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Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 20 décembre 1839

(Moniteur belge n°355 du 21 décembre 1839)

(Présidence de M. Fallon)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Lejeune procède à l’appel nominal à 1 heure.

M. Mast de Vries donne lecture du procès-verbal de la dernière séance. La rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. Lejeune fait connaître l’analyse des pièces suivantes :

« Les commis-greffiers du tribunal de première instance de Dinant, le juge de paix et le greffier de la justice de paix de Heyst-op-den-Berg demandent une augmentation de traitements. »

- Renvoi à la section centrale pour l’examen de la proposition relative aux traitements de l’ordre judicaire. »


« Le sieur Jean-Baptiste Stanislas Passenbacher, sergent au 1er régiment de ligne, né à Maestricht, demande la naturalisation. »

« Le sieur Léonard Laurent, sergent au 1er régiment de ligne, né en Prusse, demande la naturalisation. »

« Le sieur Joseph Nilles, sergent au 1er régiment de ligne, né en Prusse, demande la naturalisation. »

« Le sieur J.-B. Biche, sergent major au 1er régiment de ligne, né en France, demande la naturalisation. »

- Ces quatre requêtes sont renvoyées à M. le ministre de la justice.

Rapport sur des pétitions

M. Van Hoobrouck de Fiennes, rapporteur – Messieurs, dans l’une de vos précédentes séances, vous avez engagé la section centrale, à laquelle avait été confiée, cette année, l’examen du budget des travaux publics, à vous présenter un rapport sur les différentes pétitions qui vous avaient été adressées relativement à l’établissement du canal de l’Espierre.

Pour répondre à la mission que vous lui avez confiée, la section centrale a examiné ces pétitions avec une sérieuse attention. Elle m’a chargé de vous présenter une analyse succincte des motifs qu’elles contiennent et de vous soumettre ces résolutions.

La première pétition vous est envoyée par la chambre de commerce de Tournay. Celle-ci avait espéré que l’enquête solennelle qui a eu lieu à Tournay aurait porté la conviction dans tous les esprits, sur l’irrécusable intérêt de ce canal pour l’arrondissement de Tournay.

Elle félicite le gouvernement de ce qu’il n’a pas hésité plus longtemps à prendre un parti, et vous fait connaître que la construction du canal est vivement désirée par tout le commerce de son ressort. Dans son opinion, ce canal doit non seulement être utile au pays tout entier, mais encore à l’arrondissement de Tournay en particulier, puisqu’il a pour effet non seulement de développer puissamment la navigation par ses eaux intérieures, mais encore de doubler le débouché des matières pondéreuses, tels que les chaux de Tournay, de Basècles, pierres à bâtir et à diguer, les marbres, les grès, les foins et bientôt peut-être les charbons, car dans plus d’une localité les travaux de recherches font espérer des résultats favorables.

La seconde pétition vous est adressée par les divers représentants des sociétés charbonnières du couchant de Mons et par un grand nombre de négociants, banquiers et industriels.

Dans cette pétition, ils s’attachent principalement à combattre tous les arguments présentés par M. Verrue-Lafranc contre l’établissement du canal de l’Espierre et surtout l’assertion émise par celui-ci qu’aucun intérêt essentiel belge n’est attaché à ce canal. Qu’est-ce donc, disent-ils, que l’intérêt des carrières et des charbons de l’arrondissement de Tournay, que l’intérêt des charbonnages du bassin de Mons ? deux branches d’industrie qui exigent annuellement l’emploi de capitaux qui s’élèvent à plus de trente millions de francs et qui donnent du travail à plus de 100,000 ouvriers.

La troisième pétition est celle de la chambre de commerce de Courtray qui n’a pu voir, dit-elle, sans surprise et sans un profond découragement ce que le gouvernement a fait depuis trois mois en faveur de ce canal.

Elle rappelle que le conseil provincial de la Flandre occidentale, les députations permanentes des deux Flandres, les chambres de commerce de Courtray, d’Ypres, d’Ostende, les conseils communaux de Tournay, Courtray, Ypres, Menin, Roulers, Iseghem, Furnes, Nieuport, Wervicq, Commines, Rousbrugghe, et d’un grand nombre d’autres localités, ont fait de nombreuses mais vaines démarches pour empêcher le canal de l’Espierre, canal funeste, et parce qu’il détruit la navigation des Flandres et parce qu’il empêche la concession du canal si utile de Bossuyt. Elle finit par protester en acquit de son devoir, contre cette concession qui blesse les intérêts qu’elle a mission de défendre.

Le conseil communal de la ville d’Ypres s’élève à son tour contre le canal en question. Il regrette vivement que, malgré ses réclamations unanimes et la manifestation non équivoque de l’esprit public dans les Flandres, l’onéreux traité qui autorise le canal de l’Espierre ait été conclu et ratifié. Il réclame l’exécution de l’article 68 de la constitution dont la concession de ce canal est une violation manifeste, puisque cette concession n’est pas une convention, mais bien un véritable traité de commerce entre la France et la Belgique, revêtu de toutes les formes diplomatiques usitées, et auquel son applicables les dispositions de ces articles de notre pacte fondamental. Le conseil communal de la ville d’Ypres finit par vous prier d’évoquer devant vous la question des canaux de Bossuyt et de l’Espierre, persuadé qu’il est, qu’alors il n’aura pas à subir un traité dont les conséquences seraient la ruine d’une des branches de la prospérité du pays.

Au conseil communal de la ville d’Ypres succède la chambre de commerce de la même ville, qui proteste à son tour contre l’établissement du canal de l’Espierre. Pendant vingt-cinq ans, dit-elle, nous avons combattu ce projet ; pendant vingt-cinq ans nous avons fait échouer cette conception antinationale. Il appartenait au ministre actuel d’assumer la responsabilité d’un acte devant la conséquence duquel a toujours reculé le ministre Van Maanen lui-même.

La chambre de commerce d’Ypres entre ensuite dans des considérations longuement développées pour combattre les arguments présentés en faveur du canal par ses partisans.

Enfin elle fait valoir qu’il est un autre motif bien grave pour annuler la convention du 27 août dernier : c’est qu’elle serait faite dans l’absence de toute loi prescrivant les formes à observer pour une pareille concession. Car le gouvernement ne peut pas même invoquer, dit-elle, les enquêtes ou autres formalités faites en vertu de la loi du 19 juillet 1832 sur les concessions, laquelle ne saurait recevoir son application qu’aux communications à l’intérieur du royaume.

Elle fini par vous conjurer d’évoquer une affaire d’une importance aussi majeure en faisant usage de l’article 40 de la constitution et en instituant une enquête, afin que la vérité vous soit dévoilée toute entière.

Quelques exploitants, industriels et banquiers, dans une requête publique, s’étant appuyé de l’avis favorable émis dans le principe par le conseil communal de Tournay sur le canal de l’Espierre ; ce conseil, dans une pétition qu’il vient de vous adresser, déclare que ce vote qui, d’ailleurs, remonte à 1834, a été donné sans connaissance de cause. L’assemblée, dit-il, prise au dépourvu, adopta de confiance la proposition qui lui était faite, mais elle n’a pas hésité à revenir de cet avis précipité, et, après une discussion contradictoire et approfondie, elle s’est presque unanimement rangée parmi les opposants de ce canal, et elle a recherché toutes les occasions de se prononcer contre sa confection.

Après avoir cherché à combattre tous les arguments reproduits dans la requête mentionnée ci-dessus, et avoir vivement repoussé l’insinuation d’avoir été guidée, dans son opposition par un esprit de localité, l’administration communale de Tournay déclare qu’elle repousse le canal de l’Espierre, parce qu’il causerait de la perturbation dans le régime des eaux de l’Escaut, et entraverait l’assèchement des prairies aux points d’où dépendent l’état sanitaire des rives et une richesse agricole d’une valeur considérable.

Nous avons maintenant, messieurs, à vous rendre compte de trois autres pétitions encore.

La première est du sieur Verrue-Lafrancq, auteur et demandeur en concession du canal de Bossuyt à Courtray, destiné à joindre l’Escaut à la Lys.

Le pétitionnaire expose :

1° Que le canal de Roubaix, venant de faire une concurrence redoutable à la jonction de l’Escaut à la Lys, par le canal dont il est l’auteur, rend l’exécution de celui-ci impossible ;

2° Que le gouvernement français, sachant qu’il résultait de l’avis de la commission d’enquête de 1838, que le canal de l’Espierre n’était pas d’utilité publique, employa la voie diplomatique pour en obtenir le décrètement, et que, par suite, un traité fut conclu à Paris, le 27 août, à l’effet d’en imposer l’obligation à la Belgique, sous certaines conditions destinées, dans l’intention des hautes parties contractantes :

a. à empêcher que la navigation belge sur Dunkerque ne prît la voie française ;

b. à garantir le canal de Bossuyt à Courtray de tous préjudices.

3° Qu’à la suite du traité et après avoir obtenu un arrêté royal qui décrète l’ouverture du canal de l’Espierre, le ministre des travaux publics, sans consulter le pétitionnaire, modifia le cahier des charges qu’il lui avait soumis, et annonça, dans un avis du 20 octobre, inséré au Moniteur le 22, l’adjudication simultanée du canal de l’Espierre et celui de Bossuyt à Courtray, pour le 9 novembre courant, et ne laissant ainsi que dix-huit jours entre l’annonce et la réalisation d’une adjudication d’une aussi grande importance.

Le pétitionnaire voit dans les dispositions qui précèdent :

1° Une violation de l’article 68 de la constitution ;

2° Une lésion flagrante de ses droits tels qu’ils lui étaient garantis par l’arrêté royal du 29 novembre 1836, article 17, §3, et article 18, §4.

En conséquence, il réclame l’intervention du pouvoir législatif, afin que tout ce qui a eu lieu, à partir inclusivement de la ratification du traité du 27 août dernier, ne sorte point son effet jusqu’à ce que :

1° Le traité dont il s’agit, soit soumis à la délibération des chambres, et que le canal de l’Espierre ne soit construit qu’après avoir été autorisé par une loi ;

2° En supposant cette autorisation, jusqu’à ce que l’on se soit mis d’accord avec lui sur les conditions du canal dont il a fait le projet, et nommément sur les garanties à stipuler pour que le canal de l’Espierre, conçu uniquement dans un intérêt étranger, ne vienne pas empêcher la construction du canal éminemment nationale de Bossuyt à Courtray.

La seconde de ces pétitions est celle du sieur Ronstorff.

Le pétitionnaire prétend que le canal de l’Espierre a été adjugé sans concurrence le 9 novembre, et qu’il a vainement réclamé un ajournement à quinzaine. Cette demande était fondée :

1° Sur ce qu’il lui avait été impossible de faire faire tous les travaux et calculs nécessaires pour établir le coût du canal et son produit présumé, dans le peu de temps laissé entre l’arrêté royal de mise en adjudication, daté du 29 octobre, publié le 22, et le 9 novembre, jour de l’adjudication ; l’importance des travaux s’élevant, d’après le devis du sieur Corbisier, à 1,100,000 francs ; il me fallait, dit-il, plus de 18 jours pour être fixé sur une concession aussi majeure.

2° Sur ce que le cahier des charges était seul déposé au ministère des travaux publics, et n’était pas accompagné des pièces prescrites par l’arrêté réglementaire du 29 novembre 1836.

Le pétitionnaire ajoute que c’est en vain que le ministre prétend que les plans et cahier des charges sont assez connus par la première enquête de 1834, et par la seconde de 1838 ; ces pièces, publiées alors, l’avaient été, d’après lui, dans le seul but de faire déclarer l’utilité publique, et non de provoquer les soumissions. Jusqu’à l’arrêté royal qui consacre cette déclaration, et le cahier des charges qui fixe la direction du canal et les dimensions des ouvrages, les calculs restaient d’autant plus impossibles à faire que le projet primitif tenait même indécise la question de savoir si le canal se faisant, il aurait lieu en grande ou moyenne section, et que tout cela n’a été réellement connu que par le Moniteur du 28 octobre, 18 jours avant l’adjudication.

Enfin, le pétitionnaire fait connaître qu’il conste, même du procès-verbal de l’adjudication, qu’un nouvel ouvrage important, savoir, un tunnel au point de rencontre du canal et du chemin de fer de Tournay à la frontière, a été ajouté au moment même, aux travaux à faire, et conséquemment à ceux à prendre en considération par les concurrents. Cette nouvelle clause devait suffire à elle seule pour faire prononcer l’ajournement de l’adjudication.

Pour ces motifs, le pétitionnaire demande que l’adjudication du canal de l’Espierre, faire le 9 novembre, ne sorte pas ses effets, et qu’il soit procédé à une nouvelle adjudication, en donnant aux personnes disposées à soumissionner, le temps convenable pour qu’elles puissent faire leurs calculs et s’y présenter en connaissance de cause.

Enfin, messieurs, la dernière pétition dont nous avons à vous faire l’analyse est celle du sieur Frédéric Corbisier, qui croit devoir vous soumettre quelques observations contre le contenu des deux pétitions précédentes, celles des sieurs Verrue-Lafrancq et Roustorff.

Le pétitionnaire expose que, lorsqu’il présenta au Roi sa demande tendant à obtenir la concession du canal de l’Espierre, cette demande fut introduite suivant les formes prescrites par l’arrêté royal du 18 juillet 1832 et le trouva accompagné de toutes les pièces dont le sieur Ronstorff fait l’énumération, hors celle qu’il désigne sous le numéro 7, cet arrêté n’exigeant point la production des plans de détail. Les autres documents annexés à la requête, sauf le plan et le profil du canal proposé, auraient été publiés et suffisaient, d’après lui, pour qu’un soumissionnaire sérieux pût d’avance faire ses calculs, de manière à se présenter à l’adjudication en plaine connaissance de cause.

Pour établir ces calculs avec plus d’exactitude, chacun pouvait se faire représenter, dans les bureaux du ministre des travaux publics, non seulement ce plan et profil que le pétition y avait déposés, en 1833, mais encore ceux dressés sept ans auparavant, par l’ingénieur en chef des ponts et chaussées de Broek. C’est donc à tort, suivant le pétitionnaire, que le sieur Ronstorff prétend imputer au ministre des travaux publics l’impossibilité où il s’est trouvé de prendre part à l’adjudication du 9 novembre dernier.

Le pétitionnaire entre ensuite dans de longs développements pour prouver qu’il y avait urgence à procéder immédiatement à l’adjudication publique, sous peine de voir, par suite d’un changement de tarif des charbons anglais, alimenter jusqu’aux mines françaises les plus voisines de notre frontière.

Ces motifs l’ont déterminé, dit-il, à s’opposer à l’ajournement demandé par les sieurs Verrue-Lafrancq et Ronstorff, lors de l’adjudication, et le déterminent encore aujourd’hui à vous demander à passer à l’ordre du jour sur les pétitions qu’ils vous ont adressés.

Cet exposé suffira, messieurs, pour vous prouver combien il eût été difficile à votre section centrale de se prononcer, en présence de ces allégations souvent contradictoires, mais toujours appuyées sur les intérêts les plus graves des localités alternativement représentées. Elle a néanmoins cru que toute cette discussion pouvait se résumer en trois questions principales sur lesquelles elle appelle votre attention.

La première est celle de savoir si le traité du 25 août rentre dans la catégorie de ceux qui doivent être communiqués à la chambre, et obtenir son autorisation, aux termes de l’article 68 de la constitution.

La seconde est celle de savoir si toutes les formabilités requises pour appeler la concurrence, ont été observées relativement à l’adjudication des canaux de l’Espierres et de Bossuyt à Courtray.

Le sieur Verrue-Lafrancq, dans sa pétition, cite le paragraphe 4 de l’article 18 de l’arrêté royal du 29 novembre 1836, ainsi conçu :

« Lorsque le cahier des charges aura été arrêté par le ministre de l’intérieur, le demandeur en concession sera tenu de soumissionner l’entreprise aux clauses et conditions y requises, et ce dans un délai d’un mois à dater du jour où il en aura été donné communication. »

Or, le sieur Verrue-Lafrancq cite ce fait remarquable que ce n’est que le 23 octobre qu’il a reçu communication du cahier des charges arrête par le ministre le 20 octobre, et le 9 novembre, 17 jours après, il a été procédé à l’adjudication. Ce fait, cité également par le sieur Ronstorff, n’a pas été contredit par le sieur Frédéric Corbisier.

3° La troisième question est celle de savoir si les garanties stipulées par le ministre lors du traité du 27 août, sont suffisantes pour rendre désormais possible l’établissement du canal de Bossuyt à Courtray malgré les assertions contraires émises par le sieur Verrue-Lafrancq.

Votre section centrale n’ayant aucun moyen d’apprécier les faits soulevés à l’occasion de ces questions, mais considérant toute leur gravité, a l’honneur de vous proposer le renvoi des pétitions, dont elle vous a présenté l’analyse à M. le ministre des travaux publics, avec demande, avant la discussion du budget de son département, d’explications sur les trois questions énumérées ci-dessus. Elle vous propose de plus le dépôt de ces mêmes pétitions sur le bureau pendant la discussion de ce budget.

M. Van Cutsem – Messieurs, si j’ai bien compris l’honorable rapporteur de la section centrale chargée de l’examen du budget des travaux publics, ses conclusions sur les pétitions relatives au canal dit de l’Espierre, qui ont été transmises par nous à l’avis de cette commission, tendent à nous faire demander des renseignements à M. le ministre sur les graves questions qui doivent être le résultat des plaintes qu’on y articule contre ce haut fonctionnaire.

Il me semble, messieurs, que, si la section centrale avait compris l’intention que nous avons eue en lui envoyant les pétitions qui nous ont été adressées de toutes les parties des Flandres, elle ne nous aurait pas dit de prendre nous-mêmes des renseignements que nous l’avions invitée à réclamer de M. le ministre des travaux publics ; il me paraît évident, à moi, qu’elle aurait articulé, dans un rapport détaillé, d’un côté les griefs que les pétitionnaires des Flandres allèguent contre la construction du canal dit de l’Espierre, et de l’autre côté les arguments que M. le ministre et les délégués d’une partie de la province du Hainaut mettent en avant pour combattre ces mêmes griefs : c’est quand nous aurions vu dans un rapport imprimé les moyens de l’accusation et de la défense que nous aurions pu juger de quel côté était le bon droit, s’il était du côté du ministre ou de celui de ses accusateurs.

Ce n’est pas un discours oral prononcé par un homme qui a médité pendant plusieurs années le pour et le contre d’une question, et qui viendra la défendre devant vous dans un sens, qui vous mettra à même de juger, avec connaissance de cause, s’il a bien ou mal fait de donner cette solution plutôt que cette autre à une question qui a été examinée pendant quinze ans aussi bien par le gouvernement belge que par le gouvernement précédent, sans recevoir de décision ; c’est dans le silence du cabinet, dans le silence d’une commission spéciale que de pareilles difficultés doivent se résoudre alors que l’on peut, à tête reposée, peser les moyens de l’attaque et de la défense, alors que l’on peut prendre et demander des renseignements indispensables pour se former une opinion sur des questions d’une aussi haute portée que celles que vous aurez à examiner par suite de la discussion qui s’élèvera sur la construction du canal dit de l’Espierre.

Vous transmettez chaque jour à l’avis de toutes les sections, ou à des commissions spéciales des affaires bien moins importantes pour le pays que la construction du canal de l’Espierre, qui soulève des questions de constitutionnalité, des questions de violation de loi, des questions d’intérêt du pays sacrifié à des intérêts étrangers ; pourquoi ne renverriez-vous pas celles-ci à une commission spéciale avec invitation d’examiner ces questions à fond, de vous faire un rapport détaillé de cet examen, et de prendre des conclusions formelles sur les plaintes des pétitionnaires et sur les renseignements que M. le ministre vous donnera pour les combattre ; nommez une commission spéciale, puisque la section centrale ne vous a pas compris.

La marche que je vous propose, messieurs, est la seule qui puisse nous éclairer dans ce grave débat que nous allons soulever sur la construction du canal de l’Espierre ; c’est aussi la seule qui soit juste, parce qu’elle met l’accusation et la défense sur la même ligne, elle leur donne à toutes deux le moyen de produire leurs arguments et de les faire lire et apprécier par la chambre avant la discussion publique ; sans la nomination d’une commission spéciale, tout l’avantage est pour le ministre des travaux publics, qui, par sa position, pourra vous faire connaître, aux frais du gouvernement, tout ce qui doit faire pencher la balance en sa faveur, tandis que ses adversaires n’auront pas la même facilité.

C’est ainsi que le ministre a déjà fait imprimer à grands frais un volumineux mémoire qui contient une notice sur l’instruction dont le canal de Roubaix a été l’objet en France, notice qui aura peut-être déjà donné des doutes à quelques membres de la chambre sur la réalité du tort que ce canal doit faire aux Flandres et à nos ports de mer d toute la Belgique, et qui nous paraît à nous ne rien prouver en faveur de la construction du canal de l’Espierre, parce qu’il est certain que nous établirons, par des chiffres, que les concessionnaires des canaux français se sont effrayés sans motifs de la construction du canal de l’Espierre, puisque le fret sera à plus bas prix par leurs eaux vers le centre du département du Nord, que par le canal de l’Espierre.

Le ministre des travaux publics et le ministère entier disent à la chambre que le canal de l’Espierre sera d’un résultat immense pour le transport de nos produits pondéreux du Hainaut ; nous ne contestons pas cette assertion ; mais si nous pouvons prouver dans le sein d’une commission que notre canal national de Bossuyt aurait atteint le même but, et que de plus il aurait été utile à l’industrie et à l’agriculture, que démontre l’argument du ministère pour le canal de l’Espierre ?

Rien, à mon avis.

Je sais qu’on peut me répondre que nous pouvons dire à la chambre ce que nous voulons traiter dans le sein d’une commission, mais encore une fois, il faut que tous les membres de la chambre connaissent la question, comme ceux qui l’ont étudiée depuis des mois et des années, et cela n’est pas possible, quand on ne peut pas leur communiquer par écrit le pour et le contre d’une question qui n’est que le résultat de longs et pénibles travaux.

Je prie et j’adjure la chambre de renvoyer les pétitions pour et contre le canal de l’Espierre à une commission spéciale choisie par la chambre et prise, autant que faire se pourra, parmi les députés du Hainaut et parmi les députés des Flandres, qui seront initiés à faire leur travail sur cette importante question avant la discussion du budget des travaux publics. Cette commission vous fournira un travail complet, vous fera connaître son avis, et vous déciderez alors si les intérêts du Hainaut et d’une minime partie de la France doivent l’emporter sur ceux des deux Flandres et du reste du pays ; si les ouvriers du couchant de Mons doivent gagner trois et quatre francs par jour, tandis que les nôtres seront sans ouvrage ; si nos tisserands, nos fileurs, nos ouvriers cotonniers des Flandres et de toutes la Belgique doivent mourir de froid, si l’on doit encore ajouter aux nombreux ouvriers qui sont sans travail, ceux qui sont aujourd’hui employés à la navigation nationale ; si l’on doit joindre à toutes les privations qu’ils éprouvent celle de ne pas pouvoir se chauffer ; s’il ne faut pas songer à mettre à leur portée le combustible pour donner quelque chaleur à leurs membres engourdis, et enfin s’il y aurait une plus grande injustice à empêcher les extracteurs de charbon de retirer de leurs produits, et au préjudice de la classe ouvrière, le prix qu’ils en feraient sans de sages précautions à prendre par le gouvernement pour empêcher ce produit de se vendre à un prix qui le met hors de portée de la généralité, qu’à empêcher le cultivateur de vendre son grain au prix que les besoins du consommateur lui permettraient d’en obtenir.

Il est hors de doute qu’en économie politique, il soit très avantageux que les produits d’un pays se vendent à des prix élevés parce que si de pareilles ventes augmentent les richesses du pays ; mais, si cela est vrai en thèse générale, ce principe n’est pas applicable aux objets de première nécessité pour le peuple, il faut que ceux-là soient toujours abondants et à la portée de ce même peuple, il faut alors que l’avantage du plus grand nombre l’emporte sur celui de la minorité.

Nommez, messieurs, nommez une commission comme je vous le demande, et elle examinera à tête reposée toutes ces questions, que je ne puis et ne veux qu’effleurer aujourd’hui ; c’est ce que je vous adjure de faire.

M. Van Hoobrouck de Fiennes, rapporteur – Je dois repousser les reproches adressés à la section centrale. La section centrale, messieurs, croit avoir rempli sa mission avec une entière impartialité. Cette mission était de donner une analyse des différentes pétitions, de faire la balance de tous les motifs qui ont été élevés pour et contre. Là se bornait nécessairement la mission de la section centrale, car vous n’entendiez certainement pas que le section centrale se constituât en commission d’enquête, et dès lors elle ne pouvait pas faire plus que ce qu’elle a fait. Depuis sept ans, cette importante question est pendante ; la presse, tous les corps constitués s’y sont mêlés ; au milieu des assertions différentes et souvent contradictoires qui ont été émises, nous ne pouvions proposer aucune décision avant d’avoir entendu M. le ministre des travaux publics. La section centrale a donc cru, pour préparer le travail, devoir vous soumettre trois questions importantes : d’abord la question de constitutionnalité, en second lieu, si M. le ministre a suivi toutes les formes requises pour rendre la concurrence possible, et enfin si l’établissement du canal de l’Espierre empêchera l’établissement du canal de Bossuyt à Courtray, lequel a été reconnu être d’une utilité générale par toutes les commissions d’enquête qui ont été successivement instituées. C’est à cela que devait nécessairement se borner la section centrale, mais je crois que, dans tous les cas, il faudrait attendre les explications de M. le ministre des travaux publics sur les questions que nous avons eu l’honneur de lui poser.

M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb) – Je ne sais en vérité quelles sont les préoccupations de l’honorable député de Courtray, lorsqu’il vient de parler ici d’accusation et de défense. Jusqu’à présent je ne connais pas d’accusé. Si l’honorable membre veut qu’il y ait une accusation, il dépend de lui de faire à cet égard usage du droit qui est reconnu à chaque membre de la chambre ; mais jusqu’ici il n’y en a point.

La section centrale à laquelle vous avez renvoyé, comme commission spéciale les pétitions qui vous ont été adressée, s’est sagement enfermée dans les limites de l’article 43 de la constitution, qui est ainsi conçu :

« Chaque chambre a le droit de renvoyer aux ministres les pétitions qui lui sont adressées. Les ministres sont tenus de donner des explications sur leur contenu, chaque fois que les chambres l’exigent. »

Votre section centrale a posé trois questions sur lesquelles elle demande des explications au ministère ; ces explications vous seront données ; elles vous seront données dans un très bref délai ; car il nous tarde, messieurs, de voir commencer la discussion publique et orale sur cette question. A la suite de cette discussion solennelle, vous déciderez quelles sont les mesures à prendre ultérieurement, et s’il y en a à prendre. Mais, jusque-là, messieurs, il n’y a autre chose à faire que de présenter à la chambre les explications demandées par la section centrale, explications à la suite desquelles la discussion orale aura lieu au jour qui sera fixé.

Dès l’ouverture de cette session, messieurs, on a en quelque sorte menacé le ministère d’une discussion publique ; le ministère l’a acceptée, et je suis à me demander pourquoi, aujourd’hui, on semble reculer devant cette discussion, pourquoi l’on voudrait remettre de nouveau cette question à une commission spéciale, qui deviendrait une véritable commission d’enquête. Il est temps, messieurs, de sortir des mémoires écrits. Il est temps d’éclairer cette grande question par une discussion orale. Je m’oppose donc formellement à la motion très intempestive faite par l’honorable député de Courtray, et je réitère la déclaration que j’ai déjà faite à la chambre, que très prochainement et avant la discussion du budget des travaux publics, les explications demandées par la section centrale seront données.

M. Angillis – Je crois, messieurs, qu’il n’y a aucune utilité dans le renvoi proposé par la section centrale : l’opinion de M. le ministre des travaux publics est fixée, il répondra probablement dans son sens, et la chambre ne sera pas plus avancée que maintenant.

Je m’oppose également à la proposition faite par l’honorable M. Van Cutsem, parce que je ne vois pas plus l’utilité du renvoi à une commission spéciale ; la question restera la même, les opinions resteront les mêmes, la commission spéciale ne dira rien de neuf sur la question.

Ce qu’il y a de mieux à faire, messieurs, c’est de hâter la discussion du budget des travaux publics, et je demanderai à la chambre de fixer dès aujourd’hui le jour de cette discussion. Il règne beaucoup d’inquiétude dans le pays, et il importe d’y mettre un terme par une discussion solennelle et un vote définitif.

M. le président – Je ferai remarquer que le budget des travaux publics est à l’ordre du jour.

M. Van Hoobrouck de Fiennes, rapporteur – Je dois répondre à mon honorable collègue et ami M. Angillis, que le rapport qui a été déposé vendredi a été livré à l’impression depuis lors ; mais on a dû arrêter l’impression parce que le budget des finances, qui est porté à l’ordre du jour avant celui des travaux publics, devait être imprimé en premier lieu. Ce ne sera donc que demain que le rapport sur le budget des travaux publics pourra être distribué.

M. Van Cutsem – J’ai fait une proposition tendant à ce que toutes les pétitions relatives au canal de l’Espierre fussent renvoyées à une commission spéciale ; j’ai voulu par là appeler toutes les lumières possibles sur une discussion qui intéresse à un aussi haut degré non seulement les Flandres, mais le pays tout entier. C’est donc à tort que M. le ministre des travaux publics a traité cette proposition d’intempestive. D’ailleurs, la réponse qu’il m’a faite prouve que ma proposition n’était pas intempestive, puisque, par un autre moyen, il veut atteindre le même but. Je voulais éclairer la chambre en lui soumettant, dans un rapport détaillé, les griefs que ma province articule contre la construction du canal de l’Espierre ; M. le ministre, en répondant, avant la discussion du budget des travaux publics, aux questions qui ont été posées par la section centrale, atteindra le but que je me proposais, celui de notre mettre dans la possibilité d’examiner à tête reposée les arguments pour et contre ; d’un autre côté, nous verrons l’analyse des pétitions ; de l’autre la réponse de M. le ministre et nous pourrons ainsi juger en connaissance de cause. Je crois donc pouvoir retirer ma proposition.

Je dois dire, messieurs, qu’en touchant la question du canal de l’Espierre, je n’ai nullement eu l’intention d’attaquer le ministère ; je n’ai eu d’autre but que d’éclaircir le pays, de lui faire connaître les griefs que tout mon arrondissement et toute la Flandre occidentale articulent contre le canal de l’Espierre. J’ai pour but d’être utile au pays et non pas d’attaquer un ministère.

Ordre des travaux de la chambre

M. Dumortier – Je suis heureux, messieurs, que l’honorable préopinant ait retiré sa proposition, car il me semble que la marche indiquée par M. le ministre des travaux publics est préférable. Mais ce n’est pas pour cet objet que j’ai demandé la parole. J’ai voulu fixer votre attention sur l’état de nos travaux. Nous sommes arrivés au 20 du mois de décembre, nous n’avons plus que dix jours jusqu’à la fin de l’année ; or, dans ces dix jours, il se trouve deux dimanches et un jour de grande fête, de sorte que nous n’aurons plus que sept séances d’ici à la fin de l’année. Eh bien, nous avons à l’ordre du jour huit projets de loi ; à savoir : le budget des affaires étrangères, le projet de loi concernant une émission de 12 millions de bons du trésor, le budget de la justice, un transfert au budget du même département, le projet concernant les farines, le budget des finances, le budget des travaux publics et le projet de loi sur les constructions navales. Indépendamment de ces huit projets de loi, nous aurons nécessairement à voter avant la fin de l’année, la loi sur le contingent de l’armée, des crédits provisoires pour le département de la guerre et probablement pour celui de l’intérieur. Voilà donc onze projets de loi à examiner en sept séances. Il me semble qu’il serait nécessaire de mettre un peu d’ordre dans nos travaux, de voir ce que nous voulons faire cette année et ce que nous voulons remettre après le nouvel an. Or, il me semble, messieurs, que nous ferions bien d’ajourner à l’année prochaine les projets qui ne doivent pas être indispensablement votés avant le premier janvier, et il me semble que dans ce nombre se trouve, par exemple, le projet de loi concernant les farines, qui peut donner lieu à une discussion assez longue. Il me semble, en un mot, qu’on devrait se borner à discuter cette année les projets exclusivement financiers. Je demanderai, pour mon compte, que l’on fixe la discussion du budget des travaux publics au lendemain de Noël, c’est-à-dire jeudi prochain. D‘ici là nous aurons le temps d’examiner toutes les pièces, et M. le ministre des travaux publics aura eu le temps de nous faire son rapport.

M. Van Cutsem – Je ferai observer qu’il vaudrait mieux remettre la discussion à vendredi, parce que, peut-être plusieurs membres ne seront pas à leur poste jeudi. (Si ! si !)

M. Dolez – Messieurs, il me paraît à peu près impossible de fixer le jour de la discussion du budget des travaux publics, avant que nous ayons reçu le rapport sur cet objet ; si nous recevons ce rapport lundi, nous pourrons alors fixer le jour de la discussion ; je crois que nous ne gagnerons pas de temps en fixant le jour de cette discussion d’une manière incertaine. Je propose donc de passer à l’ordre du jour et d’attendre que le rapport sur le budget des travaux publics soit distribué, avant de fixer le jour de la discussion.

M. Dumortier – Messieurs, si on ne fixe pas aujourd’hui le jour de la discussion, un nouveau débat s’élèvera plus tard sur cette question. Je pense donc qu’il y a lieu d’adopter la motion de l’honorable M. Angillis, et je la modifie en ce sens, que la discussion soit fixée à jeudi prochain. L’on craint que quelques membres ne soient pas à leur poste jeudi ; mais il est à remarquer que la question est importante et pourrait durer plus d’un jour ; au reste comme tout le monde est prévenu, ceux qui s’absenteront ce jour-là manqueront à leur devoir. (Oui ! oui !)

M. le président – La section centrale a proposé de renvoyé les pétitions à M. le ministre des travaux publics, avec demande d’explications, avant la discussion du budget des travaux publics, sur les trois questions qu’elle a posées ; elle a proposé, en outre, que les pétitions soient déposées sur le bureau pendant la discussion du budget des travaux publics.

M. Delehaye – Il me semble, messieurs, que la section centrale n’a pas examiné toutes les questions qui se rattachent à cet objet, et, selon moi, la question principale n’a pas été touchée par la commission. En effet, la question sur laquelle nous aurons à voter est certes celle de savoir si, en admettant que les questions qui ont été posées par la commission soient tranchées dans un sens contraire au ministère, il y aura moyen de revenir sur les mesures qui ont été prises. Le ministre, en tant que la chambre décide que les mesures sont illégales, pourra remettre les choses dans l’état où elles étaient avant l’adjudication.

Je m’aperçois que M. le ministre des travaux publics sourit, je préférerais qu’il me répondît par des arguments et non par des sourires, car je sais à quoi m’en tenir sur ses sourires.

La marche que j’indique, messieurs, me paraît indispensable à suivre. En effet, lorsque vous aurez décidé que le canal de l’Espierre est désavantageux au pays, vous n’avez pris aucune décision positive.

M. le président – Proposez-vous une conclusion.

M. Delehaye – Je demanderai à M. le rapporteur si la commission a examiné ce point ; si M. le rapporteur me dit que non, je verrai alors quelle conclusion j’aurai à présenter.

M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb) – Messieurs, il me semble que l’honorable membre anticipe singulièrement sur la discussion ; mais de grâce, attendez donc qu’il y ait eu une discussion, avant de demander ce que fera la chambre, si la chambre décide dans tel ou tel sens ; attendez que la chambre ait décidé ce que vous supposez qu’elle décidera, et que moi je soutiens qu’elle ne décidera pas. Il est parfaitement inutile d’examiner les hypothèses qui ont été posées par l’honorable membre ; attendez que ces hypothèses se réalisent, et vous verrez alors ce que vous aurez à proposer. De mon côté, je me borne à annoncer que ces hypothèses ne se réaliseront pas, et que par conséquent il est inutile de nous en préoccuper.

M. Van Hoobrouck de Fiennes, rapporteur – Messieurs, je n’ai rien à ajouter à ce que le ministre vient de dire ; je comptais vous dire, comme lui, que toute discussion ultérieure devait nécessairement ressortir des explications que M. le ministre donnera.

M. de Brouckere – Messieurs, un moyen bien simple, selon moi, de couper court à cette discussion qui me paraît prématurée, c’est que la chambre renvoie la pétition au ministre, avec demande d’un rapport, sans que la chambre décide sur les questions posées par M. le rapporteur, car aucun de nous n’a pu s’assurer, à une première lecture rapide, si ces questions résument véritablement toutes les difficultés que soulèvent la question.

M. F. de Mérode – Messieurs, je ne conçois pas pourquoi l’on discute toujours prématurément cette affaire du canal de l’Espierre ; le ministre donnera des explications dans la discussion ; pourquoi faut-il des explications préalables ? Au moment où l’affaire sera sur le tapis, on s’en occupera, et tous les renseignements, tous les détails désirables seront fournis par le gouvernement ; abordons l’ordre du jour.

M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb) – Messieurs, je ne sais s’il est arrivé souvent à un ministre d’être dans une position aussi singulière que la mienne. J’ai souvent entendu dire : « Le ministère ne veut pas s’expliquer, le ministère ne veut pas de discussion. » Mais ici nous vous demandons une discussion publique et orale ; maintenant entre cette discussion que nous sollicitons, on veut venir placer de nouveaux rapports. Mais je demanderai, à mon tour, quelle peut être l’intention de ceux qui voudraient reculer la discussion. Je prie instamment la chambre de permettre au ministère d’aborder la discussion publique de cette question, je la supplie de retarder cet examen le moins possible, je la supplie de ne pas venir placer entre cette discussion de nouveaux rapports, de nouvelles pièces, de ne pas accumuler mémoire sur mémoire. Il y en a déjà assez. A la suite de cette discussion, vous déciderez ce que vous jugerez convenable ; mais au moins, entendons-nous.

M. de Behr – Messieurs, la section centrale a examiné avec attention toutes les pétitions ; elle a cru qu’il en résultait les trois questions qui ont été posées dans son rapport. La section centrale n’entend nullement circonscrire la discussion à ces questions ; mais elle a cru devoir appeler l’attention de la chambre et surtout l’attention de M. le ministre, sur ces questions qu’elle a considérées comme principales. La section centrale a usé de la latitude que lui laissait le règlement, en demandant le renvoi à M. le ministre des travaux publics, avec demande d’explications avant la discussion de son budget ; je ne sais ce qu’elle aurait pu faire de plus.

M. de Brouckere – Mon intention n’est pas de faire au ministre une position plus difficile qu’elle ne l’est réellement ; mais je lui demanderai s’il s’opposerait à ces conclusions-ci : Renvoi au ministre avec demande d’explications.

M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb) – Ma position est très facile ; on veut la rendre difficile en me refusant la discussion publique.

Je me suis rallié à la proposition de la commission quia posé trois questions ; ces trois questions portent sur des faits que la commission a regardés comme principaux, et sur lesquels elle n’a pas trouvé d’éclaircissements suffisants. Me demander maintenant un rapport général, c’est me lancer dans un camp illimité, c’est demander de nouveau par écrit une discussion que nous demandons publique et orale. Je n’ai vu nulle part qu’on procédait devant une chambre délibérante, comme on procède devant les tribunaux en certains cas, où l’on ne plaide que sur mémoire. Je demande, au contraire, qu’après avoir donné des explications écrites sur les trois questions qui ont été posées par la commission, la discussion publique s’ouvre ; cette discussion sera illimitée, c’est-à-dire embrassera toutes les questions, le fond et la forme.

M. de Brouckere – Si M. le ministre croit qu’il y ait quelque chose d’hostile dans ma motion, ils e trompe : Je crois qu’il aurait été plus régulier de renvoyer au ministre les pétitions avec demande d’explications ; comme M. le ministre préfère s’en tenir aux trois questions qui ont été posées par la commission, je ne m’y oppose pas.

M. Dumortier – Messieurs, je veux faire remarquer qu’il y a une contradiction singulière dans la manière dont s’exprime M. le ministre.

M. le ministre nous dit qu’il appelle la discussion de tous ses vœux ; il lui tarde que la discussion ait lieu ; naturellement s’il lui tarde que la discussion ait lieu, c’est pour que la chambre arrive le plus tôt possible à une solution, que faut-il faire ? Il faut que le ministre donne ses explications le plus tôt possible, et non pas au moment où l’on engagera la discussion ; car le ministre dit qu’il donnera ces explications au moyen d’un rapport écrit. Ce rapport devra être imprimé et distribué. S’il n’est déposé par le ministre qu’au commencement de la discussion générale, vous devrez renvoyer cette discussion à un autre jour. Cette manière de procéder ne serait donc pas le moyen d’arriver le plus promptement possible à une solution. Pour obtenir ce résultat, il faut que M. le ministre transmette sa réponse à la chambre dans le plus bref délai, afin que chacun puisse en prendre connaissance avant la discussion du budget des voies et moyens.

M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb) – Vous aurez ces explications lundi.

- Les conclusions de la section centrale sont adoptées.

La chambre renvoie ensuite à lundi pour fixer le jour de la discussion du budget des travaux publics.

M. le président – La parole est continuée à M. le rapporteur.

Rapport sur une pétition

M. Van Hoobrouck de Fiennes, rapporteur – Messieurs, par sa pétition en date du 14 septembre, l’administration centrale de Peruwelz, Hainaut, vous expose qu’avant le creusement du canal de Pommeroeul à Antoing, cette ville était en communication avec le village populeux de Basècles au moyen d’un chemin en partie pavé que le creusement a intercepté ;

Qu’aucun pont n’a relié ces deux points d’une grande importance non seulement par suite des relations réciproques, mais parce que la ville de Peruwelz a des rapports fréquents avec le Borinage et les villes de Mons et de St-Ghislain dont la distance est triplée par la voie pavée actuelle.

Le conseil communal expose ensuite que la ville dont l’administration lui est confiée se trouve à l’extrême frontière de la route de Paris à Gand, qu’elle est pour ainsi dire séquestrée de la Belgique, par le canal de Pommeroeul, qui passe à sa banlieue septentrionale, qu’un seul passage lui est ouvert comme à la population française qui est derrière elle, pour arriver au centre de la Belgique ; c’est le pont de Vertmontois. Que ce pont en fer suspendu se trouve fréquemment en voie de réparation, et que, dans ce cas comme dans la supposition où une cause quelconque viendrait à rendre ce pont impraticable, elle se trouverait privée de toute communication avec la Belgique, sur une étendue de 5 à 6 lieues.

Le conseil demande en conséquence que la chambre veuille bien porter au budget une somme nécessaire pour établir un pont, dans le but de relier les deux fractions du chemin de Peruwelz à Basècles, dont ces communes proposent le pavage intégral.

Votre section centrale, messieurs, à laquelle vous avez renvoyé la pétition du conseil communal de Peruwelz, reconnaît que les considérations qu’il fait valoir, à l’appui de sa demande, sont réellement d’une grande importance et méritent votre attention, mais elle n’a pas cru pouvoir se rendre au vœu de ce conseil de prendre l’initiative de porter au budget une somme pour la construction du pont qu’on réclame. Elle s’est bornée à vous proposer le renvoi de la pétition à M. le ministre des travaux publics.

- Ces conclusions sont adoptées.

Projet de loi prorogeant la loi sur les péages

Rapport de la section centrale

M. Van Hoobrouck de Fiennes, rapporteur – J’ai l’honneur de vous présenter le rapport de la section centrale sur le projet de loi relatif aux concessions de péages. (L’impression ! L’impression !)

- La chambre ordonne l’impression et la distribution de ce rapport.

Ordre des travaux de la chambre

M. Van Hoobrouck de Fiennes, rapporteur – La loi sur les concessions de péages est provisoire, elle expire au 1er janvier. Je pense que vous jugerez à propos de mettre ce projet de loi à l’ordre du jour.

M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb) – Il faut mettre ce projet de loi à l’ordre du jour après les budgets.

M. Dumortier – J’ai déjà fait remarquer dans quel dédale on nous jetait en mettant ainsi à l’ordre du jour une foule de lois que nous pouvons très bien voter après le 1er janvier.

La loi de concession de péages est une loi annale, parce qu’elle est une loi de confiance. Mais, bien que cette loi soit annale, elle ne doit pas être impérativement votée pour le 1er janvier. Si cette loi n’est votée que le 8, on ne donnera pas de concession de péages pendant les huit premiers jours de janvier, il n’y aura de préjudice pour personne. Cette loi ne doit pas être mise à l’ordre du jour avant le 1er janvier.

Il en est de même de la loi sur les farines. Je renouvelle la motion qu’on ne s’occupe, avant le 1er janvier, que des lois de finances et du contingent de l’armée, pour avoir à voter le moins possible de crédits provisoires, car il sera indispensable d’en voter. Vous savez tous que c’est un grand vice en matière de finances que les crédits provisoires. Je propose l’ajournement de la mise à l’ordre du jour du projet de loi dont on vient de faire le rapport.

M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb) – Je demande que la discussion en soit fixée après les budgets qui sont à l’ordre du jour.

M. Dumortier – Le projet de loi dont il s’agit est de la dernière importance, on vient d’en avoir la preuve dans les réclamations soulevées par la concession du canal de l’Espierre. Il faut qu’il soit l’objet d’une discussion sérieuse. Si on le met à l’ordre du jour après les budgets, quand ces budgets seront votés, on dira : Nous avons encore un quart d’heure, il nous reste une loi à voter, et on la votera à la hâte. Nous ne pouvons pas voter cette loi sans l’examiner sérieusement. Il faut la mettre à l’ordre du jour après les vacances et se borner à mettre maintenant à l’ordre du jour les lois financières et la loi sur le contingent de l’armée.

M. Van Hoobrouck de Fiennes – Nous pouvons mettre le projet de loi, dont je viens de faire le rapport, à l’ordre du jour après les budgets. J’aurai l’honneur de faire observer que la section centrale avait déjà porté son attention sur l’objet dont il vient de vous entretenir.

La section centrale a reconnu que la loi était très importante, qu’elle avait été successivement prorogée, mais qu’il était temps de mettre un terme à ce provisoire. Elle a consenti à accorder la nouvelle prorogation, mais à la condition qu’un projet définitif serait présenté dans le cour de la session actuelle.

La section centrale a rencontré l’idée de l’honorable M. Dumortier. Rien n’empêche de le mettre à l’ordre du jour, car si vous attendez une loi définitive, elle ne pourra être discutée que dans le mois de mars, et le service se trouvera entravé.

Je persiste dans ma proposition de mettre ce projet à l’ordre du jour après les budgets actuellement à l’ordre du jour.

- L’ajournement proposé par M. Dumortier n’est pas adopté.

La chambre fixe la discussion du projet après les budgets qui sont à l’ordre du jour.

Vérification des pouvoirs

Arrondissement d'Anvers

M. le président – M. le ministre de l'ntérieur a transmis au bureau les procès-verbaux des élections d’Anvers, desquels il résulte que M. Ed Cogels-Dubois, a été élu en remplacement de M. Liedts, qui a opté pour l’arrondissement d’Audenaerde. Aux termes du règlement, il v être tiré au sort une commission pour la vérification des pouvoirs du sieur Cogels.

- Les membres désignés par le sort sont MM. Fleussu, Ullens, de Florisone, Raymaeckers, de Potter, Dubus (aîné) et Dumortier.

Motion d'ordre

Extradition d'un étranger

M. de Brouckere – Les journaux du Luxembourg rendent compte d’une arrestation arbitraire qui aurait été faite à Arlon ces jours derniers, et qui aurait été suivie d’une extradition. Cette arrestation et cette extradition, s’il faut en croire ces journaux, seraient accompagnées de circonstances extrêmement graves. Je suppose que le gouvernement n’est pas encore en possession des renseignements nécessaires, pour mettre la chambre au courant de cette affaire. S’il les a, je le prie de les communiquer. Sinon, je renouvellerai mon interpellation quand les ministres le jugeront à propos.

M. le ministre de la guerre (M. Willmar) – Je ne connais qu’imparfaitement les faits signalés par l’honorable membre. Lorsque j’aurai reçu de pus amples renseignements je les communiquerai.


Sur la proposition de M. Eloy de Burdinne la chambre ajourne après le 1er janvier la discussion du projet de loi relatif à l’exportation des farines.

Projet de loi portant le budget du ministère des affaires étrangères de l'exercice 1840

Second vote

Chapitre premier. Administration centrale

Article 3

M. le président – La chambre a adopté à l’article 3 : « Indemnité de logement pour le ministre et loyer pour les bureaux » un amendement proposé par la section centrale qui réduit le chiffre de cet article de 12,000 francs à 6,000 francs.

M. le ministre de l'ntérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Il m’a paru que sur le chiffre du gouvernement, les voix étaient à peu près partagées. D’autre part, j’ai cru voir que quelques membres trouvaient qu’il y avait de l’exagération dans le chiffre de 12,000 francs. Je crois pouvoir apaiser ces scrupules, quoique je ne les considère pas comme fondés, en proposant d’ajouter à l’article ces mots : « à payer sur pièces justificatives. » De cette manière, s’il est possible d’obtenir des locaux à un prix inférieur, il en résultera une économie. Mais je ne pense pas, je le répète, que ce soit possible.

M. de Brouckere – J’avoue que je ne m’attendais pas à ce qu’il y eût une nouvelle discussion sur cet article. En effet, lorsque le règlement a stipulé que les amendements seraient soumis à un deuxième vote, on supposait que, dans certains cas, des votes auraient pu être émis légèrement, et on jugeait convenable que l’on pût y revenir. On pensait aussi qu’il pouvait être introduit dans la loi un amendement qu’il ne fût pas en harmonie avec ses autres dispositions. C’est par ces considérations qu’on a institué le deuxième vote. Or, aucune de ces considérations ne peut s’appliquer au budget qui nous occupe.

En effet, la chambre a adopté le chiffre proposé par la section centrale. Tout le monde avait le rapport sous les yeux ; c’est après une discussion approfondie que la chambre a adopté le chiffre de 6,000 francs, proposé par la section centrale. M. le ministre a cru qu’il déterminerait la chambre a adopté le chiffre de 120,000 francs, en ajoutant à l’article les mots : « à payer sur pièces justificatives. » C’est une innovation à laquelle je ne saurais consentir. Je ne vois pas pourquoi on exigerait plutôt des pièces justificatives pour cet article que pour d’autres.

Mais, remarquez bien que ce n’est pas la considération que M. le ministre a indiquée qui a dicté à la chambre sa résolution. La chambre a voulu que les bureaux des affaires étrangères restassent où ils sont ; elle a entendu que l’allocation de 6,000 francs fût iniquement pour le logement du ministre. Je persiste à croire qu’elle a agi sagement, je crois qu’elle aurait tort de revenir sur son vote.

Vous comprenez qu’une fois les bureaux déplacés, ils ne reviendront pas où ils sont. D’ici à peu de temps, on vous demandera des fonds pour l’achat d’un nouvel hôtel. Cela est si vrai, que déjà cet hôtel est désigné ; on l’a pour ainsi dire annoncé dans la section centrale. Je vous ai fait voir que l’hôtel du ministère de la guerre a coûté 606,000 francs et que tout n’est pas encore payé. On ne manquera pas de dire que le ministre des affaires étrangères doit avoir un hôtel aussi grand, aussi élégant que le ministre de la guerre. Vous aurez donc autorisé une dépense inutile.

Il y aura d’autres inconvénients si vous revenez de votre première résolution. Il est dans l’intention de divers membres de la chambre, et le gouvernement a admis comme chose possible, que la division du commerce fût donnée au ministre des affaires étrangères. S’il en est ainsi, tous les locaux du département des affaires étrangères et tous ceux de la division du commerce se trouveront libres au ministère de l’intérieur.

Or, je vous le demande : à quoi serviront tous ces locaux qui sont fort grands, si vous adoptez une résolution par suite de laquelle tous ces bureaux seront transférés ailleurs pour ne plus rentrer où ils sont.

Une dernière observation. La chambre a voté des fonds pour un sixième ministère ; est-ce à dire qu’il y ait à tout jamais six ministres ? Je ne le pense pas. La chambre est d’avis qu’il y a lieu de créer maintenant un autre ministère, et plus tard elle adoptera peut-être une autre manière de voir. Le ministre des travaux publics a des attributions qui cesseront d’ici à peu de temps, lorsque le chemin de fer sera terminé, et qu’il n’y aura plus à prendre que des mesures relatives à l’exploitation. Il est possible que la chambre juge alors convenable la suppression de ce ministère. Ce n’est qu’une éventualité, mais elle suffit pour que la chambre ne vote pas une dépense qui, dans le cas où elle se réaliserait, serait inutile.

M. le ministre de l'ntérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Lorsque j’ai proposé l’addition des mots « à payer sur pièces justificatives », j’ai surtout voulu parer aux inconvénients qu’on avait cru exister dans l’espèce de forfait, consistant à allouer 12,000 francs en bloc. J’ai fait cette proposition, parce que j’ai entendu l’honorable rapporteur de la section centrale mettre en doute s’il ne résulterait pas de cette allocation pour le titulaire un avantage indirect.

On dit que si vous votez l’allocation, les bureaux du département des affaires étrangères ne reviendront plus au ministère de l’intérieur. Mais du moment qu’on crée un ministère des affaires étrangères, les bureaux de ce département ne doivent plus revenir, à une autre époque, au ministère de l’intérieur. La séparation doit être faite au moment de la création de ce département.

On dit : Mais plus tard on réduira peut-être le nombre des ministres à cinq, par exemple, si le ministère des travaux publics devient inutile. Je ne sais si ce ministère deviendra inutile ; mais s’il doit plus tard en être ainsi, je suis convaincu que ce ne sera pas prochainement. En attendant, il est nécessaire que le ministre des affaires étrangères ait près de lui ses bureaux. C’est seulement de cette manière que la création de ce département atteindra le but qu’on s’est proposé.

Les observations du préopinant tendraient à ce que l’on ne fît pas l’acquisition d’un nouvel hôtel, qui pourrait plus tard être inutile ; mais je n’y vois pas un motif pour refuser les frais de loyer des locaux où doivent être placés les bureaux.

On a dit que nous étions déjà décidés pour l’acquisition d’un nouvel hôtel. (Dénégation de la part de M. de Brouckere). Cela n’est nullement décidé. C’est une hypothèse que j’ai soumise à la chambre. J’ai parlé d’un projet d’acquérir un terrain derrière le ministère des finances pour y faire de nouvelles constructions et de celui de prendre l’hôtel de la rue de la Montagne. Ce sont tous projets à examiner. En aucun cas, les résolutions qu’on pourrait prendre ne seront complètement exécutées avant deux ans. Quand je dis deux ans, c’est au plus tôt.

Je ne crois donc pas que la chambre doive persister dans la réduction de 6,000 francs, qu’elle a adopté au premier vote ; car cette économie tournerait au préjudice du service.

M. d’Huart – Je crois que la réduction du crédit à 6,000 francs constitue un véritable amendement et que nous sommes en droit de discuter de nouveau cet amendement et de rétablir le chiffre de 12,000 francs, s’il est jugé convenable de le faire.

J’ai été du nombre de ceux qui ont voté la création d’un sixième ministère, et, par suite, j’ai en quelque sorte contracté l’obligation de voter les fonds nécessaires pour le logement du ministre et l’emplacement des bureaux.

On soutient qu’il y a dans le local du département de l’intérieur de quoi placer les bureaux des affaires étrangères, sans toutefois y loger le ministre : mais, messieurs, n’y aurait-il pas quelque chose d’inconvenant à ce que le ministre des affaires étrangères aille tous les jours travailler, pour ainsi dire, dans les bureaux de son collègue ?

Il est des membres de la chambre qui ont manifesté leurs craintes sur ce que le ministre de l’intérieur cherchait à usurper de l’influence dans le cabinet ; je ne veux pas examiner la valeur de ce reproche, mais ces membres ne devraient-ils pas éviter tout ce qui pourrait favoriser, même indirectement, cette influence, et n’y contribueraient-ils pas si le résultat de leur vote obligeait le futur ministre des affaires étrangères à aller travailler chaque jour près de son collègue.

Le nouveau ministre doit donc être mis en position de surveiller ses bureaux dans la demeure même qu’il occupera, et dans laquelle il convient aussi qu’il reçoive les personnes qui auront à lui parler d’affaires ; il y aura ainsi économie réelle, économie bien plus notable que celle de 6,000 francs, économie que nous ne pouvons calculer en chiffres, mais qui, pour être toute morale, n’en est pas moins facile à apprécier. J’ai donc, pour ma part, compris qu’il fallait voter le chiffre de 12,000 francs pour loger convenablement et le ministre et les bureaux dans les mêmes bâtiments, et j’espère que la chambre partageant mes motifs reviendra de son premier vote.

On a parlé de l’acquisition d’un nouvel hôtel, qui serait la conséquence de l’adoption du crédit demandé. Je ne vois nullement l’évidence d’une telle conséquence, mais j’avoue que, pour mon compte, je ne suis point frappé des inconvénients de cette acquisition ; je crois plutôt que ce serait quelque chose de digne de la nation, si le gouvernement avait la possession de tous les bâtiments qui forment la rue de la Loi ; et alors même que l’hôtel, auquel on a fait allusion, ne serait pas utile pour un département ministériel, il y a encore bien des institutions administratives qui manquent de locaux convenables et qui pourraient y être transférées avantageusement.

Il y a des institutions qui manquent aujourd’hui de locaux ; et quand même on n’aurait pas de sixième ministère, on trouverait le moyen d’utiliser les hôtels de toute cette rue. Quoi qu’il en soit, les observations de M. de Brouckere méritent sérieuse attention ; et ce ne sera qu’après débat du projet de loi spécial sur l’achat d’un nouvel hôtel, que vous voterez les fonds nécessaires : mais cela ne doit pas nous faire penser que nous sommes liés.

M. de Brouckere – Ce que je demande, c’est que les choses restent indécises comme elles le sont aujourd’hui. Elles ne seraient plus indécises si vous votiez le chiffre de 12,000 francs, parce que les bureaux seraient installés ailleurs. Il y aurait, dit-on, quelque chose d’inconvenant que le ministre soit logé loin de ses bureaux : mais cela a eu lieu pour tous les ministres.

En laissant les bureaux où ils sont, ils seront séparés des bureaux du ministère de l’intérieur, quoique sous le même toit. M. d’Huart ne trouve pas d’inconvénients dans l’acquisition qui serait faite d’un nouvel hôtel rue de la Loi. Il peut arriver telles circonstances où moi-même je voterais cette acquisition ; mais ce ne sera pas tant que nos recettes seront inférieures à nos dépenses. Aussi longtemps qu’il en sera ainsi, je me bornerai à voter les dépenses de nécessité. La chambre se montrerait inconséquente si elle revenait aujourd’hui d’un vote qu’elle a émis il y a à peine 24 heures, alors qu’il n’y a aucun motif de changer ce vote.

M. le ministre de la guerre (M. Willmar) – Je réprouve la conclusion de l’honorable préopinant, et je dirai que je trouve qu’il y a quelque inconvenance à créer un ministère et à lui refuser les moyens de remplir son objet. Un ministre séparé de son ministère est exposé à des pertes réelles de temps qui entravent les affaires. J’ai été deux ans ministre habitant une maison modeste qui me convenait fort ; mais si elle m’était personnellement commode, elle n’était pas convenable pour les travaux du ministère, parce qu’elle entraînait des retards. L’honorable préopinant veux que la question reste indécise ; il me semble que rien au monde ne laisse une question indécise comme d’accorder des frais de loyer ; tant qu’on n’a qu’un bail on n’a pas racine, et on peut changer. Si l’un des six ministères était supprimé, il est bien évident que les bureaux, que l’on aurait établis dans un hôtel loué, iraient dans l’un des hôtels du gouvernement resté vacant.

J’ai reconnu par une expérience de deux ans, qu’il y a des grands inconvénients dans la séparation des bureaux d’un ministère et du logement du ministre ; cependant j’avais cet avantage que, dans l’hôtel où était placés les bureaux de la guerre, il y avait en outre des salons de réceptions et un cabinet pour le ministre ; mais dans le local du ministre de l’intérieur, si les bureaux des affaires étrangères y sont situés, il est impossible d’y donner un cabinet au ministre et des salons pour recevoir convenablement. Le ministre sera obligé de se loger ailleurs ; supposez que son logement soit à un quart d’heure des bureau, il faudra que les employés soient sans cesse en course, avec les pièces, pour aller de l’habitation du ministre aux bureaux.

Il est vrai que les crédits votés par la chambre pour l’établissement du ministère de la guerre, où il est maintenant, s’élèvent à 606,000 francs ; et que ces crédits seront dépensés. Mais je crois devoir rappeler à la chambre que ce n’est pas sur mes instances que ce crédit a été alloué ; c’est la chambre elle-même qui a voulu que les ministères soient réunis comme ils le sont à Bruxelles, et c’est pour jouir de cet avantage que l’on a fait des dépenses plus grandes que celles qui eussent été rigoureusement nécessaires. J’ai déclaré qu’à mon avis il était possible de faire un hôtel convenable pour le ministère de la guerre sans dépenser autant qu’on l’a fait ; mais l’on a apprécié les avantages de la réunion des hôtels des divers ministères.

Je le répète, j’atteste que d’après ma propre expérience, il y a de grands inconvénients à avoir des bureaux séparés du logement du ministre, surtout, quand, dans le local où sont les bureaux, on ne peut trouver un cabinet et des salles de réception.

- Sur la demande de plusieurs membres, on procède à l’appel nominal sur l’amendement présenté par le ministre des affaires étrangères, c’est-à-dire sur le chiffre de 12,000 francs à payer sur pièces justificatives.

79 membres sont présents.

45 votent l’adoption.

34 votent le rejet.

En conséquence l’amendement de M. le ministre des affaires étrangères et de l'ntérieur est adopté.

Ont voté l’adoption : MM. Coghen, Cools, de Behr, Dechamps, de Florisone, de Man d’Attenrode, de Meer de Moorsel, F. de Mérode, W. de Mérode, Demonceau, de Nef, de Perceval, de Potter, Desmaisières, Desmet, de Terbecq, de Theux, Devaux, de Villegas, d’Hoffschmidt, d’Huart, Dubois, Dubus (aîné), B. Dubus, Kervyn, Lebeau, Lejeune, Mast de Vries, Meeus, Mercier, Metz, Milcamps, Morel-Danheel, Nothomb, Peeters, Polfvliet, Raikem, Scheyven, Simons, Ullens, Vandenhove, Vandensteen, Vanderbelen, Wallaert, Willmar, Zoude.

Ont voté le rejet : MM. Angillis, David, de Brouckere, de Langhe, Delehaye, de Renesse, Doignon, Dolez, Donny, Dumont, Dumortier, Eloy de Burdinne, Fleussu, Jadot, Lange, Liedts, Lys, Maertens, Manilius, Pirmez, Pirson, Puissant, Raymaeckers, A. Rodenbach, Seron, Sigart, Trentesaux, Troye, Van Cutsem, Vandenbossche, Van Hoobrouck, Verhaegen.

Chapitre II. Traitement des agents diplomatiques

Article 2

L’amendement introduit dans l’article 2 est mis aux voix et adopté sans discussion.

Article 5

« Art. 5. Pays-Bas : fr. 60,000 »

La section centrale avait proposé, et la chambre a adopté, le chiffre de 50,000 francs.

M. le ministre de l'ntérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Messieurs, l’honorable député de Bruxelles a admis que la chambre doit revenir sur son vote lorsqu’elle a été induite en erreur. Or, messieurs, nous sommes véritablement ici dans le cas prévu par cet honorable membre. Il avait assuré, non seulement dans la section centrale, mais aussi en séance publique, que le chiffre fixé pour la légation des Pays-Bas à Bruxelles n’était que de 50,000 francs, maintenant il a reconnu lui-même, dans la séance d’hier, que ce chiffre était de 60,000 francs. Vous comprendrez facilement, messieurs, que si on a alloué 60,000 francs à la légation des Pays-Bas à Bruxelles, ce même chiffre n’a rien d’exagéré pour la légation belge à La Haye, car la cherté des vivres est beaucoup plus grande en Hollande qu’en Belgique ; c’est un fait généralement reconnu qu’il n’y a point de comparaison à établir être le cherté de la vie en Hollande et en Belgique. Pour ne citer qu’un seul point, le foyer d’un hôtel à La Haye coûte jusqu’à 14,000 francs, cela fait apprécier l’étendue des charges qui pèsent sur notre mission en Hollande. L’on comprend aussi que c’est surtout au moment de l’établissement d’une mission nouvelle qu’il convient que cette mission soit mise sur un pied convenable, et qu’elle reçoive au moins autant que d’autres missions de même rang.

M. de Brouckere – J’ai en effet reconnu, messieurs, que je m’étais trompé lorsque j’avais fixé à 25,000 florins le traitement alloué à la mission de La Haye à Bruxelles, et que réellement ce traitement s’élève à 28,000 florins ; mais cela ne change aucunement mon opinion sur la mission de Bruxelles à La Haye. Je me dispenserai de renouveler la comparaison faite entre le chef de la mission de Bruxelles et le chef de la mission de La Haye, l’on comprendra sans peine pourquoi je ne reviens pas sur ce point. Je répondrai seulement aux observations qui viennent d’être faites par M. le ministre. « La vie est plus chère à La Haye qu’à Bruxelles, dit-on, donc, nous devons mieux traiter notre envoyé à La Haye que l’envoyé de La Haye à Bruxelles n’est traité. » Admettez ce principe, messieurs, et demain l’on viendra vous demander pour notre ambassadeur à Londres 20 ou 25,000 francs de plus. « Mais, dit-on, ; c’est une mission nouvelle, il faut donc qu’elle soit plus largement rétribuée. » Vous savez , messieurs, que lorsqu’une fois un chiffre est fixé, le ministre ne consent jamais à aucune réduction ; si aujourd’hui vous accordez pour la mission de La Haye le chiffre de 60,000 francs demandé par le gouvernement, vous n’obtiendrez plus aucune réduction, et il faudra bien les années suivantes, voter le même chiffre. Je persiste donc dans l’opinion que j’ai émise et qui a été partagée par la grande majorité de la chambre, que les appointements de notre mission à La Haye ne doivent pas dépasser 50,000 francs.

M. le ministre de l'ntérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – De ce que nous demandons 60,000 francs pour la mission à La Haye, il ne suit nullement, messieurs, que nous soyons disposés à vous demander une majoration du chiffre de 80,000 francs qui est alloué pour la mission à Londres. Les dépenses de La Haye se rapprochent déjà beaucoup des dépenses de Londres ; ce fait m’a été attesté par des personnes qui connaissent parfaitement la chose.

Maintenant il ne s’agit point ici d’une question de personnes. Il s’agit d’une question de choses. Quelle est la proportion entre la cherté de la vie à Bruxelles et la cherté de la vie à La Haye ? certainement, messieurs, la différence est énorme ; elle est telle que le gouvernement des Pays-Bas a très bien pu avoir égard au rang d’ambassadeur qui a été occupé auparavant par son ministre à Bruxelles, en lui allouant une somme égale à celle que nous vous demandons pour notre envoyé à La Haye.

Nous persistons donc à demander l’adoption du chiffre que nous avons proposé.

M. Mast de Vries – Je n’appuierai pas, messieurs, le chiffre de 60,000 francs, puisque, d’après ce qui a été dit par l’honorable M. de Brouckere, l’envoyé de La Haye à Bruxelles ne touche que 28,000 florins, ce qui ne fait pas 60,000 francs ; je pense qu’il ne convient pas d’établir une différence entre l’envoyé de La Haye à Bruxelles et l’envoyé de Bruxelles à La Haye ; nous les jugerons plus tard tous les deux et nous verrons quel sera celui qui aura été le plus malin. Aujourd’hui il y aurait peut-être un terme moyen à adopter entre la proposition du gouvernement et celle de la section centrale ; je proposerai à la chambre d’adopter le chiffre de 55,000 francs.

M. de Brouckere – Je ne crois pas avoir parlé de la malice de l’envoyé de La Haye à Bruxelles, ni de celle de notre envoyé à La Haye ; et je ne ais pas, messieurs, où l’honorable M. Mast de Vries a été chercher l’observation qu’il a faites à cet égard. J’ai dit que l’envoyé de La Haye à Bruxelles est un ancien ambassadeur qui a joui d’un traitement de 90,000 florins ; or, je ne crois pas que l’honorable M. Mast de Vries, en attribuant toute la malice possible à notre envoyé à La Haye, puisse lui reconnaître le titre d’ambassadeur.

M. le ministre de la guerre (M. Willmar) – Je pense, messieurs, qu’il serait extrêmement à désirer que les questions de personnes fussent entièrement évitées, et qu’on ne se contentât pas de les retirer après les avoir soulevées. Je pense que le pays et les chambres doivent désirer d’établir autant que possible l’égalité entre des missions qui sont tout à fait de même nature. En admettant même que la qualité antérieure du ministre de La Haye à Bruxelles puisse être un motif pour qu’il existe une différence entre son traitement et celui de l’envoyé de Bruxelles à La Haye, je ferai remarquer à la chambre qu’avec le chiffre demandé par le gouvernement, la différence serait très réelle. Il est bien certain, en effet, que je n’exagère en aucune façon en disant qu’au moins la vie est d’un tiers plus chère à La Haye qu’à Bruxelles, et que par conséquent, les 60,000 francs (à quelques centaines de francs près) alloués au ministre de La Haye à Bruxelles en représentant réellement 80,000 à La Haye. Ainsi donc, messieurs, pour payer l’envoyé de Bruxelles à La Haye sur un pied de parfaite égalité avec l’envoyé de La Haye à Bruxelles, il faudrait lui donner au moins 80,000 francs. Le gouvernement n’a demandé que 60,000 francs, il a donc établi de prime abord une proportion convenable.

Je crois, messieurs, que la somme demandée n’est réellement pas trop forte, eu égard à la cherté de toutes choses et surtout des hôtels de La Haye.

M. le président – M. Mast de Vries a proposé de fixer le chiffre à 55,000 francs ; cet amendement est-il appuyé ?

M. le ministre de l'ntérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – J’appuierai le chiffre de 55,000 francs pour le cas où celui de 60,000 francs ne serait pas adopté.

- L’amendement est appuyé.

M. Desmet – Je n’appuierai point le chiffre de 55,000 francs ; à mon avis la somme de 50,000 francs est plus que suffisante. Est-ce que la mission de La Haye est plus importante que celle de Vienne, pour laquelle on n’alloue que 40,000 francs ? La preuve que le gouvernement n’attache pas une très grande importance à la mission de La Haye, c’est qu’il y a envoyé un très jeune diplomate. (Réclamations de MM. Les ministres et de plusieurs autres membres de la chambre.) Messieurs, je ne critique point les talents de notre envoyé, mais je dis qu’il est encore jeune en diplomatie.

On vient nous parler de la cherté des vivres, alors qu’on ne donne à l’envoyé de Madrid que 15 mille francs ; certainement la mission de Madrid est bien plus importante que celle de La Haye (nouvelles réclamations), surtout sous le rapport commercial.

Je pense donc, messieurs, que le chiffre de 50 mille francs est plus que suffisant.

M. le ministre de l'ntérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Personne ne mettra en doute que la mission de La Haye ne soit pour la Belgique une mission des plus importantes. Nous avons à établir de bonnes et intimes relations avec la Neerlande, nous avons surtout à y soigner des intérêts commerciaux d’une haute importance.

Quant au choix de la personne, je n’ai qu’à me féliciter de la proposition que j’ai faite au Roi, et j’ose dire que notre envoyé à La haye remplit pleinement l’attente du gouvernement.

M. Van Hoobrouck de Fiennes, rapporteur – Messieurs, je ne ferai aucune comparaison entre les personnes ; je considère aussi la mission de La Haye comme très importante ; mais je pense qu’un traitement de 50,000 francs suffit. Quelles que soient les connaissances que l’on suppose à notre ambassadeur à La Haye, et je suis fort disposé à croire ce que M. le ministre nous a dit à cet égard, il y a une foule de questions qui exigeront encore l’envoi de personnes ayant des connaissances spéciales, parce qu’il est impossible qu’un seul homme les traite toutes. Ce sera donc une ambassade qui nous coûtera fort cher. Je m’opposerai également à la somme de 55,000 francs, parce que je ne vois aucun motif pour donner un traitement plus élevé à notre ambassadeur à La Haye qu’à nos ambassadeurs à Berlin et dans d’autres capitales. Je crois devoir me borner à défendre le chiffre de 50,000 francs, qui a été voté une première fois à une grande majorité. (Aux voix ! aux voix !)

- Le chiffre de 60,000 francs, proposé en premier lieu par le gouvernement, est mis aux voix et définitivement rejeté.

Le chiffre de 55,000 francs est ensuite mis aux voix et est également rejeté. La chambre adopte ensuite définitivement le chiffre de 50,000 francs.

Article 7

La chambre confirme ensuite les amendements qu’elle a introduits à l’article 7 du chapitre II et à l’article unique du chapitre VIII.

Vote des articles et de l’ensemble du projet

La chambre adopte ensuite les deux articles du projet de loi, en ces termes :

« Art. 1er. Le budget du département des affaires étrangères, sur l’exercice 1840, est fixé à la somme de 1,136,500 francs, conformément au tableau annexé à la présente loi. »


« Art. 2. La présente loi sera obligatoire le lendemain de sa promulgation. »


Il est procédé à l’appel nominal sur l’ensemble de la loi.

En voici le résultat :

76 membres répondent à l’appel nominal.

55 répondent oui.

21 répondent non.

2 s’abstiennent.

Ont répondu oui : MM. Coghen, Cools, David, de Behr, de Florisone, de Man d’Attenrode, de Meer de Moorsel, F. de Mérode, W. de Mérode, Demonceau, de Nef, de Perceval, de Potter, de Roo, Desmet, de Terbecq, de Theux, Devaux, de Villegas, d’Hoffschmidt, d’Huart, Donny, Dubus (aîné), B. Dubus, Eloy de Burdinne, Jadot, Kervyn, Lejeune, Lys, Mast de Vries, Meeus, Metz, Milcamps, Morel-Danheel, Nothomb, Peeters, Pirmez, Polfvliet, Raikem, Raymaeckers, A. Rodenbach, Scheyven, Simons, Trentesaux, Ullens, Van Cutsem, Vandenhove, Vandensteen, Vanderbelen, Van Hoobrouck, Wallaert, Willmar, Zoude.

Ont répondu non : MM. Angillis, de Brouckere, de Langhe, Delehaye, de Renesse, Doignon, Dolez, Dumont, Dumortier, Fleussu, Lange, Liedts, Lys, Maertens, Manilius, Pirson, Puissant, Seron, Sigart, Troye, Vandenbossche et Verhaegen.

M. le président – MM. Dechamps et Dubois, qui se sont abstenus, sont invités, aux termes du règlement, à faire connaître les motifs de leur abstention.

La parole est à M. Dechamps.

M. Dechamps – Messieurs, je n’ai pu voter pour le budget des affaires étrangères, pour les motifs que j’ai déjà eu l’honneur d’énoncer, lors de la discussion générale des budgets. Je vous ai dit quelle importance que j’attachais à l’adjonction des affaires commerciales à ce département ; cette importance est telle à mes yeux que, si cette adjonction n’était pas effectuée, je regarderais la division des portefeuilles comme chose purement nominale et illusoire. M. le ministre des affaires étrangères et de l'ntérieur n’ayant pu, dans les séances précédentes, s’expliquer à cet égard, il m’est impossible de savoir, messieurs, de quelle espèce de département des affaires étrangères il s’agit dans ce budget, puisque je ne connais pas les attributions dont ce ministère sera composé. Un autre motif m’a engagé à ne pas voter pour ce budget, c’est l’absence du ministre des affaires étrangères. Je n’ai pas l’habitude de voter pour un budget, sans savoir à quelles mains j’en confie l’exécution ; dans l’opinion où je suis, ce serait un vote aveugle que j’aurais émis, et je n’ai pas voulu émettre un semblable vote. Mais je n’ai pas voulu voter contre, parce que plusieurs de nos honorables collègues, ayant voter contre, parce qu’ils ne veulent pas la création d’un sixième ministère, que je regarde moi comme chose essentielle…(Réclamations.) Plusieurs membres dans les séances précédents ont dit qu’ils regardaient la création d’un sixième ministère comme une superfétation ; comme je ne partage pas cette opinion, je n’ai pas voulu que mon vote fût associé au leur. Je n’ai pas voté contre.

M. Dubois – Messieurs, j’étais parmi ceux des membres de la chambre qui, il y a trois ans, lors de la discussion du budget des affaires étrangères ont protesté, par leur abstention, contre une dangereuse combinaison qui, en présence de circonstances graves et lorsqu’on s’y attendant le moins, réunit dans les mêmes mains les deux départements de l’intérieur et des affaires étrangères.

Avions-nous tort alors ? … mais non ; je ne vous entretiendrai pas, messieurs, des actes qui sont réalisés ; je ne reviendrai pas sur des faits qui ont été accomplis, qui ont été tristement consommés... Parlons-en le moins possible.

Maintenant que le ministère, par une demande officielle, nous donne hautement raison et revient à notre avis, quoique cette mesure soit bien tardive, quoiqu’il y ait des considérations sérieuses à exposer sur les formes qu’on y emploie, je déclare que, si je m’abstiens encore, ce n’est plus pour protester. Je veux voir comment se réaliseront les promesses qui sont faites. J’attends avec confiance que le ministère, en s’occupant à donner au gouvernement une consistance plus solide, plus homogène, n’aura d’autre pensée, d’autre but, que l’intérêt du pays, et qu’il prendra en considérations les conseils généreux et les graves questions de principes que divers membres de cette chambre ont fait valoir ; car je ne puis me résoudre à croire qu’on ait encore, cette fois, l’intention de nommer un ministre comme on nommerai un chef de division, un employé ordinaire.

Tels sont les motifs de mon abstention. Je ne suis guidé en cela, croyez-en, messieurs, à ma franchise, que par l’intérêt bien entendu du pays et du gouvernement.

Projet de loi qui ouvre au gouvernement un nouveau crédit pour construction de routes pavées et ferrées

Discussion des articles

Article premier

M. le président – Nous en sommes restés à l’article 1er.

M. Eloy de Burdinne – Messieurs, avant de voter cet article, je voudrais savoir de M. le ministre des travaux publics s’il ne serait pas possible de séparer la parte de ces bons du trésor qui est destinée aux routes empierrées et pavées. Je lui demanderai aussi, s’il est exact, comme l’a dit M. Milcamps, que l’état belge intervienne pour la somme de 4 millions dans les frais de construction du chemin de fer de notre frontière à Cologne. De sa réponse dépendra mon vote ; s’il me donne des apaisements, je voterai pour le projet, sinon je voterai contre. Je bornerai là mes observations.

M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb) – Messieurs, le projet de loi qui nous est soumis est extrêmement urgent. Je crois qu’il n’est pas convenable que je dise publiquement à quel point il est devenu urgent. Si donc je ne réponds pas en détail à toutes les questions qui m’ont été adressées dans la séance d’hier, ce n’est pas par un manque d’égard envers les honorables membres qui les ont faites ; c’est que je désire ne pas prolonger la discussion. C’est donc très succinctement que je dirai quelques mots.

La mesure qui vous est demandée a pour but de mettre le gouvernement à même d’exécuter des lois déjà votées. Ce n’est donc plus une loi de principe que vous discutez, c’est une loi d’exécution. Cette loi d’exécution comprend à la fois les routes ordinaires et le chemin de fer.

Quant aux routes ordinaires, l’emploi des fonds est indiqué dans le rapport du 12 novembre dernier, rapport maintenant imprimé et connu de tous les membres de cette chambre.

Je dirai, répondant à un honorable représentant du Limbourg que je ne désavoue pas les paroles que j’ai prononcées dans une mémorable discussion. Je crois que , pour le Limbourg et le Luxembourg, il faut faire tout ce que l’état financier du pays permettra. Mais ce n’est pas là l’œuvre d’un jour, c’est l’œuvre de nombreuses années. Quant au chemin de fer, je puis dire à la chambre que les études sont tellement avancées qu’il ne reste plus guère que deux questions à décider : la question du passage par Verviers, et la question du passage par Charleroy. J’espère que, pour le printemps prochain, toutes les sections du chemin de fer seront adjugées.

Dans d’autres occasions impérieuses, j’ai expliqué les motifs du retard dans l’exécution du chemin de fer dans le Hainaut. Ces motifs ont cessé, quant à la ligne principale. Dans deux ans (je réponds ici à un honorable député de Mons), il y a aura d’exécuté, dans le Hainaut, non seulement les 13 mille mètres adjugés avant-hier, mais nous toucherons à l’exécution complète du chemin de fer. Le souterrain de 400 mètres environ, entre Hennuyères et Soignies, ne retardera pas l’ouverture du chemin de plusieurs années comme on l’a dit ; car, on me le fait espérer, la construction de ce souterrain n’exigera que 15 mois.

L’honorable membre qui a clos notre séance d’hier a prononcé un discours qui je pourrais qualifier de protestation contre le chemin de fer, discours auquel j’ai répondu à l’avance en disant que ce n’est pas une loi de principe qui vous est soumise, mais une loi d’exécution. Ce n’est pas légèrement que le gouvernement s’est décidé à ne pas faire passer le chemin de fer à Nivelles. Je comprends les regrets de l’honorable membre, et je dois dire que, personnellement, cette résolution m’a beaucoup coûté. Je comprends ces regrets ; mais ce n’est pas le seul déplacement d’intérêt que le chemin de fer a opéré dans le pays. Je dois le dire, car je suis le confident de bien des infortunes.

Peut-être jamais travaux d’utilité publique n’ont-ils amené d’aussi vastes déplacements d’intérêts. Ce n’est pas seulement de Nivelles qu’il s’agit, mais de Boom, de Contich, d’Alost, et de tant d’autres localités représentées ou non dans cette chambre. Ce n’est pas seulement de localités qu’il s’agit, mais d’une masse d’intérêts individuels que je m’abstiens d’énumérer, et qui s’adressent au gouvernement.

L’avenir, et je le souhaite, nous mettra peut-être à même de trouver des compensations en faveur des localités dépossédées.

J’arrive, en finissant, aux deux questions que l’honorable M. Eloy de Burdinne a bien voulu me soumettre aujourd’hui. Quant à la seconde, celle de l’intervention du gouvernement dans la construction du chemin de fer de Cologne à la frontière belge, je dirai que cette intervention en peut avoir lieu qu’en vertu d’une loi, que dès lors, par le vote d’aujourd’hui, vous ne préjugez rien à cet égard. La question d’intervention ou de non intervention se trouvant subordonnée au vote d’une loi subséquente, cette question en peut pas être un motif aujourd’hui pour voter contre la loi proposée.

Quant à la première question, celle de la possibilité de la séparation, de la répartition des fonds entre les routes ordinaires et le chemin de fer, je répondrai que cette répartition, cette séparation est impossible. Il est impossible, en effet, de dire quelle sera la somme qui sur les 12 millions demandés, sera employée à l’acquittement des engagements pris relativement aux sommes dues pour construction de routes. Cette imputation se fera d’après les besoins respectifs, aussi longtemps que la somme de 12 millions ne sera pas épuisée. On ne pourrait indiquer qu’un chiffre approximatif, et encore on s’exposerait ou à en indiquer un trop faible, ce qui entraînerait une insuffisance, ou à en indiquer un trop élevé, ce qui laisserait de l’argent non employé, deux inconvénients qu’il faut également éviter.

M. Desmet – Je me proposais d’appuyer les observations de M. Milcamps ; mais j’attendrai, pour le faire, la discussion de l’article des dépenses du chemin de fer pour 1840. Je suis heureux que le ministre des travaux publics reconnaisse qu’il y aura une réparation à faire aux intérêts commerciaux froissés par la construction du chemin de fer. Il y en a beaucoup ; c’est une chose que personne ne peut méconnaître. On peut même dire que le chemin de fer est une cause du malaise qui affecte le pays. (Exclamations !) C’est mon opinion, et consultez le pays, on vous le ira partout. Je demanderai que le ministre veuille songer à un projet de réparation au moyen de subsides qu’allouerait le gouvernement pour construction de canaux et de routes importantes dans l’intérêt des localités lésées par le chemin de fer.

Je reviendrai sur ce point, quand il sera question des dépenses du chemin de fer.

M. Milcamps – A entendre le ministre des travaux publics, il semblerait que j’aurais, dans la séance d’hier, attaqué le principe de la loi qui décrète le chemin de fer ; nullement, messieurs, et j’ai eu soin d’en avertir la chambre ; mais j’ai attaqué le mode suivi pour l’exécution de la loi, les directions du chemin de fer qui appartiennent à l’exécution de la loi.

Je ne puis admettre la comparaison que l’on fait de la ville d’Alost avec la ville de Nivelles, car ce n’est pas dans l’intérêt de la ville de Nivelles que je me suis exprimé, mais du district de Nivelles tout entier privé des avantages du chemin de fer.

Je remercie M. le ministre des travaux publics de sa déclaration, que l’on pourra trouver dans l’avenir des moyens de compensation pour les localités privées des avantages du chemin de fer, et j’espère que la chambre n’oubliera pas les paroles rassurantes du ministre qui ne seraient qu’une déception, si elles n’étaient suivies d’aucun effet.

M. Eloy de Burdinne – Je sais que la demande du crédit dont il s’agit, a pour but l’exécution d’une loi adoptée. Mais lorsqu’il a été question de cette loi, on en vous a pas dit que la dépense s’élèverait à 150 millions. Quand, dans la première discussion, j’ai parlé de 100 millions, on n’a pas voulu me croire, on m’a taxé d’exagération. Aujourd’hui que le chemin n’est pas achevé, on avance que la dépense ira à 110 millions ; c’est au moins ce que M. Milcamps a dit hier dans son discours.

Eh bien, je ne sais trop si ces 110 millions de francs suffiront, ou plutôt, je suis persuadé qu’ils ne suffiront pas. Alors, il est urgent d’arrêter cet élan qui nous mènera je ne sais où, et qui bouleversera les finances du pays, ce que je voudrais éviter. C’est pourquoi j’aurais voulu que l’on séparât les dépenses du chemin de fer de celles des routes empierrées, car je m’aperçois que toute la sollicitude, non seulement du gouvernement, mais encore d’un grand nombre de membres de la chambre, est pour le chemin de fer, tandis que les routes empierrées n’ont à leurs yeux qu’une importance secondaire. On ajourne sans cesse la construction de routes empierrées. S’agit-il du chemin de fer, tout le corps des ponts et chaussées est de suivre en mouvement pour s’en occuper ; pour les routes empierrées, il n’est jamais disponible.

Lorsque j’ai demandé à M. le ministre des travaux publics s’il entrait dans les intentions du gouvernement de subvenir aux frais de la construction du chemin de fer de Cologne à la frontière belge, ce n’est pas que j’ignore qu’il faille, pour une telle dépense, l’autorisation des chambres ; mais je crois qu’il serait bon de connaître l’intention du gouvernement et de savoir si le gouvernement veut contribuer pour une somme de 4 millions aux frais de construction d’une route à l’étranger. A cet égard, M. le ministre des travaux publics n’a rien dit. Il a dit qu’il était impossible de séparer les fonds affectés à la construction des routes empierrées de ceux affectés au chemin de fer. Je ne conçois pas cette impossibilité ; puisqu’il s’agit d’une émission de bons du trésor, et que l’émission n’a lieu que quand on a des paiements à faire. Si cette séparation, qui n’offre aucune difficulté, n’est pas faite, je me verrai forcé de voter contre le projet de loi.

M. Demonceau, rapporteur – La section centrale vous a dit dans son rapport, que, dans son opinion, lorsque vous avez voté la loi de 1834, vous avez prévu d’avance qu’il faudrait un emprunt. En effet, vous n’avez pu entendre exécuter un acte aussi grandiose avec les ressources ordinaires de l’état.

Je ne partage pas l’opinion que l’on a exprimée, que le chemin de fer finisse pas être une mauvaise opération. Mais, en supposant même qu’il en fût ainsi, le pays en retirerait de tels avantages que nous n’aurions pas, à cet égard, des regrets à former.

J’entends dire auprès de moi que je m’exprime ainsi parce que Verviers profite du chemin de fer. Je suis vraiment peiné d’entendre tenir un tel langage, alors que je ne demande pour Verviers que l’exécution de la loi. Certes, messieurs, lorsque vous avez voté le système des chemins de fer, vous avez été préoccupés d’une idée bien autrement grandiose que l’intérêt d’un ville ou d’un district de la Belgique. Vous avez voulu lier l’Escaut au Rhin. Et pour cela je ne sais comment on aurait pu faire passer le chemin de fer ailleurs que par le district de Verviers, qui est frontière prussienne. Il fallait de toute nécessité qu’on passât par Verviers ou à côté de Verviers. Vous voyez donc que ce n’est pas dans l’intérêt de Verviers que le chemin de fer a été décrété.

Je dirai un mot en réponse à M. Eloy de Burdinne. Cet honorable membre voudrait qu’on séparât les fonds affectés aux routes empierrées de ceux affectés au chemin de fer. Mais M. le ministre des travaux publics vous a prouvé qu’il y avait impossibilité de faire une pareille distinction ; Au reste, si M. Eloy de Burdinne tient à l’exécution des lois votées dans le but de pourvoir à la construction des routes empierrées, il votera alors avec moi l’allocation demandée. Je vais en donner le motif. Vous savez que la loi par laquelle vous avez consacré deux millions à la construction de routes empierrées n’a pas reçu d’exécution, parce que vous n’aviez pas voté au budget des voies et moyens les fonds nécessaires pour faire face à cette dépense. Ces deux millions ont été votés à la condition expresse que les particuliers, les villes ou les provinces contribueront pour une partie aux frais de construction de ces routes. Eh bien, en votant ce crédit, la section centrale, d’accord avec le gouvernement, a eu soin de stipuler que, dans les 12,000,000 de bons du trésor qu’on autorise le gouvernement à émettre, il y aura une somme affectée pour l’exécution de la dernière loi. Je pense que l’honorable M. Eloy de Burdinne comprendra qu’en refusant son vote à la loi en discussion, il empêcherait l’exécution d’une loi qu’il veut voir exécuter ; car, sans ce crédit, il ne sera pas possible de profiter des fonds offerts par des particuliers, des communes ou des provinces qui voudraient contribuer à la construction de routes pavées.

Je pense avoir justifié la proposition de la section centrale ; ainsi je m’arrête.

M. Eloy de Burdinne (pour un fait personnel) – L’honorable préopinant m’a nommé et a semblé vouloir me mettre en contradiction avec moi-même. Il n’en est rien. J’ai voté la loi de deux millions, et je persiste dans mon opinion. Maintenant je voudrais que ces deux millions fussent désignés dans la loi en discussion ; il n’y a là aucune inconséquence, et cela ne présente aucune difficulté, puisqu’on n’émettra les bons du trésor qu’à mesure qu’on en aura besoin.

M. F. de Mérode – On engage sans cesse M. le ministre des travaux publics à faire terminer, dans le plus bref délai possible, l’exécution de notre système de chemins de fer. Je pense que c’est à tort. Je crois, moi, qu’il l ne faut pas prodiguer les millions d’une manière trop prompte, ni tout dépenser en peu de temps. Ces grands travaux ne peuvent pas toujours durer, il est impossible de les continuer indéfiniment ; je trouve qu’il ne serait pas mal de continuer les travaux avec plus de lenteur.

M. Dolez – Je suis loin de partager les opinions de l’honorable préopinant sur l’utilité de retarder les travaux du chemin de fer. Je crois que l’intérêt du trésor exige au contraire qu’on l’accélère. Les capitaux dépensés ne seront réellement productifs que quand le pays entier se rattachera à notre système de chemin de fer. A l’heure qu’il est, deux provinces, celles de Namur et du Hainaut, en sont tout à fait à l’écart. De ces deux provinces doivent venir des éléments de richesses et de succès. Si l’honorable M. de Mérode les connaissait mieux, loin de vouloir retarder l’exécution du chemin de fer, il la hâterait de tous ses vœux. Ces vœux, je les exprime ici, et j’ai la confiance que j’ai l’adhésion de la plus grande majorité de cette chambre. J’engage donc M. le ministre des travaux publics à continuer à imprimer aux travaux du chemin de fer l’activité qu’il commence à leur donner et à leur imprimer une activité nouvelle, s’il est possible.

J’espère que la chambre appuiera plutôt mes paroles que celles de l’honorable M. F. de Mérode. (Adhésion.)

M. Dumortier – J’avais demandé la parole afin de convaincre l’assemblée combien il serait préjudiciable au trésor public de procéder lentement dans ce qui reste à faire au chemin de fer. Il faut délibérer lentement, mais exécuter rapidement, ; pourquoi ? parce qu’une fois que les capitaux sont engagés, il faut les rendre productifs. Vous en payez l’intérêt, ayez-en promptement le revenu.

A cet égard je ferai remarquer que les routes du Hainaut qui restent à faire seront très utiles au chemin de fer. Au nombre des routes qui existent, il y en a qui ne rapportent pas grand’chose. Par exemple, pourquoi s’est-on empressé de construire la route de Landen à Saint-Trond, qui est fréquentée par quatorze ou quinze voyageurs par jour ? Il est vrai que cette route conduit près d’un château d’un de nos ministres, et que, sous ce point de vue, elle n’est pas sans intérêt ; mais, sous le point de vue de l’intérêt public, elle n’a pas l’importance de beaucoup d’autres routes qui ne sont même pas commencées.

Pas un seul rail n’est posé dans la province du Hainaut ; il faudra dix ans pour y terminer la section centrale du chemin de fer, a dit le ministre ; il est temps de songer à cette province. Les autres provinces ont des chemins de fer qui marchent très bien ; cependant le Hainaut paie chaque année le cinquième de l’impôt ; c’est ce que l’on ne sait pas assez dans cette assemblée. Néanmoins aucune dépense importante n’est faite dans cette province. La plupart des canaux qui y sont ont été faits par concession. Celui de Condé a été construit sous l’empire, au moyen de centimes additionnels. Ceux qu’on y a achetés donnent des revenus. Quand les capitaux sont productifs, ce n’est pas un reproche qu’on doit adresser à la province, puisque les revenus qu’on y recueille servent à faire des dépenses dans les autres localités.

Je suis loin de vouloir, comme M. de Mérode, qu’on ralentisse les travaux ; il faut les activer ; et, malgré mon aversion pour les bons du trésor, je les voterai.

- La chambre ferme la discussion sur l’article premier, et il est mis aux voix.

« Art. 1er. Il est ouvert au gouvernement un crédit de douze millions de francs.

« L’emploi de ce crédit se fera conformément aux dispositions mentionnées au n°3 de l’article 3 de la loi du 18 juin 1836 (Bulletin officiel n)327), dans la proportion des besoins respectifs des travaux du chemin de fer décrété par les lois du 1er mai 1834 (Bulletin officiel n°330) et du 26 mai 1837 (Bulletin officiel, n°131), et des routes pavées et ferrées dont l’exécution a été autorisée par les lois du 2 mai 1836 (Bulletin officiel n°213) et du 2 juin 1838 (Bulletin officiel n°204). »

- Adopté.

Article 2

« Art. 2. Ce crédit sera couvert, au fur et à mesure des besoins, par une émission de bons du trésor qui sera effectuée selon les conditions de la loi du 16 février 1833 (Bulletin officiel, n°157) »

Adopté.

Vote sur l’ensemble du projet

Comme cette loi n’a pas été amendée, on passe au vote par appel nominal sur son ensemble.

68 membres son présents.

66 votent l’adoption.

2 votent le rejet.

En conséquence, la loi est adoptée et sera transmise au sénat.

Ont voté l’adoption : MM. Angillis, Coghen, Cools, David, de Behr, de Brouckere, de Florisone, de Langhe, Delehaye, de Man d’Attenrode, de Meer de Moorsel, F. de Mérode, W. de Mérode, Demonceau, de Nef, de Perceval, de Potter, de Renesse, de Roo, Desmaisières, de Terbecq, de Theux, de Villegas, d’Hoffschmidt, d’Huart, Dolez, Donny, Dubois, Dubus (aîné), B. Dubus, Dumont, Dumortier, Fleussu, Jadot, Kervyn, Lange, Lejeune, Lys, Maertens, Mast de Vries, Meeus, Mercier, Metz, Morel-Danheel, Nothomb, Peeters, Pirmez, Pirson, Polfvliet, Puissant, Raikem, Raymaeckers, A. Rodenbach, Scheyven, Sigart, Simons, Trentesaux, Troye, Ullens, Van Cutsem, Vandenbossche, Vandenhove, Vanderbelen, Verhaegen, Wallaert et Zoude.

Ont voté le rejet : MM. Milcamps et Seron.

La séance est levée à quatre heures et demie.