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Chambre des représentants de Belgique
Séance du mardi 20 mars
1838
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre
2) Projet de loi modifiant les droits sur les
fils de lin (A. Rodenbach, de
Muelenaere)
3) Interpellation relative à l’acceptation du
traité des 24 articles par le roi Guillaume (d’Hoffschmidt,
de Theux, Dumortier)
4) Projet de loi modifiant les droits sur les
fils de lin (Rogier, de Foere, A. Rodenbach, Lardinois, Lebeau, A. Rodenbach, de Langhe, Desmaisières, Desmet, Lardinois, Eloy de Burdinne, de Jaegher, Eloy de Burdinne, Rogier, Lebeau, Desmet, de Brouckere, d’Huart, Coghen, Desmet, A.
Rodenbach, d’Huart, Desmet, de Theux, Desmet, Lardinois, de Langhe, Desmaisières, de Theux, A. Rodenbach, Verdussen, Eloy de Burdinne, d’Huart, Desmet, Smits, d’Huart)
(Moniteur belge n°80, du 21 mars 1838)
(Présidence
de M. Dubus (aîné), vice-président.)
M.
de Renesse procède à l’appel nominal à une heure.
M.
Kervyn lit le procès-verbal de la séance précédente ;
la rédaction en est adoptée.
M.
de Renesse fait connaître l’objet des pièces adressées à
la chambre.
PIECES ADRESSEES A LA CHAMBRE
« Des
bateliers de la rivière d’Ourthe demandent l’achèvement ou la suppression des
ouvrages d’art du cantonnement de Liège à Barvaux. »
________________
«
L’administration communale de Flostoy demande que cette commune soit distraite
de la justice de paix de Ciney et de l’arrondissement de Dinant, pour être
réunie au canton d’Andenne. »
________________
« Le conseil communal de Denderleeuw demande
que la chambre adopte la proposition de M. C. Rodenbach, relative à la nouvelle
circonscription de la Flandre orientale. »
________________
-
Ces trois pétitions sont renvoyées à la commission des pétitions.
________________
« Des cultivateurs de l’arrondissement de
Nivelles adressent des observations sur le projet d’imposer le lin à la sortie.
»
-
Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi relatif aux fils de
lin.
________________
« Des fabricants de tabac de Liége
adressent des observations sur le projet de loi relatif au tabac. »
-
Cette pétition sera déposée sur le bureau, pendant la discussion du projet de
loi sur la matière.
PROJET DE LOI MODIFIANT LES DROITS SUR LES FILS DE LIN
M.
le président. - Plusieurs amendements ont été proposés, et
développés et appuyés dans la séance d’hier.
Amendement
de M. de Nef : « Le fil écru et blanc, qui sera déclaré au bureau
d’Henri-Chapelle et dont la mesure sera de 1,462 mètres et au-dessus par
hectogramme, est exempt de droit à l’entrée. »
« Fil
simple écru, n°1 à 30 (anglais), à 20 fr. les 100 kil.
« Fil
simple écru, n°31 à 60 (anglais), à 25 fr. les 100 kil.
« Fil
simple écru, n°61 et au-dessus, à 30 fr. les 100 kil.
« (Celui
de mulquinerie excepté.) »
M.
Verdussen a proposé le maintien du mode de perception à la valeur, et il a
demandé que la chambre prononçât préalablement sur le mode.
M.
A. Rodenbach. - Messieurs, à la fin de la séance d’hier,
j’ai demandé la parole pour répondre quelques mots à l’honorable député
d’Alost. Je conviens avec l’honorable M. Desmet que les toiles des Flandres
sont les plus belles et les plus solides qui soient confectionnées en Europe.
Tout en convenant de cette vérité, il n’en est pas moins vrai que notre
débouché à l’extérieur est considérablement diminué.
Messieurs,
je l’ai déjà dit dans la séance d’hier, les Anglais ont exporté pendant les
dernières années jusqu’à près de 100 millions de toiles et de fils de lin. Cet
accroissement est véritablement effrayant. C’est la Belgique qui autrefois
avait pour ainsi dire ce débouché. Lorsqu’on examine les rapports des
exportations de l’Angleterre, on remarque que déjà en 1834 (et aujourd’hui elle
en exporte davantage), qu’en 1834, dis-je, l’Angleterre a envoyé aux Etats-Unis
pour 25 millions de toiles, et au Brésil pour près de 7 millions ; enfin elle a
expédie l’année dernière pour 50 millions en Amérique. Et notez bien que
c’était la Belgique qui faisait exclusivement ce commerce dans le
Nouveau-Monde.
Il
est donc certain que nous devons changer de système, nous devons être à la
hauteur du siècle. On l’a dit, messieurs, le siècle est en marche ; nous ne
pouvons pas nous arrêter : nous devons marcher avec le siècle. Nous devons,
tout en convenant que nos toiles sont plus belles et plus solides que les
toiles anglaises ; nous devons aussi confectionner de la toile anglaise. Nous
avons dans notre pays le lin, les frais de fabrication ; nous avons tout ; nous
pouvons faire des machines, nous sommes donc en position de soutenir la
concurrence avec l’Angleterre. Puisque nous sommes en cette position, l’intérêt du pays exige
impérieusement qu’on se mette à l’œuvre ; il y va de la prospérité de la
richesse du pays, car la grande richesse de la Belgique vient de l’industrie
linière.
Je
dis donc que nous devons fabriquer les deux espèces de toiles ; nous devons
continuer à confectionner, comme nous le faisons depuis des siècles, nos belles
et bonnes toiles des Flandres, mais nous devons aussi fabriquer de la toile
anglaise, que la mode recherche et que les Anglais trouvent le moyen de vendre.
Si les Anglais peuvent la vendre, nous, avec notre matière première, nous
devons pouvoir soutenir la concurrence avec les Anglais.
Mais,
tout en convenant de la nécessité de fabriquer aussi les toiles d’après le
système anglais, je ne demande pas pour cela protection pour la fabrication à
la mécanique. D’abord, cette industrie n’a pas besoin de protection, car elle
est puissante ; il n’y a que les faibles qui aient besoin d’être protégés ; ce
sont nos 400,000 fileuses des Flandres qui doivent être protégées ; mais je le
répète, la fabrication à la mécanique n’a pas besoin de protection, cette
industrie se protège par sa puissance même ; demander protection pour cette
fabrication reviendrait à réclamer une protection financière pour M.
Rothschild, ou pour la grande banque de Bruxelles : c’est le faible, et non le
fort qu’il faut protéger.
Messieurs,
nous devons surtout protéger les fils qui sont fabriqués à l’intérieur ; mais
ce droit doit être raisonnable ; car si nous allons trop loin, nous pourrions
nuire à certaines industries. L’amendement qui a été présenté par un honorable
député de Turnhout n’obtiendra pas mon assentiment, je l’ai déjà combattu hier
; cet amendement constituerait une espèce de privilège, il ne peut dès lors
être admis. D’ailleurs, il serait impossible de faire cette perception à la
douane.
L’amendement de l’honorable député d’Alost qui
demande qu’on perçoive le droit par numéros à l’entrée est également
impraticable ; j’en appelle aux honorables membres de cette chambre qui ont des
connaissances spéciales en matière de douanes, et ils vous diront que
l’industrie qui est si vigilante trouvera moyen de faire passer les numéros
moyens pour des numéros fins ; cet amendement créerait donc un appât à la
fraude ; je crois donc qu’il est également inadmissible.
Je
voterai pour le mode à la valeur qui, selon moi, est le seul praticable dans
l’espèce. Je sais bien qu’on peut objecter que les déclarations sont d’un tiers
au-dessous de la véritable valeur. On nous a dit que le commerce, même honnête,
faisait de semblables déclarations. Eh bien, rien n’empêche que nous ne
fassions le tarif en conséquence ; nous n’avons qu’à augmenter d’un quart le
droit que nous voulons faire percevoir.
Je
voterai donc pour le chiffre qui protège le fil à l’entrée.
M.
de Muelenaere. - Messieurs, dans la séance d’hier, M. le
ministre de l’intérieur a fait ressortir les contradictions qui semblent
résulter de la combinaison de plusieurs rapports de chambres de commerce. M. le
ministre a particulièrement insisté sur la différence qui existait entre le
rapport de la chambre de commerce de Bruges et le rapport de la chambre de
commerce de Courtray.
En
effet, messieurs, la chambre de commerce de Bruges ne propose sur les fils
écrus qu’un droit de 15 francs, et sur les fils blancs, teints et tors, un
droit de 30 francs par 100 kilog. Mais je ferai remarquer que la chambre de
commerce de Bruges ajoute elle-même que c’est en considération des motifs
énonces dans la réclamation des fabricants de toiles à carreaux qu’elle ne
propose que ce droit. Or, un de nos honorables collègues a déjà proposé un
amendement pour faire droit aux réclamations des fabricants de toiles à
carreaux.
Il
est à remarquer que le droit de 15 francs sur les fils écrus, et celui de 30
francs sur les fils blancs, teints et torts, perçus au poids, ne sont évalués
par la chambre de commerce de Bruges qu’à 10 p. c. à la valeur. La chambre de
commerce de Courtray, au contraire, propose des droits infiniment plus élevés
au poids, et cependant ce collège n’évalue ces droits qu’au taux de 8 p. c. à
la valeur.
Messieurs,
si cette contradiction était réelle, je crois qu’on devrait se tenir de
préférence au chiffre qui a été proposé par la chambre de commerce de Courtray.
Et en effet, le commerce des fils est un commerce d’une haute importance dans
la ville et dans l’arrondissement de Courtray. Il est à ma connaissance que
plusieurs membres de la chambre de commerce de Courtray ont fait autrefois le
commerce des fils ; dès lors ce commerce leur est très familier, leur est
parfaitement connu.
Indépendamment
de cela, je puis encore affirmer que les droits que propose la chambre de
commerce de Tournay, et qui ne sont évalués qu’à 8 p.c. à la valeur, sont le
résultat d’expériences répétées, et je pense que les contradictions dont il
s’agit sont beaucoup plus apparentes que réelles, et qu’elles proviennent
uniquement de ce que, pour arriver à ce résultat, on a opéré sur des fils de
qualités et de prix entièrement différents. Et en effet, quand on prend pour
base de cette opération des fils de qualités et de prix essentiellement
différents, il faut inévitablement, en fixant le droit au poids, arriver à des
résultats qui sont dissemblables, si vous voulez réduire ce droit en un droit à
la valeur.
Quoi
qu’il en soit de ces avis des chambres de commerce, assez difficiles à
concilier pour les personnes qui n’ont pas une grande habitude de ces affaires
(et je vous avoue que pour moi j’ai eu quelque peine à les concilier), quoi
qu’il en soit, dis-je, il faut convenir qu’il en résulte une vérité : c’est
qu’il sera très difficile d’établir un droit uniforme au poids, et que ce droit
devra être établi d’après des numéros, c’est-à-dire d’après des qualités
différentes, et qu’en agissant de cette manière, on agira d’après l’avis émis
par les diverses chambres de commerce qui ne diffèrent dans leurs propositions
que parce qu’elles ont pris pour base de leurs opérations des articles
différents.
D’après
cela, je serais disposé à adopter l’amendement présenté par M. Desmet, qui
consiste à diviser les fils en catégories, en classes, et à varier le droit
suivant la classe à laquelle les fils appartiennent. Je crois que de cette
manière nous parviendrons à faire une application plus juste du nouveau tarif ;
nous n’aurons pas pour une espèce de fil un droit écrasant, un droit équivalent
peut-être à la prohibition, tandis que pour d’autres nous n’aurons pas un droit
suffisamment protecteur, si nous adoptons un droit uniforme perçu au poids sur
les fils. Je bornerai là mes observations pour le moment, parce qu’il m’a
semblé qu’on était généralement disposé à établir un droit et qu’on ne
différait d’opinion que sur la question de savoir de quelle manière il fallait
l’établir. Je pense que le moyen le plus juste est de l’établir au poids, en
adoptant des catégories.
INTERPELLATION RELATIVE A L’ACCEPTATION DU TRAITE DES
24 ARTICLES PAR LE ROI GUILLAUME
M.
d’Hoffschmidt. - Messieurs, la nouvelle publiée depuis hier
par les journaux, que le roi Guillaume aurait accepté les 24 articles, est
d’une trop grande importance pour que la nation et la chambre ne désirent pas
connaître si le gouvernement a reçu des communications officielles à cet égard,
et je viens demander à MM. les ministres qu’ils veuillent bien s’en expliquer.
Mon
unique but, en faisant cette interpellation, est de tirer le public de
l’incertitude pénible dans laquelle il est encore sur un événement politique
qui serait de la plus haute gravité pour le pays.
Mon intention n’est pas, et ne sera sans doute
celle d’aucun de nous, de faire naître en cette occasion une discussion sur
notre situation actuelle vis-à-vis de la Hollande ; une semblable discussion
serait prématurée et peut-être imprudente, en supposant même que la nouvelle de
l’acceptation des 24 articles soit officielle et sans restriction.
Je
dirai seulement aujourd’hui que, dans tous les cas, cette acceptation ne
pourrait amener, en 1838, les résultats déplorables qu’elle eût pu entraîner en
1831 ; car, messieurs, bien des faits sont venus, depuis cette époque, changer
notre situation politique, et j’aime à me persuader que le gouvernement saura
s’en étayer pour défendue le droits sacrés de tous les Belges, à quelque prix
que ce soit.
M. le ministre de
l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux).
- Messieurs l’honorable préopinant vient de demander si le gouvernement belge
avait reçu la nouvelle officielle que le gouvernement néerlandais aurait
accepté purement et simplement le traité des 24 articles.
Le
gouvernement n’a pas reçu d’avis officiel, mais un avis officieux. Le
gouvernement néerlandais n’a pas encore accepté le traité des 24 articles, mais
il s’est montré disposé à l’accepter.
Voilà
le seul renseignement que nous puissions donner à la chambre.
En
ce qui concerne la réserve que l’honorable préopinant a mise dans son
interpellation, je ne puis qu’engager la chambre à l’imiter. Elle se rappellera
que dans une circonstance récente la réserve qu’elle a apportée dans une
discussion relative à une affaire diplomatique, a laissé au gouvernement toute
la liberté dont il avait besoin pour négocier, et que le résultat de la
négociation a été satisfaisant.
M.
Dumortier. - Je suis certainement du nombre de ceux qui
partagent l’opinion que dans des circonstances comme celles-ci on doit user de
la plus grande réserve. J’aurais désiré plus, j’aurais désiré que dans la
circonstance grave dans laquelle le pays se trouve, et en présence des dangers
qu’il y aurait à appeler la publicité sur certains faits que je me proposais de
signaler, j’aurais désiré, dis-je, que la chambre se formât en comité secret
pour avoir du gouvernement des éclaircissements qu’il ne pourrait pas nous
donner en séance publique. Puisqu’il n’en a pas été ainsi, je crois devoir
ajouter quelques mots à l’interpellation de l’honorable M. d’Hoffschmidt.
Le
gouvernement, dit M. le ministre des affaires étrangères, n’a pas reçu d’avis
officiels, mais l’information officieuse que le gouvernement hollandais se
montrait disposé à accepter les 24 articles. Ici de graves questions se
présentent, et je dirai en premier lieu que celle qui me frappe le plus, c’est
de savoir si le gouvernement hollandais peut encore signer purement et
simplement le traité des 24 articles. Evidemment non, il ne le peut pas, car le
traité des 24 articles a été rédigé dans des circonstances différentes de
celles où nous nous trouvons et contient des stipulations qui ne pourraient
plus exister aujourd’hui. Dès lors, un traité faisant un tout indivisible, si
une seule stipulation cessait d’exister, ce serait un nouveau traité à faire,
et pour cela, le gouvernement a besoin de l’intervention de la législature.
Le
gouvernement doit bien se pénétrer d’une chose, c’est qu’il ne peut pas faire
un traité avec la Hollande, comme l’indique la convention du 21 mai, sans
l’intervention de la législature. Alors nous aurons à examiner quelles sont les
bases d’après lesquelles sera réglée notre séparation d’avec la Hollande.
Le
traité du 15 novembre ne contient pas seulement 24 articles, il y a un 25ème
article stipulant un engagement que prenaient à cette époque les puissances
contractantes d’amener l’exécution du traité dans un bref délai. Les puissances
n’ont pas rempli leurs promesses, n’ont pas exécuté, quoique cela leur fût
possible, la stipulation qui les liait ; reste à savoir jusqu’à quel point les
dispositions de ce traité qui devaient nous lier sont encore obligatoires pour
nous. C’est une chose reconnue en droit des gens, qu’un traité n’est réel que
quand il a été exécuté. Or, celui dont il s’agit n’a pas été exécuté ; donc il
ne peut être considéré que comme un projet. Puisqu’il faut qu’un traité
intervienne tôt ou tard entre la Belgique et la Hollande, le gouvernement, je
le répète, doit bien se pénétrer qu’il a épuisé son mandat dans la convention
de novembre 1831, et que, pour conclure un nouveau traité, il lui faut un
nouveau mandat de la législature.
M.
le président. - Si personne ne demande plus la parole, nous
reprendrons la discussion sur le droit d’entrée des fils de lin.
PROJET DE LOI MODIFIANT LES DROITS SUR LES FILS DE LIN
M.
Rogier. - La discussion a roulé sur la base à adopter
pour le nouveau droit dont on frapperait le fil étranger à l’entrée en
Belgique. Jusqu’ici je dois dire qu’il ne m’a pas été démontré qu’il était
nécessaire d’établir un nouveau droit sur le fil étranger à l’entrée en
Belgique, d’élever le droit existant, de changer le système actuel.
J’avais
présenté quelques chiffres auxquels il n’a pas été donné de réponse, j’avais
cité quelques faits auxquels il n’a pas été répondu non plus. J’ai demandé de
quoi se plaignaient les fileurs à la main. Etait-ce d’une importation
considérable de fils étrangers ? J’ai démontré que ces importations qui avaient
été insignifiantes de 1830 à 1835, s’étaient élevées en 1837 à 1,200,000 fr.,
mais que les exportations avaient dépassé cette somme. Je demande si en partant
de cette base officielle, on a raison de soutenir que les fils étrangers font
une concurrence fatale aux fils indigènes.
Je
le répète, la valeur des fils étrangers importés en 1837, année dans laquelle
le chiffre des importations a été le plus élevé, cette valeur n’a été que de
1,200,000 fr. Et de quoi se composent ces importations ? D’espèces
particulières qui ne font pas concurrence aux fils indigènes et qui sont
indispensables à une grande variété d’industries que vous frapperiez dans leurs
matières premières en frappant ces espèces de fil.
Dans
leurs pétitions, ceux qui exercent ces industries demandent que leurs intérêts
soient aussi respectés. Ils vous disent que si vous élevez le droit sur les
fils étrangers, vous rendez leurs moyens de fabrication plus coûteux et vous
les empêchez de concourir à l’étranger avec les fabricats similaires de
l’étranger ; vous restreignez le placement de leurs produits au marché
intérieur. On n’a pas répondu un seul mot à tout cela.
On
paraît disposé à admettre l’amendement de M. de Nef, à faire une exception en
faveur des fils allemands destinés à la fabrication des coutils. Mais pour les
fils qui servent à la fabrication des articles qui se font à Bruxelles, à
Alost, à Ninove, à Bruges, à Courtray, a-t-on trouvé un remède ? Peut-on aussi
exempter les fils qui servent à leur fabrication ?
On
a dit que le procédé actuellement employé pour fabriquer le lin, n’était pas
destiné à vivre encore longtemps, que la filature à la main était à l’agonie,
que c’était le moment de la soutenir encore pour un an ou deux. Je demande si
un droit que la plupart de ceux qui le soutiennent, ne veulent pas élever très
haut, que je fixerai provisoirement à 8 p. c., pourra empêcher cette mort
prochaine de la filature à la main. On ne le pense pas, on reconnaît que la
filature à la main doit éprouver un coup
très rude de l’établissement des métiers à la mécanique ; que, quelles que
soient les mesures que vous preniez, à moins d’empêcher l’introduction en
Belgique des métiers à filer, ces métiers anéantiront en grande partie la
filature à la main ; que cette protection que vous voulez accorder à une
industrie mourante, va profiter tout entière à une industrie naissante, fatale
à la première.
Quant
à moi, je ne suis pas contraire à un droit protecteur destiné à encourager une
industrie naissante ; mais il faut qu’il me soit démontré qu’il y a opportunité
à soutenir cette industrie naissante, qu’elle présente des conditions de
vitalité, et que la protection qu’on veut lui accorder ne frappe pas de
conditions onéreuses des industries anciennes. C’est donc cette industrie
naissante que le droit proposé va protéger. Mais a-t-elle réclamé cette
protection ?
Bien
que le Moniteur me fasse dire le
contraire, j’ai dit que les fileurs à la mécanique ne réclamaient rien. Vous leur
faites donc un cadeau qu’ils n’ont pas demandé, et vous le leur faites au
détriment d’une grande variété d’industries et même de votre fabrication
actuelle de fil ; car vous devez le prix du fil étranger dont ces industries
font usage concurremment avec le fil belge. Si vous restreignez l’importation
des fils étrangers qui servent à la fabrication des articles de Turnhout, de
Bruxelles, de Ninove, d’Alost, etc., vous restreignez cette fabrication ; et
comme dans cette fabrication on fait usage de fils belges et étrangers, en
frappant les fils étrangers, vous frappez en même temps les fils belges.
Plus
tard, lorsque le fil à la mécanique aura remplacé le fil à la main, il jouira
de la protection que vous aurez voulu donner au fil à la main, et devenant la matière
première exclusive du tisserand, le tisserand sera forcé de payer au fileur
belge cette différence de 7 à 8 p. c. entre le fil indigène et le fil étranger.
C’est donc dans l’avenir contre le tisserand que vous travaillez.
Soyez
sans inquiétude, si ce droit protecteur est le moins du monde utile à la
filature à la mécanique, elle viendra le réclamer, mais n’allez pas au-devant
d’elle, ne lui donnez pas une protection qu’elle ne demande pas. Et c’est bien
à elle que profitera la mesure qu’on vous demande, s’il est vrai qu’elle doive
faire disparaître du pays le fil à la main. Pour ce dernier, ce ne sera pas un
droit protecteur de 7 à 8 p. c. qui pourra le sauver. Ce ne sera pas en
restreignant l’introduction des fils étrangers qui ne lui font pas concurrence,
que vous parviendrez à sauver le fil à la main du sort dont le menace le fil à
la mécanique.
Cette
protection qui serait tout à fait inefficace pour le but qu’on se propose,
serait une charge très lourde pour la fabrication qui emploie les fils que le
droit atteindrait ; en frappant de 7 p. c. le fil destiné à fabriquer les
coutils, on nuirait gravement à cette industrie qui ne vit que d’économies ;
vous lui avez montré de la sollicitude, en demandant qu’on facilitât
l’introduction de ses produits en France et dans tous les autres pays, et vous
allez la forcer à ne fournir que le marché intérieur, si tant est qu’elle
puisse encore se soutenir, alors que vous aurez porté d’un demi p. c. à 7 ou 8
p.c. le droit sur la matière première de sa fabrication : c’est un avantage de
7 à 8 p. c. que vous faites aux produits étrangers, au détriment des produits
belges.
Les
fileurs à la main ont-ils la prétention de fournir ces industries des fils dont
elles ont besoin ? S’ils pouvaient le faire, pourquoi les fabricants
iraient-ils chercher des fils à l’étranger, payer un droit d’entrée, léger, il
est vrai, des frais de transport et de commission ? S’ils le font, c’est que
c’est une matière première qui leur est utile. Et il est de principe, même pour
les plus grands prohibitionnistes, que la matière première doit entrer
librement de même que les produits doivent sortir librement.
Frappez,
si vous le voulez, les fils qui font concurrence avec les fils à la main que
vous filez ; mais ne frappez pas des fils qui ne font pas concurrence avec les
vôtres et qui sont nécessaires à des industries sinon considérables, au moins
nombreuses et variées. Il est d’une bonne politique, d’une bonne économie
politique d’encourager dans le pays une grande variété d’industries.
Je
demande donc que la chambre prête attention aux sollicitations qui lui sont
adressées par les fabricants de toiles de coutil, de toiles à carreaux, de
rubaneries (hier encore il a été adressé à la chambre une pétition par un
fabricant de rubaneries), par les fabricants d’étoffes d’été, de fils à coudre,
de toiles à voiles. Cette dernière industrie est une industrie nouvelle ; on
substitue déjà pour beaucoup de toiles à voiles les fils de lin aux fils de
chanvre. Vous allez paralyser en partie cette industrie naissante, qui peut
être importante pour l’industrie linière même, en la frappant d’un droit qui
lui portera préjudice, sans être utile à aucune autre industrie rivale.
Maintenant
que je vous ai soumis mes observations sur la nécessité, que je ne reconnais
pas, de changer le tarif actuel, et sur les inconvénients incontestables de ce
changement pour un grand nombre d’industries, je dirai que les remèdes qui ont
été proposés me paraissent inapplicables. M. Verdussen a proposé de maintenir
les bases actuelles de perception. Je partage son opinion ; j’attends pour
l’appuyer qu’il ait fixé le chiffre de la valeur, chose qui est restée dans le
vague jusqu’ici. L’amendement de M. Desmet, quoi que atteignant d’une manière
plus juste les différentes espèces de lin que la proposition de la commission
laisse encore considérablement à désirer. D’abord, si la tarification, d’après
les numéros peut s’appliquer à certaines espèces de fil, comme les fils anglais
(et encore avec peu de certitude ; car le numérotage est plus ou moins
arbitraire), elle est inapplicable à d’autres espèces de fil, par exemple, aux
fils allemands, qui ne s’assortissent pas, qui ne se numérotent pas de la même
manière, Cependant, il faut bien que vous atteigniez toutes les espèces de fil.
Encore
en admettant le chiffre de M. Desmet, il y aurait un droit exorbitant sur les
qualités inférieures. Le droit serait de 25 p. c. sur certaines espèces.
Certes, aucun de vous n’a pu concevoir l’idée d’une telle protection, tandis
que sur les espèces plus fines le droit serait de 2 à 3 p. c. Il faut donc,
dans mon opinion, renoncer à ce mode de tarification. Mais, je le répète,
j’engage la chambre à y penser (mon opinion est désintéressée, comme j’ai cherché à l’exprimer en toute circonstance), j’engage la
chambre à y songer sérieusement : Y a-t-il nécessité de changer le système
actuel ; de bouleverser les industries établies à l’abri du système actuel,
alors qu’il est reconnu que votre soi-disant protection ne profitera pas à
d’autres industries sauf une industrie naissante qui ne demande pas de
protection ? En effet, plusieurs membres ont dit que ce n’est pas l’industrie
mourante, mais l’industrie naissante qu’ils veulent protéger. Quel spectacle
présente cette assemblée ? Les uns veulent protéger une industrie soi-disant
mourante ; d’autres veulent l’abandonner à elle-même, ne veulent pas la
soutenir. Ils veulent au contraire aider à la naissance d’une industrie qui
doit faire périr l’autre.
Entre
ces deux opinions il est permis de croire que ceux qui ne partagent ni l’une ni
l’autre peuvent être dans le vrai. Quoi qu’il en soit, j’ai parlé avec
sincérité. Je ne sais si mon opinion a chance d’être adoptée par la majorité de
la chambre. Je ne la considère pas moins comme méritant votre attention.
M.
de Foere. - Dans la discussion d’hier un honorable
député de Verviers a lancé des accusations humiliantes contre l’industrie des
toiles dans les Flandres. Selon lui, cette industrie serait stationnaire, elle
n’entrerait pas dans la voie des progrès. Député d’un district où l’industrie
des toiles s’exerce dans une grande étendue, et où se trouve le plus grand
marché de toiles connu dans le pays, je ne puis laisser subsister cette accusation
sans y répondre. Avant que l’honorable membre eût parlé, j’avais déjà fait,
dans la séance d’hier, une distinction entre les toiles grosses et les toiles
fines. Cette distinction est établie par le fait, par les marchés, par le
commerce et par les aveux des fabricants à la mécanique. La fabrication des
toiles communes continue. Nos marchés en sont fournis. Le commerce les exporte.
Les
fabricants à la mécanique ne peuvent remplacer sous le rapport de la solidité
nos toiles grosses, sur lesquelles la fabrication porte presque exclusivement ;
eux-mêmes en conviennent. Ce serait donc rétrograder que d’entrer pour les
grosses toiles dans le système nouveau de la fabrication à la mécanique. Nos
toiles communes seraient remplacées par d’autres fabricants à la main, si on ne
les confectionnait plus de cette manière dans les Flandres. Il faut des toiles
solides pour des usages communs, qui exigent de la résistance dans les tissus
de lin. Or, les fabricants à la mécanique avouent qu’ils n’ont trouvé jusqu’à présent
aucun moyen de les confectionner à aussi bas prix et dans les mêmes qualités.
Que
l’opinion de l’honorable député de Verviers soit vraie à l’égard des toiles
fines, le temps l’apprendra ; je suis pour ma part assez disposé à croire que
cette opinion est fondée en ce qui concerne les toiles fines.
Dans
la discussion d’aujourd’hui l’honorable M. A. Rodenbach a reconnu la
supériorité de nos toiles à l’égard de leur solidité ; mais il a dit en même
temps que nos toiles avaient besoin de débouchés à l’extérieur. C’est là, en
effet, où est la plaie.
Les négociants du pays qui expédient encore
aujourd’hui des toiles en Espagne, où nous avions autrefois un immense
débouché, sont obligés de prendre la voie de terre. Ils doivent faire
transportes par terre, à travers la France, leurs toiles jusqu’à Marseille.
Pourquoi en est-il ainsi ? Parce que les droits différentiels maritimes en
Espagne sont plus élevés que les frais de transports par terre. Nos négociants
sont obligés de se soumettre à des conditions de commerce aussi onéreuses.
C’est contre cet état de choses que je ne cesserai de réclamer. Il n’y a qu’un
moyen de guérir cette plaie, c’est de ne plus dédaigner les droits
différentiels. C’est un négociant qui, par des calculs, m’a fait voir qu’il lui
était moins onéreux d’expédier par le roulage à travers la France que
d’expédier par mer. C’est un pareil système que nous avons le courage de
maintenir en le tolérant, ou en ne prenant pas des mesures de représailles.
M.
A. Rodenbach. - L’honorable préopinant vient de dire que la
cause pour laquelle nous n’expédions plus autant de toiles en Espagne et en
Portugal tenait aux droits différentiels : je crois que cette assertion est de
la plus grande exactitude ; toutefois, je ferai observer qu’aux Etats-Unis
d’Amérique, où nous sommes reçus dans les ports sur le même pied que les
Anglais (car nous sommes plus sévères envers les Etats-Unis qu’ils ne le sont
envers nous), l’immense importation de toiles qu’y font les Anglais tient à
autre chose. Il en est de même au Brésil et à Saint-Domingue, où nous ne payons
pas un droit plus fort que les Anglais.
Sur
50 millions de toiles entrées dans les deux Amériques, les nôtres y figurent en
bien petite quantité : C’est que dans ces pays on demande des toiles que nous
ne fabriquons pas, des toiles légères, apparentes.
Si
Verviers a trouvé des débouchés pour ses draps, c’est que cette ville a compris
la nécessité de fabriquer des draps légers. Si nous voulons conserver notre
industrie relativement aux toiles, il nous faudra, forcément, faire les divers
articles qui satisfont les consommateurs.
L’honorable
député d’Anvers a demandé s’il y avait haute nécessité de protéger nos fils ;
je lui répondrai que oui : non quant aux machines, car cette industrie ne peut
que devenir trop puissante, même en Belgique.
C’est
pour nos fileuses qu’il faut protection. Elles continueront de souffrir
néanmoins, mais leurs ressources ne seront pas taries subitement, et il n’y
aura pas perturbation instantanée.
D’année
en année il entre en Belgique plus de fils que précédemment ; on vous l’a
prouvé des statistiques à la main ; si vous laissez le droit de 1 p. c., vous
ne parviendrez pas à conserver votre industrie, et il y a nécessité absolue
d’augmenter le tarif.
Nous expédions moins de fils en France, un tiers
de moins que par le passé ; les Anglais nous remplacent sur ce marché ; ils en
ont exporté pour six millions, et ils n’en exportaient pas du tout autrefois.
On
trouve plus de facilité à employer les fils anglais que les nôtres pour la
rubanerie, et pour les tissus qui se fabriquent en Belgique à Turnhout, à
Courtray, à Bruges… Nos fils sont un peu plus chers que ceux d’Angleterre ; en
empêchant d’entrer les fils anglais, on emploiera nécessairement davantage les
nôtres.
M.
le président. - La loi n’ayant qu’un article, quand la
discussion sera close, il sera passé outre au vote. Je dois en avertir
l’assemblée.
M.
Lardinois. - Lorsque j’ai pris la parole dans la séance
d’hier, j’ai engagé le gouvernement à protéger, autant qu’il était en son
pouvoir, les nouveaux établissements belges pour la filature du lin à la
mécanique. Dans sa réponse, M Desmet a dit que mon intention avait été
d’engager le gouvernement à accorder des primes aux filatures de lin ; je n’ai
point avancé une pareille absurdité ; j’ai toujours été contraire au système
des primes ; et je les ai combattues en plusieurs circonstances.
Quand
on vient appuyer la proposition faite d’augmenter le tarif en invoquant ce que
disent les chambres de commerce elles-mêmes, c’est-à-dire que la fabrique de
nos fils et de nos toiles est périclitante, il est vraiment étonnant d’entendre
certains députés des Flandres, et notamment l’honorable M. Desmet, alléguer la
supériorité des toiles belges reconnue sur tous les marchés : mais si cette
supériorité existe réellement, notre industrie n’aurait pas besoin de
protection et nos toiles devraient se vendre facilement. Messieurs, en fait de
produits manufacturés, il ne faut pas toujours s’attacher à la beauté, à la
solidité ; c’est souvent une faute que de donner ces qualités aux tissus. Il
faut avant tout fabriquer pour les besoins et en se conformant aux goûts des
consommateurs.
Un
honorable député d’Anvers a dit qu’un droit de 5 p. c. serait insuffisant pour
protéger la filature à la main ; il a parfaitement raison. Il a également
raison lorsqu’il dit que plusieurs orateurs demandent ce droit afin de protéger
les filatures à la mécanique : je suis de ce nombre ; je n’aurais cependant pas
demandé d’augmentation de tarif ; mais je profite de la présentation du projet
pour obtenir une protection pour nos filatures à la mécanique. Ces
établissements seront utiles pour fournir les fils avec lesquels on pourra
tisser des toiles capables de soutenir la concurrence avec celles des Anglais.
L’honorable
député d’Anvers appelle le fil de lin matière première, parce qu’il est employé
par un grand nombre de tisserands qui le fait venir de l’étranger. En ce sens
le fil est matière première, comme la toile l’est pour la couturière qui en
fait des chemises. Je ne puis considérer comme matière première un article qui
a reçu beaucoup de manipulations avant d’être arrivé à sa dernière
transformation.
L’honorable
M. de Foere m’a reproché tout à l’heure d’avoir lancé des accusations
humiliantes contre l’industrie linière. Cette opinion ne sera, je l’espère,
partagée par aucun membre de cette chambre.
En
fait d’accusations humiliantes et excentriques, j’en laisse l’initiative à
l’honorable membre. Ce n’est pas moi qui attaquerait l’industrie linière ; au
contraire, je désire vivement sa prospérité, et comme Belge, et comme industrie
; car il est à remarquer que chaque fois que les toiles se vendent
avantageusement, nous trouvons dans les Flandres un bon débouché pour nos
draps.
Je
dols répéter que dans mon opinion l’industrie linière est stationnaire, et que
si vous pouvez produire les qualités communes fabriquées à la main, en concurrence
avec celles de l’étranger, ce n’est qu’une exception puisque vous convenez tous
que l’industrie des toiles est mourante. Y a-t-il quelque chose de surprenant à
cela lorsqu’on s’obstine à repousser les moyens de perfection et d’économie ?
Il est évident que lorsqu’on emploie une machine qui fait autant d’ouvrage que
vingt hommes, on obtient un produit qui coûte beaucoup moins de main-d’œuvre,
et que vous pouvez le vendre à meilleur marché.
Je dis que vous êtes rétrograde en industrie
linière et que vous resterez dans le même état aussi longtemps que vous ne
perfectionnerez pas votre fabrication, aussi longtemps que vous n’introduirez
pas les machines dans toutes les opérations de la fabrique. Un grand malheur
pour la fabrication des toiles de Flandre, c’est, comme je l’ai déjà dit, que
l’on s’obstine à ne pas vouloir profiter des progrès qui ont été faits depuis
50 ans dans les autres pays ; il est pénible de voir des députés instruits
professer l’opinion que cette industrie rouillé peut lutter contre une
industrie qui a su mettre à profit tous les renseignements de l’expérience,
tous les perfectionnements que le temps a fait découvrir ; il est déplorable
qu’on n’éclaire pas ceux qui fabriquent nos toiles ; on devrait former une
association pour aider cette classe d’industriels et pour les lancer dans le
progrès.
M.
Lebeau. - Messieurs, je ne me hasarde pas volontiers
dans des discussions sur des matières qui sont assez étrangères à mes études
habituelles. Mais il est cependant ici une chose qui me frappe : c’est
l’absence de motifs rationnels en faveur de la proposition qui nous est soumise
: lorsque, dans l’intérêt de plusieurs industries, a nous a naguères demandé
des majorations de crédits, bien que je fusse contraire à la plupart de ces
majorations, me plaçant dans le système de mes adversaires, je pouvais
cependant en comprendre les motifs: il s’agissait là d’avantager quelques
industries aux dépens des consommateurs, et dans de semblables discussions la
cause des consommateurs est facilement laissée à l’écart. Ici ce n’est pas
seulement l’intérêt des consommateurs qu’on veut sacrifier, c’est aussi la
cause d’une partie assez notable de l’industrie du pays. Eh bien, messieurs, il
est de principe, même dans le pays où le système prohibitionniste prévaut le
plus, même en France par exemple, de ne point imposer les matières premières,
ou du moins, lorsqu’on les impose, il est encore de principe d’opérer la
décharge des droits en faveur du commerce à l’extérieur. Autre est la
conséquence d’une majoration qui, ne frappant que des produits manufacturés, ne
sacrifie que les consommateurs à l’industrie indigène, et autre est la
conséquence d’un système de majoration qui frappe des industries tout aussi
nationales, tout aussi respectables que celle qu’on veut protéger. Quand le
législateur établit de semblables majorations, force lui est d’introduire soit
un drawback, soit des exceptions comme celle qui est proposée par l’honorable
M. de Nef.
J’ai
entendu ceux qui proposent d’établir une augmentation du droit d’entrée sur les
fils étrangers, reconnaître la justice de ce que demande M. de Nef, mais si
l’exception proposée par cet honorable membre est juste, il faut la rendre
applicable à toutes les industries qui sont dans la position analogue à celle
de l’industrie dont l’honorable député de Turnhout a pris la défense, à toutes
les industries qui ont demandé qu’on ne frappât point la matière première de
leur fabrication, qu’on ne rendît pas leur existence impossible. Eh bien,
messieurs, je ne crois pas que le remède proposé par l’honorable M. de Nef soit
acceptable, car l’exception qu’il demande, quoique juste dans son principe,
serait extrêmement impolitique, en ce qu’elle nous ferait rentrer dans un
système d’exception, dont nous sommes sortis naguère.
Il
est évident que l’amendement de M. de Nef constituerait un acte d’hostilité
contre l’Angleterre, par cela seul qu’il accorderait une faveur spéciale aux
fils d’Allemagne (et la contexture de l’amendement ne laisse aucun doute à cet
égard). Or, je le demande, messieurs, lorsque la chambre s’est associée aux
efforts du gouvernement pour replacer toutes les nations voisines dans le droit
commun, serait-il bien conséquent, bien politique surtout, d’accepter une
proposition hostile à une puissance qui, eu égard surtout aux circonstances
dans lesquelles la Belgique va se trouver peut-être bientôt, doit être l’objet
des plus grands ménagements de notre part ?
II
se passe, messieurs, dans cette discussion quelque chose de fort étrange : de
quoi se plaignent ceux qui défendent la filature à la main, cette industrie si
intéressante, si morale, et que nous verrons tous succomber avec le plus grand
regret ? C’est bien moins de la concurrence étrangère que de celle qui résulte
de l’introduction d’une industrie nouvelle, le filage à la mécanique. Si l’on
pouvait retarder la décadence de la filature à la main, ce ne serait qu’en
retardant l’introduction dans le pays des filatures à la mécanique.
Eh
bien, messieurs, je ne crains pas de le dire, la loi qui nous est proposée va
directement contre ce but : elle rapproche évidemment l’époque où la filature à
la main aura à subir une lutte terrible, lutte qu’on regarde généralement comme
meurtrière. Aujourd’hui, par suite du grand nombre des habitants de la campagne
qui s’occupent du filage à la main, de la modicité de leurs salaires, et par
suite des lois qui permettent l’introduction des fils étrangers, la filature à
la mécanique aurait des obstacles assez notables à vaincre pour s’établir en
Belgique, elle se trouverait en présence d’une double concurrence. Si la
filature à la mécanique venait réclamer un droit tendant à favoriser son
introduction, qui est-ce qui devrait s’alarmer le plus ? Evidemment les
partisans du filage à la main. Eh bien, ce sont précisément ceux-là qui
s’associent à la pensée de l’honorable M. Lardinois, qui ne se montre préoccupé
que d’une seule chose, la prospérité de la filature à la mécanique, qu’il
déclare inconciliable avec le filage à la main.
Je
crois, messieurs, que tout le résultat de majorations, et surtout de
majorations aussi considérables que celles qu’on propose, ce sera de rendre
plus prochaine la prospérité de la filature à la mécanique et par conséquent la
décadence du filage à la main.
Indépendamment
de cela, à moins d’établir autant d’exception qu’il y a d’industries
intéressées, vous allez, messieurs, je le répète, ruiner plusieurs industries
aussi très intéressantes, qui ne peuvent se passer des fils étrangers.
Qu’arrivera-t-il
en outre, messieurs, lorsque vous aurez établi le droit qu’on vous demande, et
que par là vous aurez facilité l’introduction de la filature à la mécanique ?
Il arrivera nécessairement que cette industrie pourra vendre ses produits 7 ou
8 p. c. plus cher qu’elle ne pourrait les vendre sous l’empire du tarif actuel
; cela arrivera surtout lorsque la filature à la mécanique aura anéanti le
filage à la main. Eh bien, quelle sera alors la protection de l’industrie des
toiles ? Elle paiera à la filature, à la mécanique un tribut de 7, 8 ou 10 p.
c.
Le
sort de la tisseranderie dépend tellement du bas prix du fil, le fil est
tellement considéré comme matière première, que l’Angleterre, malgré ses
dispositions prohibitives, n’a jamais (si les documents qu’on nous a adressés
sont exacts) frappé les fils étrangers que d’un droit insignifiant, que d’un
droit de balance. Voilà, messieurs, ce que fait l’Angleterre en faveur de la
tissanderie ; elle ne force pas cette industrie à payer un tribut à la filature
comme devront le faire les tisserands belges, lorsque la filature à la
mécanique aura remplacé le filage à la main, si la chambre adopte les droits
qui lui sont demandés. Je vous adjure, messieurs, de réfléchit sérieusement aux
conséquences d’un semblable vote.
Quant
au mode de tarification au poids, les raisons qui ont été alléguées contre ce
système sont tellement évidentes que ses partisans ont été obligés de reculer
et de présenter un système mixte ; mais dans mon opinion ce nouveau système
conserve la plus grande partie des défauts du premier. L’inconvénient de la
perception au poids, c’est d’atteindre des produits d’une valeur très diverse
de droits uniformes, de droits qui dans le cas dont il s’agit varieraient de 2
à 30 p. c., en n’allant pas même jusqu’aux qualités extrêmes, car alors les
différences seraient encore bien plus choquantes.
En
bien, je crois que les défauts de ce système ne seraient que très faiblement
atténués par l’amendement de l’honorable M. Desmet : remarquez en effet,
messieurs, que le droit proposé par cet honorable membre ne varie que de 20 à
30 fr. par 100 kilogrammes, tandis que la qualité de la marchandise varie dans
une progression bien plus considérable ; remarquez ensuite que l’amendement de
M. Desmet rendrait la loi inapplicable aux produits de l’Allemagne, car je ne
comprends pas, lorsqu’on insère dans la loi les mots « numéros
anglais, » comment on pourrait appliquer la tarification aux produits
allemands ; je voudrais que l’honorable M. Desmet s’expliquât à cet égard.
Je
voudrais bien aussi savoir si l’honorable M. Desmet entend combiner son
amendement avec celui de l’honorable M. de Nef, et comment dans ce cas, avec
une tarification par numéros, il serait possible de faire une distinction
quelconque entre des fils qui sont la matière première obligée, non seulement
des fabriques de coutils, mais aussi de plusieurs autres industries du pays
auxquelles il ne nous est pas permis de porter un coup funeste.
Pour le cas où l’on jugerait utile de toucher à
la loi actuelle sur l’importation des fils étrangers, je suis, en tout état de
cause, tellement convaincu que le droit au poids, aussi bien que le système de
l’honorable M. Desmet qui en diffère très peu, est contraire à toute équité que
si déjà on ne l’a pas proposé, je viens faire la motion qu’au préalable la
chambre soit consultée sur la question de savoir si le droit sera perçu
purement et simplement au poids ou à la valeur.
M.
le président. - M. A. Rodenbach propose un droit de 10 p. c.
à la valeur sur les fils étrangers écrus, et un droit de 12 p. c., également à
la valeur sur tous les autres fils, celui de mulquinerie excepté.
M. A. Rodenbach.
- Messieurs, je n’ai pas de longs développements à donner ; la question est
suffisamment connue. Si l’amendement de l’honorable M. Desmet était praticable,
je serais prêt à retirer le mien ; mais comme je l’ai déjà prouvé, l’amendement
de notre honorable collègue est impraticable.
Il
me paraît dès lors impossible d’établir une tarification autre que celle à la
valeur. Il se peut que le système au poids soit plus juste ; mais quand on ne
peut pas atteindre la justice, quand l’application du système dans une autre,
ce système ne peut être admis.
Je
pense que ma proposition est bien plus simple, que chacun la comprendra aisément,
et que dès lors elle mérite la préférence.
-
L’amendement est appuyé.
M. de Langhe.
- Messieurs, nous avons ici plusieurs industries à ménager, plusieurs intérêts à
concilier. Je crois que pour concilier ces intérêts, il est indispensable
d’établir un droit un peu plus fort à l’entrée des fils étrangers. Les fils
indigènes renchériront nécessairement par suite de l’introduction des droits
qui seront mis sur les fils étrangers ; mais je crois que pour favoriser les
fabricants de fil indigène et les mettre à même de soutenir la concurrence sur
les marchés étrangers, ce droit doit être modéré. Le droit qui est proposé par
l’honorable M. Rodenbach ne me paraît pas remplir ce but ; je crois qu’il est
beaucoup trop élevé. Je proposerai donc de réduire à moitié et d’établir le
droit à la valeur. Je me suis prononcé pour ce mode, qui me paraît le plus
convenable en cette matière.
Je
proposerai en conséquence un droit à la valeur de 5 p. c. sur les fils simples
écrus, et un droit de 6 p.c. sur les autres ; celui de mulquinerie excepté.
-
L’amendement est appuyé.
M.
Desmaisières. - Messieurs, je ne veux pas rentrer dans la
discussion générale. Je n’aurais pas pris la parole, si M. le président n’avait
annoncé qu’il n’y aurait pas une discussion particulière sur l’article ; et
qu’aussitôt que la discussion serait close, l’on passerait au vote. Je viens
seulement parler du système au poids, par comparaison avec celui qui vient
d’être proposé.
Comme
je l’ai dit hier, messieurs, je n’éprouve pas la moindre crainte à l’égard du
vote que vous allez émettre. Vous avez déjà tant de fois admis en principe que
le système au poids devait prévaloir sur celui à la valeur, que sans doute la
chambre se montrera conséquente avec le vote qu’elle a émis à une très grand
majorité dans beaucoup de circonstances, et récemment encore à l’occasion des
dispositions qui ont été introduites dans le tarif général des douanes, pour
satisfaire à l’espèce d’engagement qui avait été pris à l’égard de la France.
Messieurs,
il est un fait certain que personne ne peut contredire, et qui résulte des avis
des chambres de commerce, des gouverneurs, des députations des conseils
provinciaux et des commissions d’agriculture : c’est que tous ces avis, à
l’exception de celui de la chambre de commerce d’Anvers, adoptent le système au
poids ; je dis à l’exception de la seule chambre de commerce d’Anvers, parce
que je crois qu’il y a des avis de plusieurs autres chambres où l’on ne formule
pas de conclusion ; l’on s’y déclare incompétent, et par conséquent il n’y a
pas lieu de tenir compte de ces avis. Mais toutes les autres chambres de
commerce, et surtout celles qui sont les plus compétentes pour se prononcer sur
cet objet demandent un droit au poids. Elles reconnaissent qu’un semblable
droit est le seul qui puisse protéger efficacement l’industrie linière.
Les
commissions d’agriculture elles-mêmes adhèrent au système au poids. Il n’y a, comme
je l’ai déjà dit, que la chambre de commerce d’Anvers qui voudrait un tout
petit droit de 3 p. c. à la valeur, mais toutes les autres veulent le système
de la perception au poids, parce qu’il n’y a que l’application de ce système
qui puisse rendre la loi une vérité.
Ce
qui m’a beaucoup étonné dans la séance d’hier, c’est d’entendre un honorable
député de Verviers venir, à l’égard des fils, préconiser le système de la
perception à la valeur, et repousser le système au poids, lorsqu’à la demande
bien légitime de l’industrie de Verviers, non seulement nous n’avons pas voulu
qu’on perçût le droit à la valeur sur les draps étrangers, mais que nous avons
même repoussé le système de la perception à la valeur, combiné avec celui de la
perception au poids.
Messieurs,
je tiens en main les divers tarifs étrangers sur les fils, lesquels se trouvent
annexés au rapport que j’ai eu l’honneur de présenter à la chambre en 1834, sur
la question de l’industrie linière. Eh bien, le tarif prussien, le tarif
français et le tarif anglais sont tous établis au poids. Depuis que ces tarifs
sont établis, la France, l’Angleterre et la Prusse, y ont apporté des
modifications, et jamais ces puissances n’ont songé à substituer la valeur au
poids, en ce qui concerne les fils.
Il
est donc prouvé par l’expérience que le système au poids est le seul admissible
et praticable, si l’on veut, comme je le disais tout à l’heure, que la loi soit
une vérité ; si l’on veut réellement protéger l’industrie linière que nos
adversaires eux-mêmes représentent comme périclitante, comme ayant besoin de la
plus forte protection en ce moment-ci.
L’honorable
M. Lebeau a paru s’étonner de ce que nous nous montrions disposés à adhérer à
l’amendement qui a été proposé par l’honorable M. de Nef. Il a dit que si vous
admettiez cette exception, il fallait admettre également toutes les autres
exceptions qui sont réclamées par les industriels autres que ceux de Turnhout.
Mais,
messieurs, il n’a pas fait attention que l’amendement de M. de Nef pourvoit
précisément à ces diverses exceptions. Et si nous nous sommes montrés disposés
à acquiescer à cet amendement, si même, pour ma part, je l’appuie, c’est parce
que le fil sur lequel porte cet amendement, est une espèce tout à fait
particulière qui se trouve parfaitement désignée par la manière dont
l’honorable membre a formulé son amendement.
Quant
à l’espèce de contradiction qu’on a semblé y voir et à l’impossibilité
d’exécution qu’on a cru trouver par rapport à l’amendement de M. Desmet, on se
trompe. Il n’y aura aucune impossibilité d’exécuter l’amendement de M. de Nef
en adoptant celui de M. Desmet ; tous deux peuvent marcher de concert, car tous
deux reposent sur le même système. M Desmet n’a pas expliqué dans la formule de
son amendement ce que c’était que le numérotage des fils, et le numérotage a
lieu précisément dans le sens expliqué par l’amendement de l’honorable M. de
Nef. Ce numérotage a lieu d’après la longueur du fil qu’on obtient d’un certain
poids donné. On sent que plus on obtient de longueur d’un poids donné, plus le
fil a de finesse, plus il a de valeur, plus il faut élever le droit.
Maintenant
on nous a fait en quelque sorte une espèce de crime d’avoir fait une
concession, de n’avoir pas persisté dans la proposition de la commission
d’industrie qui n’établit que deux catégories, fils blancs et fils écrus, et ne
parle pas de numérotage.
C’est
parce que vous avez dû reculer devant les conséquences du système au poids, que
vous l’avez par là vous-mêmes condamné. Je viens de le faire pressentir, c’est
une concession que nous avons voulu faire, parce que cette concession, nous
pouvions la faire. Du moment que tout en maintenant le degré de protection que
je veux donner à une industrie, je pourrai faire des concessions aux autres
opinions, je serai toujours disposé à les faire, quand elles ne porteront pas
préjudice à l’industrie que je prétends défendre.
Mais
les tarifs français, prussien, anglais que je viens de citer, n’ont pas fait
cette concession-là. Les droits sont établis en très peu de catégories, et dans
le tarif français notamment. Je dis ceci parce qu’en adoptant le tarif proposé
par la commission d’industrie, nous n’avions pas à craindre de représailles de
la part de la France, puisque les droits proposés se trouvaient encore
au-dessus de ceux qui existent en France. Le tarif français va pour certaines
qualités jusqu’à 40 fr. ; nous, nous n’allons qu’à 30 fr.
Je
crois donc que, d’accord avec toutes les chambres de commerce, toutes les
commissions d’agriculture, avec les gouverneurs, avec les députations provinciales
et avec les votes émis par vous précédemment, vous ferez de nouveau justice du
système à la valeur, parce que le système au poids peut seul être adopté, et
que la concession faite par l’amendement de M. Desmet ne doit pas vous arrêter
; car, que voulons-nous ? Nous voulons, ainsi que nos adversaires, protéger
l’industrie linière.
C’est avec sincérité qu’ils disent vouloir la
protéger. Mais il faut alors user de moyens efficaces. Si le droit est établi à
la valeur, jamais vous ne pourrez l’obtenir ; vous n’avez de garantie que la
préemption, et vous savez où mène la préemption. Qu’avons-nous voulu quand nous
avons établi un tarif sur les draps ? Nous avons voulu atteindre certaines
espèces de draps, parce que c’étaient celles dont la consommation était plus
générale, et par suite nous n’avons pas établi un grand nombre de catégories,
parce qu’alors il eût été difficile d’atteindre celles qu’on se proposait de
frapper. On a adopté un droit uniforme qui a été calculé sur l’espèce qu’on
voulait atteindre. Eh bien, le droit que propose la commission d’industrie est
calculé aussi sur les espèces de fils anglais que nous voulons particulièrement
frapper.
Nous
pourrions donc ne pas même faire la concession que fait M. Desmet, parce
qu’encore une fois nous pensons que vous voulez protéger efficacement
l’industrie linière.
M.
Desmet. - Je ne veux pas rentrer dans le fond de la
discussion, je ne veux non plus répondre aux petites sorties de mon honorable
ami le député de Verviers : quand je dis ami, je veux dire ami dans la
discussion des draps, car il paraît que nous ne le sommes pas aujourd’hui.
Je
veux vous expliquer comment j’entends le mode de perception. Quand j’ai
présenté le numérotage, c’est seulement parce que j’ai pensé que le mode de
droit uniforme aurait été rejeté. C’est subsidiairement que je l’ai proposé. Je
crois toujours que nous pouvons sans crainte établir le droit uniforme.
Qu’avons-nous fait quand nous avons établi des droits sur les draps, les
toiles, les ouvrages de terre, etc. ? Nous avons établi tous ces droits au
poids.
Cependant
il y a plus de différence dans les draps que dans les fils, aussi vous avez
excepté les fils de mulquinerie, parce que là les prix sont élevés ; le reste
est dans le commun. L’honorable M. Desmaisières a fait remarquer qu’en France
le droit est également uniforme, et cependant vous savez, messieurs, qu’en
France on ne néglige rien pour arrêter l’entrée des fils étrangers.
L’honorable
M. Lebeau a demandé, dans le cas où le système des numéros passerait, comment
on appliquerait les numéros des fils anglais aux autres fils, aux fils
allemands par exemple. Pourquoi ai-je proposé le numérotage anglais ? Parce
qu’il est universel, parce qu’il est comme partout, tandis qu’il n’en est pas
de même du numérotage métrique, du numérotage belge. Ceci concerne le
gouvernement qui n’aura qu’à faire des confrontations. Au reste, si vous voulez
donner la préférence au numérotage métrique, j’y consens et la difficulté ne
sera pas grande, car on connaît le rapport du numérotage anglais avec le
numérotage métrique.
On demande comment concilier mon numérotage avec
l’amendement de M. de Nef. Il faut convenir que M. de Nef n’a pas suivi l’usage
ordinaire. M. de Nef parle de l’opération ; ce n’est pas cela. Je lui
demanderai le numéro commercial, alors nous pourrons nouas entendre. Le prix
courant ne parle pas des opérations, mais des numéros.
On
est revenu sur le taux du droit au poids, et on a dit qu’il équivaudrait à 2 p.
c. à la valeur. On a tort. Nous sommes d’accord avec le département de
l’intérieur, que les numéros de 1 à 30 doivent être estimés à 1 fr. 30 c. ;
cela ferait 2 fr. 60 c. par kilog. ou 260 fr. les 100 kilog. ; ce n’est pas
encore 10 p. c. Je crois que la chambre peut admettre ce droit.
M. Lardinois. - J’ai du malheur,
je n’ai pas le talent de me faire comprendre ; plusieurs députés me reprochent
des dires que je n’ai jamais avancés. L’honorable M. Desmaisières vient de me
reprocher d’avoir proposé la tarification au poids pour la draperie et de
combattre cette tarification lorsqu’il s’agit de l’industrie linière. J’ai dit
hier le contraire, j’ai dit que je voulais une protection réelle de 5 p. c., et
que je considère la tarification au poids comme infiniment plus assurée que la
perception à la valeur que l’on peut facilement frauder par des déclarations à
la douane. Cependant je suis indécis à la suite de la discussion qui s’est
élevée aujourd’hui, et notamment par suite des observations de l’honorable M.
A. Rodenbach ; je ne sais si l’on doit établir des catégories pour les fils, je
ne sais si on doit préférer un droit uniforme ou un droit par catégorie comme
le veut l’honorable M. Desmet. Je crains qu’il n’y ait une surprise comme il y
en a eu une dans le temps pour les draps, que l’on voulait imposer à 7 p. c. et
qui se sont trouvés frappés d’un droit s’élevant jusqu’à 25 p. c. Dans cette
incertitude, si je ne puis exactement savoir à quoi correspond le droit au
poids comme je veux un droit réel de 5 à 6 p. c., je voterai ce droit à la
valeur.
M. Eloy de Burdinne.
- Membre de la commission d’agriculture, ayant voté avec la majorité un droit
sur le fil étranger de 25 et de 20 p. c. par 100 kilogrammes, je vous avoue que
j’ai été porté à voter ces chiffres dans l’intérêt des fileurs des Flandres
qu’on nous représentait comme dans le plus grand désastre. Depuis lors le
gouvernement nous a fait distribuer un tableau où nous voyons les qualités de
fils exportés de Belgique et importés en Belgique. Il résulte des calculs de ce
tableau que trois qualités de fils doivent être considérées comme étant dans le
commerce : fil écru, fil à tisser, fil à coudre.
Il
résulte des mêmes calculs que l’excédant de l’exportation sur l’importation en
faveur de la Belgique a été comme suit :
En
1831, 186,526 fr. ; en 1832, 717,000 fr. ; en 1833, 688,000 fr. ; en 1834,
908,000 fr. ; en 1835, 849,000 fr. ; en 1836, 503,000 fr., en 1837, 30,540 fr.
Le
chiffre a beaucoup baissé, comme vous voyez, en 1837 ; cependant la balance a
toujours été en notre faveur, et nous avons exporté plus qu’il ne nous a été
importé.
M. de Jaegher.
- L’excédant de l’exportation sur l’importation va toujours en diminuant.
M. Eloy de Burdinne.
- Cela varie ; il y a eu augmentation en 1832, diminution en 1833 et
augmentation en 1834. Ces variations peuvent provenir de circonstances
étrangères aux importations de l’Angleterre.
On
a fait valoir que les commissions d’agriculture se sont prononcées dans le même
sens que la commission d’industrie, cela se conçoit. Si on m’avait dit, à moi, membre de la commission d’agriculture de
la province de Liège, que l’industrie des fileurs de la Flandre est menacée
d’une ruine complète, j’aurais dit qu’il faut un droit protecteur ; mais
lorsqu’on me présente le tableau du gouvernement, d’où il résulte qu’il y a
toujours balance en faveur de la Belgique, je dis que si on veut un droit
protecteur, il faut qu’il soit faible, et qu’il ne convient pas d’établir des
droits élevés qui ressemblent à des prohibitions. Voilà le danger qu’il y a
dans cette question.
M. de Jaegher. - Je ne puis
laisser sans réponse les assertions de l’honorable préopinant. Ses calculs sur
les exportations et les importations peuvent être exacts ; mais ce dont il ne
tient pas compte, quoique ce soit nécessaire, c’est la réduction dans le prix
de la journée des fileurs. Il y a quelques années le prix était suffisant pour
leur donner à vivre ; aujourd’hui le prix de la journée n’est plus que de 10
cents, et la journée de travail commerce à 6 heures du matin pour finir fort
tard dans la soirée ; jusqu’ici les fileurs ont encore pu subsister grâce aux heureuses
récoltes que la Belgique a eues successivement ; mais qu’il y ait une mauvaise
récolte, et ils n’ont plus de moyens de subsistance. Voilà des choses qui ont
été omises par le préopinant et qui doivent cependant entrer en ligne de
compte.
Plusieurs membres.
- La clôture !
M. Eloy de Burdinne.
- J’aurais voulu répondre à M. de Jaegher ; mais si la chambre veut prononcer
la clôture, je n’insiste pas.
M. Rogier. - Je ferai remarquer
à la chambre qu’elle ne peut prononcer la clôture que sur la question de
principe, car on n’a pas discuté l’amendement de M. de Langhe, on n’a pas
discuté l’amendement de M. Desmet d’une manière spéciale. Il est impossible
d’aller immédiatement aux voix sur cet amendement qui est évidemment incomplet.
M.
de Brouckere. - Il sera rejeté.
M.
Rogier. - J’en accepte l’augure.
- La chambre
consultée prononce la clôture sur la question de savoir si le droit sera établi
au poids ou à la valeur.
M.
Lebeau. - Je crois qu’il faut maintenant voter sur la
question sur laquelle la clôture vient d’être prononcée car si le système de la
perception à la valeur prévaut, il est certain qu’il n’y aura pas lieu à
discuter l’amendement de M. Desmet.
Si,
au contraire, le poids est admis, les amendements de MM. de Langhe et Rodenbach
tomberont. Il faut agiter la question de principe.
M.
Desmet. - II faut savoir si l’on percevra au poids ou
à la valeur, mais il faut encore savoir si l’on percevra d’après des numéros.
M.
de Brouckere. - Avant tout, nous devons commencer par
décider si la perception se fera au poids ou à la valeur.
-
La chambre vote par appel nominal sur la question de savoir si la perception se
fera à la valeur.
69
membres sont présents.
30
votent en faveur du mode de perception à la valeur.
38
votent contre.
1
membre s’abstient.
En
conséquence, la chambre rejette le mode de perception à la valeur et admet la
perception au poids.
Ont
voté pour la perception à la valeur : MM. Beerenbroeck, Berger, de Florisone,
de Langhe, de Man d’Attenrode, de Perceval, Dequesne, de Renesse, de Theux,
Devaux, d’Hoffschmidt, d’Huart, Eloy de Burdinne, Fallon, Heptia, Keppenne,
Lebeau, Mercier, Metz, Milcamps, Polfvliet, A. Rodenbach, Rogier, Smits,
Trentesaux, Troye, Vanderbelen, Verdussen, Wallaert, Peeters.
Ont voté contre : MM. Andries, Angillis,
Bekaert, Coghen, Coppieters, Corneli, David, de Brouckere, de Foere, de
Jaegher, de Meer de Moorsel, F. de Mérode, Demonceau, de Muelenaere, de Roo,
Desmaisières, Desmet, de Terbecq, Donny, Dubus (aîné), Dumortier, Hye-Hoys,
Jadot, Kervyn, Lecreps, Maertens, Manilius, Morel-Danheel, Raymaeckers, C.
Rodenbach, Seron, Thienpont, Vandenbossche, Van Hoobrouck, Van Volxem,
Vergauwen, Zoude.
M. de Nef, qui s’est abstenu,
rappelle que par suite de l’amendement qu’il a proposé, il ne pouvait émettre d’opinion
sur la question du droit à la valeur ou au poids.
M. le ministre des finances (M. d’Huart).
- Je pense, messieurs, que la discussion doit nécessairement continuer. D’un
côté la commission propose un droit unique au poids, et de l’autre, M. Desmet
propose d’établir trois catégories. Or vous reconnaîtrez peut-être qu’il serait
bon de prendre un milieu et de faire deux catégories seulement, ce qui, selon
moi, éviterait bien des difficultés à la douane, car la multiplicité des
catégories complique les opérations. Une catégorie du n°1 anglais à 30
inclusivement, et une autre pour les numéros au-delà de 30, me paraîtraient
admissibles en y appliquant un droit modéré.
M. Coghen.
- Je crois qu’il serait convenable de renvoyer l’amendement de M. Desmet et la
proposition du ministre à la commission d’industrie ; le ministre y serait
entendu, et l’on pourrait y déterminer un droit protecteur sans être
prohibitif. On continuerait demain la discussion après avoir entendu les
conclusions de la commission.
M. Desmet. - Je me réunis à la
proposition du ministre des finances, de ne faire que deux catégories.
M.
A. Rodenbach. - Il est probable que demain le ministre, en
proposant les chiffres applicables à deux catégories, donnera des explications,
et alors nous saurons pourquoi nous votons. Je le prierai de nous dire aussi la
pensée du gouvernement sur les fils d’Allemagne qui sont si importants pour l’industrie
de Turnhout.
M. le ministre des finances (M. d’Huart).
- Je prie la chambre de remarquer que je ne suis pas entré dans le fond de la
question. J’ai seulement exposé quelques motifs pour engager à ne pas clore la
discussion. Si elle continuait, tout en me ralliant à la motion de M. Coghen,
je demanderais à la chambre de décider quel droit elle entend admettre : si,
par exemple, c’est 5 p. c. pour les fils écrus, et 6 p. c. pour les fils tors
et blanchis ; ce point résolu, il resterait à en régler l’application. C’est de
cette manière qu’il faudrait procéder pour arriver à un résultat immédiat.
-
La chambre consultée décide que la discussion continue sur les propositions faites
et par la commission d’industrie et par M. Desmet.
M. le ministre des finances (M.
d’Huart). - Pour faciliter la discussion, je propose les
chiffres 5 p. c. pour les fils écrus, et 6 p. c. pour les fils tors et
blanchis.
M.
Desmet. - Il est impossible, messieurs, d’admettre ces
chiffres, quand on voit la chambre de commerce de Bruges, de cette ville qui a
besoin de fils étrangers pour son industrie, demander que le droit soit au
moins de 10 p. c. Je proposerai 10 p. c. pour les fils simples et écrus et 15
p. c. pour les fils blanchis, teintes ou tors.
M. le ministre de l’intérieur et des affaires
étrangères (M. de Theux). - Je ferai
remarquer qu’en 1832 la chambre de commerce de Bruges ne demandait que 5 p. c.
; dans le mémoire qu’elle a présenté en décembre 1837 elle ne demande également
que 5 p. c. La chambre de commerce de Courtray, dont on a également parlé, ne
demande que 5 p. c. Je crois donc que le droit de 5 p. c. pour les fils simples
et écrus et de 6 p. c. pour les fils blanchis, teints ou tors, est suffisant.
Il ne faut pas perdre de vue, messieurs, qu’il ne s’agit pas ici d’une seule
industrie mais que plusieurs intérêts sont en présence.
M. Desmet.
- Je dois faire remarquer à M. le ministre de l’intérieur que, par leurs
derniers avis, la chambre de commerce de Bruges demande 10 p. c. et la chambre de
commerce de Courtray bien plus que 5 p. c. M. le ministre parle des anciens
avis, tandis que moi je parle des derniers ; et, messieurs, nous devons
particulièrement nous attacher aux nouveaux avis, car ce sont ceux où la
question linière a été traitée spécialement, et on a tenu à avoir ces avis :
que du moins à présent on les croie, mais qu’on ne vienne pas les repousser
parce qu’ils ne sont pas de l’opinion qu’on voudrait faire prévaloir ;
d’ailleurs vous n’avez pas seulement les avis des chambres de commerce, mais
aussi ceux des commissions d’agriculture et des députations permanentes, des
conseils provinciaux, et, excepté la chambre de commerce, toutes les
corporations que vous avez consultées sont d’avis que le droit doit être au
moins à 10 p. c. de la valeur.
Si
donc la chambre veut réellement accorder quelque protection à notre importante
industrie, et avoir quelque confiance dans les avis qu’elle a reçus, elle ne
peut refuser cette protection.
M. Lardinois.
- Nous ne devons pas perdre de vue, messieurs, que le droit n’est que un demi
p. c., et que c’est l’augmenter considérablement que de le porter à 5 p. c.
d’une part et à 7 p. c. de l’autre. Je ne puis donc que me rallier à la
proposition de M. le ministre des finances. Si j’ai voté pour le droit au
poids, c’est dans l’espoir qu’on aurait établi un chiffre modéré ; mais le
droit de 5 et de 6 p. c’est, je le répète, un droit très élevé en comparaison
de celui qui existe actuellement.
M. de Langhe.
- On a cité, messieurs, les anciens avis des chambres de commerce et ceux
qu’elles ont émis maintenant : toute la conclusion qu’on peut tirer de cette
comparaison, c’est que les chambres de commerce sont en progrès prohibitif ; il
s’agit de savoir si la législature veut les suivre dans cette voie.
M. Desmaisières.
- L’honorable M. Lardinois vous a fait remarquer, messieurs, que le droit
actuel n’est que d’un demi p. c. ; mais est-ce bien là un droit protecteur ?
Evidemment, non ; on ne peut donc rien en conclure pour la fixation du droit
qu’il s’agit d’établir.
M. le ministre de
l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux).
- Je dois faire remarquer à la chambre que quand il s’est agi des fils de
laine, nous n’avons établi qu’un droit de 15 p. c., et que les producteurs des
fils de lin jouissent d’un avantage que n’ont pas ceux qui filent la laine :
c’est que les premiers ont la matière première dans le pays, tandis que les
autres doivent la faire venir de l’étranger. Je crois donc que pour demeurer
conséquents avec nos antécédents, nous ne pouvons pas adopter un droit plus
élevé que celui qui a été proposé par l’honorable M. de Langhe et appuyé par M.
le ministre des finances.
M. A. Rodenbach. - L’honorable M. de
Langhe semble faire un reproche aux chambres de commerce de ce qu’elles
proposent maintenant une protection plus forte que celle qu’elles ont proposée
jadis ; la raison en est toute simple, messieurs, c’est que de mois en mois
l’Angleterre introduit plus de fils en Belgique. Je dis, moi, que si vous
n’établissez pas un droit de 8 ou 10 p. c. sur les fils simples ou écrus et de
12 à 15 p. c. sur les fils blanchis, teints ou tors, vous n’aurez rien fait
pour les 400,000 personnes qui vivent du filage à la main.
M. Verdussen. - L’honorable
préopinant dit, messieurs, que vous ne ferez rien si vous établissez un droit
de 5 et de 6 p. c., c’est-à-dire, si vous décuplez le droit actuel, et moi je
dis que si vous établissez un droit de 10 p. c. vous n’aurez rien, car alors
vous n’aurez travaillé qu’au profil des fraudeurs. Il n’y a pas de marchandise
au monde qui se fraude plus aisément que les fils.
M. Eloy de Burdinne.
- Remarquez, messieurs, que les fils anglais sont fabriqués avec du lin
provenant de notre sol ; or, si vous allez trop fortement entraver le commerce
de lin que nous faisons avec l’Angleterre, cette nation pourrait bien
s’approvisionner ailleurs, et alors ceux qui réclament aujourd’hui des droits
élevés pourraient bien s’en repentir trop tard. Je crois que le droit proposé
par M. le ministre des finances est suffisant.
M. le ministre des finances (M. d’Huart).
- Indépendamment des considérations qui viennent d’être présentées en faveur
d’un droit modéré, je rappellerai à la chambre que la filature du lin a déjà
été protégée tout récemment par la loi des douanes, dans laquelle on a supprimé
le droit de sortie sur les fils, lequel était de 3 p. c. sur certaines
qualités, et de 5 p. c. sur certaines autres ; par là on a déjà amélioré d’une
manière notable la position des fileurs. D’un autre côté ne perdons pas de vue,
messieurs, que le fil est la matière première des tisserands, et que si nous
frappons d’une manière trop sensible cette matière première, nous gênerons une
industrie plus importante que la filature du lin, et contrarierons
l’exportation de nos toiles.
Comme
vient de le dire l’honorable M. Verdussen, le fil est extrêmement facile à
frauder ; si nous le frappons de droits trop élevés, on les éludera et les
fileurs ne trouveront pas la protection que leur promettrait la loi, tandis que
le trésor de son côté ne recevra plus rien. Je pense donc que pour satisfaire
tous les intérêts, il faudrait s’en tenir au droit moyen de 5 et de 6 p. c. qui
est le décuple du droit actuel, et qui s’élèvera d’ailleurs jusqu’à 8 et 9 p.
c. sur certaines qualités de fil.
M. Desmet. - Si l’honorable M.
Verdussen a voulu parler du fil de mulquinerie, il a raison, mais il n’est pas
question de ce fil dans le projet ; il s’agit seulement des fils communs.
On
a consulté toutes les chambres de commerce et les commissions d’agriculture, et
toutes sont d’avis qu’il faut établir un droit plus élevé que celui qui est
proposé par M. le ministre des finances ; la commission d’agriculture d’Anvers
elle-même propose un droit semblable à celui que demande la commission
d’industrie. Je crois, messieurs, que si nous voulons faire quelque chose pour
l’industrie linière, nous devons admettre un chiffre de 10 p. c. au moins, et
si vous allez tellement rogner la protection, ce sera comme si nous n’avions
rien fait.
M.
Smits. - Messieurs, je dois rendre la chambre
attentive sur la portée de la proposition qui tend à établir une moyenne de 10
p. c. Dans ce système, il arrivera que pour les numéros inférieurs, on
obtiendra un chiffre de 20 et même de 30 p. c. J’ai voulu faire cette
observation, pour qu’on ne se méprît pas sur la portée de la disposition.
M.
le président. - Je vais mettre aux voix le chiffre de 10 p.
c. que la commission d’industrie et M. Desmet proposent sur les fils écrus.
Des
membres. - L’appel nominal !
-
Il est procédé au vote par appel nominal.
En
voici le résultat :
69
membres y prennent part.
33
répondent oui.
36
répondent non.
En
conséquence, la chambre n’adopte pas sur le chiffre de 10 p. c. sur les fils
écrus.
Ont
répondu oui : MM. Angillis, Bekaert, Berger, Coghen, Coppieters, David, de
Foere, de Jaegher, de Meer de Moorsel, de Muelenaere, de Roo, Desmaisières,
Desmet, Hye-Hoys, Jadot, Kervyn, Lecreps, Liedts, Maertens, Manilius, Metz,
Morel-Danheel, A. Rodenbach, C. Rodenbach, Seron, Thienpont, Vandenbossche, Van
Volxem, Vergauwen, Verhaegen, Wallaert, Zoude et Dubus (aîné).
Ont
répondu non : MM. Beerenbroeck, Corneli, de Brouckere, de Florisone, de Langhe,
de Man d’Attenrode, F. de Mérode, Demonceau, de Nef, de Perceval, Dequesne, de
Renesse, de Terbecq, de Theux, Devaux, d’Hoffschmidt, d’Huart, Dumortier, Eloy
de Burdinne, Ernst, Fallon, Heptia, Keppenne, Lardinois, Lebeau, Mercier,
Milcamps, Polfvliet, Raymaeckers, Rogier, Smits, Trentesaux, Troye, Verdussen,
H. Vilain XIIII et Peeters.
M. le président. - Je vais
maintenant mettre aux voix le chiffre 5 p. c.
-
Ce chiffre est adopté.
La
chambre adopte ensuite le chiffre de 5 p. c., proposé par le gouvernement, sur
la deuxième catégorie des fils.
Sur
la demande de M. le ministre des finances (M. d’Huart), la
chambre prononce le renvoi du projet de loi à la commission d’industrie.
La
séance est levée à 4 heures 3/4.