Accueil Séances Plénières Tables des matières Biographies Livres numérisés Note d’intention

Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 11 février 1840

(Moniteur belge n°43 du 12 février 1840)

(Présidence de M. Fallon)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. B. Dubus procède à l’appel nominal à douze heures ½ ; il lit ensuite le procès-verbal de la séance précédente, dont la rédaction est adoptée, et il rend compte des pièces adressées à la chambre :

Pièces adressées à la chambre

« Des habitants des communes de Graux et Denée demandent l’achèvement de la route de Ligny à Denée. »

« Des distillateurs cultivateurs et bouchers de Gand et environ demandent une diminution des droits à l’entrée sur le bétail venant de la Hollande. »

« Le sieur Ives Castel, meunier, et la veuve Versaillie, meunière à Ypres, demandent la déplantation de quelques arbres situés sur la route de première classe d’Ypres à menin, en faveur de leur moulin et moyennant une indemnité. »

- Ces pétitions sont renvoyées à la commission.


« Des habitants du canton de Nederbrackel demandent que le gouvernement vienne en aide à l’industrie linière. »

M. Delehaye – Déjà, messieurs, vous avez été saisis de pétitions de la même nature que celle dont on vient nous présenter l’analyse ; l’honorable M. Van Cutsem avait fait un rapport sur ces pétitions ; il avait demandé le renvoi au gouvernement avec prière de présenter à la chambre un projet de loi sur la matière, s’il le jugeait convenable. La chambre n’a pas adopté cette seconde partie des conclusions du rapport, mais elle a renvoyé purement et simplement à MM. les ministres de l’intérieur et des finances les pétitions dont il s’agissait. Je pense que par là la chambre a commis un véritable déni de justice ; j’ai pris communication d’une de ces pétitions qui porte la signature des membres du conseil communal d’une commune fort importante et de beaucoup de membres du clergé ; dans cette pétition il est dit que le gouvernement, soit par ignorance des intérêts des Flandres, soit par insouciance pour ces intérêts, a jusqu’ici refusé de prendre une mesure quelconque. Je pense donc, messieurs, que, pour faire connaître aux pétitionnaires les bonnes intentions que le gouvernement peut avoir encore à leur égard, il conviendrait de renvoyer la pétition à MM. les ministres de l’intérieur et des finances avec prière de nous dire quelles sont les vues du gouvernement sur l’objet de cette pétition, quelles sont les mesures qui pourraient être prises, avec prière de nous dire encore si réellement la position de l’industrie linière est aussi critique que le prétendent les pétitionnaires.

M. Dubus (ainé) - Je désirerais savoir quelle est la résolution que la chambre a prise relativement aux pétitions sur lesquelles il a été fait rapport précédemment.

M. le président – Elles ont été renvoyées purement et simplement à MM. les ministres de l’intérieur et des finances.

M. Dubus (aîné) – Il ne me semble pas, messieurs, qu’il y ait lieu de prendre pour le moment une autre décision, à moins qu’on ne renvoie d’abord la pétition à la commission. Car des résolutions de cette nature ne peuvent pas être improvisées ; elles doivent être le résultat d’un examen convenable.

M. Delehaye – Je ferai remarquer à la chambre que la commission n’avait pas seulement proposé le renvoi à MM. les ministres, elle avait proposé, en outre, que le gouvernement fût invité à présenter un projet de loi, s’il le jugeait convenable ; cette dernière partie des conclusions ne fut pas adoptée, parce que la chambre a cru qu’elle ne pouvait pas imposer au gouvernement l’obligation de présenter un projet de loi. On n’a pas songé alors à proposer une autre conclusion, qui pût amener le même résultat ; c’est pour réparer cette espèce d’oubli, que je propose, aujourd’hui, de demander des explications au gouvernement.

M. de Foere – Je pense, messieurs, qu’il n’y a aucun inconvénient à adopter la proposition de l’honorable M. Delehaye. Les autres pétitions sur la même matière ont été renvoyées à MM. les ministres de l’intérieur et des finances ; si on leur renvoie encore celle-ci, ce sera un document, un renseignement de plus pour mettre MM. les ministres à même de prendre une décision sur l’objet de ces pétitions.

- Le renvoi de la pétition à MM. les ministres de l’intérieur et des finances est mis aux voix et adopté.

La proposition de demander des explications est ensuite mise aux voix ; elle n’est pas adoptée.

M. de Foere – La proposition de M. Delehaye consiste à demander des explications sur la pétition dont il s’agit. Je demanderai à MM. les ministres s’ils se proposent de donner des explications sur toutes les pétitions qui, dernièrement, leur ont été renvoyées par décision de la chambre.

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Le gouvernement se propose de donner des explications à la chambre aussitôt que les faits allégués dans les diverses pétitions auront été vérifiés.

M. Delehaye – Je puis difficilement concilier ce que vient de dire M. le ministre de l’intérieur avec son vote de tout à l’heure. Si M. le ministre se propose de donner des explications, pourquoi s’est-il levé contre une proposition qui n’avait d’autre objet que de lui demander ces explications ?

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Il est tout simple, messieurs, que nous ayons voté contre une demande d’explications faite d’une manière irrégulière ; une semblable demande ne pouvait être faire régulièrement que par l’intermédiaire de la commission des pétitions.

M. de Foere – Je demande à M. le ministre si, après avoir examiné tous les renseignements sur la questions des lins, renfermés dans les pétitions, il se propose de faire une proposition à la chambre ? Depuis huit ans, des documents nombreux sur cet objet ont été envoyés chaque année au gouvernement et à la chambre, et jusqu’ici, il n’en est rien résulté, aucune suite n’a été donnée à toutes les pétitions qui ont été présentées sur ce sujet à la législature et au gouvernement.

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Messieurs, si le gouvernement estime qu’il y a lieu de faire une proposition, il prendra l’initiative ; mais s’il estime qu’il n’y a pas lieu de faire une proposition, il n’en fera pas. Je ferai d’ailleurs remarquer que la chambre est déjà saisie d’une proposition qui a été faire par l’honorable M. de Foere depuis plusieurs années.


M. B. Dubus donne communication d’un message du sénat qui l’informe la chambre qu’il a adopté le projet de loi contenant le budget de la marine.

- Pris pour notification.

Projet de loi relatif aux chemins vicinaux

Discussion des articles

Chapitre II. De l’entretien et de l’amélioration des chemins vicinaux

Article 13 (article 12 de la section centrale)

M. Dubois – Je demande la permission à la chambre de présenter un amendement sur l’article 13 qui a été discuté hier ; cet amendement serait renvoyé à la section centrale.

- La chambre, consultée, autorise M. Dubois à présenter son amendement.

M. Dubois – Je n’ai appris que ce matin, messieurs, que la chambre avait renvoyé à la section centrale divers amendements qui ont été présentes dans différentes séances sur l’article 13 ; depuis longtemps j’avais prévu qu’il en serait ainsi, car il me semblait que l’article 13 tel qu’il était formulé par la section centrale et par le gouvernement ne pouvait pas être adopté ni même amendé. Ce qui manque à l’article 13, c’est une distinction qui est indispensable d’après la nature même des chemins vicinaux. Il y a, pour ainsi dire, autant d’espèces de chemins vicinaux qu’il y a de localités différentes. C’est cette diversité qui m’a engagé à présenter l’amendement dont je vais donner lecture et que je prierai la chambre de vouloir renvoyer aux méditations de la section centrale. Je déclare franchement que cet amendement ayant été rédigé à la hâte, contiendra peut-être bien des imperfections, mais je crois qu’au fond il contient des choses très utiles et qui sont d’une application constante aux chemins vicinaux. Voici, messieurs, cet amendement :

« Les chemins vicinaux sont divisés en trois catégories :

« 1° Les sentiers ;

« 2° Les chemins appartenant à des particuliers ou à des corporations, mais chargés d’une servitude quelconque ;

« 3° Les chemins vicinaux proprement dits : ceux qui traversent une contrée de part en part et mènent d’un canton ou d’une commune à une autre.

« Administration.

« 1° L’entretien et la réparation des sentiers incombent au propriétaire du fonds sur lequel ils sont situés. Ces propriétaires restent soumis à la surveillance administrative de la commune sur laquelle sont situés les sentiers.

« 2° Les chemins de la deuxième catégorie resteront soumis aux conditions de leur établissement, ou aux usages qui y ont été établis, sous la surveillance et le contrôle de l’autorité administrative du lieu où ils se trouvent.

« 3° § 1er. Chaque arrondissement administratif sera, d’après son étendue, divisé en cantons dits vicinaux ou de chemins vicinaux.

« § II. Il sera nommé pour chaque canton vicinal un commissaire cantonal qui sera soumis au commissaire d’arrondissement.

« Le commissaire cantonal sera chargé de la surveillance des chemins du canton et fera exécuter les travaux ordinaires d’amélioration et de réparation.

« Il pourra, sur l’avis du conseil général, être chargé des travaux extraordinaires.

« Il jouira d’un traitement fixe, prélevé sur les contributions prises pour l’entretien et l’amélioration des chemins.

« § III. Tous les ans, à une époque fixée par la loi, aura lieu, au chef-lieu du canton, une assemblée générale, réunie sous la présidence du commissaire d’arrondissement, et formée par la réunion des membres pris au sein du conseil communal de chaque commune du canton, qui auront le droit de déléguer quelqu’un d’entre eux à cet effet.

« L’assemblée nommera son secrétaire.

« Le commissaire cantonal y assistera comme rapporteur.

« § IV. Un mois avant la réunion de cette assemblée, les autorités communales et des villes seront chargées d’envoyer au commissaire d’arrondissement le tableau des travaux de réparation et d’amélioration à faire aux chemins de leurs communes respectives, accompagné d’un devis d’estimation.

« § V. Le commissaire d’arrondissement soumettra les demandes des communes au conseil général, qui statuera.

« § VI. Le conseil votera les sommes nécessaires aux travaux à faire dans le courant de ‘exercice suivant. Il fixera le taux des centimes additionnels à prélever sur les contributions.

« §VII. Chaque année, à l’ouverture de la séance, le commissaire d’arrondissement rendra compte à l’assemblée générale des réparations et améliorations faites et des travaux exécutés durant l’exercice précédent.

« § VIII. L’assemblée générale aura le droit de surveiller et de critiquer la surveillance réservée aux administrations communales sur les sentiers et autres servitudes. En cas de négligence de celle-ci, elle pourra s’adresser à l’autorité supérieure pour en obtenir les rectifications ou les améliorations qu’elle croirait utiles.

« § IX. Toutes les opérations de ces assemblées seront soumises à la députation permanente des états de la province, qui arrêtera définitivement les comptes, fixera l’impôt et rendra exécutoires les devis des travaux qui leur seront soumis. »

Voilà la proposition que j’ai l’honneur de soumettre à l’assemblée, et dont je demande le renvoi à la section centrale.

M. le président – Quelle est la partie de votre proposition qui s’applique à l’article 13 ?

M. Dubois – Toute ma proposition s’applique à l’article 13.

M. Dubus (aîné) – Messieurs, sous couleur d’un amendement à l’article 13 ; c’est à peu près un nouveau projet de loi qui est présenté par l’honorable membre. Il y a une partie des dispositions qui sont évidemment destinées à remplacer l’article premier, dont la chambre a voté la suppression ; et la chambre a voté cette suppression parce qu’elle a décidé qu’on ne définirait pas le chemin vicinal. Maintenant, l’honorable membre propose une division par catégories, avec une définition du chemin vicinal qui rentre dans chacune de ces catégories. C’est évidemment remplacer l’article 1er que la chambre a supprimé, par le motif qu’il était dangereux de donner une définition. Si, au second vote, la chambre juge convenable de changer cette disposition, elle le fera ; mais il ne me semble pas qu’on puise charger la section centrale de refaire l’article 1er ; ce serait contraire à la décision que la chambre a prise.

Il y a une partie de l’amendement qui paraît pouvoir s’appliquer à l’article 26 du projet du gouvernement, ou à l’article 31 du projet de la section centrale ; cet article admet que les règlements provinciaux pourront instituer des agents voyers ; si j’ai bien compris la proposition, l’honorable membre veut en instituer par la loi. Quand on viendra à l’article 31, on traitera ce point.

Je ne m’oppose pas au renvoi de la proposition à la section centrale dès que ce renvoi n’a lieu qu’à titre de renseignement ; mais je m’opposerai à ce renvoi, s’il a pour but d’inviter la section centrale d’embrasser l’ensemble de ces nouvelles dispositions dans son rapport, car ce serait, en quelque sorte, renvoyer toute la loi à refaire par la section centrale.

M. Dubois – Messieurs, je pense que ma proposition, si elle ne remplace pas l’article 13, doit au moins y trouver sa place. Nous avons voté les premiers articles de la loi qui ne sont que des dispositions générales. Nous arrivons maintenant au chapitre II qui traite de l’entretien et de l’amélioration des chemins vicinaux. Or, quelle est ma proposition ? c’est une proposition qui a pour but de poser des règles pour l’entretien et l’amélioration des chemins vicinaux. C’est donc au chapitre II que ma proposition doit trouver sa place. Je pense donc que j’ai eu raison de demander le renvoi de mon amendement à la section centrale, alors que la section centrale s’occupe de l’article 13. L’article 13 dit d’une manière générale, que les chemins vicinaux seront entretenus par les communes ; mon amendement dit non, les chemins vicinaux seront entretenus par des assemblées de canton ; l’article 13 énonce un système, mon amendement en propose un autre ; ma proposition vient donc ici à propos.

Je prierai donc la chambre de renvoyer mon amendement aux méditations de la section centrale. La section centrale examinera la question préalable qui a été soumise par l’honorable M. Dubus. Si elle trouve que M. Dubus a eu raison de demander la question préalable, elle mettra mon amendement de côté ; mais si elle trouve que la proposition de l’honorable M. Dubus n’est pas admissible, elle fera alors son rapport à la chambre.

- L’amendement est appuyé. La chambre en ordonne le renvoi à la section centrale.

M. le président – La chambre a chargé le bureau de compléter la section centrale à laquelle on a renvoyé les amendements proposés à l’article 13 ; le bureau a complété la section centrale, en nommant MM. de Behr et d’Huart.

Articles 14 et 15 du projet du gouvernement (articles 13 et 14 du projet de la section centrale)

M. le président – Nous passons à l’article 14 du projet du gouvernement. Je proposerai à la chambre de discuter en même temps l’article 15, non seulement à cause de la connexité de ces deux articles, mais encore parce que la chambre a à statuer sur plusieurs amendements qui embrassent ces deux articles. Voici comment sont conçus les articles 14 et 15 du projet du gouvernement :

« Art. 14. En cas d’insuffisance des ressources communales, il est pourvu aux dépenses des chemins vicinaux de la manière déterminée ci-après.

« Art. 15. Chaque année, avant le mois de janvier, le conseil communal fait dresser le devis estimatif des travaux et en répartit le montant sous l’approbation de la députation du conseil provincial :

« 1° sur les habitants au marc le franc des contributions directes payées dans la communes ;

« 2° Sur les chevaux, bêtes de sommes ou de trait tenus dans la commune, et sur les voitures.

« La députation fera annuellement, au conseil provincial, un rapport détaillé et raisonné sur les dépenses faites pour les chemins vicinaux, et sur la proposition qui aura été fixée suivant les communes, entre les deux bases de la contribution. »


Art. 13 du projet de la section centrale

« En cas d’insuffisance des revenus ordinaires de la commune, autres que ceux provenant de répartitions personnelles, il est pourvu chaque année aux dépenses des chemins vicinaux au moyen :

« 1° D’une prestation de deux journées de travail à fournir par chaque chef de famille ou chef d’établissement payant au moins trois francs de contributions directes ;

« 2° D’une prestation de trois journées de travail à fournir par le propriétaire, usufruitier ou détenteur, par chaque cheval, bête de somme, de trait et de selle, charrette et voiture attelée au service de la famille ou de l’établissement dans la commune.

« La prestation à fournir sur les chevaux et autres bêtes, ainsi que sur les charrettes et voitures employées exclusivement à l’agriculture, ne pourra être que du tiers de celle qui sera fournie sur les bêtes, voitures et charrettes employées à un autre usage.

« 3° De centimes spéciaux en addition à la cote des contributions directes payées dans la commune, patente comprise.

« Ces centimes spéciaux contribueront toujours pour un tiers au moins dans la dépense ; si le montant des prestations imposées d’après les deux premières bases excède les deux autres tiers, elles concourront par part égale. »

« Article 14. Chaque année, avant le mois de janvier, le conseil communal fait dresser le devis estimatif des travaux et en détermine le montant sous l’approbation de la députation du conseil provincial.

« La députation fera annuellement, au conseil provincial, un rapport détaillé et raisonné sur les dépenses faites pour les chemins vicinaux, et sur la proportion qui aura été fixée suivant les communes entre les trois bases de la contribution. »


Le travail de la section centrale ainsi que le projet du gouvernement ont été renvoyés à l’avis des conseils provinciaux. Les conseils provinciaux ont transmis leurs observations qui ont été renvoyées à la section centrale, pour qu’elle en fît l’analyse et qu’elle proposât, s’il y avait lieu, des modifications à son travail primitif. La section centrale, après avoir examiné les avis des conseils provinciaux, a effectivement apporté quelques modifications à son premier travail. En ce qui concerne les deux articles dont je viens de donner lecture, elle a proposé de les amender de la manière suivante : elle demande qu’on supprime dans l’article 13 nouveau ces mots « autres que ceux provenant de répartitions personnelles. » La section centrale propose d’ajouter à ce même article le paragraphe suivant :

« Sous la dénomination de revenus ordinaires de la commune ne sont pas comprises les répartitions personnelles faites sur les habitants, ni les coupes de bois délivrées en nature aux habitants pour leur affouage. »

Lors de la première discussion, deux amendements avaient été présentés, l’un par M. Corneli, et l’autre par M. Vandenbossche. Ces deux amendements, dont le texte se trouve à la page 126 du recueil que chacun de vous a sous les yeux, ont été renvoyés à la section centrale qui n’a admis ni l’une ni l’autre de ces deux dispositions. Depuis lors deux amendements sont parvenus au bureau, l’un de la part de M. Lebeau, et l’autre de la part de M. de Garcia. Voici l’amendement de M. Lebeau :

« En cas d’insuffisance des revenus ordinaires de la commune, il est pourvu chaque année, aux dépenses des chemins vicinaux, au moyen :

« 1° D’un rôle de prestation de deux journées de travail, à acquitter en argent par chaque chef de famille ou d’établissement payant au moins trois francs de contributions directes ;

« 2° D’un rôle de prestation de trois journées de travail, payable en argent par le propriétaire, usufruitier ou détenteur, par chaque cheval bête de somme, de trait et de selle, charrette, tombereau et voiture attelée au service de la famille ou de l’établissement dans la commune.

« La prestation à payer sur les chevaux et autres bêtes, ainsi que sur les charrettes, tombereaux et voitures, exclusivement employés à l’agriculture, ne sera que du tiers de celle à imposer sur les bêtes, voitures, charrettes ou tombereaux employés à un autre usage ;

« 3° Des centimes spéciaux en addition à la cote des contributions directes, payées dans la commune, patentes comprises.

« Ces centimes spéciaux contribueront toujours pour un tiers au moins dans la dépense ; si le montant des prestations imposées d’après les deux premières bases excède les deux autres tiers, elles concourront par part égale ;

« 4° Des subventions spéciales qui pourront être fournies par les exploitants de mines, carrières, forêts ou autres industriels, aux termes de l’article 27 ci-après ;

« 5° Des droits de péage autorisés ;

« 6° Des amendes perçues par suite des contraventions, conformément à l’article 39 ci-après ;

« 7° Des subsides qui pourront être accordés soit par des provinces, soit par l’Etat ;

« 8° De toute autre somme qui, par résolution dûment approuvée, aura reçu cette destination.

« Ne seront comprises sous la dénomination de revenus ordinaires de la commune, ni les réparations personnelles sur les habitants, ni les coupes de bois délivrées en nature à ceux-ci pour leur affouage, lorsque la répartition et délivrance auront été dûment autorisées. »

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Je demande la parole pour faire une observation. C’est par erreur que numéro 1 de l’article 15 se trouvent les mots : « sur les habitants. » Il est évident, d’après l’exposé des motifs, que le gouvernement entendait soumettre à la cotisation tous les biens fonds situés dans la commune. C’est donc par erreur que ces mots : « sur les habitants » ont été insérés dans l’article.

M. Lebeau – Messieurs, au milieu de l’espèce d’avalanches d’amendements qui menace d’étouffer le projet de loi, ce n’est pas sans quelque hésitation que je viens présenter un amendement d’une dimension assez étendue pour avoir effrayé quelques membres de cette chambre. Je crois donc que je devrai d’abord donner quelques explications sur l’origine et l’importance de cet amendement.

L’origine, vous la trouverez dans l’article 13 du projet de la section centrale ; vous verrez que j’ai reproduit à peu près littéralement les différentes dispositions insérées par la section centrale dans l’article 13, ce que seulement j’ai substitué, modification, j’en conviens très importante, j’ai substitué la prestation en numéraire à la prestation en nature. J’ai substitué la prestation en numéraire comme règle, tandis que, dans le projet de la section centrale, elle n’était admise que comme exception. On peut voir à l’article 13, proposé par la section centrale, que j’ai suivi, alinéa par alinéa, les dispositions et les proportions établies par elle. J’ai fait aussi mon profit d’une disposition proposée par la députation du conseil provincial du Hainaut, dont vous pouvez également voir le texte à la page 100 du recueil.

Dans mon opinion, messieurs, la question de la prestation en numéraire mise en concurrence avec la prestation en nature, qui est aujourd’hui consacrée par presque tous les règlements des provinces, est presque toute la loi. Je crois que si l’on ne veut pas changer les bases de la loi sur les chemins vicinaux, telle au moins qu’elle est comprise et appliquée aujourd’hui par les règlements des conseils provinciaux, je crois que réellement la chambre aurait à déplorer la perte du temps qu’elle a consacré et qu’elle doit consacrer encore à l’examen de la loi en discussion.

Si l’on voulait maintenir les bases de la législation existante, on aurait pu très bien marcher avec les règlements provinciaux tels qu’ils sont, tels surtout qu’ils auraient pu être modifiés par les nouvelles assemblées provinciales.

Donc je ne crois pas avoir exagéré l’importance de ma proposition en disant que c’est presque toute la loi. C’est une raison pour que, malgré la fatigue de la chambre, suffisamment justifiée par la longue discussion à laquelle a déjà donné lieu la loi qui nous occupe, je réclame de nouveau son attention.

Il est de principe, depuis l’application de la législation française en Belgique, que l’entretien des chemins vicinaux est une charge communale. C’est là le principe législatif.

Ce principe a été maintenu formellement par l’article 90, paragraphe 12 de la loi communale et par l’article 131, paragraphe 19 de la même loi. Ces deux dispositions énoncent formellement que l’entretien des chemins vicinaux est une charge des communes, charge à laquelle les communes ne peuvent pas se soustraire sans rencontrer la coercition que la loi a déposée dans les mains de l’autorité supérieure.

Mais en même temps que la législation française, qui n’a pas encore été modifiée, a déclaré qu’en principe l’entretien des chemins vicinaux est une charge communale, on a eu le regret de ne rien rencontrer dans la législation antérieure qui tranche la question de savoir si les conseils provinciaux, les administrations secondaires pouvaient recourir à la prestation en numéraire. Si l’on consulte une loi rapportée par les auteurs d’un nouveau recueil distribué à quelques membres et dont l’honorable M. Angillis est un des auteurs, il paraît que la législation avait accordé aux autorités départementales la faculté d’imposer même la prestation en numéraire.

Voici le texte de l’article 13 de la loi du 13 avril 1810 :

« Art. 13. Les conseils municipaux délibèrent sur la construction, réparation et achèvement du chemin et sur le montant des sommes que ces travaux nécessitent, et qui sont ajoutées au montant des impositions foncière, mobilière et des patentes. »

Voilà une disposition législative à l’aide de laquelle il semble que les conseils provinciaux pouvaient imposer, pour l’entretien des chemins vicinaux, dans les règlements qu’ils ont la faculté de rédiger, la prestation du numéraire. Il n’est pas moins vrai qu’en 1820, époque à laquelle les règlements ont été rédigés par les états provinciaux et soumis à l’approbation du roi, la prestation en numéraire a été proscrite, elle n’a été admise que par exception ; la prestation en nature a été déclarée la règle générale.

Les règlements provinciaux ont donc consacré comme règle le maintien de la corvée, si l’on en excepte les règlements des états provinciaux des Flandres, qui ont continué à admettre, comme principe, l’entretien à charge des riverains. Mais il y a cela de remarquable, c’est qu’au moment même, où tous les pouvoirs provinciaux déclarent que la prestation en nature est la règle, que la prestation numéraire est l’exception, vous les voyez tendre à favoriser sans cesse la conversion de la prestation en nature, en prestation en numéraire. C’est ainsi qu’on ordonne dans les règlements provinciaux, que les rôles soient calculés en prestation en nature et en prestation en numéraire. C’est ainsi que, si un contribuable est en retard, s’il dépasse les délais fixés par les règlements pour fournir sa contribution, la prestation en nature est convertie de plein droit en prestation en numéraire. C’est ainsi que, dans le règlement des états provinciaux du Brabant, il y a une prime, un rabais de cinq cent par journée de travail pour ceux qui voudront convertir la prestation en nature en prestation en numéraire. Il y a donc dans les règlements, en même temps qu’ils contiennent le principe de la corvée, une espèce de discrédit sur ce mode d’entretien, une tendance à engager les contribuables à se libérer en numéraire.

Je prie la chambre d’être attentive à ces détails qui sont textuellement extraits des dispositions règlementaires des états provinciaux.

J’ajouterai, messieurs, que dans la pratique et d’après mon expérience personnelle, quand les chemins ont été bien entretenus dans les communes, c’est général, pour ce qui est à ma connaissance, lorsque la commune a pu pourvoir à la construction et à l’entretien de ses routes, au moyen de ses propres revenus, puisés dans la caisse communale ; puis quand les bourgmestres, usant de l’ascendant moral qu’ils pouvaient avoir sur leurs administrés, sont parvenus à faire convertir la prestation en nature en prestation en numéraire ; c’est en un mot, quand la loi n’a pas été littéralement exécutée, le conseil provincial du Luxembourg reconnaît que c’est quand la loi n’a pas été servilement exécutée ; quand on s’en est écartée, qu’on est parvenu à avoir de bons chemins vicinaux.

Voilà les faits sur lesquels j’ai cru utile d’appeler votre attention.

Je vois bien dans la corvée un parfum de moyen âge et de féodalité ; je conçois très bien qu’à l’origine de la société communale on ait établi la corvée. Mais la corvée n’existait pas seulement pour les chemins, elle existait pour une foule d’autres constructions. J’admets qu’elle a pu exister pour la construction de ponts, du puits communal, peut-être aussi du presbytère, peut-être encore pour la construction d’une église. Eh bien, peut à peu on a senti que ce mode devait partout être remplacé par la construction par adjudications publiques ou par régie ; les chemins seuls sont restés soumis à la règle de la corvée.

J’avoue que je ne pousse pas la superstition contre ce qui est ancien pour repousser une chose ancienne alors qu’elle serait bonne. S’il m’était démontré que la corvée est bonne dans certains cas, je serais encore disposé, malgré la généralité de mon amendement à l’admettre comme exception. Mais je la crois mauvaise et mauvaise à peu près dans tous les cas. Tous les hommes qui sont compétents pour juger entre la prestation en nature et la prestation en numéraire sont de cet avis.

La prestation en nature prête singulièrement à l’arbitraire ; on conçoit que dans une capitale, sous le contrôle de la chambre et de la presse, l’administration ne peut pas facilement commettre des injustices, se livrer à des ressentiments personnels. Si elle avait la faiblesse d’en venir là, elle ne pourrait le faire sans être à l’instant redressée. Mais dans de petites communes, où il n’y a ni chambres pour contrôler, ni presse pour surveiller l’administration, rien n’est plus facile que de se servir de l’arme remise aux mains de l’administration communale par la corvée, rien de plus facile que de s’en servir pour faire expier à quelque administré certains torts faciles à comprendre. Le système électif vient beaucoup accroître cette facilité d’arbitraire que la corvée donne à l’administration communale, et l’expérience que nous en avons faite suffit déjà, je pense, pour me dispenser d’autres développements à cet égard. Il n’y a rien de plus aisé et de plus tentant, lorsqu’il s’agit de faire travailler les contribuables à l’entretien des routes, que d’imposer une grande sévérité dans l’emploi des journées à un électeur récalcitrant et de se montrer facile envers un électeur complaisant. La corvée se prête admirablement à toutes ces petites vexations de communes rurales, que la prestation en argent rend impossible ou au moins beaucoup plus difficile.

Indépendamment des vices de la corvée en elle-même (vices que chacun peut toucher au doigt), nous avons contre elle une réprobation qui me paraît extrêmement puissance, c’est celle des autorités provinciales. Dans le premier rapport de la section centrale, résultant d’observations des conseils provinciaux, on semble dire que les administrations provinciales n’ont pas combattu le principe du projet du gouvernement, sanctionné par la section centrale. Mais c’est précisément le contraire qui résulte de l’avis des conseils provinciaux et des députations permanentes.

Puisque ce fait a été une fois méconnu par la section centrale, je crois de mon devoir de passer brièvement en revue l’avis des conseils provinciaux et des députations permanentes, précisément sur le point maintenant en discussion.

Voici comment la commission spéciale du conseil provincial d’Anvers a résolu la question, maintenant soumise à la chambre, du maintien de la corvée ou de la prestation en argent.

« Créera-t-on, pour suppléer à l’insuffisance des revenus communaux, une prestation pécuniaire en principe ? Résolue affirmativement. »

Cette prestation en argent pourra-t-elle être rachetée par une prestation en nature dans les communes où la députation, sur la proposition du conseil communal, le permettra ?

7 voix disent oui, 5 non.

Remarquez qu’après avoir consacré le principe, on pose une question d’exception. L’exception est admise mais par 7 voix contre 5, et veuillez remarquer de quelles précautions cette exception est environnée :

Cette prestation en argent pourra être rachetée par une prestation en nature, mais seulement dans les communes où la députation, sur la proposition du conseil communal, le permettra. Ce n’est plus laissé au libre arbitre du conseil communal, il faudra l’intervention de l’autorité provinciale.. Et encore l’exception a-t-elle eu peine à être admise.

Le conseil provincial du Brabant, dans l’avis adressé à la chambre, réclame l’exécution des travaux à forfait, qui est évidemment l’exclusion du système de la corvée. Maintenant, si je consulte l’avis de la députation permanente de la même province, j’y trouve une réprobation non moins formelle de la corvée.

« Avis de la députation.

« M. Cools – La quatrième section du conseil provincial a émis une opinion qui, s’il elle était adoptée, forcerait à changer plusieurs articles du projet :

« (…) Une observation (dit-elle) que l’expérience de tout temps s’est chargée de justifier, c’est que les ouvrages imposés aux contribuables laissent beaucoup à désirer sous le rapport de l’exécution. Ces ouvrages, on ne peut guère les contraindre à les exécuter dans la saison où la nécessité s’en fait le plus sentir.

« Votre section ne s’est pas dissimulé que, pour introduire cette disposition dans la loi, il faudrait amender plusieurs articles du projet, qui rendent facultatif pour le contribuable l’acquittement de sa cotisation en argent ou en prestation en nature.

« Les commissaires de Bruxelles et de Louvain émettent la même opinion ; l’expérience leur a appris que les réparations ne sont jamais exécutées en temps utile ; qu’on élude les ordonnances en n’envoyant au travail que des enfants ou de mauvais ouvriers qui sont peu surveillés et mal dirigés. Que ce travail exécuté par des ouvriers salariés serait plus régulier et que l’autorité supérieure saurait à qui s’en prendre, s’il était mal fait ; par là des fonctionnaires publics ne seront plus exposés à attendre, pendant plusieurs années, que la décision des tribunaux vienne leur faire restituer les avances pour les ouvrages faits d’office.

« Ils sont d’avis que, si les ressources des communes sont insuffisantes pour acquitter les dépenses, on pourrait y suppléer par des centimes additionnels.

« Nous appuyons volontiers ces opinions et nous sommes persuadés que si ce système était adopté, il y aurait économie, meilleure exécution des travaux et surveillance plus facile. Par suite, nous voudrions que ces dépenses fussent, au moyen de ces centimes additionnels, réparties sur toutes les espèces d’impositions ; par là le propriétaire habitant ou non de la commune contribuerait à couvrir ces dépenses. »

L’avis de la Flandre occidentale (vous le comprenez déjà) ne peut trancher la question. Le conseil de cette province s’est attaché uniquement à demander la continuation du système consacré par les propriétaires riverains. Je ne sais si cet entretien a lieu par corvée, j’ai quelque lieu d’en douter. Dans tous les cas cela ne prouverait ni pour ni contre le système que je défends.

Le conseil provincial de la Flandre orientale, de même que celui de la Flandre occidentale, a exprimé le vœu du maintien du système de l'entretien par les propriétaires riverains. Mais, prévoyant le cas où ce système serait écarté, il a examiné le projet ministériel.

Voici comment il traite la question qui se débat en ce moment :

Le conseil provincial émet l’avis qu’il y a lieu de remplacer l’article 13 du projet de la section centrale par la disposition suivante : « En cas d’insuffisance des revenus ordinaires de la commune, autres que ceux provenant de répartitions personnelles, il est pourvu, chaque année, aux dépenses des chemins vicinaux au moyen de centimes spéciaux en addition de la cote des contributions directes payées dans la commune. »

Maintenant je dois faire connaître l’opinion de la députation de la même province. J’aime à me prévaloir, surtout, de l’avis des députations provinciales, parce que, malgré mon respect pour l’avis des conseils provinciaux en général, j’attache plus d’importance encore à l’avis des députations permanentes ; elles appliquent presque quotidiennement les lois tandis que ses conseils provinciaux ne s’occupent que de mesures générales, et ne sont d’ailleurs réunis que 15 à 20 jours par an. La députation permanente, qui agit sans le contrôle du conseil provincial, est essentiellement pratique. Dès lors son opinion me paraît extrêmement respectable.

Voici ce que dit la députation de la Flandre orientale :

« Quant aux prestations de journées de travail, quelque nom que leur donne, ce sont toujours des corvées, et le système de corvées n’est plus dans nos mœurs. D’ailleurs, le travail ainsi fait se ressent toujours de la mauvaise volonté de ceux auxquels il est imposé. Il est infiniment préférable de faire contribuer les habitants en argent dans la dépense de l’entretien des chemins vicinaux, sauf à les employer eux et leurs chevaux, contre payement, aux travaux de cet entretien, et à tour de rôle, lorsqu’il s’en présente plus que les besoins n’exigent, parce qu’alors, sachant qu’ils ne seront payés que selon ce qu’ils feront et qu’ils n’en seraient pas moins tenus de supporter leur part proportionnelle de la charge générale, ils n’y mettront pas la mauvaise volonté inséparable du travail forcé et non salarié. »

Le conseil provincial du Hainaut n’est pas moins formel sur la question. Voici son opinion :

« Le projet indique encore les rôles de prestations, payables en argent et un rôle de cotisation de centimes additionnels, pour former du tout un fond spécial qui ne pourra être employé à aucun autre service. Il veut que les administrations communales fassent dresser annuellement un devis estimatif des travaux à faire et en déterminent le montant ; tout cela est très bien.

« Mais il ajoute que la cotisation pourra être acquittée en argent ou en prestations en nature.

« Une semblable disposition est aujourd’hui en usage, et on s’en trouve fort mal. Les prestations en nature ou par tâche de travail n’atteignent pas le but désiré, celui d’avoir des chemins en bon état de viabilité ; les faits sont là pour l’attester, il est constant et reconnu que ces prestations en nature se font mal ; qu’elles se font en matière d’acquit, qu’elles ne sont jamais entières ; qu’elles laissent toujours beaucoup à désirer, parce que ceux qui y sont assujettis cherchent à s’en dispenser pour la plus grande partie ; qu’elles ne présentent aucun ensemble ; qu’elles demandent une surveillance continue de la part des administrateurs, ce qui est impossible ; qu’elles offrent le désagrément de mettre à chaque instant les administrateurs en discussion avec les habitants pour les forcer à remplir leurs tâches, etc., etc. Mieux vaudrait donc faire payer ces prestations en argent pour contribuer à un fonds spécial au moyen duquel les administrations communales pourvoiraient à l’entretien des chemins.

« Les inconvénients de prestations en nature ont été signalés avec force par le deuxième commission du conseil provincial du Hainaut dans sa dernière session, lors de l’examen qu’elle a fait du projet de loi. Elle a vivement émis le vœu que cette disposition disparaisse du projet de loi ; elle a exprimé le désir que partout les prestations soient converties en argent pour contribuer au fonds spécial. Il paraît d’ailleurs n’y avoir aucun inconvénient ni aucun dommage pour personne.

« Ceux qui ne font point les travaux par eux-mêmes ne seraient point lésés, puisque des ouvriers à la journée, qu’ils doivent payer si les prestations sont régulièrement faites, doivent leur coûter plus cher que la fixation de la journée de travail. Les ouvriers qui peuvent travailler eux-mêmes n’y seront point lésés, puisqu’au taux de cette journée de travail (ordinairement fixé à un franc), ils peuvent toujours gagner davantage en travaillant ailleurs.

« Les uns et les autres ne peuvent trouver bénéfice que sur la fraude, c’est-à-dire en ne remplissant pas leurs obligations, au grand détriment du bon entretien des chemins. »

Dans la province de Liége, il y a sur cet article un silence complet.

Dans le Limbourg, on n’en a pas parlé non plus.

Le conseil provincial du Luxembourg, non plus, ne s’en explique pas. Mais il paraît que, dans la pratique, le rachat a lieu assez souvent ; car je crois qu’il y a dans le Luxembourg des chemins empierrés adjugés à des entrepreneurs. Je concevrais difficilement que ce système pût se concilier avec l’usage général de la corvée. Je crois donc que par l’influence de l’administration provinciale, influence qui a été puissante et salutaire sur l’amélioration des chemins vicinaux dans le Luxembourg, bien que quelquefois elle ait été sur les confins de la légalité, la corvée a été, dans une bonne partie des communes du Luxembourg, convertie en numéraire.

La province de Namur n’est pas moins formelle. D’abord elle s’est approprié une distinction qu’on trouve dans la loi française du 21 mai 1836, distinction qui consiste à reconnaître des chemins communaux de première classe, dit vicinaux, et des chemins communaux. Les chemins vicinaux sont des communications de commune à commune, ou aboutissant à une grande route ; les chemins communaux sont des communications communales intérieures.

Voici l’article proposé par le conseil provincial de Namur : « Les chemins vicinaux seront construits et entretenus sous prestation en nature. » Ainsi pour la plus grande partie des chemins vicinaux le conseil provincial prescrit la prestation en nature.

Eh bien, conçoit-on qu’à l’aspect de cette presque unanimité d’opinions émises par les corps les plus compétents pour juger de la bonté du système d’entretien, par les corps appelés à faire des règlements sur la matière, par les députations permanentes appelées à les appliquer quotidiennement, votre section centrale, dans son premier rapport, ait avoué que le principe du projet ministériel était sorti à peu près intact des discussions dont il avait été l’objet au sein de ces autorités ! Vous le voyez, cette assertion est très inexacte, et tout ce que je puis en dire, c’est qu’on n’a pas assez examiné les opinions des conseils provinciaux lorsqu’on l’a avancée.

Je sais qu’on a fait en dernier lieu un second rapport. Ce second rapport se termine, à la page 132 des documents, par la proposition d’un amendement qui mettrait la prestation en numéraire à la disposition des députations permanentes. Dans le projet du ministre, et dans le rapport de la section centrale, la prestation en numéraire ne pouvait résulter que de l’accord du conseil communal et du conseil provincial, c’est-à-dire que presque jamais cette prestation en numéraire n’aurait lieu ; car cet accord devient impossible surtout lorsque des corps purement électifs devraient souvent froisser les préjugés de leurs administrés en revenant sur des abus tolérés depuis trop longtemps.

La section centrale propose donc un amendement qui me paraît insuffisant. Elle s’exprime en ces termes :

« La section centrale n’a pu méconnaître que l’espèce de dépendance dans laquelle se trouvent des administrateurs électifs ne leur permet pas toujours de déployer tout le zèle dont ils peuvent être animés, et qu’il convenait, sous ce rapport, de leur prêter plus d’appui en renforçant l’autorité des magistrats supérieurs.

« Vous savez que, selon le projet de la section centrale, les communes pouvaient, sous l’approbation de la députation du conseil provincial, réduire la cotisation en nature en une somme d’argent à payer par le contribuable ; elle vous propose d’ajouter que la députation du conseil provincial pourra faire cette réduction d’office, quand la commune montrera de la négligence ou de la mauvaise volonté ; mais en ce cas, l’approbation du gouvernement a paru nécessaire pour éviter tout arbitraire et garantir les intérêts des contribuables. »

Je dis que cette disposition sera presque toujours illusoire, parce qu’elle est accompagnée d’une condition qui mettra la députation dans l’impossibilité morale de ne jamais l’appliquer : pour l’appliquer, il faut fléchir, en quelque sorte, une administration tout entière ; il faut déclarer cette administration en flagrant délit de négligence et de mauvaise volonté ; l’administration provinciale ne fera pas cette déclaration, elle reculera devant une mesure de cette nature ; et la disposition restera stérile.

Messieurs, en me résumant, je répète ce que j’ai dit en commençant : dans mon opinion, si l’on ne veut pas proscrire la corvée et la remplacer par la prestation en numéraire, je crois que la chambre aura perdu son temps ; je crois qu’il vaudrait mieux déchirer tout ce que l’on a fait ; et s’en rapporter aux améliorations que les corps provinciaux pourront introduire dans la législation existante.

Quant aux détails de mon amendement, j’ai reproduit ceux de la section centrale, et en partie ceux de la députation du Hainaut ; mais je déclare que je fera bon marché de ces détails. Ce que je voudrais surtout c’est l’admission du principe ; et comme la chambre économiserait son temps en votant sur le principe, au lieu de discuter un à un les amendements, je crois qu’il est utile de le formuler ; je vais donc le poser en question ; celle-ci par exemple : « La chambre admettra-t-elle comme règle générale la prestation en numéraire ?

L’exception à cette règle, si elle était entourée de précaution, je pourrais l’admettre, quoique, d’après l’avis des corps compétents, je n’aurais pas de répugnance à proclamer que la règle ne doit pas avoir d’exception. Cependant je conviens qu’il n’est pas facile de faire violence à des abus intéressés, à de longues habitudes, et qu’il faut peu à peu procéder aux améliorations.

M. le président – Vous avez conservé dans votre amendement la rédaction de la section centrale ; ce qui me fait croire que dans le troisième paragraphe il y a une erreur. Ce paragraphe est ainsi conçu :

« 3° Des centimes spéciaux en addition à la cote des contributions directes, payées dans la commune, patentes comprises.

« Ces centimes spéciaux contribueront toujours pour un tiers au moins dans la dépense ; si le montant des prestations imposées d’après les deux premières bases excède les deux autres tiers, elles concourront par part égale «

« Elles concourront par part égale » - La section centrale a dit : « Elles seront réduites proportionnellement. »

M. Lebeau – C’est par erreur que je n’ai pas reproduit cette partie de la rédaction ; j’y adhère entièrement. Je ferai remarquer que la dernière partie de mon amendement m’a été suggérée par le conseil provincial du Luxembourg et qu’elle est adoptée par la section centrale.

- L’amendement de M. Lebeau est appuyé par un grand nombre de membres.

M. le président – M. de Garcia présente d’autres catégories que celles proposées par M. Lebeau.

M. de Garcia – La proposition que j’ai l’honneur de soumettre à la chambre, rentre au fond dans la proposition de l’honorable M. Lebeau. Elle ne modifie que légèrement cette dernière sous le rapport des bases de la contribution à établir pour pourvoir à la réparation des chemins vicinaux, et sous le rapport de sa rédaction et de quelques suppressions à y faire.

Le premier changement que mon amendement apporte à celui de M. Lebeau est dans le paragraphe premier. Il consiste à substituer les mots « ressources ordinaires », au lieu des mots « revenus ordinaires ». Les motifs qui me portent à présenter cette rédaction, c’est qu’elle offre un sens beaucoup plus général que celle de l'honorable M. Lebeau, dans laquelle on ne peut faire rentrer les obligations résultant des usages ou des contrats qui mettent à charge des particuliers l’obligation d’entretenir les chemins vicinaux.

La rédaction que je propose est d’autant plus nécessaire que, jusqu’à ce moment, il n’est rien décidé sur le point de savoir si l’usage de faire entretenir les chemins vicinaux par les riverains sera ou ne sera pas maintenu. Dans tous les cas, cette rédaction est indispensable pour les obligations résultant de contrats particuliers.

Le second objet de mon amendement est d’ajouter une nouvelle base de contribution pour la réparation des chemins vicinaux. Cette base serait la suivante : « Il est pourvu ….. au moyen d’un rôle de prestation d’une journée de travail, à acquitter en argent par chaque chef de famille ou d’établissement qui ne paient pas 3 francs de contributions directes. »

Le motif qui m’a déterminé à introduire cette base de contribution, et que, d’après notre système général des contributions, l’on n’est soumis la contribution personnelle que pour autant qu’on habite une maison d’une valeur locative de 20 florins, et je pose en fait que dans les campagnes les quatre cinquièmes des ménages ne paient point une contribution de 3 francs. Cependant ils jouissent d’une certaine aisance, et comme tous les habitants d’une commune sont appelés à jouir des avantages des améliorations aux chemins vicinaux, je pense qu’il n’y a rien que de juste à faire supporter par tous les chefs de famille d’une commune la légère prestation d’une journée de travail.

Mon amendement a aussi pour objet de supprimer à la deuxième base de la contribution, présentée par M. Lebeau, les charrettes, les tombereaux et autres voitures.

En peu de mots, je puis justifier cette suppression. L’on ne peut se servir de ces objets sans chevaux ; où les chevaux sont imposés, qu’on les impose au double s’il le faut, mais qu’on ne fasse pas un cumul des bases des contributions qui frappent au même titre les mêmes individus.

Il est en outre une autre observation à faire sur ce point, c’est que, dans toutes les maisons d’exploitation d’agriculture et d’industrie, il existe des charrettes, des voitures, dont on se sert fort rarement, soit à raison de leur vétusté, ou pour tout autre motif, et qui seront soumis au droit. Une telle mesure serait injuste, et au surplus, en imposant les chevaux et bêtes de somme, comme l’on ne peut se servir des voitures sans ces bêtes, l’on atteint pour les contributions sur les chevaux ceux qui dégradent les chemins.

Par mon amendement, je propose aussi l’abrogation du paragraphe 2 de la troisième base de la contribution proposée.

Ce paragraphe est corrélatif avec les deux premières bases de l’amendement de M. Lebeau, et pourrait sans nécessité entraîner les communes à s’imposer des centimes additionnels pour se mettre en harmonie avec le produit des deux ou trois premières bases des contributions de cet article.

Il est pourtant à observer que, par suite des dispositions de l’article que nous avons à discuter, il soit inutile d’établir des centimes additionnels, les autres bases des contributions de la loi pouvant produire tout ce qui sera nécessaire à la réparation des chemins vicinaux. Pour le surplus, mon amendement ne change rien à celui de l'honorable M. Lebeau, à l’exception du paragraphe 2 de la huitième base, ce paragraphe me paraît complètement inutile, parce que je pense que les objets dont il y est parlé ne peuvent jamais être appliqués aux réparations des chemins vicinaux. Ceci me paraît de droit et résulter à l’évidence du paragraphe premier de l’amendement, et de l’article en discussion.

M. le président – M. Lebeau a proposé de discuter d’abord une question de principe et de décider si la prestation en argent sera la règle, et la prestation en nature l’exception. Il me semble qu’on abrégerait, en effet, la discussion en procédant de cette manière.

M. d’Huart – Messieurs, tout le discours de l’honorable M. Lebeau et son amendement tendent à exclure complètement les prestations en nature ; à moins que l’honorable membre reconnaisse tout d’abord que ce système est inadmissible. Il faut, selon les termes de sa proposition, mettre aux voix la question de savoir si toutes les charges de l’entretien des chemins vicinaux seront exclusivement formées en numéraire ; c’est là la véritable question que soulève l’amendement de M. Lebeau.

Je pense d’ailleurs, messieurs, que c’est en ces termes qu’il faut dans tous les cas poser la question de principe, car si vous vous bornez à échanger l’ordre de l’article en ce sens que vous déterminez d’abord les règles d’après lesquelles on percevra l’impôt en argent, et que vous insérez ensuite dans ce même article d’autres dispositions où vous admettrez la prestation en nature, vous tomberez dans la même confusion, vous serez également entraînés dans une discussion dont vous ne sortirez pas.

Il me paraît que l’honorable M. Lebeau doit tenir à ce que la chambre se prononce sur la question de principe telle que je l’indique : « La prestation en argent sera-t-elle exclusivement admise pour l’entretien et l’amélioration des chemins vicinaux ? » Si cette question est résolue affirmativement, il sera facile d’en poser les conséquences ; si au contraire elle est résolue d’une manière négative, l’honorable membre modifiera sans doute lui-même son amendement dans ce sens qu’il déterminera pour une partie la prestation en nature, tout en rendant obligatoire pour l’autre partie la prestation en argent.

M. Verhaegen – Messieurs, on a beaucoup discuté hier et l’on n’a obtenu aucun résultat ; on discutera encore aujourd’hui sans obtenir davantage un résultat. Je prends la parole pour tâcher d’éviter une semblable perte de temps.

Nous en sommes maintenant à l’article 14 qui a été amendé par plusieurs honorables membres ; mais cet article suppose déjà l’adoption d’un principe sur lequel on n’est pas encore d’accord. Ainsi on trouve dans l’amendement de l’honorable M. Lebeau qu’en cas d’insuffisance des revenus ordinaires des communes, il sera pourvu chaque année à la dépense des chemins vicinaux au moyen de, etc. Mais, encore une fois, messieurs, avant de mettre à la charge des communes l’entretien des chemins vicinaux, il faut savoir ce qu’on entend par chemins vicinaux. Si j’avais à m’occuper de l’amendement de M. Lebeau, je l’appuierais sous tous les rapports, parce que je le crois conforme aux vrais principes dans le sens que j’ai présenté les choses hier, mais tout le monde n’est pas d’accord sur ce point.

Je suppose que sur la question renvoyée à la section centrale, on décide que là où les usages locaux mettent l’entretien des chemins à la charge des riverains, ceux-ci demeurent chargés de cet entretien ; je suppose encore que l’on fasse prévaloir l’opinion que les sentiers, par exemple, ne seront pas entretenus aux frais des communes ; si l’on admet des distinctions de cette nature, il est évident que vous aurez perdu votre temps en discutant dès maintenant l’article dont il s’agit et les amendements qui s’y rapportent. Il faut de toute nécessité renvoyer cela jusqu’au moment où vous aurez décidé les questions de principes que soulève l’article précédent que vous avez renvoyé à la section centrale.

Messieurs, je pense que la proposition que l’honorable M. Lebeau a faite est de nature à fixer votre attention, et je crois qu’il y a lieu de ne discuter, pour le moment, que la question de principe, et à ne voter que sur la question de principe. Si j’ai bien compris l’honorable M. Lebeau, je pose la question de principe de cette manière ci :

« En règle générale, admettra-t-on la prestation en numéraire ? »

La présenter d’une manière exclusive ce serait dangereux, et je vais vous dire pourquoi. Aussi longtemps que l’autre question dont je vous ai parlé n’aura pas été décidée par la chambre, vous ne savez pas si l’opinion de quelques membres de faire entretenir les sentiers, soit par les propriétaires, soit par les communes, au moyen de corvées ; si cette opinion, dis-je, ne prévaudra pas. J’entendais tout à l’heure un honorable membre vous dire que si, en général, on pouvait admettre la prestation en numéraire, il y aurait peut-être lieu à faire des exceptions pour les sentiers auxquels on pourrait appliquer la corvée. Eh bien, dans cette opinion, la question de principe, proposée d’une manière exclusive, risquerait de ne pas être accueillie favorablement, tandis que si la question de principe est posée de manière générale, sauf à admettre, s’il y a lieu, des exceptions, elle se présente plus favorablement.

J’engagerai donc l’honorable M. Lebeau à persister dans la question de principe, telle qu’il l’a posée, et à ne pas la proposer d’une manière exclusive, car alors elle ne réunira peut-être pas l’assentiment de la majorité.

Je crois en conséquence, qu’il n’y a pas lieu de s’occuper pour le moment des détails des deux amendements qui ont été présentés par les honorable MM. Lebeau et de Garcia. Ces détails supposent nécessairement une décision sur la question dont nous nous sommes occupés hier ; nous nous occuperions d’un objet qui doit être la conséquence d’un autre objet qu’on a renvoyé à l’examen de la section centrale. Mais nous pouvons bien nous occuper d’une question de principe, car cette discussion quel que soit le sens réservé aux questions que nous avons discutées hier, pourra avoir son utilité, surtout si l’on ne présente pas la question d’une manière exclusive. Ma motion n’a donc pour objet que d’engager la chambre à s’occuper de la question de principe pour le moment.

M. le président – Voici la question proposée par M. Lebeau :

« La prestation en numéraire sera-t-elle la règle générale ? »

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Messieurs, je demande la parole, pour avoir un mot d’explication.

Jusqu’à présent toutes les opinons ont été divergentes sur ces deux points-ci :

Tous les chemins vicinaux quelconques seront-ils à la charge des communes ? ou bien y aura-t-il des chemins qui seront entretenus par les riverains, par voie de servitude ? Voilà les deux questions qui ont divisé la chambre.

Mais à l’égard des chemins dont l’entretien est à la charge des communes, il faut poser une question nette : les moyens de pourvoir à cet entretien consisteront-ils uniquement en prestation en argent ? ou admettra-t-on concurremment avec une prestation en numéraire une prestation en nature ? Voilà la question que nous devons nous poser, sans quoi, nous allons de nouveau rester dans le vague. Pour le moment nous nous occupons uniquement des chemins dont la dépense est à la charge des communes, ainsi que des moyens que les communes doivent se procurer, pour faire face à cette dépense. Maintenant la commune devra-t-elle exiger uniquement de l’argent ? ou les contribuables pourront-ils se racheter en prestation en nature ?

M. Lebeau – Messieurs, je me suis décidé à modifier ce qu’il y avait d’absolu dans mon amendement, par suite des observations qui ont été présentées par plusieurs honorables membres. J’ai été surtout frappé de la distinction qui paraît exister entre les sentiers, les chemins d’aisance et les chemins purement vicinaux. Je crois que si le principe général, et vous savez comment ce principe est recommandé par les autorités les plus compétentes et les plus respectables, si ce principe, dis-je était admis, il y aurait lieu d’ordonner le renvoi à la section centrale, pour coordonner la disposition avec l’ensemble du projet du gouvernement. Les divers amendements pourraient être renvoyés simultanément à la section centrale.

Il faut remarquer que, même dans le système actuel la dépense en numéraire est la règle, d’après le vœu de la loi ; car, on n’a recours aux corvées qu’en cas d’insuffisance des revenus communaux. Il y a telle commune ou jamais la prestation en nature n’a eu lieu. Dans les communes qui sont assez richement dotées pour pouvoir appliquer annuellement 1,000, 1,500 ou même 2,000 francs à l’entretien des chemins vicinaux, on ne recourt jamais à la prestation en nature.

M. Demonceau – Messieurs, un honorable préopinant a dit que la chambre ne devait pas s’occuper en ce moment de cette discussion, parce qu’elle est le résultat de la discussion qui a eu lieu hier. C’est là une erreur. Personne n’a soutenu qu’en règle générale, les dépenses nécessaires pour l’entretien des chemins vicinaux ne devaient pas être mises à la charge des communes ; eh bien, nous allons faire l’application de cette règle générale dans cette discussion ; il n’y a donc aucun inconvénient à se livrer à cette discussion. Si, lorsque la section centrale aura fait une proposition, on admet les exceptions qui ont été proposées dans la séance précédente, alors il ne sera pas nécessaire de s’occuper des moyens de pourvoir à la réparation des chemins ; si, au contraire, on n’admet pas ces propositions, les dépenses nécessaires seront comprises dans la disposition générale, qui consiste à mettre l’entretien à charge des communes.

Je ne suis pas partisan des systèmes exclusifs. Je pense qu’il est des localités où il conviendrait d’admettre les prestations en nature, et d’autres où il conviendrait de ne pas admettre ce système. Je crois cependant que si l’on avait mis en discussion la question de savoir s’il y aura exclusion des corvées, nous aurions gagné du temps. Car alors nous aurions su d’après quelles bases nous procédions.

M. d’Huart – Messieurs, si nous voulons arriver à un résultat au moyen de la question de principe indiquée par l’honorable M. Lebeau, il faut que cette question soit formulée de manière à décider quelque chose. Or, messieurs, vous voteriez sur la rédaction telle qu’il vous la présente, que nous n’auriez rien décidé, car les exceptions qu’on pourra introduire absorberont peut-être la règle. Il ne faut pas, messieurs, rester ainsi dans le vague, et pour donner à chacun la possibilité de se prononcer nettement, je propose de faire discuter et voter par l’assemblée cette question précise : « La cotisation des journées de travail sera-t-elle exclusivement fournie en argent ? »

M. F. de Mérode – Si on peut atteindre le but qu’on se propose par le moyen des journées de travail formées en matière, on évite de faire payer aux particuliers des contributions sans nécessité et on fait sans frais une partie du travail des réparations des chemins vicinaux.

M. le président – C’est le fond que vous traitez.

M. F. de Mérode – M. d’Huart a parlé du fond. Pour poser la question de principe, il faut savoir les motifs pour lesquels on veut la poser. Pour arriver à la solution de cette question, il faut examiner les résultats qui doivent en être la conséquence.

Je ne sais pas comment je pourrais expliquer ma pensée, si on ne veut pas que j’entre dans le fond.

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Il me semble que la proposition faite par M. d’huart précise beaucoup la question. Il y a deux espèces de contributions, d’abord les centimes additionnels aux contributions de l’Etat, si l’on admet que ces centimes additionnels ne pourront pas être rachetés au moyen de journées de travail, il y aura là toujours un fonds en argent ; ensuite la prestation en nature à la charge des habitants de ceux ayant chevaux et voitures, ces prestations devront-elles à l’avenir être rachetées en argent.

Deuxième question : les centimes additionnels aux contributions de l’Etat pourront-ils être rachetés au moyen de prestation en nature.

Voilà les deux questions que nous avons à décider.

M. Delehaye – J’appuie la proposition de M. d’Huart, et je pense que celle de M. Lebeau poserait un antécédent qui détruirait les propositions renvoyées hier à la section centrale. Parmi les différents amendements présentés hier, il en est un qui tend à laisser aux conseils provinciaux le soin de déterminer le mode d’entretien des chemins vicinaux. Maintenant je viens demander comment cet amendement pourrait encore être soumis à la discussion, si vous vous prononcez aujourd’hui sur les moyens de pourvoir à cet entretien. Vous ne ferez jamais une bonne loi sur l’entretien des chemins vicinaux ; les conseils provinciaux sont seuls compétents pour statuer à cet égard. C’est l’avis des conseils provinciaux des deux Flandres. Si l’assemblée adoptait leur opinion, c’est que la proposition de M. Lebeau ne serait pas prise en considération ; alors les conseils prendraient les mesures qu’ils jugeraient convenables.

Si vous adoptiez la proposition de M. d’Huart, vous poseriez, je le répète, un antécédent qui anticiperait sur ce que vous devez décider demain.

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – M. Delehaye soulève une nouvelle question, celle de savoir si la loi laissera aux conseils provinciaux le soin de statuer sur le mode de pourvoir l’entretien des chemins vicinaux. Si M. Delehaye fait une motion formelle, elle est nécessairement préalable à toutes les autres. Si elle était adoptée, il n’y aurait plus lieu de nous occuper des articles 13 et 14 et de ceux qui en découlent.

M. Delehaye – Hier, je n’ai pas déposé ma proposition sur le bureau, parce qu’on m’a dit qu’elle avait été faite par un autre membre. Voici comment elle était conçue :

« Les conseils provinciaux détermineront le mode qu’ils jugeront propre à pourvoir aux dépenses d’entretien des chemins, passages et sentiers vicinaux.

« Il n’est rien innové aux règlement des wateringues, ni aux obligations particulières légalement contractées. »

Si cette proposition était adoptée, ce que nous faisons en ce moment serait sans utilité.

Je n’envisage pas ma proposition comme une motion d’ordre, mais comme un amendement.

M. Verhaegen – Je dois expliquer ma motion. Elle est détruite. L’honorable M. Delehaye a dit qu’il appuyait ma motion et il a donné une raison que je n’adopte pas, car elle va contre l’opinion que j’ai développée hier.

Je n’admets pas qu’il faille abandonner aux conseils provinciaux le soin de régler tout cela. J’ai énoncé une autre opinion, je la soutiendrai en temps et lieu. Je m’expliquerai quand nous aurons à nous prononcer sur les amendements renvoyés à la section centrale.

Maintenant, il m’importe de démontrer que ma motion n’est pas sans objet. M. le président l’avait senti. J’avais désiré que dans l’état actuel des choses on s’occupât de la question de principe ; elle ne portait aucun préjudice aux dispositions renvoyées à la section centrale ; il n’en était pas de même des détails ; je demandais qu’on ne s’en occupât qu’après la solution des questions renvoyées à la section centrale. D’après la proposition de M. Delehaye ma motion tombe, car c’est une question préalable. Si nous discutons encore quelques jours, il en pleuvra de nouvelles. Je retire donc ma motion d’ordre.

M. le président – Il s’agit maintenant de la proposition de M. Delehaye.

M. d’Huart – Soit qu’on considère la proposition de M. Delehaye comme question préalable, soit qu’on la considère comme amendement à l’article 13, elle doit avoir la priorité sur toutes les autres dispositions, car si elle était adoptée, nous pourrions considérer comme à peu près inutile de nous occuper davantage de la loi en discussion ; en effet, sauf quelques articles qui traitent des usurpations sur les chemins vicinaux, tout le reste serait superflu.

Avant de vous dire mon opinion sur la proposition même dont, du reste, vous apercevez déjà la conséquence, j’attendrai, par respect pour l’ordre de la délibération, que la chambre veuille ouvrir la discussion sur le fond. Si elle décide de s’en occuper préalablement à tout autre débat, je demanderai la parole pour exprimer brièvement mon opinion.

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Je ferai remarquer la portée de la motion de M. Delehaye. Si cette motion était adoptée, le chapitre Ier demeurerait ; mais elle aurait pour conséquence de faire retrancher les articles 13 à 20 inclusivement du chapitre II. Les articles 21 et suivant pourraient encore être conservés, ainsi que les autres chapitres. Cette motion a uniquement pour but de déterminer le mode de pourvoir à la dépense d’entretien des chemins vicinaux. Voilà la portée de cette motion. Je ferai observer qu’en aucun cas, si cette proposition avait quelque chance de succès, les députations ne pourraient être chargées de ce soin ; ce seraient les conseils provinciaux. C’est ce qui a toujours existé.

M. Delehaye – C’est par erreur que j’ai parlé de la députation. Ce sont les conseils provinciaux que mon amendement charge du soin de décider du mode d’entretien des chemins vicinaux.

M. Lebeau – La proposition de l’honorable M. Delehaye rentre dans les observations que j’ai présentées tout à l’heure à la chambre. J’ai dit que je croyais que c’était là une matière spécialement provinciale. Mais je suis arrêté par un doute, et je ne sais si ce doute pourra être levé par la motion de l’honorable membre. Je vois presque de toutes parts les conseils provinciaux et la députation permanente demander l’abolition de la corvée.

M. Doignon – Non pas tous.

M. Lebeau – Dans le Hainaut notamment …

M. Doignon – Le conseil provincial ne s’est pas prononcé dans ce sens.

M. Lebeau – Non, mais la députation permanente, que je crois plus pratique.

M. Doignon – Je pense le contraire.

M. Lebeau – Libre à l’honorable membre de penser le contraire. Pour moi, je persiste à penser que la députation qui applique les règlements et les lois que font le conseil provincial et les chambres est plus en état d’apprécier le vice de ces règlements et de ces lois que le conseil provincial, et peut-être que les chambres elles-mêmes. Au reste, ceci est purement incidentel.

Je suis arrêté par cette considération, bien que la plupart des conseils provinciaux et des députations permanentes demandent qu’on donne la préférence au système de la prestation en numéraire, aucun conseil n’a paru trouver dans les attributions confiées à sa province le droit d’imposer ce système. On attend une loi, on demande que cette loi consacre le principe de la prestation en numéraire. Que fera la motion de plus que les règlements actuels ? évidemment rien ; nous serons dans la même position qu’aujourd’hui.

M. d’Huart – Les conseils provinciaux adopteront le mode qu’ils jugeront le plus utile.

M. Lebeau – Ainsi ils pourraient adopter le mode de la prestation en numéraire.

Plusieurs membres – Certainement.

M. Lebeau – Alors j’adopterai la proposition.

Si je reconnais que la députation l’emporte, dans l’administration proprement dite, sur le conseil provincial, je reconnais aussi que, quand il s’agit de règlementer, ce n’est pas elle que cela concerne, mais le conseil tout entier. Je crois même qu’en cette matière les conseils provinciaux ont plus d’aptitude que les chambres législatives.

Je voterai pour la proposition.

M. Delehaye – Quand j’ai parlé des conseils provinciaux, je me suis trompé ; je voulais parler de la députation permanente. L’honorable M. Lebeau vient de demander si un conseil provincial pourra adopter le mode de la prestation en numéraire. Il n’est pas douteux que si un conseil provincial trouve ce mode préférable, elle pourra l’adopter. Le mode que chaque conseil provincial aura trouvé le plus avantageux à sa province, sera dans cette province établi légalement. C’est dans ce sens que j’ai formulé ma proposition.

M. Lebeau – Il est entendu sans doute que les règlements que feraient les conseils provinciaux en vertu de cette disposition seraient soumis à l’approbation du roi. (Adhésion.)

M. Demonceau – Si j’ai bien compris la proposition, elle attribue aux conseils provinciaux le droit de choisir le mode qu’ils jugeront le plus convenable pour réparer les chemins vicinaux. Il n’y a peut-être pas grand inconvénient à renvoyer cette besogne au conseil provincial ; mais je me permettrai cependant de faire une observation qui est le résultat de la discussion d’hier. Dans la séance d’hier, les honorables collègues de deux provinces, où les conseils provinciaux ont été unanimes sur un point, ont été d’un avis contraire. Ils ont donc décidé implicitement que ces conseils provinciaux étaient incapables d’administrer, puisqu’ils n’ont voulu avoir aucun égard à leur avis. On a dit ensuite que si on laissait à l’administration locale le soin de régler ce qui concerne les chemins vicinaux, elle ne pourrait pas bien administrer avec le système actuel. Ces considérations ne s’appliquent-elles pas aussi bien à la discussion d’aujourd’hui qu’à celle d’hier ? Je soumets cette observation à la chambre, quand au dernier paragraphe proposé par M. Delehaye, comme il y sur ce point renvoi à la section centrale de ce même amendement, je ne vois pas pourquoi M. Delehaye l’insère dans sa proposition, la chambre ayant déjà pris une résolution à cet égard.

M. F. de Mérode – Je ne conçois pas qu’on veuille abandonner aux conseils provinciaux la partie principale de la loi ; la réparation des chemins vicinaux ; tout le reste est très accessoire, et si l’on s’en est occupé, c’est pour arriver à la réparation des chemins.

Dans un pays plus grand que le nôtre, en France, où les députés connaissent moins bien que nous ne les connaissons en Belgique, les diverses localités, et surtout les petites localités, parce qu’ils en sont plus éloignés, on a adopté un système uniforme pour la réparation des chemins, et cette loi a produit d’excellents résultats ; je puis le dire pour l’avoir vu de mes propres yeux.

Je ne conçois pas que l’on veuille abandonner cette matière aux conseils provinciaux, de sorte que ce soit d’une manière dans une province et d’une autre dans une autre ; ce serait une bigarrure complète, ce serait l’isolement de chaque province. Il me semble que nos lois doivent consacrer des règles uniformes pour tout le pays. Quoi qu’on puisse dire de la loi, je crois que nous devons continuer de la discuter et faire nous-mêmes les règlements qui seront appliqués dans toutes les provinces. L’amendement de M. Delehaye n’est autre chose que la question préalable sur toute la loi.

M. Dubois – J’appuie les observations de l’honorable préopinant. Il me semble que nous sommes très compétents pour faire une loi et que nous ne pouvons laisser cette matière à régler aux conseils provinciaux, à moins de nos déclarer incompétents

Je crois que la confusion qui règne maintenant ne vient que de ce que nous n’avons pas fait de distinction. L’honorable M. Vandenbossche avait raison lorsqu’il demandait des définitions, lorsqu’il disait qu’avant tout la chambre devait bien se pénétrer de l’idée de ce que c’était qu’un chemin vicinal. On aurait dû commencer par dire ce que c’est qu’un chemin vicinal, ce que c’est qu’un sentier vicinal.

Je crois que nous devons faire tous nos efforts pour persévérer dans l’œuvre que nous avons commencée. On devrait renvoyer cette question à la section centrale, et demain cette section viendrait nous dire si nous devons continuer, ou si nous devons attendre quelques jours. L’objet est assez important pour que nous ne devions pas craindre de retarder la discussion de dix ou quinze jours ; nous pourrions, dans l’intervalle, nous occuper d’autres lois. (Réclamations.)

M. Rogier – Depuis la loi provinciale, les conseils provinciaux se sont occupés, dans un certain nombre de provinces, de modifications à introduire dans les règlements actuellement existants sur la voirie vicinale. Mais comme un projet de loi était annoncé depuis un certain temps, et qu’ensuite ce projet de loi a été en effet soumis à la chambre, les conseils provinciaux ont été empêchés d’introduire dans ces règlements les modifications jugées nécessaires.

La voirie vicinale est une des parties les plus imposantes de l’administration. C’est un des points les plus essentiels, dont l’administration provinciale ait à s’occuper. Si la chambre continue à discuter de la même manière qu’elle a fait jusqu’ici, je crains que, dans le cours de cette session, et par conséquent, avant la session prochaine des conseils provinciaux, nous n’arrivions pas à un résultat. Ces considérations me feront appuyer la motion de M. Delehaye. Cette motion me paraît tout à fait rationnelle, et partir d’un esprit pratique.

Il est certain, qu’en cette matière, les besoins diffèrent selon les localités et selon les provinces. Quels sont les meilleurs appréciateurs de ces besoins locaux ? Evidemment l’administration la plus rapprochée, l’administration provinciale.

On vous dira que renvoyer aux conseils provinciaux le soin de pourvoir à l’entretien des chemins vicinaux, c’est en quelque sorte proclamer l’incompétence des chambres. Eh bien, quand cela serait ! quand les chambres reconnaîtraient que les conseils provinciaux sont plus compétents qu’elle pour régler les choses d’intérêt provincial, je ne vois pas le grand mal qu’il y aurait à cela. Je pense qu’en effet les conseils provinciaux sont plus compétents que nous-mêmes pour régler le mode d’entretien vicinal.

Remarquez que le principe de la proposition de l’honorable M. Delehaye n’est pas nouveau. Le germe en est déjà déposé dans la loi provinciale et dans la loi communale. Voici ce que porte l’article 79 de la loi provinciale :

« Art. 79. Le conseil prononce sur l’exécution des travail qui intéressent à la fois plusieurs communes de la province et sur la part de la dépense afférente à chacune, en prenant leur avis préalable et sauf leur recours au Roi dans le délai de 40 jours, à partir de celui où la résolution leur a été notifiée. »

Eh bien, messieurs, voilà un article qui, s’il était appliqué avec une certain énergie, par le conseil provincial, remplirait en grande partie le but de la proposition de l’honorable M. Delehaye, car évidemment cet article s’applique aux chemins vicinaux proprement dit, aux chemins qui conduisent d’une commune à une autre, et qui intéressent dès lors plusieurs communes. Aussi il a reçu plusieurs fois son application dans ce sens.

La loi communale, messieurs, a également consacré le principe qu’il s’agit de faire prévaloir ; le paragraphe 12 de l’article 90 et le paragraphe 19 de l’article 131 s’appliquent à cet égard en termes assez formels.

On simplifierait beaucoup la loi, on faciliterait beaucoup la marche de l’administration en abandonnant aux conseils provinciaux le choix des moyens par lesquels il pourra être pourvu, suivant les localités, à l’entretien de la voirie vicinale, dans telle province, il pourra arriver que tel mode, par exemple, la prestation en nature, convienne mieux que la prestation en argent, tandis que le contraire aura lieu dans une autre province. Il est impossible que la loi puisse pourvoir aux besoins de toutes les localités, qu’elle puisse indiquer quel mode sera suivi dans telle localité, quel autre mode sera suivi dans une autre localité ; c’est même un point qu’il serait plus convenable encore d’abandonner en partie aux députations, car les règlements faits par les conseils provinciaux ne pourront pas prévoir les modes d’application qui peuvent varier non seulement dans chaque province, mais encore dans chaque arrondissement et même dans chaque canton.

La loi que nous faisons ne sera pas pour cela une chose inutile. Vous aurez substitué un article clair et d’une application facile à un article qui demanderait une discussion interminable et qui, dans tous les cas, laissera sans doute beaucoup à désirer. Vous aurez encore le chapitre Ier, qui a son utilité, et le chapitre III, qui se détache entièrement du chapitre II, vous aurez en outre le chapitre IV, qui est susceptible d’une discussion spéciale.

Un avantage qu’offre encore la proposition de l’honorable M. Delehaye, c’est qu’elle permettrait aux conseils provinciaux de faire une expérience dont la législature elle-même pourra profiter si une expérience dont la législature elle-même pourra profiter si tant est qu’il faille plus tard revenir sur la loi, parce que le mode introduit ne sera pas convenable. On pourrait alors parer à des inconvénients que l’on ne prévoit pas même aujourd’hui. Si l’on reconnaît que les conseils provinciaux ne parviennent pas à faire des règlements appropriés à chaque localité, la chambre pourra reprendre, si elle le juge à propos, un objet qu’elle aurait abandonné aujourd’hui, et tâcher de se montrer plus habile que les conseils provinciaux. Je doute fort que la chambre puisse faire sous ce rapport ce que les conseils provinciaux n’auraient pas pu faire ; dans tous les cas, nous ferons bien, en attendant, de leur laisser faire un essai ; après quelques années d’essai, de pratique, si des abus se révèlent, il sera toujours temps de pourvoir par une loi spéciale.

M. Dubois – Je dois combattre l’opinion qui a été émise par l’honorable M. Rogier. Je ne puis pas considérer les chemins vicinaux, comme ayant un intérêt purement communal ; à mon avis, ce sont de véritables chemins publics tout aussi bien que le chemin de Bruxelles à Gand, ou le chemin de Gand à Bruges. En outre, messieurs, les chemins vicinaux sont l’accessoire d’une chose principale ; la chose principale, c’est l’agriculture, c’est l’industrie du pays, or, si l’agriculture et l’industrie sont la chose principale, elles doivent se charger de l’entretien de leur accessoire, les chemins vicinaux. Voilà, messieurs, la véritable base sur laquelle il faut établir la loi sur les chemins vicinaux.

Je persiste donc dans la proposition que j’ai eu l’honneur de faire à la chambre, je crois qu’il est de notre devoir de faire entrer les chemins vicinaux dans la catégorie des chemins de l’Etat et des chemins provinciaux.

Je demande que tous les amendements concernant les articles 13 et 14, soient renvoyés à la section centrale.

M. le président – Il ne s’agit en ce moment que de la proposition de M. Delehaye.

M. Dubois – Alors je demande qu’on passe à l’ordre du jour sur cette proposition, et que l’on renvoie à la section centrale tout ce qui a rapport aux articles 13 et 14.

M. Vandenbossche – Je pense, messieurs, que la proposition de M. Delehaye ne trouvera sa place que dans la discussion de l’article que nous avons renvoyé à la section centrale.

M. Lebeau – Quoique je ne sois pas très provincial et que l’on m’ait souvent accusé d’aimer beaucoup trop la centralisation, je déclare que, quant à moi, je remettais volontiers cette partie de la loi à l’expérience des conseils provinciaux. J’appuie donc la proposition de M. Delehaye, qui ne va pas au-delà des précisions de la loi provinciale et de la loi communale. Ces lois reconnaissent en effet aux conseils provinciaux le droit de faire des règlements pour la voirie vicinale.

Il y a cependant quelque chose à faire par la loi ; il y a des dispositions qui ne peuvent pas trouver leur place dans des règlements provinciaux. Ainsi, par exemple, il s’agit d’instituer des commissaires voyers., de les assermenter ; ce ne sont pas des choses qui puissent être faites par des règlements provinciaux. On ne peut imposer le serment que par la loi, on ne peut donner une autorité comme celle dont il est question, que par une loi.

Maintenant il y a des choses locales que vous voulez respecter, des choses locales sur lesquelles les conseils provinciaux sont plus aptes à se prononcer que nous ; ainsi, par exemple, la grande question des deux Flandres. J’entends d’honorables membres dire que dans les Flandres il s’élève un cri unanime de réprobation contre le système actuellement en vigueur ; eh bien, s’il y a dans les Flandres une opinion aussi générale, elle se produira au sein du conseil provincial et l’on modifiera ce système.

Dans d’autres provinces, il y a des usages particuliers et très anciens, que probablement les conseils provinciaux pourront respecter. Ainsi, dans le Brabant, l’entretien des chemins vicinaux est à la charge des communes, mais les fossés qui sont une dépendance des chemins, sont à la charge des riverains ; les cours d’eau ainsi que les sentiers y sont également à la charge des riverains. Dans la province de Namur, les sentiers comme les chemins vicinaux sont à la charge des communes ; il n’y a que les chemins d’aisance, dont l’entretien ne leur incombe pas. Dans le Limbourg, le curage des fossés et égouts, les rigoles et les cours d’eau sont une charge riveraine. Dans le Hainaut, l’entretien des sentiers incombe aux riverains. Il y a presque autant d’usages qu’i l y a de provinces.

Eh bien, c’est cette partie qui est essentiellement locale, que l’honorable M. Delehaye propose d’abandonner aux conseils provinciaux. Quant à moi, je n’y vois pas le moindre inconvénient, alors surtout que le gouvernement est là pour réprimer ce qui, dans les règlements des conseils provinciaux, pourrait être contraire aux lois ou blesser l’intérêt général.

M. d’Huart – Messieurs, il est un point sur lequel je pense que tout le monde est d’accord, c’est que le système actuel sur l’entretien des chemins vicinaux est vicieux, et qu’il faut y apporter des modifications.

D’après d’honorables préopinants qui soutiennent la motion de l'honorable M. Delehaye, les conseils provinciaux seraient depuis longtemps armés du droit de règlementer tout ce qui concerne les chemins vicinaux, et ils auraient pu, dès lors, en l’absence même de toute loi nouvelle, modifier l’état actuel du mode de réparation des chemins.

Eh bien, je trouve dans cette argumentation de nos honorables contradicteurs une raison pour m’opposer à la proposition de M. Delehaye. Ils reconnaissent que les conseils provinciaux avaient le droit d’améliorer le système actuel, et cependant ces conseils n’en ont rien fait ; ce serait donc sciemment consacrer cette inaction, que d’adopter la motion que je combats, puisqu’elle ne changerait rien à ce qui existe.

Messieurs, il est une question qui doit être examinée et approfondie. Les chemins vicinaux peuvent-ils être considérés comme se rattachant à un intérêt purement commercial ? ou ne doivent-ils pas être plutôt envisagés comme liés à l’intérêt général ?

Du moment que l’on envisage la question de cette manière, il n’y a pas de doute que l’objet dont nous nous occupons ne doive faire l’objet d’une loi générale.

Vous voulez, mes honorables contradicteurs, donner aux provinces le droit de porter, sans limite, des règlements sur cette matière, vous voulez aller jusqu’à leur abandonner le pouvoir de frapper des impositions à la charge des communes, mais êtes-vous bien certains que la constitution vous autorise à abdiquer le droit que vous avez de voter des impositions communales. Pour moi, j’en doute beaucoup. D’après votre système, vous considérez les chemins vicinaux comme étant d’intérêt communal. Or, aux termes du paragraphe 3 de l’article 110 de la constitution, aucune charge, aucune imposition communale ne peut être établie que du consentement du conseil communal.

Ce ne serait donc pas les conseils provinciaux qui, en définitive, décideraient de l’entretien des chemins vicinaux ; ce seraient les conseils communaux, puisqu’ils pourraient se refuser à telle ou telle imposition qui leur serait proposée par les conseils provinciaux. Voyez jusqu’à quel point votre système compromettrait le sort de l’objet intéressant qui nous occupe.

Le résultat inévitable de votre loi serait la continuation de l'état actuel des choses, c’est-à-dire que dans les provinces où l’on est pénétré de l’importance et de la nécessité des chemins vicinaux, et où l’on ne craint pas de s’imposer pour pourvoir à leur entretien, vous aurez de bons chemins vicinaux ; mais que dans les provinces où l’on ne veut faire aucun sacrifice pour l’amélioration des chemins vicinaux, ceux-ci continueront à être mauvais.

La thèse que je soutiens, messieurs, est d’intérêt général, elle est contraire à cet esprit de fédération qui se produit de temps en temps dans cette chambre ; en cette circonstance je suis véritablement étonné que d’honorables membres qui, ordinairement s’élèvent avec raison et avec force contre cet esprit provincial, dont le développement ne peut que nuire au pays ; je suis étonné, dis-je, qu’ils défendent en ce moment des principes qui finiraient pas amener une distinction frappante entre nos différentes provinces, distinction d’autant plus visible que tout voyageur pourrait l’apprécier. Dans une province, il verrait les chemins vicinaux bien entretenus, dans telle autre, il les verrait dans un étant d’abandon. Ainsi, l’étranger qui parcourrait notre pays aurait une bien mauvaise idée de nos institutions, de notre législation sur un des objet d’intérêt public, qui a toujours été considéré comme des plus importants par tous les gouvernements.

Je dirai, messieurs, que la disposition que je combats a une portée telle qu’elle peut être envisagée comme étant d’ordre public, et que sous ce seul rapport nous ne devrions pas abandonner la chose aux conseils provinciaux. Ne pourrait-il pas arriver qu’une petite majorité dans un conseil provincial prenne des mesures telles, qu’il en résulte un mécontentement général et insurmontable dans une province ? Croyez-vous que ce mécontentement (s’exercerait) directement et exclusivement contre ceux qui l’auraient provoqué ? ce serait en définitive sur le gouvernement, sur les institutions du pays que retomberaient les conséquences de ce mécontentement, parce que le public n’ira pas rechercher si c’est le conseil provincial spécialement qui aura provoqué l’irritation ; il remontera plus haut, il trouvera dans les principes mêmes que vous aurez consacrés par vos lois, les causes fondamentales de son mécontentement.

Voilà ce que j’avais à dire pour justifier mon vote. J’ajouterai que l’adoption de la proposition de M. Delehaye aurait pour résultat de supprimer ce que je considère comme le cœur de la loi, puisqu’en effet, le mode de pourvoir à l’entretien des chemins vicinaux est l’unique ou si vous voulez, l’objet essentiel de nos délibérations.

M. Verhaegen – Messieurs, le cercle de la discussion vient encore de s’agrandir ; l’honorable M. d’Huart s’est demandé si les chemins vicinaux se rattachent à un intérêt communal ou général, et l’honorable membre prétend que les chemins vicinaux se rattachent à un intérêt général ; il considère même tout ce qui a rapport à ces chemins comme une question d’ordre public ; il en tire la conséquence que les conseils provinciaux ne peuvent pas s’occuper de ce qui constitue un rapport d’intérêt général. Nous avons discuté hier la question de savoir si un objet d’intérêt général devait être abandonné aux soins des propriétaires riverains ; cette question a été renvoyée à l’examen de la section centrale, et la chambre aura bientôt à s’en occuper, quand cette section aura fini son rapport.

Vous voyez combien de difficultés la discussion enfante. A mesure que nous avançons, nous rencontrons des difficultés nouvelles et sérieuses. De quoi proviennent toutes ces difficultés ? De l’origine de notre discussion parce que nous n’avons pas voulu commencer par le commencement. (Hilarité.) Tout le monde se demande ce que c’est qu’un chemin vicinal. Les uns disent que c’est un intérêt communal, d’autre que c’est un intérêt provincial, d’autres que c’est un intérêt général. Nous sommes arrivés au point de soutenir que les chemins vicinaux sont, tout autant que les grandes routes, d’un intérêt général, et nous ne savons pas encore ce que c’est qu’un chemin vicinal.

Quand en France on a fait la loi sur les chemins vicinaux, les chambres françaises ont eu à se prononcer sur un travail élaboré par un corps spécial qui en avait fait son affaire, par le conseil d’Etat ; le travail formait un ensemble complet, et l’on a fait une bonne loi. Nous, nous reculons dès le principe, nous reculons devant la première difficulté. La difficulté gisait dans la question de savoir ce que c’est qu’un chemin vicinal, nous avons reculé, et nous voulons reculer dans cette position. Quelqu’extraordinaire que celui puisse paraître, je crois qu’il sera très prudent de renvoyer encore une fois tous les amendements à la section centrale, pour qu’elle tâche de coordonner ces dispositions, de manière à en faire un ensemble, car je crains fort qu’avec les principes divers qui viennent d’être émis, on ne puisse pas faire quelque chose qui ait un ensemble quelconque. Aujourd’hui, il y a une proposition qu’on considère comme préalable, proposition qui me paraît, dans les circonstances présentes, assez dangereuse.

Voici l’observation que je me permets de vous soumettre. Je voudrais bien que les honorables membres auteurs de l’amendement voulussent bien s’en expliquer.

Vous voulez donner aux conseils provinciaux le soin de statuer sur ce qui concerne l’entretien des chemins vicinaux. Mais d’après cette proposition telle qu’elle est faite, vous iriez même jusqu’à donner aux conseils provinciaux, comme le voulait M. Vandenbossche, le droit de décider même si les dépenses d’entretien des chemins vicinaux demeureront en tout ou en partie à la charge des propriétaires riverains, là où l’usage en est établi. Assurément, je n’admettrai pas cela. S’il ne s’agissait que de donner aux conseils provinciaux le droit de régler comment seront faites les dépenses d’entretien, nous pourrions peut-être tomber d’accord.

Je prie les auteurs de l’amendement de s’expliquer ; s’il ne s’agit que de déterminer comment les dépenses seront faites, quand il sera décidé que les communes devront pourvoir à ce que M. d’Huart considère comme tenant aux intérêts généraux ; il n’y aura pas grand difficulté. Si la proposition n’a pas seulement pour but de déterminer de quelle manière sera fait le rôle pour mettre la commune à même de parvenir aux dépenses d’entretien qu’elle sera tenue de faire, mais bien de laisser aux conseils provinciaux le soin de décider, comme le portait l’article 13 du gouvernement et l’amendement de M. Vandenbossche, que la dépense demeurera en tout ou en partie, à la charge du propriétaire riverain, là où l’usage en est établi, c’est permettre aux conseils provinciaux de se mettre au-dessus de la loi, c’est établir le droit coutumier dans notre pays, c’est ce que nous ne pouvons admettre.

Il nous faut quelque chose sur quoi nous puissions nous mettre d’accord. Ce qu’il y a de mieux à faire, c’est de renvoyer le tout à la section centrale qui nous fera une proposition à la prochaine séance. De cette manière nous arriverons à faire quelque chose.

M. Vandenbossche – Je suis loin de partager l’opinion que m’a prêtée l’honorable M. Verhaegen. Je ne voulais pas de règlement provincial qui aurait obligé toute la province.

Il s’agit ici d’une disposition qui doit déterminer le mode de procurer aux communes les moyens de faire les réparations d’entretien voulues ; je crois que nous ferions bien de continuer la discussion de cet article et procéder ensuite à la solution des question que l’on a soulevées.

M. Dubois – Je rappellerai que j’ai demandé qu’on ne discute pas la proposition de M. Delehaye et qu’on la renvoie à la section centrale.

M. le président – Il est bien temps que la discussion soit finie.

M. Dubois – J’avais fait cette demande au commencement de la discussion.

M. le président – Je ne l’ai pas entendue.

M. Delehaye – Je pense que la chambre combat un fantôme qui n’existe pas. Ce que nous voulons, c’est qu’on entretienne les chemins vicinaux dans un bon état de viabilité. Ma proposition n’a pas d’autre but que de fournir les moyens de bien entretenir les routes. Quant à l’observation de M. d’Huart, qu’il pourrait se faire que des conseils provinciaux prisent, à la majorité d’une ou deux voix, des mesures très importantes de nature à méconnaître la province.

Je demanderai ce que doit dire le pays quand la chambre à une majorité de deux ou trois voix prend des résolutions qui sont de nature à compromettre tous les intérêts du pays. Cette objection a bien une autre portée à l’égard de la chambre qu’à l’égard d’un conseil provincial. J’ai assez bonne opinion du conseil provincial dont a parlé l’honorable membre pour croire qu’ils ne prendront que des mesures utiles. Quant aux Flandres, les conseils maintiendront à peu près ce qui existe aujourd’hui. J’ai la conviction intime que si tous les fonctionnaires faisaient leur devoir, ne mettaient pas de négligence, les chemins seraient en bon état.

J’admets qu’il faudra modifier le système actuel. Mais les conseils pourront faire cela mieux que nous. Ils sont composés de personnes ayant des connaissances spéciales, et plus à même de décider les questions relatives à cet objet. Ils détermineront le mode qui pourra convenir. Si ce que feront les conseils provinciaux, ne vaut pas ce que nous étions en droit d’attendre d’eux, nous pourrons toujours y substituer une loi.

Ma proposition, je le répète, n’a rien d’extraordinaire ou d’effrayant ; je pense qu’on l’adoptera.

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Il faut statuer au fond sur la proposition de M. Delehaye. Je fais observer qu’elle rentre en partie dans la proposition du gouvernement, paragraphe 2 de l’article 13, du moins en ce qui concerne les Flandres.

Si la proposition du gouvernement avait été accueillie, le surplus des dispositions eût été facile à voter, parce que dans les provinces où il existe des usages et où on n’aurait pas voulu les conserver, on aurait exécuté les articles 14 et suivants.

Nous avons une première question de principe à décider : ordonnera-t-on, dans tous les cas, de racheter en argent les prestations en nature ?

Deuxième question : Laissera-t-on racheter par des prestations en nature les centimes additionnels aux contributions de l’Etat ?

Troisième question : Laissera-t-on aux conseils la faculté de conserver les usages qui mettent l’entretien des chemins vicinaux à la charge des riverains ?

Voilà les trois questions de principe à décider.

M. Rogier – Je crois qu’on donne une trop grande portée à la proposition de M. Delehaye. M. le ministre vient de dire qu’il serait disposé à l’accepter parce qu’elle rentre dans la disposition primitive du gouvernement dont la section centrale n’a pas voulu. Oui, cette proposition rentre dans celle du gouvernement ; car elle est moins étendue ; la proposition du gouvernement allait jusqu’à remettre aux conseils provinciaux le droit de mettre à la charge des propriétaires riverains, en tout ou en partie, l’entretien des chemins vicinaux. M. Delehaye demande que les conseils restent juge du mode d’entretien à établir, soit par la prestation en numéraire, soit par la prestation en nature, mais toujours à la charge de la commune. Voilà comme l’entend M. Delehaye.

Un grand nombre de voix – Non ! non !

M. Rogier – Je dis que cet amendement n’a pas la portée qu’on lui donne, que du reste rien ne me semble plus logique, plus simple et plus naturel que de laisser aux administrations provinciales le soin d’examiner et de décider de quelle manière il convient de pourvoir à l’entretien de la voirie vicinale.

On vous a dit qu’il était fort étonnant que des représentants qui ont l’habitude de soutenir ici l’unité nationale, poussaient en quelque sorte la Belgique à une sorte de fédération. On a dit que les chemins vicinaux n’étaient ni d’intérêt communal, ni d’intérêt provincial, mais d’intérêt national. Messieurs, nous n’aimons pas qu’on mette le clocher partout, mais non n’aimons pas non plus qu’on mettre la nation partout. Nous reconnaissons que les routes de l’Etat et le chemin de fer sont d’intérêt national, que les routes provinciales sont aussi d’intérêt national à un autre degré ; mais nous ne pouvons mettre sur la même ligne que les chemins de fer et les routes de l’Etat des chemins d’une lieue ou d’une demi-lieue. Il y a diverses espèces d’intérêt, il y a les intérêts généraux, les intérêts provinciaux et les intérêts communaux. Ces intérêts sont reconnus par la constitution, par la loi provinciale et par la loi communale.

Il faut bien laisser quelque chose à faire à vos conseils provinciaux. Si vous les déclarer incapables de pourvoir à l’entretien de la voirie vicinale, je ne sais en vérité ce qu’ils feront, alors qu’ils sont incapables de régler d’autres matières que vous n’avez pas hésité à leur attribuer dans la loi provinciale.

Je m’étonne que l’on présente la voie vicinale comme d’intérêt national, et surtout que ceux qui soutiennent cette opinion, préconisent le système de la corvée. Comment ! les chemins vicinaux sont d’intérêt national, et vous laissez à chaque particulier le soin de les entretenir de la manière qui leur conviendra ? Il est difficile de concilier de tels systèmes. Si les chemins vicinaux sont d’intérêt national, alors c’est au gouvernement à intervenir ; il ne s’agit plus que d’en abandonner l’entretien à la corvée. Nous, au contraire, nous soutenons que le chemins vicinal est d’intérêt communal, tout en reconnaissant que tous les chemins réunis offrent un intérêt général. L’entretien des chemins vicinaux est donc du ressort de l’autorité communale qui doit y pourvoir sous la direction de l’autorité supérieure provinciale, laquelle est subordonnée à l’autorité du gouvernement qui vérifie si, dans des mesures d’intérêt local, les lois n’ont pas été respectées, l’intérêt général n’a pas été blessé.

Je reviens sur ce que j’ai dit tout à l’heure. Cette partie de la loi peut être ajournée sans inconvénient. Les conseils provinciaux ayant, du moment qu’on ne porte pas une nouvelle loi, le droit incontestable d’imposer aux communes le mode d’entretien qu’ils jugeront le plus convenable, agiront de confiance. La loi provinciale leur donne le pouvoir d’imposer des dépenses aux communes pour les charges qui intéressent plusieurs localités. Dans ma province, le conseil n’a fait usage de cette faculté que pour deux communes. Ce droit que consacre la loi provinciale s’est trouvé paralysé dans le conseil provincial par la promesse d’une loi sur la voirie vicinale. Divers conseils provinciaux ont senti la nécessité de s’occuper de la voirie vicinale et ont même proposé des modifications à leurs règlements. Mais comme on a pensé que la loi sur la voirie vicinale pouvait poser des principes auxquels ces règlements dérogeraient, on a jugé à propos d’attendre que cette loi fût votée. C’est ainsi que la bonne volonté des conseils provinciaux s’est trouvée paralysée. La loi ne serait pas nécessaire si elle n’avait pas été présentée, et si elle était retirée, les conseils provinciaux trouveraient dans la loi provinciale les moyens que vous voulez leur accorder. Mais la loi étant présentée et discutée, ils attendent qu’elle soit votée avant de procéder à la révision des règlements provinciaux.

Si les modifications qui seraient introduites dans les règlements provinciaux n’atteignaient pas le but que nous devons tous chercher, nous serions avertis par les abus de ce qu’il y aurait à faire ; nous ferions une loi, non pas a priori mais d’après l’expérience, d’après les faits accomplis auxquels il aurait été jugé indispensable de porter remède. Je crois donc que la proposition est amplement suffisante.

Il faudrait s’en rapporter à l’expérience des hommes qui, sans avoir une expérience très ancienne, ont étudié les faits et reconnu les nécessités.

Je crois, je le répète, la proposition suffisante. Certes, si nous pouvions aller au-delà et adopter le principe général posé par mon honorable ami, je m’y rallierais plus volontiers qu’à la proposition de M. Delehaye ; mais ils ‘agit de prendre une mesure transactionnelle entre diverses opinions contraires qui se sont manifestées de toute part ; et ceci est la meilleure preuve de l’incompétence de la chambre à porter un règlement général. On ne peut régler par une loi générale des intérêts aussi divers, aussi contraires que ceux qui se rattachent à la voirie vicinale.

J’appuie donc la proposition de l’honorable M. Delehaye. Si elle vient à passer, la chambre aura atteint le résultat qu’elle se propose ; s’il en est autrement, je crains que la loi ne soit pas votée dans cette session, et que par conséquent les conseils provinciaux ne puissent dans leur session de cette année s’occuper de la voirie vicinale.

M. d’Huart – Je ne me propose pas de rentrer longuement dans cette discussion. Je rencontrerai seulement une observation de l’honorable préopinant. Il vous a dit : « Je ne conçois pas cette inconséquence, et un membre de la chambre qui veut considérer les chemins vicinaux comme d’intérêt général, comme méritant d’être l’objet de résolutions spéciales de la législature, et qui en même temps veut conserver la corvée pour mode d’entretien des chemins vicinaux. » je crois que cet honorable membre et un autre orateur qui a parlé avant lui n’ont pas compris ce que c’est que la corvée.

Si dans cette enceinte on parlait de rétablir la corvée féodale, je conçois qu’un cri de réprobation s’élevât contre une telle idée ; mais il n’est nullement question de cela. Qu’est-ce donc que la corvée dont on veut vous faire peur ? Est-ce une charge qu’on veut imposer au pauvre en faveur de classes privilégiées ? Nullement ; la prestation en nature dont nous avons parlé est un mode institué en faveur de la classe pauvre qui ne pourrait se libérer qu’avec son travail ; et ce système est conforme aux règles de la justice distributive, puisque tout le monde est atteint d’après des bases uniformes et générale.

L’honorable préopinant nous a conseillé, messieurs, de nous en rapporter en cette matière aux hommes qui, dans avoir une longue expérience, ont cependant étudié les faits et apprécié les nécessités. Je reconnais volontiers que les honorables membres auxquels s’applique cette allusion, ont des lumières et de l’expérience ; je suis heureux de me trouver la plupart du temps de leur avis dans les questions principales qui occupent la chambre ; mais dans l’espèce, ces honorables collèges n’ont, permettez que je le dise, montré aucune connaissance des faits et des nécessités. Quiconque connaît nos campagnes sait qu’il serait d’une rigueur excessive, d’exiger exclusivement de l’argent pour la réparation des chemins vicinaux, c’est-à-dire que le système de M. Lebeau, que M. Rogier vient tout à l’heure de regretter de ne pas voir prévaloir, serait inexécutable, si l’on considère que dans les campagnes, les habitants n’ont pas tous de l’argent à leur disposition. Ils ont des chevaux, des bras, de la bonne volonté à offrir à l’administration pour la réparation des chemins vicinaux, mais de l’argent , l’on ne saurait en obtenir du plus grand nombre. Or, c’est pour cela que nous demandons qu’ils puissent racheter l’impôt en nature et en cela nous agissons sous l’influence de la possibilité de la réalité des faits.

On nous propose d’admettre la motion de l’honorable M. Delehaye à titre d’essai. Attendez, nous a-t-on dit, et si les règlements futurs des conseils provinciaux ne répondent pas à vos intentions, vous porterez une loi. Mais je ne veux pas attendre. Il y a vingt ans que cette manière est dans les attributions des conseils provinciaux ; vous savez ce que la plupart d’entre eux ont fait. Les choses se sont pratiquées d’une manière dans une province et d’une manière toute différence dans l’autre. Il y a eu partout défaut d’uniformité ; les conseils provinciaux ne nous présentent donc point les garanties suffisantes pour arriver au but que nous voulons tous atteindre ; celui d’obtenir le plus promptement possible ma mise en bon état de viabilité de tous les chemins vicinaux du pays.

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Je me bornerai à présenter de courtes observations.

Je dis que la proposition de l’honorable M. Delehaye va beaucoup plus loin que la proposition primitive du gouvernement, amendée au premier vote, puisqu’elle laisse aux conseils provinciaux non seulement le droit de conserver, s’ils le jugent à propos, à l’égard des riverains, le mode actuellement en usage, mais encore d’adopter, là où il n’y a pas d’usage établi , tel mode d’imposition qu’ils jugeront convenable.

D’après cela, messieurs, je pense que la chambre ayant amendé au premier vote la proposition du gouvernement, parce qu’il lui semblait qu’elle allait trop loin doit regretter l’amendement de l’honorable M. Delehaye. Mais je regrette qu’au premier vote, elle n’ait pas adopté la proposition du gouvernement, car elle se serait par là évité une longue discussions et de grands embarras.

On a dit, messieurs, que la loi était tout entière dans le chapitre 2 relatif à l’entretien des chemins vicinaux ; c’est là une véritable erreur. De quoi s’est-on plaint depuis un grand nombre d’années ? De ce que les communes sont entièrement dépourvues des moyens de réprimer les anticipations qui se font sur les chemins vicinaux. Il faut d’ailleurs distinguer entre l’entretien ordinaire des chemins vicinaux et les réparations extraordinaires qu’on veut faire à ces chemins ; c’est surtout pour faciliter les réparations extraordinaires qu’il y a à faire aux chemins vicinaux, qu’une loi est encore nécessaire. Déjà un grand nombre de communications nouvelles ont été créées aux frais de l’Etat et des provinces ; si maintenant nous mettons encore les conseils à même de faire les dépenses nécessaires pour l’empierrement et le pavement de certains chemins vicinaux, il ne restera plus que le simple entretien des chemins de terre, et cette partie n’est pas aussi onéreuse pour les communes qu’on a bien voulu le dire.

La chose essentielle, c’est d’aviser à l’empierrement et au pavement de certains chemins vicinaux, et, en second lieu, de donner aux communes la faculté d’empêcher les anticipations et de les réprimer. Quant aux chemins de terre proprement dits, on aura beau faire, on ne les rendra jamais bons , les communes se borneront à combler les ornières deux fois par an, comme l’ont toujours fait, et, lorsque la saison des pluies viendra, les chemins seront toujours mauvais. C’est ce que j’ai pu observer par une longue expérience, ayant habité plusieurs localités dans la campagne.

Je crois donc que la chambre pourrait avoir un peu plus de confiance dans ses lumières, et qu’elle ne devrait pas s’arrêter à une foule d’objections de détail qui disparaîtront dans la pratique. Je vois à regret que chacun se crée des fantômes en exagérant et en multipliant les difficultés de la loi.

Plusieurs membres – La clôture !

M. Dubois – Je demande que l’on ne prononce pas la clôture, et que l’on me permette de répondre quelques mots à l’honorable M. Rogier qui a exagéré mon opinion. Je tiens à rétablir ce que j’ai dit, car il importe, pour que l’on puisse examiner mon amendement, que l’on sache bien quels sont les principes qui m’ont déterminé à le présenter.

M. Lys – Messieurs, la question me paraîtrait devoir se réduire à un point beaucoup plus simple, je voudrais borner la discussion à un seul point, qui est celui de savoir si on abandonnera aux provinces le mode de s’imposer en ce sens seulement, qu’au conseil provincial appartiendra le droit de décider si l’imposition sera répartie en argent, ou sera répartie en nature ou en corvée, enfin, messieurs, si la réparation aura lieu et en numéraire et en corvées simultanément.

Je ne vois là, messieurs, aucune difficulté à craindre ; chaque province fera à cet égard son ménage, ainsi qu’elle le trouvera convenable ; mais en se bornant, messieurs, à faire opérer l’entretien, soit en contributions à fournir en numéraire, ou par journées, soit en numéraires et en journées, il me paraît, messieurs, qu’il n’y aurait la plus petite difficulté d’abandonner ce soin aux états provinciaux. Je présente donc le sous-amendement suivant :

« Le mode de fournir à l’entretien des chemins vicinaux, en ce qui concerne la question, si les prestations seront fournies en argent ou si elles seront fournies en nature, ou si elles seront fournies en argent et en nature simultanément, est abandonnée aux conseils provinciaux. »

L’article 19, messieurs, présentait bien une question qui a de l’analogie avec ma proposition, mais là, messieurs, il fallait le consentement de la commune et de la province, ici c’est le conseil de la province qui serait seul compétent.

- La clôture est mise aux voix et adoptée.

L’ordre du jour sur la proposition de M. Delehaye est ensuite mis aux voix et adopté.

M. le président – La proposition de M. Delehaye étant écartée, le sous-amendement de M. Lys l’est également ; il s’agit donc maintenant de la question soumise à la chambre par. M. Lebeau. M. d’Huart a proposé de poser cette question en ces termes :

« La prestation des journées de travail sera-t-elle exclusivement fournie en argent ? »

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Il me semble qu’il y a deux choses à examiner ; d’abord si la prestation des journées de travail pourra être payée en nature et ensuite si les centimes additionnels à la contribution directe pourront être rachetés par des travaux. Le projet du gouvernement et celui de la section centrale proposent à cet égard ce qui suit : La taxe se compose en partie de journées de travail d’hommes et de chevaux, et en partie de centimes additionnels aux contributions directes ; le tout est évalué en argent ; ensuite il est permis au contribuable de déclarer, dans le mois, s’il veut acquitter la prestation de journées de travail en nature, et s’il veut racheter les centimes additionnels par des prestations en nature. Après le délai d’un mois il faut payer en argent.

Maintenant, M. Lebeau a proposé d’une manière absolue de faire payer en argent la prestation de journées de travail, soit d’hommes, soi de chevaux, de faire payer également les centimes additionnels.

M. d’Huart a demandé que les prestations de journées de travail, soit d’hommes, soit de chevaux, soient fournies en nature.

M. Lebeau – Je crois, messieurs que ma proposition doit avoir la priorité sur celle de M. d’Huart, comme beaucoup plus générale. Je vous prie de remarquer que mon système n’est pas exclusif, car j’ai déclaré formellement que, pour satisfaire aux observations de plusieurs de mes honorables collègues, j’avais modifié ce qui pouvait y avoir de trop absolu dans ma proposition.

Je demanderai que la question soit posée, en ces termes : « La prestation en numéraire sera-t-elle générale ? »

L’on comprend très bien que si la chambre décide que la prestation en numéraire sera la règle générale, cela change toute l’économie de la loi ; la portée d’une semblable décision ne saurait être douteuse lorsqu’elle est interprétée de bonne foi comme elle le sera sans aucun doute.

M. Cogels – Messieurs, le règlement dit que les amendements sont soumis aux voix avant la proposition principale et les sous-amendements avant les amendements. Si la proposition de M. Lys pouvait être considérée comme sous-amendement, elle aurait dû être mise aux voix avant la proposition de M. Delehaye ; si, au contraire, on la considère comme une proposition distincte, alors je ne conçois pas pourquoi elle ne pourrait plus être mise aux voix.

M. Lys – Je demanderai que mon amendement soit renvoyé à la section centrale, je crois que rien ne s’oppose à ce renvoi.

M. F. de Mérode – J’appuie la demande de M. Lys, parce que sa proposition ne me paraît pas du tout se lier à la proposition de M. Delehaye ; c’est un autre système que celui de M. Delehaye. Quant à moi, j’adopterai volontiers la proposition de M. Lys, tandis que je n’aurais pu en aucune manière adopter l’autre.

M. Dubus (aîné) – Au moment où l’on a voulu poser ce qu’on a appelé des question de principe est venue la proposition de M. Delehaye qui a été présentée comme une question préalable dont la discussion a occupé toute la séance ; maintenant il paraît que l’on veut faire jouer le même rôle à la deuxième proposition. Je voudrais que l’on examinât d’abord la question de principe ; sans cela, c’est une discussion qui ne prendra pas de fin.

M. Lys – Mon amendement est différent de la proposition de M. Delehaye.

Un membre – On pourrait le faire imprimer et distribuer, et statuer demain sur le renvoi. (Oui !)

- La séance est levée à 4 heures trois quarts.