Accueil Séances Plénières Tables des matières Biographies Livres numérisés Note d’intention

Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 4 janvier 1838

(Moniteur belge n°6, du 6 janvier 1838)

(Présidence de M. Raikem.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Renesse fait l’appel nominal à midi 1/2.

M. Kervyn lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Renesse présente l’analyse des pièces adressées à la chambre.

« Des distillateurs de Deynze et de ce canton demandent qu’il soit apporté des modifications à la loi de 1833 sur les distilleries. »


« La régence de Liége adresse des observations sur la loi concernant le jury d’examen. »


« Le conseil communal et des habitants de la ville d’Enghien demandent qu’il soit établi des droits plus élevés à la sortie des lins en filasse et sur les fils et toiles fabriqués en Angleterre. »


- Ces pétitions sont renvoyées à la commission des pétitions.

Projet de loi portant le budget des voies et moyens de l'exercice 1838

Discussion générale

M. le président. - La discussion est ouverte sur l’ensemble du budget.

La parole est à M. de Nef.

M. de Nef. - En examinant le budget des voies et moyens, j’ai le regret de voir toujours continuer le même système sur la contribution personnelle.

On se rappelle que dès son institution sur la base nouvelle, sous le gouvernement précédent, elle a causé beaucoup de mécontentement. Depuis 1830 on nous a souvent promis d’y porter des changements essentiels ; j’aime donc à espérer que si le travail n’a pu être achevé pour 1838, l’amélioration tant désirée pour la contribution personnelle nous sera proposée pour 1839.

Je ne puis pas admettre l’augmentation des centimes additionnels, principalement sur la contribution foncière, parce qu’il me semble que si, dans l’état actuel de trêve, des augmentations sont jugées nécessaires, ce n’est point l’impôt foncier qui doit être frappé. L’augmentation sur cette contribution doit être réservée, selon moi, jusqu’au moment où le pays se trouverait en guerre ouverte ; c’est alors, en effet, que la contribution foncière offre une ressource certaine, tandis que presque toutes les industries se trouveraient en souffrance et devraient être plutôt secourues que passibles d’une aggravation d’impôt ; s’il fallait absolument une augmentation, il valait donc mieux la faire porter sur une autre base, aujourd’hui que beaucoup de branches industrielles sont arrivées à un degré inouï de prospérité.

M. de Longrée. - Messieurs, peu disposé à admettre l’augmentation des centimes additionnels qui nous est demandée par le gouvernement sur les contributions directes, je tiens à faire connaître les motifs qui me portent à la rejeter.

Déjà, au mois d’août 1835, le gouvernement s’empressa de proposer à la législature la suppression des centimes additionnels, qu’elle avait votés par la loi des voies et moyens pour le même exercice, comme subvention de guerre, attendu, nous disait M. le ministre des finances, que les motifs qui avaient porté le gouvernement à demander cette contribution extraordinaire, n’existaient plus ; hé bien, messieurs, quant à moi, je ne crois pas que notre position à l’égard de notre ennemi soit changée ; en effet, il m’est impossible de croire que le roi de Hollande sera le plus pressé à troubler le statu quo actuel ; et, dans tous les cas, aujourd’hui moins que jamais.

Je ne vois donc aucun motif réel, aucune circonstance extraordinaire qui nous obligeraient dans ce moment même à grever le pays de nouvelles charges, tandis que si notre indépendance venait à être sérieusement menacée, oh ! alors, le gouvernement pourrait compter sur l’empressement que la législature mettrait à voter les fonds qui lui seraient nécessaires, et verrait avec quel patriotisme les contribuables verseraient leurs deniers dans les caisses de l’Etat ; mais c’est précisément pour lui conserver ces ressources, qu’aujourd’hui je m’oppose à une majoration de centimes additionnels sur les contributions directes, pour lesquelles il a les plus solides hypothèques, et qui par cela même doivent être d’autant plus ménagées pour n’y avoir recours que dans des cas pressants, dans des cas de la plus haute urgence. D’un autre côté, si malheureusement une crise commerciale venait aussi nous accabler, et il est impossible de prévoir si nous serons plus heureux que nos voisins, que deviendraient alors nos droits de douane et d’accises ? Ils se réduiraient infailliblement à bien peu de chose, et dans tous les cas, le trésor n’y puiserait plus les ressources sur lesquelles le gouvernement a pu compter jusqu’à ce jour, et alors ce serait probablement encore aux contributions directes qu’il aurait recours ; cependant si par prévoyance il venait nous demander de légers droits de consommation sur les cafés et les tabacs, je ne crois pas qu’il rencontrerait une forte opposition dans cette chambre ; pour ma part, je donnerais bien volontiers mon assentiment.

M. Andries. - Je demanderai quelques renseignements sur une phrase que j’ai trouvée dans un rapport de M. le ministre de l’intérieur en date du 25 novembre 1836. Il s’agit de la reprise des travaux du canal de Charleroy.

Voici cette phrase :

« La reprise de la concession modifiée du canal offre déjà un bénéfice de 144,000 fr. par an, dont, à défaut du vote de la chambre, il est impossible de profiter ; chaque mois de retard entraîne donc une perte de 12,000 fr. »

Si les choses en étaient à ce point, il devrait en résulter que depuis novembre 1826 jusqu’à ce jour, le pays aurait fait une perte de au-delà de 140,000 fr.

Aujourd’hui qu’il s’agit de pourvoir aux dépenses de l’Etat, je crois qu’avant de créer de nouvelles ressources, il faut profiter de celles qui existent. Je demande donc une explication à M. le ministre, et s’il résulte de l’état actuel des choses une perte de 12,000 fr. par mois, j’espère que la chambre entamera la discussion le plus tôt possible.

En deuxième lieu, je trouve dans un rapport de M. le ministre de l’intérieur, sur le chemin de fer, en date du 4 août 1835, encore une ressource pour le trésor que, faute d’attention et de diligence, l’on n’a pas exploitée.

Je lis dans ce rapport :

« Dans cette somme (acquisition de terrains) figure le paiement de 19 hectares 04-73 centiares que l’exigence des propriétaires a forcé le gouvernement d’acquérir, sous prétexte de morcellement ou d’isolement de biens, et qui, n’étant point nécessaires à l’établissement de la route ni de ses dépendances, seront revendus plus tard. La valeur de ces terrains, comptée sur le pied du prix d’acquisition, s’élève déjà à la somme de 106,585 fr. 20 c. »

Puisque ces terrains ne sont point nécessaires à l’établissement de la route ni de ses dépendances, je crois qu’il est de l’intérêt du pays de s’en défaire. Ce capital de 106,585 fr. 20 c. a été absorbé dans le commencement de 1833. Jusqu’à présent il ne doit pas avoir produit grand’chose ; car je ne sais si ces terrains ne doivent pas être considérés comme abandonnés par le gouvernement quant au revenu actuel. Il ne me semble pas du moins que le gouvernement en ait tiré le moindre profit :

Le gouvernement a été autorisé par une loi, faite l’an passé, de vendre des parcelles de terrain dont le revenu n’excède pas 50 fr. Mais ces parcelles de terrain étaient celles qui avoisinent les routes pavées. Celles qui avoisinent le chemin de fer n’étaient pas, je crois, comprises dans cette loi. S’il en est ainsi, je demande qu’on présente et qu’on vote une loi qui permette de se défaire le plus tôt possible de ces parcelles de terrain.

M. Verdussen. - L’époque à laquelle nous commençons la discussion du budget des voies et moyens suffit pour vous démontrer que tous les efforts faits pour ramener le vote des budgets à un état normal ont été vains.

Nous avons commencé nos travaux un mois plus tôt que de coutume, un mois avant l’époque fixée par la constitution pour nos réunions annuelles. Nous n’avons pas eu de séance royale, par conséquent nous n’avons pas eu à nous occuper d’une réponse au discours du trône, qui enlève d’ordinaire quelques jours aux travaux de la chambre. J’ajouterai que nous n’avons pas eu de vacances au nouvel an, et que nous avons consacré aux travaux de la chambre les jours que nous passons habituellement dans nos familles. Malgré ces trois circonstances, nous voici arrivé au mois de janvier, et le budget des voies et moyens n’est pas encore voté Si donc nous avions commencé nos travaux un mois plus tard, nous ne serions pas encore arrivés à l’état que devrait avoir la marche ordinaire des budgets ; car il ne faut pas se faire illusion, c’est une espèce de dérision que d’envoyer au sénat les budgets votés par la chambre quinze jours avant l’époque où ils doivent être mis à exécution. Si le sénat trouvait à propos d’introduire quelques amendements dans les budgets, s’il fallait les renvoyer à cette chambre, nous serions encore une fois forcés de voter des crédits provisoires.

Par ces considérations, je crois qu’il faut que la chambre avise à mettre un terme à ces inconvénients, soit en adoptant la proposition que j’ai faite il y a 3 ans, et sur laquelle j’appelle annuellement l’attention de mes collègues, proposition qui tend à changer le commencement de l’année financière et à le fixer au 1er juillet, plutôt qu’au commencement de janvier ; soit par un autre moyen, celui de discuter quelques budgets de dépenses au milieu de la session ordinaire, par exemple au mois d’avril ou au mois de mai, pour l’exercice qui s’ouvrirait au mois de janvier suivant.

Comme j’ai toujours appelé l’attention de la chambre sur ces points, et qu’on m’a toujours répondu qu’on prendrait des mesures efficaces pour que ces inconvénients ne se reproduisent pas, et qu’il n’en a rien été, j’ai dû renouveler mes observations à la chambre et au ministère, dans l’espoir que je serai mieux écouté et qu’on verra l’impossibilité d’arriver à l’état normal, à moins d’adopter l’une des propositions que je viens de rappeler à la chambre pour la discussion opportune des budgets.

M. Eloy de Burdinne. - Depuis longtemps nous nous sommes occupés de questions graves qui ont absorbé tous nos moments, nous n’avons pu nous préparer à la discussion du budget des voies et moyens ; ce dont ne se plaindra pas M. le ministre. C’est sur quelques notes que je traiterai cette question. Je réclame l’indulgence de la chambre.

Dans son discours du 28 novembre dernier, accompagné du nouveau tableau des voies et moyens, M. le ministre des finances nous a dit que les impôts, proprement dits, ne sont que de 79,166,092 fr., ce qui revient à 18 fr. 85 centimes de cotisation moyenne par tête d’habitant.

M. le ministre ajoute : « Ce fait parle trop haut en faveur de nos institutions et de l’administration du pays, et appuie trop efficacement la base de notre crédit national pour qu’il n’ait pas été de mon devoir de le faire ressortir en ce moment avec force et clarté. »

Notre crédit à l’étranger ne peut être ébranlé, quand bien même les charges publiques seraient plus élevées que ne le pense M. le ministre ; pour mon compte, je ne puis admettre ses calculs, et dans la crainte que la législature prenne à la lettre les chiffres ministériels, et qu’elle ne se laisse aller à des dépenses exagérées, à mon tour je vais chercher à combattre les calculs de M. le ministre, en ajoutant d’autres impôts perçus à charge du contribuable mais qui n’entrent pas dans les caisses de l’Etat.

M. le ministre des finances est en erreur lorsqu’il prétend que les impôts, en Belgique, ne sont qu’à raison de 18 fr. 85 c. par tête d’habitant.

En Belgique on paie des impôts à d’autres qu’au gouvernement ; on en paie aux provinces, aux communes, aux industries, y compris l’industrie des fraudeurs.

Je ferai d’abord remarquer que les provinces perçoivent, sur les contribuables, des centimes additionnels à leur profit, des centimes additionnels pour la construction de routes, pour la construction de canaux, etc.

Les communes perçoivent également des centimes additionnels ; elles perçoivent, des contribuables, des contributions pour la réparation des chemins vicinaux : contributions qui peuvent être évaluées, dans bien des localités, de 30 à 40 p. c. du principal de l’impôt foncier.

Ajoutez les rôles de répartition pour subvenir à l’insuffisance des revenus de la commune.

Ajoutez l’impôt perçu sur la consommation ; en d’autres termes, les octrois municipaux, etc.

Nous payons des impôts aux industriels :

Trois à quatre millions sur la consommation du sucre. L’impôt sur le sel n’est pas intégralement perçu en faveur de l’Etat : une partie de l’impôt est perçue en faveur des raffineurs de sel, qui peut aussi être portée à trois millions.

La moitié environ des produits étrangers, frappés d’un droit de douane, entrent en Belgique par le moyen de fraudeurs qui reçoivent l’impôt, toujours à charge du consommateur.

Je ne finirais pas, messieurs, si je voulais signaler tous les impôts perçus à charge des habitants belges ; on pourrait doubler le chiffre fixé par M. le ministre des finances, et au lieu de l’établir à raison de 18 fr. par tête, on pourrait le fixer à 36 fr.

M. le ministre a un but bien louable en nous donnant ses calculs ; il craint que l’opinion soit portée à s’égarer en ce qui concerne la hauteur réelle des impôts qui existent en Belgique. Il ajoute que pour parer à ce grave inconvénient, qui peut altérer notre crédit à l’étranger, il croit utile de rendre palpable le véritable état des choses, en classant le tableau des voies et moyens par nature de produits, etc.

C’est mû par le même but, messieurs, que j’ai cru devoir, à mon tour, vous soumettre mes observations dans la crainte que l’opinion ne soit portée à s’égarer dans le sens inverse, et que la législature ne soit entraînée à faire des dépenses susceptibles d’être ajournée ; dépenses qui finissent par grever le pays d’une manière insupportable.

Réfléchissez, messieurs, que la Belgique paie en impôt, environ 140 millions, tant au gouvernement qu’aux communes, provinces, industriels, etc. ; et cet impôt ne peut compromettre le crédit du pays, par le motif que la Belgique a des ressources, qu’elle a de la probité, et que les Belges, en général, savent s’imposer des privations, même les plus grandes, quand il s’agit de probiér et de loyauté, en d’autres termes, quand il a des dettes à payer.

En résumé, nous devons porter à environ 36 fr. par tête les impôts payés en Belgique, en non à 18 fr. 85 c., comme le croit M. le ministre.

Vous conviendrez, messieurs, qu’il importe peu au contribuable que son argent entre dans la caisse du gouvernement, de la province, de la commune, de l’industrie ou de l’assurance pour introduire la fraude. Ce qui lui importe, c’est le montant des impôts qu’il paie.

Si le chiffre est plus haut en Angleterre, par contre la valeur de l’argent y est infiniment de moindre valeur. Un hectolitre de froment, par exemple, qui se vend en Belgique à 16 fr., vaut 20 fr. en Angleterre, ce qui revient juste à une valeur double : c’est que mon calcul est d’après le revient. On sait qu’en Belgique, l’hectolitre de froment revient au producteur à 12 fr., taux moyen.

En Angleterre et en France, le produit des douanes est supérieur, proportion gardée, aux produits en Belgique, ce qui augmente en apparence le chiffre des impôts calculé par tête, comme l’a fait M. le ministre qui n’a pas fait attention que les fraudeurs par agent avec le gouvernement belge sur une bien plus grande échelle qu’en Angleterre et en France.

Voilà ce qui explique l’erreur dans laquelle est tombé M. le ministre. On doit établir que l’impôt par tête en Belgique est de 38 et non de 19 fr., et je crois que ce chiffre est assez élevé.

« Les produits de la poste sont des péages (dit M. le ministre des finances) parce que le port des lettres n’est point un impôt gratuit, mais bien le prix d’un service dont l’Etat s’est réservé le privilège exclusif. »

La poste rend des services, sans doute, mais elle nous les fait payer au double ; donc le gouvernement prélève un impôt égal à la moitié du produit.

Si une entreprise avait lieu pour le transport de la correspondance, pas de doute, les lettres qui nous parviennent nous coûteraient, au plus, la moitié de ce que nous payons au gouvernement.

M. le président. - La parole est à M. Lebeau.

M. Lebeau. - Comme je me propose surtout de parler sur l’article premier, pour abréger la discussion, je renoncerai volontiers à parler dans la discussion générale, en me réservant de parler sur l’article premier.

M. Demonceau, rapporteur. - Il me semble qu’avant que la chambre aborde la discussion des articles, M. le ministre des finances pourrait dire le chiffre qu’il compte porter dans le budget pour le rendement du sucre.

Dans le tableau annexé au rapport, il y a 34 mille et quelques cents francs, provenant de la redevance sur les mines. Je me suis aperçu que M. le ministre des finances porte cette redevance dans la catégorie des impôts. Je pense qu’il devrait s’entendre à cet égard avec M. le ministre des travaux publics. La redevance sur les mines n’est pas un impôt.

La redevance sur les mines est une espèce de fonds de caisse pour indemniser le gouvernement de sa surveillance sur les mines. Si y a boni après avoir payé le personnel de l’administration des mines, il doit être employé à des recherches ; s’il y a encore boni, il doit être employé à indemniser les exploitants malheureux. C’est n’est pas un impôt, la loi de 1810 est formelle sur ce point ; c’est un fonds destiné aux indemnités dont je viens de parler.

M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Je n’aborderai pas, puisque la chambre paraît le préférer ainsi, les observations spéciales à chacun des articles du budget des voies et moyens. On a parlé de la contribution personnelle ; je répondrai sur ce point quand nous serons arrivés à cette contribution, et ainsi de suite. Je me bornerai dont, quant à présent, à indiquer à la chambre la situation des chiffres des budgets des dépenses tels qu’ils sont votés, et la situation des chiffres de recettes tes qu’ils nous semblent devoir être votés.

Je répondrai cependant de suite quelques mots aux deux points sur lesquels M. le rapporteur de la section centrale demande des explications.

En ce qui concerne les sucres, nous maintiendrons le chiffre de 800,000 fr., comme il est porté au projet de budget des voies et moyens, parce que nous pensons que la loi telle que vous l’avez votée produira cette somme en principal et 26 centimes additionnels.

En ce qui concerne les redevances des mines, M. Demonceau ne veut pas les considérer comme un impôt ; mais, aux termes de la loi qu’il a citée, c’est vraiment un impôt direct. Si je prends la loi de 1810, et si j’y lis trois articles, vous verrez qu’en effet les redevances sur les mines sont bien un impôt.

« Art. 34. La redevance fixe sera annuelle et réglée d’après l’étendue de celle-ci : elle sera de 10 fr. par kilomètre carré. »

Ainsi la loi prend le sol pour base.

« Art. 37. La redevance proportionnelle sera imposée et perçue comme la contribution foncière.

« Les réclamations à fin de dégrèvement ou de rappel à l’égalité proportionnelle seront jugées par les conseils de préfecture… »

« Art. 39. Le produit de la redevance fixe et de la redevance proportionnelle formera un fonds spécial dont il sera tenu un compte particulier au trésor public, et qui sera appliqué aux dépenses de l’administration des mines, et à celles des recherches, ouvertures et mises en activité des mines nouvelles ou rétablissement de mines anciennes. »

Nous avons porté au budget des dépenses les travaux publics les frais nécessaires pour satisfaire à l’article 39 ; mais cela ne modifie pas l’article 37 qui caractérise la redevance des mines.

Quoi qu’il en soit, si la chambre jugeait convenable de transposer hors de la catégorie des impôts les 110,000 fr. des redevances des mines, portés au budget des recettes, j’y verrais d’autant moins d’inconvénient que cela améliorerait le système que j’ai présenté ; mais il me semble plus régulier de tenir à la spécification que renferme la loi institutive de l’administration des mines.

J’arrive à la situation des budgets des voies et moyens et des dépenses.

Le budget des voies et moyens tel que je vous l’ai présenté dans sa nouvelle forme, le 8 novembre dernier, s’élève au total de 97,055,092 fr.

Mais de ce chiffre il faut déduire 300,000 fr., qui ont été réduits dans les dépenses d’exploitation du chemin de fer. Vous vous rappellerez que M. le ministre des travaux publics en consentant à cette réduction sur les frais d’exploitation du chemin de fer, vous a prévenus qu’il y aurait lieu de réduire de pareille somme les recettes présumées de ce chemin. De telle sorte que le budget des voies et moyens, tel que nous le proposons, serait de 96,755,092 fr.

Si maintenant on supprimait les 5 centimes additionnels proposés, non seulement sur la contribution foncière, mais encore sur la contribution personnelle et sur les patentes ; lesquels additionnels feraient le chiffre de 1,298,767 fr., on aurait pour les voies et moyens 93,456,225 fr.

Et enfin, si la proposition de la section centrale, portant rejet du projet de loi sur le débit des boissons distillées, était admise, il faudrait encore réduire le chiffre des voies et moyens de 900,000 francs, et en définitive les recettes ne présenteraient plus que le chiffre de 94,556,225 fr.

Or, d’après les budgets des dépenses qui sont déjà transformés en loi, et celui de la guerre, en le prenant tel qu’il résulte du premier vote, les dépenses forment la somme totale de 94,955,652 fr 11 centimes.

Je vous prie de faire attention que je prends le budget de la guerre, ainsi que vous l’avez admis au premier vote, avec la réduction considérable qu’il a subie, et sur laquelle nous tâcherons de faire revenir la chambre au second vote. Eh bien, en prenant ce budget ainsi réduit, il se trouve déjà 399,427 fr. 11 c. de déficit en comparant les recettes totales aux dépenses totales.

Cependant, ce déficit doit être considéré comme devant être augmenté du crédit qui a été demandé par le département de la marine, pour commencer la construction de navires de guerre. Ce crédit est soumis à l’examen d’une commission spéciale, et le gouvernement doit supposer que le résultat de cet examen amènera l’adoption du chiffre de 350,000 fr. qui est réclamé.

Les réductions admises par le premier vote dans le budget de la guerre, et sur lesquelles nous espérons, messieurs, que nous ferons revenir la chambre en faisant adopter le chiffre proposé par le ministre de la guerre, parce que nous croyons que ses demandes sont tout à fait fondées, ces réductions, dis-je, peuvent, avec l’excédant disponible qu’il convient que le gouvernement ait, pendant l’année, à sa disposition pour des besoins accidentels, peuvent être comptée à la somme ronde de 1.200,000 fr., laquelle, avec les 399,427 fr. 11 c., dont je viens de parler, et en supposant le rejet du projet sur les boissons distillés, amène le déficit total de 1,949,427 fr. 11 c.

Vous n’admettrez pas, messieurs, pour atténuer ce déficit, qu’il faille établir une connexité rigoureuse entre le budget des recettes et les dépenses de la guerre ; vous réglerez les choses en vue des besoins du département de la guerre seulement, et si vous reconnaissez que les allocations demandées pour ce département sont indispensables, vous ne vous laisserez pas influencer par la considération de la nécessité d’augmenter les moyens d’y faire face.

Voyons si, en adoptant les 5 centimes additionnels et la loi d’abonnement sur les boissons distillées, nous aurions des recettes trop fortes comparativement aux dépenses.

Le déficit, sans le droit de consommation sur les boissons distillées et sans les centimes additionnels, serait donc de 1,919,427 fr. 11 c., comme nous venons de le dire ; or, les centimes additionnels donneraient 1,298.761 fr. et les boissons distillées, 900,000 fr., ce qui forme le chiffre de 2,198,797 fr.

D’où suit qu’en définitive nous aurions 249,339 fr. 89 c. d’excédant des recettes sur les dépenses, telles que nous les réclamons. Cet excédant doit-il vous porter à opérer des diminutions dans le budget des voies et moyens ? Je ne le pense pas. Jusqu’ici nous avons marché en nivelant à quelques francs près les recettes et les dépenses, et en laissant même quelquefois ces dernières plus élevées ; je crois que c’est là un mauvais système qu’il faut abandonner pour en venir aux règles d’une bonne administration et pour assurer au trésor quelque réserve, afin de n’être pas pris au dépourvu dans des circonstances imprévues. C’est ainsi que doivent agir les gouvernements tout comme les particuliers prévoyants.

Après ces considérations générales, je demanderai qu’avant de s’occuper du tableau des voies et moyens, il soit pris une décision sur la loi des boissons distillées ; c’est-à-dire qu’il soit déclaré si le droit d’abonnement sur les boissons spiritueuses doit être considéré comme un impôt direct ; et dans le cas de la négative nous prierons qu’on nous démontre en quoi les dispositions que nous proposons à cet égard présentent cette odieuse fiscalité qui doit leur faire refuser une place dans le code de nos lois, s’il faut en croire les raisons sommaires opposées par la section centrale.

Il y aurait donc, messieurs, à examiner la question en quelque sorte préalable que je viens d’indiquer, question à nos yeux tellement grave que s’il était décidé, contrairement à notre opinion et conformément à la décision de la section centrale, que l’impôt d’abonnement serait de sa nature un impôt direct, devant compter dans le cens électoral, nous retirerions le projet de loi ; car nous ne voudrions pas que la loi électorale, qui est la base de tout notre système politique, pût être ainsi modifiée d’une manière incidente. Nous ne craignons pas de nous expliquer sur la grande question de la loi électorale, mais nous voulons le faire d’une manière générale ; nous éviterons par conséquent que cette loi soit changée d’une manière accidentelle à propos de l’impôt dont il s’agit en ce moment.

Si la chambre décide, comme je le désire, qu’elle s’occupera d’abord de la loi sur les débitants de boissons distillées, je lui ferai connaître les motifs qui me font croire que l’impôt dont il s’agit ne devrait en aucune façon être classé parmi ceux qui sont pris en compte pour le cens électoral.

M. Lebeau. - Je m’aperçois, messieurs, que le caractère saillant de la discussion générale sont les centimes additionnels, et il est impossible qu’il n’en soit pas ainsi. Je crois donc gagner du temps en abordant directement cette question.

Je ne suis pas d’ailleurs partisan des discussions qui portent sur tous les points à la fois d’un sujet, parce qu’un des inconvénients de ces discussions et des développements qu’elles comportent, c’est d’amener des lenteurs, des retards dans les travaux de la chambre.

Parmi les résultats fâcheux de ce genre, il en est un fort grave, qui a été rappelé tout récemment ; il s’agit du retard dans lequel se trouve l’examen des comptes : on a pu remarquer, messieurs, que, sans cesse, à l’occasion de la discussion annuelle des budgets, des réclamations se sont élevées à cet égard, et que ces réclamations sont toujours restées sans résultat. Ces réclamations, on peut les renouveler sans adresser aucun reproche au gouvernement, car le gouvernement a mis depuis longtemps la chambre en demeure de s’occuper de cet objet.

Remarquer, messieurs, que pour le vote annuel de la loi des comptes, la constitution est tout aussi formelle, tout aussi impérative que pour le vote annuel des budgets, puisqu’elle dit que « chaque année la chambre vote les budgets et arrête les comptes. » Eh bien, messieurs, depuis 7 ans en ne l’a pas encore fait, et un des inconvénients qui en résultent, c’est de nous maintenir dans l’incertitude sur notre véritable position financière, de ne pas permettre que le budget soit formé d’une manière régulière, en portant au premier article des recettes le boni d’économie résultant des comptes précédemment arrêtés. Je crois que malgré les travaux dont la chambre a été accablée depuis trois mois et ceux qui l’attendent encore, son patriotisme devra subir une session extraordinaire si elle veut enfin régulariser notre système financier et la comptabilité de l’Etat.

Messieurs, c’est une tâche fort pénible que de venir appuyer une majoration dans les votes et moyens ; le système contraire a quelque chose de beaucoup plus séduisant, car c’est un moyen de flatter l’opinion, de se créer de la popularité. Mais comme j’ai l’habitude de servir mon pays et non de le flatter, je viens, sans crainte des commentaires auxquels mon opinion peut m’exposer, soutenir les centimes additionnels demandés par M. le ministre des finances. Je crois que la chambre commettrait un acte de haute imprévoyance si elle ne votait pas les majorations demandées.

Vous avez entendu tout à l’heure M. le ministre des finances vous exposer par un simple rapprochement de chiffres quel serait le résultat des centimes additionnels. Vous avez sans doute été frappés de cette considération, présentée à l’appui de ses chiffres, qu’une nouvelle ressource portée au budget des voies et moyens, et qui dans l’opinion du ministère devait produire près d’un million, s’évanouit complétement si les conclusions de la section centrale sont adoptées : je veux parler du produit de l’abonnement des débitants de boissons distillées, qui est estimé à 900,000 fr. au budget des voies et moyens. Or, si je ne me trompe, la section centrale conclut à l’unanimité au rejet pur et simple de la proposition ministérielle. Voilà donc encore près d’un million de déficit à ajouter au déficit que présente déjà notre situation financière.

On réduira, dit-on, le budget de la guerre ; mais déjà vous avez entendu non seulement de la part de M. le ministre de la guerre, mais de la part du cabinet tout entier, exprimer l’opinion qu’il est impossible d’admettre définitivement les réductions adoptées au premier vote du budget de la guerre. Je crois en effet, messieurs, (et je m’expliquerai plus longuement peut-être à cet égard lors de la seconde discussion du budget de la guerre), je crois, dis-je, qu’en agir autrement, ce serait substituer les prévisions de la chambre, la prudence de la chambre, la responsabilité de la chambre, aux prévisions, à la prudence, à la responsabilité du ministère, et du ministère tout entier, qui est en position, par ses relations extérieures, par ses renseignements sur les dispositions du cabinet de La Haye, sur la situation et les mouvements de l’armée hollandaise, de savoir beaucoup mieux que nous quelle est la portée politique du chiffre de l’effectif.

Mais en supposant, messieurs, que les réductions apportées au budget de la guerre dussent être définitives, serait-ce encore le cas de repousser les centimes additionnels ? Le pays n’a-t-il pas d’autres besoins à satisfaire, d’autres devoirs à remplir ? Par exemple, messieurs, oubliez-vous que depuis quatre ans dort dans les cartons de la chambre un projet de loi de la plus haute importance, et qui doit enfin aboutir à un vote dont le résultat, quel qu’il soit, sera d’augmenter encore les besoins du trésor ? Je veux parler de la loi des indemnités. Il faut cependant qu’une fois ou l’autre on aborde franchement la discussion de cette loi : il y a plus de quatre ans qu’elle a été présentée, c’est-à-dire le 12 décembre 1833 ; le rapport a été fait le 15 février 1836 ; plusieurs fois déjà on a réclamé avec instance qu’elle fût mise à l’ordre du jour. En définitive, la chambre ne peut pas opposer à ces réclamations un perpétuel déni de justice. Eh bien, messieurs, si la question est résolue dans le sens des principes qui ont présidé à la rédaction du projet ministériel, d’après les calculs les plus modérés, les indemnités à accorder ne s’élèveront pas à moins de 15 millions. Je suppose que l’on convertisse ce capital, après même lui avoir fait subir des réductions notables, en une rente à 4 1/2, à 4 ou même à 3 1/2 p. c., il en résultera encore pour le budget une nouvelle charge permanente, pour l’acquit de laquelle il est d’une sage prévoyance de se prémunir, de faire en quelque sorte une mise à la caisse d’épargne.

D’autres réclamations ont été présentées à la chambre et ont été vivement appuyées, et certes, messieurs, elles ont droit à toute votre sollicitude. On a entretenu la chambre naguère de la situation financière de la ville de Bruxelles, et il faut bien qu’au premier aspect cette situation mérite d’être prise en considération puisqu’un de nos honorables collègues, qui n’a pas l’habitude de disposer facilement des deniers de l’Etat, disait : « Au lieu de voter des millions pour la construction d’un palais de justice, donnez ces millions à la ville de Bruxelles ; » voilà, messieurs, ce qu’un honorable député de Tournay disait naguère dans cette enceinte. Les réclamations de la ville de Bruxelles ne lui paraissaient donc pas dénuées de fondement. Voilà des besoins dont la chambre aura à s’occuper, et dont elle doit s’occuper dès ce moment puisqu’il s’agit des voies et moyens de 1838.

D’autres besoins encore peuvent surgir ; par exemple, on a proposé une augmentation de traitement pour les membres de l’ordre judiciaire ; je ne m’explique pas sur le fonds de cette question, mais je voudrais aussi qu’elle ne fût pas préjugée par le vote que nous allons émettre, que la chambre libre de la résoudre selon les convenances et la justice.

Si nous examinons la situation du trésor public, si nous remarquons qu’au 1er septembre 1837, d’après les documents qui nous ont été présentés par le ministère, le trésor était en définitive de plus de treize millions ; qu’à ce déficit il faudrait encore ajouter les deux millions dont M. le ministre des finances a parlé tout à l’heure ; si vous ajoutez à cette considération celles que j’ai déjà présentées, si vous considérez que ce déficit n’a été couvert jusqu’ici que par du papier-monnaie, par des bons du trésor, qui n’ont d’autre gage de remboursement que leur renouvellement périodique, vous serez convaincus de la nécessité de maintenir les recettes du trésor public dans un état qui permette plutôt de réduire le déficit que de l’augmenter d’année en année.

Car enfin, il ne faut pas se faire illusion sur la ressource des bons du trésor : les bons du trésor sont un emprunt que nous renouvelons sans cesse, un emprunt dont le capital est remboursé avec d’autres bons du trésor. Il faudra bien en définitive qu’une forte partie de ces bons soient convertis en dette consolidée ; augmenter l’émission de ce papier, c’est donc tout simplement marcher à l’accroissement de la dette perpétuelle.

Je n’examinerai pas en ce moment si le gouvernement ne ferait pas bien, à propos de la dette flottante, de méditer un peu les considérations que lui a présentées l’année dernière un de mes honorables amis, relativement à l’intérêt que le gouvernement paie aux porteurs des bons du trésor. Je n’aborderai pas actuellement la question de savoir si le gouvernement ne pourrait faire avec succès ce que font des sociétés financières, c’est-à-dire, s’il ne pourrait pas émettre avec modération du papier ne portant pas intérêt, et si le pays n’aurait pas tout au moins autant la confiance dans la solidité et la bonne foi du gouvernement, qu’il en témoigne à diverses sociétés financières en acceptant leur papier sans intérêt. Ce sont des questions que je touche incidemment, et sur lesquelles, après mon honorable ami, je me borne à appeler de nouveau l’attention de M. le ministre des finances.

Je me résume donc sur ce point, et je dis qu’alors même que nous n’aurions pas un déficit qui semble plus ou moins dissimulé par la dette flottante, alors que nous n’aurions pas sur le budget actuel le déficit d’environ deux millions, résultant des calculs de M. le ministre des finances, la prudence exigerait encore que la chambre pourvût au moyen de niveler peu à peu les recettes et les dépenses de l’Etat, de rétablir un équilibre rompu depuis plusieurs années, il ne fait pas qu’un Etat, pas plus qu’une société, plus qu’une famille, vive au jour le jour ; c’est dans les temps de calme, dans les temps de prospérité industrielle et commerciale qu’il faut se mettre en garde contre les éventualités qui pourraient frapper le pays dans des temps moins heureux.

Aujourd’hui, messieurs, le crédit du pays est bien établi, et ce serait peut-être le moment de diminuer par un emprunt le chiffre de la dette flottante.

Ce n’est pas, messieurs, que je croie qu’on ne puisse ultérieurement augmenter les recettes de l’Etat par d’autres moyens que par des centimes additionnels. Les centimes additionnels ont cela de dangereux que le moyen est très simple ; qu’il dispense de tous frais d’imagination, et que dès lors il a quelque chose de très séduisant, contre lequel il est bon que notre raison se prémunisse. (On rit.)

Je crois qu’en Belgique, et même dans des pays plus avancés, la science de l’impôt a encore beaucoup de progrès à faire. Sans avoir la prétention d’apprendre quelque chose sur ce point, ni à M. le ministre des finances, je me permettrai d’exposer à ce sujet quelques idées, ou plutôt quelques doutes.

L’accise sur les sucres exotiques, qui a été jusqu’ici presque réduite à rien, figure au budget pour 800,000 fr. J’espère que ces 800,000 fr. seront fournis par l’impôt sur les sucres, impôt que, quant à moi, je regarde comme extrêmement bien assis. Je crois même que cet impôt augmentera. Selon moi, cependant, la chambre a bien fait de décider qu’il fallait procéder à l’égard du raffineur et du commerce du sucre exotique avec beaucoup de ménagement ; car je suis d’avis que dans les questions de cette nature il faut respecter non seulement les intérêts, mais même jusqu’à certain point les préjugés des industries auxquelles on touche. Je crois que l’industrie à l’égard de laquelle on veut introduire des modifications doit être habituée peu à peu à ces modifications. Si, l’année prochaine, il est reconnu que la loi sur les sucres est inefficace, et que d’autre part la situation des raffineries n’en a pas été altérée, la chambre sera parfaitement libre de faire un pas de plus.

Mais il ne faut pas que l’on s’y trompe, et je crois qu’il est bon que de la tribune nationale parte de temps en temps un avertissement salutaire pour une autre industrie. Si l’on ne veut pas que l’impôt sur les sucres exotiques, quelles que soient les combinaisons financières qui pourraient être imaginées, tombe à rien, il faudra tôt ou tard aviser aux moyens d’imposer le sucre indigène. Je crois qu’il convient, avant que de nouveaux capitaux ne s’engagent dans cette industrie, que ces avertissements lui soient donnés. Si l’on ne faisait rien pour atteindre le sucre indigène, il arriverait ici ce qui est arrivé en France, à savoir, que le sucre indigène, prenant tous les jours une plus grande part dans la consommation intérieure, finirait par en expulser le sucre exotique, et qu’un jour vous n’auriez plus d’impôt sur le sucre.

Je pense donc qu’il est bon que l’on se tienne en garde sur ce point, et que l’on sache qu’il est dans les prévisions de la chambre d’atteindre un jour ou l’autre le sucre indigène ; par sa nature, il est aussi imposable que le sucre exotique. C’est encore une ressource qui, j’espère, ne manquera pas au trésor.

Il conviendrait, selon moi, que le gouvernement s’apprêtât à jeter les bases d’un budget de recettes, de compulser un peu la législation étrangère ; je crois qu’il serait bon de rechercher comment on parvient ailleurs à faire produire à certains impôts que nous ne connaissons pas ou qui rapportent peu chez nous, des sommes plus ou moins fortes, sans trop grever, soit les industries, soit les contribuables.

Il est fâcheux que nous n’ayons pu prendre une résolution sur la dernière convention que le gouvernement a faite avec la société générale ; car si M. le ministre des finances avait pu se rallier aux modifications proposées par la commission spéciale chargée de l’examen de cette convention, s’il avait pu amener la société générale à consentir à ces modifications, il en serait résulté un encaissement d’environ 9 millions, et une recette annuelle de treize à quatorze cent mille francs. Je regrette que M. le ministre des finances ne puisse pas nous dire jusqu’à quel point il y a espérance qu’il se rallierait aux propositions de la commission, car si l’adhésion du ministre des finances avait été possible, il y aurait eu lieu de demander la priorité pour la discussion de cette convention.

Une autre ressource qui a déjà été signalée plusieurs fois à l’attention de la chambre, c’est l’impôt que l’on peut raisonnablement faire peser sur les distilleries. Je ne fatiguerai pas la chambre de la redite de toutes les considérations de moralité et même de fiscalité qu’on a déjà tant de fois fait valoir à cet égard ; je pense que nous pourrions, à la grande satisfaction de la majorité du pays, en revenir, avec de légères modifications que l’expérience a suggérées, à l’ancienne législation sur les distilleries. Suivant moi, tant que l’on n’en viendra pas là, nous ne créerons que de véritables palliatifs au double mal tant de fois signalé ici.

Si je ne me trompe, M. le ministre des finances espère trouver dans des modifications aux droits de succession un autre moyen d’améliorer les recettes de l’Etat. Il a annoncé des changements dans les droits de succession, et il nous a dit que sans cesser d’être juste envers les héritiers, on pourrait obtenir pour le trésor une majoration assez considérable d’impôt. Pour ma part, je pense, messieurs, qu’il y aurait possibilité de supprimer, par exemple, plusieurs degrés de succession ab intestat ; c’est pousser extrêmement loin le respect pour les droits des héritiers ab intestat que d’aller jusqu’au douzième degré. Je crois qu’on peut restreindre l’ordre de succession ab intestat, et que si, par exemple, l’on s’arrêtait au septième ou au huitième degré, on créerait pour le trésor la perspective de quelques déshérences sans blesser les principes du droit naturel ni du droit civil en matière de succession. Il semblerait juste aussi que le droit augmentât à mesure que s’éloigne le degré de parenté.

Enfin se présentent naturellement à l’esprit, le café, le tabac, le thé, comme matières essentiellement imposables. A cet égard, de légères majorations au tarif de douane ou une accise modérée avec la garantie nécessaire ou la réexportation, en même temps qu’elles seraient productives, sembleraient pouvoir être introduites sans nuire à notre commerce.

Vous dirai-je quelques autres moyens d’augmenter les recettes de l’Etat, moyens qui, par la nouveauté de quelques-uns d’entre eux, et l’espèce d’étrangeté qui s’attache toujours à la nouveauté, pourraient ne pas faire immédiatement fortune auprès de vous ? Vous dirai-je, par exemple, qu’on pourrait, sans grands inconvénients, assimiler, quant à la patente, les avocats aux médecins, sans nuire à la dignité des uns par plus que la dignité des autres n’est blessée ? Vous dirai-je qu’il y aurait lieu d’examiner la question de savoir si le gouvernement ne pourrait tirer aucun profit des octrois qu’il fait gratuitement de plusieurs moyens de s’enrichir ? N’y aurait-il rien à percevoir du chef de l’octroi des places de notaire, d’avoué, d’huissier, d’agent de change, de courtier, etc., places vénales, à tel point qu’elles sont l’objet de conventions quotidiennes entre les particuliers ? N’y a-t-il rien à tirer de là, soit en empruntant, pour y arriver, les principes qui dominant dans les lois d’enregistrement, à propos du serment, soit par une imposition directe sur l’octroi de ces emplois que le gouvernement accorde, je le répète, si généreusement aux citoyens ?

Je ne fais ici qu’émettre des doutes ; ce sont des idées qui ont quelque hardiesse et que je soumets avec humilité aux méditations de M. le ministre des finances et de MM. les financiers de la chambre. Du reste des idées, que peut-être on qualifiera d’utopies, ne sont pas immédiatement réalisables et ne peuvent tenir lieu des ressources qui nous sommes aujourd’hui demandées.

En résumé, je pense qu’en présence des calculs auxquels s’est livré M. le ministre des finances, en présence du rejet possible de la loi sur l’abonnement des débitants de boissons, en présence de différents besoins dont je viens de rappeler quelques-uns, nous commettrions une haute imprudence, si, à défaut d’autres ressources, nous allions refuser de voter les 5 centimes additionnels. Quant à moi, je déclare que j’y donnerai mon assentiment.

M. Mast de Vries. - Contrairement à l’opinion qui vient d’être émise par M. le ministre des finances, j’espère que la chambre persistera dans les économies qu’elle a introduites dans le budget de la guerre. Et de cette manière, je pense que nous serons délivrés des 5 centimes additionnels. Il me paraît que sous ce rapport, nous avons la mémoire bien courte. Il y a seulement deux années qu’un cri général s’est élevé contre l’impôt de 10 centimes additionnels, et à cette époque cette augmentation n’était demandée que temporairement. Aujourd’hui que demande-t-on ? On demande 5 centimes additionnels sur l’impôt direct ; mais ces additionnels ne sont plus temporaires, ils sont et doivent rester définitifs. Le cadastre n’a pas encore nivelé la contribution foncière dans toutes les provinces, c’est seulement cette année que ce nivellement doit avoir lieu ; déjà les provinces qui ont un surcroît d’impôt ont fait entendre des réclamations, que sera-ce si on y ajoute encore 5 centimes additionnels ?

On s’est plaint, à différentes reprises, de l’impôt personnel ; il est juste de dire qu’il frappe plutôt sur la classe moyenne que sur la classe aisée. Et bien, cet impôt doit encore subir une augmentation de 8 centimes additionnels. S’il y a un impôt qui ait été l’objet de réclamations tous les ans, c’est l’impôt des patentes, car cet impôt est de l’élasticité toute pure. Un patentable est ce que veut le faire l’employé ; quand il est taxé, il est obligé de payer, il n’a aucun recours, car le recours est illusoire. Je suis à même de donner quelques renseignements sur l’impôt des patentes ; car, pour parler sur cet impôt, je me suis fait répartiteur. Voici comment les choses se passent : nous avions un rôle de 800 patentables ; nous étions d’accord avec l’employé, et je ne sais comment cela se fit, 70 ou 80 patentables ont été augmentés. Des réclamations ont été faites, mais le directeur s’est rallié à l’avis de l’employé, et les patentables ont subi l’augmentation. Il ne suffit pas de dire : On peut réclamer, car la réclamation est illusoire ; eh bien, cet impôt, vous le frappez de 5 centimes additionnels.

Je pense qu’en persistant dans les économies introduites dans le budget de la guerre, nous pourrons ne pas subir les 5 centimes additionnels.

M. le ministre, par le calcul qu’il vient de faire, a établi qu’il y avait un déficit de 400 mille fr., auquel il faut ajouter les 800 mille francs pour construction de navires. Et partant de là, il a dit que la loi sur les débitants de boissons distillées ne serait pas admise. Je pense, en effet, que cette loi ne sera pas admise, mais il me semble qu’il y a quelque chose de plus simple à faire ; c’est d’imposer le genièvre même, les liqueurs spiritueuses. Que veut-on faire avec une loi de consommation ? On veut faire qu’il y ait moins de consommation. La loi ne produira pas cet effet ; ce qu’il y aura de moins, ce sera quelques débitants qui perdront ainsi le moyen de gagner leur vie. Au lieu de plusieurs débitants dans une commune, il n’y en aura qu’un seul qui pourra donner la liqueur à meilleur compte qu’aujourd’hui. On en consommera davantage. La loi aura un effet contraire à celui qu’on en attend, et elle aura fait beaucoup de mécontents. Le seul moyen de frapper les liqueurs fortes, c’est de revenir à la législation hollandaise. Nous le voulons tous, mais beaucoup n’osent pas le dire. Je le répète, c’est le seul moyen d’atteindre les liqueurs spiritueuses.

Je bornerai là mes observations jusqu’à la discussion des articles. Je crois en avoir dit assez pour faire connaître que si on adopte les 5 centimes additionnels, je serai obligé de voter contre le budget.

M. Pirmez. - Je crois qu’en général, lorsqu’on a voté les dépenses, on est forcé de voter les recettes. Mais cependant il n’en est pas toujours ainsi. Par exemple, un député a consenti à faire telles dépenses qu’il croit utiles ; lorsque certaines lois fiscales étaient présentées qui devaient les couvrir, et qu’il a fait tous ses efforts pour faire adopter ces lois, si elles sont rejetées, ce député doit échapper à la conséquence qu’on voudrait tirer de son premier vote. Or, j’ai fait tous mes efforts pour faire que le trésor reçût l’impôt qui est réellement payé sur le sucre par la nation. Je suis aussi de ceux qui ont voté contre l’abolition de la loi hollandaise sur les liqueurs spiritueuses. Je crois que si ces deux impôts étaient perçus, on ne viendrait pas nous demander des centimes additionnels pour faire face aux dépenses.

L’honorable M. Lebeau vient d’émettre des idées très justes sur les impôts de consommation. Si on pouvait percevoir un impôt, quelque léger qu’il soit, sur chacun des objets dont il a parlé, il entrerait une somme considérable au trésor. Mais d’une idée émise à une proposition formulée, il y a loin, et d’une proposition faite à une proposition adoptée, la différence est plus grande encore.

Quand vous viendrez à proposer des impôts de consommation, vous verrez se soulever les intérêts privés qui ont une force immense. La loi sur le sucre l’a démontré.

Les centimes additionnels sont faciles à proposer, mais ils frappent toutes les richesses à jour. Dans les temps de prospérité, beaucoup de richesses sont à jour, ce sont celles qui sont cachées, qu’il faudra tâcher de frapper. Mais ici on ne frappe que ce qui est faciles à prendre, ce qui ne peut pas se cacher.

Ce sont ces raisons qui m’empêcheront de donner mon assentiment aux centimes additionnels. Je désirerais que nous attaquassions une bonne fois le système d’impôts de consommation, mais à peine osons-nous y toucher en ce qui concerne le sucre, et le genièvre. A cet égard, je n’ai pas de reproche à me faire, j’ai fait tous mes efforts pour que le trésor perçût ce qu’il doit recevoir sur ces objets.

M. Demonceau. - Si la position des membres de cette chambre qui viennent soutenir les augmentations est difficile, la position d’un orateur qui parle au nom des sections, n’est pas moins difficile, alors qu’il vient, avec l’unanimité des sections, proposer le rejet de ces augmentations. Voilà la position dans laquelle je me trouve : rapporteur de la section centrale, au nom d’une section qui est l’émanation de toutes les sections. Je propose le rejet de tous les centimes additionnels. Le premier adversaire que je rencontre est un de nos honorables collègues qui n’aura pas émis son opinion dans les sections, car il devrait être au moins lié par l’opinion émise dans sa section. C’est là l’avantage qu’on trouve à être rapporteur.

Je vais tâcher d’exposer mon opinion.

On vous propose une augmentation de l’impôt personnel et une augmentation de l’impôt des patentes, tandis que nous pensons trouver dans la loi sur les sucres les moyens de percevoir un million à 1,200 mille francs. J’ai fait ce qui dépendait de moi pour procurer cette somme au trésor, car mon amendement devait produire au moins un million. D’après ce que nous a dit M. le ministre, nous ne recevons plus que 880 mille francs ; il lui fait des additionnels, il lui faut 1,200,000 fr., et c’est à la contribution foncière qu’il en demande la moitié, tandis que nous avons les eaux-de-vie indigènes qui n’ont pas d’additionnels ; nous avons les douanes qui en ont 13, mais la contribution foncière est à 15, et elle subit encore au profit de la commune et de la province qui s’élèvent au moins à 10 p. c.

La contribution foncière à elle seule fournit le cinquième de nos revenus, et c’est celle-là qu’il faut accabler encore ; elle paie à peu près 19 millions. Le cinquième de 90 millions est bien 19. Je comprends que si nous votons les allocations demandées, ce ne sera pas ma faute : nous devrons augmenter nos recettes, parce que nous ne pourrons créer le déficit.

Mais est-il pour cela nécessaire que ce soit la contribution foncière qui vienne faire face à ces besoins ? N’avons-nous pas d’autre moyen de combler le déficit ? Nous avions les sucres. Vous n’en avez pas voulu, et vous avez eu raison, parce que cette industrie a crié bien haut. Mais si vous ménagez l’industrie sucrière, pourquoi ne ménagez-vous pas la contribution foncière ? Pourquoi sacrifiez-vous la contribution foncière ?

Je ne vous dirai pas que vous marchez de déficit en déficit ; car nous ne savons pas s’il en est ainsi. L’honorable M. Lebeau vous l’a dit : Depuis 1830, vous marchez sans savoir oû vous allez. Vous n’avez arrêté aucun compte.

M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Invitez la chambre à voter la loi des comptes.

M. Demonceau. - Je parle à la chambre.

M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Je croyais que c’était à moi que vous vous adressiez.

M. Demonceau. - Je demande aussi que la chambre s’occupe de la loi des comptes.

M. F. de Mérode. - A quoi cela nous avancera-t-il ?

M. Demonceau. - A savoir si nous avons un déficit, et si nous avons un déficit, à le combler. S’il y a un déficit et que la contribution foncière doive être imposée, je serai le premier à demander qu’elle le soit. Car le plus grand mal est de ne pas savoir où on est, et vous ne le savez pas. Je bornerai là mes observations.

M. de Longrée. - M. Lebeau a paru reprocher aux membres opposés aux centimes additionnels, de vouloir faire de la popularité. Quant à moi, je renvoie à M. Lebeau le reproche d’un tel système, qui n’a jamais été le mien. Ce n’est pas par prétention de faire de la popularité que je suis opposé aux centimes additionnels, c’est que moi je sais apprécier les vrais besoins d’une grande partie des contribuables et plus spécialement de ceux de la province du Limbourg, province qui n’est qu’agricole, province qui, à défaut de routes, de tous moyens de communication, ne peut faire écouler les produits de son sol pour les produire sur les marchés de l’intérieur, Il n’est pas rare de voir les fermiers, aussi bien que les propriétaires, obligés de laisser leurs greniers chargés pendant plusieurs années consécutives, malgré leur volonté de vendre leurs céréales aux prix courants, mais parce que les transports sont impossibles pendant une grande partie de l’année. D’un autre côté, les bestiaux se vendent à vil prix ; quelles sont donc les ressources de ces cultivateurs pour pouvoir payer une augmentation de contributions foncière et personnelle ? Que M. Lebeau veuille nous les indique.

M. F. de Mérode. - Je ne pense pas qu’un budget trop faible soit dans l’intérêt du contribuable, car le résultat d’un tel état de chose, ce sont toujours des emprunts plus ou moins onéreux au pays. Je reconnais que dans les circonstances où on a emprunté précédemment, il y a eu une sorte de nécessité de le faire ; mais ce système d’emprunts ne peut pas toujours exister. Aujourd’hui il est évident qu’on ne pourrait recourir à de pareils moyens sans prévoir d’avance les plus grandes vexations pour les contribuables. Ainsi, je suis fondé à dire qu’un budget trop faible est contraire aux intérêts du contribuable.

Je pourrais indiquer un grand nombre de dépenses indispensables à faire. Dans les Flandres, il y a le canal de Zelzaete. M. le ministre des travaux publics, dans son rapport, présente l’exécution de ce travail sous un point de vue très essentiel pour l’écoulement des eaux et pour le bien-être d’une grande partie de ces provinces. Nous avons, ainsi que vient de le rappeler l’honorable M. de Longrée, des provinces qui manquent de communications indispensables. Quelle somme appliquera-t-on à l’exécution de ces communications ? Je n’en sais rien, mais il me paraît difficile de n’y appliquer rien du tout. Nous avons une réclamation importante de la ville de Bruxelles. Si la majorité de la chambre est dans l’intention d’accorder un secours à cette ville, il faut bien en faire les fonds.

Il y a des personnes qui désirent une marine militaire. Je ne sais jusqu’à quel point elle serait nécessaire ; mais il me semble qu’il serait assez convenable d’en avoir une ; car il me semble que nos navires de commerce n’ont aucune protection dans les mers lointaines ; ils sont à la charité des vaisseaux de guerre des autres nations. Je ne parle pas de vaisseaux de ligue, de frégates ; mais si nous avions seulement quelques bricks de guerre, quelques corvettes, nous pourrions protéger nos bâtiments marchands, par occasion ceux des autres nations, et par réciprocité jouir de la même protection de la part des autres nations. De cette manière, avec une dépense qui ne serait pas très élevée, nous aurions une attitude militaire supportable, tandis que notre position actuelle n’est pas supportable. Pour moi, du moins, être à la charité des autres n’est pas supportable ; j’aime à donner pour être en droit de recevoir.

Nous avons à faire des améliorations aux prisons qui font l’objet d’une pétition que nous a adressé l’inspecteur général des prisons, et nous ne pouvons à défaut d’argent faire droit à cette pétition.

L’année dernière nous avons eu à relever la digue de Burgh rompue par une tempête et cela a coûté 180,000 fr. Ces événements malheureux sont de nature à se renouveler. Il faut donc avoir les moyens de faire face aux dépenses considérable qui en résulteraient.

Je dirai ensuite que nous négligeons, selon moi, certains moyens de faire produire des revenus au trésor public. Nous avons un chemin de fer qui devrait nous procurer les plus grands avantages, non seulement quant aux communications, mais encore quant au trésor public auquel il devrait rapporter 9 à 10 p. c. IL paraît, d’après le rapport, que le chemin de fer ne rapportera peut-être même pas 8 p. c. Je trouve qu’il y a rien de plus ridicule que de faire payer des contributions au pays, pour que le contribuable puisse aller en voiture à meilleur marché ; il me semble qu’il serait plus simple et plus raisonnable de faire payer le contribuable lorsqu’il veut aller en voiture, que de faire payer ceux qui ne se promènent pas pour ceux qui se promènent. Pour éviter cela, il me semble qu’on pourrait augmenter le prix des places et diminuer le nombre des convois. On fait faire pendant l’hiver 5 ou 6 voyages par jour ; je ne crois pas que ce soit utile. Il me semble que quatre départs suffisent. Je sais bien qu’il y a quelques personnes à qui cela ne conviendra pas, mais ce sont des exceptions auxquelles nous ne devons pas nous arrêter. Je pense donc qu’il convient d’augmenter le prix des places et de diminuer le nombre des convois, et qu’ainsi la dépense serait moindre comparée au revenu.

Maintenant on n’a pas parlé, à ce qu’il me semble, de ce que l’on pourrait obtenir sur le café et le tabac, deux objets très importants et essentiellement imposables.

Il me semble ensuite que puisque les bois belges paient des droits par l’impôt que paient les terrains boisés, les bois étrangers, comme les bois venant de Norvège, devraient également payer des droits. Il ne doit pas y avoir de privilèges pour les bois étrangers. A l’égard de ce droit, vous n’avez pas d’ailleurs à redouter la fraude. On ne fraudera jamais du bois.

Il semble vraiment, messieurs, qu’on nuit aux intérêts des contribuables quand on demande des revenus pour le trésor public. Mais qu’est-ce donc que le trésor public ? Est-ce un fonds mis à la disposition du souverain pour étaler un luxe asiatique comme on l’a vu dans d’autres pays, dans les temps passés, et comme on le voir peut-être aujourd’hui ? Le trésor public c’est l’argent mis en commun pour l’avantage du pays.

Un honorable préopinant se plaint de ce qu’on manque de routes dans sa province, de ce que l’on ne peut pas débiter les céréales parce qu’on n’a pas de moyens d’exportation. Mais comment construira-t-on les routes qui sont nécessaires si l’on ne donne pas des revenus suffisants au trésor public ?

Je ferai une comparaison entre l’Etat et les villes qui ont des revenus, pour lesquels s’imposent les contribuables. Une ville a besoin de revenus pour que les rues soient pavées et éclairées, pour avoir une compagnie de pompiers pour remédier aux incendies, et pour pourvoir à d’autres dépenses encore.

Eh bien, si cette ville ne veut pas payer des contributions, si les habitants disent : A quoi bon nous surcharger d’impôts ? Nous aimons mieux marcher dans la boue, et ne pas voir clair dans les rues à 7 heures du soir, et nous mettre dans la position où l’on est dans les villages ; de cette manière, en effet, on peut avoir un gouvernement à bon marché.

Nos administrateurs n’ont pas des fonctions pour leur bon plaisir. Quand le ministre de la guerre demande des sommes, c’est qu’il les croit nécessaires à la défense du pays ; il préférerait proposer des réductions à des augmentations.

Lorsque dans le conseil des ministres on discute les dépenses de la guerre, le ministre des finances a bien soin de demander qu’on les restreigne autant que possible ; car il est fort embarrassé quand il est obligé à venir vous demander une augmentation d’impôt. Ce n’est pas pour son plaisir qu’il chercher des produits de toutes parts et des centimes additionnels.

Les Hollandais, nos voisins, se soumettent à payer les moyens d’attaque préparés contre nous, et comme nous n’avons pas l’envie d’être repris par le roi Guillaume, il faut maintenir nos moyens de défense. Tant que le gouvernement hollandais ne renoncera pas à ses préparatifs d’agression, nous ne devons pas renoncer à nos préparatifs de défense.

M. Pirmez nous reproche de n’avoir pas adopté le projet de loi sur les sucres ; j’ai partagé son avis ; mais dans le cours de la discussion on a présenté des observations de nature à faire reculer. On a craint de ruiner une branche importante d’industrie, branche pour laquelle les Hollandais font eux-mêmes de grands sacrifices. Cette raison m’a frappé. Cependant j’avais mieux compris l’observation que faisait M. Gendebien. Cet honorable membre disait que si on faisait voyager des pierres, du sable même, on pourrait, en condamnant le trésor à de grands sacrifices, établir une navigation très active. Cette observation m’a paru d’une grande justesse. Quoi qu’il en soit, je ne veux pas revenir sur la question des sucres.

Je voterai les centimes additionnels. Parmi tous les moyens d’avoir de l’argent, c’est est un comme un autre et il ne fallait pas beaucoup d’imagination pour le trouver ; mais je l’appuie parce que je préfère prendre sur le présent que sur l’avenir. Cependant j’espère que M. le ministre avisera à d’autres moyens d’obtenir des recettes.

M. A. Rodenbach. - Quoi que je ne désire pas voir augmenter la dette publique, il est des circonstances où l’on ne doit pas être effrayé de la création d’un ou deux millions de bons du trésor de plus que ceux qui existent. Ce ne serait pas ruiner la Belgique que d’avoir quatorze ou quinze millions de bons du trésor en circulation, et cela vaudrait mieux que d’admettre l’augmentation de 5 centimes additionnels. Ce n’est jamais le propriétaire qui paie ces contributions ; c’est toujours le fermier qui en supporte la charge en définitive.

En 1831 et 1832, quand on a fait deux emprunts, qui en a été dupe ? Le cultivateur ; il vendait à 50 et 60. Qui en a profité ? L’agioteur et le banquier.

Au commencement de notre révolution, ce que l’on demandait principalement, c’était un changement de système. Nos finances, telles qu’elles sont réglées, ne constituent pas un système belge ; on les a arrangés pour la réunion de la Belgique à la Hollande, et nous n’avons vraiment qu’un système financier bâtard.

Lorsque le ministre actuel est arrivé à la tête des finances, il avait l’intention d’imposer légèrement le café, le tabac d’Amérique et d’autres articles ; mais, dans la crainte de diminuer le commerce du café, il n’a pas présenté son projet de loi. J’ai fait une proposition à cet égard, et si je l’ai retirée, c’est parce que j’ai vu que la chambre n’était pas disposée à l’accueillir.

Il me semble que par amendement au budget des voies et moyens, on pourrait augmenter la recette donnée par le café, et la recette donnée par le tabac. Sous le gouvernement français, le tabac est une ressource considérable.

Que l’on consulte le système financier anglais et français, on verra qu’il existe une foule d’objets imposables, et qui peuvent de même procurer des recettes en Belgique. Mais en attendant que l’on révise nos lois financières, créons deux millions de bons du trésor.

On veut que les boissons spiritueuses rapportent ; cela serait possible sans ruiner nos distilleries si l’on empêchait l’entrée en Belgique du genièvre de Hollande, de Prusse, et même de France ; cela serait possible au moyen d’une loi pénale. Que l’on emploie ce moyen, et je donnerai mon assentiment à l’augmentation de l’impôt du genièvre.

Pourquoi ne pas aborder la question de la banque ? La banque doit ou ne doit pas ; si elle doit, voilà une ressource, et cela nous donnera encore le temps de modifier notre système financier. Il faut avoir le courage de faire du neuf en finances ; c’est ce que nos ministres n’osent pas entreprendre ; il leur est plus commode de suivre la routine hollandaise, et de se traîner dans l’ornière. Cependant on pourrait, en frappant moins sur le peuple, avoir plus de revenus.

M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Messieurs, on a indiqué au gouvernement une foule de revenus qu’il pourrait créer en modifiant différentes lois qu’on a désignées, ce qui, semblerait-il, serait extrêmement facile. Eh bien, messieurs, je dis qu’il a été impossible d’aborder les questions dont ou a parlé : les sessions ont duré 9 à 10 mois, et quoique la chambre ait été convoquée un mois avant l’époque de la réunion obligatoire, nous voici, au mois de janvier, occupés à discuter le budget de la guerre et le budget des voies et moyens. Après cela, messieurs, peut-on reprocher au gouvernement de ne pas avoir saisi la chambre d’une foule de modifications à apporter aux lois de finances ? Il est évident, messieurs, que la chambre n’aurait pas pu aborder la discussion de semblables propositions, et dès lors il aurait été souverainement imprudent de les présenter, car c’eût été marcher directement contre le but qu’on aurait voulu atteindre. On a parlé, par exemple, du café ; eh bien, messieurs, je suppose que nous venions proposer à la chambre un projet de loi imposant cette denrée, et cela dans un moment où la chambre ne pourrait pas s’occuper d’un semblable projet ; qu’en résulterait-il ? C’est que dans l’intervalle qui s’écoulerait entre la présentation et le vote de la loi le commerce prendrait des mesures pour l’éluder. Il en serait de même d’une foule d’autres articles ; d’où résulte que les lois fiscales ne doivent autant que possible être présentées que dans le moment où il est probable qu’elles peuvent être discutées immédiatement.

D’ailleurs, messieurs, l’adoption de lois semblables à celles sur lesquelles on a appelé notre attention est-elle aussi facile qu’on semble le croire ? N’avons-nous pas vu quelles difficultés a rencontrées la loi des douanes, par exemple ? Nous avons à différentes reprises travaillé pendant plusieurs semaines à cette loi, et elle n’est pas encore terminée ; eh bien, messieurs, de semblables difficultés se renouvelleront toutes les fois que la chambre aura à s’occuper de lois de cette nature. On a indiqué la législation sur le sel comme devant être immédiatement révisée. Eh bien, messieurs, la chambre est saisie depuis un an et demi d’un projet de loi sur cette matière, et elle n’a pas encore pu trouver le moment de s’en occuper.

On dit qu’il ne faut pas de grand efforts d’imagination pour proposer des centimes additionnels, qu’il n’y a rien de plus facile à faire qu’une semblable proposition ; sans doute, messieurs, il est très facile de calculer ce que doivent produite autant de centimes additionnels sur des matières dont la base est déterminée ; mais je le demande, messieurs, quel autre moyen le gouvernement pouvait-il proposer pour faire face aux besoins du trésor ?

Le gouvernement tiendra compte de toutes les observations qui ont été faites ; il proposera de créer de nouvelles sources d’impôt lorsque le moment opportun sera venu, lorsque la chambre pourra s’occuper de propositions de cette nature. Aujourd’hui il s’agit avant tout de faire face aux dépenses immédiatement nécessaires. Et si dans le cours de l’exercice 1838 on peut créer de nouveaux moyens, les centimes additionnels n’en seront pas moins utiles ; nous avons une dette flottante qu’il serait utile d’amortir, et si les recettes dépassaient les dépenses, l’excédant serait employé à cette fin ; ce serait là une chose beaucoup plus avantageuse que de recourir à un emprunt.

On a de nouveau parlé, messieurs, de la conversion de la rente ; mais pensez-vous que depuis un mois il ait été possible de songer à conclure cette opération ? Croyez-vous que les financiers, les spéculateurs soient bien empresses à se prêter à une semblable mesure dans un moment où il régnait une certaine inquiétude ? Il faut, messieurs, attendre le moment opportun pour songer à de semblables mesures, et certes ce n’est pas depuis un mois ou six semaines, qu’on a commencé à parler des affaires du Luxembourg, que ce moment était venu.

L’honorable M. Rodenbach voudrait, au lieu des cinq centimes additionnels, augmenter encore la dette flottante, c’est-à-dire créer un nouveau déficit, car ce n’est rien d’autre que cela. Ce moyen, messieurs, nous ne pouvons pas l’admettre sans entrer dans la voie la plus dangereuse possible pour un gouvernement, comme pour un particulier, c’est-à-dire réaliser des dépenses plus considérables que les moyens d’y faire face. C’est là, messieurs, un système que chacun de vous a proscrit, car chaque fois qu’il s’agit de discuter les budgets, il n’y a pas un orateur de cette chambre qui ne commence par dire qu’il veut que les recettes et les dépenses se balancent ; c’est ce que nous voulons aussi, et le moyen d’atteindre ce but, c’est d’adopter la proposition que le gouvernement vous a soumise.

Ainsi que je l’ai dit tantôt, je pense, messieurs, que la discussion devrait d’abord s’établir spécialement sur le projet de loi relatif à des débitants de boissons spiritueuses ; je demanderai que lorsque la discussion générale sera close, la chambre veuille bien aborder immédiatement cette question, dont la solution doit jusqu’à un certain point influer sur les centimes additionnels eux-mêmes.

M. Mast de Vries. - Pour vous engager, messieurs, à voter les centimes additionnels, l’honorable comte de Mérode est venu nous exposer la kyrielle des besoins auxquels nous avons à faire face et même ceux auxquels nous pourrions avoir à faire face ; il a même été jusqu’à parler des digues qui pourraient venir à se rompre. Mais, messieurs, les fonds qu’on nous demande ne sont pas destinés aux objets que l’honorable membre a indiqués ; ils ne sont pas destinés à être donnés à la ville de Bruxelles, à servir à la construction de routes dans le Limbourg ; ils sont destinés à couvrir les dépenses du budget de la guerre ; une fois que vous aurez accordé ces fonds, on viendra, comme on l’a dit hier, passer l’éponge là-dessus, et le ministre de la guerre viendra vous dire : « Vous avez voté les centimes additionnels, votez maintenant les dépenses qu’ils sont destinés à couvrir. » Ce n’est donc pas pour faire des ouvrages utiles qu’on nous demande ces centimes additionnels, c’est pour faire revenir la chambre sur les réductions qu’elle a faites sur le budget de la guerre.

L’honorable membre a aussi parlé du chemin de fer. Messieurs, le chemin de fer est à mes yeux un nouveau domaine, et un domaine extrêmement productif. Je ne sais pas, messieurs, s’il ne serait pas très utile de nous défaire d’autres domaines qui ne produisent rien, pour en construire de productifs comme les chemins de fer.

M. de Mérode a parlé des routes ; mais, messieurs, l’essor qui est donné aujourd’hui à la construction de routes, cet essor provient en grande partie du nivellement du cadastre et de la prospérité du pays ; les provinces et les communes s’imposent pour faire des routes ; je ne sais pas si après cela il faut encore imposer de nouvelles charges au pays pour cet objet. Ce n’est donc pas cette considération qui doit nous engager à voter les centimes additionnels.

On a parlé tantôt des patentes, et à cet égard j’ai une observation à présenter à la chambre : tous les petits commerçants sont obligés d’avoir une patente proportionnée à leur débit, mais il est une classe qui échappe au droit de patente, ce sont les grandes sociétés qui s’emparent de l’industrie d’une multitude de commerçants ou d’industriels. Je citerai pour exemple la brasserie nationale qui sera montée de manière à tuer toutes les brasseries de différentes localités, Eh bien, une brasserie nationale, quelle que soit son extension, ne devant payer patente que jusqu’à concurrence de 14,000 hectolitres, il en résultera que la brasserie nationale ne paiera patente que sur ce pied, quoiqu’elle fabriquera plus de dix fois 14,000 hectolitres. C’est là une chose d’autant plus injuste que les frais de fabrication sont beaucoup moindres, proportionnellement pour un seul établissement qui fabrique une quantité donnée, que pour dix établissements qui fabriquent la même quantité. Je n’ai cité que ce seul exemple, mais j’en pourrais citer cinquante du même genre.

M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Messieurs, la brasserie dont on vient de parler n’est pas encore en activité, et par conséquent c’est là un cas que l’on n’a pas pu prévoir. L’observation présentée est bonne pour l’avenir, et nous pourrons ultérieurement modifier la loi des patentes sur différents points, selon que les progrès de l’industrie en démontreront la nécessité ; mais évidemment il n’y a pas lieu de compter, pour 1838, sur les produits qui pourront résulter de ces modifications éventuelles.

Les associations dont on a parlé paient patente en raison de leurs bénéfices, et, sous ce rapport, la loi actuelle n’est pas inefficace. Je ne parle pas toutefois des brasseries à l’égard desquelles il existe en effet un maximum de patentes ; mais c’est là, comme je viens de le dire, un cas nouveau, encore en projet, dont nous pourrons nous occuper ultérieurement.

L’honorable M. Mast de Vries a répondu à l’honorable M. de Mérode que les chemins de fer et les routes se suffisent à eux-mêmes, et qu’il ne faut pas voter des centimes additionnels pour ces objets. En effet, messieurs, il ne s’agit pas de voter des centimes additionnels pour les routes et les chemins de fer ; nous ne demandons pas du tout que la moindre partie de ces centimes additionnels y soit appliquée.

Ces centimes additionnels sont principalement destinés à couvrir les dépenses du budget de la guerre, et il suffit que ces dépenses soient reconnues indispensables pour que les moyens d’y faire face soient par cela même reconnus également indispensables. Or, comme nous sommes convaincus que les crédits demandes par M. le ministre de la guerre sont de la plus absolue nécessité, et que nous espérons que la chambre reconnaîtra cette nécessité au second vote, nous insistons pour obtenir l’intégralité des centimes additionnels.

M. F. de Mérode. - Je dois répondre à l’honorable M. Mast de Vries que ce n’est point exclusivement pour les besoins de la guerre que je demande le vote des centimes additionnels, mais que c’est en même temps pour les autres besoins que j’ai indiqués et auxquels probablement ou plutôt presque certainement nous devrons satisfaire. Si nous accordons à M. le ministre de la guerre les crédits qu’il demande, et s’il parvient à faire des économies sur ces crédits, nous aurons alors quelque chose pour satisfaire aux besoins que j’ai indiqués ; si, au contraire, le ministre est obligé de tout dépenser, alors nous ne les aurons pas. Je ferai remarquer que ces sommes seront toujours appliquées d’une manière presque indispensable.

Quant aux chemins de fer, je n’ai pas dit que c’était pour cet objet que nous demandions les centimes additionnels ; j’ai seulement fait observer qu’on pourrait conduire les voyageurs en voiture à meilleur marché, en leur faisant payer d’autres contributions pour subvenir à ce transport économique. J’ai dit enfin que le chemin de fer devait rapporter plus qu’il ne rapporte en ce moment.

M. Mercier. - On pourrait inférer des paroles de l’honorable M. Demonceau que la section centrale du budget des voies et moyen s’est prononcée d’une manière absolue pour le rejet des cinq centimes extraordinaires sur les contributions directes ; ii n’en est pas ainsi cependant.

M. Demonceau. - Vous n’y étiez pas.

M. Mercier. - J’entends l’honorable M. Demonceau faire l’observation que je n’assistais pas à la section centrale : il est vrai, messieurs, que par suite d’une absence forcée je n’ai pu me trouver la première séance de la section centrale, dont je faisais partie : mais j’étais à la seconde séance, et puisqu’on me force à m’expliquer catégoriquement, je dirai que des six membres qui se sont trouvés réunis, quatre ont subordonné le vote de suppression des centimes additionnels à la possibilité de subvenir, sans cette ressource, aux différents services publics.

Or, messieurs, après que la section centrale des voies et moyens eut pris cette détermination, une autre section centrale a proposé le rejet du projet de loi sur le droit à imposer sur les débitants de boissons.

L’honorable ministre des finances vient de nous démontrer que, si le trésor est privé de ces deux ressources, nous aurons un déficit de 1,940,429 fr. ; les économies qui résultent du premier vote de la chambre sur le budget de la guerre s’élevaient à environ un million de francs.

C’est à tort que je prononce le mot économie quand il s’agit d’une semblable réduction, car il est trop facile de diminuer le chiffre des impôts, quand c’est aux dépens de la sécurité du pays ou par la suppression de quelque service public, d’une utilité reconnue.

J’espère, messieurs, pour la dignité nationale et pour que notre indépendance ne soit soumise à aucune chance fatale, que la chambre ne reviendra pas sur son premier vote. En tout cas, lors même qu’il n’en serait pas ainsi, il n’en resterait pas moins un déficit d’environ 900,000 fr., par suite de la proposition du rejet de la ressource qui devait résulter du droit sur les débitants de boissons. C’est donc là un déficit auquel en tout cas il faudra nécessairement pourvoir.

Or, la section centrale du budget des voies et moyens ayant, ainsi que je l’ai rappelé, subordonné le rejet des centimes additionnels extraordinaires à la possibilité de subvenir aux dépenses de l’Etat, je déduis de ce que je viens d’exposer cette conséquence incontestable que la majorité de la section centrale adopte ces centimes extraordinaires. Il me semble que son vote ne peut pas être interprété d’une autre manière.

On s’est récrié contre l’énormité des impôts. Je ferai de nouveau remarquer que depuis notre révolution nos charges en droits d’accises sont diminuées de 15 à 16 millions de fr. C’est là certes un beau résultat et un grand allégement. Si nous considérons notre situation sous un autre rapport, nous voyons que, suivant l’exposé de M. le ministre des finances, la part contributive par tête, en Belgique, n’est que de 18 fr. 85 c. en impôts réels ; en France, elle s’élève à 32 fr. 18 c. ; en Hollande, elle est, d’après le budget de 31 fr. 20 c., et en Angleterre de 50 fr. Nous ne payons donc que moins de la moitié par individu de la moyenne imposée en Angleterre, et les deux tiers environ de celles de France et de Hollande. Encore est-il à remarquer qu’à l’égard de ce dernier pays je n’ai pas tenu compte des revenus du syndicat d’amortissement qui sont très considérables, mais que je ne connais pas exactement.

Messieurs, on vous a parlé des impositions communales et provinciales qui augmentent le chiffre moyen de nos impôts. Je ferai remarquer que ces impositions existent également dans les autres pays. Comme dans le calcul des charges publiques on y fait abstraction des impositions communales et provinciales, nous devons également faire abstraction des impositions de cette nature dans la comparaison que nous faisons entre notre pays et les pays voisins.

M. Eloy de Burdinne. - M. le ministre des finances vient de vous dire qu’en imposant différentes autres denrées, les ressources du trésor seraient ajournées, et que c’était immédiatement qu’il fallait de l’argent.

Mais, messieurs, vous savez tous comme moi qu’il existe dans les caisses de la société générale une somme de 7 à 8 millions due au gouvernement belge, représentant le gouvernement hollandais sous le rapport de la liste civile, et par suite de la cession des propriétés que l’on a faite à la banque.

Dès l’an dernier, l’on nous a soumis une proposition, tendant à nous faire prononcer sur la question de savoir si nous acquerrions cinq mille hectares de forêt ; il y avait même à cet égard une convention signée par M. le ministre des finances et par M. le gouverneur de la banque. Si cette question était résolue affirmativement, si la législature consentait à acquérir les 5,000 hectares de bois, il n’y a pas de doute que le capital ne fût absorbé. Mais si cependant les chambres se prononçaient dans un délai très rapproché sur la question, l’on aurait 6 à 7 millions qui mettraient le gouvernement à même d’atteindre jusqu’à l’année prochaine, pour percevoir les impôts qu’on frapperait sur différentes denrées, et par ce moyen l’on éviterait de grever les contributions de nouveaux centimes additionnels.

Un honorable préopinant nous a reproché d’avoir un système étroit lorsqu’il s’agissait d’imposer le pays. Je lui répondrai que lorsqu’il s’agit des dépenses, il a, lui, un système trop large. En vérité, cet honorable membre paraît être atteint de la fièvre des dépenses ; il ne rêve que cela. Il vous a entretenus d’une marine militaire ; ce n’est pas le moment de lui répondre à cet égard ; lorsque la question sera à l’ordre du jour, nous tâcherons de nous en occuper.

Le même honorable membre vous a dit encore que depuis la révolution il avait été fait une réduction de 15 millions. Eh bien, je ferai remarquer que si l’on a opéré une diminution de 15 millions, certainement elle n’a pas eu lieu au profit de l’agriculture ou de la propriété. Jamais on ne pense à la propriété que quand il s’agit de la frapper d’impôts. Et à cette occasion, je vous ferai remarquer que l’impôt foncier est parvenu à un tel point que, par suite des produits résultant du prix des grains depuis 5 ans, la propriété des terres labourables est imposée à raison de 33 p. c. de son revenu réalisable.

Je sais qu’il est fort dangereux de toucher au système des douanes. Cependant je crois qu’il est bien des points sur lesquels l’attention de la chambre devrait se porter ; il ne s’agit que de faire la comparaison entre notre système de douanes et le système français. M. le ministre des finances vous a dit aussi qu’il était dangereux de toucher à cette question, parce qu’il s’y rattachait des discussions interminables, et des difficultés infinies. J’en conviens, nous avons passé beaucoup de temps à la discussion de la loi modificative du tarif des douanes ; mais je ferai remarquer à mon tour à M. le ministre que les propositions que le gouvernement nous a soumises à cet égard, ne tendaient pas à augmenter les revenus de l’Etat.

Je ne puis qu’engager le gouvernement à revoir le tarif des douanes, car en thèse générale, ce tarif a été confectionné par le gouvernement précédent, sous l’influence d’idées que le gouvernement actuel ne doit pas partager. C’est ainsi que ce tarif tendait à favoriser le haut commerce et la navigation, exclusivement aux producteurs du pays ; généralement on cherchait à frapper ceux-ci d’impôts.

Il est encore d’autres dispositions au tarif des douanes qui se rapportent à l’industrie et qui pourraient être également modifiées. C’est ainsi que sous le rapport du charbon de bois, produit de notre sol, il y avait, si ma mémoire est fidèle, un impôt de 2 p. c., tandis que la sortie était frappée d’un droit de 6 p. c.

Au surplus, comme la question n’est pas à l’ordre du jour, je m’abstiendrai de faire d’autres observations ; mais toujours est-il que le gouvernement peut très bien faire face à ses dépenses, par le moyen que je viens de suggérer, sans devoir augmenter le chiffre des impôts qui, je le répète, est déjà trop pesant sur la propriété foncière, puisqu’il s’élève à 33 p. c. du revenu net réalisable.

M. F. de Mérode (pour un fait personnel). - M. Eloy de Burdinne m’accuse d’avoir la fièvre des dépenses. Je voudrais bien savoir sur quoi se porte cette fièvre de dépenses ; il serait extrêmement difficile, je pense, de dire en quoi elle consiste. Ai-je, par exemple, la fièvre des dépenses, parce que j’appuie la demande de l’augmentation d’un million pour la défense du pays, alors que plus tard, si nous nous abstenions actuellement de ce surcroît de dépense, nous aurions à sacrifier 10, 15, 50 millions peut-être pour prévenir la déconfiture du pays ? Je défie qu’on me cite une seule dépense que j’aie provoquée ou appuyée et qui ne fût réellement utile au service public.

M. Eloy de Burdinne (pour un fait personnel). - Je dirai à M. de Mérode que ce n’est pas relativement au million demandé pour le service de la guerre que je lui ai adressé mon observation ; mais dans toutes les circonstances M. de Mérode court tous les bancs, pour engager les députés à voter les dépenses.

M. le président. - Je ferai observer à M. Eloy de Burdinne que ces paroles sont peu parlementaires.

M. Demonceau, rapporteur. - Messieurs, je tâcherai de rétablir mes paroles que M. Mercier n’a pas bien comprises. J’ai dit qu’il était difficile à un rapporteur qui se présentait à la chambre avec l’unanimité des voix de la section centrale, de se défendre, alors que des membres de cette section centrale venaient proposer des augmentations, tandis qu’ils avaient voté des réductions au sein de la section.

Puisque M. Mercier désire que ce qui s’est passé à la section centrale soit connu, je vais le dire en peu de mots.

J’ai rédigé mon rapport après avoir été nommé rapporteur.

M. Mercier s’est présenté alors que j’avais adouci un passage de mon rapport ; j’ajoutais des expressions plus fortes que celles qui y sont consignées. Les voici page 3.

Je disais que s’il n’y avait pas possibilité de couvrir les dépenses sans centimes additionnels, je les voterais.

Voici ce que porte le rapport :

« Votre section centrale a été d’avis de supprimer les cinq centimes additionnels ajoutés aux centimes extraordinaires ; toutefois des membres ont subordonné leur vote à la condition qu’il soit démontré que sans cette augmentation, ou sans autres moyens de couvrir les dépenses, il sera possible de réduire le chiffre proposé par le gouvernement. »

Si M. Mercier a marché d’une autre manière que moi, il peut voter ces centimes additionnels. Moi qui ai voté pour une augmentation du produit du sucre et pour la réduction des dépenses du département de la guerre, j’ai usé des moyens qui pouvaient rendre les centimes additionnels inutiles. Mais il est possible que le préopinant ait cru que ces dépenses étaient indispensables, alors il doit trouver que les centimes additionnels sont nécessaires ; comme je le ferais si je pensais que les dépenses de la guerre sont nécessaires.

- La clôture de la discussion générale est mise aux voix et prononcée.

M. le président. - Nous allons passer à la discussion du tableau.

M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Je pense qu’auparavant il faut s’occuper de la loi d’abonnement sur le débit des boissons distillées. On pourrait ne le faire que quand on arrivera au chiffre du budget qui concerne cet objet, mais il paraît plus logique de décider d’abord si on aura 900,000 francs là ou non, car si vous les repoussiez, ce serait une raison de plus pour voter les centimes additionnels. Il est donc tout à fait logique de commencer par cette loi spéciale.

M. Dubus (aîné). - Je demande qu’on commence par l’article de la contribution foncière que nous venons de discuter. Dans la discussion qui vient d’avoir lieu, ce qui a frappé, c’est cette augmentation de l’impôt foncier. Occupons-nous-en dans l’ordre du tableau ; nous nous occuperons des boissons distillées quand nous en serons à l’article qui les concerne ; ce point peut donner lieu à une discussion assez longue que nous ne terminerions pas aujourd’hui.

M. le ministre des finances (M. d’Huart). - On ne terminera pas le budget des voies et moyens aujourd’hui, et je désire que la discussion s’en continue aussi longtemps qu’elle sera jugée nécessaire. Je ne m’oppose pas à ce qu’on suive la marche proposée par M. Dubus, pourvu que ce soit avec la réserve qu’on ne s’occupera pas des 5 centimes additionnels, qu’on laissera cette question intacte jusqu’à ce qu’on ait décidé celle concernant les débitants de boissons distillées : voilà ce que je demande.

Pour demain vous avez mis à l’ordre du jour le budget de la guerre ; quand vous aurez donné à ce département les sommes qu’il réclame, nous trouverons un moyen inexpugnable pour décider la question des centimes additionnels.

M. Demonceau. - M. le ministre se trompe, on peut facilement voter dès à présent sur les centimes additionnels, sauf à revenir sur la question s’il y a lieu. Je suppose que les centimes additionnels ne soient pas admis, ce sera un amendement, et si demain le budget de la guerre subit une augmentation au second vote du budget des voies et moyens nous pourrons revenir sur les centimes additionnels.

M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Messieurs, pourquoi avons-nous insisté pour que le budget de la guerre soit voté avant celui des voies et moyens ? C’est évidemment pour arriver au résultat que vient d’indiquer le ministre des finances. Il est donc de toute nécessité d’ajourner le vote des 5 centimes additionnels après le vote définitif du budget de la guerre. Cette marche est toute rationnelle, toute logique, conforme aux résolutions que vous avez prises sur l’ordre de la discussion des budgets.

Je pense qu’on devrait, ainsi que l’a proposé M. le ministre des finances, discuter la loi sur les boissons distillées, puisque d’après l’exposé des motifs elle doit être discutée avant le budget des voies et moyens. Vous avez procédé de même à l’égard de la loi sur les sucres ; je demande donc, d’accord avec mon collègue, que vous soyez conséquents avec vos décisions et que vous persistiez dans la marche que vous avez adoptée.

M. Dumortier. - Depuis l’ouverture de la discussion, on n’a discuté qu’un point, ce sont les centimes additionnels. Pourquoi veut-on maintenant écarter cette proposition ? Parce qu’on veut faire voter d’abord les augmentations demandées au budget de la guerre pour ensuite faire adopter les centimes additionnels. C’est l’inverse que nous devons faire ; nous devons voir d’abord si nous voulons augmenter les impôts ; quand nous aurons fait cela, nous verrons ce que nous devrons faire. La corrélation est la même. Il est absurde, quand nous discutons depuis trois heures sur les centimes additionnels, d’ajourner la décision pour s’occuper d’une autre question. La motion dont il s’agit, si elle était adoptée, serait la perturbation de la discussion.

Une chose à remarquer, c’est que l’objet dont parle M. le ministre n’est pas à l’ordre du jour. Comment voulez-vous que nous arrêtions la discussion dans laquelle nous sommes engagés pour entrer dans une discussion nouvelle qui n’est pas à l’ordre du jour ? Vous savez qu’on a demandé qu’on discutât le budget des voies et moyens en postposant les lois sur les débitants de boissons et sur le timbre qu’on ajournerait.

Je suis d’autant plus partisan de cet ajournement, que si nous commencions la discussion de ces deux lois, nous serions encore ici dans quinze jours. Depuis trois mois que nous sommes ici, nous n’avons pas encore pu retourner dans nos familles. Je ne comprends rien à cela, c’est nous qui sommes toujours ici présents qui demandons le congé, et ceux qui s’opposent à ce que nous le prenions, sont constamment absents, ne travaillent jamais. Il serait absurde de se soumettre à une pareille exigence. Je demande qu’on vote le budget des voies et moyens et qu’on ajourne jusqu’à notre retour les deux lois dont je viens de parler. Il serait imprudent d’entamer la discussion d’un objet qui n’est pas à l’ordre du jour. Je demande qu’on vote sur ce qui est à l’ordre du jour.

Je demande qu’on ferme la discussion après que M. le ministre aura parlé, pour ne pas perdre le reste de la séance.

M. Coghen. - Il est rationnel de remettre après le budget de la guerre le vote des centimes additionnels, il est évident que les centimes additionnels ne seront pas nécessaires si l’économie votée est maintenue au second vote.

Je comprends la pensée du ministre des finances qui désire qu’on passe à la discussion de la loi d’abonnement des débitants de boissons. Si le budget de la guerre était maintenu au deuxième vote tel qu’il a été voté au premier, les centimes additionnels deviendraient inutiles ; mais aussi, si la loi sur les débitants de boissons n’était pas adoptée, il est de fait que le ministre, pour régulariser ses colonnes de chiffres, doit persister dans la demande de 5 centimes, tant qu’on n’indique pas d’autre moyen pour subvenir aux besoins de l’Etat.

M. le ministre des finances (M. d’Huart). - L’honorable M. Dumortier est complétement dans l’erreur quand il prétend que la loi sur les débitants de boissons distillées n’est pas à l’ordre du jour. Nous discutons le budget des voies et moyens, et dans ce budget, il y a un chiffre de 900,000 fr., que nous ne pouvons pas aborder, sans nous fixer auparavant sur la base qui le produit. Cette base est cette loi même qu’on voudrait éluder. L’honorable membre n’est donc pas fondé à dire qu’elle n’est pas à l’ordre du jour. Au surplus, il a été décidé par la chambre que le projet d’abonnement serait discuté avant le budget des voies et moyens ; cette décision a été prise sur la proposition de M. Devaux.

M. Dumortier n’est pas en ce moment d’accord avec M. Devaux, car celui-ci demandait qu’on s’occupât successivement des articles du tableau, et qu’on discuterait celui de l’impôt projeté d’abonnement, quand on en serait à l’article qui le concerne.

Ainsi c’est cette question qu’il faut d’abord traiter.

Si contrairement à notre opinion vous maintenez votre premier vote dans le budget de la guerre, il pourra y avoir quelque doute sur la nécessité des centimes additionnels ; je dis qu’il pourra y avoir quelque doute, car, ainsi que l’a fait remarquer l’honorable M. Coghen, vous ne serez pas dispensés de les voter si vous rejetez la loi relative aux débitants de boissons distillées ; car, dans le cas du rejet de cette loi, nous aurons besoin de centimes additionnels.

Ainsi vous voyez que cette question doit rester la dernière, car elle n’est qu’une conséquence de décisions préalables qui doivent être prises.

M. Dubus (aîné). - M. le ministre des finances a opposé à mon honorable ami que je reconnaissais que la loi relative aux abonnements était à l’ordre du jour. Je ne me suis aucunement expliqué sur ce point ; je n’ai pas vérifié si cette loi est à l’ordre du jour ; mais comme M. le ministre des finances demandait que l’on commençât par là, j’ai supposé qu’elle était à l’ordre du jour, et j’ai demandé qu’on suivît l’ordre du tableau, qu’on commençât par l’impôt foncier, et par la question des centimes additionnels. A cet égard je dois déclarer que la chambre admît-elle au second vote les augmentations demandées par le gouvernement au budget de la guerre, je regarderai encore comme impossible de voter des centimes additionnels à l’impôt foncier. Je crois que la perception de ces centimes additionnels serait impossible dans le Hainaut et qu’il faudrait chercher un autre moyen que celui-là.

M. Devaux. - On vous demande des impôts extraordinaires ; pour savoir si ces impôts extraordinaires sont nécessaire, il y a deux choses à savoir : la première, quelles sont les dépenses à faire ; la seconde, quels sont les impôts ordinaires. Or, vous ne pouvez voter les dépenses que quand vous aurez voté définitivement le budget de la guerre ; vous ne pouvez connaître quels sont les impôts ordinaires que quand vous aurez voté les divers articles du budget des voies et moyens et l’article relatif à l’impôt sur les débitants de boissons distillées que l’on présente comme impôt ordinaire. C’est donc là l’ordre de discussion que vous devez suivre, en réservant pour la dernière la question de l’impôt extraordinaire, c’est-à-dire des centimes additionnels.

M. Berger. - M. le ministre des finances a prétendu qu’il fallait commencer par voter les dépenses parce que nous devrions ensuite voter les centimes additionnels.

M. le ministre des finances (M. d’Huart). - J’ai dit que la chambre devrait voter un moyen quelconque de faire face aux dépenses.

M. Berger. - J’avais compris que nous serions obligés de voter les centimes additionnels, ce que je ne saurais admettre ; car je crois que nous pouvons voter les dépenses et rejeter les centimes additionnels. Dans ce cas ce sera à M. le ministre des finances à proposer un autre moyen de recette.

Si l’opinion de la majorité de la chambre est qu’il faut revenir sur les chiffres adoptés au premier vote dans le budget de la guerre, ne pouvons-nous pas revenir par exemple sur la loi des sucres et faire produire 2 ou 3 millions à cette branche d’impôt qu’il a plu à M. le ministre des finances d’annihiler à peu près ? Je cite cela comme exemple, et pour dire que je ne doute pas que M. le ministre des finances n’avise à un autre moyen de recettes dans le cas de rejet des centimes additionnels. Je pense même qu’il est logique et très convenable de voter maintenant sur la proposition de centimes additionnels, sauf au ministre à aviser à d’autres moyens de recettes si cette proposition est rejetée et si le budget de la guerre est augmenté.

M. le ministre des finances (M. d’Huart). - En disant qu’il fallait d’abord voter les dépenses pour s’occuper ensuite des moyens d’y faire face, je n’ai pas dit qu’il fallût voter spécialement les cinq centimes additionnels ; j’ai prétendu que lorsque l’on aurait fixé les dépenses, il faudrait bien procurer le moyen d’y faire face.

L’honorable préopinant est revenu sur la question des sucres et a dit que j’avais annihilé un revenu public de 3 ou 4 millions, d’où résultait actuellement l’embarras dans les voies et moyens. Eh bien, dans la question des sucres j’ai obtenu tout ce que je demandais au budget des voies et moyens. J’y ai proposé, en premier lieu, le chiffre de 800,000 francs, et quand nous arriverons à cet article, je démontrerai qu’avec la loi qui a été votée, nous ne serons pas en dessous de cette prévision.

Je ne comprends pas quel avantage on prétend trouver à voter immédiatement les centimes additionnels, sinon de préjuger la question des réductions du budget de la guerre et de lier en quelque sorte la chambre de manière qu’elle doive demain adopter définitivement ces réductions. Or, ce n’est pas de cette manière que la chambre doit procéder, elle doit rester en pleine liberté d’admettre les sommes qui sont nécessaires à la guerre, sauf à subir ensuite toutes les conséquences de cette nécessité dans les voies et moyens.

Plusieurs membres demandent que demain la séance commence à dix heures du matin ; d’autres, qu’elle commence à onze heures. Presque tous les représentants ont quitté leurs banquettes, et l’on procède à l’appel nominal pour décider cette question.

- Les 63 membres présents, à l’unanimité, décident que la séance commencera demain à onze heures du matin.

La séance est levée à quatre heures.