Accueil Séances Plénières Tables des matières Biographies Livres numérisés Note d’intention

Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 18 décembre 1839

(Moniteur belge n°353 du 19 décembre 1839)

(Présidence de M. Fallon)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Lejeune procède à l’appel nominal à 2 heures.

M. Mast de Vries donne lecture du procès-verbal de la dernière séance. La rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. Lejeune fait connaître l’analyse des pétitions suivantes :

« Le sieur A. Tarte, ingénieur civil, adjudicataire d’une route de Chimay vers Trélon et Avesnes par Salle et Macon, pour un terme de 40 ans, propose le rachat de cette route pour compte de l’Etat. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Deux notaires de Saint-Hubert demandent à être autorisés à instrumenter dans les communes et sections distraites de leur ci-devant arrondissement. »

- Renvoi au bureau des renseignements jusqu’à la discussion du projet de loi de circonscription cantonale.


« Les membres de la commission directrice de l’association nationale en faveur de l’industrie cotonnière, les membres des comités de Bruxelles, Courtrai, Renaix et Saint-Hubert, demandent une loi protectrice de l’industrie cotonnière, soit en assurant le marché intérieur, soit par une réunion douanière à la France, soit par une accession à la ligne commerciale allemande.

M. Manilius – Messieurs, la pétition dont vous venez d’entendre l’analyse est de nature à frapper vivement l’attention de la chambre, et surtout celle de MM. les ministres. Je désire qu’elle soit renvoyée à la commission des pétitions avec demande d’un prompt rapport.

- La proposition est adoptée.


« Les commis-greffiers du tribunal de première instance de Tongres demandent une augmentation de traitement. »

- Renvoi à la section centrale chargée d’examiner la proposition ayant pour objet d’augmenter le traitement des fonctionnaires de l’ordre judiciaire.


« Les habitants des villages de Mangonbroux et autres, situés au milieu de bruyères, demandent une loi sur le défrichement des bruyères. »

M. Lys – Je demande le renvoi de cette pétition à la commission, avec invitation de faire un prompt rapport.

L’objet de cette pétition est d’une grande importance pour les habitants des communes qui réclament. Je vais, en peu de mots, vous expliquer ce dont il s’agit :

L’ancienne commune de Theux possédait des bois, bruyères et terrains fangeux ; ses habitants jouissaient, depuis un temps immémorial, du droit d’écobuer les bruyères et terrains fangeux. Cette commune a été divisée en trois, savoir : Theux, Polleur et La Reydt ; elles ont continué à jouir de ces bois, bruyères et terrains fongueux dans l’indivision ; Theux a continué à laisser écobuer, Polleur s’y est refusé ; tellement que d’un côté on jouit, de l’autre on prohibe, et cependant il s’agit de biens restés dans l’indivision ; pendant que des habitants jouissent paisiblement, d’autres sont privés de pareille jouissance, on les poursuit, on prétend détruire jusqu’à leurs semailles. Vous voyez, messieurs, que cet objet mérite mérité toute l’attention de la chambre.

- Cette proposition est adoptée.


« Un grand nombre de marchands et de fabricants de toiles et de lin de la commune de Zwevezeele (Flandre occidentale) demande qu’il soit porté d’urgence des restrictions à l’exportation des lins, attendu que l’élévation de leur prix, déterminée par une exportation considérable et comparée aux prix des toiles, leur enlève tout travail ou les force à travailler avec perte.

M. de Foere – L’état de choses qui nous est signalé par la pétition dont vous venez d’entendre l’analyse est constaté dans toute la Flandre : les autres districts vont envoyer de nombreuses pétitions à la chambre. Le cas étant urgent, les ouvriers manquant de travail, je demande le renvoi aux ministres de l’intérieur et des finances, pour qu’ils avisent au moyen d’arrêter l’accaparement de la matière première de l’industrie linière.

M. Cools – Je demande que la pétition soit renvoyée à la commission des pétitions, car je ne puis appuyer les motifs allégués par les pétitionnaires. Attendons le rapport de la commission, la chambre verra alors la décision qu’elle doit prendre.

M. de Foere – J’aurais suivi la voie indiquée par l’honorable préopinant, si le cas n’était pas d’une urgence grave. Lorsque la commission aura fait son rapport, il n’y aura aucun résultat. L’urgence est telle qu’il faut porter immédiatement remède au mal signalé. Si le remède n’est pas immédiat, il sera inutile, la pétition sera sans objet.

M. Demonceau – Je ne conteste pas la gravité de l’objet de la pétition, c’est pour cela que je pense qu’il faut suivre les formes prescrites par le règlement. Renvoyer directement une pétition aux ministres, c’est en quelque sorte dire que le ministre doit nécessairement prendre de suite une résolution. Telle n’est pas l’intention de la chambre. La chambre doit se conformer à son règlement. La commission des pétitions est là pour nous faire un rapport. Si elle pense qu’il y a lieu de faire droit à la demande des pétitionnaires, elle proposera le renvoi. Mais nous ne devons pas préjuger cette question, qui est de la plus haute gravité. Si vous voulez favoriser les tisserands et les fileurs, vous ne protégerez pas l’industrie agricole. La question doit être examinée sous toutes ses faces.

M. Desmet – C’est dans l’intérêt des pétitionnaires que je demande le renvoi à la commission, mais je demanderai en même temps qu’il soit fait un prompt rapport et que la pétition soit insérée au Moniteur.

- MM. de Foere et Cools se rallient à cette proposition.

Elle est adoptée.


« Le sieur Deshayes, chef de bureau au commissariat de l’arrondissement de Saint-Nicolas, demande que les employés des commissariats d’arrondissement soient compris dans la loi sur les pensions civiles. »

M. de Man d’Attenrode – Vous venez d’entendre l’analyse d’une requête qui a pour but de demander que les employés des commissariats d’arrondissement soient compris au nombre de ceux que comprend la future loi des pensions civiles. Cette pièce me semble mériter l’attention de la chambre. En effet, les employés dont il s’agit et qui rendent d’éminents services sont sans avenir ; il en résulte que les commissaires d’arrondissement éprouvent des difficultés à se pourvoir d’employés capables.

Je demande donc que cette requête soit renvoyée à la section centrale chargée de l’examen de la loi des pensions civiles.

- Cette proposition est adoptée.

Projet de loi portant transferts et crédits au département de la justice

Rapport de la section centrale

M. de Behr – J’ai l’honneur de déposer sur le bureau le rapport de la section centrale sur les transferts et crédits supplémentaires demandés par le ministre de la justice.

M. le président – Ce rapport sera imprimé, distribué et discuté après le budget de la justice qui est à l’ordre du jour.

Projet de loi visant à améliorer la répression de la fraude en matière de douanes

Dépôt

M. le ministre des finances (M. Desmaisières) – J’ai l’honneur de vous présenter un projet de loi ayant pour objet d’améliorer le système de la répression de la fraude en matière de douane.

M. le président – Ce projet et les motifs qui l’accompagnent seront imprimés, distribués et renvoyés à l’examen des sections.

Projet de loi portant le budget du ministère des affaires étrangères de l'exercie 1840

Discussion du tableau des crédits

Chapitre II. Traitement des agents diplomatiques

M. le président – Nous en sommes restés au chapitre II

Article 14 à 18

« Art. 14. Grèce : fr. 15,000.»

- Adopté.


« Art. 15. Hambourg : fr. 15,000.»

- Adopté.


« Art. 16. Portugal : fr. 15,000. »

- Adopté.


« Art. 17. Sardaigne : fr. 15,000.

- Adopté.


« Art. 18. Suède : fr. 15,000. »

Adopté.

Chapitre III. Traitement des agents consulaires

Article unique

« Art. unique. Traitement des agents consulaires : fr. 100,000. »

M. de Foere – Je me suis déjà opposé au système consulaire tel que le ministre veut l’établir et pour lequel il demande 100,000 francs. Je vais entrer, messieurs, dans le développement de mes motifs d’opposition. Je conçois les bonnes intentions du ministre des affaires étrangères ; mais elle ne produiront pas le résultat qu’il en attend. Les consuls des autres pays sont établis dans les ports où déjà ils ont un commerce extérieur et où par conséquent ces agents ont une protection à exercer sur le commerce de leur pays. C’est un commerce déjà régulièrement établi qui fait sentir le besoin d’un consul. Notre gouvernement procède à cet égard dans un sens inverse. La nomination de la plupart de nos agents consulaires aux ports lointains se fera avant que le commerce du pays y ait établi des relations commerciales.

Si le gouvernement croit que la seule présence d’un consul dans les pays d’outremer suffira pour y attirer notre commerce, il est dans une grave erreur. Le commerce des nations dans les pays lointains est déterminé par d’autres causes, que l’histoire générale du commerce a trop clairement développées, pour qu’il soit besoin que j’en fasse l’énumération complète à la chambre. Je me bornerai à quelques-uns. Non seulement l’administration néglige ces moyens de commerce extérieur, elle met encore obstacle à leur développement.

Parmi les causes les plus puissantes, qui, d’après l’histoire, établissent dans les pays lointains le commerce d’une nation, se présente, en première ligne, le système des provenances directes ; or, le gouvernement adopte le système contraire, celui des provenances indirectes. Cette politique commerciale enlève au pays jusqu’à la possibilité de tout commerce dans les pays lointains. Nos agents consulaires figureront donc dans ces contrées comme un bourgmestre sans commune ou sans administrés.

Le système des importances directes protège la navigation commerciale. C’est un des plus puissants moyens d’étendre au loin les produits nationaux. Le système des importations indirectes produit un effet opposé ; il paralyse les moyens de transporter au loin les marchandises du pays, et l’exportation étrangère en reçoit une nouvelle impulsion.

Le ministre de l’intérieur vous répondra que, si nous ne transportons pas, par notre propre navigation les produits du pays, la navigation étrangère se chargera de ces transports. Le ministre, messieurs, n’a pas consulté les faits de l’histoire commerciale, il ne voit pas ce qui se passe sous ses yeux, et sa propre statistique ne lui donne aucun renseignement.

La marine des Etats-Unis nous importe, dans une proportion considérable, des articles coloniaux de tous les pays. Se charge-t-elle, en sortant de nos ports, du transport lointain des produits du pays ? Non, elle part sur lest, et va prendre des chargements soit au Havre ou à Hambourg, soit à Londres ou à Liverpool. Ce fait est constaté par la statistique du pays, et, chose remarquable, il est avoué par la Revue nationale, dont les rédacteurs soutiennent le déplorable système du gouvernement sou le double rapport des importations indirectes et de l’intervention de la marine étrangère, pour placer au loin nos produits.

Il résulte de la statistique anglaise de 1836, dernière statistique qui soit connue, que, pendant cette année, l’Angleterre a importé aux Etats-Unis pour une valeur de 61 millions de toiles de lin. Ouvrez notre statistique, et vous verrez que, pendant la même année, la Belgique n’a importé aux Etats-Unis aucune aune de toiles de lin. Cependant il est telles espèces de toiles du pays que l’Amérique préférerait de beaucoup aux toiles anglaises. Consultez notre statistique commerciale de toutes les années connues, et vous verrez que la même disproportion d’importation aux Etats-Unis existe à l’égard de tous les produits du pays. Ces faits sont aussi connus et avoués par les doctrinaires de la Revue nationale, et le ministre et ses doctrinaires continuent leur marche comme une machine à vapeur qui va toujours en avant, sans regarder de droite ou de gauche, sans s’inquiéter si leur machine et le train du pays qu’elle remorque ne sauteront pas en mille éclats.

C’est à cette même cause, messieurs, qu’il faut attribuer cette autre illusion de l’honorable ministre de l’intérieur. Il s’est félicité, dans un de ses discours, que les crises américaines ne fussent pas communiquées au pays. Comment ces crises pouvaient-elles s’étendre à la Belgique ? Nous n’avons avec les Etats-Unis aucun commerce d’échanges, et, qui plus est, nous ne pouvons pas en avoir par le malheureux système qu’il suit ; il méconnaît les plus simples lois de la nature. Le feu ne se communique qu’aux matières inflammables avec lesquelles il se met en contact.

La véritable cause, messieurs, de cette déplorable disproportion qui existe entre les importations des Etats-Unis en Belgique, et les exportations de la Belgique aux Etats-Unis, et les exportations belges dans le même pays, est dans le système commercial que le ministère poursuit avec un aveuglement déplorable ; cette cause n’est nulle part ailleurs que dans la faculté accordée à la navigation étrangère d’importer chez nous des provenances indirectes, ce qui empêche que notre commerce extérieur prenne de l’extension. Cette politique commerciale n’est suivie par aucune nation maritime et commerçante, et le gouvernement prétend établir une politique commerciale en sens inverse de la pratique commerciale de toutes les autres nations maritimes.

L’Angleterre ne permet pas aux Etats-Unis d’importer chez elle d’autres articles que ceux qui sont le produit des Etats-Unis ; ce dernier pays ne permet à l’Angleterre que l’importation de ses propres produits. Il en est de même en France, en Hollande envers l’Angleterre et les Etats-Unis. Toutes ces nations établissent entre elles le système des importations des provenances directes. C’est à cette politique commerciale qu’il faut attribuer l’immense commerce direct qui s’exerce entre le Havre et les ports des Etats-Unis. C’est à l’absence de cette politique qu’en partie est due la nullité d’échanges commerciaux entre la Belgique et les Etats-Unis ; à cette cause encore qu’il faut imputer en partie, que nous n’importons dans le même pays aucun des articles similaires que l’Angleterre y importe en masse ; enfin c’est la raison pour laquelle, chaque année, notre balance d’échanges commerciaux avec tous les pays est, terme moyen, en arrière de 50 millions qui doivent être payés en numéraire, et le gouvernement ne voit pas que sa position conduit le pays à la plus profonds misère.

Nous le savons, messieurs, afin de remédier à cet épouvantable malheur qui menace le pays, le ministre de l’intérieur place tout son espoir dans le commerce de transit que par tous les moyens il s’efforce d’établir à Anvers. Le transit, comme je vous l’ai dit, dans la séance du 4 de ce mois, est la base du système commercial du ministère ; c’est au commerce de transit que tous les intérêts commerciaux et industriels du pays sont subordonnés, et M. le ministre, répondant à mon discours, dans la séance du 5, l’a formellement nié. « Ce sont, a-t-il ajouté, autant d’erreurs que de mots. » Chose aussi remarquable qu’étonnante, messieurs, c’est l’honorable ministre de l’intérieur lui-même qui a déclaré, en termes officiels et positifs, que « le transit forme la base du système commercial de la Belgique. » Jetez les yeux sur la première page de son exposé des motifs du projet de loi sur le transit, signé : de Theux, et vous y lirez ces paroles en toutes lettres. Qu’il ne vienne pas nous dire, à présent, que c’est là une phrase isolée, que ce sont des paroles échappées à son attention, qui n’ont pas la portée que je leur donne ; car cette même politique commerciale, qui fait du transit la base du système commercial du pays, est longuement défendue dans le même exposé des motifs. Afin de soutenir ce système, l’honorable ministre nous fait, dans la même pièce officielle, la révélation curieuse d’un événement immense que personne dans la Belgique, n’a soupçonné ni pu soupçonné. Il nous y donne la certitude qu’en 1829 et 1830 notre transit d’Anvers à l’Allemagne « était le pivot de prospérité matérielle de nos provinces ! » Ensuite, messieurs, et chose peut-être plus remarquable encore dans la position si prétendument homogène du ministère actuel, M. Desmaisières a été nommé rapporteur de la section centrale sur le projet de loi, relatif au transit, et M. Desmaisières, dans son rapport, a réfuté le système commercial de M. de Theux qui, dans son exposé des motifs, avait fait du commerce de transit, la base du système commercial de la Belgique.

Je suis loin, messieurs, d’attribuer ces flagrantes contradictions à la mauvaise foi du ministre de l’intérieur, ou à une tactique parlementaire indigne de son caractère ; je le crois, au contraire, un homme probe et honorable. Mais je dirai, et quelque pénible que me soit cette déclaration, je la ferai uniquement dans l’intérêt du pays, je dirai que l’honorable ministre ne sait ce qu’il dit ; il ne sait ce qu’il fait. Eu égard à ses dénégations, il est entraîné dans un système qu’il ne comprend pas, et je vais le prouver ultérieurement.

J’avais dit aussi, dans la séance du 4, que, dans la pensée du gouvernement, « tous les autres intérêts commerciaux et industriels du pays étaient subordonnés au commerce de transit. » Dans la séance du 5, l’honorable ministre de l’intérieur le nia encore formellement. Selon lui, « c’étaient là encore autant d’erreurs que de mots. »

Je ne dois pas, messieurs, vous expliquer l’intime connexité qui existe entre l’industrie d’exportation et de commerce extérieur ; vous savez que l’une est la condition sine qua non de l’autre. Le ministre lui-même semblait avoir compris mon assertion dans ce sens. Il a dit, dans le même discours, que « je m’étais borné au grief commercial, » et plus bas, il a avoué que « le commerce maritime était l’objet principal de l’honorable orateur auquel il répondait. » mais de quelle manière le ministre s’y prend-il pour détruire mon assertion et pour prouver qu’elle contenait autant d’erreurs que de mots ? Il ne répond pas même à la question posée. Il entre dans l’énumération des lois qu’il a proposées en faveur du grain, du bétail, de l’école vétérinaire, des fers, des toiles de lin et de laine, de la faïence, des produits chimiques, des canaux et des routes.

Mon assertion avait seulement pour objet les moyens ou la possibilité d’exporter les produits que M. le ministre de l'ntérieur dit avoir créés ou protégés, par notre commerce extérieur, tel qu’il est établi par notre système primaire de transit et celui des importations indirectes qui en est le corollaire. C’était là la seule question qui était en discussion ; or, c’est la seule à laquelle le ministre n’a pas répondu. Il a cru entrer dans la question en me faisant dire que « le salut du commerce et de l’industrie de la Belgique consiste dans un changement de législation sur les droits différentiels. » Or, la vérité est que je n’ai pas prononcé un seul mot sur les droits différentiels, et que même je n’en ai pas eu l’intention. Tout mon discours était exclusivement opposé au commerce de transit, considéré « comme base du système commercial de la Belgique » et au système d’importations indirectes que le gouvernement établit à côté de l’autre. Les droits différentiels ne sont qu’une protection secondaire ; cette protection est dominée tout entière par celle de l’importation des provenances directes, qui cependant ne doit être accordée que progressivement, attendu que notre marine, insuffisante qu’elle est, ne pourrait à elle seule, pour le moment, importer dans nos ports tous les besoins du pays.

D’où vient cette nouvelle erreur de l’honorable ministre de l’intérieur ? Il s’imagine que chaque fois que des membres de cette chambre réclament des protections pour notre marine marchande, le ministre s’imagine qu’ils demandent des droits différentiels et qu’il n’existe aucun autre moyen de protection maritime. C’est ainsi qu’il induit en erreur la majorité de la chambre.

Aussi, messieurs, chaque fois que la question que j’ai traitée se présente dans cette chambre à l’occasion de l’un ou l’autre projet de loi qui s’y attache, l’honorable ministre en élude toujours la discussion. Tantôt il propose d’étouffer la discussion, et sa majorité accepte sa proposition. Tantôt il propose d’ajourner la discussion ; sa majorité accepte encore. Cependant le même ministre nous propose coup sur coup des projets de loi et des chiffres de dépenses qu’il est logiquement impossible de discuter ou de voter sans que la chambre soit fixée sur le système commercial qu’elle adoptera pour le pays, discussion que le ministre ajourne continuellement à la séance dans laquelle les traités de commerce et de navigation seront discutés. Tel est le chiffre pour les agents consulaires ; tel est le projet de loi sur les constructions navales et celui relatif à l’exportation, par la marine nationale, des farines. Je soutiens qu’il est impossible de discuter ces propositions, sans que la chambre soit fixée sur le grand principe fondamental qui domine tout entier ces questions secondaires qui s’y rattachent essentiellement. Dans un tel système commercial, je voterai pour ces projets ; dans tel autre, je voterai contre, car j’ai la conviction que les armateurs-négociants qui, par l’appât des primes construiraient des navires de long cours, seraient ruinés dans la proportion des dépenses qu’ils auraient faites ; car la marine nationale de long cours serait entièrement débordée et écrasée par la marine étrangère, il serait impossible que la nôtre pût obtenir surtout des cargaisons de retour, et sans cette condition la sortie de nos navires est impossible, et par conséquent l’exportation de nos produits par nos navires. En effet, messieurs, dans ce système, que je combats, nos marchés, nos magasins, nos ports et nos entrepôts seront encombrés par les importations de la marine étrangère ; il ne restera plus de marge pour notre navigation abandonnée à elle-même et destituée des protections qui sont accordées par d’autres pays, à leur marine.

Qu’on ne vienne pas m’objecter, messieurs, que je m’oppose au commerce de transit. Je me suis plusieurs fois prononcé ouvertement en faveur de ce commerce. Sans doute, comme d’autres nations maritimes, il faut attirer sur le pays autant de transit que possible. Je me suis associé à la loi sur le transit. Je déclare encore aujourd’hui que c’est une bonne loi. Mais dans l’intérêt du commerce direct et de l’industrie d’exportation du pays, je ne veux pas que le transit domine tout autre commerce, qu’il soit érigé en première ligne ou qu’il forme « la base du système commercial de la Belgique. »

Ce système n’est établi chez aucune nation maritime et commerçante du monde tout entier. Il ne peut convenir qu’à une seule localité du pays à laquelle le commerce et l’industrie du reste du pays seraient impitoyablement sacrifiés, si ce système était définitivement établi. Telle est la distinction essentielle qui sépare l’opinion du ministère sur le transit de l’opinion que je n’ai cessé de défendre.

J’arrive maintenant, messieurs, à la conclusion des considérations que j’ai eu l’honneur de vous présenter.

Si le ministère, conformément à la pratique de toutes les autres nations, renonçait à sa funeste politique commerciale par laquelle il érige le transit en base du système commercial du pays, et s’il n’en faisait qu’un commerce secondaire ; si, à côté de ce principe, il établissait celui de l’importation des provenances directes, je voterais le chiffre demandé pour les agents consulaires. Toutefois, je subordonnerais mon vote à la condition d’efforts que le ministère ferait pour établir, dans les pays lointains, des agences ou des commandites belges, auxquelles il faudrait, pour les protéger, attribuer le titre et le traitement de consulat de la Belgique. Ces commandites subsisteraient au moyen de ces traitements et au moyen des bénéfices de la commission ; elles seraient chargées de la vente de nos produits et de l’achat des articles que nous recevrions en échange de nos articles commerciaux ; elles transmettraient au pays les échantillons des articles qui sont consommés dans les pays lointains ; elles nous feraient connaître les usages et les goûts de ces contrées ; nos industriels s’y conformeraient et le commerce exporterait leurs produits. L’opinion que j’énonce est prouvée par la pratique de toutes les nations maritimes ; elle est appuyée sur notre propre expérience. Le seul pays lointain avec lequel nous avons quelque peu de commerce régulier, est le Brésil. Or, dans cette contrée, nous avons deux commandites belges, dont l’une est revêtue de la charge du consulat du pays. Dans ces établissements nationaux, vous n’engagerez pas le commerce national aux opérations lointaines. Il suffit de l’expérience que nos négociants ont faite. Il ont été souvent indignement trompés et rançonnés par les maisons étrangères établies dans les contrées d’outre-mer.

Puisque le système commercial de l’administration actuelle continue d’être appliqué, j’ai la conviction que notre consulat dans les pays lointains est un établissement inutile. La présence de nos consuls ne peut, à elle seule, y attirer notre commerce. Je voterai donc contre le chiffre demandé, que je considère comme de l’argent jeté.

M. le ministre de l'ntérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – L’honorable préopinant vous a dit que son discours n’était pas préparé ; je le crois sans peine ! je suis persuadé que la chambre n’est nullement préparée à discuter le système de l’orateur et qu’elle veut attendre une occasion plus favorable. C’est par ce motif que je ne répondrai pas à son discours ; je ne répondrai que sur un point, celui relatif à la loi sur le transit que j’ai proposée en 1836.

Lorsque j’ai fait valoir l’importance du commerce de transit, je crois être resté dans le vrai, et être demeuré d’accord avec les principes du gouvernement et des chambres qui, depuis la révolution, ont toujours reconnu l’importance du transit. Elles l’ont prouvé lorsqu’elles ont voté les fonds nécessaires pour l’établissement d’un chemin de fer destiné à remplacer les eaux intérieures de la Hollande, et à nous mettre en rapport avec l’Allemagne ; et lorsqu’elles ont voté la loi sur le transit, qui, d’ailleurs, a obtenu l’approbation de l’honorable préopinant.

Si nous pouvons obtenir ainsi le transit vers l’Allemagne, nous pouvons dire que la navigation pour le transit sera plus considérable que celle pour la consommation intérieure du pays. Mais cela n’exclut nullement la protection et les encouragements en faveur de la navigation nationale.

Nous avons dit, en répondant au premier discours du préopinant sur le budget des voies et moyens , que nous ne faisons pas consister exclusivement la prospérité du pays dans le commerce de transit. Pour preuve nous avons signalé les avantages que les changements introduits dans la législation depuis 1830 ont procurés à l’industrie et à l’agriculture du pays.

Revenant au crédit en discussion, nous ferons observer que ce n’est pas un crédit nouveau, mais qu’il est voté annuellement depuis 3 ans, et que la plupart des consuls rétribués sont nommés ; de telle sorte que 79,000 francs sont déjà affectés aux traitements accordés et qu’il ne reste plus que 21,000 francs sur lesquels nous prendrons le traitement du consul de Singapore, qui sera nommé très prochainement à la demande du commerce.

Le crédit pour les agents consulaires a été pétitionné par le gouvernement sur les instances du commerce. Le commerce a pensé qu’avant de se diriger sur les contrées lointaines, il devait y trouver des agents qui pussent lui donner aide et protection, et lui procurer des renseignements sur les meilleures opérations à entreprendre. Ainsi, nos propositions sont toutes logiques, toutes rationnelles. Nous ne contestons pas qu’il puise être fort utile d’établir des commandites belges dans ces contrées lointaines, mais nous croyons que c’est là le fait du commerce. Déjà des sociétés de commerce nous ont fait espérer qu’elles formeraient des établissements de ce genre. Si ces espérances ne se sont pas encore réalisées, il faut l’attribuer aux circonstances.

Du reste, on ne perdra pas de vue qu’en 1830 toutes nos relations commerciales ont été bouleversées, paralysées.

Ensuite, l’Escaut a été fermé pendant longtemps, la citadelle d’Anvers a été occupée par les troupes hollandaises ; il est resté encore des incertitudes quant à la navigation de l’Escaut, jusqu’à la conclusion de la paix. On ne doit donc pas s’étonner si notre commerce maritime n’a pas pris tout l’essor que nous désirons ; mais il n’est pas anéanti, comme quelques-uns craignaient à l’époque de la révolution. On peut consulter sur ce point les tableaux statistiques du commerce d’Anvers et du commerce d’Ostende. Les personnes les plus à même d’examiner ces questions et notamment des armateurs ont conservé de l’espoir de voir nos relations maritimes s’étendre de façon à être de plus et plus utiles aux intérêts du pays.

M. de Langhe – Dans la section dont j’ai eu l’honneur de faire partie, on a demandé au ministre un état des consuls rétribués ; je ne sais si cet objet a échappé à l’attention de la section centrale, car je crois que l’état n’a pas été fourni. Je demande au ministre quels sont les changements survenus depuis le dernier budget.

M. le ministre de l'ntérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Depuis 1837 le crédit a toujours été le même ; il n’y a pas d’autres traitements sur la liste.

M. de Langhe – Je vois figurer sur cette liste un consul à Lima pour 25,000 francs ; j’en ai fait l’observation il y a deux ans, on m’a répondu que la vie était chère à Lima. On a fait aussi des objections sur d’autres traitements de consuls qui paraissaient trop élevés, et M. le ministre a répondu de la même manière, que la vie était chère dans leur résidence ; il s’ensuit que la vie est chère partout : oui la vie est chère partout quand on veut vivre avec luxe, quand on veut se procurer toutes les superfluités. Toutefois je ne crois pas qu’un consul puisse avoir 25,000 francs, c’est-à-dire plus qu’un chargé d’affaires. On m’a dit que le consul de Lima remplissait les fonctions de chargé d’affaires ; alors pourquoi ne pas lui en donner le titre ? On répond que l’on croit nécessaire de faire passer ce fonctionnaire par l’emploi de consul rétribué avant de le nommer chargé d’affaires ; cette méthode peut être bonne ; mais puisqu’on pense devoir commencer par ne donner que le titre de consul à ce fonctionnaire, pourquoi ne pas commencer aussi par ne lui donner que le traitement de consul ? Je ne puis voir dans ce traitement de 25 mille francs qu’une prodigalité que je ne saurais admettre.

Le ministre, en me répondant dans une précédente séance, a parlé des amateurs d’économie ; je m’honorerai toujours d’être amateur d’économies, quand on peut les réaliser sans nuire aux besoins du service. Je vois en perspective une augmentation de charges pour mon pays, déjà surchargé ; et voilà pourquoi je proposerai des économies notables, et même que ’j’appuierai les économies minimes qui seront demandées.

M. David – Ce n’est point que je ne trouve beaucoup d’excellentes idées dans ce que vient de nous dire l’honorable M. de Foere. Je remarque seulement que M. de Foere ne se déclare pas le protecteur des agents consulaires.

M. de Foere voudrait une marine nationale qui protégeât plus efficacement notre commerce et nos industries. Il est possible que son système soit bon, mais je ferai observer, messieurs, qu’il est beaucoup plus expéditif de créer des agents consulaires qu’une marine marchande, et que ce premier moyen est surtout beaucoup plus à notre portée. En attendant donc que la marine belge ait acquis tout son développement pour mon compte je serais encore d’avis d’essayer du système des agents consulaires.

Tous nos efforts doivent tendre à élargir nos transactions avec les deux hémisphères. Il me semble, messieurs, que le gouvernement pourrait très utilement nommer un agent consulaire pour la Perse. Ce pays, presque exclusivement exploité par l’Angleterre, nous offrirait de très grands débouchés, et certes les débouchés sont par trop rares pour que nous puissions les négliger. Nous produisons, messieurs, beaucoup d’articles pour la consommation de la Perse, contre lesquels je pense que l’Angleterre elle-même ne saurait lutter avec avantage. Ce pays est donc d’un très haut intérêt pour nous. Je demanderai à M. le ministre des affaires étrangères s’il ne se propose pas d’y nommer un agent consulaire ?

M. Pirmez – L’honorable M. de Foere a fait une réflexion fort juste quand il a parlé des primes pour construction de navires : ces primes sont en contradiction avec notre système de marine marchande. La chambre de commerce d’Anvers a bien compris cette contradiction, car elle ne demande plus qu’on encourage la construction des navires, parce qu’elle sent que , par suite de cet encouragement, il faudrait entrer dans le système préconisé par M. de Foere, lequel est mauvais selon moi.

Nous ne pouvons imiter des nations qui ont des colonies et une marine guerrière ; c’est ce que l’on a très bien fait observer, et l’on a prouvé que nous pourrions avoir un commerce assez étendu sans qu’il soit nécessaire que nous ayons une grande navigation maritime ; on a démontré enfin que la navigation n’était qu’un moyen et n’était pas un but.

On parle de toiles fournies à l’Amérique par les Anglais, mais si nous ne fournissons pas de toiles à l’Amérique, c’est que nous ne les fabriquons pas à aussi bon marché que les Anglais.

Quant aux 50 millions de numéraire qui sortent du pays, selon l’honorable membre, je crois qu’on peut se tranquilliser sur ce point. Si le fait était vrai, il ne resterait pas une pièce de monnaie en Belgique, ou du moins la diminution en serait sensible ; mais rien de semblable n’a lieu, la numéraire ne sort pas, il y en a actuellement autant qu’en 1830. Je ne fais ces réflexions que pour rassurer contre des préjugés populaires.

M. Desmet – D’après ma façon de voir, l’institution des agents consulaires est très utile à notre commerce, et c’est un moyen très efficace pour l’agrandir et ouvrir des débouchés pour exporter nos produits nationaux. Je ne peut reprocher au gouvernement qu’il en envoie trop, au contraire, je l’engage à en augmenter le nombre, et à en placer encore dans plusieurs endroits qui n’en ont pas encore. Quand je parle des agents consulaires, je veux particulièrement parler de ceux qui sont payés et qui jouissent d’un traitement ; car si on veut que le pays soit bien servi, et que l’envoi des consuls soit de quelque utilité, il faut nécessairement que ces agents soient salariés, car autrement vous devez craindre que les intérêts généraux du commercial national ne soient pas soignés comme ils pourraient l’être.

Mais nous reconnaissons aussi que les agents commerciaux ne peuvent, eux seuls, tout faire pour procurer un commerce extérieur et placer la Belgique sur le rang des autres nations, et certainement nous devons engager le gouvernement à protéger les arrivages directs et à prendre des mesures pour améliorer notre marine marchande, car les arrivages directs par navires étrangers et le transport par nos propres navires sont les moyens les plus efficaces pour augmenter nos échanges et améliorer notre commerce avec l’étranger.

On a parlé du transit et on l’a envisagé comme nuisible à notre commerce. Il me semble qu’il faut distinguer et voir de quelle espèce de transit il s’agit. S’il s’agit d’un commerce de transit qui n’a d’autre but que de faire débarquer dans nos ports des produits étrangers et à laisser partir en leste les navires qui les ont importés, alors certainement c’est un commerce qui est nuisible au pays. C’est le système de commerce que j’appelle, moi, le système de commissions, qui est tout à l’avantage des étrangers et ne procure aucun profit à notre commerce ni à notre industrie.

Chez beaucoup de nations le commerce de transit a une autre portée, c’est celle d’importer des produits étrangers pour les faire transiter à d’autres pays, et charger les navires qui en ont fait le transport avec des produits nationaux.

Ce commerce est indubitablement d’un grand avantage pour le pays, on doit le protéger autant que possible, et il est d’autant plus avantageux quand il peut se faire par des arrivages directs et par des navires nationaux.

On a dit que le commerce de transit allait s’améliorer par l’achèvement du chemin de fer vers l’Allemagne : messieurs, pour transiter de l’Escaut ou de la mer vers le Rhin, je ne puis voir que le chemin de fer soit une bonne voie ; au contraire, je crains que la voie en fer ne soit cause que nous ne pourrons lutter contre la Hollande, pour le commerce de transit vers l’Allemagne, et je crains que, par les immenses dépenses qu’on fait au chemin de fer, les véritables voies de transit ne soient négligées.

Si on avait exécuté le beau projet de lier l’Escaut au Rhin par un canal, alors j’aurais pu prévoir que nous eussions avantageusement lutté avec nos voisins dans le transit; mais jamais le transport frayeux par la voie de fer ne pourra vous donner cet avantage, car on ne cherche point à ce que les denrées coloniales arrivent avec vitesse à Cologne, mais on cherche surtout à ce qu’elles y arrivent à bon compte.

Messieurs, je vous ai dit tout à l’heure que je vois avec plaisir l’augmentation du nombre de nos agents consulaires ; je reviens sur le point pour engager M. le ministre à ne pas négliger l’Espagne, qui est un pays très important pour nos exportations, et à envoyer à Cadix un consul, qui serait salarié.

Je préfère beaucoup des agents spéciaux et salariés, parce que l’expérience démontre que ceux-là rendent beaucoup plus de services que des maisons de commerce.

Je demande donc qu’on envoie un consul à Cadix, car je suis persuadé que notre chargé d’affaires à Madrid ne suffit pas pour favoriser notre commerce en Espagne.

M. Lys – J’aurais désiré, messieurs, pour faire de l’économie, voir remplacer nos ambassadeurs par de simples chargés d’affaires, parce que nos relations extérieures sont pour ainsi dire purement commerciales ; elles doivent être dirigées vers ce seul but : protection du commerce et de l’industrie.

Nos missions consulaires doivent dès lors être augmentées.

On envoie des consuls dans le lointain, afin d’obtenir des renseignements positifs sur les besoins du pays, sur le genre de fabricats qui conviennent, sur ceux qui sont préférés ; enfin les consuls sont chargés de donner des renseignements pour diriger nos manufactures, même dans leur manière de confectionner leurs marchandises, d’après le goût des pays pour lesquels elles sont destinées. Cet envoi des consuls est d’autant plus nécessaire, que nos voisin ne paraissent pas très disposés à recevoir nos fabricats.

Je ne partage nullement l’opinion de l’honorable député de Thielt ; il voudrait que les consuls devinssent des commerçants, qu’ils fissent au moins le commerce en commandite ; en adoptant un pareil système, nos consuls, loin d’être utiles, à tout le pays, loin de faire le bien-être du commerce, deviendraient les commis de quelques-uns de nos commerçants, protégeraient nécessairement ceux qui leurs confieraient des marchandises, et deviendraient souvent hostiles à ceux qui ne se serviraient pas de leur intermédiaire.

J’ajouterai, messieurs, qu’on est souvent forcé de payer fort chèrement les personnes que l’on envoie dans les pays lointains. Il faut d’abord des gens en qui l’on ait toute confiance ; il faut remarquer que ces personnes exposent même leur vie. La rétribution doit aussi être proportionné aux travaux et aux dangers auxquels on s’expose. Je citerai la mission de Singapore ; il est certain que le consul que le gouvernement se dispose d’y envoyer exposera sa vie en changeant de climat.

M. de Foere – Je dois avouer, messieurs, qu’il est impossible d’entrer en discussion avec l’honorable ministre des affaires étrangères. Au lieu d’entrer dans le fond des questions qui font l’objet de nos délibérations, il ne présente que des considérations parasites, ou, comme il a toujours fait, il recule devant le fond de la question qui est en discussion, et il l’ajourne.

Il vous a dit, messieurs, que si notre marine nationale n’exporte pas les produits du pays, la navigation étrangère les exportera.

M. le ministre de l'ntérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Je n’ai pas dit cela.

M. de Foere – Les faits qui se passent sous les yeux du ministre prouvent que la marine étrangère ne se chargera pas de cette exportation. Je vous ai déjà fait remarquer, messieurs, que les défenseurs du système du gouvernement avouent eux-mêmes que la marine étrangère n’exporte pas nos produits. Il est généralement connu que la marine américaine fréquente beaucoup le port d’Anvers. Les navires américains quittent ce port sur lest, et ils vont prendre des chargements à Hambourg, au Havre, à Liverpool ou à Londres. C’est là un fait avoué, comme je l’ai dit, par la Revue nationale.

Nous sommes à l’égard de notre commerce extérieur dans une position insoutenable. Les débris de débouchés que nous avons conservés en Espagne doivent nous échapper, parce que, malgré la marine étrangère qui fréquente nos ports, nous sommes forcés de transporter nos toiles dans ce pays par roulage à travers la France. Je vous demande, messieurs, si un semblable commerce extérieur peut continuer d’exister lorsqu’il est écrasé par les frais excessifs de transport, par des commissions doubles et triples, par des frais de chargements et de déchargements continuels ? Comment aussi dans une semblable position soutenir la concurrence ?

M. le ministre vous a dit, messieurs, que son système de transit a été adopté par la chambre alors que l’établissement du chemin de fer a été voté. Je nie formellement que l’établissement du chemin de fer a été voté par la chambre dans le but d’ériger le transit en première ligne du commerce ou d’en faire la base du système commercial de la Belgique. Je soutiens qu’aucun membre de la chambre, à l’exception des fauteurs de ce système, n’a conjecturé que les chemins de fer avaient pour but d’établir ce système tel que le ministère l’entend, et d’ériger à côté celui des provenances indirectes qui en est la conséquence.

On a seulement soutenu que la route en fer était un moyen de faciliter le transit vers l’Allemagne, et c’est dans ce seul but que la chambre a voté l’établissement du chemin de fer ; et je le répète, il n’est aucun membre de la chambre qui ait cru, lorsque l’établissement du chemin de fer a été voté, que le transit dût être érigé comme commerce principal auquel tous les autres intérêts commerciaux et industriels dussent être subordonnés, et auquel notre marine marchande dût être sacrifiée.

Plusieurs personnes auxquelles M. le ministre accorde une grande confiance, et qui, selon lui, sont initiées à la connaissance des affaires commerciales, lui ont assuré que ce système pourra être très utile au pays. Je conçois, messieurs, qu’Anvers puisse retirer des avantages du transit tel que le gouvernement l’établit.

Ce commerce n’est pas un commerce direct ou actif, ce n’est qu’un commerce indirect et passif. Il ne produit au pays que les bénéfices de la commission. Encore, ces bénéfices seront concentrées à Anvers. Je conçois, dis-je, que les négociants d’Anvers, surtout les chefs des agences des maisons de commerce étrangères, établies dans cette ville, trouvent ce système de transit avantageux à leurs propres intérêts. Au surplus, la principale mission de ces agences est de favoriser le placement des articles de commerce des maisons étrangères dont elles sont les commissionnaires. L’Angleterre, les Etats-Unis, la France, l’Allemagne ont leurs agences à Anvers. Je comprends, je le répète, que ce système soit vanté par ces prétendus négociants du pays. Il est tout à fait dans leur intérêt ; ils sont juges et parties dans leur propre cause. Mais le commerce de tout le pays, à l’exception des maisons d’Anvers dont je viens de parler, le commerce du pays tout entier proteste contre le système de transit et d’importations indirectes du gouvernement. Un grand nombre de négociants et d’armateurs d’Anvers même, qui appartiennent au pays, réclament contre cette politique commerciale.

L’honorable M. David voudrait que nous envoyassions un consul en Perse ; un autre membre en demande un pour Singapore. « L’Angleterre, dit le premier orateur, importe en Perse beaucoup de produits similaires aux nôtres, et si nous avions en Perse un consul, nous pourrions aussi y importer nos marchandises. » Messieurs, je vous l’ai déjà fait observer, la seule présence d’un consul en Perse ne peut attirer le commerce de la Belgique en Perse.

Si l’Angleterre importe dans ce pays comme dans tous les autres contrées lointaines, beaucoup de marchandises, c’est qu’elle a une navigation régulière par laquelle elle établit un commerce suivi. Tant que ce moyen nous manquera, il nous sera impossible d’établir, soit avec la Perse, soit avec tout autre pays lointain, des relations suivies, un commerce régulier. Si vous aviez une navigation nationale, vous pourriez exporter vos produits vers les rivages lointains et en rapporter directement les objets nécessaires à la consommation intérieure ; votre commerce direct pourrait même prendre une part aux bénéfices résultants des articles de commerce à transiter vers l’Allemagne ; mais avec le système d’importations indirectes, imposé au pays par le gouvernement, vous ne pourrez exporter vos marchandises ; il vous manquera des cargaisons de retour. La navigation et le commerce étrangers rempliront vos magasins, vos entrepôts des produits des autres pays.

L’honorable M. Pirmez a bien compris, messieurs, que la politique commerciale du gouvernement est en flagrante contradiction avec les primes qu’il offre aux constructions navales. Il comprend que le système commercial des importations indirectes doit écraser notre navigation de long cours. Il a aussi justement fait observer que ce résultat est prévu par la chambre de commerce d’Anvers, composée, en majeure partie, de chefs de maisons étrangères. En effet, cette chambre de commerce a été toujours plus opposée que favorable aux primes ; son opposition est facile à comprendre. La majorité de cette chambre doit désirer que les navires de ses patrons étrangers nous importent tous les besoins du pays et que ces patrons aient chez nous le monopole du commerce.

M. Pirmez est dans l’erreur quand il pense que je considère la navigation du pays comme un but et non comme un moyen. Messieurs, je n’ai jamais considéré la navigation nationale que comme un moyen de commerce extérieur. Il est impossible de la considérer autrement ; mais si vous voulez atteindre ce but de commerce extérieur et de placement au loin de vos produits industriels, il faut nécessairement employer le moyen qui peut vous y conduire. Voilà ce que j’ai toujours soutenu.

Le même orateur a dit aussi que, si nous n’exportons pas de toiles aux Etats-Unis, ce que nos toiles ne sont pas à aussi bas prix que celles de l’Angleterre.

Je persiste à soutenir qu’il est telles espèces de toiles qui seraient préférées de beaucoup dans ce pays aux toiles anglaises, et que la seule raison pour laquelle nous n’en exportons pas dans ce pays, ainsi que plusieurs autres articles, est dans le vice de notre législation commerciale qui nous empêche d’avoir avec les Etats-Unis des relations directes de commerce, quoique nous y ayons un chargé d’affaires, et, je crois, deux consuls.

A propos de la balance commerciale du pays qui est, comme je l’ai dit, chaque année, terme moyen de 50 millions en notre défaveur ; le même membre a soutenu que ces 50 millions n’étaient pas payés en numéraire, et même que, de ce chef, l’argent ne pouvait sortir du pays. Mais il n’a pas indiqué le moyen par lequel la différence entre nos exportations et nos importations était soldée. Cependant cette différence existe. Elle est avouée par notre statistique officielle.

Lorsque le pays emporte une valeur de 200 millions, et qu’il n’exporte qu’une valeur de 150 millions, il n’est pas d’autre moyen connu de payer la différence à l’étranger, si ce n’est en numéraire : c’est pour éviter ce malheur qu’on cherche dans tous les pays à égaler au moins la somme des exportations à celle des importations et d’établir ainsi l’équilibre entre les échanges commerciaux.

L’honorable M. Lys, de son côté, ne veut pas que les consuls belges, établis à l’étranger, fassent le commerce ; moi, messieurs, je ne le veux pas plus que l’honorable membre auquel je réponds.

Je n’ai pas demandé que nos consuls établis à l’étranger exerçassent le commerce pour leur compte,, j’ai soutenu qu’il conviendrait qu’ils fussent des agents ou des commandités de nos maisons de commerce. Loin de vouloir que des agents ou des commandités exercent directement le commerce et fassent des opérations commerciales dans leur intérêt, je soutiens, au contraire, que tout commerce personnel doit leur être interdit. C’est du reste, le vrai caractère des commandites. Elles ne doivent être autre chose que de simples intermédiaires entre les maisons de commerce de Belgique et les pays où elles sont établies. Ces agents ne font qu’exécuter les ordres données par les maisons de Belgique. Je suis donc parfaitement d’accord avec l’honorable M. Lys ; je veux, comme lui, que ces agents n’exercent pas de commerce.

M. le ministre de l'ntérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Messieurs, de ce que je n’ai pas cru devoir suivre l’honorable préopinant dans cette discussion incidente, il ne s’ensuit nullement que nous reculions indéfiniment devant l’examen de son système. J’ai déjà dit qu’une occasion de présenterait tout naturellement lors de la discussion des traités de commerce et de navigation.

Je persiste à soutenir que le principal motif de l’établissement du chemin de fer a été le commerce de transit ; pour cela, j’en appelle aux souvenirs de toute la chambre. (C’est vrai ! c’est vrai !).

L’honorable député d’Alost craint que le chambre n’atteigne pas son but, et que le commerce de transit ne se fasse à l’avenir exclusivement par la Hollande.

Sans doute nous aurons toujours une concurrence extrêmement redoutable de la part de la Hollande pour le transit ; mais je pense que le chemin de fer peut, à plusieurs égards, nous aider à soutenir cette concurrence, et particulièrement dans la saison où les rivières sont peu navigables.

Je ne partage point l’opinion de l’honorable député de Thielt sur les maisons de commission. Je crois qu’il existe deux moyens de favoriser notre commerce avec les pays lointains : le premier est l’établissement de maisons belges dans ces contrées, le second est l’établissement de maisons étrangères dans nos ports. Ces maisons établies dans nos ports ont beaucoup d’intérêt et beaucoup de facilités à favoriser l’exportation des produits de notre industrie vers les contrées étrangères. C’est par ce motif que j’ai toujours entendu avec peine qualifier d’une manière plus ou moins défavorable les maisons étrangères qui viennent s’établir dans le pays pour y exercer le commerce.

Maintenant je pense que l’essentiel pour le pays est d’avoir la navigation la plus fréquente et la plus abondante possible, car plus nos relations avec les contrées lointaines seront fréquentes, plus nous pourrons faire des opérations assurées. L’honorable préopinant prétend que nous atteindrons ce but avec le système qu’l préconise, tandis que d’autres prétendent que, pour atteindre ce résultat, il faut accorder à toutes les nations beaucoup de facilité pour naviguer vers nos ports. Du reste, ce point sera plus largement discuté lorsque les traités seront mis à l’ordre du jour.

En ce qui concerne l’exportation de nos toiles vers l’Espagne, nous désirons autant que qui que ce soit de multiplier nos relations avec ce pays, et c’est dans ce but que nous avons fait des efforts incessants pour que le commerce de la Belgique soit placé sur le pied le plus favorable en Espagne.

Les primes pour construction de navires ne nous paraissent nullement en opposition avec le système que nous avons suivi jusqu’ici, et voici comment je m’explique : Il est certain que nos navires trouvent de l’emploi, et la preuve en est qu’on construit annuellement de nouveaux navires, soit pour remplacer ceux qui sont perdus, soit pour augmenter le nombre de navires existant.

Il est évident que la prime seule ne pourrait déterminer la construction des navires ; mais la prime a été jusqu’ici jugée utile pour encourager l’industrie de la construction des navires et pour compenser en quelque sorte la défaveur qui résulte, pour nos armateurs, de ce que nous ne permettons pas de nationaliser des navires étrangers qu’ils pourraient se procurer à plus bas prix dans le Nord. Si on voulait permettre aux armateurs de nationaliser des navires qu’ils se procureraient à l’étranger, alors il est certain qu’il faudrait cesser d’accorder des primes pour constructions ; mais ces primes sont utiles en ce sens que par là nos armateurs sont à même d’obtenir dans le pays des navires au même prix auquel on les vend dans le Nord.

Quant à l’exportation de numéraire signalée par l’honorable préopinant, je pense avec l’honorable M. Pirmez que cette exportation n’est que fictive, et la preuve la plus certains, c’est que le numéraire est aujourd’hui pour le moins aussi abondant qu’il l’était en 1830, ce qui serait impossible si l’exportation qu’on a signalée avait eu lieu. La preuve de cette abondance résulte de deux circonstances : il est bien certain que l’élévation du prix des terres, accompagnée de l’application de grands capitaux à l’industrie, indique que le numéraire est abondant dans le pays ; or, ces deux circonstances ont été certainement réunies jusqu’à l’époque de la dernière crise.

L’honorable M. David a demandé s’il ne serait pas utile d’avoir des consuls rétribués en Perse. Je dirai que peu de nations ont des consuls en Perse, et la raison en est qu’il faut avoir des forces militaires pour protéger le commerce avec la Perse. Dans l’état actuel de ce pays, l’établissement de consuls ne servirait à rien ; mais il est à espérer que la Perse arrivera à une situation telle, que le commerce y acquière plus de sécurité.

Le traitement du consul de Lima paraît, à la vérité, fort élevé ; mais, messieurs, il fait excessivement cher vivre à Lima, et le traitement a été fixé, lorsque nous avons acquis la conviction que ce chiffre était indispensable. Je ne puis pas entrer dans des détails à cet égard, parce que je n’ai pas le dossier sous la main, car je ne m’attendais pas à l’observation qu’on a faite à ce sujet ; mais je sais très bien que la fixation du traitement n’a eu lieu qu’après examen de la cherté de la vie à Lima.

Nous sommes aussi partisan d’économies que qui que ce soit dans cette chambre ; mais nous examinons avant tout si la réduction qu’on pourrait faire sur tel ou tel chiffre constitue un avantage pour le pays ; si elle ne constitue pas un avantage, si de la réduction il doit résulter des inconvénients, nous disons alors que de semblable économies sont mal entendues ; et c’est dans ce sens que nous avons dit hier qu’il résulterait une perte très considérable par la difficulté de rapports entre le ministre des affaires étrangères et ses employés, lorsqu’il n’avait pas son cabinet dans le local où sont établis ses employés.

C’est encore dans ce sens que nous nous sommes exprimé, lorsque nous avons pensé que, par certaines économies, l’on pouvait perdre le talent, l’expérience d’un agent diplomatique fixé dans une localité, si on l’empêchait de continuer ses fonctions, en le mettant dans une position qu’on ne pourrait pas soutenir. Nous avons toujours pensé que lorsqu’on faisait tant que d’accorder une somme considérable, il ne fallait pas, par une réduction plus ou moins notable, gâter la position de l’agent diplomatique.

M. le président – Si personne ne demande plus la parole, je mets aux voix l’article unique du chapitre III « Traitement des agents consulaires : fr. 100,000. »

- Adopté.

Chapitre IV. Traitement des agents politiques en inactivité

Article unique

« Art. unique. Traitement des agents politiques en inactivité, de retour de leur mission : fr. 10,000 ? »

- Adopté.

Chapitre V. Frais de voyage et de courrier

Article unique

« Article unique. Frais de voyage des agents du service extérieur ; frais de courrier, estafettes et courses divers : fr. 70,000. »

- Adopté.

Chapitre VI. Remboursements de frais des agents du service extérieur

Article unique

« Art. unique. Frais à rembourser aux agents du service extérieur : fr. 75,000. »

M. de Brouckere – Messieurs, avant de vous soumettre les observations que j’ai à présenter sur l’article en discussion, je dois rectifier une erreur que j’ai commise. Depuis la séance d’hier, je me suis assuré que le chiffre porté au budget hollandais pour la mission belge était de 28 mille florins, et non de 25, comme je le pensais. Si je fais cette rectification, c’est parce que je ne veux pas qu’on puisse me reprocher d’avoir avancé un fait inexact ; car cela ne change rien aux réflexions que j’ai faites par comparaison entre le chef de la mission belge et le chef de la mission hollandaise.

Puisque j’en suis aux rectifications, je dirai que c’est une erreur d’avoir supposé que j’avais attribué à la mission hollandaise à Londres 80 mille florins, c’est 90 mille florins. La différence est assez notable pour être relevée.

J’arrive à l’article en discussion.

J’ai entendu dire que, dans la distribution des sommes allouées par la législature pour frais de voyages à rembourser aux agents du service extérieur, et pour les missions extraordinaires et dépenses imprévues, j’ai, dis-je, entendu dire que, dans la distribution de ces sommes, il se glissait beaucoup d’abus ; j’ai voulu m’en assuré, je me suis rendu à la cour des comptes. Là, j’ai acquis la conviction que véritablement il y avait non seulement des abus, mais que ces abus dépassent tout ce qu’on en avait dit. Je suis dépositaire de renseignements à cet égard, qui sont véritablement très sérieux. Cependant, je m’abstiendrai de les publier, parce que je ne puis pas le faire sans nommer des personnes pour lesquelles je professe une très grande estime, et sans les désigner. Je garderai pour moi ces documents ; seulement je les communiquerai en particulier à qui voudra en prendre connaissance. Mais je préviens dès à présent le ministre que l’année prochaine, je demanderai qu’on fasse pour le ministère des affaires étrangères ce qu’on fait pour le ministère de la guerre. La section centrale a demandé qu’on lui donnât le tableau des imputations faites sur le chapitre des dépenses imprévues. Elles sont imprimées à la suite du rapport. Consultez le rapport de l’an dernier, vous verrez l’exactitude de ce que j’avance. L’année prochaine, je demanderai la même publication pour le ministère des affaires étrangères, si ma demande n’a pas de succès, j’irai puiser des renseignements à la même source, et je les ferai connaître dans cette enceinte. Comme le ministre est prévenu, cela suffira, pour qu’il use moins largement des crédits alloués.

J’ai dit que je ne voulais pas nommer les personnes qui ont profité de la prodigalité du ministre. La raison en est qu’ils n’ont pas en cela le moindre tort. On ne peut pas leur reprocher d’accepter leur part d’un gâteau que le ministre distribue suivant son bon plaisir. C’est au gouvernement que le reproche doit être adressé pour n’avoir pas, ici aussi bien que dans d’autres chapitres, mis toute l’économie qu’il doit apporter quand il s’agit de disposer des deniers de l’état. La chambre verra si elle doit allouer les fonds portés aux trois derniers chapitres, car ces trois chapitres n’en font qu’un ; et ces imputations se font si bien, qu’elles peuvent toujours porter sur l’un ou l’autre des trois chapitres V, VI et VII.

Le chapitre V porte : Frais de voyage des agents du service extérieur, frais de courriers, estafettes et courses diverses : fr. 70,000. ; on paie ensuite au chapitre VI, à titre de frais à rembourser aux agents du service extérieur, 75,000 francs ; au chapitre VII, on paie 84,000 francs pour missions extraordinaires et dépenses imprévues. C’est une somme de 229,000 francs que vous mettez entre les mains du ministre, pour en disposer comme bon lui semble.

Ajoutez à cela qu’on est venu, depuis la présentation du budget, demander un crédit supplémentaire qui forme le chapitre VIII, pour l’établissement de nouvelles missions et pour faire face aux dépenses qui résulteront du traité de paix avec les Pays-Bas. Le gouvernement avait demandé 150 mille francs et la section centrale a été très généreuse en en accordant 100 mille. Ce sont 329 mille francs dont le gouvernement use comme bon lui semble.

M. le ministre de l'ntérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Messieurs, on a présenté comme constituant une faveur, les remboursements faits aux agents du service extérieur ; soit que les agents se rendent pour la première fois à leur poste en mission ordinaire, soit qu’il s’agisse de missions extraordinaires ; il n’est nullement question de faveurs dans cette affaire. Voici les termes de l’arrêt dont les dispositions étaient suivies avant que j’eusse le département des affaires étrangères :

« Les frais de routes et de séjour, des chefs de missions ou agents consulaires rétribués qui se rendent pour la première fois à leur poste ou le quittent définitivement, seront remboursés sur mémoire appuyé autant que possible de pièces justificatives. » La déclaration doit être sincère, elle doit d’ailleurs être accompagnée de pièces justificatives. Cette déclaration et les pièces à l’appui sont envoyées à la cour des comptes pour être liquidées. Quand la cour trouve les pièces en règle, elle opère la liquidation. Je soutiens que les agents diplomatiques ne font aucun bénéfice de ce chef. Je ne pense pas qu’on suppose qu’il puisse se glisser des abus contrairement aux termes de l’arrêté ; je repousse de toutes mes forces une semblable supposition.

M. de Brouckere – La cour des comptes a repoussé une demande de 4,000 francs.

M. le ministre de l'ntérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Il s’était glissé une erreur résultant de ce qu’on avait compté des frais de séjour. Cette erreur ayant été reconnue, elle a été rectifiée. Mais il n’y avait là aucune espèce de surprise.

L’article 10 de l’arrêté porte : « Les frais de voyage hors du continent seront payés sur une déclaration constatant la dépense et appuyés de pièces justificatives. »

Voilà donc pour le premier voyage des agents qui se rendent à leur poste, et pour les agents qui sont rappelés définitivement et pour ceux qui se rendent outre mer.

Les autres voyages sont payés d’après le tarif également ancien. Quant aux débouchés faits pour compte de l’état et qui sont à rembourser, ils sont énumérés dans l’arrêté royal ; voici en quoi ils consistent :

Ce sont les frais de correspondance des agents entre eux et avec le ministre ; les secours accordés à des Belges indigents ; les frais de courriers expédiés pour le service du pays ; les achats de documents destinés au gouvernement.

On ne peut rien porter en compte pour frais de bureau et de représentation.

Voilà donc les seuls frais qu’on puisse admettre en liquidation. Il n’existe aucune confusion entre les imputations sur les divers chapitres que l’on a énumérés.

En effet, s’agit-il de frais de voyage, ils doivent être imputés sur le chapitre V. S’agit-il de frais à rembourser, c’est sur le chapitre VI ; s’agit-il de missions imprévues, nécessitées par des circonstances nouvelles, c’est sur le chapitre VII.

Quant au chapitre VIII : Frais de commissions pour l’exécution du traité. Il ne s’agit que des frais de commission et des agents qui seront chargés d’aller prendre les archives à La Haye. C’est par une erreur de copiste que les mots : « missions nouvelles » ont été maintenus ; c’était le libellé de l’année dernière qui ne devait pas se reproduire dans le budget suivant. Il ne s’agit ici que de frais de commissions.

M. de Brouckere – Il était inutile que M. le ministre nous donnât lecture de l’arrêté. Ce n’est pas de l’arrêté que nous nous plaignons, mais des abus commis dans l’exécution de ses dispositions. J’ai la preuve de ces abus. Ils sont très fréquents. Je vous le répète, je ne veux rien publier, mais l’an prochain toutes les imputations sur ce chapitre seront connues de la chambre et du pays.

M. le ministre de l'ntérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Je dois répéter que le gouvernement n’a prêté les mains à aucune espèce d’abus. Les déclarations des agents sont toutes soumises avec les pièces justificatives à la cour des comptes.

M. A. Rodenbach – Je faisais partie de la section centrale. Je dois déclarer que j’ai été frappé des abus signalés ; je ne veux pas commettre d’indiscrétion, mais je dois dire qu’on a accordé des 40, 60, 80 francs par jour et des indemnités de route, de 10 et 12 francs. Il a été prouvé qu’on avait remboursé à des agents qui avaient voyagé par le chemin de fer, de 2, 3000 francs de frais de route, quand ils n’avaient dépensé que 7 ou 8 francs. Je demande si ce ne sont pas là des abus ?

Il y a peut-être une douzaine de personnes en Belgique qui se font des 60,000 francs de revenu par des moyens indirects, en vertu d’arrêtés, il est vrai, mais ce sont les ministres qui présentent ces arrêtés. On devrait mettre plus d’économie dans l’emploi des deniers du peuple.

M. Verhaegen – Comme je désire connaître les détails de ce qu’on nous soumet, je propose à la chambre d’engager les ministres à déposer sur le bureau les documents dont on a parlé. Nous devons voter des sommes considérables, et on dit que, relativement à ces sommes, il y a des abus graves. Un honorable préopinant, par un motif de délicatesse que je ne veux pas discuter (car chacun a sa manière de voir), n’a parlé que par réticences. Il me semble que l’intérêt du pays exige que les abus, s’il y en a, soient dévoilés et que le moment est arrivé de nous mettre, par la production des pièces, à même de les apprécier. Je demande donc le dépôt sur le bureau du tableau auquel l’honorable M. de Brouckere a fait allusion ; car alors que nous avons besoin d’économie, on ne voudra pas sans doute surprendre un vote sur un objet de cette importance.

Je suis d’autant plus disposé à insister sur ma proposition qu’il semble qu’on veut laisser le pays dans une ignorance complète sur tous les détails qui le concerne, puisque c’est lui qui paie. Je vois, dans le rapport de la section centrale sur le chapitre VIII, des choses assez curieuses. Voici comment le rapport est conçu :

« Le ministre n’avait porté aucune somme dans les prévisions de ses budgets primitifs pour faire face aux besoins de ce service ; mais il a adressé à la section centrale une demande de crédit, montant à la somme de 150,000 francs. Cette somme lui semblait indispensable, parce que l’état des travaux des diverses commissions instituées pour l’exécution du traité faisait prévoir la nécessité d’une nouvelle allocation de ce chef, ainsi que pour la reprise des archives reposant à La Haye. Votre section centrale, vu l’absence de tout document proposé à fixer son opinion sur le montant du chiffre nécessaire, et n’étant d’ailleurs éclairée sur ce point par aucune délibération préliminaire de la part des sections, a cru devoir réclamer, près du gouvernement, la production des arrêtés instituant ces commissions et réglant leurs indemnités. L’inspection de ces pièces a fait penser à quelques membres que des économies très considérables pouvaient être réalisées sur les besoins de ce service. Tout en adoptant pour base éventuelle la somme de 100,000 francs, ils ont néanmoins entendu se référer au jugement de la chambre elle-même, sur la question de savoir si une plus grande réduction ne serait pas praticable. Dans cette intention, trois membres ont demandé l’impression de ces arrêtés à la suite du rapport, mais trois autres membres ont été d’avis que le même but serait atteint par le dépôt de ces pièces sur le bureau, pendant la discussion du budget du département des affaires. Ce partage de voix n’amenant aucun résultat, les membres qui avait embrassé la première opinion se sont réunis à leurs collègues, et le dépôt a été prononcé par l’unanimité des voix. »

Les arrêts dont mention est faite dans ce rapport sont sur le bureau, mais ne sont pas destinés à être publiés ; la section centrale qui les a examinés a réduit d’un tiers le poste de 150,000 francs. Maintenant, si en examinant les documents dont a parlé M. de Brouckere, la chambre se trouvait à même de faire une réduction, elle ne ferait que ce qu’a fait la section centrale pour le poste porté au chapitre VI.

Je crois obvier à tous les inconvénients en demandant que la chambre remette la discussion à demain et qu’elle engage le ministère à fournir dans l’intervalle les documents que j’ai indiqués. J’en fais la proposition formelle.

M. le président – Les arrêtés royaux dont la section centrale a demandé le dépôt, sont sur le bureau depuis samedi.

M. le ministre de l'ntérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – La question est de savoir, quant aux frais de voyage, ou autres à rembourser aux agents du service extérieur, si on veut que ces agents fassent ces voyages et es dépenses à leur charge.

De toutes parts – Non ! non !

M. le ministre de l'ntérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Je ne le pense pas, et, à en juger par l’unanimité de ces réclamations, je dois croire qu’on est d’accord sur le principe que les agents du service extérieur doivent se rendre à leur poste aux dépens de l’état. Quand nos agents diplomatiques accordent des secours à des Belges indigents à l’étranger, quand ils envoient des courriers, qu’ils paient des frais de correspondance, tous ces frais doivent leur être remboursés : sur tous ces points on doit être d’accord. Dès lors que reste-t-il à faire ? Exiger des agents diplomatiques (et cela se pratique partout) une déclaration des frais qu’ils ont faits à ces différents titres, et soumettre à la cour des comptes cette déclaration avec les pièces à l’appui.

Je ne puis croire que la chambre veuille exercer l’office de la cour des comptes et vérifier les comptes de nos agents diplomatiques, ni qu’on veuille dans cette chambre s’inscrire en faux contre les déclarations qui sont produites.

Si l’on peut être étonné de certains faits, c’est parce qu’on ignore, la plupart du temps, ce qu’il en coûte pour se transporter avec sa famille et ses effets en pays étranger, surtout par la poste. Car on n’exigera pas sans doute que nos agents diplomatiques prennent le coche. (Rires d’approbation.)

Cela ne se fait dans aucun pays. Les agents diplomatiques de tous les autres pays voyagent en poste. Je crois que nos agents méritent les mêmes égards que ceux des autres nations.

Il est encore à remarquer qu’il est arrivé que des agents diplomatiques aient dû séjourner par ordre du gouvernement, ou passer par un endroit qui les écartait de la route directe, et cela d’après les mêmes ordres : ceci explique encore des faits dont on pourrait s’étonner dans l’ignorance de ces circonstances.

En ce qui concerne l’indemnité des membres des commissions, chacun a pu prendre connaissance des arrêtés pris à cet égard ; et je ne pense pas que ces arrêtés puissent être critiqués avec fondement. Dans tous les cas, les réductions que l’on aurait pu obtenir à l’égard d’un seule commission, auraient été insignifiantes. Il y a eu à l’égard de cette commission un forfait : il est tenu compte des frais de voyage pour aller d’une province à une autre ; mais les voyages qui se font dans la province pour la délimitation, se font aux frais des commissaires. Ainsi, il y a là un forfait. J’ai pris des renseignements sur les résultats pratiques de cette espèce de forfait, et je puis assurer que cet arrangement ne produit aucun bénéfice aux membres de la commission.

La section centrale a réduit le crédit demandé de 150,000 francs à 100,000 francs ; c’est un crédit éventuel ; la quotité des imputations à faire sur ce crédit dépendra de la durée des commissions. Je dirai même que mon projet n’est pas de contester la réduction ; si les commissions sont réunies très longtemps, il faudra que le ministre des affaires étrangères demande un crédit supplémentaire. Ainsi nous nous rallions au chiffre de 100,00 francs, sauf si les circonstances l’exigent, à produire une demande supplémentaire.

M. Van Hoobrouck de Fiennes, rapporteur – Je regrette vivement que cette discussion ait été soulevée. Je crois que, dans l’intérêt du pays, on ne devait pas signaler les abus qu’il a pu y avoir dans l’imputation des dépenses sur le chapitre en discussion. J’aurais désiré qu’il n’en fût pas question ; mais puisque cette discussion a été soulevée, puisque des présomptions fâcheuses peuvent planer sur nos diplomates, je crois qu’il est bien que la chambre se livre à un examen approfondi. Je me joins donc à la proposition de l’honorable M. Verhaegen tendant à demander le dépôt sur le bureau du tableau des imputations qui ont été faites sur les quatre derniers chapitres du budget.

On vous a signalé des abus. Je ne veux point entrer dans des détails qui pourraient être considérés comme des personnalités ; mais je dois dire que la section centrale a été étonnée de l’exagération de certaines indemnités. Ainsi elle a vu avec surprise qu’un simple chargé d’affaires avait touché 9 mille francs pour frais de voyage. (Dénégation de la part de M. le ministre de l'ntérieur et des affaires étrangères.)

On a parlé de commissions instituées. Lorsque le ministre a proposé son budget, il n’a présenté à ce titre aucune somme. A-t-il voulu soustraite à l’examen des sections les imputations sur ce chapitre ? je n’ose pas l’affirmer ; mais cet oubli est d’autant plus étrange que les dépenses de cette nature sont éventuelles et pouvaient être prévues aussi bien deux mois à l’avance qu’au moment où la section centrale était réunie ; car il n’est intervenu aucun fait nouveau qui puisse justifier les prévisions du ministre. Votre section centrale a cherché à se rendre compte des motifs que le ministre a pu avoir. Elle a examiné les imputations faites sur ce chapitre, et, je le déclare avec regret, elle a cru voir qu’on a dépassé toutes les bornes. C’est ainsi que le président de la commission nommée pour la délimitation du territoire reçoit une indemnité de 60 francs par jour. Comme la commission, à ce qu’il paraît, donne un caractère de durée et de permanence à ses travaux, il en résultera que le président recevra annuellement 21,600 francs, c’est-à-dire plus que les ministres à portefeuille. La commission de délimitation, lors de la création du royaume des Pays-Bas, a duré cinq ans. Si les travaux de la commission de Maestricht se prolongent pendant la même durée, tout nous porte à le croire, ce sera 108,000 francs que vous aurez décernés au président de cette commission.

Le président de cette commission est en même temps général au service de la Belgique, et reçoit de ce chef son traitement. Cependant les dépenses qu’il est dans le cas de faire à Maestricht ne sont pas plus élevées que celles qu’il pourrait faire à Bruxelles, ou partout ailleurs où ses fonctions l’appelleraient.

La Hollande paie à ses commissaires 15 florins par jour ; elle paie indistinctement les jours de séance et les autres ; elle a senti qu’en suivant un autre mode il n’y aurait pas d’économie, parce que la commission aurait pu se constituer en permanence.

Quoi qu’il en soit, messieurs, à notre commission, on a réuni des officiers de tous grades, des employés de toute nature, et on a cru devoir encore y adjoindre un secrétaire. Ce secrétaire, outre son traitement dans l’armée, reçoit une indemnité de 15 florins par jour.

Ce n’est pas tout. Comme le président de la commission est souvent dans le cas de se déplacer, il lui est alloué des frais de voyage. Par les arrêtés déposés sur le bureau, vous verrez que ces frais de voyage sont à raison de 12 francs par poste, c’est-à-dire, qu’on suppose qu’il voyage avec cinq chevaux et deux postillons.

Quant au secrétaire, on lui alloue des frais de route séparés, à raison de 8 francs par poste, c’est-à-dire, qu’on suppose qu’il voyage avec quatre chevaux et un postillon.

Quand on voit de pareilles dépenses, on est surpris et toute réflexion devient inutile. C’est au moment où nous cherchons par tous les moyens possibles à mettre nos dépenses au niveau de nos recettes, c’est quand le gouvernement lui-même, en vue d’économie, met à la demi-solde ou à la retraite des officiers qui souvent ont besoin de tout leur mince traitement pour alimenter leur famille, que l’on porte le système des indemnités à des proportions au-delà desquelles il cesse de porter ce caractère.

Votre section centrale a considéré que s’il était juste de payer convenablement des services rendus, il fallait cependant rester dans de certaines limites. C’est pour indiquer que des économies étaient, dans son opinion, praticables sur le chapitre VIII, qu’elle a porté à 100,000 francs la somme réclamée par le ministre.

M. le ministre de l'ntérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – On dit que des chargés d’affaires ont reçu 9,000 francs pour se rendre à Francfort ; mais pas un seul chargé d’affaires n’a été envoyé dans cette ville, et conséquemment aucun agent de ce rang n’a pu recevoir des frais de voyage à ce titre. Un ministre plénipotentiaire a été envoyé à Francfort ; il n’a certes pas touché 9,000 francs ; l’on a sans doute voulu parler des agents qui ont été envoyés dans diverses cours. Il faut ramener les faits à la réalité.

Les frais qu’occasionnent les missions diplomatiques sont considérables ; cependant, dans d’autres pays, les agents sont mieux traités qu’en Belgique.

L’on a parlé du président de la commission de délimitation de Maestricht. Il semblait d’abord que l’on critiquait les frais de diverses commissions ; mais on ne signale plus que le président de la commission de Maestricht. Je ne pense pas que l’on doive trouver extraordinaire une indemnité de 60 francs. Il est payé par jour ainsi que les autres membres de la commission qui reçoivent 40 francs ; mais il fournit le local où se réunit la commission et est assujetti à diverses dépenses.

On a comparé nos dépenses à celles de la Hollande pour la même commission. Je pense que notre arrangement valait mieux que celui de la Hollande qui donne tous les jours 53 francs 15 cent. au président et 33 francs 85 centimes, aux autres membres, et cela pour toute la durée des fonctions.

Il est évident que si nous avions le tarif des Pays-Bas, nous aurions été entraînés dans des dépenses plus considérables que celles que nous faisons.

On a calculé d’après la durée éventuelle de la commission des limites : je doute qu’elle ait la durée qu’on a supposée. Si elle avait cette durée, le président de la commission ne resterait pas à Maestricht pendant l’interruption des travaux. Jusqu’ici il a dû y rester pour diriger le travail des officiers, des agents militaires placés sous ses ordres. Cependant, tous les jours qu’il a été absent de Maestricht, il les a lui-même spontanément défalqués aux termes de l’arrêté.

Quant aux frais de poste dont on vous a entretenus, la Hollande les paie également ; la Hollande paie non seulement les frais de poste, elle paie encore l’indemnité de chaque jour, tandis que nous ne donnons aucune indemnité pour les jours de voyage.

De plus, nous ne payons les voyages que quand les membres de la commission vont d’une province à une autre, et non pour les déplacements dans la province du Limbourg.

Les exagérations que vous avez entendues au défaut de connaissances des faits.

M. Verhaegen – Je ne suis entré et je n’entrerai dans aucun détail, parce que les renseignements me manquent. Tout ce que je désire, c’est de m’éclairer ; tout ce que je veux, c’est que le pays puisse apprécier si, comme le prétend M. le ministre, il y a de l’exagération de la part des préopinants. La question est devenue assez grave pour qu’on n’en reste pas là. Dans l’enceinte de la représentation nationale, un honorable membre (M. de Brouckere) a dit qu’il y avait des abus et des abus graves. Un autre membre (M. le rapporteur de la section centrale) a dit que le gouvernement a dépassé les bornes ; en outre, il a été avancé sans contradiction que la cour des comptes a réduit de 4,000 francs les frais demandés pour un seul voyage ; tout cela mérite bien l’honneur d’un examen.

Notre honorable président a observé que les arrêtés royaux fixant les indemnités diverses avaient été déposés sur le bureau depuis samedi : cela est vrai ; aussi n’ai-je fait aucune réclamation relativement à ces arrêtés. Ce que je demande, c’est qu’on nous donne communication des notes et documents qui sont au pouvoir du ministère.

A la fin d’une séance on nous déclare qu’il y a des abus, et des abus graves : Il faut que la chambre sache à quoi s’en tenir sur la nature et l’étendue de ces abus, et nous devons d’autant plus insister sur notre observation que le passé peut seul nous mettre à même d’apprécier ce qu’on nous demande pour l’avenir, et en quelque sorte par un vote de confiance.

D’après l’observation de M. de Brouckere, les divers postes portés au budget pour dépenses éventuelles excédent 380,000 francs ; pour accorder cette somme en 1839, il faut examiner avant tout comment le ministre a disposé de pareille somme allouée au même titre que l’année dernière ; il faut savoir s le ministère auquel nous avons accordé naguères notre confiance la mérite encore aujourd’hui.

Or, on vient de dire d’un côté, qu’il y a des abus et des abus graves ; de l’autre côté, M. le rapporteur de la section centrale, dit la même chose ; il ajoute que le gouvernement a dépassé toutes les bornes, il entre même dans des détails sur lequel le ministre de l’intérieur ne paraît pas être d’accord. Comment juger de quel côté est la vérité, si ce n’est en examinant les pièces ? Je crois que, d’après ce qui a été dit aujourd’hui, le seul moyen qui reste au ministre de se disculper, c’est de mettre sous les yeux de la chambre et du pays les détails des dépenses telles qu’elles ont été mandatées.

M. le ministre de l'ntérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Pour pousser plus loin la motion, l’honorable préopinant aurait dû ajouter qu’il proposait à la chambre de nommer des commissaires qui seraient chargés de suivre les traces de nos agents diplomatiques, avec les comptes en main pour voir si réellement les dépenses ont pu être faites ! Du moment que leur déclaration a été admise comme véritable par la cour des comptes, comme conforme aux arrêtés royaux, je pense qu’il n’y a plus rien à faire, à moins que la chambre n’institue une commission d’enquête pour s’assurer par elle-même de la réalité des dépenses. Vous voyez, messieurs, à quelles absurdités on arrive par de semblables prétentions.

Je dis, messieurs, que cette discussion est réellement peu digne, que ce qui se passe dans cette enceinte doit donner à l’étranger une mauvaise opinion de nos débats. Ce sont là, messieurs, des discussions tout à fait personnelles qui ne s’élèvent dans aucune chambre législative. Si l’on voulait ravaler ainsi nos agents diplomatiques, on ferait beaucoup mieux de supprimer le budget des affaires étrangères tout entier. Si vous voulez avoir des agents, laissez-leur la considération dont ils ont besoin pour remplir leur mission, et ne les placez pas dans une fausse position à l’étranger.

Quant aux chiffres des frais alloués aux divers commissaires, ils sont établis par des arrêtés royaux. Ces arrêtés sont déposés sur le bureau, chacun peut en prendre connaissance. Je pense d’ailleurs avoir justifie complètement les allocations faites à la commission des limites, qui a été seule en cause.

M. Van Hoobrouck de Fiennes – Je regrette vivement, je le répète, que cette discussion ait été soulevée ; car, ainsi que M. le ministre l’a dit fort bien, cela se rapporte à des questions de personnes, qui sont toujours pénibles. Je crois cependant qu’il est de mon devoir d’entretenir encore un moment la chambre, surtout pour rectifier une interprétation que quelques membres paraissent avoir donnée à mes paroles. J’ai parlé d’un envoyé qui avait fait le voyage de Francfort, quelques personnes ont cru que je faisais allusion à l’honorable M. Lebeau, qui a été envoyé en dernier lieu en cette résidence. Je dois déclarer, messieurs, que je n’ai nullement songé à cet honorable membre. Parmi les pièces communiquées à la section centrale, se trouvaient celles qui sont relatives aux frais de route de l’honorable M. Lebeau, et je dois à la vérité de déclarer, comme je suis heureux de pouvoir le faire, que ces frais de route ont été portés avec une modération toute particulière et qu’ils étaient loin de pouvoir être comparés à ceux de simples chargés d’affaires.

On a dit, messieurs, que nous devrions, le compte en main, suivre les envoyés pour vois si les dépenses sont fondées. Si je vous disais que ce n’est pas seulement dans les comptes des envoyés qu’on a pu reconnaître des abus, mais que nous avons été fort étonnés de voir figurer dans le chapitre dont j’ai l’honneur de vous entretenir, des fournitures de drap, par exemple (bruit), je regrette de devoir entrer dans tous ces détails qui ne sont réellement pas dignes de la chambre, je le regrette d’autant plus qu’ils se rapportent à des personnes que j’honore et que je respecte, mais en entrant dans cette enceinte, j’ai laissé en dehors toute affection particulière, pour n’être ici que le mandataire de la nation. Je saurai remplir mon devoir, quelque pénible qu’il puisse parfois être.

M. le ministre de l'ntérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Je suis véritable heureux, messieurs, que le rapporteur de la section centrale ait parlé de drap. Sans doute il n’est pas un seul membre de la chambre qui ait cru que le ministère fournît des habits et des pantalons aux agents diplomatiques ! voici les faits : Il a été acheté à Verviers quelques pièces de très beau drap qui ont été offertes en cadeau, les unes au sultan, lors de la négociation du traité de commerce, et les autres aux régences barbaresques ; les cadeaux sont d’usage lorsque pour la première fois, on accrédite un agent auprès de ces cours. Il en est résulté un double avantage, de satisfaire une nécessité des convenances et en même temps de faire connaître les produits de nos belles manufactures de Verviers..

M. de Brouckere – Je regrette véritablement, messieurs, que la discussion ait dégénéré en personnalités ; j’aurais voulu qu’on ne désignât personne, c’est sur ce terrain que j’aurais voulu que la discussion restât, et quant à moi je ne m’en étais pas écarté. J’ai des renseignements ; on dit : « publiez ces renseignements. » Mais ces renseignements sont à la disposition de tous les membres de la chambre ; qu’on aille les consulter à la cour des comptes et qu’on les publie si on le juge convenable ; quant à moi je ne les publierai pas. Je les ai communiqués à la section centrale et à M. le ministre des affaires étrangères. J’ai dit : « Voilà des renseignements que j’ai obtenus, voilà selon moi des abus graves. » M. le ministre m’a répondu comme il répond toujours : « Je ne le trouve pas. » A mes yeux, messieurs, les abus sont évidents.

Maintenant on insiste pour que le gouvernement soit invité à publier toutes les imputations qui ont été faites sur les derniers chapitres du budget des affaires étrangères de l’année précédente ; je désire, moi, que cette publication n’ait pas lieu, parce qu’elle n’aurait aucune utilité ; maintenant les imputations ont été faites, la dépense ne sera plus récupérée ; il me semble qu’il suffit que le ministère soit bien prévenu que si l’année prochaine les mêmes abus se représentent, nous agirons sans aucun égard pour les personnalités.

Quant aux grandes commissions dont on a parlé, je crois que, relativement à quelques dépenses, on a réellement été fort large ; mais encore une fois, je ne veux entrer dans aucun détail, les pièces sont déposées sur le bureau, que chacun les consulte comme je les ai consultées ; on y verra, par exemple, cette bizarrerie que M. le ministre des affaires étrangères a rectifié, lui, des arrêtés pris par le Roi. En voici un exemple :

Un arrêté royal porte que les lieutenants, etc., chargés du travail topographique et de la rédaction des procès-verbaux auront autant de frais de séjour et autant de frais de voyage ; un autre arrêté royal arrive, qui rend l’indemnité plus forte ; mais le ministre ne s’en tient pas là ; il porte lui, deux nouveaux arrêtés ; et, pour mieux imiter ce que fait le chef de l’état, comme il ne peut pas dire : « Sur la proposition de notre ministre, », il dit : « Sur la proposition de notre secrétaire-général. » Et comme au bout de l’arrêté, il ne peut pas dire : « Notre ministre est chargé de l’exécution des présentes, » ; il dit : « Notre secrétaire général est chargé de l’exécution des présentes. »

Par ces deux arrêtes, dont vous pouvez prendre lecture, vous verrez, messieurs, que le ministre a augmenté encore les indemnités et accordé, soit des frais de séjour, soit des frais de voyage.

Maintenant, messieurs, je réitère encore une fois ma motion, que la discussion ne s’étende pas davantage. Je n’ai parlé de personne, je n’ai désigné personne, que chacun aille à la cour des comptes prendre les renseignements qu’il désire, et l’année prochaine nous saurons à quoi nous en tenir.

Quant à ce que dit M. le ministre, que cette discussion peut faire mauvais effet à l’étranger, je crois que c’est surtout dans le pays qu’elle donnera une très mauvaise opinion de l’administration du ministre des affaires étrangères.

M. le président - Voici un amendement qui est parvenu au bureau :

« J’ai l’honneur de proposer à la chambre d’inviter M. le ministre des affaires étrangères à déposer sur le bureau l’état des imputations qui ont été faites pendant l’année antérieure sur les trois derniers chapitres du budget.

Verhaegen. »

M. Wallaert – Je suis fort étonné, messieurs, qu’on vienne reproduire dans cette discussion des assertions auxquelles, à mon avis, M. le ministre a dit dans la section centrale ce qu’il vient de dire maintenant ; quant aux frais de voyage d’un agent qui a été envoyé à francfort, il s’en est également expliqué dans la section centrale. Moi, je croyais que tout le monde était satisfait des explications de M. le ministre, et je vois avec peine que l’on vient ici reproduire des accusations qui ne peuvent qu’irriter la discussion. Cela me désole, messieurs, parce que cela ne mène à rien.

M. le ministre de l'ntérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – On a dit, messieurs, que des arrêtes royaux avaient été rectifiés par le ministre, c’est une erreur ; ces arrêtés ont été rectifiés par le Roi lui-même, mais il est des dispositions que le Roi a autorisé son ministre de prendre, et ce sont ces dispositions supplémentaires, qui ont été prises par nous. Je tiens ici les minutes de ces arrêtés royaux, elles contiennent la preuve que le Roi a revu lui-même ces arrêtés.

M. Delehaye – Messieurs, la section centrale a très bien pu se contenter des renseignements donnés par le ministre ; mais nous, nous n’avons pas fait partie de la section centrale, nous sommes en droit de demander des renseignements plus détaillés. On vous a dit que des abus graves avaient eu lieu ; on nous a dit que des états avaient été rognés par la cour des comptes ; on vous a cité des faits excessivement graves ; je vous le demande, messieurs, pouvons-nous , en présence de pareils faits, passer outre ? Adoptez, messieurs, la proposition de l’honorable M. Verhaegen, et demain, vous serez probablement nantis de renseignements plus pertinents qui nous mettrons à même de juger s’i y a lieu d’admettre ou de rejeter le chiffre en discussion.

M. Verhaegen – Messieurs, vous comprenez le motif de ma proposition ; il est plus de cinq heures, et certainement il est impossible de terminer aujourd’hui cette discussion. J’ai pensé que d’ici à demain le ministère pourrait, s’il avait de bonnes raisons, détruire la mauvaise impression que devaient avoir produite les allégations faites dans cette séance. On a parlé de scandale, mais s’il y a du scandale, il faut le faire cesser. Si le ministère peut se disculper, il doit nous donner les pièces nécessaires pour établir cette justification. Si l’on en faisait pas droit à notre proposition, chacun de nous n’aurait pas assez de temps pour aller se procurer à la cour des comptes les renseignements que l’honorable M. de Brouckere s’y est procurés. Le gouvernement est à même de nous fournir les renseignements nécessaires ; qu’il nous les fournisse, et demain, nous pourrons, en pleine connaissance de cause, donner notre vote sur le chiffre en discussion.

M. F. de Mérode – Messieurs, il y a deux choses à examiner, ce sont les arrêtés royaux et les arrêtés ministériels subséquents ; puis il y a l’exécution de ces arrêtés et les comptes qu’on fournit à la cour des comptes en vertu de ces arrêtés. Je ne conçois pas comment la chambre peut remplacer la cour des comptes à l’égard du visa de ce qui a été dépensé, car ce visa est réservé à la cour des comptes. Mais ces arrêtés sont-ils exagérés ? Je serais disposé à le croire, puisqu’on se plaint beaucoup ; je ne demande pas mieux qu’on examine ces arrêtés et qu’on fasse connaître à la chambre ce qu’ils peuvent avoir d’exagéré. Quant à l’examen des pièces, je ne comprends pas à quoi cela peut aboutir, à moins que l’on n’ait plus de confiance en la cour des comptes, que nous avons pourtant nommée nous-mêmes. Je ne comprends pas le but de la motion qui a été faite, je comprendrais mieux l’examen critique qu’on voudrait faire des arrêtés, mais je ne conçois pas qu’on veuille contrôler le visa de la cour des comptes.

M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb) – Messieurs, on a souvent, et avec raison, parlé de l’intérêt du pays dans cette discussion ; je crois que, dans l’intérêt du pays, il ne faut pas pousser plus loin ce débat qui s’est déjà trop prolongé. Le pousser plus loin, adopter la proposition de l’honorable M. Verhaegen, c’est faire une véritable guerre à des noms propres. (Dénégations.) Je dis que c’est faire une véritable guerre à des noms propres et toutes les dénégations du monde ne me feront pas rétracter ce que je viens de dire.

L’honorable M. F. de Mérode vient d’indiquer ce qui tombe réellement dans le domaine de votre discussion, c’est de savoir si le ministre a, dans les arrêtés, fixé des taux trop élevés. Plusieurs personnes se sont exprimées, à cet égard, mais là doit se borner la discussion.

Rechercher maintenant ce que l’un ou l’autre de ces arrêtés a amené quant aux résultats, relativement à telle ou telle personne, c’est évidemment aller au delà des limites de nos discussions, nous ne pouvons les pousser jusque-là.

Je vous demande quel est l’homme honorable qui voudrait à l’avenir faire partie d’une commission, être chargé d’une mission, si quelque temps après son nom peut être livré à la discussion publique. Ne suffit-il donc pas que chaque membre aille à la cour des comptes examiner les états détaillés qui s’y trouvent, avec les pièces à l’appui ? n’est-ce pas là une faculté suffisante ?

Que demande l’honorable M. Verhaegen ? qu’on dépose sur le bureau les états, les dossiers qui se trouvent à la cour des comptes ; qu’on examine jusqu’à quel point les arrêtés ont été appliqués à l’un ou à l’autre, pour arriver à faire des totaux qu’on placerait dans un tableau probablement à côté de chaque nom propre, afin de savoir ce que chacun d’eux a touché. Voilà, au fond, le résultat de cette prolongation de la discussion. Elle a déjà été, je le répète, portée aussi loin que possible, et dans l’intérêt du pays, je demande que la chambre s’arrête.

M. Demonceau – Messieurs, j’éprouve de l’émotion en me mêlant à cette discussion ; j’y ai été très attentif, et je vous avoue que plus j’y réfléchis, plus je trouve qu’on a pour but de livrer en quelque sorte à l’animadversion publique des noms propres. (Oui ! oui ! Non ! non !) Je le dis sincèrement, je le dis avec cette franchise que vous me connaissez, je n’aime certainement pas les dépenses exagérées, et je m’y suis toujours opposé ; mais vous prétendez que le gouvernement s’est écarté des règles d’une bonne comptabilité, en ordonnant les dépenses dont il s’agit en ce moment ; eh bien, vous avez un moyen de vous occuper de cet objet avec la loi des comptes. Lorsque les comptes de l’état vous seront présentés, si vous pensez que le gouvernement a abusé d’un crédit, vous rejetterez l’allocation. Vous aurez ainsi un moyen facile d’arriver au résultat que vous voulez aujourd’hui.

Mais ce qui a été fait ne vous servira de rien pour ce qui se fera à l’avenir. Nous devons, pour l’avenir, engager le gouvernement à user du crédit avec la plus grande circonspection.

M. Verhaegen – Je demande la parole.

M. le président – Vous avez déjà parlé deux fois dans cette discussion ; je dois consulter la chambre pour savoir si elle vous autorise à prendre la parole pour une troisième fois.

M. Verhaegen – C’est pour un fait personnel.

M. le président – Comme je ne puis savoir que votre demande de parole porte sur un fait personnel, je ne puis m’empêcher de consulter la chambre.

- La chambre, consultée, décide que la parole est accordée à M. Verhaegen.

M. Verhaegen – Messieurs, on m’a reproché de vouloir faire la guerre aux personnes. C’est une erreur ; je veux si peu leur faire la guerre, que je ne connais rien des détails, je l’affirme sur l’honneur, mas j’entends dire à ma droite qu’il y a eu des abus graves ; j’entends dire à ma gauche que le gouvernement a excédé les bornes ; j’entends dire au centre que la cour des comptes, sur un seul article, a retranché 4,000 francs ; enfin, j’entends le gouvernement qui refuse de produire les documents. Et, qu’est-ce que je demande ? je demande qu’on nous mette à même d’apprécier les faits, de juger si les chiffres portés aux derniers chapitres du budget des affaires étrangères sont justifiables ; car enfin, nous ne le savons pas.

On nous demande 380,000 francs ; comment justifier ces allocations, sinon par des faits. Distinguons bien ; je ne veux pas revenir sur ce qui a été payé l’année dernière ; mon intention n’est nullement que tel ou tel individu qui a reçu telle ou telle somme, soit obligé de restituer ce qu’il aurait reçu en trop ; je ne veux pas contrôler ce que la cour des comptes a fait. Mais il s’agit d’examiner le passé, pour savoir ce que nous devons faire au futur. Comme on ne porte dans les derniers chapitres que des sommes qui ne doivent être dépensées qu’éventuellement, et que dès lors c’est un vote de confiance que nous donnons au ministère, il importe de savoir ce que le gouvernement a fait au passé, pour savoir si nous pouvons lui accorder notre confiance pour l’avenir.

Si je votais les sommes qu’on nous demande sans avoir les renseignements que je sollicite, je voterais sans connaître la position dans laquelle nous nous trouvons. On a l’air de dire que nous devons mettre l’éponge sur ce qui s’est passé, qu’il y aurait des inconvénients à lever un coin du voile.

Messieurs, si cette discussion a des inconvénients, ce n’est pas moi qui les aurais provoqués. Je n’en veux pas à des noms propres, je ne fais la guerre à personne. Je le répète, je ne sais pas ce qui a eu lieu. Je n’aurais pas pris la parole si je n’avais pas entendu signaler des abus à mes côtés. Or, ces abus m’ont paru chose assez grave pour qu’on ne nous les laissât pas ignorer. Si la révélation de ces abus peut donner lieu à des inconvénients, eh bien, je suis le premier à désirer que la discussion publique cesse, et qu’on s’occupe à huis clos de l’examen des détails. Le nom d’aucune personne ne sera dès lors publiquement prononcé ; mais qu’au moins on mette les représentants de la nation à même d’apprécier les dépenses à faire ; on a crié au scandale, mais ce serait un véritable scandale de permettre qu’on dilapide les deniers publics, en ne donnant pas de renseignements à ceux qui doivent voter les fonds.

M. le ministre de l'ntérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Messieurs, il ne faut pas seulement instituer une enquête sur ce qui a eu lieu cette année et les années précédentes ; mais il faut reporter l’enquête jusqu’à l’époque de l’établissement du royaume de Belgique, car pour moi je n’ai fait que suivre les errements que j’ai trouvés lors de mon entrée au ministère des affaires étrangères.

Si l’on veut établir une discussion de principe sur ces arrêtés, on peut le faire ; j’ai déjà dit que la question était de savoir si les agents diplomatiques doivent ou non voyager à leurs frais, et s’ils doivent prélever sur leur traitement les dépenses dont ces arrêtés consacrent le remboursement. Eh bien, messieurs, à moins de dire que les agents diplomatiques doivent voyager à leurs frais, que les secours qu’ils accordent à des Belges dans le besoin, et que leurs frais de correspondance sont à leur charge, il faut bien s’en rapporter à la cour des comptes qui vérifie les états produits par les agents ; mais je ne pense pas que ce soit là l’office de la chambre. Si vous voulez examiner tous les dossiers accumulés depuis 1830, vous pourrez consacrer à cet examen une quinzaine de jours ; vous devrez établir une discussion claire sur chaque compte, et non pas une discussion pêle-mêle, telle que celle qui a eu lieu aujourd’hui ; car de cette manière, vous n’arriverez jamais à la découverte de la vérité. Jusqu’à inscription de faux, vous serez obligés de croire aux déclarations, voilà la question réduite à ses termes les plus simples.

M. le ministre de la guerre (M. Willmar) – Il y aurait beaucoup de choses à dire encore sur cette discussion ; je me bornerai à un seul point.

L’honorable M. Verhaegen a fait, je crois, sa proposition par ce motif que M. de Brouckere avait déclaré qu’à sa connaissance il y avait des abus graves, sur lesquels il avait des détails qu’il ne voulait pas communiquer à la chambre. M. Verhaegen a donc eu pour but de forcer à la communication de ces détails. Mais, postérieurement à cette déclaration, l’honorable rapporteur est entré dans des détails et a été, je crois, trop loin ; par conséquent, s’il y avait eu des abus, et même, pour me servir d’une expression que j’ai entendue avec regret sortir de la bouche de M. Verhaegen s’il y avait eu des abus « scandaleux », ils auraient été signalés et n’auraient plus besoin d’être constatés de nouveau.

M. Verhaegen – Je n’ai pas employé le premier cette expression, je n’ai fait que la répéter.

M. le ministre de la guerre (M. Willmar) – Il a été répondu, par M. le ministre des affaires étrangères, par des explications et des réfutations immédiates, à l’allégation de ces abus ; ainsi, les motifs de la proposition de M. Verhaegen n’existent plus. Grâce à la discussion vraiment fâcheuse qui a eu lieu, il me semble qu’il n’y a pas un seul membre qui ne puisse se rendre compte des faits qui ont été allégués.

L’honorable membre a dit qu’il faut que tout le monde sache ce qui en est. Sans doute les membres de cette chambre ont le droit de s’enquérir de tout, mais il ne s’ensuit pas qu’ils doivent faire eux-mêmes toutes les vérifications pour lesquelles la cour des comptes a été instituée. Nous ne pouvons admettre qu’on ait le droit d’arrêter la marche du gouvernement, parce que chacun de nous voudra vérifier tous les faits qui ont du rapport avec nos discussions.

Il me semble qu’après les explications qu’a données M. le ministre des affaires étrangères, en réponse à l’allégation d’abus scandaleux, la chambre est suffisamment instruite pour émettre un avis. Du reste, si ce que je suis loin admettre, il y avait eu des abus, la chambre peut être convaincue que le gouvernement, dont l’attention aurait été éveillée par cette discussion, dont il comprend toute la fâcheuse portée, et au-dedans et au dehors du pays, n’aurait pas besoin d’autre mobile pour chercher à les éviter à l’avenir. Et la proposition de l’honorable M. Verhaegen me semble être désormais sans objet.

- MM. Van Hoobrouck de Fiennes, rapporteur, et Dumortier, demandent la parole.

Un grand nombre de voix – La clôture.

M. Dumortier – Je demande la parole contre la clôture. Je voudrais que l’honorable M. Verhaegen retirât sa proposition, attendu qu’il peut vérifier à la cour des comptes les faits qui ont été allégués.

S’il m’était permis d’entrer maintenant dans quelques développements, j’établirais qu’il y a ici des faits accomplis que nous aurons à discuter lors du vote de la loi des comptes et des faits qui ne sont pas accomplis ; ce sont des arrêtés royaux dans lesquels il devra être introduit des modifications.

M. Verhaegen – Je me rends au désir de l’honorable M. Dumortier. J’en ai dit assez pour que le pays juge ce qui en est, je retire ma proposition.

M. Delehaye – Il est bien entendu que la clôture n’a pas été demandée sur l’article du budget, mais seulement sur l’incident.

M. Manilius – Certainement.

M. le président – La chambre résoudra demain cette question.

- La séance est levée à 5 heures ½.