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Chambre des représentants de Belgique
Séance du mardi 2 janvier
1838
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre
2) Motion d’ordre relative à l’incident
diplomatique lié à la forêt de Grünenwald (d’Hoffschmidt,
de Theux)
3) Projet de loi portant le budget du
département de la guerre pour l’exercice 1838. Discussion des articles.
Etat-major de l’artillerie et du génie (Willmar, Desmaisières, Willmar),
effectif de l’infanterie, armée de la réserve, congés des miliciens (Willmar), instruction des enfants de troupe (écoles
régimentaires), armée de réserve, aumônerie militaire (Desmet),
armée de réserve, effectifs de l’infanterie (Desmaisières),
réplique générale (Willmar), chiffre global du budget
de la guerre, aumônerie militaire (F. de Mérode),
chiffre global du budget de la guerre, armée de la réserve (Dumortier, Willmar), chiffre
global du budget de la guerre (Mercier, Dumortier, de Puydt), solde des
troupes du génie (Willmar), marchés militaires (masse
de pain) (Desmaisières, Willmar),
indemnités de fourrage accordées aux officiers (Desmaisières,
Gendebien, Willmar, Gendebien), marchés militaires (masse d’habillement) (de Man d’Attenrode, Brabant)
(Moniteur belge
n°4, du 4 janvier 1838)
(Présidence de M. Raikem.)
M. B. Dubus
fait l’appel nominal à midi et quart.
M. Kervyn
lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.
PIECES ADRESSEES A LA CHAMBRE
« Le sieur Henry-Guillaume-Théodore Premper,
ex-sous-officier au régiment des guides, né en Allemagne, demande la
naturalisation. »
- Renvoyé à M. le ministre de la justice.
________________
« Le sieur F. Salvadori adresse une nouvelle
requête en remplacement de celle du 4 décembre 1837 qu’il retire. »
- Renvoyé à la commission de pétitions. »
MOTION D’ORDRE RELATIVE A L’INCIDENT
DIPLOMATIQUE LIE A LA FORET DE GRUNENWALD
M. d’Hoffschmidt. - Messieurs, je viens de lire dans le Journal des Débats que S. M. le roi des Français a donné l’ordre de
faire rétrograder les troupes qui avaient été envoyées sur la frontière de
Prusse ; il semblerait d’après cela que les affaires du Grünenwald seraient
entièrement terminées. Je demande que le gouvernement nous dise s’il a reçu des
nouvelles officielles à cet égard. J’aime à croire que M. le ministre de la
guerre, dès qu’il aura la certitude que les troupes qu’il a envoyées dans le
Luxembourg n’y sont plus nécessaires, voudra bien aussi les rappeler.
Ces troupes sont cantonnées dans la partie la plus
pauvre de la province ; les subsistances y sont extrêmement chères cette année,
et les troupes n’en ont pas avec elles ; elles sont logées chez les habitants.
Or, messieurs, comme cela a été souvent répété dans la discussion du budget de
la guerre, les logements militaires sont une charge fort accablante pour les
populations. Je pense donc que, si le ministère acquiert la certitude que les
affaires sont terminées, il fera rétrograder les troupes, ou que s’il croit
nécessaire de les laisser dans le Luxembourg, il les fera au moins changer de
cantonnements en les faisant avancer vers la partie allemande qui devait être
le théâtre des hostilités.
Je fais cette motion, messieurs, parce que, d’après
les nouvelles que j’ai reçues de la partie logée du Luxembourg, les
subsistances y sont tellement chères qu’on y craindrait une disette si nos
troupes y restaient longtemps.
Si donc M. le ministre de la guerre veut laisser les
troupes dans ce pays, il devrait au moins faire des adjudications de fourrages,
qui pourraient provenir d’autres provinces, afin que la crainte dont je viens
de parler ne se réalise pas.
Je bornerai mes observations
en demandant à MM. les ministres s’ils ont reçu des nouvelles officielles dans
le sens de ce que rapporte le Journal des
Débats, qui est un journal semi-officiel ; s’il en était autrement, je
serais fort éloigné de demander la retraite des forces destinées à soutenir nos
droits.
M. le ministre de l’intérieur et des affaires
étrangères (M. de Theux).
- Messieurs, nous n’avons reçu aucune information officielle du fait auquel
l’honorable préopinant a fait allusion ; tout ce que nous pouvons dire, c’est
que le projet d’exploiter la forêt de Grünenwald a été suspendu ; mais nous ne
pouvons en aucune manière affirmer que ce projet ait été abandonné ; cependant
nous avons la plus grande confiance qu’il en sera ainsi.
Quant à la retraite des troupes, c’est une question
que le gouvernement aura à examiner et à résoudre en temps opportun, et sur
laquelle nous ne pouvons pas nous expliquer quant à présent.
PROJET DE LOI PORTANT LE BUDGET DU DEPARTEMENT
DE LA GUERRE POUR L’EXERCICE 1838
Discussion des articles
Chapitre II. - Soldes et masses de l’armée, frais
divers des corps
Section I. - Soldes des états-majors
Articles 3 et 4
M. le président.
- La chambre en est à l’article 3 du chapitre II. Etat-major des places : fr.
275,496 fr. 40 c.
- Cet article est mis aux voix et adopté.
________________
« Art. 4. Intendance : fr. 145,508 80 c. »
- Adopté.
Article 5
« Art. 5. Etat-major particulier de l’artillerie
: fr. 248,656. »
La section centrale propose une réduction de 1,350 fr.
M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - Je ne puis pas, messieurs, me rallier à cette
réduction, quelque faible qu’elle soit. Le motif pour lequel la section
centrale refuse l’augmentation du traitement de quelques capitaines
d’artillerie qui appartiennent à l’état-major de cette arme, c’est que la solde
de ces officiers est aussi élevée que celle des officiers de l’état-major du
génie, et que les uns ne doivent pas être plus avantagés que les autres. Je
n’admets pas cette similitude comme tout à fait exacte, mais je suis
parfaitement d’accord quant au principe ; seulement je crois qu’on aurait dû en
tirer une conséquence inverse, c’est-à-dire qu’il aurait fallu en conclure que
la solde des officiers du génie doit être augmentée.
Il est bien certain que la solde des officiers d’un
corps quelconque doit être proportionnée non seulement à la dépense qu’ils ont
dû faire pour acquérir les connaissances qui leur sont nécessaires pour remplir
convenablement leurs fonctions, mais encore à celle qu’ils doivent continuer à
faire pour se maintenir au degré d’instruction nécessaire pour que dans toutes
les situations possibles ils soient
toujours également en état de bien faire leur service. Il résulte de là qu’il
est parfaitement juste que la plus forte solde de l’armée soit donnée aux
officiers des armes spéciales de l’artillerie, du génie et de
l’état-major-général, quoique dans un ordre déjà inférieur ; par conséquent,
j’admets très bien que c’est sans motif suffisant qu’on a alloué aux officiers
de l’état-major de l’artillerie une solde inférieure à celle des officiers de
l’état-major-général de la cavalerie ; mais les motifs
que j’ai déjà allégués pour ne pas proposer immédiatement, dans l’état actuel
des choses, une augmentation de solde en faveur des officiers de santé, m’ont
empêché aussi de proposer immédiatement une augmentation de traitement pour les
officiers du génie ; si je fais une proposition dans ce sens en faveur des officiers
de l’artillerie, c’est pour deux motifs qui me semblent de nature à être
appréciés par la chambre : le premier c’est la modicité même de la somme
nécessaire à cet effet, somme qui n’est que de 1,350 fr. : le second c’est que
les officiers attachés à l’état-major de l’artillerie ont absolument les mêmes
dépenses à faire que les officiers des batteries montées, qui sont mieux
traités qu’eux et qu’ils ont même des dépenses plus fortes à faire pour achat
de, livres de cartes, etc. Je pense donc qu’il est tout à fait juste de leur
accorder le même traitement qu’à leurs camarades qui servent dans la troupe. Je
prie donc la chambre de voter le chiffre que j’ai demandé.
M. Desmaisières, rapporteur. - Messieurs, la différence qu’il y a entre la
proposition de la section centrale et celle de M. le ministre de la guerre
n’est pas fort grande, car il ne s’agit que de 1,350 fr. ; mais sous le rapport
des principes la différence est plus grande qu’elle ne le paraît. Il est certain,
messieurs, que le sentiment d’équité qui doit nous faire admettre que les
officiers d’artillerie soient payés sur le même pied que les officiers de
cavalerie, que ce sentiment d’équité nous a guidés lorsque nous avons admis que
les officiers des batteries fussent mis sur le même pied que les officiers de
cavalerie. Hier aussi (et je suis bien aise de pouvoir ici faire cette
déclaration), hier aussi, au moment de voter l’amendement de l’honorable M.
Gendebien, relativement aux frais de représentation, je me suis trouvé arrêté
par deux sentiments d’équité qui se combattaient presqu’à force égale dans mon
esprit : d’un côté, je me disais avec l’honorable M. Desmanet de Biesme, qui
s’est parfaitement expliqué à cet égard, je me disais qu’en adoptant l’amendement
de M. Gendebien, nous pourrions bien faire aux chefs de corps un cadeau qu’ils
n’accepteraient peut-être pas avec beaucoup d’empressement ; mais, d’un autre
côté, je me disais aussi qu’un sentiment de justice distributive exige qu’on
donne des frais de représentation aux chefs de corps si l’on en donne aux
officiers généraux. On a pu voir par mon vote que c’est cette dernière
considération qui l’a, en définitive, emporté.
Maintenant, messieurs, dans la question qui nous
occupe, il y a certainement aussi un sentiment d’équité qui doit nous forcer à
accorder, pour les capitaines de l’état-major de l’artillerie, la même solde
qu’aux capitaines de la cavalerie et de l’état-major général ; mais ce
sentiment d’équité plaide aussi en faveur des capitaines du génie, et nous
voyons que M. le ministre, qui demande une augmentation en faveur des
capitaines de l’état-major de l’artillerie, n’en demande pas pour le génie ;
cependant M. le ministre de la guerre est peut-être plus compétent pour juger
de la nécessité d’allouer aux capitaines du génie ce qu’il demande pour les
officiers de l’état-major de l’artillerie, puisqu’il appartient lui-même à
l’arme du génie, et qu’il a rempli pendant un certain temps les fonctions de
chef de cette arme ; nous avons donc dû nous dire que, si M. le ministre de la
guerre ne demande pas d’augmentation pour les capitaines de l’état-major du
génie, tandis qu’il en demande une pour les capitaines de l’état-major de
l’artillerie, c’est qu’il n’y a pas chez lui un principe arrêté de mettre les
officiers des armes savantes sur le même pied que ceux de la cavalerie et de
l’état-major général.
Nous avons cru, je le répète,
qu’il a jugé que cette augmentation n’était pas nécessaire pour les officiers
du génie, parce qu’il ne la demandait pas, et nous avons dû, par conséquent,
reconnaître aussi que, si elle n’est pas nécessaire pour les officiers du
génie, elle ne l’est pas non plus pour les officiers d’artillerie. Voilà
pourquoi nous vous avons proposé la réduction dont il s’agit en ce moment.
M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - Je crois avoir déjà expliqué les motifs pour
lesquels je n’ai pas fait cette proposition. J’admets le principe, car je n’ai
jamais compris pourquoi de prime abord l’on n’a pas fait, comme en France, la
part la plus forte aux officiers des armes savantes. Mais maintenant que les
dépenses que nécessite une armée de guerre (si je puis m’exprimer ainsi), sont
très fortes, nous pouvons encore faire attendre un peu les officiers des armes
savantes. Pour le génie, la dépense serait sensiblement plus considérable que
pour l’artillerie, premier motif ; un second motif, c’est que les officiers de
l’état-major de l’artillerie sont assujettis à des frais de tenue plus élevés
que ceux qui incombent aux officiers du génie.
M. le président.
- Je vais mettre aux voix le chiffre du gouvernement qui est de 248,656 fr.
- Le chiffre n’est pas adopté.
Le chiffre de 247,306 fr., proposé par la section
centrale est ensuite mis aux voix et adopté.
Article 6
« Art. 6. Etat-major particulier du génie : fr.
279,210 73 c. »
- La section centrale alloue ce chiffre.
Le chiffre est mis aux voix et adopté.
Section II. - Soldes des troupes
Article premier
« Art. 1er. Infanterie : fr. 11,403,668 14
c. »
Chiffre demandé primitivement par le gouvernement.
La section centrale alloue 10,737,194 fr. 39 c. ;
réduction par conséquent de 637,000 fr. Le ministre s’est rallié à une des
réductions proposées par la section centrale (29,473 fr. 75 c.), de manière que
la réduction totale sur l’article 1 de la section 2 est de 666,473 fr. 75 c.
M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - Il ne m’est pas possible de me rallier à toutes
les réductions que la section centrale a proposées sur le chiffre de la solde
de l’infanterie, et je suis par conséquent obligé de prendre ces réductions une
à une, pour les examiner et les discuter. Pour suivre l’ordre même du rapport
de la section centrale, je commencerai par ce qui concerne la réserve.
L’honorable rapporteur de la section centrale a
exprimé sur la réserve des idées en général très justes et tout à fait
conformes à ce qui est fait. Il y a cependant plusieurs objets au sujet
desquels il a réclamé, d’une manière assez vive.
L’honorable rapporteur a d’abord exprimé le regret que
la réserve ne soit pas réunie plus souvent dans les communes et exercée ainsi
sur place surtout les dimanches.
Je crois que si l’on adoptait cette mesure, on
contrarierait vivement les hommes de la réserve en faveur desquels, d’autre
part, on a témoigné le désir qu’ils fussent ménagés autant que possible. Ces
hommes de la réserve sont en général des ouvriers qui vont travailler dans les
communes voisines, qui ordinairement ne s’en retournent pas même chez eux tous
les samedis, mais qui n’y vont que tous les quinze jours, pour en partir le
lundi. Ce serait donc abuser de la position de ces ouvriers que de les obliger
à employer les dimanches à faire l’exercice.
Mais, messieurs, il existe un autre motif pour que
cette mesure ne soit pas adoptée ; ce motif est fondé dans un intérêt
financier. Pour que tous les exercices pussent avoir lieu, il faudrait que les
cadres de la réserve fussent au complet, pour qu’on pût envoyer dans les communes
qui forment les compagnies, les sous-officiers et les officiers instructeurs en
nombre suffisant ; ce serait l’objet d’une dépense très grande. Les cadres de
la réserve, par esprit d’économie, ont été tenus le plus faibles possible. On a
toujours supposé qu’au moment du besoin on trouverait, dans le patriotisme de
beaucoup d’anciens militaires, les moyens de remplir les cadres de la réserve ;
et pour ménager les finances du pays, on a toujours tenu la réserve dans des
limites telles, qu’il serait impossible de satisfaire aux besoins d’instruction
qu’on réclame.
D’ailleurs, on a élevé contre l’organisation de la
réserve une objection plus grave. L’on a prétendu qu’elle était irrégulière et
qu’il serait indispensablement nécessaire de la sanctionner par une loi. On a
dit qu’elle était contraire à la loi de 1832, à la loi sur la milice, et même à
la constitution. La loi de 1832 n’a pas fait autre chose que d’autoriser une
sorte de levée extraordinaire ; c’est par conséquent une application qui a été
faite de la loi même sur la milice. Comme on ne prend pas pour la réserve plus
d’hommes que cette loi n’en a accordés, je ne vois pas en quoi la réserve
pourrait être envisagée comme portant atteinte à cette loi. La répartition
n’est pas autre chose qu’une répartition dans des corps spéciaux des hommes qui
ont été mis à la disposition du gouvernement par les votes successifs de la
chambre, émis en application de la loi sur la milice.
Je ne vois dès lors pas en quoi une répartition des
hommes mis régulièrement à la disposition du gouvernement dans tel ou tel
corps, peut avoir quelque chose de contraire à la constitution. La loi sur la
milice a réglé le temps de service des miliciens ; elle a établi qu’en temps de
paix cette durée ne devait pas dépasser 5 années ; elle a établi aussi qu’en
temps de guerre cette durée était illimitée.
Or, par suite des votes successifs de la chambre,
l’armée est susceptible d’être portée à un maximum de 110,000 hommes ; le
gouvernement a calculé de combien de classes de miliciens il avait besoin pour
avoir toujours ces 110,000 hommes à sa disposition, et il a pensé qu’au-delà de
10 années il n’était pas nécessaire qu’il usât de la faculté de tenir les
hommes sous les drapeaux. De même, comme cette force de 110,000 hommes ne doit
pas être continuellement réunie ; qu’au contraire elle doit être en grande
partie réservée seulement aux cas extraordinaires, le gouvernement n’a pas
pensé non plus que les hommes qui n’étaient destinés qu’à fournir cette force
extraordinaire dussent être incorporés dans l’armée ordinaire. C’est pour cela
que le gouvernement a institué des corps spéciaux destinés à recevoir les
hommes de cette catégorie.
Je le répète donc, il n’y a en cette circonstance pas
plus d’atteinte à la loi sur la milice ou à la constitution, dans
l’organisation de la réserve, qu’il n’y en a dans l’organisation des corps qui
composent l’armée ordinaire.
C’est un simple acte d’administration qui, je le
répète, n’est opposition avec aucune espèce de loi.
Maintenant, la section centrale trouve que l’on peut
allouer des fonds pour la réunion de la réserve ; mais elle pense qu’il vaut
mieux n’en accorder que pour la réunion d’une partie de la réserve ; elle pense
que si les hommes ayant huit ans de service ont besoin d’être réunis, il n’en
est pas de même pour ceux qui ont neuf ans de service, et que par conséquent il
suffit d’allouer des fonds pour la réunion d’une partie de la réserve.
L’un des motifs allégués dans le rapport pour opérer
une réduction, est qu’en 1837 on a réuni 10,000 hommes et que ce nombre a été
trouvé suffisant. Cet argument manque complétement de justesse ; la preuve en
est dans le rapport de la section centrale, qui contient une partie de la note
qui lui a été remise.
On y lit :
« Les difficultés provenant du manque de moyens
de casernement et de l’inopportunité de la saison n’ont permis de réunir dans
le courant de cette année qu’environ 100,000 hommes de la réserve. »
Ce n’est donc pas parce qu’on a trouvé le nombre de
100,000 hommes suffisant qu’on n’a réuni que 10,000 hommes, c’est parce qu’on a
été dans la nécessité de le faire ; donc on ne doit pas conclure de ce fait
qu’il ne sera pas nécessaire de réunir en 1838 le nombre total des hommes de la
réserve, si les mêmes circonstances qui ont eu lieu en 1837 ne se représentent
pas ; or, il est à croire que ces circonstances ne se représenteront pas.
L’intention qu’on a toujours eue de réunir de bonne heure les troupes au camp
de Beverloo, n’a pu être remplie en 1837, entre autres raisons par suite de
l’état de la saison. Les pluies très longues qui ont eu lieu au printemps ont,
avec d’autres causes, retardé les travaux. Les troupes ont été au camp assez
tard, et comme on tient à ne réunir la réserve que pendant que la présence des
troupes au camp laisse les casernes vides, on a dû ajourner la réunion de la
réserve au moment de l’approche de la moisson, c’est-à-dire au moment de
l’absence de bras dans les campagnes se serait fait sentir de la manière la
plus fâcheuse. C’est là le motif pour lequel on s’est borné à réunir la moitié
de la réserve. Cette année les troupes iront au camp beaucoup plus tôt ; il
faut espérer que la saison le permettra ; la réserve pourra donc être réunie
tout entière dans les casernes vides.
Reste à examiner s’il est utile de réunir la réserve
tout entière ; à cet égard je crois que les considérations du plus ou du moins
ne peuvent être invoquées contre cet article du budget.
Les hommes de la réserve ont besoin de rester dans la
conviction entière qu’ils appartiennent à l’armée, qu’ils doivent obéir au premier
appel, qu’ils doivent conserver les vêtements qu’ils ont chez eux, achever de
payer leurs dettes, s’entretenir dans l’instruction, être prêts à tout ce que
le pays et la défense du pays peuvent exiger. Si on les laisse une année chez
eux, sollicités surtout qu’ils sont d’y rester par la facilité de gagner des
salaires élevés comme ouvriers, il est à craindre qu’ils ne se persuadent
qu’ils ne font plus partie de l’armée et qu’on ait beaucoup de peine à obtenir
d’eux les services que le pays est en droit d’en attendre.
Ici encore nous devons prendre exemple sur ce qui se
passe chez la puissance avec laquelle nous sommes en guerre. Là la schuttery
mobile qui répond par son service à notre réserve est réunie tout entière tous
les ans. On fait pour elle des dépenses d’entretien, de renouvellement d’effets
d’habillement, plus considérables que celles que nous faisons. Du reste, tous
les autres motifs militant en faveur de la réserve ont été énoncés dans la note
remise à la section centrale, et toutes ces raisons n’ont été aucunement
combattues.
Le rapport même de la section centrale proclame
l’utilité de cette réunion ; il porte : « L’utilité de réunir annuellement
pendant un certain nombre de jours l’armée de réserve, est aussi incontestable
que la nécessité d’avoir une armée de réserve. »
Veuillez le remarquer, ce passage du rapport ne parle
pas de la moitié de l’armée de réserve conformément aux conclusions du rapport
; c’est l’armée de réserve qui doit être réunie. Je suis parfaitement d’accord
à cet égard avec la section centrale.
En proposant de ne réunir la réserve que pendant 10
jours on s’est renfermé dans la limite la plus étroite possible. Après cela je
crois que la nécessité de réunir la réserve entière existante, surtout pour
l’arme de l’infanterie. Pour la cavalerie et l’artillerie, les hommes sortant
de l’armée active sont plus foncièrement instruits, parce que pendant cinq ans
ils ont été plus constamment sous les drapeaux, et que par conséquent ils ont
acquis l’instruction militaire plus complète, et qu’ils sont plus aptes à bien
conserver. D’ailleurs l’organisation de ces deux armes n’est pas suffisamment
avancée pour que cette réunion puisse offrir les grands avantages. Pour ces
deux armes, pour l’artillerie surtout, on ne pourrait pas employer isolément la
réserve, il faudrait l’incorporer dans l’armée ; par conséquent la réunion de
cette partie de la réserve n’offrirait pas d’utilité. Je pense donc pouvoir me
borner à réunir 19,000 hommes, au lieu de 23,000. Je fais ainsi la part de
3,000 hommes pour les armes spéciales, et d’un millier d’hommes pour les
manquants. D’après l’expérience c’est à ce nombre qu’il faut évaluer les
manquants que diverses causes, comme par exemple le travail à l’étranger,
empêchent de se rendre sous les drapeaux.
Je crois donc qu’on peut réduire de 4,000 le chiffre
de 23,000 hommes que j’avais proposé ; c’est une partie du nouvel amendement
que j’ai l’intention de soumettre à la chambre.
Par le même motif je proposerai une diminution sur le
complet des cadres.
Le rapport de la section centrale a mis le ministre de
la guerre en demeure de déclarer s’il se croyait en état de remplir dès le
commencement de l’année la partie des cadres de l’infanterie qui a été annoncée
devoir être remplie dans le courant de cette année. Je ne pense pas que ce soit
possible dans le premier trimestre de l’année ; je proposerai par conséquent de
retrancher la somme afférente au complet des cadres de l’infanterie pendant le
premier trimestre ; mais je suis bien loin d’être d’accord avec le rapport de
la section centrale sur le chiffre auquel doit être évalué cet incomplet.
D’après le rapport, ce devrait être 65,000 fr. ; je ne puis proposer une
réduction que de 18,000 fr., le tiers à peu près du chiffre dont il s’agit ;
ceci vous annonce d’avance que je ne puis pas admettre les chiffres du rapport.
Il y en a qui sont véritablement inexacts. Je ne les discuterai pas tous ; je
pense qu’il est plus expéditif d’établir ce qui existe réellement.
Au fond, le point de départ est jusqu’à un certain
point exact. Depuis la publication de l’annuaire, il n’a été comble d’incomplet
que pour 65,000 fr. ; mais dans l’année 1836, année de la publication de
l’annuaire dont il a été fait abstraction dans le rapport, l’incomplet a
beaucoup augmenté.
Pour établir les dépenses relatives à l’incomplet, je
prendrai pour point de départ le 1er février 1837, époque également choisie par
le rapport.
Au 1er février 1837, la somme qui devait être payée
pour les officiers présents dans les corps était de 3,616,030 fr.
Mais i y avait en outre de ces officiers de corps 23
sous-lieutenants de l’école militaire dont le traitement s’élève à 34,000 fr.
De plus il y a pour supplément à payer aux officiers
qui jouissent des anciens traitements, 75,450.
Ainsi la somme totale au 1er février 1837 était de
3,725,520 fr.
L’allocation nécessaire pour les emplois à créer était
de 440,940 fr.
La section centrale suppose la somme de 480,000 fr.
Différence : 39,060 fr., à peu près le montant des
traitements des sous-lieutenants de l’école d’application.
L’honorable rapporteur dit dans son rapport qu’en 1837
il n’a dû être rempli d’incomplet que pour une somme de 35,000 fr. Ce chiffre
n’est pas plus exact que celui de 65,000 fr. indiqué comme maximum du
complément des cadres depuis la publication de l’annuaire.
Les promotions faites en 1837 ont donné lieu à une
dépense de 296,210 fr.
Les démissions survenues ont donné lieu à une économie
de 173,630 fr.
Par conséquent, il a été vraiment dépensé en 1837 pour
diminution de l’incomplet, non pas, comme dit le rapport de la section
centrale, une somme de 35,000 fr., mais pour les seuls officiers présents dans
l’armée, 122,580 fr.
Le nombre des officiers de l’école militaire a été
augmenté de 16, d’où il résulte une dépense de 23,680 fr.
Par conséquent, la somme totale dépensée en 1837 de
l’incomplet est de 146,260 fr. au lieu de la somme de 35,000 fr. indiquée.
Au 1er février 1837, la somme nécessaire pour remplir
l’incomplet était 440,940 fr.
La somme dépensée est 146,260 fr.
Donc la somme disponible est 294,680 fr.
La section centrale a supposé disponible la somme de
415,000 fr.
Donc différence, 120,320 fr.
J’ai eu d’autres moyens, qu’il est inutile d’indiquer
ici, de vérifier ces chiffres, et j’ai reconnu que le chiffre restant
disponible au projet de budget de 1838, pour les nominations à faire dans
l’infanterie en 1838, était de 294,680 fr.
J’admets qu’il y ait 150 emplois de sous-lieutenants
qui restent vacants ; cela représente une somme de 222,540 fr.
Par conséquent la somme nécessaire pour l’incomplet à
combler est 72,140 fr., dont le quart est 18,035.
Donc l’amendement que je propose contient une
réduction pour l’incomplet à subsister dans les cadres de l’infanterie pendant
le premier trimestre de 1838.
Je n’entrerai pas dans une discussion sur la nécessité
de diminuer l’incomplet des cadres autant que possible ; il y aurait beaucoup
de choses à dire à cet égard ; mais comme je ne demande pas que tout
l’incomplet soit rempli, je ne m’engagerai pas dans cette discussion.
Il y a une chose plus importante, c’est que le rapport
de la section centrale renferme une sorte de reproche adressé au département de
la guerre de ce qu’il n’a pas complété les cadres. En effet, le rapport
contient ces mots : « Nous désirons vivement même que les cadres soient
enfin complétés le plus promptement possible. » Mais si les cadres n’ont
pas été complétés, c’est que cela n’a pas été possible. Les propositions faites
par le gouvernement dans le budget de la guerre sont le gage de ce qu’il veut
faire pour l’armée. Je crois que le département de la guerre a toujours montré
devant la chambre un intérêt suffisant pour l’armée ; dans le budget de 1838 il
en existe plusieurs preuves. La proposition en faveur des enfants de troupes,
objet d’une grande importance, surtout pour les grades inférieurs et pour la
bonne instruction de notre armée, la réduction de la retenue pour les
médicaments, les améliorations introduites dans le service des hôpitaux et pour
le bien-être des troupes, démontrent assez qu’à cet égard le département de la
guerre n’a pas besoin d’être stimulé.
Je suis persuadé que la réduction d’un quart pour
l’incomplet sera comprise comme elle doit l’être.
Il y a dans le rapport des assertions qui ne sont pas
exactes et qui ont besoin d’être relevées, et notamment celle qui énonce le
reproche de ne pas rendre justice aux miliciens, reproche qui se trouer, pour
ma part, souverainement injuste.
On a fait pour les hommes envoyés aux compagnies de
discipline le rapprochement entre les enrôlés volontaires et les miliciens ; on
a prétendu que les enrôlés volontaires formaient presque toute la force des
compagnies de discipline, mais on n’a pas considéré qu’il y a deux classes
d’enrôlés volontaires qui appartiennent positivement à la classe des miliciens
: ce sont des individus volontaires ou non-volontaires enrôlés en vertu des
articles 171 et 168 de la loi. Les uns et les autres sont miliciens ; les uns
ont pris des engagements volontaires, les autres ont été incorporés de force
pour manquement aux devoirs de la milice. Si on restitue ce chiffre aux
miliciens, alors on trouve que le nombre des volontaires est avec celui des
miliciens dans le rapport de 33 à 31, ce qui n’établit aucune espèce de
disproportion.
J’ai dit que je présentais ces considérations parce
que le rapport de la section centrale contient le reproche qu’on ne rend pas
justice aux miliciens. On se fonde, pour articuler ce reproche, sur ce que les
grades de sous-officiers sont dévolus aux volontaires.
Il y a dans cela quelque chose de vrai, mais il n’y a
rien là qui implique une partialité quelconque contre les miliciens en faveur
des volontaires. Ceci est une chose de choix, non d’obligation. Les
sous-officiers restent constamment sous les armes. Lorsqu’on considère toute
l’importance des services des sous-officiers, il est impossible de contester ce
fait. Donc les sous-officiers ne peuvent jamais obtenir de longs congés, ceci
est évident. Le service journalier et l’instruction des militaires exigent que
les sous-officiers soient presque constamment présents ; il résulte de là que
presque toujours on est dans l’impossibilité de nommer des miliciens
sous-officiers. On cherche à faire contracter des engagements volontaires à
tous les miliciens auxquels on reconnaît l’instruction première nécessaire pour
qu’ils deviennent bons sous-officiers ; mais on ne fait pas de cela une
condition, comme quelques personnes le prétendent.
La seule condition qu’on leur impose, et elle est
commandée par le service, c’est qu’ils renoncent à de longs congés. Cette
renonciation, on ne l’obtient même pas ; il y a plus, il y a des miliciens qui
savent lire et écrire et qui le cachent pour ne pas passer caporaux, pour ne
pas être retenus à l’armée, pour jouir des longs congés qu’ils désirent. Ne
pouvant obtenir des miliciens la renonciation à de longs congés, laquelle est
indispensable, on est dans la nécessité réelle de prendre en général les
sous-officiers parmi les enrôlés volontaires.
Ce qu’on doit faire pour avoir de bons cadres de
sous-officiers, c’est d’encourager les enrôlements volontaires soit
directement, soit des miliciens, en vertu de l’article 71, soit par
remplacement. C’est là le vrai moyen d’avoir de bons sous-officiers ; mais tant
que les miliciens ne voudront pas se soumettre à la condition de n’avoir pas de
longs congés, il sera impossible de leur donner une large part dans les grades
subalternes de l’armée,
Je le répète, il est important d’encourager l’esprit
militaire dans les rangs inferieurs de l’armée ; pour cela peut-être sera-t-il
nécessaire d’augmenter la solde des sous-officiers ; on stimulerait ainsi les
miliciens et les jeunes gens ayant reçu une éducation moyenne à chercher cette
porte pour arriver au grade d’officier.
Il y a un point important dans le rapport de la
section centrale sur l’article qui nous occupe. La section centrale propose une
réduction de 3,000 hommes sur l’effectif de l’infanterie. La section centrale
m’a notifié à cet égard sa décision et ne m’a pas demandé mon avis sur
l’opportunité de la mesure. Cette mesure est, à. mon avis, une révocation
indirecte de celle prise au budget de 1837. Ce serait le retour à un système
que la chambre a voulu changer, système qui était, dans mon opinion, celui
d’une trop grande sécurité, d’une confiance presque exclusive dans les
événements et dans les secours de l’étranger.
Je crois qu’il était de la dignité et de l’intérêt de
la sécurité de la nation d’adopter un système différent, celui de se défendre
soi-même ou du moins de se mettre en position de se défendre soi-même. Changer
ce système, revenir sur le passé, ce serait certainement, aux yeux de la
nation, une versatilité tout à fait fâcheuse ; ce serait s’exposer au reproche
de ne pas avoir un soin suffisant de l’honneur et de la défense du pays. Je
crois donc qu’il faut maintenir la disposition prise en 1837 ; je ne crois pas
avoir besoin d’entrer dans de grands développements pour le démontrer.
Je ne soumettrai à la chambre qu’une considération qui
me semble de nature à devoir faire sur elle une grande impression : c’est
l’exemple de ce qui s’est passé aux états généraux. Là, quand le budget a été
présenté, la somme proposée a été indiquée comme provisoire, le motif de cette
proposition a été la situation incertaine de la politique ; on a donné à
entendre que cette somme pouvait être insuffisante, et que probablement on
serait obligé à une augmentation.
D’après l’énoncé du rapport de la section centrale, la
réduction de 3,000 hommes a été calculée en comparant l’effectif moyen à tenir
sous les armes en 1837 avec celui qui avait servi de base au calcul des
allocations de ce budget ; mais ces calculs ne sont pas exacts.
Toutes les mesures arrêtées en 1837 ont été mises à
exécution même avant le vote du budget : dès le mois de mars, lorsque quelques
rumeurs de mouvements militaires sur les frontières de la Hollande ont circulé
dans le pays, j’ai déclaré à la chambre que je prendrais sur ma responsabilité
d’augmenter immédiatement l’armée rassemblée ; c’est ce qui a eu lieu. Du 1er
au 15 mars, il y a eu augmentation dans l’armée de plus de 5,000 hommes ; et au
mois de juillet, lorsque les miliciens de 1835 se sont réunis, l’augmentation a
été de plus de 12,500 hommes. Je prie de remarquer que les miliciens de 1835
n’ont été réunis qu’au mois de juillet ; car ce n’est que d’une manière
générale que l’on dit que les miliciens sont réunis au mois d’avril.
Et cela doit se savoir dans les localités où il y a
des dépôts. Aussi depuis le 1er au 15 mars l’armée a été augmentée, et elle est restée sur le pied
où la chambre voulait qu’elle fût jusqu’au mois de novembre. Alors on a accordé
quelques congés parce que la sécurité revint à cause de l’approche de la
mauvaise saison.
Il est donc impossible que le ministre de la guerre
consente à une réduction. Néanmoins, messieurs, j’en puis proposer une ; mais
voici sur quelles bases :
Quel que soit l’effectif organique auquel on veuille
porter une armée, il y a toujours un manquant produit par diverses causes
inévitables. La chambre a pu se convaincre que ce manquant existait et qu’on
tenait compte des économies qu’il produisait, C’est par suite de cet incomplet
de l’effectif que tous les ans il y a des transferts possibles aux budgets.
Cet incomplet résulte de la circonstance que je viens
de mentionner, que les congés temporaires sont accordés dans la mauvaise
saison.
C’est d’abord pour diminuer les dépenses de l’armée
qu’on accorde ces congés ; en second lieu c’est pour être utile aux industries
qui ont besoin de bras, et aussi pour donner aux miliciens la faculté d’aller
de temps en temps revoir leur famille dans l’espoir de diminuer une plaie de
l’armée, la désertion ; plaie qui est une des causes de cet incomplet. Nous
avons malheureusement toujours un assez grand nombre d’hommes devant les
conseils de guerre et dans les maisons d’arrêt, par suite de désertions. Comme
ces désertions ne peuvent être attribuées qu’à ce besoin qu’éprouve le milicien
d’aller revoir son clocher, les déserteurs reviennent au bout de quelque temps.
Si quelquefois leur absence se prolonge, c’est qu’ils espèrent gagner de forts
salaires. Quoi qu’on fasse il y aura toujours un incomplet dans l’armée, lequel
peut être évalué à un millier d’hommes ; et je crois qu’on peut diminuer la
solde de l’infanterie de la somme nécessaire pour ces mille hommes.
De cette manière on ne changera rien à l’organisation
de l’armée ; et le budget ne portera pas une solde qui ne pourrait être
employée.
Il me reste à expliquer comment la section centrale a
pu être amenée à croire qu’il y avait en effet un déficit de 3,000 hommes.
La section centrale avait basé ses calculs sur les
états de situation au premier jour de chacun des neuf premiers mois de l’année
1837, états qui lui ont été fournis. Elle a donc basé ses calculs sur
l’effectif de quelques jours, sans tenir compte des variations qui arrivent
dans le cours d’un mois. Ces états de situation peuvent servir
approximativement de bases pour l’effectif de l’année, mais ne peuvent servir
de base à un calcul rigoureux.
En 1837, plusieurs causes ont diminué l’effectif,
causes qui n’ont pas été connues de la section centrale, et qui ne sont pas
susceptibles d’être reproduites en 1838.
La première cause c’est que l’augmentation de l’armée
n’a commencé qu’au mois de mars. En second lieu on a donné en 1837 un très
grand nombre de congés ; on a renvoyé un grand nombre d’enrôlés volontaires. Il
y en avait beaucoup dont l’engagement expirait à cette époque ; vous savez
qu’en 1831 un grand nombre d’enrôlements volontaires se sont faits pour servir
pendant six années ; ce fait qui prouve le patriotisme du pays est trop
honorable pour que je ne le signale pas.
De plus il y avait une autre classe d’enrôlés
volontaires qui se trouvaient dans une position fausse ; c’étaient ceux qui
avaient pris des engagements sous l’ancien gouvernement. Le terme de leurs
engagements étant incertain parce que les matricules n’étaient pas en notre
possession, le gouvernement avait fixé l’année 1832.
Ils prirent de nouveau un engagement dans le pays ; on
voulait le faire partir de 1832 ; mais ils voulaient le faire partir du jour de
leur premier engagement, ou du moins ils comprirent n’avoir que continué leur
premier engagement. Ils manifestèrent du mécontentement, ils donnaient de
mauvais exemples ; on a cru qu’on devait y mettre fin, et en 1837 on leur donna
des congés. De là il est résulté qu’il y a eu un nombre très grand d’enrôlés
volontaires qui se sont retirés du service en 1837. Ce sont là des causes qui
ne peuvent se reproduire en 1838.
La troisième cause est l’appel tardif de la classe de
1835. Elle n’a pas été appelée à l’époque ordinaire, parce qu’en raison de
l’augmentation du chiffre de l’armée, on craignait de n’avoir pas assez de
logements. Ceci est tellement exact que j’avais demandé à la chambre les moyens
de cantonner ces miliciens. J’ai pensé plus tard qu’il n’y avait pas nécessité
de les réunir à l’époque ordinaire, et qu’il valait mieux ne pas user de cette
faculté, et attendre le moment où les casernes deviendraient vides par suite de
la présence de l’armée au camp.
Mais ce retard de la réunion des miliciens de 1835,
n’ayant pas coïncidé avec les congés donnés aux enrôlés volontaires, il y a eu
déficit dans l’armée pendant un temps, et il a fallu rappeler des hommes en
congé temporaire. C’est là encore une cause qui n’est pas susceptible de se
reproduire en 1838.
Donc les bases mêmes de la proposition de la section
centrale ne sont pas exactes ; et je le répète, le seul incomplet que je puisse
admettre comme devant se reproduire, est celui d’environ un millier d’hommes,
Je crois que sans compromettre en rien la sécurité du pays, que sans porter
atteinte aux mesures qu’avec grande raison nous avons prises, on peut admettre
la réduction que je propose.
Il y aurait peut-être une réduction à faire,
relativement aux hommes envoyés dans le Luxembourg ; mais il est impossible
d’en assigner le chiffre, parce qu’on ne sait pas pendant quel temps elles y
séjourneront.
M. le président. - L’amendement de M. le ministre de la guerre
comprend une réduction sur la solde pour un millier d’hommes ordinairement
absent, pour l’incomplet des cadres des officiers, pour l’incomplet pour causes
diverses, et s’élève en totalité au chiffre de 267,575 fr. 75 c.
Il y a encore une réduction sur la solde des troupes
qui se trouvent dans le Luxembourg et qui sont logées et nourries chez les
habitants ; mais comme on ne saurait apprécier le montant de cette réduction,
elle reste pour mémoire.
M. Desmet.
- Messieurs, j’ai pris la parole pour demander quelques explications à l’honorable
ministre de la guerre sur cette nouvelle institution qui figure cette année
dans son budget : je veux parler de l’entretien et de l’éducation qu’on se
propose de procurer aux enfants de troupes.
Dans la séance d’avant-hier on a longuement discuté
sur la compétence du gouvernement pour l’établissement des grades dans l’armée,
et, à ce sujet, on a réclamé une loi organique.
Une chose qui certainement fera l’objet d’une loi,
c’est indubitablement l’organisation de cette espèce de nouvelle école militaire
qu’on veut introduire dans l’armée, et il est bien à regretter que la section
centrale ne se soit pas occupée de cet objet, et discuté s’il n’y avait point
de nécessité, de la part du ministre de la guerre, de nous présenter un projet
de loi au lieu de faire de son propre pouvoir un règlement pour l’organisation
d’une telle institution ; messieurs, cela me paraît d’autant plus nécessaire,
qu’il s’agit non seulement d’entretenir les enfants de troupes, mais de leur
donner une véritable éducation ; et veuillez remarquer qu’ils ne sont pas tenus
de rester au service, mais qu’ils ont la faculté de se retirer et d’entrer dans
la vie civile aussitôt qu’ils ont atteint l’âge de 18 ans, on n’y reçoit pas
uniquement les enfants dont les parents appartiennent aux régiments, mais
encore d’autres qui n’ont point de parents au service ; on peut donc dire que
cette institution toute nouvelle n’embrasse pas uniquement les enfants de
troupes. Il est donc nécessaire que l’organisation n’ait lieu qu’en vertu d’une
loi.
J’ai quelques mots à dire, messieurs, relativement à
l’armée de réserve. Je voudrais bien que, comme le désire la section centrale,
les hommes de cette armée pussent être exercés tous les dimanches ; mais la
chose me paraît impossible, surtout dans les communes rurales.
Je désirerais beaucoup qu’on fît faire les revues
semestrielles par les commissaires de district, pour qu’ils examinent les
objets qui doivent être conservés ; comme les sections l’ont fort bien fait
observer, les objets d’équipement se détériorent tellement qu’à la fin ils ne
sont plus présentables. Des revues semestrielles forceraient les hommes de
l’armée de réserve à soigner leurs effets, et cela éviterait de très graves
inconvénients.
Il me semble que ces inspections de la part des commissaires
de district étaient très utiles, et tout à fait dans l’intérêt de l’armée ; je
ne conçois donc pas pourquoi on ne les fait plus.
Si je suis bien informé, les officiers sont souvent
quelque peu durs envers les jeunes miliciens. Si on m’a bien informé, j’y
verrai un abus, car ce n’est pas un bon moyen pour instruire et conduire nos
jeunes gens. Ce n’est pas dans le caractère des Belges ni dans nos mœurs d’être
traités durement. Je demande donc avec instance au chef de l’administration de
la guerre de faire faire beaucoup d’inspections pour s’assurer si la conduite
des officiers envers les soldats n’a rien à se reprocher.
Quant au complément de l’effectif, je dirai,
messieurs, qu’en présence d’un budget des recettes insuffisant, il faut y
penser à deux fois avant de voter des dépenses qui ne seraient pas tout à fait
nécessaires. La section centrale pense que l’effectif est suffisant ; M. le
ministre de la guerre a cherché à lui faire comprendre qu’il est nécessaire
d’augmenter cet effectif ; mais je voudrais qu’il nous fît une déclaration plus
positive que celle qu’il a faite ; car s’il peut l’éviter, il ne faut pas
enfler le budget des dépenses.
Messieurs, je dois
encore revenir sur un point, c’est le peu de moralité qui règne souvent parmi
les miliciens ; cela dépend du manque d’instruction religieuse, et c’est pour
ce motif que j’ai insisté l’année dernière sur la nécessité d’avoir un aumônier
auprès de chaque régiment ; maintenant les aumôniers sont remplacés par des
vicaires ou d’autres membres du clergé subalterne, mais ceux-là ne peuvent pas
s’appliquer à donner l’instruction aux militaires ; tout ce qu’ils peuvent
faire, c’est d’assister les mourants, et même très souvent des jeunes soldats
meurent sans avoir reçu les sacrements. Je crois donc, messieurs, que la
moralité de l’armée exige impérieusement qu’il y ait un bon aumônier auprès de
chaque régiment.
Toujours, en Belgique, des aumôniers ont été attachés
aux régiments ; même sous le régime hollandais nos troupes avaient des
aumôniers. C’est même un scandale qu’un pays qui est entièrement catholique,
n’ait point de prêtres dans l’armée ; d’ailleurs, qu’on veuille y songer, que
quand on devra entrer en campagne, les vicaires des paroisses ne suivront pas
les garnisons ; ainsi nos jeunes gens seraient conduits au combat, et on les
tiendrait dans une telle position, qu’aux moments de besoin ils ne pourraient
avoir les secours de la religion.
M. Desmaisières, rapporteur. - Messieurs, l’honorable ministre de la guerre a bien
voulu reconnaître que les vœux que j’ai émis relativement à l’armée de réserve,
sont en général justes, mais il a trouvé qu’il y avait une espèce de
contradiction entre plusieurs parties de mon rapport ; il a trouvé que j’avais
eu raison de désirer qu’on arrivât à une organisation telle qu’il fût possible
de réunir, par parties plus ou moins grandes, l’armée de réserve, tous les
dimanches, pour les exercices ; il a trouvé encore juste ce que j’ai dit de
l’utilité qu’il y a, dans l’organisation actuelle de l’armée de réserve, de la
réunir annuellement pendant un certain nombre de jours ; mais il a trouvé
ensuite qu’il y avait contradiction entre ces deux principes que j’ai posés et
la demande de réduction faite par la section centrale, et fondée sur ce qu’au
lieu de réunir une fois par an les 25,000 hommes de l’armée de réserve, nous
proposons de ne réunir que 10,000 hommes.
Je ne suis point ici en contradiction avec moi-même,
messieurs, car si j’ai exprimé le désir qu’on pût arriver à une organisation telle
qu’il fût possible de réunir tous les dimanches une partie plus ou moins grande
de l’armée de réserve pour lui faire faire l’exercice, par cela même que
j’exprimais ce désir, je reconnaissais qu’il y avait des obstacles : le moindre
n’est pas celui qui a été signalé par M. le ministre de la guerre lui-même,
celui des dépenses auxquelles ces réunions hebdomadaires donneraient lieu.
Maintenant, messieurs, si j’ai dit que l’utilité de réunir tous les ans pendant
un certain nombre de jours l’armée de réserve est aussi incontestable que
l’utilité d’avoir une armée de réserve, je posais là un principe général dont
M. le ministre de la guerre a lui-même reconnu la justesse ; mais quand je
posais ce principe général, je ne pouvais pas, évidemment, aller dire l’utilité
de réunir la moitié de l’armée de réserve ; je devais m’exprimer d’une manière
générale quand je posais un principe général ; mais il arrive souvent (et c’est
ici le cas) que lorsqu’il s’agit d’appliquer un principe général, il y a des
modifications à faire par suite des circonstances qui se rattachent à
l’exécution du principe lui-même.
Ici, messieurs, de quoi s’agissait-il ? Il y avait un
fait, c’est qu’en 1837 on n’avait réuni l’armée de réserve que pendant dix
jours et qu’on n’en avait réuni que la moitié, tandis qu’on avait demandé au
budget de pouvoir la réunir pendant 20 jours et de pouvoir la réunir
entièrement. Il était donc démontré par ce fait que l’on n’avait pas jugé utile
(quoiqu’en 1837 on nous eût annoncé que nous étions dans un état de guerre au
moins égal à celui où nous nous trouvons actuellement), que l’on n’avait pas
jugé utile, dis-je, d’employer entièrement le crédit que l’on avait pétitionné.
En suite de cela, l’armée de réserve, telle qu’elle se
trouve composée, ne renferme que deux années des levées annuelles du contingent
de l’armée ; et il est certain que s’il y a utilité à réunir l’armée de
réserve, cette utilité est au moins bien plus grande (si pas seulement
nécessaire) pour les soldats de la réserve qui ont encore à rester pendant une
année après leur réunion. Mais on m’accordera au moins que l’utilité de ces
réunions est bien moins grande, si même elle ne se réduit pas à zéro, pour les
hommes de la réserve qui doivent être immédiatement congédiés après la réunion.
Car si ces hommes, après avoir été réunis, doivent recevoir leur congé
définitif, à quoi bon les avoir reconnus ?
Je crois donc avoir démontré que la proposition de la
section centrale est très fondée, et qu’elle n’est nullement en contradiction
avec les principes que la section centrale avait admis, en ce qui concerne
l’organisation de l’armée de réserve.
M. le ministre de la guerre a dit qu’il n’y avait rien
d’irrégulier, d’illégal, d’inconstitutionnel dans l’armée de réserve, telle
qu’elle se trouve organisée ; j’admets qu’il n’y ait au fond rien d’illégal ;
cependant je dois insister sur une objection qui a été faite par la section
centrale et qui est puisée dans la loi de 1832.
La loi de 1832 a appelé sous les armes les miliciens appartenant
à plusieurs années antérieures à celle où la loi a été portée ; mais elle a
excepté de cet appel les localités dont les gardes civiques se trouvaient à
cette époque mobilisées ; et cependant M. le ministre nous a fait connaître que
les miliciens de 1832 qui avaient été appelés au service par la loi dont il
s’agit, font encore actuellement partie de l’armée de réserve : ii y a donc ici
une espèce d’injustice, d’illégalité, en ce que l’on n’a pas fait attention que
la loi de 1832 avait excepté de l’appel sous les armes les localités dont les
gardes civiques étaient alors mobilisés et qui ont été licenciés depuis.
Indépendamment de cela, la loi sur la milice ne limite
pas le temps de service pendant lequel les miliciens doivent rester sous les
armes en temps de guerre.
Je conviens que dans le système d’organisation de
l’armée de réserve qui est actuellement suivi, il y a un bienfait pour les
miliciens, puisque, après avoir passé huit années sous les drapeaux dans
l’armée de ligne, et deux ans dans l’armée de réserve, ils sont définitivement
congédiés du service ; mais je crois qu’il y aurait une garantie bien plus
forte pour les miliciens, si l’organisation de la réserve était le résultat
d’une loi, et je crois que c’est là un motif contre lequel il est difficile de
trouver des objections, pour qu’un projet de loi sur l’armée de réserve soit
présenté à la législature.
Je passe à l’objection de M. le ministre de la guerre,
relative à l’incomplet des cadres.
M. le ministre de la guerre a trouvé une espèce de
reproche dans le passage de notre rapport où nous disions :
« Si donc M. le ministre de la guerre peut
assurer qu’ils seront complétés dès le 1er janvier 1838, nous allouerons le
crédit pétitionné pour cet objet dans son entier. »
Après avoir dit :
« Nous devons donc répéter ici ce que nous avons
déjà dit, lors de la discussion du budget de 1837 : c’est que nous sommes prêts
à voter les sommes nécessaires pour des cadres complétés dès à présent, et que
nous désirons vivement même que les cadres soient enfin complétés le plus
promptement possible. »
Non, messieurs, ce n’est pas un reproche que nous
avons voulu faire à M. le ministre, mais nous avons tenu à nous justifier
nous-mêmes d’un reproche que l’on nous avait fait ailleurs qu’ici.
Nous avions soutenu l’année dernière qu’il serait
impossible au ministre de faire usage de toute l’allocution qu’il demandait
pour compléter les cadres, parce que quoique nous désirions vivement que les
cadres fussent complétés, nous pensions que le ministre serait dans l’impossibilité
de les compléter, et que dès lors il ne fallait pas charger inutilement le
budget des dépenses, vu qu’en chargeant inutilement le budget des dépenses, on
chargeait aussi inutilement le budget des voies et moyens.
Eh bien, messieurs, les faits ont démontré que nous
avions raison ; M. le ministre de la guerre est venu vous déclarer lui-même
qu’il n’avait pu compléter les cadres en 1837, jusqu’à concurrence de la somme
qu’il avait pétitionnée.
M. le ministre de la guerre a parlé de découragement.
Il vous a dit que lorsqu’une réduction du chef de l’incomplet des cadres était
proposée par le ministre lui-même, il ne pouvait en résulter aucune espèce de
découragement pour l’armée, parce que l’armée savait que le ministre était à
même d’apprécier ses besoins et de savoir jusqu’à quel point il serait possible
de réduire ses cadres. Mais, ainsi que je viens de le dire, il paraît que tel
n’a pas été le cas en cette circonstance, puisque c’est nous qui avons mieux su
prévoir jusqu’à quel point il serait possible de remplir les cadres de l’armée.
Et quant au découragement, je dirai qu’on décourage beaucoup plus l’armée
lorsqu’on demande à la législature des crédits destinés à de nouvelles
nominations, et qu’ensuite ces nominations n’ont pas lieu ; car l’armée doit
faire ce raisonnement tout naturel : Si vous avez tant insisté auprès de la
législature pour obtenir les crédits nécessaires à l’effet de compléter les
cadres d’officier, pourquoi nous sous-officiers n’obtenons-nous pas des places
d’officier ? Car si vous avez insisté si vivement pour le vote de l’allocation,
c’est que vous avez reconnu qu’il y avait matière à remplir les cadres et que
nous n’étions pas indignes de les remplir.
Et quant à la question, messieurs, de l’incomplet des
cadres en elle-même, je dirai encore, comme l’année dernière, qu’il faut avant
tout remplir les cadres de sous-officiers, et faire en sorte, pour la
perspective assurée de l’épaulette, de conserver des sous-officiers dans
l’armée : maintenant on ne réussit pour ainsi dire à n’en conserver aucun,
lorsque la durée de l’engagement est fixée ou que le congé de service est
arrivé.
Si l’on ne s’était pas, messieurs, opposé à
l’amendement qui a été présenté par l’honorable M. Gendebien, lors de la
discussion de la loi sur l’école militaire, on serait parvenu à réaliser la
possibilité de remplir les cadres d’officiers, en donnant de l’avancement aux
sous-officiers. Qu’avons-nous voulu, nous qui avons soutenu l’amendement de M.
Gendebien ? Nous avons voulu qu’on pût, en échange du sacrifice du sang que
l’on demande aux miliciens, leur donner le bienfait de l’instruction, qui seul
peut les mettre à même d’acquérir dans la société une position plus aisée, plus
honorable même que celle où les a placés leur naissance.
Maintenant l’honorable ministre de la guerre a fait un
calcul que je n’ai pas pu suivre entièrement parce que rien n’est plus
difficile que de suivre les calculs que sont faits verbalement. Mais il est
arrivé à des chiffres différents des nôtres sur l’incomplet des cadres et sur
l’usage qu’il a fait du crédit alloué l’année dernière pour subvenir au
complément des cadres qui aurait lieu en 1837.
Il a trouvé une erreur dans nos calculs en ce que nous
n’avons pas mentionné les sous-lieutenants de l’école militaire qui sont aussi
payés sur le chapitre de l’infanterie.
Mais l’honorable ministre de la guerre voudra bien se
rappeler que j’ai demandé, pour établir mes calculs, un état de l’effectif tel
qu’il se trouvait lors de la publication de l’annuaire et après les modifications survenues depuis ; il
doit se rappeler que cet état, j’ai été obligé de le lui rendre deux ou trois
fois, parce que moi-même j’y ai découvert des inexactitudes. Or, après la
remise de cet état au bout de deux ou trois réclamations de ma part, il se
trouve qu’on n’a pas tenu compte des élèves de l’école militaire. Ce n’est pas
ma faute à moi si cette omission a eu lieu, puisque j’ai fait rectifier l’état
jusqu’à trois fois.
Maintenant, messieurs, j’en viens au point capital qui
domine ici toute la question, parce que c’est de ce point que dépend la plus
grande partie de la réduction proposée par la section centrale sur cet article,
et sur les articles tels que masse de pain, d’habillement, etc. qui en
dépendent.
Nous avons cru devoir obtempérer à l’invitation du
ministre, et quand il ne nous aurait pas fait cette invitation, nous n’en
aurions pas moins agi de la même manière. Nous avons cru devoir garder à cet
égard une sage réserve sur les motifs qui nous ont dicté les réclamations que
nous avons proposées à la chambre de ce chef.
Je garderai encore cette réserve, et je ne ferai que
répondre à ce que M. le ministre a dit, en me tenant dans les mêmes limites que
lui.
M. le ministre de la guerre a cru que nous avions
comparé les états d’effectif moyen mensuels, qu’il nous avait fournis, des
hommes temps sous les armes en 1837, avec les chiffres pétitionnés au budget de
1837 et que de là nous étions arrivés à conclure qu’on n’avait pas employé en
1837 tout le crédit qu’on avait demandé à cet égard dans ce même budget. Mais
telle n’a pas été notre manière de calculer ; nous avons cru qu’au budget de
1838 il ne s’agissait pas du budget de 1837 ; il ne s’agissait pas de voir si
toutes les sommes votées pour 1837 avaient été employées, mais de voir quel
était l’effectif moyen qu’on avait tenu sous les armes en 1837, parce que les
besoins sous ce rapport ne pouvaient être plus forts en 1838 qu’en 1837 ; et
c’est l’effectif moyen de 1837, comparé au nombre d’hommes demandé au budget de
1838, qui nous a engagés, obligés je dirai, à demander cette réduction de trois
mille hommes sur l’infanterie.
Les paroles rassurantes que nous avons entendues hier
de la bouche même du Roi, doivent nous faire penser, messieurs, que nous ne
sommes pas dans ce moment dans une situation politique offrant plus de danger
que celle où nous avons été pendant tout le cours de 1837, et par conséquent il
nous est permis d’établir l’effectif moyen de l’armée pour 1838 sur l’effectif
moyen réel qui a existé en 1837.
Ensuite, il y a à observer que les cadres des
sous-officiers sont incomplets et que cependant nous ne vous proposons aucune
réduction de ce chef, parce qu’encore une fois nous désirons vivement qu’il
soit complété le plus tôt possible. Mais quel que soit notre désir, nous savons
qu’il y a impossibilité de le faire maintenant ; et veuillez bien le remarquer,
malgré cela, nous ne proposons aucune réduction de ce chef.
Si nous nous étions trompés
quelque peu sur le nombre de soldats, il y aurait là une déjà compensation, car
nous avons pris la solde des soldats au minimum de 52 centimes, et il y en a
qui reçoivent jusqu’à 74 centimes, et des sous-officiers qui reçoivent jusqu’à
2 fr. 11 centimes. Vous voyez qu’il y a encore de la marge pour le cas où nous
nous serions trompés. Et après tout, nous l’avons encore entendu répéter hier
par une bouche auguste, jamais la chambre (et j’aime à le répéter aussi, parce
que dans une autre occasion, l’année dernière, des discours ont été prononcés
qui tendaient à faire croire que la chambre se refusait à satisfaire aux
besoins de l’armée) le Roi a dit que jamais dans aucune occasion nous n’avions
failli à ce que nous devions à l’armée et au pays ; et en effet, nous avons
toujours accordé tous les crédits qui étaient nécessaires.
Je bornerai là mes observations. Je crois en avoir dit
assez pour justifier les réductions proposées par la section centrale.
M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - J’abonde tout à fait dans le sens de la conclusion
de l’honorable orateur, en ce que la chambre a toujours voté les fonds
nécessaires pour les besoins de l’Etat ; c’est pour cette raison que je lui
demande de maintenir le vote qu’elle a porté l’année dernière en pleine
connaissance de cause eu égard à la véritable situation du pays. Je le répète,
ce que propose la section centrale, est réellement l’abrogation de la décision
prise l’année dernière, c’est le retour au système que vous avez abandonné.
Je suis obligé de suivre l’honorable orateur dans
quelques-uns des détails critiques dans lesquels il vient d’entrer ; car il est
impossible de faire une concession plus grande que celle que j’ai indiquée.
Il fait valoir, comme argument en sa faveur, qu’il n’a
établi ses calculs que sur la solde la plus faible de l’infanterie et qu’il n’a
pas eu égard à l’incomplet dans les cadres des sous-officiers. Mais comme
j’espère que nous arriverons peu à peu à remplir les cadres des sous-officiers,
cette compensation sera fortement diminuée, outre que déjà elle n’est pas d’une
grande importance en elle-même. C’est ce qu’on peut facilement comprendre en
comparant le nombre des sous-officiers et celui des hommes. Je trouve une autre
compensation en sens inverse, dont je n’ai pas fait mention ; c’est que les
chevrons sont payés sur la solde de l’infanterie sans être portés hors ligne
dans le budget. Si on en faisait le calcul, on trouverait que le paiement des
chevrons équivaut à la solde de 500 hommes à peu près. Voilà donc une partie de
la ressource résultant de l’incomplet signalé, qui se trouve absorbée.
Pour obtenir les réductions proposées par la section
centrale, l’honorable orateur s’est appuyé des paroles rassurantes qu’une
bouche auguste a prononcées hier. Elles se sont pourtant bornées à établir que,
dans le moment actuel, la paix de l’Europe et la nôtre en particulier, malgré
un événement récent, ne paraît pas devoir être troublée. Je prie la chambre de
se souvenir que ce fait n’a eu aucune influence sur la détermination de changer
le système dans lequel on s’était tenu jusque-là. Le motif qui nous a
déterminé, ainsi que le gouvernement, est un motif permanent qui n’a reçu
aucune espèce de modification. Il n’est pas autre chose que celui de l’attitude
de la Hollande vis-à-vis de nous, de la situation de l’armée hollandaise ;
cette situation est restée la même, même concentration, même disposition
vis-à-vis de nos frontières. Aussi longtemps qu’un tel état de choses existera,
il va de notre honneur de montrer que nous sommes prêts à commencer par nous
défendre nous-mêmes ; c’est une obligation pour nous de conserver une attitude
parallèle à celle de notre ennemi. C’est la nécessité reconnue de conserver
cette attitude parallèle qui a déterminé l’organisation actuelle de l’armée et
sa force. Je le répète, rien ne peut y être changé.
L’honorable rapporteur a répété que les bases du
calcul de la section centrale étaient l’effectif moyen qu’elle supposait avoir
existé en 1837. J’ai admis que telles avaient été ses bases, mais j’ai fait
observer qu’elles devaient avoir été inexactes. J’ai dit que l’effectif avait
été conforme aux intentions manifestées par la chambre en votant le budget,
mais que les états de situation partielle n’en donnaient pas une appréciation
suffisamment exacte. Du reste, si je m’étais trompé sur les motifs de la
section centrale, ce ne serait pas à moi qu’en serait la faute, elle serait
dans la réserve que la section centrale aurait mise, en adoptant ses
réductions, de ne pas demander si j’aurais des objections à y faire ou si je
pouvais y souscrire.
L’honorable membre s’est plaint de l’inexactitude des
états d’après lesquels il a établi ses calculs. Je comprends que c’est une
chose fâcheuse de devoir travailler sur des documents qui ne sont pas exacts.
Mais cela résulte de la situation même des choses. Les sections centrales chargées
de l’examen des budgets et surtout celle qui s’occupe de l’examen du budget de
la guerre, demandent chaque année des documents très nombreux et très
détaillés, qui exigent beaucoup de temps pour être réunis ; il arrive souvent
alors qu’on manque du temps nécessaire pour les compléter dans tous leurs
éléments. Aussi, pour pouvoir établir les calculs que j’ai faits, il a fallu se
livrer à des recherches très minutieuses et par suite très longues.
Je pense qu’il n’est pas nécessaire de rentrer dans la
discussion de l’amendement de M. Gendebien qui avait pour but de faire entrer
dans une loi une disposition concernant l’instruction dans l’armée. Le
véritable motif de la chambre pour ne pas adopter cet amendement, c’est qu’elle
avait la conviction que le gouvernement faisait et avait fait ce que les
circonstances politiques dans lesquelles nous nous trouvons depuis six ans lui
avaient permis de faire. Du reste, la proposition introduite de rendre une
existence positive à l’institution des enfants de troupes, cette proposition
prouve un commencement d’exécution du système dans lequel le gouvernement a
annoncé avoir l’intention d’entrer. L’institution des enfants de troupes, ainsi
que l’a fait observer, sous un point de vue critique, un honorable orateur, a
pour objet de donner aux enfants des militaires de grade inférieur, non
seulement la nourriture, le logement et le vêtement, mais aussi l’instruction.
Cette instruction servira de noyau à l’instruction de régiment. Par le fait de
l’instruction de ces enfants de troupes, on aura toujours un noyau d’école, et
l’instruction sera dans les écoles régimentaires beaucoup plus suivie et par
cela même meilleure.
Le principal motif qui m’a déterminé à ramener cette
institution a été de donner un encouragement aux sous-officiers et surtout aux
sous-officiers anciens, qui resteront plus facilement dans les corps,
lorsqu’ils y trouveront une garantie d’existence et d’instruction pour leurs
enfants. Ce fait prouve d’une manière incontestable qu’on ne néglige pas les
dernières classes de l’armée. Toutefois je ne veux pas revendiquer pour moi
tout l’honneur d’avoir fait quelque chose pour les enfants de troupes, car
depuis 1835 on a montré pour eux beaucoup de sollicitude ; on a commencé par
les vêtir au moyen de vieux vêtements sans valeur, et on a obtenu
l’autorisation de leur faire suivre les cours gratuits des écoles primaires où
il en existait. Si les sous-officiers quittent l’armée, ce n’est pas parce
qu’ils manquent d’instruction et d’avancement. L’année dernière j’ai donné beaucoup
d’avancement aux sous-officiers.
La loi de 1836 leur assure un avancement qu’on peut
porter aux trois quarts plutôt qu’à la moitié des vacances de sous-lieutenant.
Le champ qui leur est ouvert est assez vaste pour les encourager, pour me
servir de l’expression dont on s’est servi, par la perspective de l’épaulette.
Ainsi, si on n’a pas fait de nominations en plus grand
nombre, c’est qu’on a cru devoir donner le temps à l’instruction de se
perfectionner davantage.
Je ne recommencerai pas la discussion sur l’incomplet
des cadres et la convenance de les remplir. La chambre se rappellera qu’il n’y
a pas eu de ma part non-appréciation des faits, quoique je fusse convaincu
qu’on ne pouvait pas les remplir ; j’ai dit qu’avant d’avoir pris une
connaissance suffisante des ressources des cadres, je ne voulais pas signaler
mon entrée au ministère par une réduction dans les chances d’avancement accordé
aux sous-officiers de l’armée. Voilà le motif pour lequel je me suis opposé à
une réduction du chiffre du cadre des officiers d’infanterie.
Je ne crois pas devoir entrer de nouveau dans de
grands développements sur l’inconstitutionnalité, l’irrégularité de la loi sur
la milice. Le principal argument qu’on a fait valoir a été que si une loi
déterminait qu’après dix années d’incorporation, les hommes seraient
définitivement congédiés, il y aurait plus de garantie que la chose se ferait
ainsi qu’il n’y en a par le fait actuel. Ceci est exact ; mais il est peut-être
bon de se demander s’il est convenable, s’il est conforme à l’intérêt du pays,
dans les circonstances où nous nous trouvons, qu’il en soit ainsi.
Personne ne doute qu’après dix années d’incorporation,
il ne soit juste et convenable de rendre les miliciens à la vie civile ; mais
je suppose qu’un grand déploiement de forces soit nécessaire, que nous devions
porter notre année sur le pied de guerre au grand complet de cent et dix mille
hommes, et que les dix derniers contingents ne puissent pas les fournir, ce
sera donc une loi nouvelle qu’il faudra faite pour rappeler les hommes des
classes antérieures.
Quant à l’inégalité résultant de ce que la loi de 1832
n’a rappelé certaines classes que dans certaines localités, ce ne serait pas
par une loi sur la réserve, ce serait par une loi spéciale qu’on pourrait la
faire cesser. Il y a une chose inexacte dans ce qu’a avancé à ce sujet
l’honorable membre : il a dit que les hommes rappelés ainsi étaient
toujours tenus sous les armes ; ceci n’est pas exact : ils sont congédiés,
ainsi que les autres, quand la classe à laquelle ils appartiennent est renvoyée
en congé illimité ou à la réserve.
Il est revenu sur son raisonnement que s’il était
utile de rappeler sous les armes les hommes congédiés depuis deux ans, c’était
superflu pour ceux congédiés à la fin de l’année. Quelques mots suffiront pour
en faire voir le peu de fondement. Les hommes de la réserve sont appelés, je
suppose, au mois de juin, et on les renvoie au bout de 10 jours, après qu’on a
acquis la certitude que leur équipement est en bon état, qu’ils se sont présentés
avec exactitude, qu’ils ont conservé l’habitude des manœuvres, et sont animés
d’un esprit le discipline et de l’amour de leur état ; en un mot, que ce sont
des soldats dont le pays peut tirer parti.
Un événement arrive trois mois après ; vous les
rappelez et vous profitez de l’expérience que vous avez faite. Il n’en serait
pas de même si vous étiez dans le cas de devoir rappeler des hommes restés 18
mois chez eux, qui auraient contracté l’idée de ne plus être rappelés, et qui,
se croyant depuis longtemps dégagés de tout service, ne rendraient pas autant
de services dans un moment de besoin.
Il a répété qu’en 1832 on n’avait pas trouvé utile la
réunion complète de la réserve. Il se trompe. Il n’a pas été question d’utilité
; mais on n’a pas trouvé possible de réunir la réserve tout entière.
Quant à la durée de 10 jours substituée à celle de 20,
il fallait que l’expérience prouvât que ce temps suffisait pour faire rejoindre
les miliciens, les inspecter, les exercer et les renvoyer chez eux.
C’étaient des faits de l’expérience qu’il fallait pour
établir le nombre de jours pendant lequel cette opération devait être
consommée.
Si j’ai bien compris l’honorable membre, il a émis des
doutes sur la vraisemblance que le chiffre de la réserve fût assez considérable
pour permettre de réunir 23 mille hommes. J’ai la situation de la réserve,
telle qu’elle existe, et le nombre total de l’infanterie est de 19,700 hommes.
J’ai dit que je pouvais borner la réunion à un nombre de 19 mille hommes
seulement, parce que je pense que ces 700 hommes, par des raisons quelconques,
ne se présenteront pas. Sous ce rapport il n’y a aucunement lieu de penser que
la somme demandée ne puisse pas être employée.
Un autre
orateur est revenu sur l’observation qui avait été faite que les hommes de la
réserve perdaient leurs habillements et leurs équipements, et qu’ils arrivaient
sous les armes dans un état qui pouvait faire craindre qu’il ne fût pas
possible d’en tirer un parti convenable : je suis bien aise de pouvoir rassurer
la chambre et le payer, et de payer ici un juste tribut d’éloges aux hommes qui
composent la réserve.
Ceux qu’on a pu réunir appartenaient à des classes
qu’on n’avait pas encore pu réunir complétement. Pour des raisons d’économie,
on avait tardé à compléter leur habillement et leur équipement ; mais par zèle
ils se sont habillés et équipés à leurs dépens. Ceux qui avaient eu le tort de
se défaire de ce qui leur avait été distribué ont remplacé les objets qui leur
manquaient, et ceci n’est pas un des traits les moins remarquables de
l’exactitude des hommes de réserve à répondre à l’appel qui leur avait été
fait.
L’honorable M. Desmet a renouvelé un reproche adressé
plusieurs fois à l’armée ; celui du défaut d’exactitude dans les pratiques
religieuses ; messieurs, à cet égard le gouvernement fait ce qu’il doit faire ;
il laisse toute latitude à l’armée. Je ne pense pas que les aumôniers de corps
puissent faire davantage que les aumôniers de garnison. Et je pense aussi que
les aumôniers ne doivent pas exercer d’autre influence que celle qui résulte de
leur caractère de prêtre, influence qui est celle qu’ils exercent sur les
hommes dans les communes ; or, cette influence est bien exercée par les
aumôniers de garnison.
Le même honorable membre a signalé un autre fait que
je crois impossible : c’est toujours dans les hôpitaux que nous perdons nos
soldats .et c’est dans les hôpitaux que les aumôniers de garnison sont
particulièrement utiles.
Il est revenu également sur la nécessité de tenir
notre armée au complet : en répondant à M. Desmaisières, j’ai dit que cette
nécessité était aussi grande cette année qu’en 1837.
J’ai entendu souvent ce
reproche que les officiers et sous-officiers traitaient avec trop de dureté les
soldats : j’ai fait faire des investigations à cet égard, et j’’ai reconnu que
les plaintes viennent le plus souvent de la part d’hommes qui n’ont pas le
droit d’en faire, d’hommes peu méritants. Ma conviction entière est que l’on
doit traiter les hommes avec fermeté, mais avec bonté ; et je ne tolérerai
jamais un fait contraire à ces principes, quand il viendra à ma connaissance.
Je ne rentrerai point dans la question de la revue
semestrielle. Il ne me reste donc qu’à répondre à quelques observations sur
l’instruction à donner aux enfants de troupes ; cette instruction sera tout à
fait élémentaire ; si l’aumônier de la garnison veut voir si elle est
convenablement donnée, il aura toute latitude à cet égard.
Je maintiens la réduction que j’ai proposée, mais je
m’oppose à ce qu’elle soit portée plus haut.
M. F. de Mérode. - Messieurs, je n’ai qu’une observation très courte à faire ; c’est
celle qui répondra à l’objection sans cesse renouvelée de mettre le budget des
voies et moyens en rapport avec le budget des dépenses : quand on grossit les
budgets de dépenses imprévues, il faut aussi augmenter le budget des recettes,
nous dit-on à chaque instant ; mais dans les articles des dépenses, il y en a
une foule dont les sommes resteront disponibles ; ces sommes ne seront pas
perdues, et on peut les employer de plusieurs manières infiniment utiles à la
chose publique. Je ne veux pas que l’on puisse dire d’avance que le budget de
la guerre ne sera que de tant. Le ministre, l’année dernière, a demandé un
nombre déterminé d’hommes dont il croyait avoir besoin ; il n’a pas fait usage
de ces hommes ; qu’en est-il résulté ? C’est que les sommes allouées sont
restés disponibles. Il ne faut donc pas régler d’une manière si étroite les
besoins de ce ministère. Au reste, refuser des crédits, c’est reculer pour mieux
sauter ; car si vous ne votez pas cette année aux voies et moyens ce qui est
nécessaire, vous le voterez l’année prochaine. Mais nous ne sommes pas si
malheureux cette année que nous ne puissions demander quelque chose aux
contribuables. Si nous avons quelque chose de reste, tant mieux ; toujours ne
déterminons pas d’une manière trop stricte les crédits.
L’honorable M. Desmet demande
des aumôniers. Je pense qu’il pourrait y avoir un certain nombre d’aumôniers
attachés à l’armée quand elle est en campagne, comme dans le cas actuel où des
hommes sont envoyés dans le Luxembourg. Les troupes n’y sont pas dans les
villes ; elles sont disséminées dans les campagnes où le clergé ne peut s’en
occuper ; des aumôniers pourraient donc être très utiles. Toutefois je laisse
cet objet à l’examen du ministre de la guerre.
M. Dumortier.
- L’honorable préopinant a placé la question sur son véritable terrain. Le vote
que l’on demande maintenant est le vote des centimes additionnels ; si vous
votez ce que demande le ministre de la guerre, vous votez réellement les
centimes additionnels ; si vous votez la proposition de la section centrale,
vous rejetez les centimes additionnels. En votant la dépense, il n’est pas
possible de ne pas voter la recette ; et si vous ne votiez pas cette recette
cette année, ce serait reculer pour mieux sauter, comme l’a dit M. de Mérode.
En comparant le chiffre des centimes additionnels au chiffre de la réduction de
la section centrale, on trouve un rapport d’égalité. Le chiffre des centimes
additionnels est 1,298,00 fr. Quel est le chiffre des réductions de la section
centrale ? D’abord 660,000 fr. sur la solde de l’infanterie ; mais cette
première réduction en entraîne une sur la masse du pain, une sur la masse de
l’habillement, et une sur quelques dépenses accessoires ; or, ces réductions
dont le calcul est aisé à faire s’élèvent, réunies à la première, à 1,200,000
fr. environ.
Pouvons-nous admettre les centimes additionnels ? Car
c’est la question dont je dois m’occuper. Je crois que cela n’est pas possible
maintenant. Député du Hainaut, je ne puis consentir à une augmentation d’impôt,
parce qu’elle écraserait nos contrées, et qu’il en résulterait de graves inconvénients
dans le pays.
Vous savez tous que depuis quelques années la
péréquation cadastrale s’exécute ; c’est une œuvre de justice, soit ; mais le
bien qu’elle fait aux uns n’empêche pas de sentir le mal qu’elle fait aux
autres ; or, il arrive que par suite de cette opération, dans le Hainaut, le
cultivateur qui payait 100 fr. va payer 150 et 160 fr. et même plus ; ainsi
celui qui payait 1,000 fr. d’impôt va payer, dans notre province, 1,600 fr. Je
crois que dans cet état de choses on ne peut pas mettre des centimes
additionnels. Cette vérité est tellement évidente que les états provinciaux du
Hainaut eux-mêmes l’ont reconnue à l’unanimité ; et l’exemple que je vais citer
est de nature à éclairer la discussion dans cette circonstance.
Les états du Hainaut avaient voté un emprunt de trois
millions pour construction de routes nouvelles, et dont l’amortissement et les
intérêts devaient être couverts par des centimes additionnels ; eh bien, après
avoir voté le principe des routes, l’assemblée, à l’unanimité, recula devant
l’établissement de cet impôt qui avait cependant un but si utile à la province.
Quand les députes d’une province agissent ainsi, il faut reconnaître que
l’impossibilité de rien demander de plus aux contribuables est de la dernière
évidence.
Eh bien, messieurs, c’est dans un pareil état de
choses qu’on vient nous proposer des augmentations de dépenses qui nécessitent
l’établissement de centimes additionnels.
Voyons, messieurs, quelle est la marche du budget de
la guerre. J’appelle toute votre attention sur les chiffres que je vais avoir
l’honneur de vous présenter. En 1836 le
budget de la guerre s’élevait à la somme de 37,341,000 fr. ; en 1837 le même
budget s’élevait à 41,000,319 fr., par conséquent à 4 millions de plus qu’en
1836. Mais, messieurs, est-on resté dans ces limites ? Le gouvernement s’est-il
contenté de nous demander cette année les sommes que l’année dernière il
trouvait suffisantes ? Non, messieurs, il nous propose aujourd’hui un budget de
la guerre de 43,500,000 fr., c’est-à-dire de 2,200,000 fr. plus élevé que celui
de l’année dernière. Ainsi, messieurs, on nous demande aujourd’hui 6,159,000
fr. de plus qu’en 1836 !
Je le demande, messieurs, où donc veut-on nous
conduire ? Les choses sont-elles changées ? L’Etat se trouve-t-il plus compromis
qu’il y a deux ans ? Si chaque année vous augmentez le budget de la guerre de 2
ou 3 millions, savez-vous où vous marcherez ? Où cela s’arrêtera-t-il ? Il me
semble, messieurs, qu’il est temps de mettre un terme à ces augmentations
successives. Nous sommes sous l’empire de la convention du 21 mai, qui établit
une espèce de paix provisoire entre la Belgique et la Hollande, et dont on
argumente toujours lorsqu’il s’agit de nos relations étrangères. Cette
convention stipule quelque chose ou elle ne stipule rien ; si elle mérite
confiance, alors nous devons un peu compter aussi qu’on ne viendra pas nous
attaquer du jour au lendemain ; si au contraire elle ne signifie rien, si nous
devons constamment augmenter notre armée malgré cette convention qui a été
acceptée par la Hollande, pour laquelle elle constitue, non pas vis-à-vis de la
Belgique, mais vis à vis des autres puissances, l’obligation de ne commettre
aucune hostilité contre nous ; si cette convention n’est qu’un leurre, alors
pourquoi vient-on continuellement l’invoquer ? On vient de l’invoquer pour
l’affaire du Luxembourg ; et c’est, dit-on, sur les réclamations des puissances
envers lesquelles la Hollande s’est engagée, que le gouvernement hollandais a
renoncé à ses prétentions d’exploiter la forêt de Grünenwald.
Si donc cette convention garantit l’état actuel de la
Belgique, pourquoi, je le demande, augmenter le budget de la guerre de millions
en deux années ? Je le répète, nous ne savons pas jusqu’où un semblable système
peut nous conduire. Je veux bien accorder au ministre de la guerre tout ce qui
est compatible avec les ressources de l’Etat, mais il me semble que les sommes
qui ont suffi l’année dernière doivent encore suffire cette année ; nous ne
pouvons pas sans cesse augmenter nos dépenses, car cela ne peut nous conduire
qu’aux déficits, que nous devons nécessairement éviter.
« Mais, dit l’honorable comte de Mérode, l’an dernier
on n’a pas fait usage de tous les fonds qui ont été accordés, il faut donc
voter les augmentations qui sont demandées. » Je vous avoue, messieurs,
que j’argumente précisément d’une manière inverse : si l’an dernier on n’a pas
fait usage de toutes les sommes qui ont été votées, c’est une raison de plus de
ne pas augmenter ces sommes cette année, car nous ne pouvons accorder que les
crédits qui sont absolument nécessaires.
Comparez, messieurs, le chiffre que propose la section
centrale, pour l’article qui nous occupe, avec le chiffre de la dépense qui a
été faite en 1836, sur le même article et vous verrez que la section centrale
vous propose d’accorder 540,000 fr. de plus que ce qui a été employé en 1836.
Il me semble donc que M. le ministre a lieu d’être satisfait de la proposition
de la section centrale, puisque depuis 1836 la position du pays, par rapport à
la Hollande, n’a certainement pas empiré.
L’an dernier, lorsque M. le ministre de la guerre est
venu nous demander son budget, les hostilités paraissaient imminentes ; l’armée
hollandaise était concentrée pour l’attaque, les pièces étaient attelées, les
canons chargés, tout était prêt pour venir nous attaquer ; douze mois se sont
écoulés depuis lors, et nous n’avons pas vu un seul soldat hollandais se mettre
en mouvement ; tout ce qui est résulté des paroles qu’on nous faisait entendre
à cette époque, c’est que nous avons augmenté le budget de la guerre de 4
millions. Il faut convenir qu’il est pénible de voir qu’une chambre législative
puisse être l’objet d’une pareille mystification. Quoi qu’il en soit,
messieurs, les craintes qu’on exploitait ainsi l’an dernier, ces craintes ont
complétement disparu, l’armée hollandaise est tout à fait tranquille, elle est,
je crois, aussi paisible que la nôtre en ce moment.
Nous ne pouvons pas perdre de vue, messieurs, que dans
l’état actuel des choses le budget de la guerre a pour objet de mettre l’armée
sur un pied ordinaire, préparatoire, et que ce budget, tel qu’il nous est
présenté, serait de beaucoup insuffisant en cas de guerre. Si donc les
hostilités devaient commencer, il faudrait de toute nécessité que M. le
ministre de la guerre vînt nous demander des crédits supplémentaires ; et
certes dans ce cas il ne se trouverait pas dans cette assemblée un député qui
ne s’empressât de les voter de grand cœur, de voter même au-delà de ce que le
gouvernement aurait demandé ; mais lorsqu’il n’y a aucune apparence de guerre,
lorsque les nuages qui s’étaient élevés à l’horizon politique paraissent
dissipés, je le demande, est-il nécessaire de venir augmenter les dépenses et
par conséquent les impôts ? J’aimerais beaucoup mieux, si l’on veut augmenter
les impôts, que cette augmentation vînt en déduction de la dette flottante ;
alors au moins elle aurait un résultat ; mais, lorsque le pays se trouve
absolument dans la même position qu’il y a deux ans, venir augmenter de 6
millions le budget de la guerre, c’est ce que je ne puis comprendre ; les bras
me tombent lorsque je vois voter avec tant de légèreté des dépenses auxquelles
on ne peut faire face qu’en prélevant de nouveaux impôts.
Si nous adoptons les propositions de la section
centrale, le budget de la guerre sera encore de 5 millions plus élevé qu’il ne
l’était en 1836 ; or, je le demande, messieurs, si nous votons une semblable
augmentation, alors que les choses n’ont en rien changé, n’est-ce pas déjà être
très généreux, et peut-on alors nous reprocher de ne pas faire tout ce qu’il
est possible de faire dans l’intérêt de la défense du pays ?
Je demanderai à M. le ministre de la guerre : Quand
donc vous arrêterez-vous ? Quand donc cesserez-vous de demander des
augmentations ? Rien au monde n’est plus fatigant pour une législature que de
voir qu’on lui demande tous les ans des millions d’augmentation sans qu’elle
puisse apercevoir le terme de ces demandes. Et lorsque nous votons ainsi
d’année en année augmentation sur augmentation, on insinue encore à l’armée que
nous ne voulons pas lui accorder les sommes qui lui sont nécessaires ; je
proteste contre de pareilles insinuations ; nous voulons accorder tout ce qui
est nécessaire à l’armée, mais il faut aussi que nous maintenions nos dépenses
en harmonie avec nos recettes ; il faut que nous sachions où nous allons, que
nous sachions quand on cessera de nous demander des augmentations, quand nous
aurons enfin un budget normal ? Il me semble qu’on devrait bien être en état de
nous le dire.
Lorsque la convention du 21 mai fut soumise à la
chambre par le ministère d’alors, on eut soin de faire ressortir comme une des
considérations les plus importantes qu’on faisait valoir en faveur de cette
convention, qu’elle devait amener une diminution notable dans les dépenses de
notre armée. Eh bien, messieurs, cette convention existe ; elle est, dit-on, la
base de notre droit politique, et cependant on ne s’y fie point, on nous
demande de voter des centimes additionnels pour faire face aux dépenses
toujours croissantes du budget de la guerre. Je le répète donc ; ou bien cette
convention n’est rien, ou elle est quelque chose, et si elle est quelque chose,
je ne vois pas de motif pour augmenter ainsi sans cesse nos dépenses.
J’ajouterai quelques mots, messieurs, sur le système
vicieux qui se trouve introduit dans notre armée par certaines dispositions
auxquelles sont soumis les miliciens ; ces dispositions sont tout à fait arbitraires, et elles doivent faire
place à des mesures légales ; j’invite fortement la chambre à s’occuper de cet
objet lorsqu’elle votera l’an prochain la loi sur le contingent de l’armée ; je
l’invite à faire alors une bonne loi, non pas telle qu’on l’a faite en 1832,
lorsque nous nous trouvions chaque jour à la veille d’hostilités, lorsqu’il
n’existait aucun traité, lorsque nous n’avions aucun allié, mais une loi
raisonnable qui renferme des garanties réelles. Aujourd’hui les miliciens se
trouvent abandonnés au pouvoir du gouvernement, il en fait ce qu’il veut ; il
les congédie ou ne les congédie point, les appelle sous les drapeaux ou les
renvoie dans leurs foyers.
J’ai vu, cette année, des pères de famille avec
plusieurs enfant, forcés de quitter leurs travaux, abandonner leurs femmes
parce que le gouvernement les appelait sous les drapeaux sans aucun motif.
C’est chose à faire saigner le cœur. Si nos ennemis nous attaquaient à la
frontière, si un jour on sortait le drapeau de son étui pour le conduire à la
victoire, oh ! alors, tous les Belges qui ont servi s’empresseraient de se
rendre dans les rangs des défenseurs de la patrie ; mais faut-il, alors que
nous nous trouvons dans des circonstances qui ressemblent ordinairement à la
paix, tenir les enfants du pays dans une semblable situation, les réduire
souvent à la misère, en empêcher un grand nombre de contracter une union
légitime, et les obliger ainsi de vivre dans un honteux concubinage ?
Oui, messieurs, voilà les tristes effets du système
actuel de la loi sur la milice. Ces dispositions sont véritablement immorales
et injustes, et je désire vivement qu’elles attirent toute l’attention de la
chambre lorsque l’assemblée s’occupera du projet de loi concernant le
contingent de l’armée pour 1838.
Je crois en avoir dit assez pour justifier mon opinion
relativement au chiffre qui nous occupe ; je voterai pour le chiffre de la
section centrale, parce que je considère un vote contraire comme le prélude de
celui des centimes additionnels ; or, j’ai démontré qu’il est impossible et
inutile, dans les circonstances actuelles, de voter un impôt extraordinaire. Je
voterai pour le chiffre de la section centrale, parce qu’en votant les
réductions qu’elle a proposées sur le chiffre ministériel, je voterai un budget
de la guerre plus fort que celui de l’année dernière ; il me semble que si nous
accordions au ministre les mêmes sommes que celles que nous lui avons allouées
l’année dernière, notre situation actuelle étant précisément la même que celle
où nous étions alors, il me semble, dis-je, que le ministre n’aurait qu’à se
louer de nous. Mais si, allant plus loin, nous votons un budget supérieur à
celui de 1837, le ministre a non seulement à se louer de nous, mais doit bénir
la chambre en pareille circonstance.
Messieurs, un des motifs pour
lesquels je voterai principalement contre la proposition de M. le ministre,
c’est la décision qui a prise relativement à la loi sur les sucres. Il est
presque certain qu’à l’égard de l’impôt sur le sucre, nous resterons à peu près
dans la même situation qu’auparavant, c’est-à-dire que cet impôt ne rapportera
à peu près rien. Nous n’avons pas admis les 25 p. c. qui devaient être perçus
au profit du trésor et qui avaient été proposés par M. le ministre des
finances. Ces 25 p. c. aurait assuré à l’Etat une recette importante.
Aujourd’hui que nous avons reculé devant l’adoption d’une semblable mesure, il
importe que nous réglions nos dépenses en conséquence.
M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - Messieurs,
je me réserve, lors de la discussion de la loi sur le contingent de l’année
pour l’année 1839, d’examiner les objections qui viennent d’être faites contre
le système actuel de la loi sur la milice ; seulement je n’admets pas qu’un
fait tel que celui que l’honorable préopinant a rappelé se soit présenté sans
qu’il ait été complétement légal.
L’honorable M. Dumortier prétend qu’en votant le
budget de 1837 avec les réductions proposées par la section centrale sur
l’article en discussion, vous voterez un budget plus fort que celui de 1837. Eh
bien, messieurs, le budget proposé pour 1838 est de 43,500,000 fr., tandis que
le budget de 1837 n’est que de 43,106,000 fr. ;
par conséquent, si vous adoptiez la réduction proposée par la section
centrale sur l’article dont il s’agit, vous descendriez au-dessous du chiffre
de 1837.
L’honorable orateur a demandé ce qu’avait produit la
convention du 21 mai, puisque l’on augmentait successivement les budgets ; je
lui rappellerai, et je prierai surtout la chambre de se souvenir que pour
l’année qui a précédé la convention du 21 mai, le budget était de 55 millions,
et que des budgets plus forts ont été votés pour les années antérieures ;
ainsi, en supposant qu’on votât maintenant un budget de la guerre de 44
millions, il y aurait toujours une légère économie de 11 millions.
L’honorable orateur a demandé où s’arrêterait cette
marche d’augmentation au budget de la guerre. Je viens déjà de lui faire voir
que le pas que nous avons fait de 1837 à 1838 n’est pas aussi insignifiant
qu’il l’a représenté : il n’y a d’augmentation réelle de 1837 à 1838 que celle
sur les chevaux. Du reste, si le chiffre a dû être un peu plus élevé cette
année, c’est parce que les augmentations qui ont été votées l’année dernière en
faveur de l’armée ne l’ont été que pour neuf mois, tandis qu’elles doivent
l’être cette année pour douze. De plus, le budget de 1838 comprend toutes les
dépenses du camp, tandis qu’il n’en a pas été question au budget de 1837. A ce
sujet, je ferai remarquer que l’honorable préopinant n’a pas tenu compte des
transferts opérés au budget de 1836 qu’il a pris surtout pour terme de
comparaison. Or, le budget de 1836 s’est réellement élevé, avec les transferts,
à la somme de 40 millions au lieu de celle de 36 millions que l’honorable
préopinant a rappelée ; je crois donc que le discours de l’honorable
préopinant, au lieu de jeter des lumières dans la discussion, tend bien plutôt
à induire en erreur ; et la chambre se tromperait certainement, si elle votait
dans le sens d’un semblable discours.
L’honorable orateur a beaucoup insisté sur la
situation tranquille où nous nous trouvons, sur l’invraisemblance d’une attaque
; et à ce sujet, il a, à mon avis, commis un grand nombre d’inexactitudes sur
les motifs qui auraient engagé la chambre à voter l’année dernière un budget de
la guerre plus élevé ; il a fait un tableau des craintes que j’aurais
manifestées alors d’une attaque immédiate de la part de la Hollande. Mon
habitude n’est pas de chercher, ni par de grands mots, ni par des éclats de
voix, à impressionner la chambre ; je crois avoir au contraire exposé avec la
plus grande simplicité le système qui paraissait devoir être suivi. Ce système
consistait uniquement dans la prise d’une altitude parallèle à celle de notre
adversaire, et je pense qu’il faut avoir un médiocre sentiment de la dignité
nationale, pour ne pas comprendre ma nécessité d’une semblable position.
Quant à une attaque immédiate de la part de la
Hollande, je n’en ai jamais parlé ; mais lorsque j’ai pris sous ma
responsabilité d’augmenter l’effectif de l’armée, avant le vote du budget de la
guerre, je l’ai fait parce que je voyais régner une certaine inquiétude que je
ne partageais en aucune façon, parce que cette inquiétude n’avait d’autre cause
que la connaissance de certains faits que je possédais depuis longtemps et qui
avait même déterminé ma proposition.
Ainsi, en rappelant sans cesse l’attention de la
chambre sur ce qui s’est passé en 1836, et en l’engageant à y revenir,
l’honorable orateur a cherché à ramener la chambre à une situation que je
regarde comme fâcheuse. Celte situation, à mon avis, était celle d’une sécurité
trop grande ; nous n’avions pas alors cette attitude parallèle à celle de la
Hollande ; notre armée était trop dispersée, trop faible comparativement à la
situation et à la force numérique de l’armée hollandaise. J’ai trouvé dans
l’intérêt du pays, dans l’intérêt de sa gloire et de sa défense éventuelle,
qu’il était nécessaire qu’un tel état de chose fût changé : voilà tout ce que
j’avais demandé ; j’ai répété plus de dix fois dans la discussion de l’année
dernière que je voulais simplement mettre l’armée belge dans une attitude
défensive aussi imposante que l’attitude de concentration de l’armée
hollandaise pouvait paraître menaçante.
Quant à l’affaire de la forêt de Grünenwald on a dit
que c’était par l’influence des puissances étrangères que l’affaire est arrivée
au point où elle est aujourd’hui. Pour ma part, je suis très heureux de pouvoir
rendre hommage aux secours très efficaces que la Belgique a trouvés auprès des
puissances alliées ; il y a certainement là un gage de sécurité, qu’il est
heureux que le pays possède. Mais je demanderai à mon tour à l’honorable
préopinant : si le pays n’avait pas montré la ferme intention de ne pas
souffrir la moindre atteinte à ses droits ; s’il n’avait pas jeté dans le monde
politique l’idée qu’une conflagration était possible, la Belgique aurait-elle
obtenu un secours aussi efficace ? Aurait-on été aussi persuadé de la gravité
des circonstances ? Ainsi les démonstrations militaires qui ont eu lieu dans le
Luxembourg doivent être regardées comme ayant été un bonheur pour le pays.
Quant à la convention du 21
mai, l’honorable préopinant prétend qu’il doit en résulter pour nous une
sécurité entière, parce que la Hollande y a donné son adhésion. Sans entrer
dans aucune espèce d’hypothèse sur les événements qui pourraient amener la
violation de cette convention de la part de la Hollande, je demanderai encore à
l’honorable préopinant ce qu’il voudrait que l’on fît en cas que cette
violation eût lieu. Devrions-nous attendre que les puissances alliées vinssent
à notre secours ? Il me semble que personne ne peut vouloir cela. Ce que nous
avons voulu, ce que nous voulons encore, c’est de maintenir notre armée sur un
pied tel qu’elle puisse soutenir le premier choc qu’elle aurait à essuyer, en
laissant dès lors aux puissances le temps nécessaire pour réclamer l’exécution
de la convention.
Après ce que l’ai déjà dit, je ne reviendrai pas sur
la comparaison que l’honorable préopinant a faite des divers budgets successifs
; mais je protesterai contre son système qui tend à faire dépendre le vote de
la force armée, nécessaire pour la défense du pas, d’une question de centimes
additionnels.
M. Mercier.
- Je pense aussi, messieurs, qu’il ne s’agit pas d’examiner si le vote que nous
allons émettre peut entraîner la nécessité des centimes additionnels ; telle
n’est pas la question que nous devons envisager. La véritable question est
celle de savoir si la sécurité du pays n’exige pas impérieusement que nous
conservions une attitude militaire imposante.
C’est à tort que l’on prétend que l’allocation qui est
réclamée cette année pour le budget du département de la guerre, présente une
augmentation réelle sur celle de l’année qui vient de s’écouler. L’erreur dans
laquelle on est tombé à cet égard provient de ce qu’on n’a pas fait attention
qu’en 1837 diverses majorations n’ont été votées que pour neuf mois, et à ce
que, dans le courant du même exercice, différents crédits supplémentaires sont
venus augmenter le chiffre du budget primitif. Si, après cela, il reste encore
une différence de trois à quatre cent mille francs, elle résulte en grande
partie de la hausse du prix des fourrages et de quelques autres causes
particulières déjà indiquées par M. le ministre de la guerre.
Tous les peuples de l’Europe font en ce moment
d’énormes sacrifices pour maintenir sur pied des armées nombreuses. Cependant
ils n’ont pas à défendre, comme nous, le principe même de leur existence
sociale. Pour nous, messieurs, c’est l’indépendance nationale qui est en jeu,
toujours menacée par un ennemi qui n’a pas encore perdu l’espoir de nous
asservir. Il serait, à mon avis, de la dernière imprudence de ne pas conserver
l’effectif de notre armée tel qu’il a été réglé en 1837. Nous devons savoir
nous imposer quelques sacrifices, pour assurer cette indépendance que nous
avons heureusement conquise. Pour ma part j’applaudis au patriotisme et à la
persévérance de l’honorable général qui se trouve actuellement à la tête du
département de la guerre : je trouve dans sa conduite une garantie qu’il a bien
étudié les besoins de la défense du pays, et que nous avons cessé d’être
exposés aux affronts et aux catastrophes qui, dans mon opinion, nous ont
menacés pendant plusieurs années, avant son entrée au ministère.
L’honorable M. Dumortier semble croire que les charges
publiques ont successivement augmenté. Qu’il veuille bien se rappeler, au
contraire, que depuis la révolution une diminution d’environ 15 millions de
francs a été apportée dans les droits d’accise, et que c’est là un allégement
considérable pour la nation.
Quant à la contribution foncière, l’effet du cadastre
n’a pas été d’en majorer le chiffre total qui est resté le même pour le
royaume, mais bien de le répartir d’une manière plus équitable entre tous les
contribuables ; ce n’est qu’un acte de justice dont il est résulté que
certaines provinces qui étaient surtaxées, se trouvent aujourd’hui dégrevées,
et que d’autres, précédemment favorisées, sont rangées dans la loi commune.
L’honorable membre auquel je
réponds, nous demande si nous ne devons pas avoir confiance dans la convention
du 21 mai. Quel que soit le degré de confiance que nous ayons dans ce traité,
l’expérience du passé doit nous rendre circonspects. L’honorable orateur a-t-il
oublié les fatals événements de 1831 ? Alors aussi nous étions sous l’égide des
traités ; ce n’est pas nous qui les avons transgressés ; et cependant les
conditions qui nous ont été imposées après nos revers, après une surprise,
n’ont-elles pas été bien plus onéreuses que celles auxquelles nous avions précédemment
refusé de souscrire ? Croyez-moi, messieurs, avant tout nous devons compter sur
nous-mêmes, sur nos propres forces, et nous devons être prêts à tout événement.
Dans l’intérêt de l’honneur national et de la sûreté
du pays, je m’oppose à ce qu’il soit apporté la moindre réduction dans
l’effectif de notre armée, et je voterai pour l’allocation réclamée par M. le
ministre de la guerre.
M. Dumortier.
- Messieurs, l’honorable préopinant vient de parler d’honneur, de dignité
nationale ; certes, je sais aussi bien que lui que nous devons tout sacrifier à
cet honneur, à cette dignité nationale ; et depuis que je suis dans cette
enceinte, j’ai fait tous mes efforts pour la faire respecter. Mais l’honneur et
la dignité nationale ne me semblent pas en jeu en ce moment ; les mesures qui
ont été prises en 1837 me paraissent suffisantes pour l’année 1838 ; car en
définitive, ou elles ont suffi, ou elles n’ont pas suffi en 1837. Si elles ont
suffi, on doit s’en contenter actuellement, puisque notre situation n’est pas
changé ; si elles n’ont pas suffi, il faudrait mettre le ministre en
accusation, puisque l’honneur national a été compromis l’année dernière.
Lorsqu’on vient vous présenter deux millions d’augmentation au budget de la guerre,
je ne sais réellement pas où l’on s’arrêtera ; avec les arguments qu’on fait
valoir, l’on justifiera tous les crédits imaginables, ou plutôt l’on n’en
justifiera aucun. Il n’y aucune similitude entre notre position actuelle et
celle où nous étions en 1831. En 1831, il n’y avait pas de convention garantie
par les puissances alliées.
Et aujourd’hui, au contraire,
il existe une convention qui est un traité réel. Ce traité, c’est quelque chose
ou ce n’est rien. Ce n’est pas que je veuille dire, comme on le prétend, que
nous devons y avoir toute confiance, car si telle était mon opinion, je ne
voterais pas 42 millions pour le budget de la guerre. C’est parce que je n’ai
pas toute confiance dans ce traité que je dis que nous devons voter pour le
département de la guerre le chiffre que nous avons voté précédemment. Il ne
faut pas me faire dire toute autre chose que ce que j’ai dit.
Notre budget de l’année dernière est suffisant pour
attendre le premier choc. Si un événement se présente, il sera insuffisant, il
faudra nous réunir ; on nous demandera un crédit supplémentaire. Si notre
indépendance et notre honneur national se trouvent menacés, ce sera pas 4
millions, mais 20, 30 ou 40 millions qu’il faudra voter : et je serai le
premier à les accorder, et je proposerai de donner au gouvernement plus qu’il
ne demandera.
M. de Puydt. - Il paraît que c’est un parti pris par
l’honorable préopinant de ne pas vouloir tenir compte de ce qu’on lui répond.
Il soutient que le budget de cette année dépasse de plus de deux millions celui
de l’année dernière. Il a été démontré par des chiffres que le budget de
l’année dernière est au contraire plus élevé. En effet, le budget de 1837
s’élevait à 43 millions 106 mille francs, et celui proposé pour 1838 est de
43,50,000 fr. Mais rien que pour la solde de l’infanterie, M. le ministre a
consenti à une réduction de 267,575 fr. Cette réduction, ainsi que l’a très
bien observé M. Dumortier lui-même, en entraîne d’autres sur les masses de
pain, d’habillement et autres relatives à l’infanterie. Vous voyez donc que le
budget de 1838 sera moins élevé que celui de 1837.
Il semblerait qu’après cinq ans de recherches
minutieuses sur la hauteur à laquelle il convient de fixer le chiffre du budget
de la guerre après les travaux pénibles auxquels se sont livrées les
commissions, quand on est arrivé à réduire les dépenses à leur plus simple
expression, on devrait nous faire grâce de ces réclamations contre l’énormité
des dépenses du département de la guerre, de ces espèces d’accusations de
dilapidations des fonds publics. Nous avons tous acquis la conviction que ces
dépenses sont réduites à leur minimum. Cependant la manière dont ces plaintes
sont formulées tendrait à faire croire que le ministre de la guerre, pour
satisfaire aux exigences des militaires, leur jette en pâture le fruit de ce
qu’on est dans l’habitude d’appeler les sueurs du peuple. Le ministre de la
guerre a bien autre chose à faire ; il a des intérêts plus graves à soigner :
il est dans son devoir de garantir l’indépendance du pays contre l’attaque d’un
ennemi toujours debout à nos portes. Aussi longtemps que les forces de la
Hollande seront concentrées dans le Brabant septentrional, il est indispensable
de maintenir notre armée prête à lui résister. Nous aurions de grands reproches
à faire au ministre s’il manquait à ce devoir, et en cas d’événement, sa
responsabilité serait bien autrement compromise, en ne prenant pas toutes les
mesures nécessaires, que ne le serait celle des membres qui insistent sur les misérables
rognures qu’on propose aujourd’hui.
- Le chiffre proposé par le gouvernement n’est pas
adopté.
Celui de 10,737,194 fr. 39 c., proposé par la section
centrale, est adopté.
Article 2
« Art. 2. Cavalerie : fr. 3,627,474 02 c. »
La section centrale propose de réduire ce chiffre à
3,625,922 fr. 37 c. »
M. le ministre adhère à cette réduction.
- L’article ainsi réduit est adopté.
Article 3
“Art. 3. Artillerie : fr. 2,827,901 30 c.”
La section centrale propose de réduire cet article à
2,822,699 fr. 93 c. »
M. le ministre adhère à la réduction.
- L’article ainsi réduit est adopté.
Article 4
« Art. 4. Génie : fr. 409,837 65 c. »
La section centrale propose de réduire cet article à
395,123 fr. 90 c.
M. le ministre consent à une réduction de 456 fr. 25
c.
M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - Il en a été de ce chiffre de réduction sur les
troupes du génie comme de celui de la réduction proposée sur l’infanterie que
la chambre vient de voter à ma grande surprise ; j’espère que la chambre
reviendra sur cette décision au second vote. Cette réduction, aussi bien que
celle qui a été faite sur la solde de l’infanterie, ne m’a été connue que par
le rapport de la section centrale ; je n’ai pas été à même de lui faire
connaître les arguments que je devais y opposer ; je viens le faire ici.
Les troupes du génie ne sont pas d’une nature analogie
à celle de l’artillerie et de la cavalerie ; ce sont des troupes d’une arme
spéciale. La plupart des membres de la chambre, qui s’intéressent à des
miliciens, savent que la difficulté de trouver des remplaçants est aussi grande
pour le génie que pour l’artillerie et la cavalerie ; ces troupes ont besoin
d’une instruction théorique et pratique très profonde qui force à les tenir
très longtemps sous les armes.
Le pays n’a pas oublié les services que les troupes du
génie ont rendu au siège de la citadelle d’Anvers et les a appréciés. Ces
troupe sont très bonnes ; non seulement elles sont rompues aux travaux de leur
arme, mais elles sont remarquables par leur discipline ; cela tient à ce que
leur instruction les met en contact plus fréquent avec leurs officiers. Ce
sont, je le répète, des troupes d’armes spéciales, il n’y a pas plus de raison
pour en diminuer l’effectif qu’il n’y en a à diminuer celui de la cavalerie et
de l’artillerie.
On dira peut-être qu’une réduction de 62 hommes ne
vaut pas la peine de faire une réclamation, mais cela fait à peu près huit
compagnies, et dans ces compagnies d’armes spéciales, chaque homme a sa valeur
particulière, et un déficit de huit hommes peut se faire sentir d’une manière
très forte. Il ne faut pas perdre de vue que ce corps de sapeurs-mineurs a
toujours été tenu dans une proportion inférieure à celle qu’il aurait dû avoir.
La force de ce corps n’est pas en harmonie avec le reste de l’armée ; il le
serait encore moins si l’armée devait être augmentée. C’est une raison pour ne
pas en diminuer l’effectif maintenant.
D’ailleurs, je puis répéter ce que j’ai dit à propos
de l’infanterie, et l’incomplet qui a existé en 1837 et qui a servi de base aux
calculs de la section centrale, a tenu à des causes qui ne sont pas
susceptibles de se reproduire en 1838. Je n’énumérerai pas ici ces causes,
parce qu’elles sont en partie les mêmes que pour l’infanterie ; mais il en est
une spéciale que voici : comme la répartition des contingents se fait deux ans
avant l’appel de la classe, on n’a pas prévu qu’on pourrait ne pas trouver les
hommes qui convenaient pour porter ce corps au complet. Cette cause n’existera
plus en 1838, on trouvera le moyen de porter les troupes du génie au chiffre
indiqué au budget ; j’insiste pour qu’on ne force pas le ministre de la guerre
à le diminuer.
- Le chiffre proposé par M. le ministre est mis aux
voix et adopté.
Article 5
« Art. 5. Gendarmerie : fr. 1,477,702 73 c. »
- Adopté.
Article 6
« Art.6. Ambulances : fr. 285,146 50 c. »
- Adopté.
Section II. - Masse des corps, frais divers et
indemnités
« Art. 1er. Masse de pain. Chiffre proposé par le
gouvernement : fr. I,792,324 35 c. Chiffre proposé par la section centrale :
fr. 1,636,370 60 c. »
M. Desmaisières, rapporteur. - La réduction proposée ici par la section centrale
est, en grande partie, une conséquence du vote que la chambre vient d’émettre
sur l’article « Solde de l’infanterie. » La chambre ayant admis une
réduction de l’effectif de l’infanterie, il est nécessaire, pour qu’elle soit
conséquente avec elle-même, qu’elle admette une réduction à l’article « Masse
de pain. » Mais dans le montant des réductions se trouve une somme de
2,828 fr. 75 c. pour masse des pains des sapeurs-mineurs, à l’égard desquels la
section centrale vous proposait une réduction que vous avez rejetée, en
adoptant pour cet article le chiffre de M. le ministre de la guerre. Il
faudrait donc admettre au chiffre de la section centrale une réduction de 2,828
fr. 75 c., ce qui mettrait le total de cet article à 1,639,199 fr. 35 c.
M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - Je ferai observer que je n’ai pas à combattre la
réduction proposée sur la masse du pain, puisque le chiffre de la solde est
voté ; mais c’est sous réserve.
M. le président.
- C’est de droit.
- L’article premier « masse de pain » est
mis aux voix et adopté avec le chiffre de 1,639,199 fr. 35 c.
« Art. 2. Fourrages. Chiffre proposé par le gouvernement : fr.
5,061,404 26 c. Chiffre proposé par la section centrale : fr. 5,013,330 27
c. »
M. Desmaisières, rapporteur. - La réduction proposée ici par la section centrale
tombe d’elle-même par suite du vote que la chambre a émis hier à l’article
état-major général ; il y a lieu, pour être conséquent avec le vote précédent,
d’ajouter au chiffre proposé par la section centrale la somme de 2,190 fr.
qu’elle vous avait proposé de retrancher pour 1825 rations de fourrages, pour
un général en plus, que la section centrale ne voulait pas allouer et que la
chambre a admis.
M. Gendebien.
- Mon intention n’est pas de parler sur le chiffre, mais de renouveler une
demande que j’ai faite déjà 5 ou 6 fois et notamment l’an dernier. J’ai fait
remarquer que les capitaines, les lieutenants et sous-lieutenants de cavalerie
et d’artillerie, mais surtout les lieutenants et sous-lieutenants n’avaient
tout au plus que le nécessaire pour vivre honorablement, à cause des dépenses
qu’on les forçait de faire pour un luxe de tenue au moins inutile, qu’il
convenait par conséquent de chercher tous les moyens d’améliorer leur position
sans charger le trésor,
J’ai demandé s’il leur était
indispensable d’avoir constamment le nombre de chevaux indiqués dans les
règlements. J’ai demandé à M. le ministre de la guerre s’il y aurait de
l’inconvénient, après l’exercice du camp, qu’un lieutenant ou un
sous-lieutenant et même un capitaine pût se défaire de l’un de ses chevaux pour
ne plus le remplacer qu’au moment où il en aura besoin ; de même si, dans les
cas de perte de chevaux, il y aurait de l’inconvénient à ne les remplacer qu’au
moment du besoin, c’est-à-dire au printemps suivant, lors des exercices de
mars. Que s’il en était ainsi, on mettrait à la caisse de réserve, c’est-à-dire
à la masse le montant des rations non mangées, c’est ce qui se faisait en
France dans la cavalerie et dans la garde. Je crois qu’il conviendrait qu’il en
fût ainsi en Belgique. Le ministre Evain avait reconnu que ma demande était
juste ; le ministre actuel avait promis de s’en occuper ; je demande s’il s’en
est occupé, et s’il a trouvé des inconvénients à la proposition, je l’invite à
les signaler ; je me réserve dans ce cas d’y revenir.
M. le ministre de la guerre (M.
Willmar). - J’ai examiné
l’observation de l’honorable M. Gendebien ; je crois que dans l’intérêt des
officiers, il ne faut pas y donner suite : il faut tâcher que les officiers
aient toujours le nombre de chevaux qu’ils doivent avoir, et il faut se garder
d’encourager leur tendance à en avoir moins. On propose qu’un officier puisse
se défaire à l’arrière-saison d’un cheval qui peut être réformé plus tard, et
n’en acheter un que quand il en aura besoin. Mais cela peut entraîner des
conséquences fâcheuses ; car en achetant un cheval trop près du moment où il
doit servir, un officier a un cheval qui n’est pas assez habitué aux exercices
; l’expérience l’a prouvé, et c’est cette circonstance qui a fait perdre des
chevaux au camp à un assez grand nombre d’officiers.
Voilà l’observation que j’avais à faire contre la
mesure proposée. Je ne dis pas d’une manière absolue qu’elle ne doit pas être
prise et qu’elle n’offre pas des avantages dans quelques cas déterminés ; mais
en principe je crois qu’il vaut mieux stimuler les officiers à avoir toujours
le nombre de chevaux prescrits.
M. Gendebien.
- Si on signalait un inconvénient réel, je n’insisterais pas sur mon
observation, mais on n’indique par le moindre inconvénient sérieux.
Quand un officier vend un de ses deux chevaux qui est
mauvais, ou hors d’état de rendre de bons services, pourquoi le montant des
rations ne serait-il pas versé à sa masse ? Il en pourrait être ainsi jusqu’au
moment où l’officier devrait acheter un cheval pour remplacer celui qu’il aurait
vendu ou qu’il aurait perdu ; il résulterait de là, que pendant 6 mois à peu
près, le montant des rations serait versé à la masse pour être remis à
l’officier au moment où il achèterait un cheval. C’est ainsi que cela se
pratiquait en France.
Les exercices d’octobre terminés, les officiers
n’étaient pas tenus à avoir le nombre de chevaux indiqué dans les règlements ;
pendant l’hiver, ils n’ont que rarement des manœuvres et peuvent se contenter
d’un cheval. On leur tenait compte des rations ; les officiers pouvaient
ensuite prendre des chevaux dans les remontes et au prix de remonte, et on les
payait sur leurs masses.
Je le demande : depuis le mois d’octobre, jusqu’à
l’époque du camp ou au moins des exercices de mars, à quoi sert-il que les
officiers aient plusieurs chevaux ?
Lorsque les officiers ne touchent pas les rations
quand ils ont un cheval de moins, ils n’ont pas intérêt à se défaire d’un
cheval, qui leur est inutile ou qui ne peut leur rendre service qu’au temps des
exercices des camps. Il résulte de là que, soit par caprice soit par affection,
ils conservent un vieux cheval, un mauvais cheval, et le gouvernement paie des
rations pour nourrir un cheval qui ne peut rendre aucun service, tandis que si
ce cheval était vendu en septembre ou octobre, et si le montant des rations
qu’il mange en pure perte pour tout le monde était versé à la masse de
l’officier, cela aiderait l’officier à acheter un bon cheval au mois de mars
suivant, c’est-à-dire au moment des exercices du printemps.
Il aura tout l’hiver un seul cheval, sans
inconvénient, car si, comme le dit le ministre, il peut en résulter qu’il n’ait
pas un cheval exercé au moment où le besoin du service pourrait l’exiger, le
même inconvénient existerait s’il avait conservé un mauvais cheval.
Au surplus, cette mesure, ayant existé en France où
l’on examinait les choses de très près, peut bien exister en Belgique. Sous
l’empire et jusqu’à sa fin, et même sous la restauration, et peut-être cela
existe-il encore, on n’y a pas trouvé d’inconvénients. Si le ministre de la
guerre trouvait des inconvénients après avoir essayé de cette mesure, il la
supprimera. La seule différence qu’il y aura avec l’état de choses actuel,
c’est qu’on versera la valeur des rations que l’officier devait recevoir à sa masse.
C’est là une affaire de comptabilité bien simple et un
essai bien facile à faire, et qui ne peut entraîner aucune espèce de
perturbations. J’espère que le ministre de la guerre en fera au moins l’essai.
- Le chiffre est mis aux voix et adopté.
Article 3
« Art. 3. Masse d’habillement et d’entretien :
fr. 5,061,404 fr. (chiffre demandé par le ministre) »
La section centrale propose 5,061,404 fr.
M. de Man d’Attenrode. - Messieurs, j’ai quelques observations à faire concernant
les fournitures d’habillement faites aux corps. Ces fournitures s’adjugent
publiquement en Belgique, comme le prescrivent les règles administratives de
cette époque. C’est le mode de réception de ces articles importants dans le
budget d’une armée dont j’ai cherché à me rendre compte, et dont je m’occupe
ici.
En France, les membres des conseils d’administration
des corps sont tenus personnellement responsables de la conformité des
fournitures aux modèles officiels transmis par le département de la guerre.
Cette manière de procéder me semble fort sage, car qui pourrait être plus
intéressé à l’exigence de bonnes fournitures, destinées à procurer du bien-être
et de la bonne apparence aux hommes, que les chefs de corps et les conseils
d’administration ? D’une autre part, lors des revues, les inspecteurs généraux
savent à qui s’en prendre, et savent rendre responsables, quand le besoin
l’exige, les membres de ces conseils d’administration, s’ils étaient tentés de
ne pas faire leur devoir.
En Belgique, on n’accorde en quelque sorte aucune
influence à ces conseils d’administration pour la réception des fournitures.
Une commission composée de quelques anciens officiers, établie à Liége, est
pourvue du droit de recevoir définitivement les livraisons de draps. Quant aux
autres articles, le chef du département de la guerre qui, soit dit en passant,
doit avec peu le temps de s’enquérir avec certitude de détails pareils, décide,
par l’organe de ses bureaux, de la conformité au modèle des articles fournis
par les entrepreneurs. Il en résulte que lorsqu’un inspecteur général se
plaint, en voyant les corps, de la mauvaise qualité de l’équipement, on lui
répond que le ministère, que telle commission, sur laquelle il n’a aucune
action, a décidé que ces objets sont conformes aux conditions acceptées par les
adjudicataires, et la revue de M. l’inspecteur offre fort peu de résultats.
Il me semble qu’il faudrait donner plus d’influence
aux conseils d’administration, quant à la réception des fournitures, les en
rendre même responsables, toujours sous la surveillance de l’autorité
supérieure ; je trouve dans ce système influence et responsabilité pour
l’autorité qui est le plus intéressée à n’en recevoir que de bonnes, une part
de surveillance suffisante et salutaire pour l’autorité supérieure.
Dans le système suivi dans notre pays, presque toute
l’influence pour la réception des objets d’équipement est laissée aux bureaux
de la guerre, moins intéressés que les chefs de corps aux bonnes fournitures.
Je me suis appesanti sur ces détails, parce qu’il
semble que les fournitures acceptées sont souvent fort médiocres et en-dessous
des cahiers des charges. Il a même été remarqué que les réclamations des
fournisseurs sont admises d’une manière par trop bienveillante, et que celles
des conseils d’administration sont accueillies avec moins de faveur que les
leurs.
Les draps adoptés pour les troupes à pied, et destinés
aux capotes et aux pantalons de couleur marengo, avec une apparence trompeuse
de souplesse et même de finesse, sont légers, dépourvus de corps, et de peu de
durée. La toile destinée aux chemises est fort médiocre. En France, le drap a
moins belle apparence, mais il a plus de corps et plus de durée, et c’est le
gouvernement qui donne et conserve la propriété de l’habillement. En Belgique,
l’habillement appartient au soldat ; dès qu’il paraît un peu usé, on l’oblige à
le renouveler. Ne serait-ce pas à de trop fréquents renouvellements,
occasionnés par des fournitures médiocres, que l’on doit l’inconvénient des
dettes que contractent nos soldats, et qui les obligent souvent à servir
au-delà de leur terme pour apurer leur comptabilité, comme cela s’est encore vu
récemment, où au-delà de 1,000 hommes de l’armée de réserve ont été rappelés au
service pour la terminer, au moyen de retenues sur leur solde pendant ce
service supplémentaire ?
Ce n’est donc pas l’Etat, comme en France, qui pâtit
de l’admission des mauvaises fournitures, c’est le pauvre soldat, et je ne
saurais assez recommander ses intérêts au gouvernement, en donnant plus d’influence
aux conseils d’administration pour la réception des articles d’équipement, et
en montrant la plus grande rigueur pour exiger des fournisseurs que les objets
soient conformes aux conditions.
Je. demanderai tout autant d’exigence, quand les fournitures
proviennent des prisons ; la provenance m’est complétement indifférente.
Je terminerai par cette
dernière observation. L’on a souvent remarqué que les soumissions étaient
acceptées par le gouvernement de la part des personnes complétement étrangères
à la confection des fournitures en question, sans spécialité pour ces objets ;
ces soumissionnaires, qui sont de véritables spéculateurs, devraient être
écartés ; leurs spéculations n’ont d’autre objet que de s’enrichir aux dépens
de l’industriel, de l’ouvrier, et par contrecoup aux dépens du soldat. En
abandonnant ces observations un peu délicates au gouvernement, je désire que
l’honorable général qui préside notre administration de la guerre ne les croie
pas inspirées par de la méfiance à son égard ; je professe au contraire la plus
haute estime pour son caractère ; le désir seul d’un bon service m’a engagé à
vous les communiquer.
M. Brabant.
- Messieurs, j’ai une observation à faire sur cet article. Ce qu’il y a de plus
essentiel pour un soldat, après ses armes, c’est sa chaussure. Il est reçu dans
l’armée que tous les objets se confectionnent sur trois tailles. Il résulte de
là l’impossibilité que tous les soldats soient chaussés convenablement avec des
souliers faits seulement sur trois tailles. J’appellerai l’attention du
gouvernement à cet égard. Il est sans doute impossible de faire prendre la
mesure à chaque soldat ; mais en multipliant les tailles, les soldats
pourraient trouver chaussure à leur pied.
M. le président.
- Nous ne sommes plus en nombre. Il faut renvoyer la discussion à demain.
- La séance est levée à 4 heures 1/2.