Depuis cette époque, ce pharmacien n’a plus fait aucune fourniture de
médicaments à la pharmacie centrale. »
Je dirai d’abord
que le fait en lui-même est très exact, et que je le regarde comme très
irrégulier, mais j’admets pleinement que l’inspecteur-général du service de
santé a trouvé réellement que le compte présente par le pharmacien Soiron pour
les fournitures du deuxième trimestre de 1831, était de 800 florins trop élevé,
et cela d’après la comparaison faite avec la soumission présentée par le même
fournisseur pour le premier semestre de 1832 ; cela admis, je dis encore que l’inspecteur
général a eu tort de s’y prendre de la manière dont il s’y est pris ; il eût
été beaucoup plus régulier et plus convenable d’écrire sur-le-champ au
fournisseur, de lui exposer les choses et de l’avertir des conséquences que lui
inspecteur-général chercherait à en faire ressortir. Mais au moins peut-on
prouver que l’inspecteur-général en agissant comme il l’a fait, a eu
l’intention d’opérer la réduction dont il s’agit au profit du trésor ? Je
pense, messieurs, qu’on peut le faire : les comptes des fournitures du deuxième
semestre de 1831 furent remis vers la fin du mois de janvier, ils furent
examinés par le pharmacien en chef et visés par l’inspecteur-général ; il ne
rendit point compte de la grande élévation des prix et on adressa les comptes au
ministre de la guerre ; dans les premiers jours de février, il reçut la
soumission du même fournisseur pour le premier semestre de 1832 ; ce fut alors
qu’en comparant les prix, il fut choqué de leur grande différence ; il se
rendit sur-le-champ chez le ministre de la guerre, lui fit part de la remarque
qu’il venait de faire, et demanda qu’on en suspendît la liquidation ; ceci,
messieurs, se fit verbalement, et ici je remarquerai, en passant, qu’une des
irrégularités qu’on reproche au service de santé, c’est d’avoir trop souvent
traité les affaires verbalement, sans les régulariser ensuite par la
correspondance ; mais que la démarche dont je viens de parler a été faite,
qu’elle a été faite avant que le mandat du sieur Soiron passât entre les mains
de M. Vleminckx ; qu’avant ce moment, M. Vleminckx avait fait connaître au
ministre de la guerre que les prix du sieur Soiron étaient trois ou quatre fois
trop élevés ; c’est ce que je crois pouvoir établir par les faits que je vais
exposer à la chambre.
Je me suis procuré
la preuve, par une extrait du journal de l’inspection générale, et aussi par le
reçu du messager du ministère de la guerre, que le mandat du sieur Soiron,
ainsi que plusieurs autres, ont été remis chez M. l’inspecteur-général le 15
mars 1832.
Eh bien, à la
séance de la chambre des représentants du 12 du même mois, M. le ministre de la
guerre d’alors, à propos d’une pétition de ce pharmacien Soiron sur je ne sais
quel autre objet, déclara qu’il allait prendre des mesures pour faire
confectionner ses médicaments composés à la pharmacie centrale, entre autres
motifs, le ministre allégua que « jusqu’alors nous avions payé le double
et même le triple de la valeur de ces médicaments ; » et il dit en
terminant que « c’était M. l’inspecteur général qui lui en avait fourni la
preuve. »
Ainsi, messieurs,
avant le jour où le mandat du sieur Soiron passa entre les mains de
l’inspecteur-général, celui-ci avait donné au ministre de la guerre la preuve
que les médicaments qui avaient été fournis par le sieur Soiron avaient été
payés trois ou quatre fois leur valeur.
Maintenant,
messieurs, en présence de ces deux faits, d’un côté un fournisseur qui dit : on
veut me faire donner un pour boire, et pour cela on veut que je fasse l’abandon
d’une partie de mon mandat ; et d’autre part un fonctionnaire public qui
déclare avoir eu l’intention de faire opérer une réduction sur le mandat, parce
qu’il était convaincu que tous les objets au paiement desquels le mandat était
destiné avaient été cotés à des prix usuraires, entre ces deux versions,
dis-je, je n’hésite pas à adopter la seconde et à rejeter la première.
Je le déclare
encore, il est à regretter qu’il ait fallu se livrer à de telles recherches, à
de tels raisonnements pour établir suffisamment la pureté d’intentions d’un
fonctionnaire public. Il aurait été beaucoup plus convenable de procéder en
cette matière avec une entière régularité, par écrit ; on n’aurait pas eu
besoin dès lors de repousser de semblables soupçons.
Quoiqu’il en soi, à
mon avis, toute la criminalité de cette affaire tombe devant les explications
qui j’ai été à même de donner à la chambre, grâce aux recherches auxquelles je
me suis livré.
Je passe au fait
suivant :
« Est-il vrai qu’en 1832 l’administration
centrale acheta, sans adjudication ni concurrence, à des livranciers de son
choix, 22,200 kilog. de sel et 500 kilog. de peroxyde de manganèse ? »
Je prends encore
l’accusation dans ses plus grands développements.
« Dans le
courant d’avril, M. l’inspecteur général acheta, sans adjudication, sans concurrence,
à des marchands privilégiés, 22,000 kilog. de sel et 500 kilog. de peroxyde de
manganèse pour préparer une poudre désinfectante ; avec cette quantité de
substance, il y avait de quoi désinfecter 4,166 salles calculées à 20 malades
chacune ; ce qui fait un total de 83,520 malades.
« La prévision
fut si grande, que l’on acheta en outre, toujours sans adjudication, 1,500
kilogrammes de chlorure de chaux liquide et 1,500 kilogrammes de chaux solide.
Les dernières substances, à leur arrivée aux hôpitaux de Lierre, Malines
Louvain, furent reconnues impropres au service et mises hors d’usage.
« Cette
opération était d’autant plus onéreuse au trésor que rien ne pouvait faire
craindre une disette de ces médicaments ni même une augmentation de prix :
tandis qu’ils ont été livrés à un taux beaucoup trop élevé, notamment le sel
payé à 18 cents le kilogramme lorsque le cours le plus élevé à cette époque
n’était que de 11 cents et demi à 12 cents. »
Avant d’entrer dans
l’examen de tous ces détails de l’accusation, je prierais la chambre de se
rappeler qu’au mois d août 1832 le choléra sévissait dans tous les pays qui
nous environnent ; et que quelques mois plus tard il fit invasion en Belgique.
A cette époque partout où l’on craignait la visite de l’épidémie, on s’est
empressé de se procurer les moyens de désinfection ; et je demanderai ce qu’on
aurait dit si l’inspecteur-général du service de santé qui était chargé de
prendre des précautions pour notre armée, au lieu d’avoir eu quelques milliers
de kilog. de chlorure de trop, en avait eu quelques milliers de kilog. de trop
peu.
Quoi qu’il en soit,
je réduis encore cette question à un certain nombre de chefs d’accusation.
Le premier est
l’achat sans adjudication, sans concurrence, à des marchands privilégiés.
Messieurs, cette
première accusation est fausse. Ces matières ont été achetées par adjudication
publique ; je pense que rien au monde n’est aussi facile que de vérifier si un
marché a eu lieu ou non par adjudication publique. Par conséquent, si dans
cette circonstance on a accusé à faux, c’est qu’on a voulu le faire.
On a ajouté qu’il
en avait acheté en quantité trop grande. C’est vrai ; mais je viens d’expliquer
quel en a été le motif, et tout le monde a pu aisément comprendre pourquoi les
choses se sont passées ainsi.
J’ai encore à faire
ici une observation de détail.
On a fait beaucoup
ressortir la masse des malades pour lesquels ces moyens de désinfection
auraient dû servir. Mais on devait savoir, et l’on savait certainement, que ces
matières ne devaient pas seulement servir à la désinfection des hôpitaux ; mais
que le service de santé doit encore pourvoir à tous les besoins sanitaires des
casernes, des corps de gardes et des prisons. C’était donc pour des locaux
quadruples, décuplés peut-être de ceux qui forment les hôpitaux que
l’approvisionnement était nécessaire, et que par conséquent on peut hésiter à
déclarer qu’a priori il était exorbitant. Mais que par la suite on ait trouvé
qu’il y en avait eu trop, cela est incontestable.
Autre chef
d’accusation :
« Les substances
qui ont été achetées auraient été de mauvaise qualité, et différents
procès-verbaux auraient été adressés. »
Toutes les
investigations auxquelles se sont livrées les personnes qui ont été chargées de
l’examen de l’affaire, ont été conduites à la découverte d’un seul
procès-verbal qui a été dresse par M. le médecin Feigneaux, alors attaché à
l’hôpital de Lierre. Ce procès-verbal a donné lieu à une contre-expertise qui a
été faite à la pharmacie centrale par MM. Verzyl, Pasquier et une autre personne
dont je ne me rappelle pas le nom, mais qui n’était pas l’inspecteur-général.
Il fut reconnu que les matières étaient de qualité convenable.
Une expédition du
procès-verbal de la contre-expertise fut envoyée à l’auteur du procès-verbal de
la première expertise, lequel ne réclama pas contre l’usage des matières, mais
continua cependant à demander l’autorisation de se les procurer chez un
pharmacien de son choix.
Une partie de ces
matières fut reçue régulièrement par les experts nommés par le ministre, et dans
les expertises l’inspecteur-général n’intervient pas.
Je reviens au
dernier chef d’accusation savoir : que les prix ont été trop élevés.
On établit la
différence entre les prix qui ont été payés et les prix du commerce d’alors. Je
ne sais pas au juste quels étaient les prix du commerce à cette époque, mais je
sais que des adjudications de sel ont eu lieu dans différents hôpitaux, et
qu’on a payé ce sel 15 et 16 cents.
Que faut-il
conclure, messieurs, de tout ce que je viens de dire ? que M.
l’inspecteur-général du service de santé reçut, comme beaucoup d’autres, une
impression exagérée du danger du choléra, et que des ennemis perfides et pleins
de déloyauté ont profité de cette circonstance pour le convertir en criminel.
« Est-il vrai qu’en février 1833 une quantité
de 200 kilog. de quinquina gris fut reconnue falsifiée et mélangée de quina
nova et cependant acceptée par l’administration centrale du service de santé ? »
C’est là le
neuvième fait de l’acte d’accusation, il est ainsi conçu :
« Dans le
courant de février 1835 eut lieu l’expertise d’une masse assez considérable de
quinquina gris (
« M. Pasquier,
pharmacien de deuxième classe, remarqua plusieurs fois que les
échantillons-types renfermés dans les bocaux disparaissaient, et étaient
remplacés par des substance de qualité inférieure ; afin de s’en assurer, il
fit fournir par son parent M. Pasquier, pharmacien, Montagne de
« Il fit constater
cette fraude par les personnes présentes et par le fournisseur de
l’échantillon. En envoyant le procès-verbal à M. Vleminckx, il lui dévoila les
manœuvres employées pour opérer la substitution de l’échantillon ; il lui
demanda l’autorisation d’apposer son propre cachet sur tous les bocaux, tout en
le prévenant que dans le cas où on la lui refuserait, il cesserait à l’avenir
de faire partie de la commission d’expertise. M. Vleminckx, au lieu d’accorder
une demande aussi juste, répondit officiellement : « que la nature des
fonctions de M. le contrôleur s’opposait à ce que sa demande fût prise en
considération, que d’ailleurs il avait tout sa confiance dans cet
employé. »
Quoique ce second
fait d’une fermeture irrégulière des bocaux renfermant les échantillons-types
de la pharmacie centrale ne se trouve pas dans la cinquième question de M.
Liedts, je pense que le fait est assez intéressant pour que la chambre désire
que j’entre dans tous les détails que je puis donner à ce sujet.
Je commencerai par
exposer ce qui regarde le fait des expertises irrégulières du quinquina gris,
en suivant encore pour ce fait la marche que j’ai suivie pour les faits
précédents.
La première
accusation consiste en ce qu’on aurait soumis à ces expertises irrégulières une
masse considérable de quinquina gris, savoir 200 kilog. Je commencerai par dire
que ce nombre de kilog. doit être réduit de moitié, car 100 kilog. seulement
ont été l’objet de ces expertises successives.
Voici maintenant
comment les choses se sont passées :
C’est le 12 février
1833 que la première expertise de ce quinquina a eu lieu ; elle fut faite par
MM. Pasquier, Limauge et le directeur de la pharmacie centrale ; le résultat de
l’expertise fut le rejet du quinquina.
Je dois faire
observer ici que le quinquina fut trouvé mélangé, mais non pas falsifié, ainsi
qu’on le prétend.
La fourniture,
comme je l’ai dit, fut rejetée. Le fournisseur s’empressa de réclamer, non pas
auprès de l’inspecteur général, mais auprès du ministre de la guerre ; il se
plaignit de l’excessive rigueur des experts, prétendit que son quinquina était
bon, offrit d’ailleurs de purger les substances hétérogènes qui pouvaient se
trouver mêlées, et demanda une seconde expertise.
Cette demande lui
fut accordée. Les mêmes personnes qui avaient fait la première expertise
procédèrent à la seconde ; le même quinquina purgé fut présenté ; les experts
le rejetèrent encore.
Le fournisseur
protesta, séance tenante, contre leur décision, et obtint d’eux que les deux
boîtes qui renfermaient le quinquina seraient mises sous scellé afin qu’il eût
le temps d’adresser une nouvelle réclamation au ministre de la guerre.
Le ministre admit
cette nouvelle réclamation, et ordonna qu’une troisième expertise eût lieu,
sous la présidence de l’inspecteur-général. Remarquez, messieurs, que c’est
l’ordre du ministre qui fit intervenir l’inspecteur-général en cette
circonstance. On procéda à la troisième expertise le 23 février, et le résultat
fut un troisième rejet à l’unanimité.
Ainsi
l’inspecteur-général s’est réuni aux trois experts pour rejeter la substance
qui avait été présentée une troisième fois avec l’autorisation du ministre.
Jusque-là, il n’y
avait certes rien d’irrégulier dans cette opération.
A l’issue de la
troisième expertise, l’inspecteur écrivit au ministre de la guerre qu’il allait
faire acheter, chez les pharmaciens de la ville, du quinquina à charge du
fournisseur.
Ici, messieurs, la
marche cesse d’être régulière.
Le 4 mars, une
nouvelle expertise eut lieu. Cette expertise fut faite par les mêmes personnes
qui avaient procédé aux trois premières. L’inspecteur-général n’y assista pas.
Des trois experts,
l’un rejeta la substance le second signa le procès-verbal, sans dire quel était
son avis, et le troisième accepta, en consignant au procès-verbal cette
observation explicite : qu’il acceptait, vu l’urgence.
L’inspecteur-général
se réunit à l’avis du troisième expert, par suite, le quinquina fut admis, et l’inspecteur rendit compte,
assez longtemps après, de cette quatrième expertise.
Voici maintenant
l’explication qui est donnée pour justifier cette irrégularité.
L’inspecteur-général
donna en effet, séance tenante, l’ordre au directeur de la pharmacie d’acheter
du quinquina à charge du sieur Cornelis. Il se rendit ensuite auprès de M. le
ministre de la guerre pour lui faire connaître le résultat de cette expertise,
et en même temps la situation de la pharmacie centrale sous le rapport de la
substance dont il s’agit.
Je me suis fait
présenter les contrôles de la pharmacie centrale à l’époque où ces faits ont eu
lieu. Au moment où l’on a fait au sieur Cornelis la demande de ces 100 kilog.
de quinquina gris, il y en avait 94 dans la pharmacie. Mais ces 94 kilog.
étaient ainsi divisés : un kilog. et quelque chose en morceaux, 23 kilog. en
grosse poudre, et tout le reste en poudre fine. Je suis fâché d’entrer dans
tous ces détails de pharmacie, mais je dois le faire, ces distinctions étant
très importantes. Le quinquina est administré en poudre fine ; le quinquina en
grosse poudre sert à faire des extraits, et peut seul servir à cet usage.
Eh bien, pendant
que ces faits se passaient, pendant qu’on procédait à toutes les expertises,
survinrent des demandes de quinquina en poudre grosse de diverses pharmacies
provinciales, et l’on résolut d’acheter cette substance chez les marchands de
la ville aux frais du fournisseur parce que les 23 kilog. Restant avaient déjà
été employés.
Maintenant
l’inspecteur-général déclare qu’on n’a pas pu trouver de quinquina conforme à
l’échantillon, et nous dit que pour qu’on pût prendre ce quinquina aux frais du
fournisseur, il aurait fallu que le quinquina fût conforme à l’échantillon, et
que, d’après tous les antécédents de l’individu, on était sûr d’avoir un procès
avec lui : qu’il contesterait l’identité de l’échantillon avec la matière qu’on
achèterait.
C’est là, à la
vérité, une explication donnée après coup ; mais ce qui doit faire admettre
qu’on peut, en effet, avoir donné l’ordre d’acheter du quinquina aux frais du
sieur Cornelis, c’est que l’ordre verbal existe d’acheter, aux frais du même
individu, diverses autres substances qui étaient comprises dans le même marché
et avaient été rejetées dans les mêmes expertises ; et qu’il existe, en outre,
un rapport du directeur de la pharmacie centrale, constatant qu’il n’a pas
trouvé de médicaments conforme à l’échantillon.
De plus,
l’inspecteur général a fait un appel aux souvenirs de l’ancien ministre de la
guerre, lequel déclare que, s’il ne se rappelle pas toutes ces circonstances,
il lui paraît au moins évident qu’elles doivent avoir eu lieu, puisqu’il ne fit
aucune observation quand le procès-verbal de la dernière expertise, avec les
circonstances particulières qu’elle présente, lui fut adressé.
Voilà donc les
circonstances qui se rattachent à la quatrième expertise, la seule irrégulière,
puisque toutes les formalités ont été observées pour les trois autres :
Absence complète
dans la pharmacie centrale de l’espèce de quinquina demandée par différentes
pharmacies du royaume. (Ceci est un fait constaté.) Allégation de
l’inspecteur-général qu’on n’a pas trouvé dans le commerce du quinquina
conforme à l’échantillon, et que c’est en présence de ce fait qu’on a dû, vu
l’urgence, employer la fourniture qui avait subi une quatrième purification ;
et enfin rapport du directeur de la pharmacie centrale, constatant qu’il n’a
pas trouvé de médicaments conformes à l’échantillon.
Je dois ajouter que
ce quinquina gris qui a été envoyé aux pharmacies n’a donné lieu à aucune
espèce de plainte.
Peut-on maintenant
soutenir que cette quatrième expertise faite dans de telles circonstances est
assez irrégulière pour faire croire qu’il y a eu concussion ?
Je viens maintenant
à la question de la substitution des échantillons, et avant de l’aborder, je
demande la permission de lire l’accusation tout entière, telle qu’elle, est
formulée.
« Cette
réclamation n’eut pas de suite, et jusqu’à ce jour les bocaux sont restés à la
disposition de M. le contrôleur, revêtus de son cachet unique, et fermés les
uns au moyen de nœuds doubles, les autres avec des rosettes, et enfin quelques-uns
avec des nœuds coulants.
« Dixième
fait. Il existe deux espèces de nœuds : 1 le nœud simple ; il se fait en
ramenant les extrémités de la ficelle sur un des côtés du bocal, en les
croisant l’un sur l’autre une première fois, puis en répétant une seconde fois
le même mécanisme. De cette manière, le bocal est hermétiquement fermé et à
moins de rompre le cachet ou de couper la ficelle, il est impossible d’enlever
le couvercle. Ce mode employé pour fermer les bocaux est appliqué, pour la
plupart, aux médicaments de peu de valeur, ou d’une valeur connue, ou d’une
petite consommation.
« 2° La
rosette. La description de ce nœud mérite de fixer plus spécialement
l’attention, parce que c’est celui qui est employé de préférence pour les
bocaux renfermant les médicaments d’un haut prix, ou d’un usage journalier.
« Après avoir
fait faire le double tour du goulot du bocal, les deux bouts sont ramenés sur
un des côtés, et au lieu de faire un nœud en croisant les bouts l’un sur
l’autre, on fait une anse de chaque côté comme dans les nœuds ordinaires ; ces
deux anses sont ensuite croisées sur l’autre, aplaties, repassées sous la
corde, masquées aux regards par le papier qui déborde, et seulement alors les
deux extrémités sont posées sur le couvercle et fixées par le cachet de
l’adroit prestidigitateur.
« Si
maintenant, pour un motif que nous ne qualifierons pas, on veut faire tomber le
couvercle sans altérer le cachet, on se borne à retirer au moyen d’une lame de
couteau, ou de tout autre corps pointu ; l’anse de la ficelle ; en lui
imprimant un léger mouvement de va et vient, on détend la rosette, et la
ficelle se lâche au point de permettre l’enlèvement du couvercle sans
l’altération du cachet : dès lors la substitution d’un échantillon-type par un
autre d’une qualité inférieure devient on ne peut plus facile.
« M. Tallois a
cherché à se justifier sur l’inutilité de recourir à un moyen de fraude
semblable. Seul possesseur du cachet il lui était toujours facile et loisible
de briser l’empreinte et de la remplacer par une nouvelle, disait-il. Mais à
cette explication nous avons plusieurs objections à faire et qui consistent en
ceci :
« Premier point. La
salle aux échantillons est contiguë au cabinet de travail de M. Verzyt,
directeur de la pharmacie centrale ; pour y parvenir, il faut : 1° demander la
clef à ce comptable ; 2° traverser le lieu qu’il occupe le lieu qu’il occupe la
plus grande partie du jour.
« Deuxième
point. Pour remplacer le cachet brisé, il faut de la cire ; pour la ramollir,
il faut se renfermer et se procurer de la lumière : or cette demande attirerait
l’attention ; dès lors, il y a impossibilité de se livrer à cette opération
sans être découvert.
« Troisième
point. Les bocaux sont recouverts, depuis 4 ans, de papiers bleus qui ont pali
; avec le temps ils sont devenus d’un bleu gris : la cire des cachets, par son
exposition à l’air de rouge vif qu’elle était, est devenue orangée claire, et
les creux des empreintes se sont remplis de poussière ; cette poussière fait
corps avec la cire. Il résulte de là que si on avait voulu changer les cachets,
on n’aurait pu y parvenir sans faire connaître la fraude : 1° parce que
l’introduction de la lumière aurait éveillé les soupçons ; 2° parce qu’en
changeant les enveloppes, la différence de couleurs des papiers, la vivacité
des cachets et des caractères des empreintes auraient révélé aux moins
clairvoyants le genre d’altération auquel on les avait soumis. On a préféré
faire des rosettes qui permettaient d’enlever les couvercles sans altérer les
cachets, plutôt que des nœuds qui forçaient à briser les empreintes, ce qui
aurait rendu la découverte de la fraude plus facile. »
Il est certain que
de l’ensemble de cet exposé et des détails qu’il renferme résulte positivement
l’intention d’accuser M. Tallois d’avoir opéré la substitution des
échantillons. Il est impossible de sortir de là.
Maintenant, au lieu
de reprendre par le commencement, je vais remonter de la fin au commencement.
De tout ce que vous avez entendu, il résulte positivement que ce n’est pas par
l’enlèvement des cachets et en conséquence par la possession du cachet, qu’a pu
s’opérer la substitution des échantillons ; d’après cela je demande pourquoi
celui qui était possesseur du cachet serait plutôt qu’un autre soupçonné
d’avoir opéré la substitution.
On dit que pour
pouvoir s’introduire dans le cabinet où sont les bocaux, et pour opérer la
substitution des échantillons, il fallait ne pas rester longtemps pour ne pas
éveiller l’attention du directeur de la pharmacie centrale, qui lui-même se
trouvait presque toute la journée dans ce cabinet. Je ne veux certainement pas
accuser le directeur de la pharmacie centrale ; j’ai dit plusieurs fois qu’il
ne pouvait être soupçonné par personne. Mais je demande pourquoi, au lieu du
contrôleur qui ne se trouvait que rarement dans ce cabinet, on ne soupçonnerait
pas celui qui s’y trouvait continuellement. Le directeur de la pharmacie
centrale n’est pas le seul dans ce cas. Les expertises de quelque importance,
les analyses ont lieu à la pharmacie centrale. L’expert chargé de l’expertise
reste au moins aussi longtemps que le contrôleur. Pourquoi donc ne
soupçonnerait-on pas l’expert tout aussi bien que le directeur et le contrôleur
?
On semble partir de
ce point que le contrôleur est porteur du cachet et l’on détruit en même temps
tout cet échafaudage en disant que le cachet ne peut conduire à rien. Il me
semble que cette accusation calomnieuse se détruit par elle-même.
Quant à l’opération
même de l’ouverture de ces nœuds mal faits et de la possibilité de les
réformer, voici ce qui s’est passé :
Lorsque la
dénonciation fut faite qu’il existait à la pharmacie centrale des bocaux
irrégulièrement fermés, le ministre de la guerre donna sur-le-champ l’ordre à
MM. de Bassompierre et Teymans de se transporter à la pharmacie centrale de
vérifier la chose et de mettre tous les bocaux sous scellé. Cela eut lieu, et
les bocaux sont restés dans cet état jusqu’au moment où les échantillons ont
été révisés pour les adjudications de 1837. La révision a été faite par un
certain nombre de médecins désignés par le ministre de la guerre. Ces médecins
ont signé un procès-verbal portant que s’il est possible et facile jusqu’à un
certain point d’ouvrir les bocaux, ils ne comprennent pas comment on ferait
pour les refermer. Mais voilà un deuxième point regardé comme douteux, ce qui
ferait que l’irrégularité de la fermeture des bocaux ne peut, en général,
conduire à une fraude.
On dit que les
bocaux ainsi fermés d’une manière irrégulière renfermaient des substances du
prix le plus élevé, et de l’usage le plus journalier, et que ceux régulièrement
fermés ne renfermaient que des substances de peu de valeur ou d’une petite
consommation. Ceci a été écrit en juillet
Il y a des
substances qui adhèrent au bocal, notamment la poix. Certainement on ne pouvait
en opérer la substitution.
Il y a des
échantillons inutiles, parce que les substances qu’ils représentent ne sont pas
reçus par suite de la comparaison avec l’échantillon, mais par analyse.
Enfin, quand on a
fait abstraction des objets du service vétérinaire, on a trouvé que depuis
plusieurs années, en admettant même que les substances relatives au traitement
de la gale puissent encore être utiles, l’achat de médicaments de la nature de
ceux renfermés dans les 24 bocaux pouvait s’élever à environ 2,000 fr.
Depuis on a reconnu
que la somme devait être portée plus haut par la raison que différents objets
servant au traitement des chevaux ont été fournis par la pharmacie centrale, et
étaient représentés par ces échantillons. Mais il faut faire attention que la
pharmacie centrale n’a été chargée de pourvoir aux besoins du service
vétérinaire que depuis 1835, et que c’est en 1833 que les 24 bocaux out été
laissés dans l’état où on les a trouvés.
Maintenant je viens
à l’origine du fait.
On dit que M.
Pasquier, alors expert, a adressé à l’inspecteur-général, un procès-verbal
constatant la substitution des échantillons et l’expertise qu’il a faite. Cela
n’est pas exact : M. Pasquier a écrit à l’inspecteur-général et lui a dit
seulement que, croyant que des substitutions d’échantillons avaient eu lieu, il
demandait à pouvoir apposer son cachet sur les bocaux. Il me semble que de là il
résulte qu’il voulait ajouter son contrôle à celui de M. Tallois.
Quoi qu’il en soit,
il y avait 300 bocaux renfermant des échantillons à la pharmacie centrale.
Aussitôt qu’il eut reçu la lettre du pharmacien Pasquier, l’inspecteur-général
ordonna une révision de tous les échantillons et la rédaction de procès-verbaux
pour le cas où l’on trouverait des échantillons falsifiés. Cette révision eut
lieu et constata que sur les 300 bocaux 276 étaient bien fermés et 24 mal
fermés. Ces 24 bocaux qui renfermaient des substances d’espèces différentes
ont-ils été laissés dans cet état dans une intention de fraude ? Voilà ce
qu’affirme l’accusation. Est-ce à croire ? Voilà ce que la chambre aura à
jurer.
Pour moi, en
présence des faits tels qu’ils sont présentés, je ne puis considérer cette
allégation que comme calomnieuse.
Je viens à la
sixième question posée par l’honorable M. Liedts :
« 6° Est-il vrai que dans le courant de cette
année la révision des échantillons-types a révélé dans le sulfate de quinine
l’existence de matières étrangères ? En cas d’affirmation, ces matières
sont-elles nuisibles, et quelle a été la conduite du gouvernement à cet égard ? »
Je pense que c’est
de l’année actuelle que l’honorable membre a voulu parler. Il s’agit
d’échantillons de quinine.
Je ferai observer
que ce fait sur lequel j’ai donné quelques détails à l’assemblée est en dehors
des accusations portées en 1836 contre l’inspecteur général de santé.
Le fait est exact,
le sulfate de quinine a été mélangé de salicine. Ce fait est certainement
remarquable. Mais la question à laquelle il s’agit de répondre : « Ce
mélange était-il nuisible ? » je crois que je puis répondre d’une manière
négative. Je m’appuie pour répondre ainsi sur ce que j’ai dit dans cette
enceinte il y a plusieurs jours, sur ce que tous les médecins de nos hôpitaux
et de nos infirmeries ayant été avertis que pendant six ou neuf mois ils
n’avaient eu à leur disposition que du sulfate de quinine mélangé d’un huitième
de salicine, on leur a posé la question : « Avez-vous trouvé une
différence dans les effets du sulfate de quinine pendant cette période et
pendant celle où il est certain que vous n’avez eu à votre disposition que du
sulfate pur ? »
Je prie l’assemblée
de remarquer que nous sommes certain que, pendant un certain temps, il n’y a eu
que du sulfate pur entre les mains des officiers du service de santé, parce que
la seconde fourniture de Paepe avait été rejetée entièrement par la raison que
dans l’intervalle de la réception de novembre et de celle qui devait avoir lieu
en décembre, on a reconnu le véritable moyen de découvrir la falsification du
sulfate de quinine.
J’ai déjà dit que
sur les 12 rapports qui m’avaient été envoyés, huit établissaient avec des
détails très circonstanciés qu’ils n’avaient remarqué aucune espèce de
différence dans les effets du sulfate de quinine qu’ils avaient employé dans
les deux périodes ; que deux avaient remarqué que le sulfate de quinine mélangé
avait produit de meilleurs effets et que deux autres avaient trouvé que
d’autres médicaments appliqués au même cas avaient produit un moins bon effet.
En m’appuyant sur
ce fait, sans aucun égard aux mémoires sur la salicine publiés en Autriche, en
Italie, en France et dans notre pays, mémoires que j’ai en partie parcourus et
qui tous accordent à la salicine une vertu fébrifuge très forte, je puis dire
que les matières introduites dans la quinine n’ont pas été nuisibles.
Quelle est la
conduite du gouvernement à cet égard ? La découverte du moyen de constater la
présence de la salicine dans le sulfite de quinine n’est pas ancien. Le
gouvernement a tenu la seule conduite possible. J’ai dit qu’une enquête était
faite pour s’assurer si, lorsqu’on a admis les échantillons, on connaissait la
falsification du sulfate de quinine par la salicine. Le rapport n’est pas fait,
mais en attendant je puis rappeler quelques circonstances qui peuvent faire
pressentir le résultat de cette enquête.
L’échantillon
existe depuis 1832 ; mais le sulfate de quinine n’est pas reçu sur échantillon
type ; il est reçu sur analyse.
Ainsi, la
circonstance que cet échantillon n’était pas pur, n’a exercé aucune influence
sur les réceptions qui ont eu lieu. Une autre circonstance, assez remarquable
prouve qu’on ne connaissait pas la sophistication du sulfate de quinine par la
salicine, c’est que dans une réception qui eut lieu en 1832 ou 1833 on trouva
que le sulfate de quinine était mélangé. Pour s’assurer s’il était pur ou non,
on prit une partie de l’échantillon, et on trouva le même résultat. Le
pharmacien qui fit l’opération en conclut que le sulfate présenté était bon,
puisque l’examen de l’échantillon présentait le même résultat.
On ne connaissait
pas la cause du résidu qu’on trouvait, et on l’attribuait au mode de
fabrication.
Un membre. - A quelle époque cela a-t-il eu lieu ?
M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - En
1833 ; et l’échantillon avait été enfermé en 1832.
Je ne sais si
l’honorable M. Liedts aura trouvé que j’ai répondu d’une manière satisfaisante
à la question, mais toujours est-il que la pureté de l’échantillon est
indifférente pour la quinine qu’on a reçue ; on ne devait même pas l’avoir.
Septième question :
« Est-il vrai que le linge et la
charpie qui furent livrés gratuitement en 1831 et 1832 au service de santé, ont
été portés en compte au département de la justice, pour le service des prisons
? »
Je me suis arrêté
ici dans le travail que j’ai fait sur les questions posées par l’honorable M.
Liedts avec les libellés mêmes de l’accusation. Je demanderai la permission de
donner des explications d’après mes seuls souvenirs.
La charpie et le
linge de pansement qui ont été livrés gratuitement au service de santé en 1831
et 1832, ont été portés en compte au département de la justice pour le service
des prisons, c’est-à-dire qu’on les a portés en compte avec une valeur ; mais
cette valeur n’était que celle des frais d’administration, d’emballage et de
transport ; et aucune valeur d’achat n’a été donnée par la pharmacie centrale
au linge et à la charpie dont il s’agit.
Huitième Question :
« Est-il vrai qu’à la fin de
Cette charpie fut
adjugée à la dame Poiré. Les soumissionnaires étaient la dame Poiré et la dame
Verbreek. La soumission de la dame Verbreek était à 4,80 le kil., et celle de
la dame Verbreek avait été seulement de 3,75. La différence, comme on voit,
était moindre que celle indiquée. La préférence fut, dit-on, donnée à la
personne qui avait demandé le prix le plus élevé. Ceci est tout à fait inexact.
L’ordre fut donné au directeur de la pharmacie centrale d’acheter de la charpie
des dames Poiré et Verbreek, si elles pouvaient en fournir de conforme à
l’échantillon au même prix.
« En réponse à
votre lettre du 19 de ce mois (août 1835), écrivait l’inspecteur-général au
directeur de la pharmacie centrale, vous pouvez passer contrat avec Mme Poiré
et Verbreek pour la charpie conforme aux notes ci-jointes. Vous me le ferez
parvenir dans le plus bref délai possible, pour le soumettre à l’approbation du
ministre. »
Ainsi la fourniture
de la charpie n’a pas été accordée à un seul fournisseur, mais les deux ont été
admis à fournir, au même prix, à la condition qu’elle serait conforme à
l’échantillon ; seulement le second n’en a pas présenté.
Neuvième question :
« Est-il vrai que du cahier des
charges de 1836 pour la fourniture des médicaments, on a soustrait 19 des
principaux médicaments, pour en accorder la fourniture de la main à la main ? »
Ceci est vrai ;
mais c’est le fait du ministre de la guerre exclusivement, et en aucune façon
de l’inspecteur général. J’ai déjà dit, répondant à l’interpellation de M. A.
Rodenbach sur la falsification du sulfate de quinine, et à celle de M. Desmet
sur le prix, j’ai dit qu’il existaient à Bruxelles une école de commerce et
d’industrie, dans laquelle on avait établi une fabrique de produits chimiques,
et que pour encourager cet établissement, le ministre de la guerre lui avait
accordé la fourniture d’une certaine quantité de médicaments. Voilà pourquoi ce
sulfate a été donné en marché particulier. Et, à ce sujet, j’ai même fait
remarquer qu’il y avait erreur, dans le prix qu’on indiquait, puisque ce marché
avait été fait à 230 et non à 260 comme on l’avait annoncé, et dans
l’accusation on prétend que le prix est de 10 p. c. trop élevé, ce qui
réduirait à 207. La différence n’est pas grande. Il est vrai que cette
fourniture a été donnée de la main à la main ; mais directement par le ministre
de la guerre, sans aucun concours de la part de l’inspecteur-général.
Dixième question :
« Est-il vrai que toutes les
fournitures de bureau, et de matériel du service des hôpitaux militaires du
royaume ont été de tout temps données sans publicité ni concurrence ? »
Cela est vrai ; mais
il a été fait une tentative pour mettre en adjudication ces fournitures. On a
prétendu que cette tentative n’avait pas pu avoir de succès, parce que
l’annonce de la fourniture de papier et de plumes se trouvait confondue avec
celle des médicaments. Les fournitures de la pharmacie centrale se font par
série, comme la fourniture des différentes branches du service de l’armée. Ces
séries se composent quelquefois de choses qui n’ont entre elles aucun rapport.
Il y avait une série pour toutes les fournitures du bureau de la pharmacie
centrale ; aucun adjudicataire ne s’est présenté. On a alors acheté au prix des
fournisseurs du département de la guerre, sauf une fois qu’on avait reçu une
soumission plus avantageuse d’un marchand de papiers très connu de Bruxelles.
J’ai maintenant
fait exclure ces fournitures des objets qu’achète la pharmacie centrale, non
pas que je pense qu’il y ait eu concussion dans ces achats, mais parce qu’il
m’a semblé qu’il n’était pas nécessaire d’acheter à Bruxelles ce que chaque
hôpital peut se procurer directement et sur les lieux, et d’un autre côté que
si l’acquisition de ces objets pouvait donner lieu à des bénéfices illicites,
de cette manière leur faible importance en détournerait.
J’ai répondu à
toutes les questions que l’honorable M. Liedts a posées. Je passe à quelques
autres prétendus griefs.
« Dans les
premiers jours de
« Ces meubles
furent transportés au domicile du chef du service sanitaire, rue du Lombard,
pour servir à la décoration de ses appartements ; ils y restèrent jusqu’au 7
février 1834 à sept heures du soir, moment où deux ouvriers ébénistes vinrent
les enlever et allèrent les déposer nuitamment au local de la pharmacie
centrale.
« Il est bon de
noter que ces meubles de luxe avaient été portés dans les états de comptabilité
de la pharmacie centrale de 1831 au chapitre mobilier, sous la dénomination de
cartonniers, et que le transport clandestin de ces objets coïncide d’une
manière remarquable avec les premières révélations de la presse sur les fraudes
du service sanitaire de l’armée et les causeries d’un pharmacien de première
classe mis en non-activité.
« Ces meubles
sont si beaux et d’un prix si élevé que les employés de la pharmacie centrale les
ont fait placer dans un endroit isolé où l’on ne s’en sert pas, de crainte de
les endommager. »
Messieurs, les deux
meubles ont coûté ensemble 132 florins ; je ne sais si l’on peut présenter de
tels objets comme objets de luxe et d’un si grand luxe. Comme ils figurent sur
la comptabilité de la pharmacie centrale en 1831, il est évident que personne
n’a eu l’intention de se les approprier.
On les a
transportés, dit-on, nuitamment et d’une manière clandestine, à sept heures du
soir. Messieurs, j’ai acheté quelques meubles à Bruxelles, et c’est
ordinairement à la fin de la journée que les ouvriers les ont apportés chez
moi. Sept heures du soir n’est d’ailleurs pas une heure si avancée.
On dit que l’époque
où ils ont été réunis à la pharmacie centrale coïncidait avec l’époque des
premières révélations de la presse. Ils ont été transportés en 1834 au moment
où un local avait été désigné pour servir de bureau à la commission chargée
d’aviser au moyen de guérir et de prévenir l’ophtalmie ; il fallait des meubles
dans ce bureau, et les meubles dont il s’agit y furent portés.
L’inspecteur-général,
dit-on, n’aurait pas dû avoir ces meubles chez lui s’ils n’avaient pas été
achetés pour lui comme inspecteur-général ; mais en 1830 l’inspecteur-général
n’existait pas seul à la tête du service sanitaire ; ce service était confié à
une commission de santé ; et en attendant que cette commission eût un local
particulier elle se réunissait chez l’inspecteur-général. Ce fut cette
commission ou ce conseil de santé qui commanda les meubles. Ainsi tous les
faits dont il s’agit sont étrangers à celui auquel on les impute.
Voici le second
fait :
« Depuis
novembre 1830, Pierre Maginel, alors enfant de 12 à 13 ans, a été porté sur les
états du personnel des employés de la pharmacie centrale dont il signait les
listes d’émargement en qualité d’homme de peine. Ces états ont été signés et
approuvés par M. l’inspecteur-général ; il était payé à raison d’un florin par
jour, quoiqu’il fût exclusivement au service de M. Vleminckx. »
Pour apprécier ce
fait, on s’est transporté au bureau de l’état-civil et il a été reconnu qu’au
mois de novembre 1830, Pierre Maginel qu’on représente comme un enfant, avait
dix-huit à dix neuf ans ; par conséquent il aurait bien pu faire le service
d’homme de peine.
« Le 9 février
1832, ce jeune homme, sans connaissances préliminaires, sans antécédents
médicaux, fut nommé élève de deuxième classe soldé, à la pharmacie centrale, et
continue jusqu’à ce jour, malgré sa nomination, ses fonctions de garçon de
bureau chez M. l’inspecteur-général. C’est lui qui remplit encore près de
l’administration centrale du service de santé, les fonctions de facteur de la
poste aux lettres. »
Ce fait est
complètement dénié. Quant aux fonctions d’élève de seconde classe qu’il
remplissait, elles se sont bornées jusqu’ici à emballer et à déballer. Je crois
que tous les droguistes ont un garçon employé à ce travail. Qu’on donne à ces
garçons le titre d’élève ou qu’on ne le leur donne pas, pourvu qu’ils ne
reçoivent pas un traitement hors de proportion avec leurs fonctions, il ne peut
en résulter aucun inconvénient.
On dit que c’est
sans aucune formalité que ce jeune homme a été admis comme élève de deuxième
classe ; mais il existe une lettre de M. Vanden Corput qui atteste que ce jeune
homme a été convenablement examiné et qu’ils été jugé digue d’obtenir le titre
dont il s’agit.
« Il est à
remarquer que M. Vleminckx reçoit pour ses frais de bureau la somme de 3,000
fr., indépendamment de tous ses imprimés, et que l’on a fait infliger, à un médecin
de garnison honoraire, quinze jours d’arrêts forcés, pour avoir fait solder, en
qualité d’infirmier, un individu exclusivement à son service. »
Ce dernier fait
tend à établir un rapprochement perfide pour en envenimer d’autres ; mais ce
rapprochement fait plus que montrer les intentions coupables de ceux qui l’ont
articulé.
Cependant je ferai
observer que les frais, pour l’inspecteur-général, sont de 1,800 fr. et non de
3,000 fr. ; et les frais pour les prisons ne vont pas à 800 fr. pour cet
inspecteur-général et pour ses employés ; ainsi il y a évidemment exagération
dans les accusations.
Je trouve ici un
quatrième fait qui n’est pas renfermé dans les questions de l’honorable M.
Liedts.
« L’inspecteur-général
ayant fait une opération du même genre en 1832, et appréciant toute la portée
de l’irrégularité dont elle était entachée, pria M. Verzyl, directeur de la
pharmacie centrale, de signer les états, en lui recommandant de déclarer que
lui Verzyl avait fait les achats au meilleur marché possible.
« Cet employé
répondit à M. Vleminckx, que celui qui avait opéré les achats n’avait qu’à
déclarer les avoir faits au meilleur marché possible ; que quant à lui il se
refusait à signer une semblable déclaration : l’inspecteur-général lui répondit
officiellement, sans doute, afin de l’intimider et lui forcer la main, que dans
le cas ou il persisterait dans son refus de signer les états, il le
considérerait comme dilapidateur de la fortune publique. Malgré cette menace M.
Velzyl refusa de consentir la demande de M. Vleminckx.
« La formule
que devait signer M. Verzyl prouvait à l’évidence que le directeur de la
pharmacie centrale aurait dû faire les achats. Comment donc expliquer
l’intervention de M. Vleminckx, dans une acquisition qui sortait évidemment de
ses attributions ? »
Ceci me donne
l’occasion de répéter à la chambre qu’il n’entre pas dans les attributions de
l’inspecteur-général de faire aucun achat de médicaments. Cela fait partie des
attributions du directeur-général de la pharmacie centrale, en suite d’une
décision du conseil de santé. Ce conseil comptait au nombre de ses membres le
pharmacien en chef de l’armée ; et quand on a organisé la pharmacie centrale,
ce dernier fonctionnaire en est devenu le directeur.
En 1832, plusieurs
adjudications ont été faites ; cependant on jugea convenable d’acheter de la
main à la main plusieurs substances ; tous ces achats furent faits par le
directeur de la pharmacie centrale.
Une formalité
s’accomplissait pour tous ces achats ; on mettait au bas des états de paiement
: « acheté au meilleur marché possible. »
M. Verzyl se refusa
à remplir cette formalité et y mit ensuite beaucoup de mauvaise volonté.
L’inspecteur-général du service de santé ayant demandé qui avait fait les
achats, M. Verzyl répondit que s’il avait fait les achats, il les avait conclus
aux prix de son prédécesseur. L’inspecteur-général objecta : « qui vous
forçait à faire les achats aux mêmes prix ? » Malgré ces difficultés, on
parvint à faire employer la formule dont il s’agit.
Je m’arrêterai ici
dans cet exposé des faits. Je crois avoir parcouru les faits principaux compris
dans l’accusation générale ; si on veut avoir d’autres éclaircissements, je
suis prêt à les donner. D’ailleurs, les faits sur lesquels je n’ai rien dit
peuvent être l’objet d’interpellations analogues à celles qu’a faites
l’honorable M. Liedts, et je m’empresserai d’y répondre.
Avant de terminer,
je dois dire quelques mots sur ce que j’ai fait moi-même dans toute cette
affaire.
Je viens de
parcourir les accusations telles qu’elles sont articulées dans un écrit que
vous connaissez. Je suis sorti du vague dans lequel flottait la chambre depuis
plusieurs jours.
Je m’applaudis
d’avoir eu l’occasion de vous faire connaître l’accusation dans tons les
détails ; je désire, messieurs, la plus grande publicité possible. Lorsque je
suis entré au ministère je n’avais sur tous ces objets que des notions assez
vagues : je connaissais toutes les déclamations de la presse contre
l’inspecteur-général, mais je connaissais peu de faits de détail ; deux mois se
sont passées avant que la pièce dont je viens de faire usage, et qui est la
véritable base de l’accusation, fut entre mes mains ; tout ce que j’ai pu voir
dans cette accusation, ce sont des assertions d’un seul homme, assertions dans
lesquelles on peut aisément remarquer beaucoup de perfidie : on s’y efforce en
effet à faire ressortir toutes les circonstances qui peuvent conduire à une
conclusion fâcheuse ; on ajoute même des faits dont la vérification était et
est extrêmement facile et qui sont cependant évidemment exagérés, en un mot on
aggrave, autant qu’on le peut, le mal, et on cache le bien ; c’est un véritable
pamphlet écrit dans le seul but de perdre un homme. En présence d’une telle
pièce, je vous avoue, messieurs, que je n’ai point du tout été tenté de punir
immédiatement l’accusé, mais je me suis réservé un examen très approfondi, car
l’accusation se présentait à moi sous des couleurs plutôt favorables à l’accusé
qu’a l’accusateur. Outre cela, il y avait un fait très grave pour moi, dans cette
accusation, c’est qu’elle était dirigée par un subordonné contre son chef ;
certes, si elle avait été rédigée eu termes convenables, je l’aurais accueillie
avec moins de défaveur : malgré sa forme vicieuse, je l’ai soumise à l’examen
le plus approfondi, je ne m’en suis pas rapporté à mes propres lumières, j’ai
consulté et j’attendais encore des avis sur toutes les pièces lorsque j’ai été
obligé de dire à la section centrale que je n’étais pas encore en mesure de lui
fournir tous les éclaircissements qu’elle aurait désirés. Les pièces que j’ai
déposées sur le bureau de la chambre ne sont pas des pièces que j’ai choisies,
ce sont celles qui ont été successivement remises à la commission chargée de
préparer le jugement du ministre mon prédécesseur, et dont l’examen des faits a
indiqué la nécessité ou l’utilité ; le choix de ces pièces a été entièrement
indépendant du ministre et indépendant de toutes les personnes qui
appartiennent à l’administration ; à mesure que les faits se sont présentés on
a demandé des éclaircissements et on est allé aux archives prendre les pièces
qui pouvaient fournir des lumières.
Comme je l’ai dit,
ne pouvant pas me prononcer sur-le-champ entre l’accusateur et l’accusé, j’ai
agi cependant comme si l’accusation était fondée ; je suis rentré dans les
termes de l’ancien règlement ; j’ai retiré à l’inspecteur-général du service de
santé toute intervention dans les adjudications, tout contrôle sur les
adjudications, tout contrôle sur les fournitures mêmes, autre que celui qui
résulte de la proposition périodique d’un certain nombre de médecins parmi
lesquels le ministre fait un choix.
C’est là l’esprit
de l’arrêt primitif, et je pense que c’est le véritable, car il n’entre pas
dans les fonctions de l’inspecteur général de se mêler des adjudications : son
service doit se borner à veiller à ce que la pharmacie centrale soit toujours
approvisionnée ; il doit être à la disposition du ministre de la guerre pour
donner son avis sur toutes les questions qui intéressent la santé du soldat et
autres points essentiels ; il doit être le véritable chef du personnel : c’est
lui qui doit faire les propositions pour la répartition du service et
l’avancement des médecins. Cependant, si le ministre restait isolé, il se
trouverait toujours sous la dépendance de l’inspecteur-général, il n’aurait
qu’un seul homme d’après lequel il pût former son avis ; eh bien, dans l’état
de défiance où la presse et l’accusation m’avaient jeté, j’ai pris des mesures
que je prendrais encore, maintenant que cette défiance n’existe plus, pour
attacher au ministère de la guerre un médecin, afin que, dans toutes les
circonstances possibles, je puisse immédiatement recevoir un avis, des
éclaircissements sur tous les points intéressant la santé du soldat, la qualité
des médicaments par exemple ; si un avis ne suffit pas, je puis en recevoir
deux et les contrôler l’un par l’autre.
D’après cela, je crois, messieurs, pouvoir affirmer que j’ai pris toutes
les mesures nécessaires pour prévenir des abus de l’espèce de ceux qui sont
reprochés au service de santé ; abus, je le répète, que je ne reconnais pas
avoir existé, car, je le dis encore une fois, il n’y a point eu de
malversations : je ne vois que des légèretés, des imprudences, des lacunes dans
la correspondance, circonstances dont on a profité pour charger
l’inspecteur-général ; mais des crimes, l’étude approfondie que j’ai faite des
pièces me permet de dire qu’il n’en existe pas. C’est sous l’influence de cette
étude, c’est après avoir cherché ma conviction en examinant les faits sous toutes
leurs faces que j’ai été amené, forcé d’ailleurs par la marche de la
discussion, à déclarer ce que je viens de vous dire : qu’il n’y a point eu de
malversations et que par conséquent, il n’y a point de mesures à prendre contre
celui auquel elles ont été reprochées.
M. A. Rodenbach (pour un fait
personnel.) - Je regrette messieurs, que je n’aie la parole que pour un fait
personnel et que je ne puis pas m’occuper des explications que vient de donner
M. le ministre et que j’appellerai un simulacre d’enquête fait sans entendre la
partie adverse.
L’honorable
ministre prétend que j’ai dit dans la séance d’hier, qu’on emploie dans les
fièvres des polders 30 à 60 grains de sulfate de quinine, j’ai dit qu’on
emploie 20, 30 à 40 grains et qu’à Paris on réussit avec 4 ou 6 grains ; je
crois pouvoir soutenir que ma réclamation est fondée, car je tiens en mains mon
discours et je n’ai pas parlé aux sténographes ni ne me suis pas rendu au Moniteur pour y faire des changements.
Peut-être M. le ministre a-t-il lu l’Emancipation
qui me fait effectivement dire les paroles que le ministre me prête ; mais j’ai
envoyé ce matin un erratum à ce journal pour faire rectifier l’erreur.
Relativement à ce qu’on a dit, du nombre des morts à l’hôpital de Gand, je
répondrai que c’est le cœur navré de douleur que j’ai appris qu’en 1835 et 1836
la mortalité a été si grande à Gand : c’est précisément à cette époque qu’on a
fait usage de la salicine, et ce n’est qu’en janvier dernier qu’on en a donné
connaissance ; n’est-ce pas là se jouer de la santé de nos soldats ?
Le ministre a parlé
de Nieuport où règnent le plus souvent les fièvres des polders. : on s’est
trouvé là sans sulfate de quinine parce qu’un seul médecin avait déclaré ne pas
en avoir besoin ; c’est donc sur l’avis d’un seul médecin qu’on traite nos
malheureux soldats ?
M. le ministre de la guerre (M. Willmar).
- Je répondrai d’abord, messieurs, au fait sur lequel l’honorable préopinant a
cherché à s’appuyer : l’absence de sulfate de quinine à Nieuport ; lorsque j’ai
appris qu’il n’en avait pas été envoyé, j’ai aussitôt demandé les raisons de ce
fait ; on m’a répondu que le rapport du médecin portait qu’il n’en avait pas
demandé parce que dans son opinion le quinquina rouge produit les mêmes effets
: sur-le-champ l’ordre a été donné d’envoyer immédiatement du sulfate de
quinine à Nieuport. L’honorable membre a dit qu’on livre la santé des soldats à
l’avis d’un seul médecin à Nieuport ; c’est un fait tout particulier que j’ai
cité pour prouver que l’opinion que le quinquina rouge ne peut pas être employé
n’est pas généralement admise ; j’ai ajouté qu’un autre médecin d’une localité
très différente avait aussi témoigné le regret que la provision fût épuisée :
ce sont là deux faits que j’ai cités pour prouver que l’efficacité du quinquina
rouge ne doit pas être légèrement admise.
Quant à la quantité
plus ou moins grande de sulfate de quinine que l’honorable préopinant a dit
être employée dans le traitement des fièvres je n’ai pas lu l’Emancipation, je n’ai pas lu le Moniteur pour savoir ce qu’il a dit ;
mais j’ai pris des notes ; du reste, tout ce que je tiens à constater, c’est
que le médecin de l’hôpital de Gand, dont on a invoqué l’autorité, a établi que
15 grains suffisent dans les cas les plus graves, tandis que pour la clientèle
civile il est obligé d’employer jusqu’à 20 grains.
De là j’ai conclu
ce fait très important que d’ailleurs il articule explicitement dans son
rapport, que le sulfate de quinine de l’hôpital de Gand dont on se plaint comme
de tous les médicaments de la pharmacie centrale, était meilleur que celui d’un
certain nombre de pharmacies de Gand.
M. F. de Mérode. - Messieurs, l’origine des
difficultés qui on eu lieu à l’occasion du service de santé entre M. le
ministre de la guerre et la section centrale, provient exclusivement du refus
de communiquer le rapport des généraux. En conversation particulière, j’ai
entendu beaucoup d’objections contre cette sorte de réticence du ministre qui
n’est pas suffisamment comprise de chacun. Non seulement je dis qu’un rapport
semblable ne doit pas être communiqué dans les principes d’une prudente
administration ; je dis en outre qu’il doit l’être aujourd’hui moins que
jamais. Voici pourquoi : la méchante presse, la presse du dévergondage, celle
dont un organe ne craint pas lui-même de prendre en grec le titre de
« génie puant, » cette méchante presse déchire ceux qui sont en
opposition avec ses compères et complices. Elle entre dans les détails de la
vie privée, elle les présente au besoin avec mensonge, on voit même des avocats
devant les tribunaux menacer les jurés pour leur faire absoudre les coupables ;
car aujourd’hui, messieurs, nous sommes sous les coups d’une odieuse tyrannie,
non pas du gouvernement, mais d’une publicité calomnieuse très redoutable,
puisqu’elle est sans frein.
M. Jullien. - C’est au nom du cabinet que vous
parlez.
M. Gendebien. - Laissez aller ; c’est un aveu.
M. F. de Mérode. - Dans un tel état de
choses, faut-il divulguer les rapports des commissions nommées pour éclairer
tel ou tel ministre ? Non, messieurs, rien ne serait plus fatal à la vérité, et
ce n’est point ainsi qu’on parviendrait à reconnaître que est le dilapidateur
ou quel est le calomniateur.
On n’y parviendrait
pas davantage par les poursuites en calomnies que l’on a si charitablement
conseillées à l’inspecteur du service de santé, lorsqu’on a vu le chef d’un
jury descendre publiquement de son siège pour embrasser un prévenu de calomnie,
acquitté sans avoir apporté la preuve des faits qu’il avançait, lorsqu’on a vu
des soldats condamnés à une peine énorme pour avoir, dans une caverne de
brigands cassé la figure à un miroir et le dos à un vieux cabriolet, tandis que
d’autre part les excitateurs de la dévastation de 15 maisons étaient affranchis
de toute peine quelconque.
M. Dumortier. - Vous insultez à la justice.
M. F. de Mérode. - Certes, messieurs, on peut
se défier des arrêts auxquels on s’expose, en paraissant aujourd’hui devant
certaines juridictions grâce à l’influence de la presse délétère qui jouit
actuellement, au grand regret des hommes de bien, de la plus coupable impunité.
Certes, si j étais accusé n’importe de quel méfait, je me garderais, dans
l’état actuel de notre législation, d’exercer aucune poursuite en réparation
judiciaire, tant on est parvenu à établir d’intimidation morale, à force de liberté
d’un certain genre, transformée en violence effrénée.
Messieurs, ne
laissez pas croire qu’il suffise de monter avec acharnement une émeute de
journaux contre un fonctionnaire, pour que la chambre se livre à des enquêtes,
et puisque l’on vous a dit hier que les journaux représentent l’opinion
publique, je soutiens que les journaux ne représentent rien de plus que
l’opinion des individus qui les rédigent bien ou mal. Et malheureusement il
faut le reconnaître, il en est plus de mauvais que de bons, parce que les
honnêtes gens abandonnent beaucoup trop l’exploitation de la presse
quotidienne. Aussi la considération pour cette presse est singulièrement
affaiblie. Cependant comme elle est un moyen très actif de publicité, qu’elle
peut être aussi utile que souvent elle est nuisible, les amis sincères de leur
pays, les défenseurs d une liberté tutélaire dont la licence est le fléau,
devraient s’unir davantage pour combattre par la presse quotidienne le
journalisme incendiaire, comme celui dont M. de Brouckere vous a cité hier des
extraits.
Messieurs, nous
appelons de tous nos vœux la lumière qui éclaire, non pas celle qui brûle, et
nous voulons la voir briller promptement ; mais l’émeute brutale et sournoise cherche
à prolonger les ténèbres, le conflit des pouvoirs est d’ailleurs son élément de
prédilection. Un ministre ferme, intelligent, qui peut rendre au pays
d’immenses services, vous a donné toutes les explications désirables.
Voulez-vous lui imposer dès son entrée aux affaires des mesures défiantes qu’il
n’a pas méritées ? S’il les acceptait, il affaiblirait évidemment l’influence
dont il a besoin. Et après toutes les investigations qui ont lieu dans cette
enceinte, ne suffisent-elles pas pour réprimer les abus s’il en existe ?
La sollicitude envers le soldat ne demande pas autre chose, mais le soldat, je
le dis hautement, n’est pas en cause dans la motion d’enquête préalable qu’on a
voulu établir contre tous les précédents.
On vous parle du droit d’enquête comme inutilement inscrit dans la
constitution, si vous ne l’exercez pas aujourd’hui. Et bien, messieurs, une
enquête administrative est un moyen constitutionnel de se débarrasser d’un
ministre suspect aux chambres ; ce moyen est à mes yeux préférable au refus des
budgets.
Messieurs, je ne
suis pas suffisamment instruit des usages incohérents de l’Angleterre, pour
citer les coutumes de ce pays ; mais depuis 1814, on ne citera pas un ministère
français qui ait subi une enquête de ce genre. Du reste, chacun a son libre
arbitre ; quant à moi, je déclare que le gouvernement belge devient un gâchis
où tous les pouvoirs se confondent à tout propos, je n’ai plus d’espérance ni
de voir la discipline maintenue dans l’armée, chose déjà difficile avec notre
système de gouvernement, ni de voir à la tête de cette armée aucun ministre
ferme et digne de ce nom. Dès lors, comme je suis convaincu que sans armée il
n’est point de Belgique, je préférerais renoncer à toute fonction législative
et gouvernementale, et je cesserais d’assister comme homme public à la
désorganisation de notre nouvel état social.
M. Dumortier. - Messieurs vous venez
d’entendre les paroles prononcées par M. le comte F. de Mérode en sa qualité de
ministre d’Etat. Du haut de la tribune nationale, un membre du cabinet parlant
au nom du cabinet a osé attirer la désapprobation publique sur les plus chères
de nos institutions, sur la liberté de la presse, sur le jury et sur la
magistrature. La magistrature qui y est ce qu’il y a de plus sacré dans un pays
constitutionnel n’a pas été à l’abri des reproches du préopinant.
Quand je vois de
semblables paroles prononcées en présence de ce qui se passe dans un pays
voisin, j’ai le droit de demander si c’est bien la pensée du cabinet ou la
sienne qu’il a exprimée dans cette circonstance.
Il faut que le pays
sache si on veut, comme en France, le doter de lois d’exception. C’est sans
doute ce qu’on veut faire entendre quand on vient de dire que dans votre
système gouvernemental actuel la discipline est impossible. C’est évidemment là
un appel à des lois d’exception.
Il faut donc,
messieurs, que nous connaissions ici si l’honorable préopinant a exprimé la
pensée du cabinet dont il fait partie. Son discours est une flétrissure jetée à
la magistrature et au pays dans la personne des jurés.
Il est donc de la
plus haute importance pour nous de savoir si les ministres qui siègent au banc
voisin du sien partagent ou non l’opinion qu’il vient d’émettre. J’espère que
M. le ministre de la justice, qui doit être le défenseur de la magistrature,
saura flétrir les paroles de son collègue et nous montrer ainsi que le
gouvernement n’y donne pas son approbation.
M. F. de Mérode. - M. Dumortier
transforme les paroles qu’on prononce contre son opinion d’une manière fort
singulière. Il me présente comme ayant attaqué les plus chères de nos
institutions ; je n’ai pas dit un seul mot de nos institutions, j’ai rappelé
des faits, des abus, je ne sais si les abus sont les plus chères institutions
de M. Dumortier ; mais j’ai lieu de le croire.
Quant à la
discipline, je n’ai pas dit qu’elle fût impossible avec notre système de
gouvernement, mais difficile. Il n’est pas un homme de bon sens qui ne
comprenne que la discipline est plus difficile avec un gouvernement comme le
nôtre qu’avec un gouvernement comme celui de
M. Dumortier m’a
reproché aussi d’avoir voulu flétrir la magistrature. Je n’ai pas parlé de la
magistrature, j’ai rappelé un fait, et j’ai dit que si quelqu’un était calomnié
et voulait exercer des poursuites, il s’exposait à se trouver dans une position
plus fâcheuse qu’auparavant. Je ne sais si c’est là attaquer la magistrature.
Quant à moi n’en
déplaise à M. Dumortier, qui regarde les abus comme ses plus chères
institutions, je déclare que je ne consentirai jamais à poursuivre qui que ce
soit en calomnie, quand on m’accuserait d’avoir empoisonné mon père et ma mère.
(On rit.)
M. le ministre de la justice (M. Ernst).
- Messieurs, je n’ai pas besoin de rassurer la chambre sur les intentions du
cabinet. Ceux qui ont entendu l’honorable comte de Mérode savent qu’il n’a pas
provoqué de lois d’exception, qu’il n’a pas dit un mot qui accusât la justice
ou les magistrats. Mais l’institution du jury réclame des réformes, c’est si
vrai que la chambre est saisie d’un projet de loi, dont nous nous occuperons,
j’espère, bientôt. Nous donnerons alors à cette institution les améliorations
qui sont réclamées par les jurisconsultes et par tout le pays.
Quant à la liberté
de la presse, elle n’est pas en danger ; il n’est que trop vrai que par la
presse ont eu lieu de graves excès dont les malheureux débats qui nous occupent
ont été la conséquence, et ce sont là des abus que tout bon citoyen doit
déplorer.
Il est très vrai
aussi que notre législation sur les injures et les calomnies est défectueuse.
Déjà j’ai annoncé dans l’autre chambre mon intention de présenter un projet de
loi pour mettre cette partie de la législation au niveau de nos institutions.
Si je n’ai pas
encore présenté ce projet, c’est que je désespérais qu’on pût s’en occuper dans
cette session. Mais j’ai pris l’engagement de présenter ce projet de loi le
plus tôt possible, je le remplirai.
M. Dumortier. - Je ne répondrai pas à
ce qu’a dit l’honorable préopinant que les abus étaient mes plus chères
institutions. J’ai assez de fois démontré que mes institutions à moi sont
celles que le congrès a fondées, celles qui émanent de la constitution. Je l’ai
assez de fois prouvé pour n’avoir besoin de répondre aux vaines allégations de
l’honorable préopinant.
Je ne puis assez
appeler votre attention sur les paroles imprudentes prononcées dans cette
circonstance. Si vous manquez au respect de la chose jugée, si vous attaquez
les jugements prononcés, si vous commencez par flétrir les jugements du jury et
des tribunaux militaires, où arriverez-vous ? Vous flétrissez l’institution du
jury quand vous prétendez qu’elle est entachée de vices ; quand vous prétendez
que le jury a accordé l’impunité à des coupables ; vous attaquez la
magistrature quand vous dites qu’un tribunal qui a condamnée des pillards a abusé
de son droit. C’est là une véritable anarchie. Il y a véritablement anarchie
quand un membre du cabinet vient accuser d’iniquité la justice du pays.
Si vous voulez que
le pouvoir soit respecté,, commencez par respecter la justice. Car, si vous ne
la respectez pas, vous vous exposez aux plus grands de tous les maux.
M. F. de Mérode. - M. Dumortier
prétend que j’ai attaqué les institutions, parce que j’ai signalé certains
jugements sur lesquels j’ai émis mon opinion.
Quand en France il
s’est agi de la loi de disjonction, l’opposition n’a-t-elle pas parlé de
l’arrêt de Strasbourg avec très peu de considération ? Personne n’a trouvé que
ce fût là attaquer les institutions, à moins qu’on ne trouve que les opposants
les attaquent aussi.
M. Gendebien. - Ce sont ceux qui voulaient la
loi de disjonction et non les opposants qui attaquaient l’arrêt de Strasbourg.
M Pirson. - On sait que M. F. de Mérode est très
impressionnable. Il a demandé la parole comme ministre d’Etat ; mais chacun de
nous a vu qu’il était occupé à écrire son discours. Ainsi il n’a pas consulté
ses collègues pour prononcer les paroles que nous avons entendues et que nous
apprécierons chacun de notre côté comme nous croirons devoir le faire..
M, Dumortier s’est
trompé quand il a pris comme émanant du ministère les paroles de M. de Mérode.
Il en résulte que les questions qu’il veut adresser an ministère vont encore
amener ici une occasion de désaccord soit entre les ministres eux-mêmes soit
entre la chambre et les ministres. Nous n’avons pas besoin de ce nouvel
incident. Nous avons montré notre confiance aux ministres, je ne crois pas
qu’il oserait venir faire des propositions contraires à notre constitution. Quand
ils en présenteront nous saurons fort bien les repousser. Les ministres sont
nos amis ; ils cesseraient de l’être s’ils nous proposaient une lettre
contraire à la constitution.
Je crois que nous
devons continuer la discussion sans nous occuper du discours de M. de Mérode.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires
étrangères (M. de Theux). - Voilà le quatrième jour que dure cette
discussion, et véritablement nous devons avouer que nous ne sommes guère plus
avancés qu’au début. Je pense donc, messieurs, qu’il serait inutile de perdre
davantage de temps dans une discussion de cette nature. Le principe de
l’enquête et ses conséquences dans le cas actuel ont été suffisamment discutes
de part et d’autre pour que chacun ait une opinion entièrement formée. Je pense
qu’il y aurait lieu de voter sur les propositions faites par MM. Milcamps et
Lejeune et subsidiairement sur la proposition de la section centrale.
Quant à moi, je ne
fais pas le moindre doute que si la chambre pense avoir besoin de lumières
ultérieures, ce sera à la proposition de M. Lejeune qu’elle s’arrêtera,
proposition à laquelle le ministre de la guerre a lui-même formellement adhéré
et qui lui fournira l’occasion de donner encore tous les éclaircissements que
la chambre peut désirer pour son apaisement.
Ainsi je crois que l’on ferait mieux de fermer la discussion ; car toute
discussion ultérieure est complètement inutile.
M. le président. - La demande de clôture
est-elle appuyée par 10 membres ?
- Plus de 10
membres se lèvent pour la clôture.
M. de Jaegher. - Je demande la parole contre
la clôture.
Dans le
commencement de la discussion j’ai annoncé que j’avais des observations à présenter.
Comme elles portent sur le système générale d’administration, et en outre sur
l’organisation du service de santé, je désirerais être entendu soit avant soit
après la clôture.
M. Dumortier. - Vous trouverez sans doute, comme
moi, fort étrange la motion que vient de faire M. le ministre du l’intérieur.
Hier, au
commencement de la séance, on nous distribue des questions posées par un
honorable membre et nous n’en avons pas même pris connaissance, que M. le
ministre de la guerre tire de sa poche un réponse écrite. Aujourd’hui M. le
ministre de la guerre a continué sa réponse ; et l’on voudrait clore la
discussion sans nous entendre. Vraiment cela est trop fort.
M.
Liedts. - Je demande la parole pour un fait personnel.
M. Dumortier. - Comment ! depuis quatre jours
que dure la discussion vous dites vous-même qu’elle n’a fait aucun pas et vous
prétendez qu’il faut écarter l’enquête ; mais c’est une preuve qu’il faut une
enquête ; si la discussion n’a fait aucun pas, il faut qu’une enquête soit
faite.
Je dis qu’il est
impossible, dans l’état de la discussion de prononcer la clôture. Il faut que
chacun de nous puisse exprimer sa pensée. C’est pour nous un devoir de nous
expliquer sur les faits. Il faut savoir si l’on examinera ultérieurement soit
par une enquête soit en instituant la section centrale comme commission
d’enquête.
Quant à moi je suis inscrit et je réclame mon tour d’inscription. J’ai
cédé hier la parole à un honorable collège. Je demande maintenant à parler.
Plusieurs orateurs sont également inscrits. Je ne pense pas que l’on puisse
clore ainsi une discussion aussi grave. Il s’agit des questions les plus
palpitantes ; il s’agit d’une mortalité considérable dont jamais on n’a vu
d’exemple dans le pays. (Dénégations.)
Oui, messieurs, il
s’agit d’une mortalité sans exemple ; il s’agit de vols, de sophistications, de
concussion.
Vous ne pouvez
voter la clôture.
D’ailleurs j’ai
déposé sur le bureau une proposition que je dois développer.
« Je demande
que le ministre de la guerre soit invité à déposer sur le bureau le rapport de
la commission administrative et judiciaire, sur les abus du service de santé
qui a été annonce à la chambre par le ministère, dans la séance du 15 novembre
dernier. »
J’ai le droit,
avant que la clôture soit prononcée, d’être entendu dans les développements de
cette proposition.
M. Liedts. - Vous venez d’entendre
l’honorable député de Tournay dire qu’à peine ma proposition était sur le
bureau, que le ministre de la guerre a tiré de sa poche une réponse écrite.
S’il a voulu insinuer par là que je me suis entendu avec M. le ministre de la
guerre, je repousse de toutes les forces de mon âme une pareille imputation.
Heureusement ma conduite parlementaire me dispense d’y répondre, surtout
lorsqu’elle émane de M. Dumortier.
(Mouvement.)
Depuis 4 jours, M.
le ministre de la guerre nous a annoncé qu’il était prêt à répondre sur tous
les faits. Les faits énoncés dans mes questions, où les ai-je puisés ? Dans une
brochure qui a été publiée et nous a été distribuée et que M. le ministre de la
guerre a pu lire comme nous. Par conséquent, depuis 4 jours que dure cette
discussion, je ne suis pas étonné que sa réponse soit prête.
Dans tous les cas,
je n’avais pas même besoin de donner cette explication.
M. le ministre de la guerre (M. Willmar).
- Je me bornerai à répondre à M. Dumortier, que je lui offre de chercher mon
discours écrit dans les papiers qui sont là devant moi.
La pièce que j’ai
tirée de ma poche que j’ai lue hier et aujourd’hui, est la copie de
l’accusation dirigée contre l’inspecteur-général du service de santé.
Je le répète à
l’honorable M. Dumortier, pour lui apprendre a ne pas hasarder des faits aussi
légèrement qu’il se le permet. Je l’invite à venir chercher mon discours parmi
les papiers que j’ai près de moi. S’il le trouve je lui accorderai qu’il a dit
la vérité, mais alors seulement.
M. Jullien. - Comme on pourrait prononcer la
clôture, quoique je pense que décemment on ne puisse pas le faire quant à
présent, je demande la parole pour un fait personnel.
Je n’ai pas voulu
interrompre la discussion pour ce fait personnel. Mon intention étant de
m’expliquer lorsque mon tour de parole serait venu, mais maintenant j’y suis
obligé.
Voici le fait :
Dans une précédente séance, j’ai dit que la commission d’enquête,
c’est-à-dire la commission des généraux et des intendants avait été instituée
par arrêté royal, et j’en ai tiré la conséquence que, si ce fait était vrai, il
y avait en quelque sorte quelque chose de ridicule à parler d’un rapport
confidentiel, parce que je ne pouvais pas plus comprendre un arrêté royal
confidentiel qu’une loi confidentielle. On m’a répondu par une dénégation
sèche. Malgré cette dénégation, je déclare à la chambre que je suis autorisé à
croire que j’ait dit la vérité ; car nous avons aussi quelquefois des rapports
confidentiels. Eh bien, si la commission n’a pas été instituée par arrêté
royal, elle l’a été par ordonnance royale. A cet égard, si l’on veut encore
m’opposer une simple dénégation pour vider le débat, je déclare que je ne m’en
contenterai pas. Si une commission d’enquête a été nommée par ordonnance du
Roi, il y a eu des commissions délivrées. S’il en est ainsi, qu’on nous
présente ces commissions ; car, si des rapports sont confidentiels, tout au
moins les nominations des commissaires ne le sont pas. La chambre pourra juger
alors si c’est par ordonnance du Roi ou par simple mesure de précaution, et
mystérieusement que la commission a été nommée. Mais si les pièces ne sont pas
représentées, soit dans d’autres feuilles et d’après ce que j’ai entendu dire,
je resterai convaincu que la commission a été instituée par ordonnance royale,
et qu’ainsi le rapport n’a rien de confidentiel.
M. le ministre de la guerre (M. Willmar).
- L’honorable M. Jullien prétend qu’il y a eu une ordonnance ou un arrêté,
comme il voudra l’appeler.
Pour moi, je
soutiens que le Moniteur n’a annoncé,
ni dans sa partie officielle, ni dans sa partie non officielle, la nomination
de la commission dite d’enquête.
Maintenant ce que
j’ai dit que la commission a été désignée par lettres du ministre de la guerre,
nominativement adressées à chaque membre, est parfaitement exact. Ce qui est
vrai seulement, c’est qu’avant de nommer cette commission, le ministre de la
guerre a fait, comme cela arrive dans toutes les circonstances de quelque
gravité, un rapport au Roi pour lui rendre compte du projet qu’il avait de
procéder de cette manière, et que tout simplement la signature royale a été
mise au bas de ce rapport ; mais il n’y a eu ni ordonnance, ni arrêté, ni rien
de semblable.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires
étrangères (M. de Theux). - Je ne pense pas qu’on puisse me reprocher
de demander légèrement la clôture, lorsque c’est après 4 jours de débats !
Il est vrai que
j’ai dit que la discussion n’a pas avancé ; mais c’est en ce sens qu’on ne
peut, dans l’état actuel des débats, assigner un terme à cette discussion. En
effet, parmi les orateurs, l’un parlera sur la proposition de la section
centrale, l’autre sur les faits articulés, etc. Il n’y aura donc dans toute
cette discussion que pêle-mêle et confusion, et aucune limite.
Je crois la chambre assez éclairée pour émettre un vote sur les
différentes propositions qui lui sont soumises.
Quant à nous, nous
n’hésitons pas à déclarer que pour prouver que nous ne reculons pas devant un
examen ultérieur, nous voterons pour la proposition de M. Lejeune.
J’ai une
considération à faire valoir à l’appui de ma demande de clôture : c’est que le
sénat est arrivé à l’examen du dernier projet de loi qui lui est soumis et que
s’il a terminé cet examen avant que le budget de la guerre ait été voté par
cette chambre, il s’ajournera, et de cette manière l’administration de la
guerre sera obligée encore, pendant un mois ou deux, de recourir aux crédits
provisoires. Les choses pressent à tel point que le projet de loi de crédit
provisoire est déjà soumis à la signature du Roi. M. le ministre de la guerre
sera obligé de le soumettre à la chambre si on ne termine pas bientôt la
discussion de son budget.
Je crois que ces
diverses considérations suffiront pour faire adopter la motion que j’ai eu
l’honneur de proposer.
M. Dumortier. - Je répondrai d’abord quelques
mots à ce qu’a dit tout à l’heure un préopinant.
Lorsque j’ai eu
l’honneur de parler pour la première fois dans la discussion qui nous occupe,
je me suis borné à signaler un fait dont nous avons tous été témoins. Quant aux
allusions, elles sont le fait de ceux qui se les appliquent. Ceux qui savent
qu’ils ne se sont pas compromis avec les ministres, et qui ont la conscience
pure, comme je l’ai moi-même, sont fort tranquilles à ce sujet.
J’ai dit un fait
certain, c’est que les questions étaient à peine sur le bureau, que le ministre
y a répondu ; et il a tiré pour cela un papier de sa poche. (Murmures.)
C’est un fait
positif. Expliquez-le comme vous voudrez ; je ne m’en inquiète pas.
Mais je dois dire à
l’honorable député d’Audenaerde, en réponse à ce qu’il m’a dit de personnel,
que quand il aura défendu comme moi les libertés du pays contre les
envahissements du pouvoir, peut-être aura-t-il le droit de parler, mais encore
pas dans les termes qu’il a employés.
Et quant à ce qu’a
dit le ministre de le guerre que mes expressions sont empreintes de légèreté,
je lui répondrai que la légèreté est le propre de ceux qui frappent sur un
homme qu’une commission d’enquête a déclaré innocent, que la légèreté est le
propre de ceux qui disent à la chambre qu’elle peut faire une enquête, et qui
disent le lendemain qu’ils ne se prêteront pas à une enquête.
Pouvons-nous, en
l’état actuel des choses, clore la discussion ? Non, certes. il y a quatre
jours, dit le ministre de l’intérieur, que nous discutons ; mais le ministre de
la guerre a parlé seul aujourd’hui, permettez que nous lui répondions. Ce
ministre invoque sa conviction personnelle, nous avons à lui demander si les
généraux qui composaient la commission d’enquête sont aussi d’avis qu’il n’y a
pas d’abus dans le service de santé. Voilà une question que je pose.
Si votre opinion
est appuyée de celle des généraux, sans doute vous êtes fort dans cette
enceinte ; mais si votre opinion n’est pas conforme à celle de la commission
d’enquête, commission annoncée officiellement à la chambre dans le discours du
trône, votre conviction n’est plus d’aucun poids. Les abus n’existent pas selon
vous ; selon d’autres ils existent.
M.
le président. - Ceci n’est pas relatif à la clôture !
M. Dumortier. - C’est sur la clôture
que je parle.
Lorsque le ministre
dit qu’il n’y a pas d’abus, qu’il y a seulement des irrégularités, et lorsque
la commission d’enquête déclare qu’il y a des délits et des crimes, peut-on
clore la discussion.
Il existe un grand
malaise dans le pays et dans l’armée ; nos commettants nous demanderont compte
du vote que nous allons émettre. (A la question
!) C’est sur la clôture que je parle.
Nos commettants
nous demanderont compte du vote que nous allons émettre, car le pays s’occupe
de la question que nous discutons. Nous ne pouvons donc pas clôturer légèrement
un pareil débat.
J’insiste pour avoir
communication de la pièce annoncée le 15 novembre dernier d’une manière
officielle et solennelle.
M. Jullien. - Je partage entièrement l’opinion du
ministre de l’intérieur que, d’après la tournure qu’a prise la discussion, il
n’y a pas moyen de prévoir quand elle pourra finir ; mais la faute à qui ?
lorsque sur la question la plus simple, la plus inoffensive, la question de
savoir si on prendra des informations sur les malversations, les délits et les
crimes dénoncés par la clameur publique, on élève pendant quatre mortelles
séances, des discussions sur des questions de médecine, de chimie, de
pharmacie, de droit public, de droit constitutionnel, lorsque par-dessus tout
cela on nous présente quatre ou cinq rapports qui se croisent, qui se heurtent
les uns contre les autres, peut-on reconnaître la pensée si simple de la
section centrale qui nous disait : informons sur les faits ? Laissez donc
débrouiller ce chaos par quelques orateurs, et ne prononcez pas la clôture. Ne
laissez pas croire qu’on n’a ainsi embrouillé la question que pour profiter de
cette confusion en arrivant précipitamment au vote.
Je m’étais proposé
de jeter quelque lumière au milieu de cette obscurité.
Vous avez entendu
pendant deux grandes heures l’apologie ou la défense du service de santé par M.
le ministre, les choses qu’on vous a exposées peuvent être fort bonnes, fort
bien dites ; mais a-t-on pu tout saisir et suivre avec la même attention tous
les détails ?
Entendez, si vous voulez, peu d’orateurs ; mettez des bornes à l’envie
que chacun peut avoir de parler ; mais laissez répondre au ministre. Au reste,
prononcez ou ne prononcez pas la clôture, vous n’échapperez pas à la réflexion
que je vais faire.
Vous avez pour le service de santé l’opinion très respectable du
ministre de la guerre ; mais vous avez contre le même service l’opinion non
moins respectable sans doute de cinq hommes spéciaux qui ont examiné pendant
plusieurs mois toute cette affaire. Ce n’est pas que je puisse ou doive savoir
positivement ce qu’ont dit les officiers généraux, personne de nous n’a vu leur
rapport puisqu’on ne veut pas le reproduire ; mais je suis autorisé à croire,
avec l’opinion publique, que ce rapport est opposé à celui que vient de faire
le ministre ; et la raison en est simple, c’est que le ministre ne s’appuie pas
sur ce rapport, et que s’il était favorable à son opinion, il n’eût pas manqué
de le produire. Ainsi, d’un côté est l’opinion isolée d’un ministre ; l’autre
est celle d’une commission d’enquête solennellement instituée ; quant à moi,
mon choix entre ces deux opinions n’est pas douteux et dans tous les cas la
défiance reste. Voilà la conséquence toute naturelle que doit tirer tout homme
logique de ce refus obstiné.
Maintenant
clôturez, ne clôturez pas, cela m’est indifférent ; j’ai présenté l’observation
sur laquelle je voulais appeler l’attention de la chambre.
M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - Le
rapport est confidentiel, et par ce motif, quelles qu’en soient les
conclusions, je ne le donnerai pas. Personne n’a le droit de se prévaloir des
conclusions de ce rapport puisque personne n’a le droit de connaître ce qu’il
renferme. Si un des membres de la commission a commis quelque indiscrétion, il
a manqué à son devoir et personne ne peut se prévaloir de la violation d’un
devoir pour appuyer son opinion.
M. Dechamps. - On prétend qu’il faut
accorder aux députés la faculté de répondre au ministre ; je ferai observer que
le ministre de la guerre en entrant dans tous les détails de l’accusation est
sorti de la question qui était posée et sur laquelle nous avions à délibérer.
M. Liedts avait en effet posé cette question : demandera-t-on telles ou telles
explications au ministre ? Le ministre sans nous donner le temps de répondre à
M. Liedts, est allé au-devant des explications et est entré dans les plus
grands détails sur cet objet. Nous n’avons donc plus qu’à examiner la
proposition de la section centrale et les propositions de MM. Lejeune,
Milcamps, Pollénus, Dolez. Pour mon compte je m’oppose à ce que l’on discute
les explications données par le ministre, et je renonce à mon tour de parler.
Ainsi l’objection faite contre la clôture par M. Dumortier n’est pas fondée.
- La chambre consultée
ferme la discussion.
M. Milcamps. - Je retire ma
proposition. Je demandais des explications ; on vient de les donner ; ma
proposition est devenue sans objet.
M. Dolez. - Je retire ma proposition.
M. Pollénus. - Je retire également ma
proposition.
M.
Liedts. - Par les explications données par le ministre, ou par les
réponses qu’il a faites aux questions que j’avais posées, ma proposition n’a
plus d’objet.
M. Dubus. -
Messieurs, la proposition de la section centrale n’est point la proposition
principale ; la proposition principale, c’est la demande de crédit faite par le
gouvernement, la section centrale est venue par amendement proposer de faire
une enquête avant de voter le crédit. Je pense que la proposition de la section
centrale doit être mise la première aux voix puisqu’elle s’écarte le plus de la
proposition principale et que de plus, les membres qui veulent la proposition
de la section centrale pourraient se rallier à la proposition de M. Lejeune si
celle de la section centrale était rejetée. Ce serait donc intervertir l’ordre
logique de mettre la proposition de M. Lejeune la première aux voix. Je demande
en conséquence la priorité pour la proposition de la section centrale.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires
étrangères (M. de Theux). - Je crois, messieurs, que d’après le
règlement et l’ordre naturel, la proposition de M. Lejeune doit avoir la
priorité.
M. Verdussen. - Messieurs, la proposition de
l’honorable M. Lejeune ne rejette pas l’enquête, mais il ne l’admet qu’après un
nouvel examen à faire par la section centrale ; tandis que la section centrale
propose de faire immédiatement l’enquête ; la proposition de l’honorable M.
Lejeune est donc un véritable sous-amendement et doit par conséquent avoir la
priorité.
- La chambre
consultée, décide qu’elle votera d’abord sur la proposition de la section
centrale.
Sur la demande de
cinq membres le vote sur cette proposition a lieu par appel nominal.
75 membres prennent
part au vote.
26 adoptent.
49 rejettent.
2 membres (MM.
Pirson et Trentesaux) s’abstiennent.
En conséquence la proposition n’est pas adoptée.
Ont voté l’adoption
: MM, Brabant, Corneli, David, Demonceau, de Roo, Desmaisières, d’Hoffschmidt,
Doignon, Dubus (aîné), Dumortier, Fallon, Frison, Gendebien, Jullien, Manilius,
Pollénus, Raymaeckers, A. Rodenbach, Scheyven, Seron, Simons, Stas de Volder,
Troye, Vandenbossche, Vergauwen et Watlet.
Ont voté le rejet :
MM. Andries, Bekaert-Baeckelandt, Berger, Coghen, Coppieters, Cornet de Grez,
Dechamps, de Jaegher, de Longrée, F. de Mérode, W. de Mérode, de Nef, de Puydt,
Dequesne, de Renesse, de Sécus, de Terbecq, de Theux, Devaux, d’Huart, Dolez,
Donny, B. Dubus, Ernst, Goblet, Hye-Hoys, Keppenne, Kervyn, Lardinois, Lebeau,
Lejeune, Liedts, Meeus, Milcamps, Morel-Danheel, Nothomb, Pirmez, Raikem,
Rogier, Smits, Ullens, Vandenhove, Vanderbelen, Van Hoobrouck, Verdussen,
Verrue-Lefrancq, H. Vilain XIIII, F. C. Vuylsteke et Willmar.
Les membres qui se
sont abstenus sont appelés motiver leur abstention.
M.
Pirson. - Messieurs, je me suis abstenu parce que, d’un côté je crois
que l’enquête n’aboutirait à rien ; le droit d’enquête n’étant pas organisé, et
que cependant je ne pouvais pas voter contre l’enquête, le seul motif qui me
détermine à ne pas l’appuyer étant l’impossibilité momentanée de la mettre à
exécution. Je m’abstiendrai également pour la proposition de M. Lejeune, parce
que je crois qu’elle aussi n’aurait aucun résultat.
J’aurais voulu
qu’on ne se contentât pas d’entendre sur le compte de M. Vleminckx l’opinion
d’un seul homme, M. le ministre de la guerre, mais qu’on en appelât au conseil
des ministres tout entier ; cela n’aurait rien eu d’inconstitutionnel.
M. Trentesaux. - J’ai trouvé des
inconvénients à ordonner l’enquête hic et nunc, j’ai trouvé des inconvénients à
la refuser hic et nunc, c’est pourquoi j’avais voté pour la proposition de M.
Lejeune ; j’ai pesé ces inconvénients, et je les ai trouves d’un poids égal, ce
qui m’a rendu perplexe et a produit mon abstention.
Il est facile de
s’apercevoir qu’en votant j’étais dans l’erreur sur le sort de la proposition
de M. Lejeune, que je croyais avoir été rejetée, tandis que le vote n’avait
porté que sur une question de priorité entre cette proposition et celle de la
section centrale.
M. le président. - Il y aura maintenant
à mettre aux voix la proposition de M. Lejeune, mais il faudrait y insérer un
chiffre.
M. le ministre de la guerre (M. Willmar).
- On pourrait le fixer à 245,000 francs.
M. Gendebien. - Je ne sais pas, messieurs, s’il
ne conviendrait pas de faire de l’allocation du crédit provisoire que propose
M. Lejeune, une disposition séparée du budget. Je ne sais pas non plus s’il
convient, comme semble le faire la proposition, de déterminer en quelque sorte
la marche qu’aura à suivre la section centrale : il me semble qu’il serait plus
convenable de dire purement et simplement qu’on renvoie le tout à la section
centrale pour qu’elle nous fasse un rapport, sans indiquer sur quelles pièces
elle devra former sa conviction ; il faut abandonner à la section centrale le
soin de se déterminer d’après les pièces et renseignements auxquels elle jugera
à propos de recourir.
M. Devaux. - Nous devons voter sur la
proposition de M. Lejeune, telle qu’elle a été formulée le premier jour. On ne
peut plus la changer ; cela amènerait une seconde discussion.
M. Gendebien. - Mais il n’y a pas de
proposition.
M.
Lebeau. - Si ! si ! la proposition a été imprimée.
M. Lejeune. - Messieurs, je n’ai pas
entendu par ma proposition limiter les pouvoirs ordinaires de la section
centrale. Quant au chiffre, je n’en ai pas inséré dans ma proposition ; J’ai
pense qu’après la discussion on pourrait mieux s’occuper de la fixation du
crédit. J’avais l’intention d’accorder trois douzièmes ; toutefois je ne vois
pas d’inconvénient à ce qu’un crédit provisoire de 6 mois soit accordé, et j’en
fais la demande formelle ; ainsi se trouve complétée ma proposition.
M. Gendebien. - Dès l’instant qu’il
est bien entendu qu’on n’entend rien préjuger, je me déclare satisfait. Je
demanderai toutefois que la déclaration de M. Lejeune soit insérée au
procès-verbal.
M. A. Rodenbach. - J’avais d’abord
l’intention de donner ma démission, comme membre de la section centrale, mais
d’après les explications données par l’honorable M. Lejeune, la question me
paraît changée : ce qui me détermine à rester membre de la section centrale.
M.
Devaux. - La proposition de l’honorable M. Lejeune reste absolument
telle qu’il l’a posée lui-même précédemment, M. Lejeune n’aurait pas le droit
de la changer, s’il en avait l’intention.
M. Dumortier. - Il n’y a pas de doute
sur la portée de la proposition de M. Lejeune, qu’on la relise, et l’on verra
de suite de quoi il s’agit. Il s’agit d’abord de donner à la section centrale
les pouvoirs qu’elle a habituellement, et ensuite de l’autoriser à s’éclairer
par tous les moyens qui seront à sa disposition. (Dénégations.)
Plusieurs membres. - Que M. le président fasse une nouvelle lecture
de la proposition de M. Lejeune.
M.
le président. relit la proposition de M. Lejeune.
M. Lejeune - Je demande la parole pour
un instant.
Je dois déclarer
itérativement que lorsque j’ai fait ma proposition, j’ai entendu ne pas
admettre l’enquête immédiate. Mais en même temps, je n’entends aucunement
limiter les pouvoirs ordinaires de la section centrale.
De toutes parts. - Nous sommes d’accord. (Aux voix ! aux voix !)
- La proposition de M. Lejeune est mise aux voix et adoptée.
M. Gendebien. - J’ai demandé que les paroles de
M. Lejeune fussent insérées au procès-verbal. Je ne sais s’il est nécessaire de
consulter la chambre pour savoir si cette insertion doit avoir lieu, elle me
paraît de droit, puisqu’elle pose sur un fait consommé.
M.
le président. - Les explications ne s’insèrent pas ordinairement au
procès-verbal : on peut demander l’insertion de son opinion, mais non des
motifs.
M. le ministre des finances (M. d'Huart).
- Il nous est fort indifférent qu’on insère ou qu’on n’insère pas les
explications de M. Lejeune au procès-verbal. Cependant cela ne se fait pas
habituellement, et par conséquent M. le président devait consulter l’assemblée,
comme il se proposait de le faire.
Je dirai maintenant
que cette insertion au procès-verbal me paraît tout à fait inutile. Il va de
soi, puisque la proposition est renvoyée à la section centrale, que celle-ci
est saisie de tous les pouvoirs ordinaires attribués habituellement aux
sections centrales.
M. Gendebien. - Messieurs, il n’y a pas de
doute que l’insertion est inutile, pour caractériser les pouvoirs de la section
centrale. Mais en présence des contestations qui se sont élevées sur la nature
de ces pouvoirs, j’ai demandé qu’on insérât au procès-verbal les explications
de M. Lejeune, pour éviter qu’on ne vînt plus tard se livrer à une nouvelle
discussion à ce sujet.
- Cet incident n’a
pas de suite. Sur la proposition de M. le ministre de l’intérieur et des
affaires étrangères, la chambre décide qu’elle procédera demain au second vote
du budget de la guerre. Elle abordera ensuite la discussion du projet de loi
concernant l’école militaire.
- La séance est
levée à 4 heures et demie.