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Chambre des représentants de Belgique
Séance du lundi 1 janvier
1838
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre
2) Projet de loi portant le budget du
département de la guerre pour l’exercice 1838. Discussion des articles.
Etat-major général (indemnités de représentation) (Willmar)
3) Compte-rendu de la délégation chargée d’aller
complimenter le roi
4) Projet de loi portant le budget du
département de la guerre pour l’exercice 1838. Discussion des articles.
Etat-major général (indemnités de représentation) (Brabant,
(+respect des obligations religieuses par les militaires) F.
de Mérode, Desmanet de Biesme, Willmar,
Pirmez, de Puydt, Desmanet de Biesme, de Brouckere,
Willmar, F. de Mérode, Gendebien, Dubus (aîné), Willmar, Desmaisières)
(Moniteur belge
n°3, du 3 janvier 1838)
(Présidence de M. Raikem.)
M. B. Dubus
fait l’appel nominal à midi et quart.
M. Kervyn
lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.
PROJET DE LOI PORTANT LE BUDGET DU DEPARTEMENT
DE LA GUERRE POUR L’EXERCICE 1838
Discussion des articles
Chapitre II. - Soldes et masses de l’armée, frais
divers des corps
Section I. - Soldes des états-majors
Article 2
M. le président.
- La chambre en est restée à l’article 2 du chapitre II : « Indemnité de
représentation : fr. 86,300. »
La section centrale propose 36.051 fr. ; avec le
libellé introduit au budget de 1837, savoir :
« Indemnité de représentation aux généraux qui
commandent les troupes campées, aux généraux de la résidence et aux généraux
commandants supérieurs des troupes stationnées dans les provinces d’Anvers et
des deux Flandres. »
M. le ministre de la guerre ne s’est pas rallié à la
proposition de la section centrale.
M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - Messieurs, je suis obligé de maintenir la
proposition que j’ai faite à l’effet d’accorder des frais de représentation à
un nombre de généraux un peu supérieur à celui pour lequel la section centrale
a consenti à en allouer ; je dois également maintenir le taux que j’ai proposé.
Je prie la chambre de vouloir bien se rappeler quel
est l’objet de ces frais, objet qui a déjà été expliqué l’année dernière et
dans différents sens. Ils sont destinés avant tout à mettre les généraux à même
de voir souvent les officiers de tous les grades qui sont sous leurs ordres, de
les bien connaître, d’apprendre quel parti ils peuvent en tirer au besoin,
d’étudier leurs qualités et leurs défauts, de profiter des unes et de tâcher de
corriger et de réprimer les autres.
Le général doit pouvoir au besoin stimuler ceux qui
sont tièdes, modérer ou du moins diriger ceux qui sont ardents ; il doit calmer
les mécontents ; il doit inspirer à tous le goût de leur état, le goût de
l’instruction et du travail, et le respect pour eux-mêmes et pour l’épaulette
qu’ils ont l’honneur de porter ; il doit leur recommander d’entretenir entre
eux la concorde et la bonne harmonie, la fraternité d’armes ; il doit échauffer
chez eux l’amour, l’enthousiasme de leur état, le feu sacré, suivant
l’expression militaire consacrée qui est très juste, et qui rend l’idée d’une
chose véritablement indispensable ; car, sans l’enthousiasme de son état, il
est difficile qu’un militaire conservé en toutes circonstances le courage de
l’obéissance à laquelle il est soumis, qu’il supporte les dégoûts, les
fatigues, les détails fastidieux du métier.
Enfin, messieurs, il est du devoir des généraux
d’exalter chez tous l’amour de la patrie et du Roi, et le dévouement aux
institutions nationales que les officiers sont surtout destinés à défendre.
Messieurs, c’est pour pouvoir entretenir ces qualités précieuses et combattre
les défauts contraires chez les officiers de l’armée, qu’il est indispensable
que les généraux des différents grades les voient le plus possible,
Messieurs, cette action multiple, je le dis à regret,
est véritablement et puissamment nécessaire. Il règne malheureusement une
disposition à la tiédeur ; on a plus d’ardeur pour la critique et l’insubordination,
pour le mécontentement même que pour le véritable bien du service. Ce
mécontentement est en quelque sorte une maladie endémique, un mal moral
presqu’aussi cruel que le mal physique, l’ophtalmie qu’on est en voie
d’extirper.
Or, pour combattre ce mal moral, personne ne peut le
faire plus efficacement que les généraux commandants ; mais pour qu’ils
puissent combattre toutes les dispositions contraires au bien du service, il
faut qu’ils n’éprouvent pas ces mêmes dispositions ; il faut qu’ils aient une
sorte de satisfaction dans leur position personnelle.
Je le répète donc, le moyen de donner cette influence
tout à fait indispensable pour maintenir, retremper même l’esprit militaire
dans notre pays, est de multiplier autant que possible le contact entre les
chefs et les officiers des grades inférieurs, placés sous leurs ordres.
En outre, messieurs, le camp établit pour les généraux
une autre nécessité de dépenses très grandes et également utiles ; ces
dépenses, je les regarde comme très utiles au pays, indispensables même pour
bien établir sa considération militaire.
Ces dépenses consistent non seulement à faire les
honneurs du camp aux personnes de distinction du pays et de l’étranger qui vont
le visiter, mais même à leur accorder l’hospitalité. Il n’existe aux environs
du camp aucun logement convenable ; il faut donc que les généraux puissent
mettre à la disposition des personnes qui viennent les visiter, et leur table
et leur baraque. Ainsi, si des membres de la représentation nationale voulaient
visiter le camp (et chaque fois que j’y suis allé, j’ai entendu répéter autour
de moi le désir de vous voir visiter le camp), il appartiendrait exclusivement
aux officiers-généraux de leur en faire les honneurs.
Il en est de même lorsqu’il arrive un étranger de
distinction ; et les visites de ce genre sont d’une importance réelle, non
seulement afin de nous faire connaître à l’étranger, comme nous devons être
connus, mais même pour effacer les impressions peu favorables qui, quelquefois,
existent encore. Le camp présente un aspect très remarquable et très favorable
à notre armée ; la tenue des troupes y est excellente ; il y règne une
véritable atmosphère militaire dans laquelle les hommes se retrempent et
sentent très véritablement se raviver chez eux l’esprit du métier.
Mais, sans cette hospitalité du camp, les visites des
étrangers ne seraient pas possibles. Nous avons vu cette année un
officier-général français des plus distingués, des plus capables d’apprécier ce
que c’est qu’une armée qui promet de concourir efficacement à la défense du
pays.
Eh bien, ce général, qui avait le dessein d’aller voir
le camp hollandais, se proposait seulement de traverser le nôtre, d’y passer
une couple d’heures. Grâce à l’hospitalité qu’il a pu recevoir d’un des
généraux commandant les troupes, il est reste deux jours au camp ; et je suis
persuadé que l’opinion que l’on a en France de notre armée a infiniment gagné
au séjour chez nous de ce lieutenant-général.
Cette hospitalité au camp de la part des généraux
commandants est donc véritablement dans l’intérêt du pays. Là aussi les
réunions des officiers chez les généraux sont plus fréquentes, et y sont plus
nécessaires qu’ailleurs, parce qu’il y a au camp moins de distractions, et que
les conséquences du désœuvrement pourraient
y être plus fâcheuses.
II faut donc nécessairement que l’indemnité accordée
aux généraux soit suffisante pour que les dépenses qu’ils sont obligés de faire
de ce chef ne soient pas une charge pour eux, et que, par conséquent, ils ne
soient pas obligés en quelque sorte de s’y soustraire.
Messieurs, l’on ne peut pas se faire une idée très
juste des dépenses du camp : elles sont très grandes ; toutes les choses y sont
très chères ; les officiers-généraux sont obligés d’y avoir un véritable
ménage, et l’on peut dire que l’indemnité qu’on leur accorde est entièrement
dépensée, lorsqu’ils sortent du camp.
Voilà deux points de vue d’intérêt général sur
lesquels je dois insister, pour que l’indemnité soit portée au taux que j’ai
proposé. En envisageant maintenant l’intérêt des généraux, il s’agit moins de
leur accorder un avantage que de les empêcher de faire des pertes. Je n’ai pas
énuméré toutes les dépenses extraordinaires dont le camp est l’occasion ; il
faut des chevaux comme pour une entrée en campagne ; et malheureusement sans
que je puisse trop assigner la cause d’un pareil fait, mais il n’est pas rare
de voir les exercices du camp occasionner de nombreuses pertes de chevaux. Eh
bien, comme on l’a déjà fait observer, c’est une dépense énorme que celle de
ces chevaux, pour les officiers généraux. En outre les officiers-généraux ont à
supporter une dépense de domestique, d’entretien de chevaux et de voitures. Je
me suis fait remettre par plusieurs généraux un note de leurs dépenses
extraordinaires, et je crois ne pas exagérer en disant qu’un général de
division sur pied de guerre est assujetti à supporter une dépense qui dépasse
annuellement de 4 à 5,000 francs, celle d’un général de division qui aurait
seulement un commandement territorial, et cette dépense est indépendante de la
consommation, des fourrages de leurs chevaux. Il existe également une
différence d’environ 5,000 fr. entre la dépense d’un général de brigade sur le
pied de guerre, et celle d’un général de brigade qui commanderait seulement un
département.
Voilà donc des officiers-généraux qui sont dans une
position plus utile au pays que d’autres généraux n’ayant qu’un service
sédentaire, et qui ont des charges beaucoup plus fortes, et se trouvent par
conséquent dans une position beaucoup plus fâcheuse.
C’est donc à juste titre que le crédit vous est
demandé. Messieurs, les dépenses de représentation sont considérables. Je me
suis fait rendre compte, avec toutes les formes convenables, de toutes celles
que les généraux ont faites pendant 1837, et je suis assuré que les sommes que
vous avez accordées ont reçu l’emploi auquel vous les destiniez. Je le répète,
la position des officiers généraux n’est pas heureuse s’ils veulent faire
honneur à leur position ; et s’ils n’ont pas de fortune, ils sont obligés à des
sacrifices dans leur intérieur, souvent encore ils n’en viennent pas à bout ;
quelquefois il en résulte pour eux un défaut de considération qui nuit à
l’entretien de cet esprit militaire dont ils sont chargés.
L’esprit militaire est essentiellement hospitalier.
Peut-être est-il à regretter qu’il n’y ait pas dans la chambre un plus grand
nombre de membres de l’armée ; ils parviendraient à faire comprendre leurs
mœurs. Toujours est-il que l’esprit d’hospitalité règne dans l’armée bien plus
que dans les autres classes de la société.
Je n’ai pas besoin de vous rappeler que ces frais de
représentation existent dans tous les pays, qu’ils existent en Hollande, comme
dans l’armée avec laquelle la nôtre prendra toujours des points de comparaison.
Je crois donc pouvoir persister à demander
l’allocation des frais dits de représentation pour les généraux.
Je passe maintenant aux chefs de corps. Evidemment la
question est la même pour eux. Les chefs de corps sont dans une position
pécuniaire inférieure à celle des officiers du même grade en France, même sur
le pied de paix. Les colonels ont 500 fr. de moins que les colonels français,
et ils ont dans leur masse 1,500 fr. qu’ils doivent laisser.
Les colonels n’ont pas une influence moins grande que
les généraux sur la bonne harmonie qui doit régner dans les corps. Ils sont
encore plus à même de donner de bons conseils, de redresser ce qui est
défectueux, de stimuler ce qui est bon. Ils doivent pénétrer partout ce travail
moral de détail là où l’influence des généraux n’arrive pas. Ce sont deux
influences de même ordre qui doivent marcher parallèlement. Sous le rapport
essentiel de ranimer chez nous l’esprit militaire, de l’entretenir, de lui
donner le degré d’exaltation et de dignité dont il a besoin, c’est une des dépenses
les plus rationnelles que vous puissiez faire, et j’insiste pour que vous
l’accordiez.
M. le président.
- En vertu de la décision que vous avez prise relativement aux hommages à
présenter au Roi à l’occasion du nouvel an, nous sommes obligés de suspendre la
séance ; nous la reprendrons à 2 heures.
- La séance est en effet suspendue à une heure et un
quart.
A 2 heures 3/4 la séance est reprise.
COMPTE-RENDU DE LA DELEGATION CHARGEE D’ALLER
COMPLIMENTER LE ROI
M. le président.
- Avant de continuer l’objet de l’ordre du jour, je crois devoir vous rendre
compte de la mission de la députation que vous avez, chargée de présenter vos
félicitations à LL. MM.
Voici le discours que la députation a adressé au Roi
et à la Reine.
(Moniteur belge
n°2, du 2 janvier 1838) « Sire,
« Au renouvellement de l’année, nous venons vous
adresser les félicitations de la chambre des représentants et vous apporter
l’expression des vœux qu’elle ne cesse de former pour la prospérité du règne de
Votre Majesté.
« Ces vœux, Sire, vous les recevrez de toutes
parts, et, en recueillant ces témoignages de confiance et d’affection, Votre
Majesté doit éprouver le sentiment le plus doux à un Roi.
« C’est avec confiance qui a fait accueillir avec
calme, mais en même temps avec la ferme résolution de maintenir nos droits, la
nouvelle des événements dont nous paraissions menacés.
« Appréciant les bienfaits de la paix, nous
espérons que les justes réclamation de votre gouvernement n’auront pas été
méconnues ; mais, animés de l’amour de la patrie, nous nous empresserons
toujours, par un concours efficace, de seconder les efforts de Votre Majesté,
assurés qu’ils n’ont d’autre but que l’intérêt du pays et le maintien de la
dignité nationale.
« Madame !
« Permettez-nous d’exprimer à Votre Majesté les
vœux que nous formons pour son bonheur. Qui mérite mieux d’en jouir, vous qui
avez su le placer sur le trône, en faisant celui de votre auguste époux ! En
s’associant à nos destinées, Votre Majesté s’est acquis des titres à la
vénération des Belges, sur lesquels la vertu eut toujours un si grand empire.
C’est le vôtre, Madame ; et c’est à la fois le plus solide et le plus durable ?
« Sire, Madame !
« Si la nation confond Vos Majestés dans un même
sentiment, elle n’en sépare pas vos augustes fils. Les Princes, objet de votre
affection et gage de notre avenir, jouiront longtemps, nous l’espérons, des
leçons et des exemples de parents vénérés. C’est un bienfait que nous ne
cesserons de demander à celui qui dispose des jours des rois et des
peuples. »
Le Roi a répondu en substance, et à peu près en ces
termes :
« Je commence par vous remercier, au nom de la
Reine et au mien, des sentiments que vous venez de m’exprimer pour nous et nos
enfants, qui appartiennent au pays.
« Je suis heureux de vous voir réunis autour de
moi, surtout aussi nombreux, et de voir le zèle que vous avez mis dans vos travaux,
jusqu’au point de renoncer, pour soigner les intérêts du pays, à vous rendre
dans vos familles.
« L’année 1838 s’ouvre sous d’heureux auspices ;
les nuages qui paraissent obscurcir l’horizon politique semblent s’être
éloignés.
« La paix est à désirer pour tout le monde ; mais
nous pouvons dire que, pour la conserver, nous n’avons fait aucun sacrifice de
dignité, ni d’intérêt. Notre position est à la fois noble, simple et franche.
« Les sentiments qui ont animés la chambre en
cette circonstance ont prouvé de nouveau qu’elle était entièrement composée
d’hommes dévoués à leur pays. Je sais que je puis compter sur son concours ;
elle a toujours été unanime pour faire tous les sacrifices nécessaires
lorsqu’il était question de défendre l’honneur et la dignité du pays. Mais
aussi il faut convenir qu’il n’y a pas de gouvernement plus loyal que le nôtre
; et, quand il vous fait des propositions, c’est qu’il les croit dans l’intérêt
de l’Etat.
« Je compte sur le même concours lors de vos
délibérations sur les objets importants qui vous sont soumis.
« Je finis en disant que l’année 1838 soit une
année de paix, et j’adresse, à vous tous, et individuellement à tous ceux qui
sont ici présents, mes souhaits pour vous et pour vos familles. »
PROJET DE LOI PORTANT LE BUDGET DU DEPARTEMENT
DE LA GUERRE POUR L’EXERCICE 1838
Discussion des articles
Chapitre II. - Soldes et masses de l’armée, frais
divers des corps
Section I. - Soldes des états-majors
(Moniteur belge
n°3, du 3 janvier 1838) M. le président. - Nous en étions restés à l’article
2 de la section première du chapitre II.
« Art. 2. Indemnité de représentation : fr.
86,300. »
La section centrale propose une réduction de 50,049
fr. et le libellé suivant :
« Indemnité de représentation aux généraux qui
commandent les troupes campées, au gouverneur de la résidence et aux généraux
commandants supérieurs des troupes stationnées dans les provinces d’Anvers et
des deux Flandres. »
M. Brabant.
- Quoique, pendant plusieurs années, la chambre eût repoussé les frais de
représentation, la section centrale en présence de la décision prise l’année
dernière pour le budget de 1837, a cru devoir proposer l’allocation de la même
somme de 50 mille francs au budget de 1838.
Le succès obtenu l’an passé, a encouragé le ministre ;
au lieu de s’en tenir à la somme allouée l’année dernière, il est venu demander
86,300 fr. Cependant je dois dire que le libellé de l’année dernière,
violemment ou du moins fortement combattu par M. le ministre, se trouve
aujourd’hui à son gré. Je crois pouvoir affirmer que M. le ministre a déclaré
dans la section centrale, qu’il se ralliait volontiers au libellé de l’année
dernière. Eh bien, messieurs, l’année dernière on n’a alloué de frais de
représentation que pour les commandants des troupes campées et pour la durée du
camp, pour le gouverneur de la résidence et les généraux commandants supérieurs
des troupes stationnées dans les provinces d’Anvers et des deux Flandres. Il faut
maintenir cette disposition.
Je ne sais pas quelle répartition le gouvernement a
faite de la somme, mais si ma mémoire est fidèle, la section centrale avait
pris pour base du chiffre qu’elle a posé 3 mille fr. pour les généraux de
division, 1,800 fr. pour les généraux de brigade, 6 mille francs pour le
gouverneur, 2 mille fr. environ pour les commandants supérieurs des troupes
stationnées dans les provinces d’Anvers et des deux Flandres. Cette répartition
représente à peu près la somme allouée. Aujourd’hui on nous propose pour les
généraux de division, pour la durée du camp, cinq mille fr., et pour les
généraux de brigade trois mille. Cette somme est évidemment exagérée, pour
faire face à des besoins qui ne durent que pendant semaines.
L’année dernière une proposition est partie d’un
honorable membre de cette chambre. Elle avait été repoussée par la chambre,
mais elle a été accueillie par le ministre. C’est la proposition d’allouer une
indemnité de 900 fr. à 27 chefs de corps. Allouer ces 900 fr., ce serait
virtuellement détruire un acte du gouvernement que je dois supposer avoir été
pris après mûre délibération et en pleine connaissance de cause.
Antérieurement au 6 décembre 1831, les traitements des
colonels d’infanterie étaient de 4 mille florins, 8,400 fr. ; un arrêté rendu
par le Roi a fixé ces traitements à 3,000 florins, et aujourd’hui, à cause de
la réduction en francs, il se trouve à 7,400 fr. On avait jugé que le
traitement était trop élevé, on lui a fait subir une réduction de mille francs.
Sous une autre forme, on vient proposer de rétablir ces anciens traitements. Je
ne puis concevoir qu’on ait agi avec précipitation en 1831, et je vous engage à
maintenir cet arrêté. Que pourra faire un chef de corps avec ces 900 fr. ? Je
dois faire observer que le ministre de la guerre nous ayant dit que c’était
pour mettre les officiers en communication plus intime, plus familière avec
leur supérieur, ces frais de représentation devraient être répartis non pas
également entre les chefs de corps, mais suivant le nombre d’officiers qu’ils
ont sous leurs ordres.
D’après le développement du budget, un régiment
d’infanterie compte 112 officiers ; les chasseurs à cheval et les lanciers en
comptent 74, les cuirassiers 49, les guides 47 et l’artillerie 73. Vous voyez
qu’il y a une disproportion choquante à allouer les mêmes frais de
représentation au chef de corps qui a 112 officiers sous ses ordres et à celui
qui n’en a que 47.
Maintenant, pour le fond, un
colonel, supposé qu’il partage également ses frais de représentation entre tous
ses officiers, qu’il les traite avec la même faveur, pour ne pas faire naître
de rivalités, un colonel d’infanterie pourra dépenser 8 fr. par an pour chaque
officier. Vous croyez que c’est avec une dépense de 8 fr. qu’on atteindra le
grand but dont on s’étaie pour obtenir des frais de représentation. C’est trop
peu ou c’est beaucoup trop.
Messieurs, il y aura un autre inconvénient, c’est que,
une chose qui m’a été dite et à laquelle je voudrais ne pas croire, c’est qu’il
existe encore des divisions parmi les officiers dans les corps, et soyez
persuadés qu’elles ne s’effaceront pas par l’effet de vos frais de
représentation. Il est difficile à un colonel de tenir la balance bien juste
entre les deux partis qui se sont formés, Je n’affirme pas le fait, mais on me
l’a dit, et cela est très probable ; or, pour peu que la balance penche d’un
côté ou de l’autre, en se fait des ennemis des moins favorisés.
M. F. de Mérode. - L’année dernière et l’année précédente, messieurs, je demandai avec
instance que la chambre voulût bien rétablir (le mot augmenter n’était pas
exact), voulût bien rétablir, dis-je, les traitements accessoires des généraux
en activité sur le pied où il était convenable et juste qu’ils soient dans notre
état mixte entre la paix et la guerre. Je posai, le 8 mars, un certain nombre
de questions fort simples, auxquelles il était facile de répondre, lorsqu’on
voulait examiner sincèrement la cause que je défendais, mais auxquelles il
fallait essentiellement s’abstenir de répondre, lorsqu’on avait l’intention
d’éluder plus ou moins adroitement les conséquences vraies qui en découlaient.
Je répéterai encore ces questions en 1838, encore l’année prochaine, enfin
jusqu’à ce qu’on m’ait convaincu, par des réponses péremptoires, que je me
trompe et que nos généraux sont équitablement soumis aux rognures qui,
maintenant, me paraissent très malencontreusement économiques.
1° Est -il vrai qu’en Belgique les grades supérieurs
soient accessibles à tous les Belges, quelles que soient leur naissance et leur
fortune ?
2° Est-il vrai que plusieurs de nos généraux, Belges
ou Français d’origine, sont d’honorables militaires ayant combattu longtemps
comme soldats et sous-officiers et ne possédant que peu ou point de revenus indépendants
de leur épée ?
3° Est-il vrai que l’emploi de général en activité de
service exige des frais notables et spéciaux de tenue et de représentation ?
4° Est-il vrai que ces frais sont plus considérables
sur le pied de guerre que sur le pied de paix, l’effectif en domestiques et en
chevaux devant être plus nombreux et les déplacements plus multipliés ?
5° Est-il vrai que les 3,000 fr. et les 1,800 fr.
obtenus l’année dernière pour les généraux de division et de brigade sont une compensation
évidemment insuffisante à l’égard des charges qui leur incombent selon leur
leurs grades respectifs dans notre situation militaire présente ?
6° Est-il vrai que c’est uniquement à cause du refus
de toute subvention attribuée aux généraux, refus itérativement renouvelé, que
M. le ministre de la guerre, lors de la discussion du dernier budget, s’est
contenté d’une demande d’allocation trop restreinte, selon son opinion
clairement exprimée alors ?
7° Est-il vrai, que dans les pays qui entourent la
Belgique, notamment en Hollande et en France, la solde des généraux sur pied de
guerre ou de rassemblement analogue à l’état actuel de l’armée belge est
beaucoup plus élevée ?
8° Enfin, l’économie qui résulte de cette différence
très appréciable dans le budget particulier de chaque officier général, privé
du bénéfice des règlements, est-elle importante pour le trésor comparée avec
ses effets ?
La gêne est un mauvais stimulant pour les chefs d’une
armée, cela est certain. Nul état n’est plus coûteux que l’état militaire dans
les hauts grades, cela est encore certain. Dans l’ancien régime, la noblesse
privilégiée se ruinait en pratiquant le métier des armes. Aujourd’hui on ne s’y
ruine pas, mais on tire, pour me servir d’une locution vulgaire expressive, le
diable par la queue. Cependant l’industrie est plus florissante qu’autrefois.
Beaucoup de gens s’enrichissent sans perdre leur liberté, sans s’exposer à la
mitraille et aux boulets, lorsque la défense nationale l’exigera. Je vois
acheter des propriétés et des châteaux par de hauts industriels, je ne connais
pas un général qui fasse fortune en Belgique. En France on arrive encore par
l’arme à quelques postes brillants, tels que ceux de maréchaux, gouverneurs des
invalides, grand chancelier de la Légion d’honneur, etc. En Belgique on ne
monte pas si haut, et cependant l’on y veut même souvent plus de déploiement
d’énergie que partout ailleurs, eu égard à la force réelle du pays.
Quant à moi j’aime l’énergie prudente et calculée sur
les moyens dont on dispose, et ces moyens doivent être préparés de longue main.
Or, ce n’est pas en tuant l’émulation dans la carrière des armes qu’on rendra
l’énergie possible. On vous engage à économiser sur les généraux la 800ème
partie du budget de la guerre. Je vous demande, messieurs, si c’est là une
bonne mesure politique et militaire, si elle est engageante pour les jeunes
gens capables qui se trouvent dans l’armée ; je vous demande s’il est sage de
dégrader ainsi le général en Belgique, de le mettre au-dessous de ce qu’il est chez
nos voisins pendant que l’industrie s’étend chaque jour sur notre sol.
Je considère ici le général en lui-même. Je n’aime pas
à faire des questions personnelles de choses qui doivent être examinées comme
institutions. Malgré toute la bravoure des soldats français, sans l’expérience
et la détermination des Damrémont, des Vallée, des Fleury, des Caraman, des
Combes et autres officiers supérieurs de distinction, Constantine serait encore
aux Arabes, et la France eût été humiliée en Afrique. Mais aussi, en France, on
n’oublie pas ce qu’il en coûte pour devenir chef militaire, et l’on cherche à
maintenir l’honneur du drapeau national autrement que par des rognures au
budget de l’état-major. S’il est une dépense que je regrette vivement dans le
budget de la guerre, c’est l’argent de poche distribué au soldat tous les cinq
jours et qu’il emploie souvent, selon l’opinion générale, d’une manière
infiniment nuisible à lui- même.
Nos prisons militaires regorgent de soldats punis,
parce qu’ils cèdent à la tentative des excès en liqueurs fortes, abrutissantes
liqueurs que pour des intérêts particuliers nous avons rendues pernicieuses au
peuple. En France, le soldat ne reçoit en argent de poche que le quart de ce
qui est remis aux nôtres. Et de ce chef notre budget de la guerre est surchargé
de 12 à 1,500 mille francs, Si cette somme était appliquée au bien-être de nos
soldats, je ne me plaindrais certes pas de ce qu’elle coûte an trésor public,
mais c’est à détruire leur santé et à détériorer leur moral qu’elle s’applique
et s’appliquera toujours si l’on n’en modifie point l’emploi. Autant voudrait
la retrancher de nos dépenses.
Et ici, messieurs, puisque je touche en passant
l’ordre moral, permettez-moi une observation sur laquelle je reviendrai tant
que je le supposerai nécessaire : tandis que je combats les préjugés
économiques nuisibles à l’armée, je désire aussi m’exprimer sans gêne sur
d’autres préjugés qui frappent indirectement la liberté religieuse du soldat.
Ce préjugé, c’est l’opinion trop répandue même à notre époque, où l’on aspire
vers les améliorations en tout genre, que l’assistance aux exercices du culte
est peu compatible avec l’état militaire. S’associer à la prière commune paraît
à beaucoup de gens tout au plus tolérable pour le soldat artisan ou paysan qui
porte l’épaulette de laine, mais nullement pour le chef qui porte l’épaulette
dorée et l’uniforme de drap fin.
Vous sentez, messieurs, que je ne me permets de blâmer
qui que ce soit, collectivement ou individuellement ; j’attaque une fausse idée
comme on attaque le préjugé du duel, ou tout autre analogue sans faire
d’application quelconque, et je m’acquitte d’une tâche sérieuse parce que je
voudrais que le sentiment si rétrograde que je signale fut exclu de nos rangs.
N’oublions pas, messieurs, que la liberté des cultes
est plus intéressée qu’on ne pense à l’abandon prochain d’une orgueilleuse et
ridicule distinction entre l’homme militaire et l’homme qui le l’est pas,
distinction que de vieilles habitudes de corruption et de vanité dont l’origine
remonte au temps mauvais de la régence, ont malencontreusement fait naître.
Chaque année la loi de la milice introduit sous le drapeau national une foule
de jeunes gens dont beaucoup de pères de famille regrettent l’engagement forcé
dans la carrière des armes, plutôt par la crainte de leur voir perdre les
sentiments qu’ils ont reçus au foyer domestique que par la privation résultant
de leur absence. Or, les appréhensions et la multitude des remplacements qui en
dérive ne se produiraient plus, au même degré du moins, s’il était bien connu
désormais, qu’à l’armée comme ailleurs, on est parfaitement libre dans tous les
grades de suivre la religion par laquelle on a été élevé au premier âge, et
quand je dis libre, j’entends libre moralement aussi bien que matériellement,
car il est une sorte de gêne que l’entourage et les influences supérieures
imposent, de telle sorte qu’il faut beaucoup de courage et une volonté ferme
pour s’y soustraire. Ne croyez pas, messieurs, que je veuille autre chose que
cette liberté morale ; je ne désire dans l’armée belge rien qui ressemble à
certaines parades officiellement dévotes en usage en France sous la
restauration.
Mais si les chefs supérieurs
qui, dans notre régime libéral, doivent être en tout point les pères des jeunes
et vieux soldats réunis sous leurs ordres, le veulent fermement, tous les abus
qui seraient contraires aux justes vœux des pères de familles, cesseront. Pour
en revenir au sujet principal de mes observations, je réclame instamment
l’adoption de l’article demandé, tel qu’il est, par M. le ministre. Messieurs,
si nous ne voulons qu’une masse d’hommes à pied et à cheval, rassemblés en
uniforme sous les drapeaux, et en état de manœuvrer sur un champ d’exercice,
continuons nos économies étroites ; mais si nous voulons une aimée dirigée
habilement et vigoureusement devant l’ennemi, sachons traiter d’une manière
plus digne de leurs services les chefs qui marcheront à sa tête.
M. Desmanet de Biesme. - L’honorable préopinant pourra nous adresser encore
pendant un grand nombre d’années la série des questions qu’il vient de nous
poser sans que personne de nous lui réponde. Est-il vrai, nous dit-il, que tout
le monde est apte à remplir les premiers emplois dans l’armée ? Il est clair
qu’il n’y a pas de réponse à faire à cela ; ce sont des choses connues de tout
le monde. Mais il y a un fait général à remarquer sur cet article du budget. Le
ministre de la guerre avait proposé 36,000 fr. de frais de représentation, il
jugeait cette somme suffisante ; M. de Mérode est venu faire une autre
proposition. Beaucoup de membres ont pour principe de ne voter que les demandes
de fonds faites par le gouvernement, parce que si tous, nous voulions nous
laisser aller à l’impulsion de nos sentiments, nous serions disposés à voter
des dépenses considérables : on a déjà demandé une augmentation pour les
membres de l’ordre judiciaire ; si cette proposition est admise, on nous
proposera d’augmenter les fonctionnaires de l’ordre administratif, les
ministres, les gouverneurs, car toutes les raisons données par le comte de
Mérode, pour obtenir des frais de représentation pour les officiers généraux de
l’armée, s’appliquent également aux fonctionnaires que je viens de citer.
Il est aussi utile que les gouverneurs sans fortune
soient à même de faire les honneurs de la ville où ils résident et de rallier
les opinions. Ces raisons peuvent s’appliquer aux fonctionnaires de l’ordre
administratif et aux chefs de corps de l’ordre judiciaire aussi bien qu’aux
chefs de l’armée. Il n’y a donc rien d’hostile à l’armée dans la conduite de la
chambre. Il ne faut pas perdre de vue qu’il y a un budget très considérable
pour des dépenses qui nous sont impérieusement imposées, qui tiennent à
l’honneur et à l’indépendance du pays, dépenses auxquelles nous ne voudrons
jamais nous soustraire. Nous ne pouvons pas dès lors consentir à des dépenses
fort utiles, sans doute, qui peuvent faire beaucoup de bien, mais qui ne sont
pas indispensables. Telle est celle qu’on nous demande en ce moment.
Si on ne nous demandait pas
d’augmentation au budget des et moyens, je serais le premier à souscrire à une
demande d’une somme de 100 mille fr. même. M. le ministre n’a persisté dans sa
demande que parce qu’elle avait déjà été faite par un membre. Je crois qu’il
est nécessaire d’accorder les 36 mille fr. On peut faire les choses non pas
avec luxe, mais convenablement avec ce qui a été alloué l’année dernière. Je le
dis sans esprit d’hostilité contre l’armée, car je n’en ai jamais eu, je ne
pense pas que dans la situation de nos finances, quand nous devons augmenter
nos moyens, il soit bien de ne pas apporter la plus stricte économie dans nos
dépenses.
Ces augmentations ne sont pas mal vues dans le pays,
quand c’est avec les moyens ordinaires qu’on y pourvoit ; mais quand il faut
augmenter les impôts on se plaint. Maintenons ce qui a été fait l’année
dernière ; l’année prochaine si nos finances sont dans un meilleur état, on
pourra faire quelque chose pour l’armée, comme on le fera pour l’ordre
administratif et pour l’ordre judiciaire.
M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - Hier, lorsqu’il a été question d’une augmentation
de traitement pour les officiers de l’armée, j’ai dit que je reconnaissais la
justice d’une telle augmentation ; mais que je ne m’étais pas prêté à la
proposer, parce que je pense que les économies sont nécessaires et qu’il ne
faut pas, à moins de raisons très fortes, augmenter le budget de la guerre. Si
donc j’insiste pour obtenir une indemnité de représentation pour les généraux et les chefs de corps,
c’est parce que je suis convaincu que cette allocation peut avoir une influence
très salutaire sur l’esprit de l’armée. Voilà le motif que j’ai développé
devant la chambre, et que je maintiens malgré les arguments par lesquels on l’a
combattu.
L’honorable préopinant est un peu dans l’erreur
lorsqu’il avance que j’ai simplement adopté l’amendement proposé l’an dernier
par l’honorable M. F. de Mérode et ayant pour objet de rendre les frais de
représentation plus considérables que ceux que j’avais proposés.
J’ai expliqué à différentes reprises pourquoi j’ai
borné ma proposition au taux qui m’a paru le plus bas possible ; j’ai déclaré
dès lors que cette allocation était insuffisante et n’était qu’une atténuation
au mal existant.
L’honorable M. Brabant s’est surtout attaché à
l’indemnité proposée en faveur des chefs de corps et a cherché à réduire cette
proposition à l’absurde en la portant à ses dernières extrémités. Il suppose
qu’il est nécessaire que chaque officier ait une quote-part dans cette
indemnité. Je suis étonné qu’il ne soit pas venu vous parler d’une indemnité
proportionnelle en sens direct ou en sens inverse des appointements des
officiers. Il aurait eu ainsi un chiffre plus bas que celui de 8 francs auquel il
est arrivé.
Les chefs de corps s’appliquent déjà à faire avec ce
qu’ils ont les honneurs de leur position. Il s’agit de les mettre en position
de faire mieux encore, sans qu’ils aient à faire de plus grands sacrifices ;
voilà la seule manière raisonnable d’envisager cette indemnité, elle ne doit
pas l’être de la manière en quelque sorte judaïque de l’honorable préopinant.
Il n’est pas exact de dire que chaque officier prendra
une quote-part dans l’indemnité de frais de représentation. Les très bons officiers
n’ont pas besoin de ce stimulant ; il serait inutile pour les très mauvais
officiers, mais il sera très utile pour quelques-uns de ceux qu’on pourrait
dire en quelque sorte moralement malades, pour ces hommes qui sont portés par
caractère au mécontentement et qui ont besoin d’être stimulés ou réprimés. Je
le répète, une indemnité de 900 francs, répondant à 75 francs par mois, peut
donner à un chef de corps le moyen de faire sous ce rapport un bien réel. Il ne
s’agit pas là de répartition de 8 fr. par tête ; il n’y a rien de pareil, il
n’y a rien d’absurde dans ma proposition.
L’honorable préopinant a voulu faire peser un reproche
sur acte du gouvernement. Je ne veux pas faire le procès à un acte de
gouvernement ; quant à moi, je ne l’aurais pas fait. On a agi sous l’influence
d’un désir d’économie à fond juste, je le reconnais, mais qui dans la
circonstance a été poussé trop loin.
L’erreur de ce fait est d’ailleurs facile à expliquer.
On a en général pris pour termes de comparaison les traitements de l’armée
française, et l’on n’a pas tenu compte du grand nombre des allocations
accessoires attachées en France à tous les grades.
Si l’on avait fait cette
comparaison, on aurait reconnu qu’une réduction quelconque était en sens
inverse du but qu’on se proposait, puisqu’elle devait mettre les appointements
des officiers belges au-dessous de ceux des officiers français ; c’est ce qui
est arrivé.
La comparaison entre les commandants des corps de
cavalerie et d’infanterie, qui a fait voir qu’il n’y avait pas une rigoureuse
égalité dans la fixation de l’indemnité des uns et des autres, ne me paraît pas
avoir une importance plus grande que la répartition de 8 francs par tête. Si
l’on est arrivé à un chiffre aussi faible pour l’infanterie, on ne doit pas se
plaindre alors que le chiffre proposé est moindre de 10 francs pour la
cavalerie.
M. Pirmez.
- Je n’ai jamais compris comment les frais de représentation, soit dans l’état
militaire, soit dans la carrière administrative, peuvent contribuer au bien du
service. Je pense que c’est là une fausse idée ; elle aura été émise et
propagée comme une multitude de fausses idées par ceux qui y avaient intérêt,
c’est-à-dire ici, par les chefs administratifs et militaires.
Nous avons des administrateurs très distingués, que je
ne nommerai pas, dont le talent et l’habilité sont reconnus de tout le monde,
qui jouissent de la considération générale ; et cependant ils ne représentent
pas. Eh bien, n’est-ce pas précisément à cette circonstance (pour moi du moins
je le crois) qu’ils doivent l’estime dont ils jouissent et la justice qui est
rendue à leur mérité ?
Il est à remarquer que les
supérieurs, les hommes en général, sauf quelques exceptions, perdent à être vus
de près. Si vous mettez les subordonnés en contact avec les supérieurs, ces
relations intimes auront bientôt détruit le prestige salutaire de l’autorité.
L’honorable ministre de la guerre a donné une raison,
c’est qu’il vient des chefs étrangers visiter notre armée ; dans ce cas il est
bon que nos généraux puissent recevoir ces chefs étrangers, mais il ne faut pas
pour cela établir en principe qu’il y aura des frais de représentation. Que nos
généraux, pour le cas que j’ai cité (la visite de généraux étrangers) aient une
indemnité sous la dénomination que vous voudrez, fort bien ; mais quant à des
frais de représentation, je n’en vois pas la nécessité et je ne saurais y
donner mon assentiment.
M. de Puydt. - Je me bornerai à
rappeler un fait que plusieurs honorables orateurs paraissent avoir perdu de
vue.
On a dit que M. le ministre de la guerre ne faisait la
proposition d’allouer une indemnité aux chefs de corps que parce que cette
proposition a été faite l’année dernière par un membre, et parce qu’elle aurait
été repoussée. Il est vrai que cette proposition a été faite par un membre,
mais il n’est pas exact de dire qu’elle a été repoussée dans un sens absolu.
Elle a été, au contraire, assez bien accueillie par un grand nombre de membres
; elle a été défendue par plusieurs ; quelques-uns de ceux qui l’ont défendue
ont considéré l’indemnité de représentation des chefs de corps comme plus utile
que celle des généraux. Je me plais à croire que les honorables membres qui ont
défendu la proposition dans ce sens n’ont pas changé d’opinion.
M. Desmanet de Biesme. - Je ne veux faire qu’une courte observation. Tout
en voulant favoriser les chefs de corps, je crains que vous ne leur fassiez un
cadeau fâcheux. Vous donnez à un colonel 900 fr., et vous voulez qu’il
représente ! Mais que voulez-vous qu’il fasse avec 900 fr. ? C’est encore trop
ou trop peu ; ce n’est là qu’une pierre d’attente ; dans un an on viendra vous
dire que ces frais de représentation sont ridicules et qu’il faut
nécessairement les augmenter.
Je connais des colonels qui n’ont pas de fortune, qui
ne représentent pas et qui sont bien vus de leur régiment. Quand vous leur
aurez donné 900 fr., ils donneront un dîner à la fête du Roi ou dans une autre
circonstance, et les 900 fr. seront absorbés. Mais je crains bien que quand il
y aura ainsi des frais de représentation, les officiers ne calculent pas
combien ils sont faibles et ne se montrent exigeants envers les chefs de corps.
Je le répète donc, c’est là un mauvais cadeau que vous voulez leur faire ; je
suis persuadé que s’ils étaient consultés, beaucoup refuseraient ces 900 fr.
M. de Brouckere. - Je n’en crois rien.
M. Desmanet de Biesme. - Pour moi, si j’étais chef de corps et que je ne
voulusse pas représenter, je refuserais certainement ces 900 francs.
M. le ministre de la guerre (M.
Willmar). - Il semblerait
qu’on joue ici sur le mot de représentation ; il ne s’agit pas de cela ; il
s’agit simplement de faire en sorte qu’un chef de corps puisse inviter un
officier sans qu’il en résulte pour lui une charge onéreuse. Si un chef de
corps mange à la table d’hôte, qu’il sache qu’un officier est mécontent,
s’écarte de son devoir ou est disposé à mal voir les choses, il faut qu’il
puisse profiter de l’occasion d’une invitation pour lui faire une leçon, pour
le calmer, ou pour redresser ses idées. Il n’y a pas là de représentation.
Je suis d’accord avec l’honorable préopinant lorsqu’il
dit que cette indemnité n’est pas un avantage pour les chefs de corps ; je ne
l’ai pas présentée comme cela, je l’ai présentée uniquement comme une chose
utile, sans m’enquérir de l’avantage ni du désavantage qui pourraient en
résulter pour les chefs de corps.
Quant à ce qu’a dit l’honorable M. Desmanet de Biesme
que l’indemnité demandée pour les chefs de corps n’est qu’une pierre d’attente,
un acheminement à une indemnité plus considérable, je déclare que je ne
l’entends pas ainsi et que je considère réellement cette indemnité comme
suffisante.
M. F. de Mérode. - L’honorable M. Desmanet de Biesme a fait semblant de répondre à mes
questions. Il en a choisi une, et a dit : Tout le monde sait bien qu’en
Belgique personne n’est exclu des hautes fonctions militaires ou civiles ; mais
il n’a pas répondu aux autres questions, formant avec la première un ensemble
sans lequel elle ne signifiait rien, à celles-ci, par exemple : Est-il vrai que
l’emploi de général en activité de service sur pied de guerre exige des frais
notables et spéciaux de tenue et de représentation ? Est-il vrai que les 3,000
fr. et les 1,800 fr. obtenus l’année dernière pour les généraux de division et de
brigade soient une indemnité suffisante pour les charges qui leur sont imposées
dans notre situation militaire présente ? M. Desmanet de Biesme a rendu sa
tâche ridiculement facile en me répliquant que chacun connaissait
l’admissibilité des Belges à tous les grades. Mais comment ceux qui n’ont pas
la fortune de cet honorable membre suffisent-ils aux exigences de leur position
? Comment avec leurs traitements entretiennent-ils quatre et six chevaux ;
comment paient-ils les loyers de maisons à portes-cochères, car il faut qu’ils
puissent loger chevaux et voitures ? Voilà les questions auxquelles M. Desmanet
de Biesme se garde bien de répondre. Je ne suis pas accoutumé à me passer des
fantaisies coûteuses, et j’avoue que je conçois difficilement comment nos généraux,
père de famille, se tirent d’affaire ; je crois aussi que M. Desmanet de Biesme
ne serait pas plus habile que moi à cet égard.
Vous allez, dit-on, établir des centimes additionnels
; mais ces centimes ne seront certes pas demandés pour des menues allocations
subsidiaires.
Je sais bien qu’on pourra dire : Vous demandez ici
50,000 fr., vous demanderez là 50,000 fr. encore, et vous parviendrez ainsi à
dépenser tous les centimes additionnels. Messieurs, je ne demande pas qu’on
augmente étourdiment les dépenses ; je réclame, dans le cas actuel, par de bons
motifs, ce qui est vraiment utile.
« On a refusé l’année
dernière » : est-ce là une raison pour faire les mêmes rognures cette
année : je dis rognures, ne pouvant leur donner un autre nom ? On compare la
position des militaires à celle des administrateurs civils ; mais dans le civil
on fait comme on veut ; on vit chez soi, en famille ou retiré ; dans les hauts
grandes militaires cela est impossible. Un ministre, à la rigueur, pourrait
vivre aussi simplement qu’un commis. Un général en activité de service est
soumis à une existence tout autre. Il est d’ailleurs obligé à de continuels
déplacements ; il est très souvent forcé de quitter sa famille, On vient
d’envoyer un de nos généraux de brigade dans le Luxembourg ; il faudra que là
il vive convenablement en raison de sa position et de son grade, tandis que son
ménage sera séparé de lui. Enfin, messieurs, il m’est impossible de croire
notre pays si pauvre que les moyens lui manquent pour accorder aux généraux ce
que l’on juge nécessaire de leur donner en France et en Hollande, Etats
auxquels nous avons été réunis.
M. Gendebien.
- Il faudrait en finir une bonne fois de cette discussion qui se renouvelle si
souvent. L’année dernière, il paraissait que nous étions tombés d’accord sur un
point ; c’est que les frais de représentation seraient donnés aux généraux qui
iraient au camp ; il peut être utile que les généraux reçoivent au camp ; cela
me paraît démontré, au moins je le crois utile.
Mais de ce que l’on avait consenti à donner 5.000 fr.
d’indemnité à chacun, s’ensuit-il que l’on doive donner 5,000 fr., comme le
ministre le demande ? J’ai pensé et je pense encore que 5,000 fr. sont
suffisants. Chaque général ne reste pas quarante jours au camp, et 3,000 fr.
représentent 75 fr. par jour. Mais les généraux de division ne donnent pas à
dîner tous les jours, puisque les généraux de brigade reçoivent aussi, et
qu’ils ne manquent pas d’inviter les généraux de division. Ainsi, en supposant
qu’un général de division donne à dîner tous les trois jours, il aura 225 fr.
d’indemnité pour chaque repas. C’est tout ce qu’il faut, car il ne donne pas
plus de deux repas par semaine.
Quant aux officiers généraux de brigade, donnez-leur
2,000 fr. pour le temps qu’ils sont au camp, cela représentera une somme
suffisante pour qu’ils puissent donner au moins un dîner par semaine. De cette
manière il y aura tous les jours au moins deux dîners de donnés au camp, ce qui
permettra de recevoir d’une manière convenable les étrangers qui se
présenteront.
Quant aux
chefs de corps, je crois que les indemnités qu’on peut leur accorder sont plus
utiles encore que celles qu’on accorde aux généraux. J’allouerai les 900 fr.
pétitionnés par régiment ainsi que j’en avais fait la proposition l’année
dernière ; mais j’inviterai le ministre de la guerre à avoir égard au nombre
des officiers des corps dans la répartition. Je demande qu’il fasse une juste
et équitable répartition. Je désire que l’allocation soit dépensée en repas de
corps, en véritable réunion de famille où tous les officiers seront appelés. Je
retranche, en un mot, 20,000 fr. sur le chiffre ministériel ; je ne voterai
l’indemnité et les frais de représentation pour les officiers généraux, que
pour autant que celle pour les chefs de corps y soit comprise. J’espère que le
ministre de la guerre ne négligera rien pour s’assurer que l’allocation reçoit
l’application déterminée par notre vote.
M. Dubus (aîné). - Ne faudrait-il pas mettre aux voix le libellé de
l’article proposé par la section centrale ?
M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - Je ne fais aucune objection contre ce libellé.
- Le libellé de l’article mis aux voix est adopté.
M. le président.
- Trois propositions sont faites pour le chiffre : le gouvernement demande
86,300 fr. ; M. Gendebien propose 66,500 fr., et la section centrale 36,051 fr.
M. Desmaisières, rapporteur. - Vous venez, messieurs, de voter le libellé sans y
comprendre les chefs de corps, pour lesquels l’honorable M. Gendebien demande
une allocation, Je crois donc que si la chambre adoptait l’amendement de M.
Gendebien, il y aurait à ajouter au libellé : « et aux chefs de
corps. »
- Le chiffre de 86,300 fr. est mis aux voix, il n’est
pas adopté.
Le chiffre de 66,300 fr. proposé par M. Gendebien est
mis aux voix ; deux épreuves étant douteuses, on passe à l’appel nominal ; en
voici le résultat :
55 membres prennent part au vote.
29 adoptent.
26 rejettent.
En conséquence, le chiffre de 66,300 fr. est adopté.
Ont voté l’adoption : MM. Bekaert-Baeckelandt, Berger,
Corneli, de Brouckere, de Longrée, F. de Mérode, W. de Mérode, de Puydt, de
Renesse, Desmaisières, Desmet, de Terbecq, de Theux, Devaux, d’Huart, Dolez,
Ernst, Gendebien, Hye-Hoys, Lardinois, Lecreps, Mercier, Milcamps, Nothomb,
Smits, Trentesaux, Ullens, Vandenhove, H. Vilain XIIII, Willmar.
Ont voté le rejet : MM. Andries, Brabant, de Florisone,
de Meer de Moorsel, Demonceau, de Nef, Desmanet de Biesme, d’Hoffschmidt, Dubus
(aîné), B. Dubus, Dumortier, Eloy de Burdinne, Heptia, Jadot, Lejeune, Metz,
Morel-Danheel, Pirmez, Raymaeckers, A. Rodenbach, Thienpont, Troye,
Vandenbossche, Wallaert, Zoude, Raikem.
La séance est levée à 4 heures.