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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 10 décembre 1839

(Moniteur belge n°345 du 11 décembre 1839)

(Présidence de M. Fallon)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Scheyven fait l’appel nominal à une heure et demie.

M. Lejeune lit le procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. Lejeune fait connaître l’analyse des pièces adressées à la chambre :

« Les administrations communales de Landegem, Beernem et Meygen (Flandre orientale) demandent que la route en fer de Gand à Bruges soit conservée. »

- Renvoyé à M. le ministre des travaux publics.


« Les exploitants des mines de houille du couchant de Mons demandent un dégrèvement de redevance proportionnelle sur les mines. »

Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget des voies et moyens.


« L’administration communale de Saint-Hubert demande qu’il soit établi dans cette ville un pénitentiaire pour les jeunes détenus, avec une école des arts et métiers. »

- Sur la proposition de M. Zoude, renvoi à la commission avec invitation d’un prompt rapport.

Projet de budget de la chambre de l'exercice 1840

Rapport de la commission

M. Zoude, au nom de la commission de comptabilité, présente le rapport sur le compte des dépenses de la chambre pour l’exercice courant et sur le projet de budget de la chambre pour l’exercice prochain.

Projet de loi portant les budgets de la dette publique et des dotations de l'exercice 1840

Discussion générale

M. le président – La parole est à M. Demonceau.

M. Demonceau – Le budget de la dette publique est celui de tous nos budgets qui a subi la plus forte augmentation par suite de l’adoption du traité de paix. J’ai entendu dire, et le ministère lui-même paraît de cet avis, que nous voulons entrer dans l’état normal. Comme je ne pense point possible d’arriver à l’état normal avant la fin de l’exercice prochain, je crois de mon devoir de soumettre à la chambre quelques observations sur le budget de la dette publique.

Au budget de l’exercice 1839 la dette active figurait pour 611,894 francs 17 centimes.

Au budget de la dette publique pour 1840, nous voyons ce chiffre élevé à 10,582,010 francs 58 centimes.

Ainsi le budget de la dette publique est augmenté de 9,970,116 francs 41 centimes.

C’est là le résultat du traité. C’est une nécessité pour nous de voter ce crédit. Mais je prouverai tout à l’heure que l’administration des finances a commis une erreur quand elle n’a donné que cette somme comme devant suffire à ce que nous devons réellement payer en vertu du traité.

La dette flottante qui, l’an dernier, n’était que de 150,000 francs se trouve portée à 1,500,000 francs au budget de l’exercice prochain. Cette augmentation est encore le résultat des circonstances qui ont amené l’adoption du traité de paix. Vous le savez, messieurs, les documents qui vous ont été transmis par le ministère prouvent qu’alors que, les années précédentes, nous avons eu sur les recettes présumées une augmentation , nous avons eu cette année, un déficit de trois millions environ, comparaison faite du budget des voies et moyens avec les recettes effectuées.

Le chiffre des pensions est à peu près le même. Mais tandis que nous trouvons une diminution de 70 mille francs sur les pensions ecclésiastiques, une autre de 10 mille francs sur les pensions civiles, nous avons une augmentation de 53 mille francs sur les pensions militaires : c’est encore là le résultat des circonstances qui ont amené le traité de paix. Vous ne l’ignorez pas, deux mots avaient été entendus de la manière la plus large. Des sommes considérables furent mises à la disposition du département de la guerre. Le département de la guerre cru devoir en faire un usage tellement extraordinaire que tous nous en avons été surpris, et supposez que vous diminuez les dépenses de la guerre, pour l’exercice prochain, il vous faudra probablement augmenter le budget de la dette publique ; en effet, ne devriez-vous pas, en ce cas, mettre à la pension les militaires qui se seraient dévoués pour la patrie, si leur concours avait été invoqué ?

Nous avons encore plusieurs articles qui, dans l’état normal, ne doivent plus figurer au budget.

Ce sont : «

« Intérêts des cautionnements dont les fonds sont encore en Hollande. »

« Intérêts des cautionnements des comptables belges, inscrits au grand livre de la dette active d’Amsterdam. »

« Avances aux fabriques d’église, aux communes et aux établissements de bienfaisance situés en Belgique, qui ont des capitaux inscrits au grand livre de la dette active à Amsterdam, mais dont les intérêts ne sont point payés. »

Ces articles montant ensemble à 252,000 francs environ ne figureront plus, il faut l’espérer, au budget de 1841.

Je reprends maintenant la partie principale de mes observations. Le traité de paix, comme vous le savez impose à la Belgique l’obligation de payer la rente de cinq millions de florins à dater du 1er janvier 1839. Il résulte du texte et de l’esprit du traité, comme aussi des notions que nous avons en droit, qu’au 31 décembre prochain, à minuit, la Belgique devra à la Hollande une année de la dette. Nous n’avons voté l’an dernier que six mois de la rente, nous devons y ajouter six mois pour satisfaire en entier à notre dette pendant l’exercice de 1839. Nous faisons maintenant le budget pour l’exercice de 1840 ; et il me semble que, d’après les véritables règles de la comptabilité, d’accord avec tous les principes du droit, ce que nous devons porter au budget de 1840, c’est la rente qui commencera à courir le 1er janvier 1840 et qui sera échue le 31 décembre 1840. L’administration des finances, procédant d’après d’anciens errements, dit-elle, errements qui ne peuvent cependant pas être invoqués ici, a pensé que la dette ne devenant exigible que le 1er janvier, elle pouvait se dispenser de porter sur l’exercice de 1839 la totalité de la dette, et qu’elle pourrait en même temps porter sur l’exercice de 1840 six mois exigibles le 1er janvier 1840 et six autres mois qui seraient exigibles, selon elle, le 1er juillet 1840.

Je ne puis partager cette manière de voir ; je crois que l’administration des finances s’est trompée, et je pense que M. le ministre des finances, quand il aura fait examiner attentivement la question reconnaîtra qu’il y a eu erreur de la part de son administration. Je ne signale pas cette irrégularité pour demander qu’elle soit rectifiée à l’instant même. Mais, puisque nous voulons entrer dans l’état normal, je demande qu’à l’avenir la comptabilité soit établie de manière qu’il soit impossible de se tromper sur la véritable situation de notre état financier en général.

Les négociations ouvertes à Utrecht amèneront un résultat qui nous permettra, je l’espère, de réduire encore le chiffre de la dette publique. Je me flatte donc que, pendant le cours de l’année, le gouvernement avisera à rectifier sur ce point la comptabilité.

J’arrive maintenant à d’autres observations ; et si je n’ai pas pris part à la discussion générale du budget des voies et moyens, c’est que j’espérais trouver ici l’occasion de rectifier quelques erreurs échappées à plusieurs de mes honorables collègues, qui ont fait la critique de l’état du trésor.

L’honorable M. de Foere, parlant des bons du trésor, a fait au gouvernement un reproche grave, celui de cacher en partie la véritable situation du trésor. La section centrale a été rendue solidaire de ce reproche ; car j’ai sous la main les paroles de l’honorable M. de Foere ; la chambre me permettra de les reproduire.

« Ces bons du trésor ne sont, au fond, autre chose qu’un emprunt qui devra être consolidé. Le ministre dit que c’est pour faciliter le service du trésor, et la section centrale a l’extrême bonté de répéter cette phrase du ministère. »

La situation du trésor, messieurs, n’est une énigme pour personne en tant qu’on veut y voir clair. Il suffit de jeter les yeux sur les documents transmis par le ministère dans la séance du 12 novembre dernier (page 7) pour y trouver le détail des véritables déficits des exercices précédents. Comment la section centrale s’est-elle exprimée ayant sous la main la véritable situation du trésor ? Elle a dit : « La situation du trésor exige l’adoption de cette disposition comme nécessitée. » C’est bien dire qu’il y a nécessité de rétablir au trésor les sommes qui sont nécessaires au gouvernement pour maintenir l’égalité entre les recettes et les dépenses ; c’est bien dire que la situation du trésor n’a pas échappé à la section centrale.

J’arrive à la réponse que je me propose de donner à l’honorable M. de Brouckere. J’en parle ici, messieurs, parce que c’est surtout à l’occasion de la dette publique que je crois de mon devoir de justifier, non pas le gouvernement seul, mais toutes les administrations qui ont contribué aux votes des emprunts que l’honorable M. de Brouckere pense avoir été dépensé de manière à amener 20 millions de déficit chaque année.

Il a dit que, depuis 1830, nous avions emprunté 180 millions. Il a ajouté : Nous ne nous sommes pas bornés à emprunter 181 millions, nous avons mangé de nos capitaux, et qui plus est, nous marchons de déficit en déficit. Mais de ce que les emprunts ont été contactés dans des circonstances extraordinaires et difficiles, on ne tient pas un pareil langage au pays. Souvenez-vous, messieurs, que déjà M. le ministre des finances a justifié complètement le système du gouvernement en ce qui concerne l’emprunt de (erratum, Moniteur du 11 décembre 1839 :) 48 millions de florins dont on a parlé. Rappelez-vous, messieurs, l’époque où cet emprunt fut contracté. Le gouvernement provisoire s’était mis en possession des rênes de l’état ; il n’avait rien ou presque rien trouvé au trésor. Je me trompe, il y avait quelque chose ; mais le caissier de l’état qui, alors et depuis, a su conserver par devers lui les sommes dont il était détenteur, quoique bien souvent on ait déclaré dans cette enceinte qu’il serait juste qu’il s’en dégarnît pour les employer plus avantageusement pour l’état.

Que dut faire le gouvernement provisoire pour fournir à l’administration du pays ? Il dut avoir recours à un emprunt qu’on a qualifié de patriotique, mais qui ne produisit pas beaucoup. Sur 5 millions il produisit à peu près, je pense, 500 mille francs. On eut recours ensuite à l’emprunt forcé de 12 millions, et ensuite dix autres millions furent votés. Des lois de 1831 autorisent ces emprunts. Si j’entre dans ces détails, c’est que j’ai entendu faire l’éloge de l’administration antérieure à 1830. Moi qui veux être vrai, j’entends rendre justice à l’administration postérieure.

Personne n’a perdu le souvenir des événements de 1831 ; ils amenèrent, on le sait, l’adoption d’un traité onéreux.

Nous nous en souvenons, nous, qui avons été témoins des tristes événements de cette époque.

En 1832 le budget de la guerre, pour éviter de nouvelles surprises, fut porté à 74 millions. Ajoutez 50 millions à restituer des emprunts forcés, et voyez s’il n’est pas heureux pour le budget d’être sorti de cet embarras momentané par l’emprunt de 100 millions 800,000 francs, qui n’a produit que 75 millions : Voilà pour cet emprunt de 100 millions.

Je viens aux deux emprunts qui on suivi immédiatement. Ce sont ceux de 30 millions et de 50 millions 850,800 francs. Dans quel but ont-il été faits et à quoi ont-ils été employés ? Voyez les documents, nous transmis par le ministère ; car je ne raisonne que d’après les documents communiqués. Vous avez voté l’établissement d’un chemin de fer ; vous vouliez améliorer, autant que possible, les routes de l’état. Les deux emprunts dont il s’agit ont produit effectivement, l’un 27 millions 364 mille francs environ, l’autre 35 millions 646 mille francs à peu près. A quelles dépenses a-t-il été pourvu au moyen des recouvrements de ces deux emprunts ? Voyez le rapport communiqué par le ministre des travaux publics, du 12 novembre dernier (pages 10 et 12). Il a été construit 309,291 mètres de chemin de fer, lesquels sont aujourd’hui en exploitation.

Il a été préparé 43,453 mètres, ou, en cours d’exécution, c’est-à-dire dont les travaux sont inachevés. Et, pour l’exécution complète des lois des premier mai 1834 et 26 mai 1837, il ne nous reste à faire que 196,338 mètres pour exécuter complètement le chemin de fer, toujours d’après le rapport de M. le ministre des travaux publics. Je ne retrouve pas en ce moment les notes que j’ai extraites de ce rapport. Toutefois, je pense que les dépenses occasionnées pour la construction du chemin de fer s’élèvent à 55 millions environ. Ajoutez à cela l’amélioration de nos routes pavées et ferrées, et vous trouvez (même rapport, page 54) qu’il y aurait eu 122 lieues de routes pavées et empierrées construites depuis 1830. Le gouvernement aurait aidé, par des subsides, à peu près 140 lieues de routes provinciales. Faites-y bien attention ; pour tout ce que je vous dis ici, je me base sur les documents émanés du ministère des travaux publics.

Joignez à toutes ces dépenses la somme que nous avons employée pour racheter la Sambre canalisée ; pour racheter le canal de Charleroy ; ajoutez-y les sommes que nous avons votées pour acheter des hôtels pour nos ministères ; les subsides pour le Palais de justice ; pour le rachat de l’entrepôt d’Anvers, etc., et vous verrez que si jamais emprunts ont été employés utilement, ce sont ceux que la législature a votés, que le gouvernement a mis en recouvrement. Et n’allez pas croire, messieurs, que ces emprunts, qui ont été votés, n’ont pas subi de réduction par le moyen des recettes ordinaires que nous avons eues. L’emprunt de 100 millions 800,000 francs est réduit à 91 millions ; l’emprunt de 30 millions est réduit à 28 millions 963,000 francs ; l’emprunt de 50 millions 850,800 francs est réduit à 50,109,000 francs. Ainsi, cette somme de 181 millions est réduite à 170 millions 700,000 francs, à peu près, en n’employant que des nombres ronds. C’est-à-dire que nous avons fourni les intérêts de ces emprunts, que nous avons amélioré la situation financière du pays, en ce sens que nous avons fait profiter le pays, indirectement du moins de la plus grande partie des sommes votées, et que nous avons encore réduit de 11 millions les capitaux des mêmes emprunts.

J’ai cru, messieurs, qu’il était de mon devoir d’entrer dans ces calculs ; je les ai puisés dans les documents qui ont été mis à ma disposition en ma qualité de membre de la chambre ; vous comprenez facilement qu’il ne m’a pas été donné de pouvoir réunir tous ceux qui pourraient justifier encore mieux, non pas, je le répète, le gouvernement, mais la législature qui a voté les fonds et qui en a surveillé l’emploi.

Les gouvernements constitutionnels, a-t-on dit, doivent avoir pour devise : « franchise, publicité » ; je pense, MM. que lorsqu’on se pose en quelques sorte chef de l’opposition, on doit aussi ne pas toujours dire des choses qu’on ne peut justifier par aucun des documents qui se trouvent à notre disposition ; c’est compromettre le crédit public, messieurs, que de dire dans cette enceinte qu’on a fait des emprunts, sans qu’on puisse justifier l’emploi des fonds qui en sont provenus. Je tiens beaucoup, moi, à raffermir le crédit, et c’est pour ce motif que je me suis permis d’entrer dans ces calculs ; si je m’étais trompé, j’espère que l’honorable M. de Brouckere, qui se trouve aujourd’hui dans la même position où je me trouvais hier, qui se trouve chargé de justifier le projet de loi qui a pour objet de mettre à la disposition du gouvernement les fonds nécessaires pour ouvrir les intérêts et l’amortissement de la dette publique ; j’espère que l’honorable M. de Brouckere, qui doit avoir à sa disposition tous les documents propres à me réfuter, s’empressera de rectifier ce qu’il trouverait d’inexact dans mes observations.

M. de Foere – Messieurs, l’honorable préopinant s’est trompé lorsqu’il a fait observer que j’avais reproché à la section centrale que la situation du trésor lui avait échappé. J’ai seulement fait remarquer que la section centrale avait, dans le texte de l’article 4 de la loi, copié l’erreur du gouvernement qui, dans le même texte, demande les 18 millions de bons du trésor pour faciliter le service du trésor, tandis que la plus grande partie de ces 18 millions sont demandés, non pas pour faciliter le service du trésor, mais pour combler le déficit qui existe dans les recettes du budget.

Défalquez des 18 millions demandés les quatre millions prêtés à la banque de Belgique et 3 ou 4 millions nécessaires pour faciliter le service du trésor, il reste 10 à 11 millions destinés à combler le déficit que présente chaque année la balance de nos recettes à l’égard de nos dépenses. Ce défaut d’équilibre est un vice grave généralement reconnu, comme tel, dans tous les pays. Il est contraire aux règles de toute bonne administration financière. Lorsqu’on a créé, en 1833, les bons du trésor sous le ministère Duvivier, on a été franc et loyal ; on n’a pas demandé les bons du trésor uniquement pour faciliter le service du trésor ; on les a demandés aussi pour combler le déficit qui existait dans les recettes. Ce fait est tellement vrai, messieurs, que la chambre de 1833 avait nommé une commission, chargée de s’occuper d’un emprunt destiné à garantir les bons du trésor. Je me suis fortement opposé à cette commission, attendu qu’il était absurde de garantir un emprunt par un autre, et la chambre l’a enfin compris. La commission n’a jamais siégé, ni travaillé.

C’est tromper le pays, messieurs, que de demander un budget de dépenses de 101 millions, quand, en réalité, il est porté à 111millions.

L’honorable préopinant a dit que cette situation n’a pas échappé à la section centrale et il a donné lecture de la partie du rapport où il est dit que l’adoption de 18 millions de bons du trésor est une nécessité. Sans doute, lorsque les recettes ne sont pas au niveau des dépenses, il y a nécessité de recourir à un emprunt ou à une émission de bons du trésor, ce qui est, au fond, la même chose ; mais j’ai seulement contesté l’exactitude de la rédaction de l’article 4 du projet de loi des voies et moyens, attendu que la plus grande partie des 18 millions de bons du trésor ne sont pas demandés pour faciliter le service du trésor, mais pour couvrir le déficit dans les recettes.

Maintenant je ferai observer, messieurs, que, en outre, l’on demande au pays 12 millions de bons du trésor pour les chemins de fer ; c’est donc une émission totale de 30 millions de bons du trésor. Une émission aussi considérable est extrêmement nuisible aux intérêts du commerce et de l’industrie, car, d’après la proposition du gouvernement, ces bons du trésor seront escomptés à 5 p.c. Or, aussi longtemps qu’il y aura en circulation une masse aussi considérable de bons du trésor, donnant 5 p.c. d’intérêt, le commerce et l’industrie ne pourront pas espérer de voir diminuer le taux de l’escompte commercial. En France et en Angleterre on émet une grande quantité de bons du trésor, mais c’est à l’intérêt de 2 ¼ ou 2 ½ p.c., et non pas à 5 p.c. Les gouvernements d’Angleterre et de France règlent l’émission et la circulation des bons du trésor de telle sorte que ces valeurs circulent comme papier monnaie, de manière que ceux qui ont des capitaux disponibles ne les laissent jamais dormir. Ils prennent ces valeurs comme paiement, et lorsqu’eux-mêmes ils ont des paiements à faire, dans huit ou quinze jours, ils les prennent encore, attendu que chaque jour de détention leur donne des intérêts.

Depuis cinq ans, messieurs, je renouvelle ces observations dans l’espoir que MM. les ministres en profiteront pour introduire quelques économies dans notre système financier et ne pas nuire à l’escompte commercial, et jusqu’ici nous n’avons rien pu obtenir ; toujours les observations que nous faisons dans l’intérêt du pays viennent échouer par l’insouciance du ministère. On a beau vouloir le stimuler, il continue de dormir sur les graves intérêts du pays, et il n’est pas possible de le faire sortir de ses routines et de corriger les vices de son administration.

M. le ministre des finances (M. Desmaisières) – Messieurs, je regrette bien vivement que l’honorable préopinant ne se soit trouvé dans la séance de l’autre jour, où j’ai réfuté les diverses objections qu’il avait présentées dans la discussion générale du budget des voies et moyens ; je regrette même qu’il n’ait pas lu mon discours dans le Moniteur ; car s’il l’avait lu, il n’aurait pas répété ce qu’il vient de vous dire ; je regrette encore qu’il n’ait pas lu mon discours à l’appui des budgets ; car là, il aurait vu, à la page 13, que je me suis exprimé bien franchement, bien loyalement sur l’autorisation que je demande d’émettre 18 millions de bons du trésor. Voici, messieurs, comment je m’exprime :

En sorte que la dette flottante à couvrir par les ressources des exercices à venir, ne s’élève définitivement qu’à la somme de fr. 14,137,920 29

A laquelle il faut ajouter temporairement celle de 4,000,000 qui sera remboursée par la banque de Belgique, à qui elle a été prêtée.

Ensemble : fr. 18,137,920 29.

Il me semble qu’on ne peut pas s’expliquer plus clairement.

Maintenant, messieurs, je me vois obligé de répéter à l’honorable membre qu’il confond toujours deux choses essentiellement distinctes : la comptabilité générale et le service du trésor ; ainsi, messieurs, s’il avait fait attention à ce que je disais dans mon discours à l’appui de la présentation des budgets, il aurait vu que si, avec les 12 millions demandés pour la continuation des travaux du chemin de fer, je porte à 30 millions le chiffre de l’émission possible des bons du trésor, je ne demande que l’intérêt moyen à 5 pour cent d’une somme moyenne de 20 millions à émettre en 1840. Cependant l’honorable membre raisonne toujours comme s’il s’agissait d’émettre 30 millions de bons du trésor pendant tout l’exercice prochain.

Il a dit, messieurs, qu’émettre des bons du trésor, c’est enlever l’argent à l’escompte du commerce et de l’industrie ; je crois que l’on pourrait soutenir que c’est mettre l’argent en circulation, surtout dans des circonstances semblables à celles où nous nous trouvons, c’est-à-dire dans de moments où chacun tient son argent resserré dans ses coffres et ne veut pas le livrer au commerce.

Or, lorsqu’on n’a plus confiance dans les opérations du commerce, on a encore confiance dans le trésor public, et l’on vient remettre son argent au trésor public contre des bons du trésor. Cet argent ne reste pas dans la caisse du trésor ; il est répandu dans la circulation par le payements que fait le trésor. Ainsi vous voyez que, de cette manière, l’émission de bons du trésor est plutôt favorable que défavorable au commerce, puisqu’elle remet en circulation des capitaux qui, sans la confiance que le trésor public inspire encore, resteraient thésaurisés dans les mains des détenteurs peu confiants dans les opérations des banques commerciales. Quant à l’élévation du chiffre, sans doute, à la suite d’une année de crise, comme celle de 1839, et lorsque les emprunts qui ont été faits pour couvrir les travaux extraordinaires qui ont été décrétés, sont épuisés, ce n’est pas trop demander une émission moyenne de 20 millions, et si on la compare à celle des années précédentes, on verra que cette émission moyenne est très possible dans l’exécution.

Voici quel a été le chiffre moyen de cette émission pour chacune des années précédentes.

Pour 1833 15 millions

Pour 1834 14 millions

Pour 1835 20 millions

Pour 1836 24 millions

Pour 1837 8 millions

Pour 1838 15 millions

Pour 1839 3 millions.

A la vérité le chiffre moyen de l’émission demandé pour l’année 1839 a été supputé à un chiffre peu élevé, parce que cette année devait se faire l’emprunt 3 p.c. destiné à couvrir d’un côté une partie de la dette flottante, de l’autre à subvenir aux travaux du chemin de fer. Mais toujours est-il, messieurs, que dans les années que je viens d’énumérer, il y en a une qui dépasse de 4 millions le chiffre moyen d’émission que nous demandons pour 1840.

Messieurs, sans entrer dans la discussion de la question de comptabilité qu’a soulevée l’honorable M. Demonceau, relativement à la dette de 5 millions de rente annuelle à payer par suite de l’exécution du traité, question qu’à mon avis la section centrale a sagement fait de proposer qu’elle fût renvoyée à la commission permanente des finances, afin de faire un rapport sur le système qu’il conviendrait de suivre à l’avenir à cet égard, je dois dire cependant quelques mots pour justifier le ministère des finances de ce qu’il a cru devoir se conformer aux errements qui ont été suivis à ce sujet par le département des finances et par la législature tout entière.

Messieurs, à peine eus-je pris possession du ministère des finances que je me vis dans l’obligation, pour l’exécution du traité, de présenter à la législature un projet de loi pour demander les crédits nécessaires au payement de la dette mise à notre charge par ce traité. Je pris d’abord connaissance des antécédents. Parmi les emprunts que la législature avait décrétés depuis 1830, il s’en trouvait un, celui de 30 millions au taux de 4 p.c. d’intérêt annuel, à l’égard duquel les échéances étaient les mêmes que celles de la dette du traité. J’examinerai ce qui avait été fait à cet égard, et dans l’arrêté royal du 5 juillet 1836 qui règle les conditions de cet emprunt, je trouvai à l’article 3 :

« Ces obligations porteront intérêt à 4 p.c. l’an, à commencer au 1er juillet 1836. »

Examen fait du budget de 1836 et de ceux de 1837, 1838 et 1839, je trouvai qu’on avait interprété l’époque de jouissance de l’intérêt qui commençait à courir à partir du 1er juillet 1836, comme impliquant l’exigibilité seulement au 1er janvier 1837, du paiement du semestre du 1er juillet au 31 décembre de la même année, et que par la suite on n’avait porté le premier semestre de cette dette qu’au budget de 1837.

Ainsi, messieurs, pour l’emprunt de 30 millions 4 p.c., dont les termes sont les mêmes, à l’égard du paiement des intérêts, que pour la dette de 5 millions de florins, on a porté au budget de 1837 le semestre couru depuis le 1er janvier 1837 jusqu’au 30 juin de la même année à minuit ; on n’a porté que ces deux semestres dans ce budget, et l’on s’est conformé à ce système dans les budgets de 1838 et de 1839.

Dans cette occurrence, qu’avais-je à faire ? j’avais à proposer la même chose, pour la dette du traité, au budget de 1839, puisqu’ici aussi on doit porter la jouissance du second semestre à partir du 1er juillet, l’article 13 du traité faisant partir formellement la jouissance du premier semestre au 1er janvier 1839. Je n’avais donc ainsi à porter au budget de 1839 qu’un seul semestre, celui couru du premier janvier au 30 juin 1839 : c’est ce que j’ai fait, et l’exposé des motifs du projet de loi l’établit clairement, ainsi que le texte même de la loi qui a été voté, car voici ce texte :

« Il est ouvert au gouvernement un crédit de 4,985,058 francs 20 c., destiné à pourvoir, avec la moitié de celui alloué par la loi du 22 décembre 1838 pour intérêts de la dette inscrite au grand livre auxiliaire de Bruxelles, au paiement éventuel du semestre échéant en 1839. »

La loi a donc positivement entendu qu’un seul semestre devrait échoir en 1839.

Du reste, comme je viens de le dire, je ne fais cette observation que pour justifier le ministère des finances, de ce qu’il a cru devoir se conformer aux antécédents législatifs ; mais, je le répète aussi, je crois que la section centrale a agi très sagement, en demandant le renvoi, quant à la question du système de comptabilité, à la commission permanente des finances de la chambre.

M. de Brouckere, rapporteur – Messieurs, je commence par déclarer, afin de ne pas vous effrayer en prenant la parole, que je ne suivrai pas l’honorable M. Demonceau dans les développements qu’il a bien voulu vous donner, parce que, en effet, l’honorable M. Demonceau n’a fait que vous raconter des choses que nous connaissions tous. Il vous a dit dans quelles circonstances nous étions quand nous avons fait les emprunts, il vous a dit encore à quoi ces emprunts ont été dépensés ; nous étions parfaitement informés de tout cela ; tout ce que j’ai dit et que je crois pouvoir répéter, et en quoi aussi je suis d’accord avec l’honorable M. Demonceau, c’est que depuis 1830 nous avons fait trois emprunts au capital nominal, l’un de 100,800,000 francs, le deuxième de 30,000,000 francs, et le troisième de 50,850,800 francs.

Une chose sur laquelle nous sommes encore tous d’accord, c’est qu’on ne peut couvrir ces emprunts à l’aide de nos moyens ordinaires.

Or, c’est là tout ce que j’ai dit, quant à l’emploi des capitaux ; quant à la cause des emprunts, j’ai cru tout à fait inutile de vous en entretenir, puisque vous êtes tous au courant, comme moi.

Une chose positive, et sur laquelle je suis encore d’accord avec l’honorable préopinant, c’est que, d’après la manière dont on formule les budgets, nous sommes en arrière d’un semestre de la rente de 5 millions ; M. Demonceau vous a dit que tel était aussi son avis.

Un troisième point que personne ne contestera, c’est que d’ici à très peu de temps, nous devrons faire un quatrième emprunt que, pour ne pas être taxé d’exagération, j’ai fixé seulement à 30 millions ; mais l’expérience montrera, avant deux ans, que je ne suis pas resté au-dessous de la réalité. Ainsi, vous voyez que tous les faits que j’ai avancés sont restés tels que je les ai avancés.

Le grand point, c’est que jusqu' aujourd’hui, nous avons dépassé d’environ 20 millions de francs la somme qui a été produite par nos voies et moyens, voilà pour le passé ; mais un point plus important encore, c’est que je soutiens qu’aujourd’hui, d’après la manière dont les budgets sont faits, nos voies et moyens sont au-dessous de nos dépenses de plus de cinq millions. Je voudrais bien que l’honorable préopinant pût prouver que cela n’est pas ; moi, je m’en vais expliquer comme cela est.

Messieurs, vous savez que nos budgets se balancent ; d’un côté cent et un millions et quelques centaines de mille francs de recettes et de l’autre, cent millions et quelques centaines de mille francs de dépenses. Mais, parmi les voies et moyens, l’on a porté différents postes qui ne sont que des ressources tout à fait momentanées ; l’on a porté différents postes qui n’auraient pas dû figurer comme voies et moyens, puisqu’ils sont le remboursement de capitaux. Veuillez prendre la page 26 du budget des voies et moyens, et vous trouverez, par exemple :

« Prix de vente de domaines, en vertu de la loi du 27 septembre 1822, 2,020,000 francs. »

Eh bien, ces 2,020,000 fracs constituent une partie du capital que nous ne devrions pas dépenser, comme si c’était une ressource ordinaire. Je sais très bien que, d’après les calculs de M. le ministre des finances, nous aurons cette ressource encore pendant quelques années ; mais, en tout cas, c’est un acte de mauvaise administration que de dépenser comme revenu ordinaire ce qui est un capital, de dépenser comme revenu ordinaire ce qui est une ressource tout à fait momentanée.

Veuillez, messieurs, prendre la page 28 du budget, et vous verrez :

« Recouvrement d’une partie des avances faites aux régences par le département de la guerre pour construction d’écuries destinées à la cavalerie : fr. 30,000. »

Recette essentiellement momentanée.

Il en est de même de l’article suivant :

« Recouvrement d’avances faites à des provinces et à des communes et autres recettes diverses, y compris les avances faites et à faire aux corporations, établissements et comptables belges et ayant des capitaux inscrits au grand-livre d’Amsterdam, montant à 590,500 francs.

« Recouvrement d’avances faites par le trésor pour les fonds de cautionnement depuis 1830 à 1839 inclusivement, 1,522,000 francs. »

Nous mangeons en une seule année des avances faites en neuf ans.

« Recouvrement d’avances faites par le trésor pour le fonds de consignations depuis 1830 à 1839 inclusivement : 681,000 francs. »

Idem pour 1840 : 30,000 francs.

« Recouvrement partiel du prêt fait à la banque de Belgique : fr. 1,000,000 »

C’est un prêt que nous avons fait sur notre capital. Ce prêt a été, je crois, de 4 millions. Nous devons le récupérer en 4 ans, et au lieu de le faire rentrer dans notre capital, au lieu de l’employer à amortir la dette, nous en mangeons un million par an. Est-ce là le fait d’une bonne administration ? Un particulier qui agirait ainsi ne serait-il pas un homme marchant droit à la banqueroute ? cela est incontestable.

Faites le calcul des chiffres que je viens de vous indiquer et vous aurez une somme de 5,854,500 francs de recettes momentanées.

On pourra objecter qu’il y a dans le budget des dépenses quelques articles se rapportant aussi des dépenses extraordinaires, ces articles présentent un total de près de 2 millions. Mais je ferai remarquer que beaucoup de ces articles, bien qu’indiqués comme dépenses extraordinaires, se reproduiront sous différentes formes, il est vrai, mais se reproduiront chaque année. Cependant, j’admets que vous deviez déduire ces deux millions, il vous reste bien positivement un budget des voies et moyens de 4 millions au-dessous des dépenses. Mais, d’un autre côté, remarquez que l’on n’a rien porté au budget des dépenses pour « usure » du chemin de fer, je suis obligé de me servir de ce mot, car je ne crois pas que la langue française puisse m’en fournir d’autre.

On n’a rien porté ni pour usure du chemin de fer ni pour usure des voitures et de tout ce qui sert à transporter les voyageurs et les marchandises. On n’a rien porté de ce chef, parce que jusqu’ici on n’a pas pu faire de calcul, le temps n’a pas permis d’apprécier à quelle somme devait monter annuellement le remplacement des billes, des rails, des voitures et des locomotives. Je ne crois pas être beaucoup au-dessous de la réalité en fixant cela à un million et demi.

Maintenant il y a autre chose encore. On devra faire dans peu un emprunt ; ne fût-il que de 30 millions, et je crois que cela ne suffira pas ; car le chemin de fer est calculé devoir coûter 100 millions. Nous en avons exécuté pour 56 millions. Voilà encore un million et demi. De bon compte, trois millions et quatre millions font sept millions de déficit.

Je suppose que le chemin de fer, quand il sera terminé, produira deux millions de plus, je vais certainement plus loin que la réalité, reste 5 millions de déficit.

Je vous le répète, si je me borne à fixer le déficit à 5 millions, c’est parce que je veux être très large dans les concessions que je veux faire à mes adversaires, si j’en ai.

Mais, dit M. Demonceau, tout ce que j’ai dit n’a eu pour but que de raffermir le crédit public que je craint de voir ébranler par vos paroles.

Dans notre gouvernement, le crédit public, pour se maintenir doit se fonder sur la vérité. Vous aurez beau induire en erreur, reporter, par exemple, à 1840, 5 millions qui frappent l’exercice de 1839, vous pourrez tromper les personnes qui regardent les choses à la légère, mais cela n’influera en rien sur le crédit public.

Je suis convaincu que notre crédit est très solide, car nous sommes la nation la moins chargée de dette de l’Europe, et qu’en exposant avec vérité notre position, nous trouverons toujours assez de financiers qui auront confiance dans l’état de la Belgique, parce qu’elle mérite qu’on y ait confiance. Mais, pour continuer à mériter cette confiance, il faut être vrai, il faut que le budget donne le véritable état du pays. Or, les budgets tels qu’ils sont formulés ne donnent pas cet état.

Messieurs, je crois avoir suffisamment répondu à ce qui m’a été objecté. Cependant, depuis la semaine dernière, car c’est la semaine dernière que j’ai prononcé le discours auquel a répondu l’honorable M. Demonceau, j’ai entendu dire : Vous avez fait une comparaison du budget de la Belgique pour 1840 avec le budget des Pays-Bas de 1830, et vous avez montré que ce dernier était beaucoup moindre que celui de la Belgique, cependant on payait beaucoup plus du temps du royaume des Pays-Bas qu’aujourd’hui.

Je ne suis pas entré dans l’examen de ce qu’on payait en 1830, de ce qu’on a payé en 1839 et de ce qu’on paiera en 1840 ; j’ai voulu arriver à un seul résultat qui est celui-ci : Vos voies et moyens tels qu’ils sont présentés, sont inférieurs aux dépenses et ils l’ont été tous les ans depuis 1830.

Ce que je voudrais, c’est qu’une bonne fois nous missions les voies et moyens d’accord avec les dépenses. On dira que la conséquence est que je veux réduire les dépenses le plus possible. Oui, je réduirai les dépenses autant que possible, mais si la chambre n’admet pas les réductions que je croirai devoir proposer, il faudra augmenter les voies et moyens. Plus tard on réduira les dépenses ou on augmentera les voies et moyens.

Voilà le seul résultat que j’ai voulu signaler et que j’ai voulu atteindre. Je suis persuadé que si mes observations n’ont aucun résultat cette année, et je ne crois pas qu’elles puissent en avoir parce que l’année est trop avancée, mais je suis persuadé que l’année prochaine on présentera un budget formulé d’une autre manière, et qu’on avisera à diminuer les dépenses ou à augmenter les recettes.

M. de Foere – M. le ministre des finances a commencé par supposer que je n’avais pas lui ses discours. Je les ai lu ou je ne les ai pas lu, là n’est pas la question. Il vient de citer lui-même une partie de ses discours, et il répète constamment les mêmes erreurs, les mêmes vices d’administration.

J’ai établi que le gouvernement demandait 30 millions de bons du trésor. Le fait est-il vrai ou est-il faux ? M. le ministre ne l’a pas contesté.

Il demande 18 millions au budget pour faciliter le service du trésor ; il n’a pas contesté non plus que la plus grande partie fût demandée pour combler le déficit dans ses recettes. D’autres part, il demande encore 12 millions de bons du trésor pour le chemin de fer. Si je calcule bien, le gouvernement demande donc 30 millions. Mais, dit le ministre, je ne demande que l’intérêt de 20 millions. De deux choses l’une : ou vous avez besoin de 30 millions de bons du trésor, ou vous n’en avez besoin que de vingt. Dans le premier cas, pourquoi demandez-vous seulement les intérêts de 20 millions ? Dans le deuxième cas, pourquoi en demandez-vous 30 ? Vous répondez que vous ne demandez les intérêts que pour une somme moyenne de 20 millions. Mais alors présentez la somme de 20 millions, si c’est à cette somme que vos prévisions se réduisent. Puisque vous proposez seulement une dépense d’intérêts destinés à couvrir 20 millions de bons du trésor, pourquoi grossir énormément et inutilement le chiffre du capital et le porter à 30 millions.

M. le ministre des finances a soutenu que l’émission des bons du trésor, à une somme aussi considérable et à un intérêt aussi élevé, loin d’être nuisible aux intérêts du commerce et de l’industrie, leur était au contraire favorable. C’est là une doctrine absurde. Si une semblable opinion était prêchée en Angleterre ou en France, le commerce tout entier se lèverait contre elle. M. le ministre vous a dit que quand les capitalistes n’ont pas confiance dans le commerce, l’argent se porte sur les bons du trésor, et leur argent est utilement employé. C’est bien mal défendre sa cause. C’est alors surtout qu’il ne faudrait pas offrir ces facilités aux capitalistes. Ils seraient bien forcés de placer leurs capitaux dans les escomptes du commerce et de l’industrie, et de venir à leurs secours par l’appât de l’intérêt et pour ne pas laisser dormir leurs capitaux. Aussi longtemps que vous émettrez une aussi grande quantité de bons à un taux aussi élevé, je soutiendrai toujours que le taux de l’escompte commercial ne pourra pas être diminué, et que cet état de chose est nuisible aux intérêts du commerce et de l’industrie, auxquels une grande partie des capitaux versés dans les bons du trésor est soustraite. Si, lorsque nous parlons de commerce, le ministre entend le commerce de l’argent, celui des capitalistes qui placent leurs capitaux à intérêt, il est dans une grave erreur. Il n’est pas nécessaire que je le prouve ; la chambre m’aura compris.

Si le commerce et l’industrie inspiraient assez de confiance, les capitalistes préféreraient toujours verser leurs fonds dans les bons du trésor, parce qu’ils y trouvent un intérêt de 5 p.c., tandis que l’industrie et le commerce ne leur offrent souvent que 4 ou 4 ½ p.c. C’est dans ce sens que j’ai dit que c’était faire chose nuisible au commerce que d’émettre une somme aussi forte de bons du trésor ; c’est autant de millions qu’on soustrait au commerce et à l’industrie. Cette émission, à un taux aussi élevé, sera toujours un obstacle à l’abaissement de l’intérêt de l’escompte commercial, ce que je considère comme un malheur pour le pays.

M. Demonceau – Si j’ai fait de l’histoire à propos des événements de 1830 et des emprunts, j’ai en cela imité l’honorable préopinant qui a eu soin, dans son premier discours, de nous donner l’histoire de tous les ministres qui se sont succédés au pouvoir. Mais en donnant à la chambre le résultat véritable des emprunts, j’ai cru faire chose utile, et malgré ce qu’a dit l’honorable préopinant, je crois avoir rendu service à mon pays ; car, de même que l’honorable préopinant, je veux la vérité ; mais je la veux pour tout le monde, je veux la vérité pour le gouvernement, comme pour l’opposition. Nous détruisons les capitaux, a dit l’honorable membre, qu’il jette les yeux sur le budget qu’il est chargé de défendre, il verra que nous amortissons un million chaque année.

Nous portons en recettes, dit encore l’honorable préopinant, des sommes qui ne figureront plus au budget prochain ; mais ces mêmes sommes, nous les portons aux dépenses.

Nous avons, dit-il, un déficit dans le trésor. Mais nous avons dit à la chambre et au gouvernement, qu’il suffisait au gouvernement de vouloir, pour obtenir de la société générale de quoi couvrir l’insuffisance de nos revenus, et amortir en grande partie la dette flottante ; nous mangeons, ajoute-t-on, nos capitaux ; j’avoue qu’il y a du vrai dans l’objection, mais, ce qui est vrai aussi, c’est que nous créons aussi des capitaux ; au surplus, messieurs, l’honorable préopinant n’ignore pas notre contestation avec la société générale à propos des bois dont elle est en possession, et quand je dis que je compte sur le résultat des négociations qui ont lieu à Utrecht, ce n’est pas seulement quant à la dette, c’est encore quant à cette malheureuse contestation avec la société générale. Vous ne l’ignorez pas, c’est une question très grave, qui selon moi, doit infailliblement rapporter au trésor une somme considérable.

Mais n’allez pas croire, messieurs, que je veuille, en parlant ainsi, appuyer un système de dépenses exagérées, et encourager le gouvernement à maintenir un système d’impôt, qui, dans mon opinion, ne peu se soutenir. C’est en réformant les lois fiscales et en apportant des économies sages et mesurées dans nos dépenses, que nous parviendrons à mettre nos recettes au niveau de nos dépenses.

Je ne suis pas un prodigue, on le sait. Si on a voté des dépenses exagérées, j’ai rarement été du nombre des votants. J’ai toujours été partisan des économies ; et aussi longtemps que je serai dans cette enceinte, je désire que l’honorable M. de Brouckere soit aussi disposé que moi à apporter des économies dans les dépenses de l’état.

M. de Brouckere (à M. Demonceau) – Je prendrai modèle sur vous.

M. Angillis – Je pense, comme l’honorable M. de Brouckere, que la stabilité du crédit public exige une exposition franche et loyale de nos moyens et de nos besoins. C’est dans cette exposition que nos créanciers trouveront la preuve de la possibilité où nous sommes de satisfaire à nos engagements, et de la bonne volonté qu’a la nation de le faire. Tout ce qu’a dit M. de Brouckere sur nos déficits est d’une exacte vérité. Le déficit des années précédentes sera accru de toutes les recettes qu’on porte au budget des voies et moyens comme réels et ordinaires, et qui ne sont qu’accidentels. Les recettes de cette nature, qui s’élèvent à 5,800,000 francs se réduiront peut-être de moitié. Ajoutez à cela vos bons du trésor se montant à 30,000,000 francs, vous verrez que le déficit est de 33 à 34 millions au moins.

Tout ce qu’on a dit sur les bons du trésor est également exact, à l’exception de ce qu’a dit M. le ministre des finances.

Les bons du trésor ont été inventés dans le principe pour donner quelque facilité au trésor, pour faire face aux dépenses les plus urgentes mais toujours dans la prévision de la rentrée certaine des impôts. Les bons du trésor ne doivent pas constituer des facultés, mais des facilités de paiements, ce qui est une grande différence. C’est une monnaie de conversion qui n’est bonne que quand on a la monnaie métallique nécessaire pour les payer.

L’honorable M. de Foere vous a dit avec raison que la circulation de sommes considérables en bons du trésor à un taux aussi élevé que 5 pour cent faisait tort au commerce. J’ajouterai qu’il est dangereux pour un état d’avoir des dettes considérables exigibles à une époque aussi rapprochée. Qu’il y ait la moindre crise financière et chacun voulant le remboursement, il y aura perturbation dans vos finances.

J’engage le gouvernement et la chambre à examiner sérieusement cette question, et à voir s’il n’y a pas lieu de prendre des mesures pour rembourser tous ces bons du trésor. S’il vous faut de nouvelles ressources, dites-le, les moyens ne vous manqueront pas.

M. le ministre des finances (M. Desmaisières) – L’honorable préopinant a dit que tout ce qui avait été avancé sur les bons du trésor était exact, excepté, m’a-t-il fait l’honneur d’ajouter, ce qu’avait dit le ministre des finances. Qu’est-ce que le ministre des finances a dit ? Il a dit que le chiffre maximum des bons du trésor à émettre devait couvrir le chiffre de la dette flottante et l’honorable préopinant a trop de connaissances financières pour ne pas savoir ce que c’est qu’une dette flottante. Une dette flottante résulte d’une insuffisance de ressources pour couvrir les dépenses des exercices antérieurs. C’est une dette temporaire qu’on espère pouvoir couvrir avec les excédants de recettes des exercices qui vont suivre. Maintenant, lorsque le chiffre de cette dette flottante devient trop élevé, lorsqu’on ne peut plus espérer le couvrir avec des excédants de recettes des exercices suivants, alors il faut recourir à des emprunts et l’on consolide cette dette flottante. Voici ce qui se passe à l’égard de la dette flottante, et je crois que tout ce que j’ai dis dans mon discours à l’appui du budget est conforme à ce principe.

La question serait donc actuellement de savoir si ce chiffre de la dette flottante est trop élevé, pour qu’on puisse ou non espérer le couvrir au moyen d’excédants de recettes futures. Une seconde question serait de savoir si le moment est opportun pour consolider tout ou partie de cette dette flottante par des emprunts. Je pense qu’aucun de vous n’hésiterait à répondre qu’il n’y a pas lieu de consolider maintenant la dette flottante et qu’il n’est pas opportun de le faire.

On s’est beaucoup récrié sur le chiffre de 30 millions. L’honorable M. de Foere persiste à ne pas vouloir comprendre que ce n’est qu’un maximum, qu’il ne s’agit réellement que d’un chiffre moyen d’émission de 20 millions pendant l’année. Et pour vous faire voir qu’avec ce chiffre on peut fort bien marcher sans risquer de rien compromettre, je vous ai cité les chiffres moyens d’émission des années antérieures. On a pu voir qu’en 1835 le chiffre moyen avait été de 24 millions, et cette année-là on est arrivé cependant à bon port. Le commerce et l’industrie n’ont pas été en souffrance ; jamais ils n’ont été plus prospères.

Voulez-vous savoir quels sont les chiffres d’émission de bons du trésor en France où le budget est de plus d’un milliard. Le voici :

En 1831 : 300,000,000 fr.

1832 : 300,000,000

1833 : 400,000,000

1834 : 400,000,000

1835 : 293,000,000

1836 : 407,000,000

1837 : 300,000,000

Et cependant le crédit public de France n’en a nullement souffert.

Vous voyez donc que vous n’avez pas du tout sujet d’être effrayés du chiffre moyen de 20 millions que nous vous demandons.

M. Dumortier – Depuis que j’ai l’honneur de siéger dans la législature, chaque année je n’ai cessé d’élever la voix contre le système financier que nous avons adopté ; je n’ai cessé de faire remarquer que nous marchons incessamment de déficit en déficit. que nous nous ouvrons une carrière absolument analogue, sinon semblable, à celle qui s’est créée, dans son origine, le royaume des Pays-Bas. Le système doit amener une gêne immense dans nos finances, et si l’on n’y prend garde, il peut produire la ruine du trésor. J’espère que votre prudence nous préservera d’un pareil malheur. Mais il est hors de doute que si nous progressons comme nous avons fait depuis la révolution, nous arriverons incontestablement à cette ruine. Presque chaque année nos dépenses se sont élevées à un chiffre plus fort que nos recettes.

La raison disait que nous ne devions pas élever nos dépenses au-dessus de nos recettes ; mais quand nous avons élevés la voix pour le demander, nous n’avons jamais été écoutés . Nous voici arrivés à un résultat effrayant et qui était facile à prévoir ; car, du jour où le traité des 24 articles devait recevoir son exécution, nous devions nous trouver dans une position plus désastreuse que par le passé. Comment cela ? Parce que, par l’exécution du traité des 24 articles, nous perdons 4 millions de revenus des parties cédées du Limbourg et du Luxembourg, et que nous devons payer annuellement une somme de 10 millions et demi de francs c’est donc une charge annuelle de 14 à 15 millions qui vient compliquer les embarras de notre position actuelle. En outre, nous n’avons pas seulement à subvenir à ces dépenses, nous avons encore un devoir à remplir, celui d’empêcher des déficits successifs et d’arrêter le gouvernement sur la pente où il se trouve.

Messieurs, il est deux grands faits qui résultent à la dernière évidence de l’examen des budgets. Le premier c’est que nous avons une dette flottante de 20 millions qui peut s’élever, dans telles circonstances données, à 30 millions de francs. Et qu’est-ce qu’une dette flottante ? C’est un déficit en l’entendait comme nous l’entendons maintenant ; dans l’origine, par la dette flottante, on avait en vue de donner au gouvernement le moyen de passer avec facilité d’un exercice à l’autre ; alors les bons du trésor pouvaient avoir un grand degré d’utilité. Mais entre les mains des ministres que nous avons eus, les bons du trésor sont devenus un moyen de faire face aux dépenses qu’ils imaginaient ; fallait-il creuser des canaux, travailler au chemin de fer, donner des fonds pour les établissement qui menaçaient ruine, les bons du trésor étaient employés. Le système des bons du trésor est devenu le pot aux ânes de l’administration. C’est une ressource aisée, mais qui grève l’avenir, car le jour où il faut payer les bons du trésor, il faut avoir recours aux emprunts. D’année en année, nous avons marché de déficit en déficit depuis la révolution.

Par suite de ces déficits et des dépenses du chemin de fer, nous avons dépensé 220 millions au-delà de nos recettes. Le second fait résultant de nos budgets, c’est que nos voies et moyens ne couvrent pas nos budgets des dépenses. Dans ces voies et moyens on est déjà venu à compter comme recettes les recouvrements que le traité nous amène et que nous devrions affecter à payer la dette flottante. Messieurs, où allons-nous par suite de ce système ? Je le dis à regret, nous entrons dans une voie semblable à celle où est d’abord entré le royaume des Pays-Bas.

On nous dit que la France a proportionnellement une masse plus considérable de bons du trésor, et qu’elle marche ; que nous pouvons marcher aussi.

Mais si la France a commis des fautes, ce n’est pas par là que nous devons l’imiter. Pour mon compte, je regarde cette émission exubérante de bons du trésor comme une calamité. Si vous aviez une guerre, et une guerre peut arriver…

Un membre – Nous sommes neutres !

M. Dumortier – Quelques neutres que nous soyons, nous avons toujours besoin de mettre une armée respectable sur pied dans le cas de guerre, afin que si une des puissances belligérantes voulait envahir notre territoire, nous puissions nous joindre à l’armée opposée ; voici comment j’entends notre neutralité. Eh bien, dans le cas de guerre quelles sont vos ressources ? ce sont les bons du trésor dont chacun peut demander le remboursement : le systeme que nous suivons est donc vicieux pour le temps de bien, et bien autrement vicieux pour le cas de guerre.

L’honorable M. Demonceau, répondant à l’honorable M. de Brouckere, a parlé de quelques ressources que nous avions encore à notre disposition, les fonds de la banque, par exemple : mais si vous absorbiez ces capitaux, l’année prochaine, que vous restera-t-il pour réduire votre dette ? Vous le voyez, cela n’amène à rien de bon.

Dans un budget normal, il faut que les recettes couvrent les dépenses. Lorsque les recettes ne couvrent pas les dépenses, il n’y a que deux choses à faire, ou augmenter les recettes, ou diminuer les dépenses ; et c’est ici que la difficulté devient sérieuse.

Voulez-vous diminuer les dépenses ? mais vous ne pouvez toucher au budget des dotations. Irez-vous toucher au budget de la justice quand les magistrats se plaignent de n’être pas assez payés ? Irez-vous toucher au budget du ministère de l’intérieur ? mais sur quoi, dans ce ministère, ferez-vous porter les réductions ? Sera-ce sur les frais d’administration ? sera-ce sur les cultes ? sera-ce sur la faible allocation accordée aux arts et aux sciences ? Tout cela est évidemment impossible.

Irez-vous diminuer le budget des finances lorsqu’on aura besoin d’augmenter la ligne des douanes ? Il n’y a donc qu’un seul budget sur lesquels des réductions soient possibles, c’est le budget de la guerre. Avant tout, je sais qu’il faut maintenir les officiers dans un état convenable. Cependant, si vous ne réduisez pas ce budget, vous aurez des déficits considérables à la fin de l’exercice or, je veux éviter ces déficits à tout prix.

Messieurs, pourquoi, dans la discussion du budget des voies et moyens, n’avons-nous pas présenté de réduction sur les centimes additionnels ? Pourquoi ? c’est que, opposition ou non, nous avons compris la position de l’état. Ce n’est pas d’une question ministérielle dont il s’agissait, c’était d’une question d’état ; il faut que l’état puisse marcher, et c’est pour cela que personne de nous n’a proposé de réduire les impôts, alors que la nation s’attendait à des réductions.

Mais si personne ne propose de réduire les impôts, nous ne voulons pas non plus qu’on les augmente. Comment, d’ailleurs, les augmenterait-on ? Songerait-on à augmenter l’impôt foncier. Mais vous le savez, messieurs, au moyen de la péréquation cadastrale qui est un acte de justice, si des provinces ont été dégrevées, il en est d’autres qui ont eu leurs impôts augmentés d’un tiers, et qui supportent en outre 15 centimes additionnels. Ainsi, ces provinces surtaxées de 33 pour cent par la péréquation, paient 50 pour cent de plus qu’elles ne payaient il y a quelques années.

Pouvez-vous augmenter l’impôt personnel, le plus criant de nos impôts ? Elèverez-vous le droit de patente ?

Une voix – Changez la loi sur le personnel.

M. Dumortier – Changez la loi, dira-t-on : Je ne suis pas partisan des changements d’impôts ; on ne gagne rien dans ces changements.

Ils produisent de grandes perturbations et presque toujours des déficits les premières années. Les modifications en matière d’impôts directs doivent être évitées dans un gouvernement sage ; elles sont toujours un vice énorme. Je sais bien que l’impôt personnel est unique dans sa base ; mais le temps apporte des améliorations aux plus mauvaises lois ; et c’est ce qui est arrivé pour l’impôt personnel lui-même. Aujourd’hui que cet impôt a reçu l’épreuve du temps, je crois que ce serait une grande faute de vouloir lui en substituer un autre.

Venons aux impôts indirects.

Messieurs, j’ai toujours déploré qu’on ait changé l’ancienne législation sur les distilleries qui créait un impôt productif et le plus moral qu’on puisse établir. J’ai combattu la nouvelle loi en 1833 ; et j’ai encore l’opinion qu’il serait d’une bonne politique d’en revenir à la loi primitive, et surtout de rapporter cette loi inique sur la patente des petits détaillants, qui est odieuse à la populaire entière.

Par ce moyen, on pourrait améliorer quelque peu la situation du trésor ; mais à part cette loi, je pose un défi formel d’apporter une amélioration dans nos ressources au moyen des impôts indirects.

En effet, messieurs, le pays est ouvert de toutes parts, et si nous voulions augmenter les droits d’accises, nous arriverions à ce résultat qu’on frauderait la totalité des droits.

Résumons la position financière du pays. Il faut, messieurs, que le gouvernement se pénètre bien de cette vérité : la position topographique de la Belgique exige qu’elle soit gouvernée au meilleur marché possible ; c’est là le résumé de tout ce qu’on peut dire sur notre situation financière. Il est constant qu’il y a très peu de moyens d’établir de nouveaux impôts, il est constant que nous ne pouvons pas compter sur de nouvelles ressources pour l’avenir ; il faut donc en revenir toujours à ce seul moyen ; réduite les dépenses.

Messieurs, je fais ici hautement cette déclaration, pour que chacun de nous comprenne bien la position du pays. En défalquant au budget les ressources extraordinaires qui s’y trouvent et qui ne sont que des capitaux que nous allons absorber, vous aurez 4 ou 5 millions de déficit. Or, si vous ne faites pas une réduction équivalente sur les dépenses, il est évident que l’an prochain vous ne pourrez plus marcher, car les capitaux absorbés ne se représenteront plus, et alors vous en serez à votre déficit.

Personne ne demandant plus la parole sur la discussion générale, on passe à celle des articles.

Discussion du tableau des crédits (Titre I. Dette publique)

Chapitre premier. Intérêts de la dette

Article 1 à 13

« Art. 1er. Intérêts de la dette active inscrite au grand-livre auxiliaire : fr. 305,947 08.

« Complément de la rente annuelle de fr. 10,582,010 58 (cinq millions de florins) à solder en exécution de l’article 13 du traité signé à Londres le 19 avril 1839 : fr. 9,970,116 41

« Total : fr. 10,276,063 49. »

- Adopté.


« Art. 2. Intérêts de l’emprunt belge de 100,800,000 francs à 5 p.c., autorisé par la loi du 16 décembre 1831 : fr. 5,040,000

« Dotation de l’amortissement de cet emprunt : fr. 1,008,000.

« Total : fr. 6,048,000. »

- Adopté.


« Art. 3. Frais relatifs au paiement des intérêts et à l’amortissement du même emprunt et arriéré pour les exercices clôturés : fr. 125,000. »

- Adopté.


« Art. 4. Intérêts de l’emprunt de 30,000,000 de francs, à 4 p.c., autorisé par la loi du 18 juin 1836 : fr. 1,200,000

« Dotation de l’amortissement de cet emprunt : fr. 500,000

« Total : fr. 1,500,000. »

- Adopté.


« Art. 5. Frais relatifs au paiement des intérêts et à l’amortissement de cet emprunt : fr. 5,500. »

- Adopté.


« Art. 6. Intérêts de l’emprunt de 50,850,800 fr., à 3 p.c., autorisé par la loi du 5 mai 1838 : fr. 1,525,524.

« Dotation de l’amortissement de cet emprunt : fr. 508,508.

« Total : fr. 2,034,032. »

- Adopté.


« Art. 7. Frais relatifs au paiement des intérêts et à l’amortissement de cet emprunt : fr. 35,000. »

- Adopté.


« Art. 8. Intérêts de l’emprunt fait pour l’érection de l’enrepôt d’Anvers, au capital de fr. 1,481,481 : fr. 74,074 07.

« Amortissement de cet emprunt : fr. 14,814 81.

« Total : fr. 88,888 88. »

- Adopté


« Art. 9. Intérêts et frais présumés de la dette flottant : fr. 1,000,000. »

- Adopté.


« Art. 10. Intérêts arriérés pour l’exercice 1839 : fr. 500,000. »

- Adopté.


« Art. 11. Intérêts de la dette viagère : fr. 6,550. »

- Adopté.


« Art. 12. Intérêts à payer aux anciens concessionnaires de la Sambre canalisée : fr. 25,000. »

- Adopté.


« Art. 13. Intérêts à payer à la société générale pour favoriser l’industrie nationale en exécution de la transaction avec lesdits concessionnaires, autorisée par la loi du 26 septembre 1835 : fr. 230,705 89. »

- Adopté.

Chapitre II. Rémunérations

Article premier

« Art. 1. Pensions ecclésiastiques : fr. 560,000

« Pensions civiles : fr. 220,000

« Pensions militaires : fr. 1,605,000

« Pensions de l’ordre de Léopold : fr. 25,000

« Arriéré des pensions de toute nature pour les exercices clôturés : fr. 5,000. Total : fr. 2,975,000. »

- Adopté.

Article 2

« Art. 2. Traitements d’attente : fr. 46,711 13.

« Traitements ou pensions supplémentaires : fr. 59,197 89

« Secours annuels : fr. 8,186 24.

« Total : fr. 114,095 26. »

La section centrale propose de réduire le chiffre à 50,000 francs.

M. Duvivier – Messieurs, la commission qui avait été chargée d’examiner tout ce qui est relatif aux traitements d’attente avait terminé son travail, il ne s’agissait plus que de lui soumettre la rédaction de mon rapport lorsque la session a été close. Mais, aujourd’hui, messieurs, les choses sont tout à fait changées par suite de l’adoption du traité de paix. La commission pense que son mandat n’existe plus, attendu que l’exécution de tout ce qui est relatif aux traitements d’attente se trouve, en quelque sorte, réglé le par l’article 21 de ce traité, et que la commission ne pourra dès lors s’acquitter de sa tâche sans entre dans des questions d’interprétation que peut faire naître cet article, objet que la chambre n’a évidemment pas attribué à la commission, et qui paraît être exclusivement dans les attributions du pouvoir exécutif.

M. le président – M. le ministre des finances se rallie-t-il à la proposition de la section centrale ?

M. le ministre des finances (M. Desmaisières) – Je ne puis pas, messieurs, me rallier à l’amendement de la section centrale, car, pour la catégorie d’individus jouissant de traitements d’attente pour lesquels je demande la somme de 114,095 fr 26 c., il paraît qu’il ne peut pas y avoir de doute sur l’application de l’article 21 du traité. En effet, ils jouissaient tous de leur traitement d’attente avant 1830, et ces traitements d’attente avaient été accordés en vertu du pouvoir en quelque sorte discrétionnaire qu’accordait au roi des Pays-Bas l’article 17 de l’arrêté-loi de 1814.

Je dois donc insister pour le maintien du chiffre que j’ai demandé.

M. Liedts – La résolution, messieurs, que la commission a prise, ne tend pas à faire rejeter le chiffre demandé par le gouvernement, elle ne tend qu’à faire connaître à la chambre l’incompétence de la commission.

Vous vous rappellerez, messieurs, que, passé deux ans chaque fois qu’il s’agissait de ce chiffre, il y avait quelques doutes sur la légalité des traitements d’attente ; pour en finir, on institua une commission chargée d’examiner toutes les questions qui se rattachaient aux traitements d’attente. Depuis est intervenu le traité de paix, et dès lors la commission a remarqué qu’il lui était impossible d’examiner tout ce qui se rattache aux traitements d’attente sans entrer pour cela dans les questions d’interprétation que peut faire naître le traité de paix, qui consacrer un article spécial au paiement des traitements d’attente. Or, en supposant que la chambre veuille s’immiscer dans l’examen de ces questions , il est évident que la commission n’a reçu de la chambre aucune mission pour s’occuper de l’interprétation d’un article du traité de paix. Ainsi, de deux choses l’une ; ou bien la chambre doit en ce moment s’abstenir d’examiner la question des traitements d’attente, ou bien elle doit investir la commission d’un nouveau mandat ou nommer une autre commission.

Le chiffre demandé par le gouvernement est mis aux voix :

Deux épreuves sont douteuses.

On procède à l’appel nominal.

En voici le résultat :

74 membres prennent part au vote.

42 répondent oui.

32 répondent non.

En conséquence, le chiffre proposé par le gouvernement est adopté.

Ont voté l’adoption : MM. Coghen, Cools, de Brouckere, de Garcia, F. de Mérode, W. de Mérode, de Nef, de Muelenaere, de Perceval, de Potter, de Renesse, de Sécus, Desmaisières, de Terbecq, de Theux, Devaux, d’Hoffschmidt, Donny, Dubois, Duvivier, Hye-Hoys, Jadot, Kervyn, Lejeune, Liedts, Maertens, Meeus, Mercier, Metz, Milcamps, Morel-Danheel, Nothomb, Puissant, Raikem, Simons, Troye, Van Cutsem, Vandenhove, Vandensteen, Vanderbelen, Wallaert et Willmar.

Ont voté le rejet : MM. Brabant, David, de Florisone, de Foere, de Langhe, Delehaye, de Meer de Moorsel, Demonceau, Desmet, Doignon, Dubus (aîné), Dumont, Dumortier, Eloy de Burdinne, Fallon, Fleussu, Lange, Lys, Manilius, Mast de Vries, Pirmez, Pirson, Polfvliet, Raymaeckers, A. Rodenbach, Scheyven, Trentesaux, Ullens, Vandenbossche, Verhaegen et Zoude.

Articles 3 à 5

« Art. 3. Subvention à la caisse de retraite : fr. 200,000. »

-Adopté.


« Art. 4. Crédit supplémentaire, remboursable sur les fonds de la caisse de retraite des employés des finances, retenus en Hollande, fr. 400,000. »

-Adopté.


« Art. 5. Avances à faire aux titulaires de pensions acquises depuis le 1er octobre 1830, à la charge du fonds des veuves et orphelins resté en Hollande fr. 8,465 60. »

- Adopté.

« Arriéré pour 1839, en faveur des orphelins Bareel : fr. 2,116 40 c. »

- Adopté.

Chapitre III. Fonds de dépôts

Articles 1 à 6

« Art. 1er. Intérêts de cautionnements dont les fonds sont encore en Hollande : fr. 140,000.

« Arriérés des mêmes capitaux sur les exercices clôturés : fr ; 4,000.

« Total : fr. 144,000. »

- Adopté.


« Art. 2. Intérêts des cautionnements des comptables belges, inscrits au grand-livre de la dette active d’Amsterdam : fr. 13,000.

« Arriérés des mêmes cautionnements sur les exercices clôturés : fr. 5,000

« Total : fr. 18,000. »

- Adopté


« Art. 3. Avances aux fabriques d’église, aux communes et aux établissements de bienfaisance situés en Belgique, qui ont des capitaux inscrits au grand-livre de la dette active à Amsterdam, mais dont les intérêts ne sont point payés : fr. 60,000. »

- Adopté.


« Art. 4. Intérêts des cautionnements versés en numéraire dans les caisses du gouvernement actuel, pour garantir la gestion des comptables, et pour sûreté du paiement de droits de douanes, accises, etc. : fr. 162,000.

« Arriérés des mêmes cautionnements sur les exercices clôturés : fr. 2,000

« Total : fr. 164,000. »

- Adopté.


« Art. 5. Intérêts des consignations faites au gouvernement belges : fr. 80,000. »

- Adopté.


« Art. 6. Intérêts et remboursements des consignations dont les fonds sont encore en Hollande : fr. 30,000. »

- Adopté.

Discussion du tableau des crédits (Titre II. Dotations)

Chapitre premier. Liste civile

Article unique

« Art. unique. Liste civile (mémoire) : fr. 2,751,322 fr. 75 c. »

Chapitre II. Sénat

Article unique

« Article unique. Sénat : fr. 22,000. »

- Adopté.

Chapitre III. Chambre des représentants

Article unique

« Art. unique. Chambre des représentants : fr. 409,850. » (Ajourné jusqu’à ce que la chambre ait arrêté le chiffre de son budget.)

Chapitre IV. Cour des comptes

Articles 1 à 3

« Art. 1er Membres de la cour des comptes : fr. 43,386 fr. 20 c.

- Adopté


« Art. 2. Personnel des bureaux : fr. 65,000 »

- Adopté.


« Art. 3. Matériel et dépenses divers : fr. 26,900. »

- Adopté.

Formation du comité secret

M. le président – Je propose à l’assemblée de se former en comité général pour la discussion du budget de la chambre pour 1840. (Assentiment.)

- La chambre se forme en comité secret ; il est 4 heures ; à 4 heures et un quart la séance publique est reprise.

M. le président – Je mets aux voix le chiffre de 396,850 francs qui forme l’article unique du chapitre III du budget des dotations (chambre des représentants.)

- Ce chiffre est adopté.

Vote des articles et de l’ensemble du projet

La chambre passe au vote des deux articles du projet de loi relatif au budget de la dette publique et des dotations.

« Art. 1er. Le budget de la dette publique est fixé pour le service de 1840 à la somme de vingt-six millions soixante-dix mille quatre cent dix-sept francs soixante-deux centimes (fr. 26,070,417 52 c.) et le budget des dotations à la somme de trois millions deux cent quatre-vingt-quinze mille quatre cent cinquante-huit francs quatre-vingt-quinze centimes (fr. 3,295,458 95 c.) conformément au tableau ci-annexé. »

- Adopté.


« Art. 2. La présente loi sera exécutoire le lendemain de sa promulgation. »

- Adopté.


Il est procédé à l’appel nominal sur l’ensemble de la loi ; la loi est adoptée à l’unanimité des 59 membres qui ont répondu à l’appel nominal. Un membre (M. F. de Mérode) s’est abstenu ; il motive son abstention en ces termes :

M. F. de Mérode – Messieurs, je me suis abstenu parce que le budget sur lequel nous venons de voter renferme une somme de 10,276,063 fr 49 cent. pour paiement de la rente annuelle à la Hollande ; je n’ai pas voulu refuser le budget des dotations ; mais à cause de l’article dont il s’agit, je n’ai pas pu voter pour la loi, parce qu’on n’exécute pas loyalement le traité, dans le Luxembourg, comme il doit l’être. Nous avons appris en effet que des vexations y étaient exercées particulièrement contre des notaires auxquels on a ôté leurs fonctions sans motifs connus. D’après le traité, aucune réaction directe, ni indirecte, ne devait avoir lieu ; or, ces destitutions sont des réactions indirectes et des actes de cette nature sont contraires à l’esprit du traité.

- La séance est levée à 4 heures et demie.