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Chambre des représentants de Belgique
Séance du jeudi 4 janvier
1838
Sommaire
1) Pièces adressées à
la chambre
2) Projet de loi
portant le budget des voies et moyens pour l’exercice 1838. Discussion générale.
Centimes additionnels sur les contributions personnelle et foncière (de Nef, de Longrée), canal de
Bruxelles à Charleroy, chemin de fer (Andries),
comptabilité publique (Verdussen), niveau général de
taxation (Eloy de Burdinne) (Lebeau),
droits d’accises sur les sucres, redevance sur les mines (Demonceau),
réplique générale, budget de la guerre, abonnement sur les boissons distillées
et législation électorale (d’Huart), retards apportés
dans la reddition des comptes de l’Etat , abonnement sur les boissons
distillées, budget de la guerre, indemnités aux victimes des événements de la
révolution, dette flottante, droits sur les sucres et sur les distilleries,
droits de succession, patentes (Lebeau), budget de la
guerre, contributions personnelle et foncière, patentes, abonnement sur les
boissons distillées (Mast de Vries), droits sur les sucres
et les boissons distillées (Pirmez), centimes
additionnels sur les contributions foncière et personnelle (Demonceau, de Longrée),
énumération des dépenses à faire, chemin de fer (F. de
Mérode), dette flottante, réforme de la fiscalité (A.
Rodenbach), réplique générale (notamment impôts alternatifs aux centimes
additionnels) (d’Huart), budget de la guerre, chemin de
fer, patentes (Mast de Vries, d’Huart,
F. de Mérode), centimes additionnels sur les
contributions foncière et personnelle (Mercier, Eloy de Burdinne, F. de Mérode, Eloy de Burdinne, Demonceau), centimes additionnels et abonnements sur les débit des boissons distillées (d’Huart, Dubus (aîné), Demonceau, de Theux, Dumortier, Coghen, d’Huart, Dubus (aîné), Devaux, Berger, d’Huart)
(Moniteur belge
n°6, du 6 janvier 1838)
(Présidence de M. Raikem.)
M. de Renesse fait l’appel nominal à midi 1/2.
M. Kervyn lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est
adoptée.
M. de Renesse présente l’analyse des pièces adressées à la chambre.
PIECES ADRESSEES A LA
CHAMBRE
« Des distillateurs de Deynze et de ce canton
demandent qu’il soit apporté des modifications à la loi de 1833 sur les
distilleries. »
________________
« La régence de Liége adresse des observations
sur la loi concernant le jury d’examen. »
________________
« Le conseil communal et des habitants de la ville
d’Enghien demandent qu’il soit établi des droits plus élevés à la sortie des
lins en filasse et sur les fils et toiles fabriqués en Angleterre. »
_______________
- Ces pétitions sont renvoyées à la commission des
pétitions.
Discussion générale
M. le président. - La discussion est ouverte sur l’ensemble du
budget.
La parole est à M. de Nef.
M. de Nef. - En examinant le budget des voies et moyens, j’ai
le regret de voir toujours continuer le même système sur la contribution
personnelle.
On se rappelle que dès son institution sur la base nouvelle,
sous le gouvernement précédent, elle a causé beaucoup de mécontentement. Depuis
1830 on nous a souvent promis d’y porter des changements essentiels ; j’aime
donc à espérer que si le travail n’a pu être achevé pour 1838, l’amélioration
tant désirée pour la contribution personnelle nous sera proposée pour 1839.
Je ne puis pas admettre l’augmentation des centimes
additionnels, principalement sur la contribution foncière, parce qu’il me
semble que si, dans l’état actuel de trêve, des augmentations sont jugées
nécessaires, ce n’est point l’impôt foncier qui doit être frappé.
L’augmentation sur cette contribution doit être réservée, selon moi, jusqu’au
moment où le pays se trouverait en guerre ouverte ; c’est alors, en effet, que
la contribution foncière offre une ressource certaine, tandis que presque
toutes les industries se trouveraient en souffrance et devraient être plutôt
secourues que passibles d’une aggravation d’impôt ; s’il fallait absolument une
augmentation, il valait donc mieux la faire porter sur une autre base,
aujourd’hui que beaucoup de branches industrielles sont arrivées à un degré
inouï de prospérité.
M. de Longrée. - Messieurs, peu disposé à admettre l’augmentation
des centimes additionnels qui nous est demandée par le gouvernement sur les
contributions directes, je tiens à faire connaître les motifs qui me portent à
la rejeter.
Déjà, au mois d’août 1835, le gouvernement s’empressa
de proposer à la législature la suppression des centimes additionnels, qu’elle
avait votés par la loi des voies et moyens pour le même exercice, comme
subvention de guerre, attendu, nous disait M. le ministre des finances, que les
motifs qui avaient porté le gouvernement à demander cette contribution
extraordinaire, n’existaient plus ; hé bien, messieurs, quant à moi, je ne
crois pas que notre position à l’égard de notre ennemi soit changée ; en effet,
il m’est impossible de croire que le roi de Hollande sera le plus pressé à
troubler le statu quo actuel ; et, dans tous les cas, aujourd’hui moins que
jamais.
Je ne vois donc
aucun motif réel, aucune circonstance extraordinaire qui nous obligeraient dans
ce moment même à grever le pays de nouvelles charges, tandis que si notre
indépendance venait à être sérieusement menacée, oh ! alors, le gouvernement
pourrait compter sur l’empressement que la législature mettrait à voter les
fonds qui lui seraient nécessaires, et verrait avec quel patriotisme les
contribuables verseraient leurs deniers dans les caisses de l’Etat ; mais c’est
précisément pour lui conserver ces ressources, qu’aujourd’hui je m’oppose à une
majoration de centimes additionnels sur les contributions directes, pour
lesquelles il a les plus solides hypothèques, et qui par cela même doivent être
d’autant plus ménagées pour n’y avoir recours que dans des cas pressants, dans
des cas de la plus haute urgence. D’un autre côté, si malheureusement une crise
commerciale venait aussi nous accabler, et il est impossible de prévoir si nous
serons plus heureux que nos voisins, que deviendraient alors nos droits de
douane et d’accises ? Ils se réduiraient infailliblement à bien peu de chose,
et dans tous les cas, le trésor n’y puiserait plus les ressources sur
lesquelles le gouvernement a pu compter jusqu’à ce jour, et alors ce serait probablement
encore aux contributions directes qu’il aurait recours ; cependant si par
prévoyance il venait nous demander de légers droits de consommation sur les
cafés et les tabacs, je ne crois pas qu’il rencontrerait une forte opposition
dans cette chambre ; pour ma part, je donnerais bien volontiers mon
assentiment.
M. Andries. - Je demanderai quelques renseignements sur une phrase que j’ai
trouvée dans un rapport de M. le ministre de l’intérieur en date du 25 novembre
1836. Il s’agit de la reprise des travaux du canal de Charleroy.
Voici cette phrase :
« La reprise de la concession modifiée du canal offre
déjà un bénéfice de 144,000 fr. par an, dont, à défaut du vote de la chambre,
il est impossible de profiter ; chaque mois de retard entraîne donc une perte
de 12,000 fr. »
Si les choses en étaient à ce point, il devrait en
résulter que depuis novembre 1826 jusqu’à ce jour, le pays aurait fait une
perte de au-delà de 140,000 fr.
Aujourd’hui qu’il s’agit de pourvoir aux dépenses de
l’Etat, je crois qu’avant de créer de nouvelles ressources, il faut profiter de
celles qui existent. Je demande donc une explication à M. le ministre, et s’il
résulte de l’état actuel des choses une perte de 12,000 fr. par mois, j’espère
que la chambre entamera la discussion le plus tôt possible.
En deuxième lieu, je trouve dans un rapport de M. le
ministre de l’intérieur, sur le chemin de fer, en date du 4 août 1835, encore
une ressource pour le trésor que, faute d’attention et de diligence, l’on n’a
pas exploitée.
Je lis dans ce rapport :
« Dans cette somme (acquisition de terrains) figure le
paiement de 19 hectares 04-73 centiares que l’exigence des propriétaires a
forcé le gouvernement d’acquérir, sous prétexte de morcellement ou d’isolement
de biens, et qui, n’étant point nécessaires à l’établissement de la route ni de
ses dépendances, seront revendus plus tard. La valeur de ces terrains, comptée
sur le pied du prix d’acquisition, s’élève déjà à la somme de 106,585 fr. 20
c. »
Puisque ces
terrains ne sont point nécessaires à l’établissement de la route ni de ses
dépendances, je crois qu’il est de l’intérêt du pays de s’en défaire. Ce
capital de 106,585 fr. 20 c. a été absorbé dans le commencement de 1833.
Jusqu’à présent il ne doit pas avoir produit grand’chose ; car je ne sais si
ces terrains ne doivent pas être considérés comme abandonnés par le
gouvernement quant au revenu actuel. Il ne me semble pas du moins que le
gouvernement en ait tiré le moindre profit :
Le gouvernement a été autorisé par une loi, faite l’an
passé, de vendre des parcelles de terrain dont le revenu n’excède pas 50 fr.
Mais ces parcelles de terrain étaient celles qui avoisinent les routes pavées.
Celles qui avoisinent le chemin de fer n’étaient pas, je crois, comprises dans
celte loi. S’il en est ainsi, je demande qu’on présente et qu’on vote une loi
qui permette de se défaire le plus tôt possible de ces parcelles de terrain.
M. Verdussen. - L’époque à laquelle nous commençons la discussion
du budget des voies et moyens suffit pour vous démontrer que tous les efforts
faits pour ramener le vote des budgets à un état normal ont été vains.
Nous avons commencé nos travaux un mois plus tôt que
de coutume, un mois avant l’époque fixée par la constitution pour nos réunions
annuelles. Nous n’avons pas eu de séance royale, par conséquent nous n’avons
pas eu à nous occuper d’une réponse au discours du trône, qui enlève
d’ordinaire quelques jours aux travaux de la chambre. J’ajouterai que nous
n’avons pas eu de vacances au nouvel an, et que nous avons consacré aux travaux
de la chambre les jours que nous passons habituellement dans nos familles.
Malgré ces trois circonstances, nous voici arrivé au mois de janvier, et le
budget des voies et moyens n’est pas encore voté Si donc nous avions commencé
nos travaux un mois plus tard, nous ne serions pas encore arrivés à l’état que
devrait avoir la marche ordinaire des budgets ; car il ne faut pas se faire
illusion, c’est une espèce de dérision que d’envoyer au sénat les budgets votés
par la chambre quinze jours avant l’époque où ils doivent être mis à exécution.
Si le sénat trouvait à propos d’introduire quelques amendements dans les
budgets, s’il fallait les renvoyer à cette chambre, nous serions encore une
fois forcés de voter des crédits provisoires.
Par ces
considérations, je crois qu’il faut que la chambre avise à mettre un terme à
ces inconvénients, soit en adoptant la proposition que j’ai faite il y a 3 ans,
et sur laquelle j’appelle annuellement l’attention de mes collègues, proposition
qui tend à changer le commencement de l’année financière et à le fixer au 1er
juillet, plutôt qu’au commencement de janvier ; soit par un autre moyen, celui
de discuter quelques budgets de dépenses au milieu de la session ordinaire, par
exemple au mois d’avril ou au mois de mai, pour l’exercice qui s’ouvrirait au
mois de janvier suivant.
Comme j’ai toujours appelé l’attention de la chambre
sur ces points, et qu’on m’a toujours répondu qu’on prendrait des mesures
efficaces pour que ces inconvénients ne se reproduisent pas, et qu’il n’en a
rien été, j’ai dû renouveler mes observations à la chambre et au ministère,
dans l’espoir que je serai mieux écouté et qu’on verra l’impossibilité
d’arriver à l’état normal, à moins d’adopter l’une des propositions que je
viens de rappeler à la chambre pour la discussion opportune des budgets.
M. Eloy de Burdinne. - Depuis longtemps nous nous sommes occupés de
questions graves qui ont absorbé tous nos moments, nous n’avons pu nous
préparer à la discussion du budget des voies et moyens ; ce dont ne se plaindra
pas M. le ministre. C’est sur quelques notes que je traiterai cette question.
Je réclame l’indulgence de la chambre.
Dans son discours du 28 novembre dernier, accompagné
du nouveau tableau des voies et moyens, M. le ministre des finances nous a dit
que les impôts, proprement dits, ne sont que de 79,166,092 fr., ce qui revient
à 18 fr. 85 centimes de cotisation moyenne par tête d’habitant.
M. le ministre ajoute : « Ce fait parle trop haut
en faveur de nos institutions et de l’administration du pays, et appuie trop
efficacement la base de notre crédit national pour qu’il n’ait pas été de mon
devoir de le faire ressortir en ce moment avec force et clarté. »
Notre crédit à l’étranger ne peut être ébranlé, quand
bien même les charges publiques seraient plus élevées que ne le pense M. le
ministre ; pour mon compte, je ne puis admettre ses calculs, et dans la crainte
que la législature prenne à la lettre les chiffres ministériels, et qu’elle ne
se laisse aller à des dépenses exagérées, à mon tour je vais chercher à
combattre les calculs de M. le ministre, en ajoutant d’autres impôts perçus à
charge du contribuable mais qui n’entrent pas dans les caisses de l’Etat.
M. le ministre des finances est en erreur lorsqu’il
prétend que les impôts, en Belgique, ne sont qu’à raison de 18 fr. 85 c. par
tête d’habitant.
En Belgique on paie des impôts à d’autres qu’au
gouvernement ; on en paie aux provinces, aux communes, aux industries, y
compris l’industrie des fraudeurs.
Je ferai d’abord remarquer que les provinces
perçoivent, sur les contribuables, des centimes additionnels à leur profit, des
centimes additionnels pour la construction de routes, pour la construction de
canaux, etc.
Les communes perçoivent également des centimes
additionnels ; elles perçoivent, des contribuables, des contributions pour la
réparation des chemins vicinaux : contributions qui peuvent être évaluées, dans
bien des localités, de 30 à 40 p. c. du principal de l’impôt foncier.
Ajoutez les rôles de répartition pour subvenir à
l’insuffisance des revenus de la commune.
Ajoutez l’impôt perçu sur la consommation ; en
d’autres termes, les octrois municipaux, etc.
Nous payons des impôts aux industriels :
Trois à quatre millions sur la consommation du sucre.
L’impôt sur le sel n’est pas intégralement perçu en faveur de l’Etat : une
partie de l’impôt est perçue en faveur des raffineurs de sel, qui peut aussi
être portée à trois millions.
La moitié environ des produits étrangers, frappés d’un
droit de douane, entrent en Belgique par le moyen de fraudeurs qui reçoivent
l’impôt, toujours à charge du consommateur.
Je ne finirais pas, messieurs, si je voulais signaler
tous les impôts perçus à charge des habitants belges ; on pourrait doubler le
chiffre fixé par M. le ministre des finances, et au lieu de l’établir à raison
de 18 fr. par tête, on pourrait le fixer à 36 fr.
M. le ministre a un but bien louable en nous donnant
ses calculs ; il craint que l’opinion soit portée à s’égarer en ce qui concerne
la hauteur réelle des impôts qui existent en Belgique. Il ajoute que pour parer
à ce grave inconvénient, qui peut altérer notre crédit à l’étranger, il croit
utile de rendre palpable le véritable état des choses, en classant le tableau
des voies et moyens par nature de produits, etc.
C’est mû par le même but, messieurs, que j’ai cru
devoir, à mon tour, vous soumettre mes observations dans la crainte que
l’opinion ne soit portée à s’égarer dans le sens inverse, et que la législature
ne soit entraînée à faire des dépenses susceptibles d’être ajournée ; dépenses
qui finissent par grever le pays d’une manière insupportable.
Réfléchissez, messieurs, que la Belgique paie en
impôt, environ 140 millions, tant au gouvernement qu’aux communes, provinces,
industriels, etc. ; et cet impôt ne peut compromettre le crédit du pays, par le
motif que la Belgique a des ressources, qu’elle a de la probité, et que les
Belges, en général, savent s’imposer des privations, même les plus grandes,
quand il s’agit de probiér et de loyauté, en d’autres termes, quand il a des
dettes à payer.
En résumé, nous devons porter à environ 36 fr. par
tête les impôts payés en Belgique, en non à 18 fr. 85 c., comme le croit M. le
ministre.
Vous conviendrez, messieurs, qu’il importe peu au contribuable
que son argent entre dans la caisse du gouvernement, de la province, de la
commune, de l’industrie ou de l’assurance pour introduire la fraude. Ce qui lui
importe, c’est le montant des impôts qu’il paie.
Si le chiffre est plus haut en Angleterre, par contre
la valeur de l’argent y est infiniment de moindre valeur. Un hectolitre de
froment, par exemple, qui se vend en Belgique à 16 fr., vaut 20 fr. en
Angleterre, ce qui revient juste à une valeur double : c’est que mon calcul est
d’après le revient. On sait qu’en Belgique, l’hectolitre de froment revient au
producteur à 12 fr., taux moyen.
En Angleterre et en France, le produit des douanes est
supérieur, proportion gardée, aux produits en Belgique, ce qui augmente en
apparence le chiffre des impôts calculé par tête, comme l’a fait M. le ministre
qui n’a pas fait attention que les fraudeurs par agent avec le gouvernement
belge sur une bien plus grande échelle qu’en Angleterre et en France.
Voilà ce qui explique l’erreur dans laquelle est tombé
M. le ministre. On doit établir que l’impôt par tête en Belgique est de 38 et
non de 19 fr., et je crois que ce chiffre est assez élevé.
« Les
produits de la poste sont des péages (dit M. le ministre des finances) parce
que le port des lettres n’est point un impôt gratuit, mais bien le prix d’un
service dont l’Etat s’est réservé le privilège exclusif. »
La poste rend des services, sans doute, mais elle nous
les fait payer au double ; donc le gouvernement prélève un impôt égal à la
moitié du produit.
Si une entreprise avait lieu pour le transport de la
correspondance, pas de doute, les lettres qui nous parviennent nous
coûteraient, au plus, la moitié de ce que nous payons au gouvernement.
M. le président. - La parole est à M. Lebeau.
M. Lebeau. - Comme je me propose surtout de parler sur l’article premier, pour
abréger la discussion, je renoncerai volontiers à parler dans la discussion
générale, en me réservant de parler sur l’article premier.
M. Demonceau, rapporteur. - Il me semble qu’avant que la chambre aborde la
discussion des articles, M. le ministre des finances pourrait dire le chiffre
qu’il compte porter dans le budget pour le rendement du sucre.
Dans le tableau annexé au rapport, il y a 34 mille et
quelques cents francs, provenant de la redevance sur les mines. Je me suis
aperçu que M. le ministre des finances porte cette redevance dans la catégorie
des impôts. Je pense qu’il devrait s’entendre à cet égard avec M. le ministre
des travaux publics. La redevance sur les mines n’est pas un impôt.
La redevance sur les mines est une espèce de fonds de
caisse pour indemniser le gouvernement de sa surveillance sur les mines. Si y a
boni après avoir payé le personnel de l’administration des mines, il doit être
employé à des recherches ; s’il y a encore boni, il doit être employé à
indemniser les exploitants malheureux. C’est n’est pas un impôt, la loi de 1810
est formelle sur ce point ; c’est un fonds destiné aux indemnités dont je viens
de parler.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Je n’aborderai pas, puisque la chambre paraît le
préférer ainsi, les observations spéciales à chacun des articles du budget des
voies et moyens. On a parlé de la contribution personnelle ; je répondrai sur
ce point quand nous serons arrivés à cette contribution, et ainsi de suite. Je
me bornerai dont, quant à présent, à indiquer à la chambre la situation des
chiffres des budgets des dépenses tels qu’ils sont votés, et la situation des
chiffres de recettes tes qu’ils nous semblent devoir être votés.
Je répondrai cependant de suite quelques mots aux deux
points sur lesquels M. le rapporteur de la section centrale demande des
explications.
En ce qui concerne les sucres, nous maintiendrons le
chiffre de 800,000 fr., comme il est porté au projet de budget des voies et
moyens, parce que nous pensons que la loi telle que vous l’avez votée produira
cette somme en principal et 26 centimes additionnels.
En ce qui concerne les redevances des mines, M.
Demonceau ne veut pas les considérer comme un impôt ; mais, aux termes de la
loi qu’il a citée, c’est vraiment un impôt direct. Si je prends la loi de 1810,
et si j’y lis trois articles, vous verrez qu’en effet les redevances sur les
mines sont bien un impôt.
« Art. 34. La redevance fixe sera annuelle et
réglée d’après l’étendue de celle-ci : elle sera de 10 fr. par kilomètre
carré. »
Ainsi la loi prend le sol pour base.
« Art. 37. La redevance proportionnelle sera
imposée et perçue comme la contribution foncière.
« Les réclamations à fin de dégrèvement ou de
rappel à l’égalité proportionnelle seront jugées par les conseils de
préfecture… »
« Art. 39. Le produit de la redevance fixe et de
la redevance proportionnelle formera un fonds spécial dont il sera tenu un
compte particulier au trésor public, et qui sera appliqué aux dépenses de
l’administration des mines, et à celles des recherches, ouvertures et mises en
activité des mines nouvelles ou rétablissement de mines anciennes. »
Nous avons porté au budget des dépenses les travaux
publics les frais nécessaires pour satisfaire à l’article 39 ; mais cela ne
modifie pas l’article 37 qui caractérise la redevance des mines.
Quoi qu’il en soit, si la chambre jugeait convenable
de transposer hors de la catégorie des impôts les 110,000 fr. des redevances
des mines, portés au budget des recettes, j’y verrais d’autant moins
d’inconvénient que cela améliorerait le système que j’ai présenté ; mais il me
semble plus régulier de tenir à la spécification que renferme la loi
institutive de l’administration des mines.
J’arrive à la situation des budgets des voies et
moyens et des dépenses.
Le budget des voies et moyens tel que je vous l’ai
présenté dans sa nouvelle forme, le 8 novembre dernier, s’élève au total de
97,055,092 fr.
Mais de ce chiffre il faut déduire 300,000 fr., qui
ont été réduits dans les dépenses d’exploitation du chemin de fer. Vous vous
rappellerez que M. le ministre des travaux publics en consentant à cette
réduction sur les frais d’exploitation du chemin de fer, vous a prévenus qu’il
y aurait lieu de réduire de pareille somme les recettes présumées de ce chemin.
De telle sorte que le budget des voies et moyens, tel que nous le proposons,
serait de 96,755,092 fr.
Si maintenant on supprimait les 5 centimes
additionnels proposés, non seulement sur la contribution foncière, mais encore
sur la contribution personnelle et sur les patentes ; lesquels additionnels
feraient le chiffre de 1,298,767 fr., on aurait pour les voies et moyens
93,456,225 fr.
Et enfin, si la proposition de la section centrale,
portant rejet du projet de loi sur le débit des boissons distillées, était
admise, il faudrait encore réduire le chiffre des voies et moyens de 900,000
francs, et en définitive les recettes ne présenteraient plus que le chiffre de
94,556,225 fr.
Or, d’après les budgets des dépenses qui sont déjà
transformés en loi, et celui de la guerre, en le prenant tel qu’il résulte du
premier vote, les dépenses forment la somme totale de 94,955,652 fr 11
centimes.
Je vous prie de faire attention que je prends le
budget de la guerre, ainsi que vous l’avez admis au premier vote, avec la
réduction considérable qu’il a subie, et sur laquelle nous tâcherons de faire
revenir la chambre au second vote. Eh bien, en prenant ce budget ainsi réduit,
il se trouve déjà 399,427 fr. 11 c. de déficit en comparant les recettes
totales aux dépenses totales.
Cependant, ce déficit doit être considéré comme devant
être augmenté du crédit qui a été demandé par le département de la marine, pour
commencer la construction de navires de guerre. Ce crédit est soumis à l’examen
d’une commission spéciale, et le gouvernement doit supposer que le résultat de
cet examen amènera l’adoption du chiffre de 350,000 fr. qui est réclamé.
Les réductions admises par le premier vote dans le
budget de la guerre, et sur lesquelles nous espérons, messieurs, que nous
ferons revenir la chambre en faisant adopter le chiffre proposé par le ministre
de la guerre, parce que nous croyons que ses demandes sont tout à fait fondées,
ces réductions, dis-je, peuvent, avec l’excédant disponible qu’il convient que
le gouvernement ait, pendant l’année, à sa disposition pour des besoins
accidentels, peuvent être comptée à la somme ronde de 1.200,000 fr., laquelle,
avec les 399,427 fr. 11 c., dont je viens de parler, et en supposant le rejet
du projet sur les boissons distillés, amène le déficit total de 1,949,427 fr.
11 c.
Vous n’admettrez pas, messieurs, pour atténuer ce
déficit, qu’il faille établir une connexité rigoureuse entre le budget des
recettes et les dépenses de la guerre ; vous réglerez les choses en vue des
besoins du département de la guerre seulement, et si vous reconnaissez que les
allocations demandées pour ce département sont indispensables, vous ne vous
laisserez pas influencer par la considération de la nécessité d’augmenter les
moyens d’y faire face.
Voyons si, en adoptant les 5 centimes additionnels et
la loi d’abonnement sur les boissons distillées, nous aurions des recettes trop
fortes comparativement aux dépenses.
Le déficit, sans le droit de consommation sur les
boissons distillées et sans les centimes additionnels, serait donc de 1,919,427
fr. 11 c., comme nous venons de le dire
; or, les centimes additionnels donneraient 1,298.761 fr. et les boissons
distillées, 900,000 fr., ce qui forme le chiffre de 2,198,797 fr.
D’où suit qu’en définitive nous aurions 249,339 fr. 89
c. d’excédant des recettes sur les dépenses, telles que nous les réclamons. Cet
excédant doit-il vous porter à opérer des diminutions dans le budget des voies
et moyens ? Je ne le pense pas. Jusqu’ici nous avons marché en nivelant à
quelques francs près les recettes et les dépenses, et en laissant même
quelquefois ces dernières plus élevées ; je crois que c’est là un mauvais
système qu’il faut abandonner pour en venir aux règles d’une bonne
administration et pour assurer au trésor quelque réserve, afin de n’être pas
pris au dépourvu dans des circonstances imprévues. C’est ainsi que doivent agir
les gouvernements tout comme les particuliers prévoyants.
Après ces considérations générales, je demanderai
qu’avant de s’occuper du tableau des voies et moyens, il soit pris une décision
sur la loi des boissons distillées ; c’est-à-dire qu’il soit déclaré si le
droit d’abonnement sur les boissons spiritueuses doit être considéré comme un
impôt direct ; et dans le cas de la négative nous prierons qu’on nous démontre
en quoi les dispositions que nous proposons à cet égard présentent cette odieuse
fiscalité qui doit leur faire refuser une place dans le code de nos lois, s’il
faut en croire les raisons sommaires opposées par la section centrale.
Il y aurait donc,
messieurs, à examiner la question en quelque sorte préalable que je viens
d’indiquer, question à nos yeux tellement grave que s’il était décidé,
contrairement à notre opinion et conformément à la décision de la section
centrale, que l’impôt d’abonnement serait de sa nature un impôt direct, devant
compter dans le cens électoral, nous retirerions le projet de loi ; car nous ne
voudrions pas que la loi électorale, qui est la base de tout notre système
politique, pût être ainsi modifiée d’une manière incidente. Nous ne craignons
pas de nous expliquer sur la grande question de la loi électorale, mais nous
voulons le faire d’une manière générale ; nous éviterons par conséquent que
cette loi soit changée d’une manière accidentelle à propos de l’impôt dont il
s’agit en ce moment.
Si la chambre décide, comme je le désire, qu’elle
s’occupera d’abord de la loi sur les débitants de boissons distillées, je lui
ferai connaître les motifs qui me font croire que l’impôt dont il s’agit ne
devrait en aucune façon être classé parmi ceux qui sont pris en compte pour le
cens électoral.
M. Lebeau. - Je m’aperçois, messieurs, que le caractère saillant de la discussion
générale sont les centimes additionnels, et il est impossible qu’il n’en soit
pas ainsi. Je crois donc gagner du temps en abordant directement cette
question.
Je ne suis pas d’ailleurs partisan des discussions qui
portent sur tous les points à la fois d’un sujet, parce qu’un des inconvénients
de ces discussions et des développements qu’elles comportent, c’est d’amener
des lenteurs, des retards dans les travaux de la chambre.
Parmi les résultats fâcheux de ce genre, il en est un
fort grave, qui a été rappelé tout récemment ; il s’agit du retard dans lequel
se trouve l’examen des comptes : on a pu remarquer, messieurs, que, sans cesse,
à l’occasion de la discussion annuelle des budgets, des réclamations se sont
élevées à cet égard, et que ces réclamations sont toujours restées sans
résultat. Ces réclamations, on peut les renouveler sans adresser aucun reproche
au gouvernement, car le gouvernement a mis depuis longtemps la chambre en
demeure de s’occuper de cet objet.
Remarquer, messieurs, que pour le vote annuel de la
loi des comptes, la constitution est tout aussi formelle, tout aussi impérative
que pour le vote annuel des budgets, puisqu’elle dit que « chaque année la
chambre vote les budgets et arrête les comptes. » Eh bien, messieurs,
depuis 7 ans en ne l’a pas encore fait, et un des inconvénients qui en
résultent, c’est de nous maintenir dans l’incertitude sur notre véritable
position financière, de ne pas permettre que le budget soit formé d’une manière
régulière, en portant au premier article des recettes le boni d’économie
résultant des comptes précédemment arrêtés. Je crois que malgré les travaux
dont la chambre a été accablée depuis trois mois et ceux qui l’attendent encore,
son patriotisme devra subir une session extraordinaire si elle veut enfin
régulariser notre système financier et la comptabilité de l’Etat.
Messieurs, c’est une tâche fort pénible que de venir
appuyer une majoration dans les votes et moyens ; le système contraire a
quelque chose de beaucoup plus séduisant, car c’est un moyen de flatter
l’opinion, de se créer de la popularité. Mais comme j’ai l’habitude de servir
mon pays et non de le flatter, je viens, sans crainte des commentaires auxquels
mon opinion peut m’exposer, soutenir les centimes additionnels demandés par M.
le ministre des finances. Je crois que la chambre commettrait un acte de haute
imprévoyance si elle ne votait pas les majorations demandées.
Vous avez entendu tout à l’heure M. le ministre des
finances vous exposer par un simple rapprochement de chiffres quel serait le
résultat des centimes additionnels. Vous avez sans doute été frappés de cette
considération, présentée à l’appui de ses chiffres, qu’une nouvelle ressource
portée au budget des voies et moyens, et qui dans l’opinion du ministère devait
produire près d’un million, s’évanouit complétement si les conclusions de la
section centrale sont adoptées : je veux parler du produit de l’abonnement des
débitants de boissons distillées, qui est estimé à 900,000 fr. au budget des
voies et moyens. Or, si je ne me trompe, la section centrale conclut à
l’unanimité au rejet pur et simple de la proposition ministérielle. Voilà donc
encore près d’un million de déficit à ajouter au déficit que présente déjà
notre situation financière.
On réduira, dit-on, le budget de la guerre ; mais déjà
vous avez entendu non seulement de la part de M. le ministre de la guerre, mais
de la part du cabinet tout entier, exprimer l’opinion qu’il est impossible
d’admettre définitivement les réductions adoptées au premier vote du budget de
la guerre. Je crois en effet, messieurs, (et je m’expliquerai plus longuement
peut-être à cet égard lors de la seconde discussion du budget de la guerre), je
crois, dis-je, qu’en agir autrement, ce serait substituer les prévisions de la
chambre, la prudence de la chambre, la responsabilité de la chambre, aux
prévisions, à la prudence, à la responsabilité du ministère, et du ministère
tout entier, qui est en position, par ses relations extérieures, par ses
renseignements sur les dispositions du cabinet de La Haye, sur la situation et
les mouvements de l’armée hollandaise, de savoir beaucoup mieux que nous quelle
est la portée politique du chiffre de l’effectif.
Mais en supposant, messieurs, que les réductions
apportées au budget de la guerre dussent être définitives, serait-ce encore le
cas de repousser les centimes additionnels ? Le pays n’a-t-il pas d’autres
besoins à satisfaire, d’autres devoirs à remplir ? Par exemple, messieurs,
oubliez-vous que depuis quatre ans dort dans les cartons de la chambre un
projet de loi de la plus haute importance, et qui doit enfin aboutir à un vote
dont le résultat, quel qu’il soit, sera d’augmenter encore les besoins du
trésor ? Je veux parler de la loi des indemnités. Il faut cependant qu’une fois
ou l’autre on aborde franchement la discussion de cette loi : il y a plus de
quatre ans qu’elle a été présentée, c’est-à-dire le 12 décembre 1833 ; le
rapport a été fait le 15 février 1836 ; plusieurs fois déjà on a réclamé avec
instance qu’elle fût mise à l’ordre du jour. En définitive, la chambre ne peut
pas opposer à ces réclamations un perpétuel déni de justice. Eh bien,
messieurs, si la question est résolue dans le sens des principes qui ont
présidé à la rédaction du projet ministériel, d’après les calculs les plus
modérés, les indemnités à accorder ne s’élèveront pas à moins de 15 millions.
Je suppose que l’on convertisse ce capital, après même lui avoir fait subir des
réductions notables, en une rente à 4 1/2, à 4 ou même à 3 1/2 p. c., il en
résultera encore pour le budget une nouvelle charge permanente, pour l’acquit
de laquelle il est d’une sage prévoyance de se prémunir, de faire en quelque
sorte une mise à la caisse d’épargne.
D’autres réclamations ont été présentées à la chambre
et ont été vivement appuyées, et certes, messieurs, elles ont droit à toute
votre sollicitude. On a entretenu la chambre naguère de la situation financière
de la ville de Bruxelles, et il faut bien qu’au premier aspect cette situation
mérite d’être prise en considération puisqu’un de nos honorables collègues, qui
n’a pas l’habitude de disposer facilement des deniers de l’Etat, disait :
« Au lieu de voter des millions pour la construction d’un palais de
justice, donnez ces millions à la ville de Bruxelles ; » voilà, messieurs,
ce qu’un honorable député de Tournay disait naguère dans cette enceinte. Les
réclamations de la ville de Bruxelles ne lui paraissaient donc pas dénuées de fondement.
Voilà des besoins dont la chambre aura à s’occuper, et dont elle doit s’occuper
dès ce moment puisqu’il s’agit des voies et moyens de 1838.
D’autres besoins encore peuvent surgir ; par exemple,
on a proposé une augmentation de traitement pour les membres de l’ordre
judiciaire ; je ne m’explique pas sur le fonds de cette question, mais je
voudrais aussi qu’elle ne fût pas préjugée par le vote que nous allons émettre,
que la chambre libre de la résoudre selon les convenances et la justice.
Si nous examinons la situation du trésor public, si
nous remarquons qu’au 1er septembre 1837, d’après les documents qui nous ont
été présentés par le ministère, le trésor était en définitive de plus de treize
millions ; qu’à ce déficit il faudrait encore ajouter les deux millions dont M.
le ministre des finances a parlé tout à l’heure ; si vous ajoutez à cette
considération celles que j’ai déjà présentées, si vous considérez que ce
déficit n’a été couvert jusqu’ici que par du papier-monnaie, par des bons du
trésor, qui n’ont d’autre gage de remboursement que leur renouvellement
périodique, vous serez convaincus de la nécessité de maintenir les recettes du
trésor public dans un état qui permette plutôt de réduire le déficit que de
l’augmenter d’année en année.
Car enfin, il ne faut pas se faire illusion sur la
ressource des bons du trésor : les bons du trésor sont un emprunt que nous
renouvelons sans cesse, un emprunt dont le capital est remboursé avec d’autres
bons du trésor. Il faudra bien en définitive qu’une forte partie de ces bons
soient convertis en dette consolidée ; augmenter l’émission de ce papier, c’est
donc tout simplement marcher à l’accroissement de la dette perpétuelle.
Je n’examinerai pas en ce moment si le gouvernement ne
ferait pas bien, à propos de la dette flottante, de méditer un peu les
considérations que lui a présentées l’année dernière un de mes honorables amis,
relativement à l’intérêt que le gouvernement paie aux porteurs des bons du
trésor. Je n’aborderai pas actuellement la question de savoir si le
gouvernement ne pourrait faire avec succès ce que font des sociétés
financières, c’est-à-dire, s’il ne pourrait pas émettre avec modération du
papier ne portant pas intérêt, et si le pays n’aurait pas tout au moins autant
la confiance dans la solidité et la bonne foi du gouvernement, qu’il en
témoigne à diverses sociétés financières en acceptant leur papier sans intérêt.
Ce sont des questions que je touche incidemment, et sur lesquelles, après mon
honorable ami, je me borne à appeler de nouveau l’attention de M. le ministre
des finances.
Je me résume donc sur ce point, et je dis qu’alors
même que nous n’aurions pas un déficit qui semble plus ou moins dissimulé par
la dette flottante, alors que nous n’aurions pas sur le budget actuel le
déficit d’environ deux millions, résultant des calculs de M. le ministre des
finances, la prudence exigerait encore que la chambre pourvût au moyen de
niveler peu à peu les recettes et les dépenses de l’Etat, de rétablir un
équilibre rompu depuis plusieurs années, il ne fait pas qu’un Etat, pas plus
qu’une société, plus qu’une famille, vive au jour le jour ; c’est dans les
temps de calme, dans les temps de prospérité industrielle et commerciale qu’il
faut se mettre en garde contre les éventualités qui pourraient frapper le pays
dans des temps moins heureux.
Aujourd’hui, messieurs, le crédit du pays est bien
établi, et ce serait peut-être le moment de diminuer par un emprunt le chiffre
de la dette flottante.
Ce n’est pas, messieurs, que je croie qu’on ne puisse
ultérieurement augmenter les recettes de l’Etat par d’autres moyens que par des
centimes additionnels. Les centimes additionnels ont cela de dangereux que le
moyen est très simple ; qu’il dispense de tous frais d’imagination, et que dès
lors il a quelque chose de très séduisant, contre lequel il est bon que notre
raison se prémunisse. (On rit.)
Je crois qu’en Belgique, et même dans des pays plus
avancés, la science de l’impôt a encore beaucoup de progrès à faire. Sans avoir
la prétention d’apprendre quelque chose sur ce point, ni à M. le ministre des
finances, je me permettrai d’exposer à ce sujet quelques idées, ou plutôt
quelques doutes.
L’accise sur les sucres exotiques, qui a été jusqu’ici
presque réduite à rien, figure au budget pour 800,000 fr. J’espère que ces
800,000 fr. seront fournis par l’impôt sur les sucres, impôt que, quant à moi,
je regarde comme extrêmement bien assis. Je crois même que cet impôt
augmentera. Selon moi, cependant, la chambre a bien fait de décider qu’il
fallait procéder à l’égard du raffineur et du commerce du sucre exotique avec
beaucoup de ménagement ; car je suis d’avis que dans les questions de cette
nature il faut respecter non seulement les intérêts, mais même jusqu’à certain
point les préjugés des industries auxquelles on touche. Je crois que
l’industrie à l’égard de laquelle on veut introduire des modifications doit
être habituée peu à peu à ces modifications. Si, l’année prochaine, il est
reconnu que la loi sur les sucres est inefficace, et que d’autre part la
situation des raffineries n’en a pas été altérée, la chambre sera parfaitement
libre de faire un pas de plus.
Mais il ne faut pas que l’on s’y trompe, et je crois
qu’il est bon que de la tribune nationale parte de temps en temps un
avertissement salutaire pour une autre industrie. Si l’on ne veut pas que
l’impôt sur les sucres exotiques, quelles que soient les combinaisons
financières qui pourraient être imaginées, tombe à rien, il faudra tôt ou tard
aviser aux moyens d’imposer le sucre indigène. Je crois qu’il convient, avant
que de nouveaux capitaux ne s’engagent dans cette industrie, que ces
avertissements lui soient donnés. Si l’on ne faisait rien pour atteindre le
sucre indigène, il arriverait ici ce qui est arrivé en France, à savoir, que le
sucre indigène, prenant tous les jours une plus grande part dans la
consommation intérieure, finirait par en expulser le sucre exotique, et qu’un
jour vous n’auriez plus d’impôt sur le sucre.
Je pense donc qu’il est bon que l’on se tienne en
garde sur ce point, et que l’on sache qu’il est dans les prévisions de la
chambre d’atteindre un jour ou l’autre le sucre indigène ; par sa nature, il
est aussi imposable que le sucre exotique. C’est encore une ressource qui,
j’espère, ne manquera pas au trésor.
Il conviendrait, selon moi, que le gouvernement
s’apprêtât à jeter les bases d’un budget de recettes, de compulser un peu la
législation étrangère ; je crois qu’il serait bon de rechercher comment on
parvient ailleurs à faire produire à certains impôts que nous ne connaissons
pas ou qui rapportent peu chez nous, des sommes plus ou moins fortes, sans trop
grever, soit les industries, soit les contribuables.
Il est fâcheux que nous n’ayons pu prendre une
résolution sur la dernière convention que le gouvernement a faite avec la
société générale ; car si M. le ministre des finances avait pu se rallier aux
modifications proposées par la commission spéciale chargée de l’examen de cette
convention, s’il avait pu amener la société générale à consentir à ces
modifications, il en serait résulté un encaissement d’environ 9 millions, et
une recette annuelle de treize à quatorze cent mille francs. Je regrette que M.
le ministre des finances ne puisse pas nous dire jusqu’à quel point il y a
espérance qu’il se rallierait aux propositions de la commission, car si l’adhésion
du ministre des finances avait été possible, il y aurait eu lieu de demander la
priorité pour la discussion de cette convention.
Une autre ressource qui a déjà été signalée plusieurs
fois à l’attention de la chambre, c’est l’impôt que l’on peut raisonnablement
faire peser sur les distilleries. Je ne fatiguerai pas la chambre de la redite
de toutes les considérations de moralité et même de fiscalité qu’on a déjà tant
de fois fait valoir à cet égard ; je pense que nous pourrions, à la grande
satisfaction de la majorité du pays, en revenir, avec de légères modifications
que l’expérience a suggérées, à l’ancienne législation sur les distilleries.
Suivant moi, tant que l’on n’en viendra pas là, nous ne créerons que de
véritables palliatifs au double mal tant de fois signalé ici.
Si je ne me trompe, M. le ministre des finances espère
trouver dans des modifications aux droits de succession un autre moyen
d’améliorer les recettes de l’Etat. Il a annoncé des changements dans les
droits de succession, et il nous a dit que sans cesser d’être juste envers les
héritiers, on pourrait obtenir pour le trésor une majoration assez considérable
d’impôt. Pour ma part, je pense, messieurs, qu’il y aurait possibilité de
supprimer, par exemple, plusieurs degrés de succession ab intestat ; c’est
pousser extrêmement loin le respect pour les droits des héritiers ab intestat
que d’aller jusqu’au douzième degré. Je crois qu’on peut restreindre l’ordre de
succession ab intestat, et que si, par exemple, l’on s’arrêtait au septième ou au
huitième degré, on créerait pour le trésor la perspective de quelques
déshérences sans blesser les principes du droit naturel ni du droit civil en
matière de succession. Il semblerait juste aussi que le droit augmentât à
mesure que s’éloigne le degré de parenté.
Enfin se présentent naturellement à l’esprit, le café,
le tabac, le thé, comme matières essentiellement imposables. A cet égard, de
légères majorations au tarif de douane ou une accise modérée avec la garantie
nécessaire ou la réexportation, en même temps qu’elles seraient productives,
sembleraient pouvoir être introduites sans nuire à notre commerce.
Vous dirai-je
quelques autres moyens d’augmenter les recettes de l’Etat, moyens qui,
par la nouveauté de quelques-uns d’entre eux, et l’espèce d’étrangeté qui
s’attache toujours à la nouveauté, pourraient ne pas faire immédiatement
fortune auprès de vous ? Vous dirai-je, par exemple, qu’on pourrait, sans
grands inconvénients, assimiler, quant à la patente, les avocats aux médecins,
sans nuire à la dignité des uns par plus que la dignité des autres n’est
blessée ? Vous dirai-je qu’il y aurait lieu d’examiner la question de savoir si
le gouvernement ne pourrait tirer aucun profit des octrois qu’il fait
gratuitement de plusieurs moyens de s’enrichir ? N’y aurait-il rien à percevoir
du chef de l’octroi des places de notaire, d’avoué, d’huissier, d’agent de
change, de courtier, etc., places vénales, à tel point qu’elles sont l’objet de
conventions quotidiennes entre les particuliers ? N’y a-t-il rien à tirer de
là, soit en empruntant, pour y arriver, les principes qui dominant dans les
lois d’enregistrement, à propos du serment, soit par une imposition directe sur
l’octroi de ces emplois que le gouvernement accorde, je le répète, si
généreusement aux citoyens ?
Je ne fais ici
qu’émettre des doutes ; ce sont des idées qui ont quelque hardiesse et que je
soumets avec humilité aux méditations de M. le ministre des finances et de MM.
les financiers de la chambre. Du reste des idées, que peut-être on qualifiera
d’utopies, ne sont pas immédiatement réalisables et ne peuvent tenir lieu des
ressources qui nous sommes aujourd’hui demandées.
En résumé, je pense qu’en présence des calculs
auxquels s’est livré M. le ministre des finances, en présence du rejet possible
de la loi sur l’abonnement des débitants de boissons, en présence de différents
besoins dont je viens de rappeler quelques-uns, nous commettrions une haute
imprudence, si, à défaut d’autres ressources, nous allions refuser de voter les
5 centimes additionnels. Quant à moi, je déclare que j’y donnerai mon
assentiment.
M. Mast de Vries. - Contrairement à l’opinion qui vient d’être émise
par M. le ministre des finances, j’espère que la chambre persistera dans les
économies qu’elle a introduites dans le budget de la guerre. Et de cette
manière, je pense que nous serons délivrés des 5 centimes additionnels. Il me
paraît que sous ce rapport, nous avons la mémoire bien courte. Il y a seulement
deux années qu’un cri général s’est élevé contre l’impôt de 10 centimes
additionnels, et à cette époque cette augmentation n’était demandée que
temporairement. Aujourd’hui que demande-t-on ? On demande 5 centimes
additionnels sur l’impôt direct ; mais ces additionnels ne sont plus
temporaires, ils sont et doivent rester définitifs. Le cadastre n’a pas encore
nivelé la contribution foncière dans toutes les provinces, c’est seulement
cette année que ce nivellement doit avoir lieu ; déjà les provinces qui ont un
surcroît d’impôt ont fait entendre des réclamations, que sera-ce si on y ajoute
encore 5 centimes additionnels ?
On s’est plaint, à différentes reprises, de l’impôt
personnel ; il est juste de dire qu’il frappe plutôt sur la classe moyenne que
sur la classe aisée. Et bien, cet impôt doit encore subir une augmentation de 8
centimes additionnels. S’il y a un impôt qui ait été l’objet de réclamations
tous les ans, c’est l’impôt des patentes, car cet impôt est de l’élasticité
toute pure. Un patentable est ce que veut le faire l’employé ; quand il est
taxé, il est obligé de payer, il n’a aucun recours, car le recours est
illusoire. Je suis à même de donner quelques renseignements sur l’impôt des
patentes ; car, pour parler sur cet impôt, je me suis fait répartiteur. Voici
comment les choses se passent : nous avions un rôle de 800 patentables ; nous
étions d’accord avec l’employé, et je ne sais comment cela se fit, 70 ou 80
patentables ont été augmentés. Des réclamations ont été faites, mais le
directeur s’est rallié à l’avis de l’employé, et les patentables ont subi
l’augmentation. Il ne suffit pas de dire : On peut réclamer, car la réclamation
est illusoire ; eh bien, cet impôt, vous le frappez de 5 centimes additionnels.
Je pense qu’en persistant dans les économies
introduites dans le budget de la guerre, nous pourrons ne pas subir les 5
centimes additionnels.
M. le ministre,
par le calcul qu’il vient de faire, a établi qu’il y avait un déficit de 400
mille fr., auquel il faut ajouter les 800 mille francs pour construction de
navires. Et partant de là, il a dit que la loi sur les débitants de boissons
distillées ne serait pas admise. Je pense, en effet, que cette loi ne sera pas
admise, mais il me semble qu’il y a quelque chose de plus simple à faire ;
c’est d’imposer le genièvre même, les liqueurs spiritueuses. Que veut-on faire
avec une loi de consommation ? On veut faire qu’il y ait moins de consommation.
La loi ne produira pas cet effet ; ce qu’il y aura de moins, ce sera quelques
débitants qui perdront ainsi le moyen de gagner leur vie. Au lieu de plusieurs
débitants dans une commune, il n’y en
aura qu’un seul qui pourra donner la liqueur à meilleur compte qu’aujourd’hui.
On en consommera davantage. La loi aura un effet contraire à celui qu’on en
attend, et elle aura fait beaucoup de mécontents. Le seul moyen de frapper les
liqueurs fortes, c’est de revenir à la législation hollandaise. Nous le voulons
tous, mais beaucoup n’osent pas le dire. Je le répète, c’est le seul moyen
d’atteindre les liqueurs spiritueuses.
Je bornerai là mes observations jusqu’à la discussion
des articles. Je crois en avoir dit assez pour faire connaître que si on adopte
les 5 centimes additionnels, je serai obligé de voter contre le budget.
M. Pirmez. - Je crois qu’en général,
lorsqu’on a voté les dépenses, on est forcé de voter les recettes. Mais
cependant il n’en est pas toujours ainsi. Par exemple, un député a consenti à
faire telles dépenses qu’il croit utiles ; lorsque certaines lois fiscales
étaient présentées qui devaient les couvrir, et qu’il a fait tous ses efforts
pour faire adopter ces lois, si elles sont rejetées, ce député doit échapper à
la conséquence qu’on voudrait tirer de son premier vote. Or, j’ai fait tous mes
efforts pour faire que le trésor reçût l’impôt qui est réellement payé sur le
sucre par la nation. Je suis aussi de ceux qui ont voté contre l’abolition de
la loi hollandaise sur les liqueurs spiritueuses. Je crois que si ces deux
impôts étaient perçus, on ne viendrait pas nous demander des centimes
additionnels pour faire face aux dépenses.
L’honorable M. Lebeau vient d’émettre des idées très
justes sur les impôts de consommation. Si on pouvait percevoir un impôt,
quelque léger qu’il soit, sur chacun des objets dont il a parlé, il entrerait
une somme considérable au trésor. Mais d’une idée émise à une proposition
formulée, il y a loin, et d’une proposition faite à une proposition adoptée, la
différence est plus grande encore.
Quand vous
viendrez à proposer des impôts de consommation, vous verrez se soulever les
intérêts privés qui ont une force immense. La loi sur le sucre l’a démontré.
Les centimes additionnels sont faciles à proposer,
mais ils frappent toutes les richesses à jour. Dans les temps de prospérité,
beaucoup de richesses sont à jour, ce sont celles qui sont cachées, qu’il
faudra tâcher de frapper. Mais ici on ne frappe que ce qui est faciles à
prendre, ce qui ne peut pas se cacher.
Ce sont ces raisons qui m’empêcheront de donner mon
assentiment aux centimes additionnels. Je désirerais que nous attaquassions une
bonne fois le système d’impôts de consommation, mais à peine osons-nous y
toucher en ce qui concerne le sucre, et le genièvre. A cet égard, je n’ai pas
de reproche à me faire, j’ai fait tous mes efforts pour que le trésor perçût ce
qu’il doit recevoir sur ces objets.
M. Demonceau. - Si la position des membres de cette chambre qui
viennent soutenir les augmentations est difficile, la position d’un orateur qui
parle au nom des sections, n’est pas moins difficile, alors qu’il vient, avec
l’unanimité des sections, proposer le rejet de ces augmentations. Voilà la
position dans laquelle je me trouve : rapporteur de la section centrale, au nom
d’une section qui est l’émanation de toutes les sections. Je propose le rejet
de tous les centimes additionnels. Le premier adversaire que je rencontre est
un de nos honorables collègues qui n’aura pas émis son opinion dans les
sections, car il devrait être au moins lié par l’opinion émise dans sa section.
C’est là l’avantage qu’on trouve à être rapporteur.
Je vais tâcher d’exposer mon opinion.
On vous propose une augmentation de l’impôt personnel
et une augmentation de l’impôt des patentes, tandis que nous pensons trouver
dans la loi sur les sucres les moyens de percevoir un million à 1,200 mille
francs. J’ai fait ce qui dépendait de moi pour procurer cette somme au trésor,
car mon amendement devait produire au moins un million. D’après ce que nous a
dit M. le ministre, nous ne recevons plus que 880 mille francs ; il lui fait
des additionnels, il lui faut 1,200,000 fr., et c’est à la contribution
foncière qu’il en demande la moitié, tandis que nous avons les eaux-de-vie
indigènes qui n’ont pas d’additionnels ; nous avons les douanes qui en ont 13,
mais la contribution foncière est à 15, et elle subit encore au profit de la
commune et de la province qui s’élèvent au moins à 10 p. c.
La contribution foncière à elle seule fournit le
cinquième de nos revenus, et c’est celle-là qu’il faut accabler encore ; elle
paie à peu près 19 millions. Le cinquième de 90 millions est bien 19. Je
comprends que si nous votons les
allocations demandées, ce ne sera pas ma faute : nous devrons augmenter nos
recettes, parce que nous ne pourrons créer le déficit.
Mais est-il pour cela nécessaire que ce soit la
contribution foncière qui vienne faire face à ces besoins ? N’avons-nous
pas d’autre moyen de combler le déficit
? Nous avions les sucres. Vous n’en avez pas voulu, et vous avez eu raison,
parce que cette industrie a crié bien haut. Mais si vous ménagez l’industrie
sucrière, pourquoi ne ménagez-vous pas la contribution foncière ? Pourquoi
sacrifiez-vous la contribution foncière ?
Je ne vous dirai pas que vous marchez de déficit en
déficit ; car nous ne savons pas s’il en est ainsi. L’honorable M. Lebeau vous
l’a dit : Depuis 1830, vous marchez sans savoir oû vous allez. Vous n’avez
arrêté aucun compte.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Invitez la chambre à voter la loi des comptes.
M. Demonceau. - Je parle à la chambre.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Je croyais que c’était à moi que vous vous
adressiez.
M. Demonceau. - Je demande aussi que la chambre s’occupe de la loi
des comptes.
M. F. de Mérode. - A quoi cela nous avancera-t-il ?
M. Demonceau. - A savoir si nous avons un déficit, et si nous avons
un déficit, à le combler. S’il y a un déficit et que la contribution foncière
doive être imposée, je serai le premier à demander qu’elle le soit. Car le plus
grand mal est de ne pas savoir où on est,
et vous ne le savez pas. Je bornerai là mes observations.
M. de Longrée. - M. Lebeau a paru reprocher aux membres opposés aux
centimes additionnels, de vouloir faire de la popularité. Quant à moi, je
renvoie à M. Lebeau le reproche d’un tel système, qui n’a jamais été le mien.
Ce n’est pas par prétention de faire de la popularité que je suis opposé aux
centimes additionnels, c’est que moi je sais apprécier les vrais besoins d’une
grande partie des contribuables et plus spécialement de ceux de la province du
Limbourg, province qui n’est qu’agricole, province qui, à défaut de routes, de
tous moyens de communication, ne peut faire écouler les produits de son sol
pour les produire sur les marchés de l’intérieur, Il n’est pas rare de voir les
fermiers, aussi bien que les propriétaires, obligés de laisser leurs greniers
chargés pendant plusieurs années consécutives, malgré leur volonté de vendre
leurs céréales aux prix courants, mais parce que les transports sont
impossibles pendant une grande partie de l’année. D’un autre côté, les bestiaux
se vendent à vil prix ; quelles sont donc les ressources de ces cultivateurs
pour pouvoir payer une augmentation de contributions foncière et personnelle ?
Que M. Lebeau veuille nous les indique.
M. F. de Mérode. - Je ne pense pas qu’un budget trop faible soit dans
l’intérêt du contribuable, car le résultat d’un tel état de chose, ce sont
toujours des emprunts plus ou moins onéreux au pays. Je reconnais que dans les
circonstances où on a emprunté précédemment, il y a eu une sorte de nécessité
de le faire ; mais ce système d’emprunts ne peut pas toujours exister.
Aujourd’hui il est évident qu’on ne pourrait recourir à de pareils moyens sans
prévoir d’avance les plus grandes vexations pour les contribuables. Ainsi, je
suis fondé à dire qu’un budget trop faible est contraire aux intérêts du
contribuable.
Je pourrais indiquer un grand nombre de dépenses
indispensables à faire. Dans les Flandres, il y a le canal de Zelzaete. M. le
ministre des travaux publics, dans son rapport, présente l’exécution de ce
travail sous un point de vue très essentiel pour l’écoulement des eaux et pour
le bien-être d’une grande partie de ces provinces. Nous avons, ainsi que vient
de le rappeler l’honorable M. de Longrée, des provinces qui manquent de communications
indispensables. Quelle somme appliquera-t-on à l’exécution de ces
communications ? Je n’en sais rien, mais il me paraît difficile de n’y
appliquer rien du tout. Nous avons une réclamation importante de la ville de
Bruxelles. Si la majorité de la chambre est dans l’intention d’accorder un
secours à cette ville, il faut bien en faire les fonds.
Il y a des personnes qui désirent une marine
militaire. Je ne sais jusqu’à quel point elle serait nécessaire ; mais il me
semble qu’il serait assez convenable d’en avoir une ; car il me semble que nos
navires de commerce n’ont aucune protection dans les mers lointaines ; ils sont
à la charité des vaisseaux de guerre des
autres nations. Je ne parle pas de vaisseaux de ligue, de frégates ;
mais si nous avions seulement quelques bricks de guerre, quelques corvettes,
nous pourrions protéger nos bâtiments marchands, par occasion ceux des autres
nations, et par réciprocité jouir de la même protection de la part des autres
nations. De cette manière, avec une dépense qui ne serait pas très élevée, nous
aurions une attitude militaire supportable, tandis que notre position actuelle
n’est pas supportable. Pour moi, du moins, être à la charité des autres n’est
pas supportable ; j’aime à donner pour être en droit de recevoir.
Nous avons à faire des améliorations aux prisons qui
font l’objet d’une pétition que nous a adressé l’inspecteur général des
prisons, et nous ne pouvons à défaut d’argent faire droit à cette pétition.
L’année dernière nous avons eu à relever la digue de
Burgh rompue par une tempête et cela a coûté 180,000 fr. Ces événements
malheureux sont de nature à se renouveler. Il faut donc avoir les moyens de
faire face aux dépenses considérable qui en résulteraient.
Je dirai ensuite que nous négligeons, selon moi,
certains moyens de faire produire des revenus au trésor public. Nous avons un
chemin de fer qui devrait nous procurer les plus grands avantages, non
seulement quant aux communications, mais encore quant au trésor public auquel
il devrait rapporter 9 à 10 p. c. IL paraît, d’après le rapport, que le chemin
de fer ne rapportera peut-être même pas 8 p. c. Je trouve qu’il y a rien de
plus ridicule que de faire payer des contributions au pays, pour que le
contribuable puisse aller en voiture à meilleur marché ; il me semble qu’il
serait plus simple et plus raisonnable de faire payer le contribuable lorsqu’il
veut aller en voiture, que de faire payer ceux qui ne se promènent pas pour
ceux qui se promènent. Pour éviter cela, il me semble qu’on pourrait augmenter
le prix des places et diminuer le nombre des convois. On fait faire pendant
l’hiver 5 ou 6 voyages par jour ; je ne crois pas que ce soit utile. Il me
semble que quatre départs suffisent. Je sais bien qu’il y a quelques personnes
à qui cela ne conviendra pas, mais ce sont des exceptions auxquelles nous ne
devons pas nous arrêter. Je pense donc qu’il convient d’augmenter le prix des
places et de diminuer le nombre des convois, et qu’ainsi la dépense serait
moindre comparée au revenu.
Maintenant on n’a pas parlé, à ce qu’il me semble, de
ce que l’on pourrait obtenir sur le café et le tabac, deux objets très
importants et essentiellement imposables.
Il me semble ensuite que puisque les bois belges
paient des droits par l’impôt que paient les terrains boisés, les bois
étrangers, comme les bois venant de Norvège, devraient également payer des
droits. Il ne doit pas y avoir de privilèges pour les bois étrangers. A l’égard
de ce droit, vous n’avez pas d’ailleurs à redouter la fraude. On ne fraudera
jamais du bois.
Il semble vraiment, messieurs, qu’on nuit aux intérêts
des contribuables quand on demande des revenus pour le trésor public. Mais
qu’est-ce donc que le trésor public ? Est-ce un fonds mis à la disposition du
souverain pour étaler un luxe asiatique comme on l’a vu dans d’autres pays,
dans les temps passés, et comme on le voir peut-être aujourd’hui ? Le trésor
public c’est l’argent mis en commun pour l’avantage du pays.
Un honorable préopinant se plaint de ce qu’on manque
de routes dans sa province, de ce que l’on ne peut pas débiter les céréales
parce qu’on n’a pas de moyens d’exportation. Mais comment construira-t-on les
routes qui sont nécessaires si l’on ne donne pas des revenus suffisants au
trésor public ?
Je ferai une comparaison entre l’Etat et les villes
qui ont des revenus, pour lesquels s’imposent les contribuables. Une ville a
besoin de revenus pour que les rues soient pavées et éclairées, pour avoir une
compagnie de pompiers pour remédier aux incendies, et pour pourvoir à d’autres
dépenses encore.
Eh bien, si cette ville ne veut pas payer des
contributions, si les habitants disent : A quoi bon nous surcharger d’impôts ?
Nous aimons mieux marcher dans la boue, et ne pas voir clair dans les rues à 7
heures du soir, et nous mettre dans la position où l’on est dans les villages ;
de cette manière, en effet, on peut avoir un gouvernement à bon marché.
Nos administrateurs n’ont pas des fonctions pour leur
bon plaisir. Quand le ministre de la guerre demande des sommes, c’est qu’il les
croit nécessaires à la défense du pays ; il préférerait proposer des réductions
à des augmentations.
Lorsque dans le conseil des ministres on discute les
dépenses de la guerre, le ministre des finances a bien soin de demander qu’on
les restreigne autant que possible ; car il est fort embarrassé quand il est
obligé à venir vous demander une augmentation d’impôt. Ce n’est pas pour son
plaisir qu’il chercher des produits de toutes parts et des centimes
additionnels.
Les Hollandais, nos voisins, se soumettent à payer les
moyens d’attaque préparés contre nous, et comme nous n’avons pas l’envie d’être
repris par le roi Guillaume, il faut maintenir nos moyens de défense. Tant que
le gouvernement hollandais ne renoncera pas à ses préparatifs d’agression, nous
ne devons pas renoncer à nos préparatifs de défense.
M. Pirmez nous
reproche de n’avoir pas adopté le projet de loi sur les sucres ; j’ai partagé
son avis ; mais dans le cours de la discussion on a présenté des observations
de nature à faire reculer. On a craint de ruiner une branche importante
d’industrie, branche pour laquelle les Hollandais font eux-mêmes de grands
sacrifices. Cette raison m’a frappé. Cependant j’avais mieux compris
l’observation que faisait M. Gendebien. Cet honorable membre disait que si on
faisait voyager des pierres, du sable même, on pourrait, en condamnant le
trésor à de grands sacrifices, établir une navigation très active. Cette
observation m’a paru d’une grande justesse. Quoi qu’il en soit, je ne veux pas
revenir sur la question des sucres.
Je voterai les centimes additionnels. Parmi tous les
moyens d’avoir de l’argent, c’est est un comme un autre et il ne fallait pas
beaucoup d’imagination pour le trouver ; mais je l’appuie parce que je préfère
prendre sur le présent que sur l’avenir. Cependant j’espère que M. le ministre
avisera à d’autres moyens d’obtenir des recettes.
M. A. Rodenbach. - Quoi que je ne désire pas voir augmenter la dette
publique, il est des circonstances où l’on ne doit pas être effrayé de la
création d’un ou deux millions de bons du trésor de plus que ceux qui existent.
Ce ne serait pas ruiner la Belgique que d’avoir quatorze ou quinze millions de
bons du trésor en circulation, et cela vaudrait mieux que d’admettre l’augmentation
de 5 centimes additionnels. Ce n’est jamais le propriétaire qui paie ces
contributions ; c’est toujours le fermier qui en supporte la charge en
définitive.
En 1831 et 1832, quand on a fait deux emprunts, qui en
a été dupe ? Le cultivateur ; il vendait à 50 et 60. Qui en a profité ?
L’agioteur et le banquier.
Au commencement de notre révolution, ce que l’on
demandait principalement, c’était un changement de système. Nos finances,
telles qu’elles sont réglées, ne constituent pas un système belge ; on les a
arrangés pour la réunion de la Belgique à la Hollande, et nous n’avons vraiment
qu’un système financier bâtard.
Lorsque le ministre actuel est arrivé à la tête des
finances, il avait l’intention d’imposer légèrement le café, le tabac
d’Amérique et d’autres articles ; mais, dans la crainte de diminuer le commerce
du café, il n’a pas présenté son projet de loi. J’ai fait une proposition à cet
égard, et si je l’ai retirée, c’est parce que j’ai vu que la chambre n’était
pas disposée à l’accueillir.
Il me semble que par amendement au budget des voies et
moyens, on pourrait augmenter la recette donnée par le café, et la recette
donnée par le tabac. Sous le gouvernement français, le tabac est une ressource
considérable.
Que l’on consulte le système financier anglais et
français, on verra qu’il existe une foule d’objets imposables, et qui peuvent
de même procurer des recettes en Belgique. Mais en attendant que l’on révise
nos lois financières, créons deux millions de bons du trésor.
On veut que les
boissons spiritueuses rapportent ; cela serait possible sans ruiner nos
distilleries si l’on empêchait l’entrée en Belgique du genièvre de Hollande, de
Prusse, et même de France ; cela serait possible au moyen d’une loi pénale. Que
l’on emploie ce moyen, et je donnerai mon assentiment à l’augmentation de
l’impôt du genièvre.
Pourquoi ne pas aborder la question de la banque ? La
banque doit ou ne doit pas ; si elle doit, voilà une ressource, et cela nous
donnera encore le temps de modifier notre système financier. Il faut avoir le
courage de faire du neuf en finances ; c’est ce que nos ministres n’osent pas
entreprendre ; il leur est plus commode de suivre la routine hollandaise, et de
se traîner dans l’ornière. Cependant on pourrait, en frappant moins sur le
peuple, avoir plus de revenus.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Messieurs, on a indiqué au gouvernement une foule
de revenus qu’il pourrait créer en modifiant différentes lois qu’on a
désignées, ce qui, semblerait-il, serait extrêmement facile. Eh bien,
messieurs, je dis qu’il a été impossible d’aborder les questions dont ou a
parlé : les sessions ont duré 9 à 10 mois, et quoique la chambre ait été
convoquée un mois avant l’époque de la réunion obligatoire, nous voici, au mois
de janvier, occupés à discuter le budget de la guerre et le budget des voies et
moyens. Après cela, messieurs, peut-on reprocher au gouvernement de ne pas
avoir saisi la chambre d’une foule de modifications à apporter aux lois de
finances ? Il est évident, messieurs, que la chambre n’aurait pas pu aborder la
discussion de semblables propositions, et dès lors il aurait été souverainement
imprudent de les présenter, car c’eût été marcher directement contre le but
qu’on aurait voulu atteindre. On a parlé, par exemple, du café ; eh bien,
messieurs, je suppose que nous venions proposer à la chambre un projet de loi
imposant cette denrée, et cela dans un moment où la chambre ne pourrait pas
s’occuper d’un semblable projet ; qu’en résulterait-il ? C’est que dans l’intervalle
qui s’écoulerait entre la présentation et le vote de la loi le commerce
prendrait des mesures pour l’éluder. Il en serait de même d’une foule d’autres
articles ; d’où résulte que les lois fiscales ne doivent autant que possible
être présentées que dans le moment où il est probable qu’elles peuvent être
discutées immédiatement.
D’ailleurs, messieurs, l’adoption de lois semblables à
celles sur lesquelles on a appelé notre attention est-elle aussi facile qu’on
semble le croire ? N’avons-nous pas vu quelles difficultés a rencontrées la loi
des douanes, par exemple ? Nous avons à différentes reprises travaillé pendant
plusieurs semaines à cette loi, et elle n’est pas encore terminée ; eh bien,
messieurs, de semblables difficultés se renouvelleront toutes les fois que la
chambre aura à s’occuper de lois de cette nature. On a indiqué la législation
sur le sel comme devant être immédiatement révisée. Eh bien, messieurs, la
chambre est saisie depuis un an et demi d’un projet de loi sur cette matière,
et elle n’a pas encore pu trouver le moment de s’en occuper.
On dit qu’il ne faut pas de grand efforts
d’imagination pour proposer des centimes additionnels, qu’il n’y a rien de plus
facile à faire qu’une semblable proposition ; sans doute, messieurs, il est très
facile de calculer ce que doivent produite autant de centimes additionnels sur
des matières dont la base est déterminée ; mais je le demande, messieurs, quel
autre moyen le gouvernement pouvait-il proposer pour faire face aux besoins du
trésor ?
Le gouvernement tiendra compte de toutes les
observations qui ont été faites ; il proposera de créer de nouvelles sources
d’impôt lorsque le moment opportun sera venu, lorsque la chambre pourra
s’occuper de propositions de cette nature. Aujourd’hui il s’agit avant tout de
faire face aux dépenses immédiatement nécessaires. Et si dans le cours de
l’exercice 1838 on peut créer de nouveaux moyens, les centimes additionnels
n’en seront pas moins utiles ; nous avons une dette flottante qu’il serait
utile d’amortir, et si les recettes dépassaient les dépenses, l’excédant serait
employé à cette fin ; ce serait là une chose beaucoup plus avantageuse que de
recourir à un emprunt.
On a de nouveau parlé, messieurs, de la conversion de
la rente ; mais pensez-vous que depuis un mois il ait été possible de songer à
conclure cette opération ? Croyez-vous que les financiers, les spéculateurs
soient bien empresses à se prêter à une semblable mesure dans un moment où il
régnait une certaine inquiétude ? Il faut, messieurs, attendre le moment
opportun pour songer à de semblables mesures, et certes ce n’est pas depuis un
mois ou six semaines, qu’on a commencé à parler des affaires du Luxembourg, que
ce moment était venu.
L’honorable M.
Rodenbach voudrait, au lieu des cinq centimes additionnels, augmenter encore la
dette flottante, c’est-à-dire créer un nouveau déficit, car ce n’est rien
d’autre que cela. Ce moyen, messieurs, nous ne pouvons pas l’admettre sans
entrer dans la voie la plus dangereuse possible pour un gouvernement, comme pour
un particulier, c’est-à-dire réaliser des dépenses plus considérables que les
moyens d’y faire face. C’est là, messieurs, un système que chacun de vous a
proscrit, car chaque fois qu’il s’agit de discuter les budgets, il n’y a pas un
orateur de cette chambre qui ne commence par dire qu’il veut que les recettes
et les dépenses se balancent ; c’est ce que nous voulons aussi, et le moyen
d’atteindre ce but, c’est d’adopter la proposition que le gouvernement vous a
soumise.
Ainsi que je l’ai dit tantôt, je pense, messieurs, que
la discussion devrait d’abord s’établir spécialement sur le projet de loi
relatif à des débitants de boissons spiritueuses ; je demanderai que lorsque la
discussion générale sera close, la chambre veuille bien aborder immédiatement
cette question, dont la solution doit jusqu’à un certain point influer sur les
centimes additionnels eux-mêmes.
M. Mast de Vries. - Pour vous engager, messieurs, à voter les centimes
additionnels, l’honorable comte de Mérode est venu nous exposer la kyrielle des
besoins auxquels nous avons à faire face et même ceux auxquels nous pourrions
avoir à faire face ; il a même été jusqu’à parler des digues qui pourraient
venir à se rompre. Mais, messieurs, les fonds qu’on nous demande ne sont pas
destinés aux objets que l’honorable membre a indiqués ; ils ne sont pas
destinés à être donnés à la ville de Bruxelles, à servir à la construction de
routes dans le Limbourg ; ils sont destinés à couvrir les dépenses du budget de
la guerre ; une fois que vous aurez accordé ces fonds, on viendra, comme on l’a
dit hier, passer l’éponge là-dessus, et le ministre de la guerre viendra vous
dire : « Vous avez voté les centimes additionnels, votez maintenant les
dépenses qu’ils sont destinés à couvrir. » Ce n’est donc pas pour faire
des ouvrages utiles qu’on nous demande ces centimes additionnels, c’est pour
faire revenir la chambre sur les réductions qu’elle a faites sur le budget de
la guerre.
L’honorable membre a aussi parlé du chemin de fer.
Messieurs, le chemin de fer est à mes yeux un nouveau domaine, et un domaine
extrêmement productif. Je ne sais pas, messieurs, s’il ne serait pas très utile
de nous défaire d’autres domaines qui ne produisent rien, pour en construire de
productifs comme les chemins de fer.
M. de Mérode a parlé des routes ; mais, messieurs,
l’essor qui est donné aujourd’hui à la construction de routes, cet essor
provient en grande partie du nivellement du cadastre et de la prospérité du
pays ; les provinces et les communes s’imposent pour faire des routes ; je ne
sais pas si après cela il faut encore imposer de nouvelles charges au pays pour
cet objet. Ce n’est donc pas cette considération qui doit nous engager à voter
les centimes additionnels.
On a parlé tantôt
des patentes, et à cet égard j’ai une observation à présenter à la chambre :
tous les petits commerçants sont obligés d’avoir une patente proportionnée à
leur débit, mais il est une classe qui échappe au droit de patente, ce sont les
grandes sociétés qui s’emparent de l’industrie d’une multitude de commerçants
ou d’industriels. Je citerai pour exemple la brasserie nationale qui sera
montée de manière à tuer toutes les brasseries de différentes localités, Eh
bien, une brasserie nationale, quelle que soit son extension, ne devant payer
patente que jusqu’à concurrence de 14,000 hectolitres, il en résultera que la
brasserie nationale ne paiera patente que sur ce pied, quoiqu’elle fabriquera
plus de dix fois 14,000 hectolitres. C’est là une chose d’autant plus injuste
que les frais de fabrication sont beaucoup moindres, proportionnellement pour
un seul établissement qui fabrique une quantité donnée, que pour dix
établissements qui fabriquent la même quantité. Je n’ai cité que ce seul
exemple, mais j’en pourrais citer cinquante du même genre.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Messieurs, la brasserie dont on vient de parler
n’est pas encore en activité, et par conséquent c’est là un cas que l’on n’a
pas pu prévoir. L’observation présentée est bonne pour l’avenir, et nous
pourrons ultérieurement modifier la loi des patentes sur différents points,
selon que les progrès de l’industrie en démontreront la nécessité ; mais
évidemment il n’y a pas lieu de compter, pour 1838, sur les produits qui
pourront résulter de ces modifications éventuelles.
Les associations dont on a parlé paient patente en
raison de leurs bénéfices, et, sous ce rapport, la loi actuelle n’est pas
inefficace. Je ne parle pas toutefois des brasseries à l’égard desquelles il
existe en effet un maximum de patentes ; mais c’est là, comme je viens de le
dire, un cas nouveau, encore en projet, dont nous pourrons nous occuper
ultérieurement.
L’honorable M.
Mast de Vries a répondu à l’honorable M. de Mérode que les chemins de fer et
les routes se suffisent à eux-mêmes, et qu’il ne faut pas voter des centimes
additionnels pour ces objets. En effet, messieurs, il ne s’agit pas de voter
des centimes additionnels pour les routes et les chemins de fer ; nous ne demandons
pas du tout que la moindre partie de ces centimes additionnels y soit
appliquée.
Ces centimes additionnels sont principalement destinés
à couvrir les dépenses du budget de la guerre, et il suffit que ces dépenses
soient reconnues indispensables pour que les moyens d’y faire face soient par
cela même reconnus également indispensables. Or, comme nous sommes convaincus
que les crédits demandes par M. le ministre de la guerre sont de la plus
absolue nécessité, et que nous espérons que la chambre reconnaîtra cette
nécessité au second vote, nous insistons pour obtenir l’intégralité des
centimes additionnels.
M. F. de Mérode. - Je dois répondre à l’honorable M. Mast de Vries
que ce n’est point exclusivement pour les besoins de la guerre que je demande
le vote des centimes additionnels, mais que c’est en même temps pour les autres
besoins que j’ai indiqués et auxquels probablement ou plutôt presque
certainement nous devrons satisfaire. Si nous accordons à M. le ministre de la
guerre les crédits qu’il demande, et s’il parvient à faire des économies sur
ces crédits, nous aurons alors quelque chose pour satisfaire aux besoins que
j’ai indiqués ; si, au contraire, le ministre est obligé de tout dépenser,
alors nous ne les aurons pas. Je ferai remarquer que ces sommes seront toujours
appliquées d’une manière presque indispensable.
Quant aux chemins de fer, je n’ai pas dit que c’était
pour cet objet que nous demandions les centimes additionnels ; j’ai seulement
fait observer qu’on pourrait conduire les voyageurs en voiture à meilleur
marché, en leur faisant payer d’autres contributions pour subvenir à ce
transport économique. J’ai dit enfin que le chemin de fer devait rapporter plus
qu’il ne rapporte en ce moment.
M. Mercier. - On pourrait inférer des paroles de l’honorable M. Demonceau que la
section centrale du budget des voies et moyen s’est prononcée d’une manière
absolue pour le rejet des cinq centimes extraordinaires sur les contributions
directes ; ii n’en est pas ainsi cependant.
M. Demonceau. - Vous n’y étiez pas.
M. Mercier. - J’entends l’honorable M. Demonceau faire l’observation que je n’assistais
pas à la section centrale : il est vrai, messieurs, que par suite d’une absence
forcée je n’ai pu me trouver la première séance de la section centrale, dont je
faisais partie : mais j’étais à la seconde séance, et puisqu’on me force à
m’expliquer catégoriquement, je dirai que des six membres qui se sont trouvés
réunis, quatre ont subordonné le vote de suppression des centimes additionnels
à la possibilité de subvenir, sans cette ressource, aux différents services
publics.
Or, messieurs, après que la section centrale des voies
et moyens eut pris cette détermination, une autre section centrale a proposé le
rejet du projet de loi sur le droit à imposer sur les débitants de boissons.
L’honorable ministre des finances vient de nous
démontrer que, si le trésor est privé de ces deux ressources, nous aurons un
déficit de 1,940,429 fr. ; les économies qui résultent du premier vote de la
chambre sur le budget de la guerre s’élevaient à environ un million de francs.
C’est à tort que je prononce le mot économie quand il
s’agit d’une semblable réduction, car il est trop facile de diminuer le chiffre
des impôts, quand c’est aux dépens de la sécurité du pays ou par la suppression
de quelque service public, d’une utilité reconnue.
J’espère, messieurs, pour la dignité nationale et pour
que notre indépendance ne soit soumise à aucune chance fatale, que la chambre
ne reviendra pas sur son premier vote. En tout cas, lors même qu’il n’en serait
pas ainsi, il n’en resterait pas moins un déficit d’environ 900,000 fr., par
suite de la proposition du rejet de la ressource qui devait résulter du droit
sur les débitants de boissons. C’est donc là un déficit auquel en tout cas il
faudra nécessairement pourvoir.
Or, la section centrale du budget des voies et moyens
ayant, ainsi que je l’ai rappelé, subordonné le rejet des centimes additionnels
extraordinaires à la possibilité de subvenir aux dépenses de l’Etat, je déduis
de ce que je viens d’exposer cette conséquence incontestable que la majorité de
la section centrale adopte ces centimes extraordinaires. Il me semble que son
vote ne peut pas être interprété d’une autre manière.
On s’est récrié contre l’énormité des impôts. Je ferai
de nouveau remarquer que depuis notre révolution nos charges en droits
d’accises sont diminuées de 15 à 16 millions de fr. C’est là certes un beau
résultat et un grand allégement. Si nous considérons notre situation sous un
autre rapport, nous voyons que, suivant l’exposé de M. le ministre des
finances, la part contributive par tête, en Belgique, n’est que de 18 fr. 85 c.
en impôts réels ; en France, elle s’élève à 32 fr. 18 c. ; en Hollande, elle
est, d’après le budget de 31 fr. 20 c., et en Angleterre de 50 fr. Nous ne
payons donc que moins de la moitié par individu de la moyenne imposée en
Angleterre, et les deux tiers environ de celles de France et de Hollande.
Encore est-il à remarquer qu’à l’égard de ce dernier pays je n’ai pas tenu
compte des revenus du syndicat d’amortissement qui sont très considérables,
mais que je ne connais pas exactement.
Messieurs, on vous
a parlé des impositions communales et provinciales qui augmentent le chiffre
moyen de nos impôts. Je ferai remarquer que ces impositions existent également
dans les autres pays. Comme dans le calcul des charges publiques on y fait
abstraction des impositions communales et provinciales, nous devons également
faire abstraction des impositions de cette nature dans la comparaison que nous
faisons entre notre pays et les pays voisins.
M. Eloy de Burdinne. - M. le ministre des finances vient de vous dire
qu’en imposant différentes autres denrées, les ressources du trésor seraient
ajournées, et que c’était immédiatement qu’il fallait de l’argent.
Mais, messieurs, vous savez tous comme moi qu’il
existe dans les caisses de la société générale une somme de 7 à 8 millions due
au gouvernement belge, représentant le gouvernement hollandais sous le rapport
de la liste civile, et par suite de la cession des propriétés que l’on a faite
à la banque.
Dès l’an dernier, l’on nous a soumis une proposition,
tendant à nous faire prononcer sur la question de savoir si nous acquerrions
cinq mille hectares de forêt ; il y avait même à cet égard une convention
signée par M. le ministre des finances et par M. le gouverneur de la banque. Si
cette question était résolue affirmativement, si la législature consentait à
acquérir les 5,000 hectares de bois, il n’y a pas de doute que le capital ne
fût absorbé. Mais si cependant les chambres se prononçaient dans un délai très
rapproché sur la question, l’on aurait 6 à 7 millions qui mettraient le
gouvernement à même d’atteindre jusqu’à l’année prochaine, pour percevoir les
impôts qu’on frapperait sur différentes denrées, et par ce moyen l’on éviterait
de grever les contributions de nouveaux centimes additionnels.
Un honorable préopinant nous a reproché d’avoir un
système étroit lorsqu’il s’agissait d’imposer le pays. Je lui répondrai que
lorsqu’il s’agit des dépenses, il a, lui, un système trop large. En vérité, cet
honorable membre paraît être atteint de la fièvre des dépenses ; il ne rêve que
cela. Il vous a entretenus d’une marine militaire ; ce n’est pas le moment de
lui répondre à cet égard ; lorsque la question sera à l’ordre du jour, nous
tâcherons de nous en occuper.
Le même honorable membre vous a dit encore que depuis
la révolution il avait été fait une réduction de 15 millions. Eh bien, je ferai
remarquer que si l’on a opéré une diminution de 15 millions, certainement elle
n’a pas eu lieu au profit de l’agriculture ou de la propriété. Jamais on ne
pense à la propriété que quand il s’agit de la frapper d’impôts. Et à cette
occasion, je vous ferai remarquer que l’impôt foncier est parvenu à un tel
point que, par suite des produits résultant du prix des grains depuis 5 ans, la
propriété des terres labourables est imposée à raison de 33 p. c. de son revenu
réalisable.
Je sais qu’il est fort dangereux de toucher au système
des douanes. Cependant je crois qu’il est bien des points sur lesquels
l’attention de la chambre devrait se porter ; il ne s’agit que de faire la
comparaison entre notre système de douanes et le système français. M. le
ministre des finances vous a dit aussi qu’il était dangereux de toucher à cette
question, parce qu’il s’y rattachait des discussions interminables, et des difficultés
infinies. J’en conviens, nous avons passé beaucoup de temps à la discussion de
la loi modificative du tarif des douanes ; mais je ferai remarquer à mon tour à
M. le ministre que les propositions que le gouvernement nous a soumises à cet
égard, ne tendaient pas à augmenter les revenus de l’Etat.
Je ne puis qu’engager le gouvernement à revoir le
tarif des douanes, car en thèse générale, ce tarif a été confectionné par le
gouvernement précédent, sous l’influence d’idées que le gouvernement actuel ne
doit pas partager. C’est ainsi que ce tarif tendait à favoriser le haut
commerce et la navigation, exclusivement aux producteurs du pays ; généralement
on cherchait à frapper ceux-ci d’impôts.
Il est encore
d’autres dispositions au tarif des douanes qui se rapportent à l’industrie et
qui pourraient être également modifiées. C’est ainsi que sous le rapport du
charbon de bois, produit de notre sol, il y avait, si ma mémoire est fidèle, un
impôt de 2 p. c., tandis que la sortie était frappée d’un droit de 6 p. c.
Au surplus, comme la question n’est pas à l’ordre du
jour, je m’abstiendrai de faire d’autres observations ; mais toujours est-il
que le gouvernement peut très bien faire face à ses dépenses, par le moyen que
je viens de suggérer, sans devoir augmenter le chiffre des impôts qui, je le
répète, est déjà trop pesant sur la propriété foncière, puisqu’il s’élève à 33
p. c. du revenu net réalisable.
M. F. de Mérode (pour un fait personnel). - M. Eloy de Burdinne
m’accuse d’avoir la fièvre des dépenses. Je voudrais bien savoir sur quoi se
porte cette fièvre de dépenses ; il serait extrêmement difficile, je pense, de
dire en quoi elle consiste. Ai-je, par exemple, la fièvre des dépenses, parce
que j’appuie la demande de l’augmentation d’un million pour la défense du pays,
alors que plus tard, si nous nous abstenions actuellement de ce surcroît de
dépense, nous aurions à sacrifier 10, 15, 50 millions peut-être pour prévenir
la déconfiture du pays ? Je défie qu’on me cite une seule dépense que j’aie
provoquée ou appuyée et qui ne fût réellement utile au service public.
M. Eloy de Burdinne (pour un fait personnel). - Je dirai à M. de Mérode
que ce n’est pas relativement au million demandé pour le service de la guerre
que je lui ai adressé mon observation ; mais dans toutes les circonstances M.
de Mérode court tous les bancs, pour engager les députés à voter les dépenses.
M. le président. - Je ferai observer à M. Eloy de Burdinne que ces
paroles sont peu parlementaires.
M. Demonceau, rapporteur. - Messieurs, je tâcherai de rétablir mes paroles que
M. Mercier n’a pas bien comprises. J’ai dit qu’il était difficile à un
rapporteur qui se présentait à la chambre avec l’unanimité des voix de la
section centrale, de se défendre, alors que des membres de cette section
centrale venaient proposer des augmentations, tandis qu’ils avaient voté des
réductions au sein de la section.
Puisque M. Mercier désire que ce qui s’est passé à la
section centrale soit connu, je vais le dire en peu de mots.
J’ai rédigé mon rapport après avoir été nommé
rapporteur.
M. Mercier s’est présenté alors que j’avais adouci un
passage de mon rapport ; j’ajoutais des expressions plus fortes que celles qui
y sont consignées. Les voici page 3.
Je disais que s’il n’y avait pas possibilité de
couvrir les dépenses sans centimes additionnels, je les voterais.
Voici ce que porte le rapport :
« Votre section centrale a été d’avis de
supprimer les cinq centimes additionnels ajoutés aux centimes extraordinaires ;
toutefois des membres ont subordonné leur vote à la condition qu’il soit
démontré que sans cette augmentation, ou sans autres moyens de couvrir les
dépenses, il sera possible de réduire le chiffre proposé par le
gouvernement. »
Si M. Mercier a
marché d’une autre manière que moi, il peut voter ces centimes additionnels.
Moi qui ai voté pour une augmentation du produit du sucre et pour la réduction
des dépenses du département de la guerre, j’ai usé des moyens qui pouvaient
rendre les centimes additionnels inutiles. Mais il est possible que le
préopinant ait cru que ces dépenses étaient indispensables, alors il doit
trouver que les centimes additionnels sont nécessaires ; comme je le ferais si
je pensais que les dépenses de la guerre sont nécessaires.
- La clôture de la discussion générale est mise aux
voix et prononcée.
M. le président. - Nous allons passer à la discussion du tableau.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Je pense qu’auparavant il faut s’occuper de la loi
d’abonnement sur le débit des boissons distillées. On pourrait ne le faire que
quand on arrivera au chiffre du budget qui concerne cet objet, mais il paraît plus logique de décider
d’abord si on aura 900,000 francs là ou non, car si vous les repoussiez, ce
serait une raison de plus pour voter les centimes additionnels. Il est donc
tout à fait logique de commencer par cette loi spéciale.
M. Dubus (aîné). - Je demande qu’on commence par l’article de la
contribution foncière que nous venons de discuter. Dans la discussion qui vient
d’avoir lieu, ce qui a frappé, c’est cette augmentation de l’impôt foncier.
Occupons-nous-en dans l’ordre du tableau ; nous nous occuperons des boissons
distillées quand nous en serons à l’article qui les concerne ; ce point peut
donner lieu à une discussion assez longue que nous ne terminerions pas aujourd’hui.
M. le ministre des finances (M.
d’Huart). - On ne
terminera pas le budget des voies et moyens aujourd’hui, et je désire que la
discussion s’en continue aussi longtemps qu’elle sera jugée nécessaire. Je ne
m’oppose pas à ce qu’on suive la marche proposée par M. Dubus, pourvu que ce
soit avec la réserve qu’on ne s’occupera pas des 5 centimes additionnels, qu’on
laissera cette question intacte jusqu’à ce qu’on ait décidé celle concernant
les débitants de boissons distillées : voilà ce que je demande.
Pour demain vous avez mis à l’ordre du jour le budget
de la guerre ; quand vous aurez donné à ce département les sommes qu’il
réclame, nous trouverons un moyen inexpugnable pour décider la question des
centimes additionnels.
M. Demonceau. - M. le ministre se trompe, on peut facilement voter
dès à présent sur les centimes additionnels, sauf à revenir sur la question
s’il y a lieu. Je suppose que les centimes additionnels ne soient pas admis, ce
sera un amendement, et si demain le budget de la guerre subit une augmentation
au second vote du budget des voies et moyens nous pourrons revenir sur les
centimes additionnels.
M. le ministre de
l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Messieurs, pourquoi avons-nous insisté pour que le
budget de la guerre soit voté avant celui des voies et moyens ? C’est
évidemment pour arriver au résultat que vient d’indiquer le ministre des
finances. Il est donc de toute nécessité d’ajourner le vote des 5 centimes
additionnels après le vote définitif du budget de la guerre. Cette marche est
toute rationnelle, toute logique, conforme aux résolutions que vous avez prises
sur l’ordre de la discussion des budgets.
Je pense qu’on devrait, ainsi que l’a proposé M. le
ministre des finances, discuter la loi sur les boissons distillées, puisque
d’après l’exposé des motifs elle doit être discutée avant le budget des voies
et moyens. Vous avez procédé de même à l’égard de la loi sur les sucres ; je
demande donc, d’accord avec mon collègue, que vous soyez conséquents avec vos
décisions et que vous persistiez dans la marche que vous avez adoptée.
M. Dumortier. - Depuis l’ouverture de la discussion, on n’a discuté
qu’un point, ce sont les centimes additionnels. Pourquoi veut-on maintenant
écarter cette proposition ? Parce qu’on veut faire voter d’abord les
augmentations demandées au budget de la guerre pour ensuite faire adopter les
centimes additionnels. C’est l’inverse que nous devons faire ; nous devons voir
d’abord si nous voulons augmenter les impôts ; quand nous aurons fait cela,
nous verrons ce que nous devrons faire. La corrélation est la même. Il est
absurde, quand nous discutons depuis trois heures sur les centimes
additionnels, d’ajourner la décision pour s’occuper d’une autre question. La
motion dont il s’agit, si elle était adoptée, serait la perturbation de la
discussion.
Une chose à remarquer, c’est que l’objet dont parle M.
le ministre n’est pas à l’ordre du jour. Comment voulez-vous que nous arrêtions
la discussion dans laquelle nous sommes engagés pour entrer dans une discussion
nouvelle qui n’est pas à l’ordre du jour ? Vous savez qu’on a demandé qu’on
discutât le budget des voies et moyens en postposant les lois sur les débitants
de boissons et sur le timbre qu’on ajournerait.
Je suis d’autant
plus partisan de cet ajournement, que si nous commencions la discussion de ces
deux lois, nous serions encore ici dans quinze jours. Depuis trois mois que
nous sommes ici, nous n’avons pas encore pu retourner dans nos familles. Je ne
comprends rien à cela, c’est nous qui sommes toujours ici présents qui
demandons le congé, et ceux qui s’opposent à ce que nous le prenions, sont
constamment absents, ne travaillent jamais. Il serait absurde de se soumettre à
une pareille exigence. Je demande qu’on vote le budget des voies et moyens et
qu’on ajourne jusqu’à notre retour les deux lois dont je viens de parler. Il
serait imprudent d’entamer la discussion d’un objet qui n’est pas à l’ordre du
jour. Je demande qu’on vote sur ce qui est à l’ordre du jour.
Je demande qu’on ferme la discussion après que M. le
ministre aura parlé, pour ne pas perdre le reste de la séance.
M. Coghen. - Il est rationnel de remettre après le budget de la
guerre le vote des centimes additionnels, il est évident que les centimes
additionnels ne seront pas nécessaires si l’économie votée est maintenue au
second vote.
Je comprends la pensée du ministre des finances qui
désire qu’on passe à la discussion de la loi d’abonnement des débitants de
boissons. Si le budget de la guerre était maintenu au deuxième vote tel qu’il a
été voté au premier, les centimes additionnels deviendraient inutiles ; mais
aussi, si la loi sur les débitants de boissons n’était pas adoptée, il est de
fait que le ministre, pour régulariser ses colonnes de chiffres, doit persister
dans la demande de 5 centimes, tant qu’on n’indique pas d’autre moyen pour
subvenir aux besoins de l’Etat.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - L’honorable M. Dumortier est complétement dans
l’erreur quand il prétend que la loi sur les débitants de boissons distillées
n’est pas à l’ordre du jour. Nous discutons le budget des voies et moyens, et
dans ce budget, il y a un chiffre de 900,000 fr., que nous ne pouvons pas
aborder, sans nous fixer auparavant sur la base qui le produit. Cette base est
cette loi même qu’on voudrait éluder. L’honorable membre n’est donc pas fondé à
dire qu’elle n’est pas à l’ordre du jour. Au surplus, il a été décidé par la
chambre que le projet d’abonnement serait discuté avant le budget des voies et
moyens ; cette décision a été prise sur la proposition de M. Devaux.
M. Dumortier n’est pas en ce moment d’accord avec M.
Devaux, car celui-ci demandait qu’on s’occupât successivement des articles du
tableau, et qu’on discuterait celui de l’impôt projeté d’abonnement, quand on
en serait à l’article qui le concerne.
Ainsi c’est cette question qu’il faut d’abord traiter.
Si contrairement à
notre opinion vous maintenez votre premier vote dans le budget de la guerre, il
pourra y avoir quelque doute sur la nécessité des centimes additionnels ; je
dis qu’il pourra y avoir quelque doute, car, ainsi que l’a fait remarquer l’honorable
M. Coghen, vous ne serez pas dispensés de les voter si vous rejetez la loi
relative aux débitants de boissons distillées ; car, dans le cas du rejet de
cette loi, nous aurons besoin de centimes additionnels.
Ainsi vous voyez que cette question doit rester la
dernière, car elle n’est qu’une conséquence de décisions préalables qui doivent
être prises.
M. Dubus (aîné). - M. le ministre des finances a opposé à mon
honorable ami que je reconnaissais que la loi relative aux abonnements était à
l’ordre du jour. Je ne me suis aucunement expliqué sur ce point ; je n’ai pas
vérifié si cette loi est à l’ordre du jour ; mais comme M. le ministre des
finances demandait que l’on commençât par là, j’ai supposé qu’elle était à
l’ordre du jour, et j’ai demandé qu’on suivît l’ordre du tableau, qu’on
commençât par l’impôt foncier, et par la question des centimes additionnels. A
cet égard je dois déclarer que la chambre admît-elle au second vote les
augmentations demandées par le gouvernement au budget de la guerre, je
regarderai encore comme impossible de voter des centimes additionnels à l’impôt
foncier. Je crois que la perception de ces centimes additionnels serait
impossible dans le Hainaut et qu’il faudrait chercher un autre moyen que celui-là.
M. Devaux. - On vous demande des impôts extraordinaires ; pour
savoir si ces impôts extraordinaires sont nécessaire, il y a deux choses à
savoir : la première, quelles sont les dépenses à faire ; la seconde, quels
sont les impôts ordinaires. Or, vous ne pouvez voter les dépenses que quand
vous aurez voté définitivement le budget de la guerre ; vous ne pouvez
connaître quels sont les impôts ordinaires que quand vous aurez voté les divers
articles du budget des voies et moyens et l’article relatif à l’impôt sur les
débitants de boissons distillées que l’on présente comme impôt ordinaire. C’est
donc là l’ordre de discussion que vous devez suivre, en réservant pour la
dernière la question de l’impôt extraordinaire, c’est-à-dire des centimes
additionnels.
M. Berger. - M. le ministre des finances a prétendu qu’il fallait commencer par
voter les dépenses parce que nous devrions ensuite voter les centimes
additionnels.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - J’ai dit que la chambre devrait voter un moyen
quelconque de faire face aux dépenses.
M. Berger. - J’avais compris que nous serions obligés de voter
les centimes additionnels, ce que je ne saurais admettre ; car je crois que
nous pouvons voter les dépenses et rejeter les centimes additionnels. Dans ce
cas ce sera à M. le ministre des finances à proposer un autre moyen de recette.
Si l’opinion de la majorité de la chambre est qu’il
faut revenir sur les chiffres adoptés au premier vote dans le budget de la
guerre, ne pouvons-nous pas revenir par exemple sur la loi des sucres et faire
produire 2 ou 3 millions à cette branche d’impôt qu’il a plu à M. le ministre
des finances d’annihiler à peu près ? Je cite cela comme exemple, et pour dire
que je ne doute pas que M. le ministre des finances n’avise à un autre moyen de
recettes dans le cas de rejet des centimes additionnels. Je pense même qu’il
est logique et très convenable de voter maintenant sur la proposition de
centimes additionnels, sauf au ministre à aviser à d’autres moyens de recettes
si cette proposition est rejetée et si le budget de la guerre est augmenté.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - En disant qu’il fallait d’abord voter les dépenses
pour s’occuper ensuite des moyens d’y faire face, je n’ai pas dit qu’il fallût
voter spécialement les cinq centimes additionnels ; j’ai prétendu que lorsque
l’on aurait fixé les dépenses, il faudrait bien procurer le moyen d’y faire
face.
L’honorable préopinant est revenu sur la question des
sucres et a dit que j’avais annihilé un revenu public de 3 ou 4 millions, d’où
résultait actuellement l’embarras dans les voies et moyens. Eh bien, dans la
question des sucres j’ai obtenu tout ce que je demandais au budget des voies et
moyens. J’y ai proposé, en premier lieu, le chiffre de 800,000 francs, et quand
nous arriverons à cet article, je démontrerai qu’avec la loi qui a été votée,
nous ne serons pas en dessous de cette prévision.
Je ne comprends pas quel avantage on prétend trouver à
voter immédiatement les centimes additionnels, sinon de préjuger la question
des réductions du budget de la guerre et de lier en quelque sorte la chambre de
manière qu’elle doive demain adopter définitivement ces réductions. Or, ce
n’est pas de cette manière que la chambre doit procéder, elle doit rester en
pleine liberté d’admettre les sommes qui sont nécessaires à la guerre, sauf à
subir ensuite toutes les conséquences de cette nécessité dans les voies et
moyens.
Plusieurs membres
demandent que demain la séance commence à dix heures du matin ; d’autres,
qu’elle commence à onze heures. Presque tous les représentants ont quitté leurs
banquettes, et l’on procède à l’appel nominal pour décider cette question.
- Les 63 membres présents, à l’unanimité, décident que
la séance commencera demain à onze heures du matin.
La séance est levée à quatre heures.