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d’intention
Chambre
des représentants de Belgique
Séance du mardi 25 février 1840
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre (notamment pétition d’un ex-colonel
(Parent) pour une indemnité (Dumortier)
2) Projet de loi sur les chemins vicinaux. Vote définitif des articles. Pro Deo en faveur des communes (de Garcia, de Theux, F. de Mérode, de Garcia, de Behr, de Garcia), imprescriptibilité des chemins vicinaux (Desmet, Lebeau, de Theux), charge de l’entretien (communes vs particuliers) (Angillis, Dubois, Desmet, de Langhe, Angillis, Milcamps, F. de Mérode, de Theux, Vandenbossche, Lebeau, de Theux, d’Huart, de Muelenaere, de Theux, d’Huart, Lebeau, de Theux, Desmet, Dubus (aîné), de Theux), insuffisance des ressources de la commune (prestations en numéraire vs prestations en nature) (Cools, Mast de Vries, de Theux, F de Mérode, Dubois, de Garcia, Milcamps, Demonceau, Cools, de Theux, Cools, de Garcia, Lebeau, de Theux, Demonceau, Cools, d’Huart, de Theux, Vandenbossche, Cools, de Theux, Dubois)
(Moniteur belge
n°57 du 26 février 1840)
(Présidence de M.
de Behr)
M.
Scheyven fait l’appel nominal à 1 heure un quart.
M. B. Dubus lit le procès-verbal de la dernière séance ; la
rédaction en est adoptée.
M.
Scheyven présente l’analyse des pièces adressées à la chambre :
PIECES
ADRESSEES A
« Trois légionnaires demandent que la chambre
s’occupe dans cette session du projet relatif aux pensions des
légionnaires. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet.
___________________
« Les habitants des communes de Gand, d’Assenede,
Clinge, Zwyndrecht, Herinlhout, Gheluwe, Bredene, Nieuport, Mannekensvere,
Wielsbee, Oostunkerque, demandent le rétablissement de la langue flamande dans certaines
provinces pour les affaires de la commune et de la province. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
___________________
« Le sieur Parent,
ex-colonel de volontaires, demande une indemnité pour les avances qu’il a
faites à son corps et sa part sur la somme allouée aux volontaires. »
M.
Dumortier – Vous venez, messieurs,
d’entende l’analyse de la pétition de M. Parent. Le pétitionnaire est digne de
toute votre sollicitude par les services qu’il a rendus à la patrie à l’époque
de la révolution. Vous connaissez la pétition : il en a remis un
exemplaire à chacun d’entre vous. Vous savez que pendant les premières journées
le pétitionnaire a exercé un commandement important sur la place Royale. Il a,
je le répète, redus alors d’immenses services à la cause de la
révolution ; ce sont des services que nous ne devons jamais oublier.
Il parait que le pétitionnaire a fait alors des
dépenses qui n’ont pas été liquidées ; il réclame de ce chef et d’autres
chefs. Nous voyons des allocations en faveur de ceux qui ont desservi a cause
de a révolution, nous devons espérer qu’il ne sera pas refusé d’allocation à
ceux qui ont servi cette même case. Sans vouloir préjuger la proposition qui
pourra vous être faite à cet égard par la commission, je demande le renvoi avec
demande d’un prompt rapport à la commission des pétitions. Vous verrez, d’après
le rapport qui vous sera fait par cette commission, s’il y a lieu de renvoyer
la pétition à M. le ministre de la guerre, ou de voter en faveur du
pétitionnaire, une allocation pour créance arriérée.
La pétition est renvoyée à la commission avec demande
d’un prompt rapport.
__________________
M.
le président – Le bureau a composé comme suit les deux commissions de la
nomination desquelles il a été chargé dans la séance d’hier.
Commission pour la nomination d’un troisième juge
d’instruction dans l’arrondissement de Bruxelles, pris parmi les juge du
tribunal de cet arrondissement : M. Verhaegen, Thienpont, Dolez, Fleussu,
de Garcia.
Commission pour l’interprétation d’un article de la
loi sur les successions : MM. d’Huart, Demonceau, Duvivier, Raymaeckers,
Scheyven.
Vote définitif
des articles
Article 10
M. le
président – M. le ministre de
l'intérieur et des affaires étrangères propose de faire un article nouveau des
derniers paragraphes de l’article 9 modifiés comme suit :
« Art 10. « Les instances auxquelles donnent
lieu les droits mentionnés à l’article précédent, ainsi que celles ayant pour
objet les parcelles indiques au plan comme devant être restituées aux chemins,
sont instruites et jugées devant les tribunaux comme affaires sommaires et
urgentes.
« Lorsqu’en exécution du plan, il y aura lieu à
expropriation, le plan sera approuvé par arrêté royal, et on se conformera aux
dispositions de la loi du 17 avril 1835, sur l’expropriation pour cause
d’utilité publique. »
La discussion est ouverte sur cet article.
M. de Garcia – Je pense, messieurs, que si
vous n’y prenez garde, les communes seront exposées à une quantité de procès
qui entraîneront leur ruine. Je voudrais qu’on ajoutât à l’article une
disposition ainsi conçue :
« Les communes, soit en demandant, soit en défendant,
jouissent du bénéfice du pro Deo pour soutenir ces instances. » Je demande
à développer cet amendement.
M.
le président – Le règlement s’y
oppose ; il faudrait que M. de Garcia, pour développer cet amendement, y
fut autorisé par la chambre.
M. de Garcia – Déjà, dans la séance
d’hier, on a introduit dans la loi des amendements nouveaux. Je sais au reste
que la demande est contraire au règlement ; mais s’il est possible d’y
déroger, ma proposition mérite cette dérogation ; car si vous ne
l’admettez pas, des communes seront, pour un empiètement sur un chemin vicinal,
ou pour toute autre cause, d’une valeur de 15 à 20 francs, entraînées dans un
procès qui leur coûtera 5 ou 600 francs. La chambre ne peut consentir à ce
qu’il en soit ainsi. Quand on veut quelque chose, on doit vouloir les moyens,
et si vous n’admettez la proposition que j’ai l’honneur de vous faire, la loi
dont vous vous occupez pourra, dans certaines communes, ne recevoir aucune
espèce d’exécution.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires
étrangères (M. de Theux) – Déjà mon attention avait
été appelée sur la motion de l’honorable M. de Garcia ; mais c'est une
considération qui m’avait empêché de l’adopter, c’est que j’avais crains que
les communes jouissant du pro Deo ne fussent entraînées par des inimitiés de
personnes ou de partis à plaider gratuitement contre les habitants de la
communes ou les propriétaires forains. Ce serait assurément un inconvénient
assez grave. Je voudrais donc que la proposition ne fût pas admise de plano,
mais qu’elle fût examinée, approfondie. On aurait à voir si le ministère public
ne pourrait pas être chargé de traiter ces affaires devant les tribunaux pour
les communes ; mais cela devait être l’objet d’une proposition
spéciale ; nous ne pouvons admettre ex abrupto cette proposition qui peut
avoir des conséquences très graves.
M. F. de Mérode – Il est certain que si l’on veut que la loi soit mise à
exécution il est nécessaire d’en fournir les moyens aux communes. Si ceux sur
la propriété ou au bord de la propriété desquels passent les chemins savent que
la commune ne peut leur faire un procès qu’en supportant des frais
considérables, peut-être empièteront-ils sur le chemin. Si, au contraire, les
propriétaires savent que la commune peut plaider pro Deo, ils seront plus
disposés à renoncer à des empiètements qui n’ont pas grande importance pour eux,
mais qui ont beaucoup d’importance pour le chemin en lui-même. Sous ce rapport,
je crois que la proposition mérite examen, et je serais disposé à l’admettre.
Il n’y a pas lieu de craindre que les communes usent
du droit de plaider pro Deo, puisqu’elles ne peuvent plaider sans autorisation,
et on ne la leur accordera sans doute que quand on aura reconnu qu’elles sont
dans leur droit. Je ne pense pas, d’ailleurs, qu’aucune commune veuille plaider
uniquement pour molester les propriétaires.
Si vous n’accordez pas aux communes le droit de
plaider pro Deo, il y en a beaucoup auxquelles il sera très difficile de
conserver leurs chemins.
M. de Garcia – On peut trouver une garantie dans l’autorisation qui devra
être donnée par la députation provinciale. Messieurs, nous avons l’exemple de
procès qui peuvent entraîner la ruine des communes. Les citoyens les plus
malveillants sont ceux qui suscitent les procès ; mais quand ils sauront
que les communes jouiront du pro Deo ils termineront leurs différents par des
transactions et des expertises. Si on admettait le système contraire, des
communes reculeraient devant les procès, et la loi ne recevrait pas
l’exécution. Hier, on a fait une dérogation au règlement pour introduire la prescription ;
dans l’intérêt général, je vous engage à y déroger en faveur de mon amendement.
M. de Behr – Il peut y avoir de graves
inconvénients à introduire le pro Deo ; nous avons des exemples de ces
inconvénients. Les administrateurs des communes en plaidant qu’aux frais de la
commune ne sont quelquefois que trop disposés à susciter des procès. Si vous
mettez le pro Deo dans la loi, les propriétaires riverains pourront être
inquiétés. Je crois donc que la proposition mérite le plus sévère examen ;
et je demande qu’on la renvoie à la section centrale.
M. de Garcia – Comme je vois que ma proposition soulève des scrupules et
qu’on désire avoir le temps de l’examiner, je la retire, me réservant d’en
faire une proposition de loi spéciale ; de cette manière, j’aurai en outre
l’occasion d’examiner si, dans l’intérêt des communes et de la chose publique,
il ne conviendrait pas de charger le ministère public des poursuite de ces
affaires.
- L’article 10 nouveau est mis aux voix et adopté.
« Art. 11. Les chemins et sentiers vicinaux, tels
qu’ils sont reconnus et maintenus par les plans généraux d’alignement et de
délimitation, sont imprescriptibles aussi longtemps qu’ils servent à l’usage
public, sans préjudice aux droits acquis antérieurement à la présente
loi. »
M.
Desmet – Je demanderai ce que l’on
entend ici par chemin vicinal. On a déjà répondu à l’occasion de la discussion
d’un autre article, que les chemins vicinaux sont les chemins publics ;
s’il en est ainsi, pourquoi ne pas mettre dans la loi : « chemins
publics » au lieu de « chemins vicinaux » ? Nous
connaissons trois espèces de chemins : les grandes routes, les chemins
publics et les chemins privés ; la dénomination de chemins publics que je
propose donnera une distinction claire et précise des chemins vicinaux.
M. Lebeau – Je crois qu’on devra retrancher de l’article 11 le mot
« sentiers » comme conséquence de sa suppression dans l’article
premier.
Quant aux observations de M. Desmet, je ne les crois
pas fondées. Le mot « chemin vicinal » comprend les grandes comme les
petites communications quand elles sont publiques ; Dans la loi française,
on a compris qu’il fallait entendre ainsi les chemins publics d’intérieur ou
les chemins vicinaux.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires
étrangères (M. de Theux) – D’après le vote d’hier, on
a supprimé le mot « sentiers » et il ne peut rester aucun doute que
les mots « chemins vicinaux » s’appliquent à toutes les
communications publiques intérieures.
M.
Desmet – Je retire ma proposition,
j’ai mon apaisement ; mais ne devrait-on pas faire mention de la
signification donnée aux chemins vicinaux, dans le procès-verbal ?
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M.
de Theux) – C’est inutile.
- La suppression du mot « sentiers » est mis
aux voix et adoptée.
L’article ainsi supprimé est adopté.
« Art 12.
« Les dépenses relatives aux chemins vicinaux sont à la charge des
communes.
« Des règlements provinciaux détermineront les
communications vicinales à la dépense desquelles les communes devront pourvoir.
Désignation de ces communications sera faite dans les plans généraux
d’alignement et de délimitation.
« En cas de contestation sur la charge
d’entretien, les communes devront, sur la décision de la députation permanente
du conseil provincial, pourvoir à l’entretien d’autres chemins, reconnus
vicinaux par l’autorité compétente, sauf le recours des communes contre les
tiers, s’il y a lieu.
« Il n’est rien innové, par le présent article,
aux règlements des wateringues ni aux obligations des propriétaires riverains,
résultant de droits acquis aux communes antérieurement à la présente
loi. »
M.
Angillis – La disposition la plus
sage, la plus conforme aux véritables principes, qui se trouvait dans le projet
présenté par le gouvernement, était celle qui formait le deuxième paragraphe de
l’article 13, et qui autorise les états provinciaux à statuer que les
réparations des chemins demeureront à la charge des riverains là où l’usage en
est établi.
En effet, messieurs, rien de plus sage que de
respecter les usages anciennement établis et observés pendant une série de
siècles. Les usages sont l’ouvrage de la nécessité, des circonstances
particulières, qui ont été combinées avec sagesse, d’après les principes, les
besoins des localités ; leur emprise est nécessaire à la prospérité même
des pays dans lesquels ils existent.
Ainsi donc, on doit admettre comme principe que le
premier devoir d’une administration sage est de ménager les usages dominants
dans un pays ; car les usages sont la traduction des opinions et les
opinions sont la propriété la plus chère des peuples, propriété plus chère que
la fortune elle-même.
Cette disposition du paragraphe a été combattue ;
les motifs les plus singuliers et en même temps les plus dénués de raison ont
été mis en avant. On a dit d’abord que cet usage était illégal, arbitraire en
Flandre. Illégal, arbitraire, messieurs, mais un arbitraire qui date depuis
1505, un arbitraire qui résulte de toutes nos anciennes coutumes, de toutes les
ordonnances souveraines à compter du 1er mai 1505, et qui a été
suivi sans aucune interruption jusqu’à ce jour. Voilà donc une bien singulière
illégalité ; il n’y a peut-être pas une seule loi dans le monde entier qui
ait un si longue existence.
Depuis des siècles, les chemins vicinaux ont été
l’objet de la sollicitude des hommes qui ont gouverné et administré les
Flandres. Les nombreux documents que nous possédons sur la surveillance et
l’entretien des voies de communication, prouvent que, dans ce pays, l’on a
compris de bonne heure qu’à ces chemins sont étroitement liés les progrès de
l’agriculture ; cependant les riverains furent toujours chargés de
l’entretien et de la réparation des chemins vicinaux.
Dans les premiers temps de la domination française, on
a essayé de faire cesser cet ancien usage et de le remplacer par les
dispositions de la loi du 28 septembre 1791, qui stipule que les chemins
reconnus par le directoire de district pour être nécessaires à la
communications des communes, seront rendus praticables et entretenus aux dépens
des communautés sur le territoire desquelles ils sont établis, mais il n’a pas
fallu beaucoup de temps pour reconnaître, pour obtenir la preuve qu’on ne
renonce pas facilement à des usages qui ont pris, pour ainsi dire, racine dans
les mœurs et les habitudes des habitants ; aussi, on a été obligé, par la
force des choses, de revenir à l’ancienne législation. Un arrêté du préfet de
Un des considérants de cet arrêté est surtout
remarquable en ce qu’il constate l’opinion des habitants, opinion qu’on a si
singulièrement méconnue dans cette discussion.
« Vu, y
est-il dit, l’article 4 de l’arrêté des consuls du 4 thermidor dernier, portant
que les chemins vicinaux seront à la charge des communes et que les conseils
municipaux émettront leur vœu sur le mode qu’ils jugeront le plus convenable
pour parvenir à leur réparation ; le voeu émis par la grande majorité des
communes de ce département pour le rétablissement des anciennes coutumes
relatives à cet objet ;
« Considérant que le rétablissement des anciens
usages et le moyen le plus propre et celui dont l’exécution présente le moins
de difficultés dans ce département. »
Cela est-il clair, messieurs ?
Plus tard, lorsqu’en exécution de l’article 146 de la
loi fondamentale, les états provinciaux prirent des arrêtés et firent des
règlements sont les opérations et l’entretien des chemins vicinaux, les états
de
Mais, dit-on, les chemins sont maintenant partout
mauvais ; oui, ils sont en ce moment, dans plusieurs endroits, mauvais,
mais cela n’est pas à cause de notre règlement provincial qu’ils sont mauvais,
et, tranchons le mot, ils sont mauvais dans quelques communes par l’incurie des
régences de ces communes, et cette incurie a sa source dans le mode de leur
élection ; les régences étant électives, et comme les fonctionnaires les
plus bas comme les plus élevés tiennent à conserver leur place, on craint
d’indisposer un électeur, on abandonne la surveillance des chemins
vicinaux ; c’est là la cause et l’unique source de l’état de dégradation
dans lequel se trouvent les chemins vicinaux, non pas dans toutes les communes,
mais dans plusieurs communes de
Cette disposition, par cela seul qu’elle aurait une
destination nouvelle, sera, si elle est admise, accueillie avec la plus grande
défaveur en Flandre ; elle serait le signal d’une explosion de murmures
que bien peu de conseils communaux auraient le courage de braver, tandis
qu’aujourd’hui, l’entretien se fait pour ainsi dire naturellement, parce que
c’est une charge et une charge peu onéreuse qui existe depuis des siècles,
parce que les fermiers, en louant les biens, ont connu les servitudes imposées
au sol et les obligations qui en résultent.
Vous voulez l’uniformité, dites-vous, mais en examinant
les différentes provinces qui composent
Respectons, messieurs, ce que le temps, ce qu’une
longue expérience ont démontré être bon ; ne faisons pas d’innovations
inutiles, ne touchons pas, sans des motifs bien déterminés, aux usages d’un
pays, parce que comme je l’ai déjà dit, les usages sont l’ouvrage de la
nécessité. En Flandre, chacun se soumet, sans contrainte, à faire la réparation
des chemins vicinaux, parce que l’on sait que
Je dois encore vous faire observer que dans chaque
article du projet, on parle constamment des chemins vicinaux, et pas un mot
pour expliquer ce qu’on entend par chemins vicinaux. Justinien, et surtout les
jurisconsultes célèbres qui ont arrangé le code, ont jugé à propos de définir
ce que c’est qu’un chemin vicinal ; nos anciennes coutumes et nos
ordonnances ont aussi jugé l’utilité d’une définition, elles ont même rangé les
chemins en catégories ; mais le projet n’en dit rien, comme si la chose ne
valait pas la peine d’une définition. Rien non plus sur la plantation des
arbres le long de ces chemins, objet d’une grande importance et qui donne lieu
à beaucoup de contestations ; rien encore sur la largeur des chemins et
surtout sur les nouvelles voies vicinales à ouvrir, tout reste dans le vague,
et on est assez porté à dire que c’est une bonne loi que nous faisons.
M. Dubois – Messieurs, il y a bien des abréviations à faire sur cet
article 12, l’ancien article 13.
Je ne saurais trop le répéter, c’est l’article
fondamental de la loi ; c’est la base même du nouveau système que nous
voulons établir. S’il est bon, la loi sera bonne ; s’il est mauvais, la
loi sera mauvaise. Il faudra la rejeter. Je ne vous dirai plus que dans la
législation qui nous occupe, il faut distinguer deux choses : les choses
anciennes et les choses nouvelles ; qu’il faut les régler chacune d’après
leurs besoins et leur importance ; qu’il faut appliquer un mode
d’administration spécial et des ressources de revenus spéciales pour tirer un
parti plus vrai et plus utile des impôts dont vous allez de nouveau charger le
pauvre père de famille qui n’a que des bras pour vivre, le petit commerçant,
l’industriel et le cultivateur.
Ces idées n’ont pas été accueillies ; ces
conseils, quoique bien faciles à être mis en exécution, n’ont pas même été
discutés. Il est dit, dans le rapport de la section centrale, qu’elle n’avait
pas mission d’examiner mon système, et pour ce qui regarde la partie des
dépenses, elle n’hésite pas à refuser son assentiment, et cependant, cette
partie était peut-être ce qu’il y avait de plus clair et de plus juste dans un
système qui est appuyé par l’histoire, approuvé par un des premiers
administrateurs de France, et qui en administration présente des faits
analogues et d’une utilité irrécusable. Messieurs, je deviendrais importun, je
serais accusé d’avoir trop de confiance en moi-même et dans mon expérience
pratique, si j’y revenais encore.
Mais j’ai à dire quelques mots, et j’ai à demander
quelques explications sur l’article qui nous occupe.
Il est dit : « Les dépenses relatives aux
chemins vicinaux sont à la charge des communes. » Et plus bas, au
paragraphe 2 : « Des règlements provinciaux détermineront les
communications vicinales à la dépense desquelles les communes devront
pourvoir. »
N’est-ce pas répéter la même chose ? N’y a-t-il
pas redondance, et ne vaudrait-il pas mieux supprimer le premier
paragraphe ? et s’il n’y a rien de mieux à faire, s’en tenir aux
expressions qui sont très claires, très dispositives du second ?
Remarquez ensuite, messieurs, que cet article ne parle
que des dépenses qui incombent aux communes et qu’il ne dit rien pour ce qui
regarde l’obligation d’entretien qui leur est imposée. C’est un principe que
j’ai constaté mais qui doit trouver sa place ici. Ainsi, je dirai, pour ne plus
répéter le premier paragraphe de l’article ; les règlements provinciaux
détermineront les communications vicinales à l’entretien et à la dépense
desquelles les communes devront pourvoir.
En dernier lieu, j’ai à demander des explications à
l’auteur de l’amendement qui forme le paragraphe 3 de cet article. Je ne le
comprends pas, et plusieurs de mes collègues que j’ai consultés ne le
comprennent pas davantage.
« En cas de contestation sur les charges
d’entretien, les communes devront, sur la décision de la députation permanente,
pourvoir à l’entretien d’autres chemins, etc. » Quels sont ici les autres
chemins ? Sans doute on veut parler des chemins sur lesquels se sont
élevés des contestations et que dans ce cas les communes doivent provisoirement
les entretenir jusqu’à ce qu’il en ait été décidé par l’autorité compétente. Si
c’est cela qu’on a voulu dire, il faut changer le texte et le régler en
conséquence.
Une observation encore : Il est bien dit à cet
article que les règlements provinciaux détermineront la communication vicinale
à laquelle les communes devront pourvoir, mais il n’est rien réglementé ni par
la législature ni par disposition provinciale sur les chemins vicinaux à
l’entretien et à la dépense desquels la commune ne devra pas pourvoir. Car,
quoiqu’il soit convenu et bien convenu que les sentiers et autres chemins
chargés de diverses servitudes sont compris dans ce qu’on appelle chemins
vicinaux, je ne pense pas qu’on veuille confondre cet entretien avec celui des
grandes voies. Ce serait bien difficile. Vous avez déjà bien imposé les
communes. Alors vous les auriez ruinées.
Ainsi, messieurs, je regarde encore cette disposition
que j’ai critiquée et qui est si critiquable, comme incomplète et insuffisante,
jusqu’à ce qu’on m’aie prouvé le contraire, ou bien que, par une opposition
nouvelle, on ait pourvu aux défauts que j’ai eu l’honneur de vous signaler.
M. Desmet – J’avais demandé la parole pour répondre à l’honorable M.
Angillis, mais comme il n’a pas fait de proposition, je vois que la chose est
presqu’inutile.
Cependant, comme j’ai la parole, je demanderai à M. le
rapporteur de la section centrale de quelle espèce de chemins de campagne, il
veut parler dans l’amendement à l’article 12, lorsqu’il indique que, d’après la
décision du conseil provincial, certains chemins pourront ne pas être à charge
des communes ; je demanderai à charge de qui seront ces chemins, comment
ils seront entretenus ? A-t-on voulu parler des chemins vicinaux de grande
communication ? On a dû savoir qu’une disposition particulière est dans le
projet qui concerne ces voies vicinales. Est-ce des sentiers ou des chemins
d’aisance ou de tolérance ? Ces derniers ne sont pas des chemins publics
et non soumis à l’administration, ce sont des chemins privés qui existent par
servitude sur les terrains des particuliers et qui servent à l’exploitation de
quelque herbage. Serait-ce peut-être aux chemins des Flandres que l’on a voulu
faire allusion, parce qu’il a été dit que là les usages mettent l’entretien des
chemins à charge des riverains ? Alors, je me réserverais de parler encore
sur cet objet et je prouverais à la chambre que c’était par des mesures
administratives et générales, par des édits ou décrets qui avaient force de loi
que l’entretien des chemins était à la charge des riverains.
Pourquoi demande-t-on une loi ? C'est pour
obtenir que les chemins soient bien entretenus. Eh bien, tout le monde doit
convenir qu’aussi bien dans les deux Flandres que dans les autres provinces les
chemins sont dans un mauvais état. On dit que cela dépend des autorités
locales ; mais, messieurs, jamais ces autorités n’ont fait quelque chose
pour les chemins, toujours il a fallu que l’autorité supérieure prît des
mesures pour empêcher que les chemins ne fussent entièrement négligés. Les
choses se sont toujours passées ainsi, sous le régime autrichien, sous le
régime français, sous le régime néerlandais ; sans l’intervention des
commissaires spéciaux, jamais un riverain ne mettait la bêche au chemin. Je
dis, moi, que si l’on veut que les chemins soient tenus en bon état, il faut
charger les communes de leur entretien. C’est d’ailleurs ce qu’on a tenté
depuis longtemps.
Les choses se passent de la même manière pour les
eaux ; on ne fait rien dans les Flandres pour l’entretien des fossés, des
maîtresses rigoles ; et savez-vous, messieurs, ce qui en résulte ? C’est
que les eaux ne s’écoulent pas convenablement et que le pays est plus ou moins
marécageux. Tout cela provient de ce que l’entretien des fosses est à la charge
des riverains et qu’il est impossible de contraindre ceux-ci à remplir leurs
devoirs. On a tellement compris l’importance de cet état de choses que dans
Comme je crains qu’on ne revienne encore sur l’autorité
qu’on attribue aux conseils provinciaux, pour mettre dans
Messieurs, si vous faites des catégories de provinces,
si vous ne mettez pas toutes les provinces sur la même ligne, vous allez
réellement mettre les Flandres hors la loi ; vous décideriez que les
Flandres seront imposées et que d’autres provinces ne le seront pas, et
cependant quand j’ouvre la constitution, j’y vis qu’il ne peut pas y avoir d’exemption
d’impôt.
Messieurs, on a dit que l’entretien à charge des
riverains était un usage particulier aux Flandres ? Mais, messieurs, cet
usage était universel dans tout le pays. Avant la loi française, toutes les
provinces avaient à supporter les charges d’entretien, le Brabant, comme le
Hainaut, le Hainaut comme la province de Namur. Mais qu’a-t-on fait dans ces
provinces ? On a vu que la charge imposée aux riverains ne produisait
aucun résultat ; on a mis l’entretien à la charge des communes, et ce
n’est guère que depuis cette époque que les chemins, dans le Brabant, par
exemple, sont devenus praticables ; car avant le régime français, il n’y
avait presque pas de chemin dans le Brabant. C’est surtout depuis que la charge
n’a plus été aux occupants des terres riveraines que les chemins du Brabant ont
été mieux tenus, et c’est depuis que les communes ont réparé les chemins qu’ils
sont devenus plus praticables.
Un autre point qui est aussi bien important pour
améliorer l’entretien des chemins vicinaux, c’est la création des commissaires
voyers ; elle sera d’une immense utilité, et cependant si vous laissez
l’entretien à la charge des riverains, vous ne pourrez pas en faire usage, car
je ne pense pas que vous pourrez contraindre les riverains à réparer les chemins
de la manière que les commissaires voyers l’ordonneront, ce sera augmenter
considérablement ces frais, et établir un impôt extraordinaire et une charge,
on pourrait dire insupportable, sur les pauvres cultivateurs qui occupent les
terres qui longent les chemins de campagne.
Un préopinant vous a dit que les chemins vont être
mieux entretenus et réparés par la création de ces commissaires voyers ;
mais je demanderai à cet honorable membre, s’il croit que c’est de la sorte
qu’il veut traiter les riverains, et s’il ne doit pas sentir comme moi que les
pauvres riverains seront traités tout à fait injustement et qu’ils seront
chargés d’un impôt extraordinaire absolument insupportable. Et nous
abandonnerons cet immense pouvoir aux conseils provinciaux ; je ne crois pas
que vous y consentiriez, messieurs ; je pense, au contraire, que vous
statuerez sur le tout par vous-même et que vous ne ferez aucune
exception ; que vous ferez la charge uniforme et commune pour tout le
pays. Ce sera un moyen d’améliorer réellement la voirie vicinale et d’obtenir à
la fin des chemins praticables dans les campagnes.
Messieurs, si vous ne faites pas obtenir au pays, et
particulièrement aux Flandres, les dépenses des chemins vicinaux à la charge
des communes et de la manière que le projet le présente et que vous
n’établissez pas de commissaires voyers, vous pourrez être certains que vous
n’aurez rien fait pour cette voirie, votre loi n’aura fait aucun bien et nos
règlements seront beaucoup meilleurs que les dispositions que contiennent le projet,
car ces règlements sont plus complets et ont mieux prévu tous les cas ; il
n’y manque que ces deux points, mais qui, cependant sont des points très
importants et seuls propres à porter une amélioration à l’entretien des chemins
vicinaux.
Je pense donc que la chambre maintiendra ce qu’elle a
décidé, que toute charge riveraine est abolie et que les dépenses des chemins
vicinaux seront supportées par les communes, en y faisant contribuer tous ceux
que le projet indique et particulièrement les propriétaires forains, ce qui
sera un grand soulagement pour les communes et en même temps une grande
justice, car ce sont le plus souvent ces propriétaires qui détériorent les
chemins.
M. de Langhe – Messieurs, sans doute il ne faut pas toucher légèrement aux
usages des peuples. En général on ne peut toucher à un usage, sans blesser
beaucoup d’intérêts. Il faut donc qu’il y ait nécessité et juste évidente, pour
déroger à un usage. Or, je crois que c’est ici le cas.
Depuis très longtemps, on a trouvé insupportable la
charge, pour ceux qui ont le malheur de toucher à un chemin vicinal, de
raccommoder ce chemin pour tous ceux qui n’y touchent pas. Je ne dirai pas que
l’opinion est universelle à cet égard ; on a toujours le tort de prétendre
que notre opinion est universelle. En général, ceux qui sont tenus à
l’entretien trouvent l’usage très mauvais, tandis que ceux qui n’ont pas à
supporter cette charge, trouvent l’usage très bon.
On a dit que les chemins étaient mal entretenus là où
les riverains sont obligés de les entretenir. Il y a peut-être de l’exagération
dans cette assertion. Voici comment les choses se passent : on ordonne des
travaux, il faut bien que ces travaux se fassent ; sinon, on les fait
exécuter d’office, et la dépense pourrait être alors quadruple.
Mais lorsque ces travaux sont faits, il survient des
pluies (ce qui est malheureusement le cas dans nos climats humides), les
chemins sont encore une fois bouleversés, et alors il n’y a plus moyen de les
faire réparer ; il n’y a pas de riverain qui veuille y mettre une seconde
fois la main.
Mais si les chemins sont à la charge des communes, je
crois qu’on pourra quelquefois les faire réparer deux ou trois fois par
an ; les frais seront plus considérables, mais les chemins seront meilleurs.
L’on a dit aussi que cet entretien était minime, qu’il
consistait à faire mettre quelques jetées de terre sur le chemin, pour
l’arrondir en quelque sorte. Mais cela n’est pas toujours exact ; ces
frais sont quelquefois très considérables et ils sont d’autant plus
considérables qu’ils tombent sur les propriétaires étrangers à la commune. Ce
sont principalement les propriétaires de bois qui sont dans ce cas. Eh bien,
lorsqu’un chemin se trouve en mauvais état devant un bois on ne se borne pas à
obliger le propriétaire à quelques jetées de terre, mais on lui dit : Vous
allez palissader le chemin. Et le propriétaire est quelquefois obligé de placer
une centaine de jeunes chênes qu’on appelle plançons, pour palissader le
chemin. Or ces frais ne laissent pas d’être très considérables.
Messieurs, je trouve que ces usages sont foncièrement
injustes. Si l’assemblée constituante s’était arrêtée devant d’anciens usages,
elle n’aurait jamais fait de monuments de législation dont on parlera longtemps
dans l’histoire. Le respect pour les anciens usages ne doit pas aller jusqu’à
nous faire maintenir ce qui est reconnu mauvais.
D’ailleurs, d’après les amendements qui ont été
introduits dans la loi, et surtout d’après le dernier paragraphe de l'article
en discussion, il est bien entendu que lorsqu’il aura été légalement prouvé
devant les tribunaux qu’une commune a un droit acquis à ce que les riverains
entretiennent le chemin, ceux-ci seront encore obligés de les entretenir.
L’honorable M. Angillis a dit qu’il y a beaucoup de
choses qui ne sont pas dans la loi. Je suis de cet avis, mais la plupart de ces
choses ne devaient pas s’y trouver. Je crois qu’il convenait de laisser
beaucoup aux états provinciaux, et bien plus encore aux tribunaux. Parmi les
objets qu’il était utile d’abandonner aux tribunaux, se trouve, par exemple, le
droit de plantation. S’il y avait eu, à cet égard, des dispositions dans la
loi, cela aurait donné lieu à des procès inextricables, tandis qu’en laissant
ces articles dans la catégorie des droits acquis, il n’y a pas d’inconvénient.
Les tribunaux appliqueront la loi dans les cas où ils jugeront que la loi est
applicable. S’il est constant que les riverains ont droit de planter, ils en
seront déboutés. Je trouve qu’on a très bien fait de ne rien mettre à cet égard
dans la loi ; il aurait été très difficile de rédiger un article
convenable.
M. Angillis – Messieurs, dans les
Flandres presque toutes les grandes communications vicinales sont pavées. Il ne
s’agit presque plus que de chemins intérieurs. Il n’y a pas un seul chemin, à
ma connaissance, où il arrive des voitures chargées, qui ne concerne pas les
cultivateurs, de manière que ceux qui doivent entretenir ces chemins, ce sont
les cultivateurs eux-mêmes, et maintenant l’on veut faire payer les réparations
de ce chemins par ceux qui n’y mettent jamais le pied.
Quant aux bois dont a parlé l’honorable M. de Langhe,
ces bois se trouvent presque toujours le long d’un grand chemin vicinal, et
s’il se fait des dégradations à ce chemin, les propriétaires de bois y
participent beaucoup, parce qu’il est d’usage chez nous de faire une coupe de
bois tous les ans, et c’est le transport de ce bois qui dégrade le plus les
chemins vicinaux.
Au reste, je prévois que mes observations, quelque
justes qu’elles soient, n’auront pas d’écho, n’auront pas de succès dans cette
assemblée ; c’est pour cela que je ne proposerai pas d’amendement. Si j’en
présentais, je devraient en placer presqu’à côté de chaque article. Par ces
motifs, je ne dirai plus rien, me réservant mon vote pour la fin du projet de
loi.
M. Milcamps – Il me paraît que l’article 12 adopté au premier vote dont
satisfaire toutes les provinces y compris les Flandres. Nous y voyons d’abord
une disposition générale portant que les dépenses relatives aux chemins
vicinaux sont à la charge des communes. Mais à côté de cette règle générale,
nous trouvons une exception consistant à dire que les règlements provinciaux
détermineront les communications vicinales à la dépense desquelles les communes
devront pourvoir.
Dès lors, messieurs, si dans les Flandres il y a des
usages, d’après lesquels l’entretien des chemins vicinaux doit être à la charge
des riverains, le conseil provincial aura la faculté de maintenir ces usages,
puisqu’il dépendra de lui de ne pas déterminer que les routes vicinales seront
à la charge de la commune. Mais je ne puis comprendre la discussion qui s’élève
à cet égard.
L’honorable M. Desmet a dit, tout à l’heure, qu’avant
la révolution française, la législation était commune. Il a raison ; dans
l’ancienne législation du pays, on ne connaissait que deux sortes de chemins,
les chemins publics et les chemins privés. Mais entre les chemins publics, on
distinguait les routes royales, les grandes routes des chemins vicinaux, qui
n’étaient que des chemins dans les bourgs, ou des chemins conduisant d’un
bourg un autre. Voilà la différence
qu’on faisait ; de manière qu’il n’y a que deux espèces de chemins, des
chemins publics et des chemins privés. Mais, d’après notre ancienne
législation, un chemin était public du moment qu’il servait à l’usage public, à
l’usage de la généralité des habitants, bien que la charge d’entretien dût être
supportée par les riverains. D’une manière qu’il ne faut pas qu’on s’imagine
que dès qu’un chemin public, consacrée à l’usage du public, est entretenu par
les riverains, par cela seul il appartient à ce riverain.
C’est contraire au texte de la loi romaine ; et
dans le Brabant, à défaut de coutumes ou de lois spéciales, c’était le droit
romain qui faisait loi. Je ne sais pas s’il en était de même en Flandre ;
tout ce que je sais, c’est que les édits qu’on invoque ne sont que des lois de
police relatives à l’entretien et à la réparation des chemins. De manière que
les Flandres auraient pu faire ce qu’on a fait dans les autres provinces, en
vertu de la loi française. Qu’un chemin de village à village soit entretenu par
la commune, il n’y aura pas de réclamations ; car les riverains seraient
déchargés d’une charge assez lourde. On a dit qu’ils auraient pu en faire parce
qu’à côté de la charge d’entretien se trouve le droit de plantation. Mais ce
droit de plantation est encore une législation à part. Il est possible que le
riverain tenu d’entretenir un chemin appartenant au public ait obtenu par
raison d’équité la permission de planter sur le bord de ce chemin. Mais ni le
droit de plantation, ni l’entretien ne donne droit à la propriété d’un chemin
ou sentier public. Il n’appartient pas non plus à la commune, il appartient au
public. Une commune qui voudrait supprimer un chemin public est obligée de
remplir certaines formalités. Un chemin public n’est pas une propriété
ordinaire. Ce qu’on peut faire de mieux, c’est d’adopter l’article tel qu’il a
été voté, parce qu’il satisfait à tous les intérêts.
M. F. de Mérode – La conclusion de l’honorable M. Milcamps me satisfait ;
mais il est une de ses observations qui ne me satisfait pas autant. Il a semblé
dire que le conseil provincial pourra maintenir l’usage que les riverains sont
tenu d’entretenir les chemins vicinaux. Ce n’est pas cette autorité qu’on a
voulu donner aux conseils provinciaux. Nous avons entendu que ces usages ne
seraient pas maintenus ; nous avons établi qu’en principe l’entretien des chemins
vicinaux serait à la charge des communes : mais que quand, par suite de
contrats ou de titres quelconques, le droit serait bien établi, que des
riverains seraient obligés d’entretenir des chemins, dans ce cas, l’article 12
ne porterait aucun préjudice au droit des communes. Mais le principe général
est l’entretien par les communes ; bien que ce principe n’ait pas été
reconnu précédemment, ce n’est pas une raison pour que nous ne l’établissions
pas pour toutes les provinces, maintenant que nous faisons une loi sur les
chemins vicinaux. C’est plus juste ; c’est pour cela que je l’ai adopté.
J’ai fait mon observation pour que dans les conseils provinciaux on ne se croie
pas, d’après ce qu’a dit l’honorable préopinant, le droit de revenir à ce qui
est purement usage.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires
étrangères (M. de Theux) – Il résulte clairement du
texte de l’article 2 et du rapport qui a précédé, que les règlements ne pourront
pas statuer que tels chemins seront entretenus par les riverains mais on peut y
arriver d’une manière indirecte. Par exemple, pour un chemin public, une
commune prétend que l’entretien est à la charge de tiers ; elle en fait
l’observation à la députation provinciale ; alors ce chemin n’est pas
compris dans l’énumération de ceux que la commune doit entretenir. La commune
peut intenter une action contre ceux qu’elle croit être obligés à l’entretien
de ce chemin. Dans ce cas, c’est aux tribunaux à prononcer.
Ceci me ramène au troisième paragraphe de l’article
sur lequel on a demandé une explication. C’est dans le cas où une commune
prétend qu’un chemin doit être entretenu par une ou plusieurs personnes, qu’il
importe que la députation provinciale puisse obliger la commune à faire
l’avance de la dépense, sauf à la récupérer contre les personnes reconnues par
les tribunaux devoir pourvoir à l’entretien. Cela est indispensable dans
l’intérêt public. Je répèterai ce que j’ai dit lors de la première discussion,
que dans les règlements de
M. Vandenbossche – J’ai demandé la parole pour faire une petite
observation ; le premier paragraphe de l’article établit la règle que
l’entretien des chemins vicinaux est à la charge des communes, et ensuite le
deuxième paragraphe, qui devrait contenu l’exception, dit que les règlements
provinciaux détermineront les communications vicinales à l’entretenu desquelles
les communes devront pourvoir. Il me semble qu’on devrait dire : à
l’entretien desquelles « les riverains » devraient pourvoir.
Vous ne pouvez pas dire que les règlements provinciaux
détermineront les communications vicinales à l’entretien desquelles les
communes pourvoiront, quand vous venez de dire d’une manière générale, que tous
les chemins doivent être entretenus par es communes.
C’est, je crois, une erreur.
M. Lebeau – Cette disposition étant une des principales de la loi, il
est très rationnel, malgré le désir d’arriver au vote définitif, de s’arrêter
un peu plus sur cette partie du projet.
Il faut avouer, messieurs, qu’en présence de deux
opinions aussi diamétralement opposées que celles que viennent d’émettre
messieurs de Mérode et Milcamps, il est permis de penser que les conseils
provinciaux seront très embarrassés pour interpréter la loi. Il faut, il est
vrai, remarquer que, pour des corps administratifs surtout, les discours des
députés et les rapports de la section centrale ne font pas autorité ; ce
qui fait autorité, c’est le texte. Je comprends que quand on porte devant un
tribunal l’interprétation d’un texte ambigu, douteux, le tribunal prenne plus
ou moins en considération, sans toutefois y être contraint, les commentaires
dont le texte a été précédé ou accompagné. Mais les conseils provinciaux ne
procèdent pas habituellement avec une aussi grande réserve. Remarquez qu’on
s’aperçoit tellement qu’il y a de grandes difficultés dans la rédaction de cet
article, que la section centrale elle-même n’est pas très sûre des termes
auxquels elle doit s’arrêter, car vous l’avez vue tantôt adopter un texte sous
forme négative, et tantôt, adoptant une interversion complète, adopter la forme
affirmative.
Je dis que cela a laissé dans l’esprit des membres de
la section centrale du doute sur le sens précis de la disposition qu’on soumet
à votre sanction.
M.
d’Huart – Pas du tout.
M.
Lebeau – Que dit le premier
paragraphe ? Il porte :
« Art. 12. Les dépenses relatives aux chemins
vicinaux sont à la charge des communes. »
Voilà la règle générale.
On l’avait si bien senti la dernière fois qu’on avait
formulé l’exception dans la forme logique, c’est-à-dire par voie de
négation ; on avait dit :
« Des règlements provinciaux détermineront les
communications vicinales à la dépense desquelles les communes ne devront pas
pourvoir. »
Voilà quelle était la première rédaction, et cette
rédaction (l’honorable M. d’Huart en conviendra lui-même), était plus logique.
M.
d’Huart – C’est la même chose.
M.
Lebeau – Le deuxième paragraphe a
été adopté dans les termes suivants :
« Des règlements provinciaux détermineront les
communications vicinales à la dépense desquelles les communes devront pourvoir.
Désignation de ces communications sera faite dans les plans généraux
d’alignement et de délimitation. »
Mais quelles sont les dépenses auxquelles les communes
devront pourvoir ? Celles qui résultent de l’entretien des chemins
vicinaux, entretien qui est à leur charge, sans exception. L’article n’a donc
pas le sens qu’on veut lui donner.
Il faut cependant être clair ; il faut trancher
la question. Veut-on que les conseils provinciaux puissent mettre un terme à un
usage qui existe dans les Flandres et particulièrement dans
Maintenant veut-on conserver cet usage, qu’on le
déclare. Alors il faudrait rédiger l’article comme suit :
« Art. 12. Les dépenses relatives aux chemins
vicinaux sont à la charge des communes.
« Cependant les règlements provinciaux
détermineront les communications vicinales qui devront être entretenus aux
frais des propriétaires. Désignation de ces communications sera faite dans les
plans généraux d’alignement et de délimitation. »
Remarquez que je propose ceci, non pas comme exprimant
mon opinion, mais comme consacrant mieux le sens de l’article adopté, et
auquel, quant à moi, je me suis opposé.
Il y aurait une autre raison pour proscrire le
maintien de l’usage dans certaines provinces, c’est que dans le Brabant et le
Hainaut, les propriétaires riverains sont aujourd’hui tenus de l’entretien des
sentiers, à la différence des chemins vicinaux, d’une dimension plus grande,
qui sont entretenus aux frais de la commune.
Je crois apercevoir des signes négatifs, mais je
déclare positivement qu’il en est ainsi d’après les règlements de ces
provinces. Vous allez donc laisser indécise la question de savoir si dans le
Hainaut et dans le Brabant les propriétaires riverains restent soumis à l’obligation
d’entretenir les chemins vicinaux qu’on appelle des sentiers.
Veut-on, au contraire, que la question soit débattue
devant les tribunaux entre le commerce et les propriétaires, alors le deuxième
paragraphe devient inutile ; c’est le dernier qui résout la question. Il
porte :
« Il n’est rien innové, par le présent article,
aux obligations résultant de droits acquis aux communes antérieurement à la
présente loi, ni aux règlements des polders et wateringues. »
Si l’on pense que l’obligation pour les propriétaires
riverains des Flandres d’entretenir les chemins vicinaux est un droit acquis
aux communes, le dernier paragraphe suffit.
Ce droit de maintenir les règlements dans les
Flandres, vous le consacrez en termes plus ambigus que dans la proposition du gouvernement ;
mais vous le consacrez virtuellement. Ce qui le prouve, c’est que de très bons
esprits, dans cette chambre, soutiennent que le texte laisse cette
faculté ; d’autres le nient. Mais vous ne pouvez pas laisser aux conseils
provinciaux à opter entre l’opinion développée par l’honorable M. F. de Mérode
et l’opinion contraire exprimée par d’autres membres, l’honorable M. Milcamps,
par exemple.
Je crois donc qu’on pourrait supprimer le deuxième
paragraphe ; et si l’on entend que l’usage de faire entretenir par les
propriétaires riverains se soit assez prolongé dans les Flandres pour donner un
droit aux communes, ce droit est consacré par le dernier paragraphe qui ferait
double emploi avec le deuxième.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires
étrangères (M. de Theux) – On se demande si les
anciens règlements des Flandres pourront encore être observés nonobstant les
termes de la loi. A cela, je réponds que non. Il est évident que ces règlements
sont abrogés par le premier paragraphe de l’article 12, qui met l’entretien des
chemins vicinaux à la charge des communes. Si cet entretien est à la charge des
communes, il va de soi qu’il n’est plus à la charge des riverains. Il est
certain qu’une loi, abrogeant toute loi contraire antérieure, abroge à plus
forte raison tout règlement contraire antérieur. Voilà donc la règle
absolue ; ceci est hors de doute.
Cependant, on a soutenu qu’il était possible que
l’entretien de certains chemins constituât à la charge des riverains une
servitude, fondée, par exemple, sur le droit de plantation ; mais cela
sera tout à fait indépendant des règlements. Pour ce cas on réserve aux
communes la faculté de faire valoir leurs droits devant les tribunaux. Ainsi
tout usage fondé sur les règlements est abrogé ; mais les usages qui ne
sont pas fondés sur les règlements sont conservés, et la commune pourra les
faire valoir en justice. Seulement ce ne sera pas l’autorité administrative,
mais l’autorité judiciaire qui aura à prononcer. On a demandé ce qui garantit
que le texte de la loi sera bien interprété. A cela je répondrai que si, dans
quelques provinces, l’administration voulait maintenir les anciennes
règlements, notamment sur le point réglé par le premier paragraphe de l’article
12, le gouvernement userait du droit que lui donne la loi provinciale d’annuler
les dispositions de l’autorité provinciale contraires à la loi. Un règlement
provincial qui statuerait par voie d’autorité que les dépenses d’entretien des
chemins vicinaux sont à la charge des riverains, serait contraire au texte de
la loi et conséquemment susceptible d’être annulé.
On a demandé pourquoi on laisserait aux règlements
provinciaux le soin de déterminer quels chemins la commune devra entretenir en vertu
du premier paragraphe de l’article 12. il y
a pour cela deux motifs : j’ai déjà indiqué le premier, lorsque
j’ai dit qu’une commune pourrait signaler à l’autorité provinciale un chemin
comme devant être entretenu par des particuliers en vertu de droits acquis par
la commune. La régence demande qu’on ne préjuge rien ; sauf à l’autorité
provinciale à mettre l’entretien à la charge de la commune provisoirement et
sauf tout recours contre les tiers.
Un second motif, c’est qu’il y a des chemins dont il
n’est pas nécessaire de mettre l’entretien à la charge de la commune ; ce
sont les chemins d’aisance qui n’ont jamais été entretenus aux frais des
communes.
Une troisième catégorie de chemins, qui pour la
plupart ne sont pas à la charge de la commune, même dans les provinces où
l’entretien est à la charge des communes, ce sont les sentiers.
Il a donc fallu laisser aux conseils provinciaux une
certaine latitude pour décider quels chemins sont à la charge des communes.
Cela est d’autant plus nécessaire que la loi ne contient pas la définition ni
la distinction des chemins vicinaux. Dès lors, comme il est impossible que la
loi fasse des distinctions, il faut bien laisser ce soin à l’autorité
provinciale.
Il est à remarquer que dans tous les cas les
règlements de l’autorité provinciale sont soumis à l’approbation du
gouvernement.
(Moniteur belge du 27 février 1840, n°58) M. d’Huart – Je pourrais me dispenser de
prendre la parole après ce que vient de dire M. le ministre de l'intérieur. Ceux
de mes honorables collègues qui l’ont écouté avec attention ont su reconnaître
qu’évidemment les usages, existant en vertu de règlements administratifs ou de
lois anciennes, seront formellement abrogés par la loi actuelle.
Mais je dois un mot de réponse à l’honorable M.
Lebeau, qui a reproduit les observations qu’il avait présentées dans la
première discussion, et qui a prétendu de nouveau que la section centrale
elle-même était restée en doute sur la portée de l’article en discussion.
Je ne sais où l’honorable membre a pu trouver un
prétexte à une semblable supposition.
M.
Lebeau – C’est un changement de
rédaction.
M.
d’Huart – Comme le fait observer maintenant
l’honorable interrupteur lui-même, la section centrale n’a jamais varié que sur
un simple changement de mots, et nullement sur le fond. La discussion à cet
égard, consignée dans le Moniteur, est précise ; en me ralliant, au nom de
la section centrale, à la rédaction de l'honorable M. Verhaegen, je n’avais
d’autre but que de gagner du temps ; et j’ai prouvé alors que cette
modification ne changeait absolument rien au fond. Je ne sais donc, je le
répète, sur quoi se fonde l’honorable membre, lorsqu’il prétend que la section
centrale aurait laissé des doutes sur la portée de l’article 12. Je pourrais me
référer à la discussion ; mais je me permettrai de lire d’abord le passage
suivant de mon rapport :
« La section centrale, après avoir entendu les nouveaux
développements qui lui ont été donnés par les auteurs de ces amendements, a été
unanime pour écarter toute disposition qui tendrait à consacrer la force
obligatoire d’usages locaux n’ayant d’autre origine que celles de simples
mesures administratives ; mais elle a été également unanime pour s’opposer
à toute rédaction qui pourrait avoir pour conséquence de léser des droits
acquis, soit par les communes, soit par les riverains, en vertu d’obligations
antérieures. Il lui a paru que, s’il était de l’essence d’une loi générale de
poser des principes uniformes pour toutes les provinces, il était également
conforme aux conditions caractéristiques d’un acte législatif, de respecter les
obligations antérieures qui peuvent exister entre des tiers. »
Or, je vous le demande, quand la section centrale
s’est exprimée de la sorte, est-on redevable à prétendre que les membres qui la
composaient ont montré de l’hésitation ?
Je dis avec M. le ministre de l'intérieur que
l’article, tel qu’il est rédigé, ne permet pas de supposer que les états
provinciaux pourront maintenir les usages locaux des Flandres. Au premier vote
de la chambre, l’année dernière, on avait admis la continuation de ces
usages ; l’opposition qu’ils ont rencontrée, cette année, a motivé le
renvoi de la question à la section centrale, et c’est à la suite du rapport que
je viens de vous lire un extrait, que la disposition qui consacrait le maintien
de ces usages a été retranchée du premier texte. Il n’est plus question
maintenant, dans l’article qui nous occupe, que d’obligations, ce qui est tout
différent ; nous avons considéré que les obligations entre tiers, qui
résultaient soit de contrats, soit de toute espèce de conventions, devaient
continuer à subsister, comme constituant des droits acquis qu’il ne saurait
entrer dans l’esprit de personne de léser, plutôt en cette matière qu’en toute
autre. Ainsi, loin que la section centrale ait confondu ces obligations avec
les usages locaux, elle a modifié la disposition formulée par M. de Langhe qui
maintenait les obligations « légales », et elle a retranché cette
expression « légales », afin qu’il fût clairement établi, que non
seulement les règlements administratifs, mais encore les lois, les édits, et
les anciens placards, établissant l’usage de l’entretien des chemins vicinaux
par les riverains, étaient abrogés par la disposition qu’elle vous soumettait.
C’est en vain que l’on cherche à justifier les
reproches adressés à la section centrale sur la facilité qu’elle a montrée à se
rallier à l’amendement proposé au deuxième paragraphe de l’article, par M.
Verhaegen ; d’abord ce reproche n’est applicable qu’au rapporteur, puisque
c’est moi seul, et non la section centrale, qui a déclaré se rallier à cet
amendement ; mais nous avons établi alors que rien ne serait ainsi changé
au fond, et que la modification ne touchait simplement qu’à la rédaction ;
c’est d’ailleurs ce que M. Verhaegen ne contestait point, puisque nous étions
d’accord sur le but ; en effet, la section centrale proposait de stipuler
que les dépenses des chemins vicinaux sont à la charge des communes et que
néanmoins les règlements provinciaux détermineraient les chemins à la
réparation desquels les communes ne devraient point pourvoir ; or,
l’amendement de M. Verhaegen qui consiste à dire que les règlements provinciaux
détermineront les chemins à la dépense desquels les communes devront pourvoir,
ne conduit-il pas identiquement au même résultat, puisque les plans généraux
devront comprendre tous les chemins et désigner spécialement ceux qui seront à charge
des communes ; n’est-il pas clair qu’en divisant, selon l’une et l’autre
rédaction, les chemins en deux catégories sur les plans, la désignation d’une
des deux catégories entraîne nécessairement la désignation de l'autre ?
Le reproche articulé sur ce point n’est donc pas plus
fondé que les autres.
M. Lebeau trouve que la rédaction du deuxième
paragraphe présenté par la section centrale était meilleure que celle de M
Verhaegen ; je ne soutiendrai pas le contraire, puisque j’ai moi-même fait
remarquer au premier vote que cette dernière formait une sorte de redondance
avec le premier paragraphe et qu’ainsi elle n’était pas tout à fait
suffisante ; mais je n’ai pas trouvé là un motif suffisant pour prolonger
la discussion qui durait déjà depuis plusieurs jours sur le même article, et je
me suis rallié à cette rédaction qui, sans être d’un style irréprochable,
exprimait toutefois notre pensée.
Si la chambre veut adopter maintenant la première
locution, elle est libre de le faire, mais cela ne changerait rien du tout
quant au fond.
Je ne pense, messieurs, qu’il soit nécessaire de
reprendre encore actuellement la question de principe soulevée par un honorable
préopinant et consistant à savoir s’il convient de mettre partout les chemins
vicinaux à la charge des communes ou s’il est préférable de maintenir les
usages qui dans certaines provinces assujettissent exclusivement les riverains
à l’entretien de ces communications ; la majorité de la chambre s’est
assez prononcée contre ces anciens usages pour qu’il soit inutile de revenir
sur ce point : elle a considéré les chemins vicinaux comme étant d’intérêt
général, et elle a voulu, par une conséquence toute naturelle, que les charges
qui en résultent soient supportées par la généralité des habitants. Toutefois,
il faut bien le reconnaître, les membres de la chambre qui n’appartiennent pas
aux Flandres se sont trouvés dans une position plus ou moins embarrassante par
la divergence d’opinions qui s’est manifestée dans les provinces intéressées à
la question des usages locaux et l’on s’explique la vigueur de nos débats à cet
égard quand on considère que d’une part les conseils provinciaux des Flandres
et d’autres autorités administratives réclamaient vivement la conservation de
ces usages, auxquels la presqu’unanimité des représentants de ces deux
provinces s’est montrée formellement opposée.
Quoi qu’il en soit, messieurs, il me semble que ce
serait perdre un temps précieux que de recommencer la discussion sur cette
question de principe, et je me dispenserai d’en dire davantage.
En énonçant tout à l’heure que dans l’opinion de la
section centrale, les plans généraux d’alignement et de délimitation
comprendraient tous les chemins quelconques sur lesquels le public a le droit
de passer, je crois avoir répondu à la demande que m’avait adressée M. Desmet.
(Moniteur belge du 26 février 1840, n°57) M. de Muelenaere – Je conçois parfaitement
qu’on puisse différer d’opinion sur la question de principe qui a servi de base
à la rédaction de l’article qui nous occupe ; quant à moi, messieurs, le
système d’entretien par les communes me paraît le plus simple ; et en
théorie il me semble le meilleur ; mais je crains que, dans l’exécution,
ce système ne rencontre des difficultés sérieuses dans quelques provinces où
des usages contraires ont été en vigueur jusqu’ici. Toutefois, mon intention
n’est pas de revenir sur une décision qui a été prise précédemment par la
chambre.
En réclamant la parole, j’avais l’intention de
provoquer quelques explications de la part de M. le ministre de l'intérieur sur
la manière dont le dernier paragraphe de l’article 12 devait être
entendu ; ces explications ont été fournies d’avance par le ministre et
par le rapporteur de la section centrale.
J’avais quelques doutes que les conseils provinciaux
pussent déclarer en principe que les chemins vicinaux continueraient à être à
charge des riverains ; il me semblait que la loi devait s’expliquer à cet
égard ; d’après tout ce qui viens d’être dit, je crois que, nous sommes
tous d’accord sur ce point : c’est qu’une seule espèce de règlement est
maintenu : les règlements des polders et des wateringues, continuent à
être en vigueur ; je crois que cela est incontestable. Nous serions tombés
dans des difficultés telle qu’il eût été impossible d’en sortir dans les
Flandres si on n’avait pas maintenu ces règlements.
Il résulte, en outre, des explications fournies, que
tous autres règlements, sont généralement abolis ; et il convient de
s’entendre à cet égard.
Dans les Flandres, non seulement il y a des
usages ; mais ces usages résultent de placards ayant force de loi ;
ils résultent aussi d’actes émanés du gouvernement français en vertu de
l’article 46 de l’ancienne loi fondamentale des Pays-Bas, ayant obtenu
l’approbation du roi, et ayant par conséquent force de loi ; ces usages,
ainsi qu’on les appelle, ne sont pas seulement des usages, et dans les Flandres
on aurait pu soutenir que l’entretien par les riverains était légal.
Il fallait donc que la loi s’expliquât de la manière
la plus formelle sur l’entretien par les communes. Tous les règlements,
placards, qu’ils aient force de loi ou qu’ils ne l’aient pas, sont
abolis ; tous les règlements, basés sur ces placards ou édits, sont
également abolis ; on ne peut se prévaloir de ces règlements ; voilà qui
est entendu. Ainsi, dans
Mais si des communes, dans l’intention de s’affranchir
de l’entretien de certains chemins, ne portaient pas sur le tableau tous les
chemins qui doivent être considérés comme vicinaux, le conseil provincial les
porterait d’office sur ce tableau.
Le conseil provincial alors porterait d’office les
chemins que, par une espèce de fraude et pour se soustraire aux frais
d’entretien, les communes n’auraient pas fait porter sur les plans.
On a dit tout à l’heure : « Quand l’autorité
provinciale aura déterminé les chemins qui sont à la charge des communes, que
deviendront les autres chemins ? » Il me semble, messieurs, que les
autres chemins, qui ne seront pas reconnus comme chemins vicinaux, ne seront
plus que des chemins d’une importante tout à fait insignifiante et que ces
chemins-là devront être considérés comme des chemins d’exploitation ou comme
des chemins dont l’entretien est à la charge de ceux qui s’en servent.
Entendu dans ce sens, l’article 12 devient plus
clair ; tous les chemins vicinaux sont à charge des communes ; tous les
chemins vicinaux doivent être portés dans les tableaux que fourniront en
premier lieu les communes, et si certains chemins qui devraient être réputés
chemins vicinaux ne sont pas portés dans ces plans, l’autorité provinciale les
y portera d’office et les mettra à la charge des communes. Dès lors il me
semble que l’article 12 ne donne plus lieu à aucune espèce de doute, pourvu que
l’on soit bien d’accord que c’est dans ce sens là que cet article doit être
entendu.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires
étrangères (M. de Theux) – Je déclare que c’est
absolument dans le sens des explications données par l’honorable préopinant que
j’entends l’exécution de l’article 12 , et il est impossible, d’après la
discussion qui a précédé l’adoption de cet article, qu’il soi entendu
autrement.
M. d’Huart – Les explications de
l’honorable M. de Muelenaere sont tout à fait conformes au sens que la section
centrale a attaché à l’article 12.
M. Lebeau – Je suis obligé d’appeler l’attention de plusieurs membres de
la chambre sur la portée de cet article. Quand j’ai parlé tout à l’heure de
l’innovation qu’on allait introduire dans les règlements de plusieurs provinces
et notamment dans ceux du Hainaut et du Brabant, j’avais en vue les sentiers
que l’on a assimilé aux chemins vicinaux, car c'est là le résultat de la
suppression du mot « sentiers » dans l’article premier ;
l’obligation pour les riverains d’entretenir les sentiers vicinaux ne résulte
pas seulement des usages, elle peut résulter aussi de conventions ; mais
lorsqu’il y a des contrats, lorsque l’on a obtenu, par exemple, la cession d’un
chemin, lorsqu’on a été autorisé d’incorporer un chemin communal dans sa propriété
à charge d’entretenir un autre chemin, pour des cas semblables il n’était pas
nécessaire de faire une réserve, car la loi ne peut pas déroger à des contrats.
Sous ce rapport donc, le dernier paragraphe de l’article 12 serait en quelque
sorte une superfluité.
Je dis, messieurs, qu’il faut bien mesurer la portée
de l’innovation dont il s’agit et contre laquelle un honorable député du
Hainaut s’est élevé avec beaucoup de force dans une des dernières séances. Il
est certain que même en ce qui concerne les sentiers, on ne tiendra aucun
compte des anciens règlements ; car c’est pour écarter ces règlements que
l’on a retranché de l’article les mots « obligations légales » ;
en admettant ce retranchement on a décidé bien positivement que l’on ne voulait
maintenir que les droits résultant de contrats.
Je pense donc, messieurs, que le deuxième paragraphe
est inutile et que si on l’avait supprimé on aura rendu la loi beaucoup plus
claire ; on n’aurait pas mis les conseils provinciaux de le cas de varier
entre l’opinion émise par exemple par l’honorable M. Milcamps et celle qui a
été défendue par d’autres orateurs.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires
étrangères (M. de Theux) – Je suis d’accord,
messieurs, que la disposition s’applique également aux sentiers, mais je n’y
vois aucune espèce d’inconvénient. Si les sentiers sont la propriété de la
commune, il importe aux habitants qu’ils soient entretenus, et les règlements
statueront qu’ils doivent être entretenus viables par l’autorité
communale ; si au contraire les sentiers appartiennent aux propriétaires
riverains, alors encore si les habitants de la communes ont intérêt à ce que
les sentiers soient entretenus, comme celui qui doit souffrir une servitude de
passage n’est pas obligé, d’après les vrais principes, à entretenir le chemin
qui existe en vertu de cette servitude, alors encore ce sera la commune qui
améliorera le sentier ou qui l’entretiendra dans un état de viabilité. Je ne
vois en cela aucun inconvénient, j’y vous au contraire un avantage.
Il y a une catégorie de sentiers qui ne seront pas à
charge des communes, ce sont ceux qui traversent les terrains
labourables ; ceux-là par la force des choses seront nécessairement
entretenus par les propriétaires riverains, mais l’entretien de ces sortes de
sentiers est insignifiant ; lorsqu’on laboure la terre, on laboure en même
temps le sentier, mais pour que les passants ne viennent pas marcher à droite
et à gauche sur la terre ensemencée, on rétablira le chemin en traçant un
double sillon ; de cette manière le sentier se trouve en état de viabilité
lorsqu’il a été quelque peu fréquenté.
Il ne faut, messieurs, que tenir compte de ce qui se
passe dans la pratique pour avoir la conviction qu’il ne peut résulter de
l’article 12 aucune espèce d’inconvénient.
M. Desmet – A entendre M. le ministre de l'intérieur, il paraît que le
deuxième paragraphe de l’article 12 ne peut s’appliquer qu’aux petits sentiers
ou présentes qu’il vient d’indiquer en dernier lieu et non pas aux sentiers
d’église et aux sentiers de marché ; si c'est ainsi qu’on l’entend, je
n’ai pas d’objection à faire.
M. Dubus (aîné) – Messieurs, je ne suis pas d’accord avec M. le ministre de
l'intérieur, j’ai assisté aux délibérations de la section centrale, et je dois
dire que ce n’est pas ainsi qu’elle a entendu l’article. Il a été question des
sentiers, il a été question des chemins vicinaux, dits chemins d’aisance, qui
figurent dans les règlements provinciaux comme chemin de deuxième classe, de
même qu’il a été question des chemins vicinaux proprement dits ; mais on
n’a pas entendu donner à la disposition plus d’étendue que n’en avait la loi de
1791, laquelle n’entendait par chemins vicinaux que les chemins vicinaux
proprement dits, et nullement les chemins d’aisance ou les sentiers, auxquels
cette loi n’a jamais été appliquée.
Sous le gouvernement précédent lorsqu’on a fait des
règlements relatifs aux chemins vicinaux on a reconnu l’utilité d’étendre la
police vicinale à toutes les communications quelconques, mais en donnant cette
extension à la police vicinale, on n’a certainement pas donné la même extension
au principe qui met l’entretien des chemins vicinaux à la charge des communes,
on a laissé aux particuliers la charge qui pesait jusque-là sur les
particuliers ; aussi quand les règlements ont établi deux classes de
chemins dans la deuxième desquelles on a mis les chemins d’aisance, cela a été
fait bien moins, dans l’intérêt des communes que dans l’intérêt d’un certain
nombre d’héritages ; je crois qu’il ne faut pas toucher à cet état de
choses, qu’il ne convient pas d’innover en cela.
M.
Lebeau – Il n’en faut pas dans les
Flandres non plus.
M.
Dubus (aîné) – On se plaint de ce que,
dans les Flandres, la loi de 1791 ne soit pas exécutée ; moi, je fais
remarquer que cette loi ne s’appliquait ni aux sentiers, ni aux chemins
d’aisance. Il n’y a donc pas de rapport entre les deux questions.
L’entretien des sentiers a toujours été à charge des
riverains, la loi de 1791 n’a pas touché à cette espèce de communication ;
jamais les sentiers n’ont été confondus avec ce que la loi de 1791 entendait
par chemins vicinaux.
M. le ministre dit qu’il n’y a pas d’inconvénient à
étendre la disposition aux sentiers. Je soutiens qu’il y aura un inconvénient
très grave, c’est que dans les moments où, par suite de l’intempérie de la
saison, les sentiers seront en mauvais état, les passants fouleront les
terrains voisins, les terres ensemencées, comme ils en ont le droit d’après la
loi, et que les propriétaires de ces terrains intenteront une action en
indemnités aux communes. Voilà, messieurs, quel sera le résultat de la
disposition de l’article 12, si vous l’étendez aux sentiers.
Remarquez, messieurs, que quand l’article
Messieurs, si l’article 12 devait être entendu dans ce
sens, qu’on l’appliquât aux sentiers et aux chemins d’aisance, non seulement je
voterai contre l’article, mais je voterai contre toute la loi.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires
étrangères (M. de Theux) – Il n’y a, messieurs, aucune
espèce d’inconvénient dans l’application qui doit être faite de l'article
12 ; d’abord, je suis d’accord avec l’honorable préopinant que l’article
12 ne peut pas être appliqué aux chemins d’aisance, parce que ceux-là ne
servent qu’à quelques propriétaires pour l’exploitation de leur
propriété ; à cet égard, il n’y a aucun doute ; il n’y a point là
d’intérêt communal, mais il n’en est pas de même des sentiers ; ceux-là
sont d’un intérêt éminemment communal ; il est même des sentiers dont le
bon entretien est pour la généralité des habitants de la commune d’une utilité
tout aussi grande que des chemins vicinaux, destinés à être parcourus par des
chevaux et des voitures.
On demande, messieurs, si les propriétaires dont les
terres sont traversées par un sentier, pourront, lorsque les passants, à cause
du mauvais état de ce sentier marcheront sur la partie des terre ensemencées
qui longe le sentier, réclamer de la commune une indemnité. Evidemment non,
puisqu’un tel sentier ne se trouvera pas porté sur le plan approuvé par la
députation permanente, comme devant être entretenu par la commune, et que dès
lors il n’existe pour celle-ci aucune obligation légale de l’entretenir.
De cette manière, tous les intérêts sont réellement
conciliés. Il n’y a aucun motif de s’occuper ici des distinctions qui seront
faites dans la pratique.
M.
le président – Je vais mettre aux voix
l’article 12.
M.
Lebeau – Je demande la division par
paragraphes ; j’ai à proposer un changement de rédaction au troisième
paragraphe.
« § 1. Les
dépenses relatives aux chemins vicinaux sont à la charge des communes. » -
Adopté.
« § 2. Des règlements provinciaux détermineront
les communications vicinales à la dépense desquelles les communes devront pourvoir.
Désignation de ces communications sera faite dans les plans généraux
d’alignement et de délimitation. » - Adopté.
« § 3. En cas de contestation sur la charge
d’entretien, les communes devront, sur la décision de la députation permanente
du conseil provincial, pourvoir à l’entretien d’autres chemins, reconnus
vicinaux par l’autorité compétente, sauf le recours des communes contre les
tiers, s’il y a lieu. »
M.
Lebeau – Je propose de remplacer les
mots : « pourvoir à l’entretien d’autres chemins, reconnus vicinaux
par l’autorité compétente, sauf etc. » par ceux-ci : « pourvoir
provisoirement à l’entretien des chemins qui font l’objet de la contestation,
sauf. etc. »
- Ce changement de rédaction
est adopté.
Le paragraphe 3 ainsi amendé est ensuite mis aux voix
et adopté.
« §4. Il n’est rien innové, par le présent
article, aux obligations résultant de droits acquis aux communes antérieurement
à la présente loi, ni aux règlements des polders et wateringues. »
- L’ensemble de l’article 12 est ensuite mis aux voix
et adopté.
« Art. 13. En cas d’insuffisance des revenus
ordinaires de la commune, il est pourvu chaque année, aux dépenses des chemins
vicinaux, au moyen :
« 1° D’une prestation d’une journée de travail à
fournir par chaque chef de famille ou chef d’établissement qui ne paie pas 3
francs de contributions directes, pour autant qu’ils ne soient pas
indigents ;
« 2° D’une prestation d’une journée de travail à
fournir par chaque chef de famille ou chef d’établissement payant au moins 3
francs de contributions directes ;
« 3° D’une prestation de deux journées de travail
à fournir par le propriétaire, usufruitier ou détenteur ; par chaque
cheval, bête de somme, de trait et de selle, au service de la famille ou de
l’établissement dans la commune.
« 4° Des centimes spéciaux en addition au
principal des contributions payées dans la commune, patentes comprises.
« Ces centimes spéciaux contribueront toujours
pour un tiers au moins dans la dépense ; si le montant des prestations
imposées d’après les trois premières bases, excède les deux autres tiers, elles
se réduiront proportionnellement à cette quotité.
« Ne sont comprises, sous la dénomination de
revenus ordinaires de la commune, ni les répartitions personnelles sur les
habitants, ni les coupes de bois délivrées en nature à ceux-ci pour leur
affouage.
« Le produit total de ces diverses bases ne
pourra, qu’en vertu d’un arrêté royal, excéder le dixième du montant en
principal de toutes les contributions directes de la commune. »
M. Cools – Messieurs, j’éprouve
quelque répugnance à ramener la discussion sur une disposition assez importante
de la loi ; mais comme dans l’article que nous avons adopté lors du
premier vote, il y a un paragraphe qui a passé presqu’inaperçu, je crois devoir
y revenir.
Après avoir déterminé les quatre bases de
contribution, dont la quatrième se compose de centimes addition au principal
des contributions, on ajoute dans l’article :
« Ces centimes spéciaux contribueront toujours
pour un tiers au moins dans la dépense ; si le montant des prestations
imposées d’après les trois premières bases, excède les deux autres tiers, elles
se réduiront proportionnellement à cette quotité. »
Cette disposition a été
introduite dans la loi par l’ancienne section centrale. J’ai parcouru tous les
documents qui nous ont été distribués, et je n’ai trouvé aucun développement à
l’appui de la proposition. J’ai pensé d’abord que la disposition avait été
empruntée à la loi française de 1836 qu’on a souvent consultée pour la
rédaction du projet en discussion. J’y ai bien trouvé une disposition à peu
près analogue à celle dont il s’agit, cependant les deux principes sont
complètement différents. La loi française établir également des bases de
contribution, mais elle laisse aux conseils communaux le soin de déterminer la
part pour laquelle chaque base devra contribuer. La loi se borne à fixer un
maximum. Ainsi, elle dit : les propriétaires « pourront » être
imposés à trois journées de travail ; les chevaux « pourront »,
etc. Les conseils communaux en France ont donc la faculté de varier la
contribution jusqu’à concurrence du maximum.
Mais ici la disposition est toute différente. Dans la
loi qui nous occupe, on établit des bases fixes. On y dit que chaque
propriétaire contribuera pour une journée de travail, que les chevaux
contribueront pour telle part, et après avoir fixé la quatrième base qui se
compose des centimes additionnels, on déclare que cette base contribuera pour
un tiers au moins dans la dépense, et que si le montant des produits des trois
autres bases excède les deux autres tiers, les prestations de ces trois bases
seront réduites proportionnellement.
Le but qu’on a voulu atteindre est assez apparent. On
a voulu que la propriété foncière contribuât pour une part légitime, et que les
habitants de la commune, les fermiers par exemple, ne fussent pas trop imposés.
A cet égard, la disposition me paraît fort juste en
théorie. Personne ne peut contester qu’il ne soit juste d’exiger une part
équitable même des propriétaires forains.
Mais la disposition est-elle aussi bonne dans la
pratique ? N’offre-t-elle pas des inconvénients graves qui ne compensent
pas le but d’utilité qu’on a voulu atteindre. Quant à moi, messieurs, je
n’hésite pas à répondre affirmativement.
D’abord, même sans ce paragraphe, la loi sera toujours
assez compliquée. Lorsqu’on a dit à un paysan : « Vous devez
contribuer pour une journée de travail, mais comme vous avez préféré vous
acquitter en argent, il y a un dixième à déduire, c’est déjà une complication,
mais à tout prendre une complication que le plus simple habitant des campagnes
peut saisir. Il n’en sera plus de même si on passe cette limite, comme on le
propose dans le paragraphe que je critique. D’abord, il en résultera un travail
très minutieux pour les receveurs des communes. Chaque année, ils verront
équilibrer les quatre bases au moyen de calculs fort longs. Mais cet
inconvénient n’est pas le plus grave ; il y en a un autre plus important,
c’est que la loi sera très différemment comprise par les habitants des
campagnes auxquels elle s’applique essentiellement. Cet habitant ne saura pas
s’il est justement imposé, et sa méfiance sera assez naturelle, car tous les
ans on pourra lui demander une contribution différente. Lorsque les réparations
seront nombreuses et qu’il faudra imposer beaucoup de centimes additionnels, on
lui demandera sa journée entière. Une autre année, on n’exigera plus qu’une
fraction de journée, et l’année suivante, cette fraction sera encore une fois
augmentée ou diminuée. Le paysan qui ne comprendra rien à ces variations, se
livrera à des suppositions fort peu honorables pour le receveur de la commune.
Je pense donc qu’au lieu de rechercher dans
l’application cette justice distributive rigoureuse qu’on semble avoir eu en
vue, en proposant le paragraphe que je critique, il vaudrait beaucoup mieux
adopter une base plus certaine et plus uniforme, et de supprimer le paragraphe
en entier. Il résultera de cette suppression que le paysan aura à payer chaque
année une journée de travail, et cette contribution ne variera pas.
Il y a encore un autre motif qui milite en faveur de
la suppression de cet article, c’est que la cause qui avait déterminé
l’ancienne section centrale à proposer ce paragraphe, j’entends la crainte
qu’elle avait de surcharger un peu les habitants des campagnes, cette cause
n’existe plus dans toute sa force, puisque le nombre de journées de travail à
fournir par eux a été diminué par le premier vote de la chambre.
Je propose, en conséquence, la suppression du
paragraphe commençant par ces mots : « Ces centimes spéciaux
contribueront, etc. » (Appuyé !)
M. Mast de
Vries – Je demanderai comment, dans certaines localités, les
prestations pourront être perçues. Bruxelles, par exemple, demande à ce que les
faubourgs soient joints à la ville ; dans l’hypothèse de cette réunion,
vous aurez à Bruxelles des chemins vicinaux ; vous avez dans beaucoup de
localités des chemins vicinaux qui s’étendent à une lieue ou une lieue et demie
hors des portes.
Maintenant, en appliquant la loi à la ville de
Bruxelles, qui est obérée, comment voulez-vous que chaque propriétaire soit
frappé pour l’entretien des chemins vicinaux ? Les centimes additionnels
doivent toujours fournir dans la proportion d’un tiers. Cela fera un chiffre
très considérable. On peut avoir besoin de dix mille francs pour la réparation
des chemins vicinaux et l’application des centimes additionnels, en en mettant
un seul, vous donnera 20 ou 25 mille francs. Vous aurez les propriétaires
d’attelage qui seront encore forcés de fournir leur contribution.
J’ai une autre explication à demander, c’est sur les
personnes payant trois francs d’impôt. De cette manière, dans les plus petites
communes, vous faites payer tout le monde, même les plus pauvres, à moins
qu’ils ne reçoivent des secours des bureaux de bienfaisance.
Je demande la suppression des deux premiers numéros et
la modification du cinquième paragraphe.
L’article serait ainsi conçu :
« Art. 13. En cas d’insuffisance des revenus
ordinaires de la commune, il est pourvu chaque année, aux dépenses des chemins
vicinaux, au moyen :
« D’une prestation de deux journées de travail à
fournir par le propriétaire, usufruitier ou détenteur, par chaque cheval, bête
de somme, de trait et de selle, au service de la famille ou de l’établissement
dans la commune.
« Si ces prestations sont insuffisantes, de
centimes spéciaux en addition au principal des contributions payées dans la
commune, patentes comprises, par les trois quarts des contribuables les plus
imposés.
« Ne sont comprises, sous la dénomination de
revenus ordinaires de la commune, ni les répartitions personnelles sur les
habitants, ni les coupes de bois délivrées en nature à ceux-ci pour leur affouage.
« Le produit total de ces diverses bases ne
pourra, qu’en vertu d’un arrêté royal, excéder le dixième du montant en
principal de toutes les contributions directes de la commune.
De cette manière vous ne frapperez pas les pauvres. En
ne faisant contribuer que les trois quarts des plus imposés, vous avez une base
plus juste que si vous fassiez contribuer ceux qui ne paient que trois francs
d’impôt.
Vous me direz que ceux qui habitent une maison de
moins de 20 florins sont exempts, mais dans toutes vos villes qui ont une
banlieue étendue, les moindres maisons se louent à plus de 20 florins ;
tous nos bourgs sont dans ce cas.
- L’amendement de M Mast de Vries est appuyé.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires
étrangères (M. de Theux) – Il est évident que
l’article 13 n’est pas applicable aux villes qui ont des octrois. C’est une
chose impossible dans la pratique. Aussi telle n’a jamais été la pensée de la
loi. C’est la disposition générale de l’article 13, portant qu’il est pourvu à
l’entretien des chemins, sur les ressources ordinaires de la commune, qui
s’applique aux villes. Ainsi la manière d’opérer, quant aux villes, est
extrêmement simple. Tous les habitants agglomérés sont soumis à l’octroi ;
il n’y a aucune espèce de prestations conformément aux 4 numéros de l’article
13. Seulement s’il y avait des habitants extra muros qui ne fusent pas soumis
aux taxes d’octroi de la ville, ceux-là seraient régis par les dispositions de
l’article 13, mais elles ne sont là nullement applicables à ceux qui vivent
sous le régime de l’octroi. On fait contribuer la ville d’après ses ressources
et ses revenus ordinaires.
M. Mast de Vries – Les habitants de la banlieue sont soumis à l’octroi.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M.
de Theux) – Alors c’est sur les revenus
de la ville que l’entretien est payé.
M. Mast de Vries – Et si les ressources sont insuffisantes, comme à
Bruxelles ?
M.
Dubus (aîné) – Bruxelles n’a pas de
chemins vicinaux.
M. Mast de Vries – Il y a beaucoup de localités qui ont des chemins vicinaux et
dont les finances sont obérées.
M. F. de Mérode – Des villes comme celles-là me semblent être des villages, ce
sont des villes d’une position mixte. Si on retranche les dispositions dont on
demande la suppression, la loi deviendra inutile pour les campagnes, et
cependant c’est pour les campagnes surtout qu’on l’a proposée ; les
campagnes se contenteront des routes qui aboutissent à la ville. Les
dispositions proposées s’exécutent en France, et on ne s’en trouve pas mal.
M. Dubois – Je suis assez disposé à admettre l’amendement de M. Mast de
Vries. Cependant je dois faire observer que les chemins vicinaux appartenant
aux villes sont situés dans la banlieue où habitent des cultivateurs, des
industriels et des personnes appartenant à la ville. On pourra appliquer aux
cultivateurs et aux autres habitants les dispositions de l’article 13, car je
crois qu’il serait impossible de prendre une disposition bien juste, pour
donner une charge convenable aux habitants de la ville.
J’ai à faire une autre observation relative au numéro
1 de l’article 13. Il porte : « « Art. 13. En cas d’insuffisance
des revenus ordinaires etc. :
« 1° D’une prestation d’une journée de travail à
fournir par chaque chef de famille ou chef d’établissement qui ne paie pas 3
francs de contributions directes, pour autant qu’ils ne soient pas
indigents ;
Je demanderai si on a bien réfléchi à ce que sont les
citoyens qu’on frappe ? Les indigents qui ne paient pas 3 francs d’impôt
devront contribuer à l’entretien des chemins vicinaux ; c’est-à-dire, la
classe qu’on distingue à peine de celle des indigents ; car, remarquez que
vous avez déjà eu soin de dire dans la loi, pour autant qu’ils ne soient pas
indigents. C’est risquer de frapper tout juste la classe indigente et vous
soumettez cela à l’arbitraire des administrateurs municipaux.
Je demanderai si on croit la mesure juste et surtout
urgente. Après les centimes additionnels et les autres moyens que vous avez de
pourvoir à cette dépense, faut-il encore frapper la classe qui a besoin de ses
bras pour vivre ?
J’appuierai donc la suppression de l’impôt proposé au
numéro premier de l’article 13 qui impose une journée de travail à tout
individu qui ne paie pas 3 francs de contributions, et j’en fait une
proposition formelle comme sous-amendement à l’amendement de M. Mast de Vries.
M. de Garcia – Lors de la première discussion, j’avais fait observer qu’il
était difficile de mettre en rapport les centimes additionnels avec les bases
établies par les trois premiers paragraphes. En effet, il arrivera que les
bases du premier paragraphe rapporteront beaucoup dans les communes agricoles,
tandis qu’elles ne produiront presque rien dans les communes forestières. Déjà,
lors de la première discussion, j’avais demandé la suppression du paragraphe 2
du numéro 4, à cause de la difficulté d’application dans l’administration
régulière.
M. Milcamps – Je viens m’opposer à l’amendement proposé par M. Cools, car
cet amendement a évidemment pour objet de faire supporter, pour ainsi dire,
toute la charge d’entretien des chemins par les fermiers. A Nivelles, je parle
de cette localité parce que je la connais mieux, nous avons quatre à cinq mille
âmes de population intérieure et trois mille âmes extra muros. Si vous ne
maintenez pas le premier paragraphe du numéro 4 de l’article 13, il s’ensuivra
qu’il pourra arriver que ceux qui demeurent extra muros paieront seuls. Chaque
année on m’impose de quatre journées à raison de la maison que l’habite et de
ma contribution personnelle. Si vous supprimiez cette disposition, je ne
paierai plus rien. Il est nécessaire que ceux qui paient une contribution
personnelle interviennent au moins pour un tiers dans l’entretien des chemins vicinaux
et qu’on n’en charge pas exclusivement les cultivateurs.
Je demande le maintien du paragraphe premier dont la
suppression a été demandée.
M. Demonceau – Je désirerais connaître le véritable motif qui a engagé
l’honorable M. Cools à proposer la suppression de ce paragraphe. Entend-il que
la contribution foncière ne contribue pour rien dans la dépense d’entretien des
chemins vicinaux ? Il faut s’expliquer franchement. Il avait été entendu
que la contribution foncière ne contribuerait que pour un tiers aux dépenses
d’entretien. Moi, je voudrais que sa part fût plus forte ; car ce n’est
pas tant les propriétaires habitant les communes qui dégradent les chemins et
qui par conséquent doivent être obligés de les entretenir ; ce sont aussi
les propriétaires forains. Tous les grands propriétaires résident en ville, si
vous ne les atteignez pas par la contribution foncière, comme les
atteindrez-vous ? On a dit que la loi atteint les journaliers, et cela est
vrai. Quand vous atteignez des journaliers, qui habitent la commune, comme
voudriez-vous dispenser les grands propriétaires de contribuer à ces
dépenses ?
Plusieurs
membres – Il ne s’agit pas de cela.
M.
Lebeau – Ce sera le résultat.
M.
Demonceau – Je ne dis pas que c’est le
but ; mais on veut effacer la quotité pour laquelle devait intervenir la
contribution foncière. Si vous ne dites pas que la contribution foncière
contribuera pour un tiers, les conseils communaux pourront se dispenser de
l’imposer pour quoi que ce soit. Vous vous défiez toujours des conseils
communaux, adoptez donc les dispositions qui les lient.
Dans chaque localité, les dettes contractées, depuis
longtemps pour tous les habitants, et pour la garantie desquelles toutes les
propriétés de la commune ont été hypothéquées, ces dettes sont payées par les
habitants. Une disposition législative interdit aux communes de payer ces
dettes au moyen de centimes additionnels à la contribution foncière, et tandis
que ce sont des étrangers qui possèdent les grandes propriétés de la commune,
ce sont les habitants qui supportent les charges locales, et notamment les
dettes antérieurement contractées. Cet état de choses donne lieu à de
nombreuses réclamations dans le district de Verviers, dans l’ancien duché de
Limbourg. On se plaint de ce que les propriétaires forains ne sont pas imposés
comme les habitants de la commune. Vous donnerez lieu à des plaintes de même
nature si vous retranchez la disposition qui atteint la contribution foncière.
Vous aurez beau dire que vous voulez atteindre cette contribution, si vous ne
fixez pas la proportion dans laquelle elle doit contribuer, il y a des
communes, je le répète, qui se dispenseront de la faire contribuer pour quoi
que ce soit.
M. Cools – L’honorable préopinant s’est mépris sur le but de ma
proposition. Je n’ai nullement l’intention de supprimer les centimes
additionnels, je reconnais même que la disposition que je propose de supprimer
est juste en théorie ; mais dans l’exécution elle présenterait tant de
difficultés, qu’il vaut mieux la supprimer que d’inscrire dans la loi ce
principe de rigoureuse justice distributive.
La grande objection, c’est qu’on craint que les
conseils communaux, n’imposent plus la contribution foncière. Cette crainte est
sans fondement, car les communes seront toujours portées à imposer les
propriétaires forains de préférence aux habitants de la commune et à leurs
chevaux.
Tout en reconnaissant que rigoureusement il serait
peut-être plus juste de maintenir le paragraphe, je n’en propose pas moins la
suppression parce qu’il donnerait lieu dans la pratique aux plus graves
inconvénients. Lorsque le receveur dira aux paysans : Vous devez pour une
journée de travail 60 centimes ; D’où à déduire parce que vous n’avez pas
fait le travail en nature, soit 6 centimes, reste 54 centimes ; à déduire
encore sur chaque journée de travail 1/9, parce que le total des trois
premières bases a dépassé les 2/3, soit : 07 centimes, reste 47
centimes ; croyez-vous, je le demande, que le paysan comprendra quelque
chose à tous ces calculs ? Pourra-t-on empêcher, lorsqu’il verra varier
sans cesse la somme à payer, qu’il ne se croie livré à l’arbitraire du receveur
et qu’il n’accuse sa partialité ? Et ces inconvénients seront peut-être
encore plus sensibles dans la prestation en nature ; lorsqu’on ferait
travailler les habitants une année 8 heures, une autre 6, une autre 11.
Il est évident que la suppression que je propose
n’offre pas d’inconvénient, puisque, d’après la loi française, qui fixe un
maximum non pas d’une journée, mais de trois journées de travail, on impose en
outre la propriété foncière. Cela prouve bien que même trois journées de
travail ne suffisent pas ; à plus forte raison faudra-t-il imposer la
propriété foncière en Belgique où l’impôt n’est que d’une journée de travail.
Si cependant on craignait que la propriété foncière ne
contribuât pas pour une part assez forte, mieux vaudrait établir un roulement.
Une année, ce seraient tels pères de famille qui fourniraient une journée, une
autre année ce seraient les autres ; mais le système le plus simple c’est
de supprimer le paragraphe.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires
étrangères (M. de Theux) – Il fait bien se fixer sur
les conséquences de la suppression proposée par l’honorable préopinant. Si vous
supprimez le paragraphe, dans quelle proportion les quatre bases devront-elles
contribuer ? Sera-ce laissé à l’arbitraire de la commune ? S’il en
est ainsi, on peut arriver à un résultat opposé à celui que redoute l’honorable
M. Demonceau. Dans certaines communes, on imposera la contribution directe, et
l’on ne fera pas contribuer les habitants et ceux qui détiennent des chevaux,
ou on les fera contribuer dans une proportion inférieure à celle déterminée par
la loi. Si les quatre bases ne sont qu’une simple désignation, et si la commune
peut les faire contribuer inégalement tout est abandonné à l’arbitraire de la
commune. Si vous exiger que les trois bases soient épuisées avant qu’on ait
recours aux centimes additionnels, alors il ne reste plus qu’une question de
statistique ; il reste à savoir si les trois bases pourront suffire
indépendamment des centimes additionnels.
Pour moi je crois que dans la plupart des communes les
contributions directes devront seulement contribuer pour un tiers, mais
supporter une partie beaucoup plus considérable de la dépense. Je pense qu’il
en sera ainsi parce que d’après les anciens règlements, ce n’étaient pas
seulement les chefs de famille qui étaient taxés, mais tous les hommes valides
de 18 à 60 ans devaient contribuer à l’entretien des chemins vicinaux pour une
ou plusieurs journées de travail.
M. Cools – J’ai compris comme M. le ministre de l'intérieur que la
première base devrait d’abord être épuisée, chaque habitant devra contribuer
tous les ans pour une journée de travail.
M. de Garcia – Je suis étonné de la
proposition qu’a faite l’honorable M. Demonceau, que les conseils communaux ne
feraient pas contribuer la contribution foncière. Cette contribution supportera
une partie de la dépense dans la plupart des communes, et il en est (celles
purement agricoles et d’autres où il n’y a presque que des bois) où elle devra
faire face à toute la dépense. Dans tous les cas, je suis convaincu que les
administrations communales ne manqueront pas de faire contribuer la
contribution foncière. Aussi je n’accepte pas le reproche qu’on nous fait de nous
défier des administrations communales ; mais j’ai la plus grande confiance
dans ces administrations. Je suis persuadé qu’elles useront de la loi d’une
manière sage et qu’elles feront contribuer tous les intéressés à l’entretien
des chemins vicinaux.
Sans doute il y a des communes où les trois premières
bases couvriront presque toute la dépense et où il n’y aura presque pas de
centimes additionnels, est-ce à dire pour cela que les propriétaires ne
contribueront pas à l’entretien des chemins vicinaux ? N’est-il pas
évident que dans les baux il est tenu compte des charges imposées aux fermiers
et que le montant des fermages est diminué en proportion de ces charges.
J’adopterai la proposition de M. Cools, parce que je
crois qu’elle facilitera l’exécution de la loi.
M. Lebeau – J’appuierai aussi la suppression. Je crois que, pour
compléter le système de M. Cools, il faudrait adopter la disposition de la loi
française qui détermine un maximum ; ici, au contraire, c’est une règle
fixe. J’ai entendu dire par le ministre de l’intérieur que c’était un maximum
et qu’on pourrait réduire les deux journées à une ; je crois que le texte
ne se prête pas à cette interprétation, et il faudrait dire explicitement qu’on
peut rester en dessous de deux journées.
J’invite M. le ministre de l'intérieur, qui connaît
l’économie de la loi, à porter son attention sur ce point.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires
étrangères (M. de Theux) – Messieurs, dans mon opinion,
et je crois qu’elle est conforme au texte de la loi, les trois premières bases
sont à la fois un maximum et un minimum ; c’est-à-dire, que les communes
ne peuvent imposer ni plus ni moins, sauf le cas d’une réduction
proportionnelle sur les diverses bases prévues par le paragraphe en discussion.
Je pense que, toute réflexion faite, il vaut mieux
maintenir la rédaction telle qu’elle a été adoptée. Et pour obvier aux
inconvénients signalés par M. Cools, qu’il pourrait y avoir fractionnement dans
les journées, il faudrait rétablir à l’article 18 la disposition qui permettait
de remplacer la fraction de journée par la prestation en numéraire. Il me
semble que le projet a été bien entendu tel qu’il a été adopté d’abord.
M. Demonceau – Il sera certain que dans la cotisation la contribution
foncière interviendra pour un tiers. Je désire que les quatre bases soient
admises uniformément et que la contribution foncière intervienne en effet pour
un tiers ; que la contribution personnelle y intervienne aussi, rien de
plus juste. Mais tous les inconvénients signalés par M. Cools n’existent
pas ; aujourd’hui les répartitions se font sur la personnelle, sur la
foncière, et sur les habitants, et jamais il n’y a de fractions ; on les
évite en mettant à l’un un peu plus, à l’autre un peu moins ; les conseils
communaux font les rôles très exactement.
M. Cools – Pour comprendre les inconvénients que j’ai signalés, il ne
faut que du bon sens ; si vous admettez que les bases peuvent être
diminuées, il y aura nécessairement fraction. Puisque ces bases ont été
réduites à leur plus simple expression qu’elles ne fixent en général qu’une
seule journée, je crois qu’il faut conserver les bases comme elles sont et
supprimer le paragraphe qui permet de réduire ces bases.
M. d’Huart – Il y a plusieurs honorables
préopinants qui ont critiqué les trois premiers paragraphes de l’article, parce
qu’ils ont trouvé qu’ils frappaient d’une contribution certaine classe
d’habitants : quant à moi, je suis au contraire d’avis que le tort de
l’article est de ne point renfermer plus de bases imposables ; j’aurais
voulu, par exemple, qu’on eût exigé deux journées de travail, de tout individu
mâle, valide, âgé de 18 à 60 ans ; la loi française ainsi que certains de
nos règlements provinciaux actuels portent cette disposition. On se récrie de
ce qu’on fera payer des individus presque indigents, pour une chose dont,
dit-on, ils ne retirent aucun avantage : quant aux indigents, ils sont
exempts par le texte de l’article ; mais tout chef de famille, quel qu’il
soit, use du chemin vicinal, non seulement comme piéton, mais aussi avec des
charrettes ou des chariots. N’a-t-il pas besoin de chauffage, de provisions
pour ses aliments, de fourrages, et tout cela ne se transporte-t-il pas au
moyen de charrettes ou de chariots ? Tout le monde profite donc des
chemins vicinaux ; et la justice veut que chacun participe, dans une
équitable proportion, à leur entretien.
Etant d’avis contraire à ceux qui prétendent réduire
les premières bases de l’article 13, je dois abonder, sous certain rapport,
dans le sens de la proposition de M. Cools ; j’aurais voulu que
l’honorable membre n’eût demandé la suppression que de la deuxième partie du
paragraphe qu’il propose de retrancher en entier, celle qui prescrit de faire
une réduction proportionnelle dans un cas donné. Il faut, selon moi, conserver
la disposition qui stipule que les centimes spéciaux, sur les impôts directs,
contribueront toujours pour un tiers au moins dans la dépense ; car il
importe d’écarter la possibilité de diminuer les ressources de la commune, pour
l’entretien de ses chemins vicinaux. Je sous-amenderai dans ce sens la
proposition de M. Cools ; je demanderai le maintien de la première partie
du paragraphe, qui déclare que les centimes additionnels ne seront jamais
inférieurs au tiers du produit des deux autres bases ; et je proposerai le
retranchement de la seconde partie, qui prescrit une réduction des journées de
travail, dans le cas où le montant de ces journées excéderait le double des
centimes spéciaux cotés d’avance par la commune.
J’engage M. Cools a se rallier à ma proposition qui
simplifie aussi les difficultés du fractionnement des journées de travail,
difficultés qui toutefois n’auraient point entièrement disparu en supprimant le
paragraphe, attendu que par suite de l’amendement de M. de Garcia, déjà adopté,
et qui détermine un maximum de 10 p.c. des contributions directes de la
commune, il pourrait souvent résulter des fractions lorsqu’il y aurait lieu de
rabaisser le produit total des bases d’imposition pour les chemins vicinaux à
ce maximum.
A l’égard de cette difficulté administrative, M. le
ministre de l'intérieur vient d’annoncer la présentation d’une disposition qui
prescrira que la fraction en moins entre les prestations en nature et la
cotisation en argent devra être supplée en numéraire par le contribuable, en
sorte que les inconvénients redoutés par M Cools se trouveront ainsi
entièrement aplanis.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires
étrangères (M. de Theux) – Je persiste à croire qu’il
vaut beaucoup mieux laisser intact le deuxième paragraphe du numéro quarto.
D’après l’amendement de M. Cools il pourrait arriver que les contributions
directes fussent dégrevés d’une partie de la charge qui est fixée au tiers
comme minimum par le paragraphe en discussion et que ce qu’il veut éviter ne
sera pas évité.
Veuillez remarquer, messieurs, que d’après les anciens
règlements la contribution personnelle était infiniment plus considérable
puisqu’elle pesait sur tous les habitants de 18 à 60 ans ; maintenant le
minimum est fixé par les chefs de famille, soit à une, soit à deux
journées ; mais les centimes additionnels sur les contributions directes
ne sont pas limités, et il faudra toujours imposer des centimes extraordinaires
aux contributions directes quand il y aura manque de fonds, de manière que pour
maintenir l’équilibre des charges il vaut infiniment mieux de conserver la
rédaction du deuxième paragraphe du numéro quarto tel qu’il est. Quant aux
difficultés d’exécution, je proposerai
de rétablir à l’article 15 la disposition finale de l’article 18 du
gouvernement.
M. Vandenbossche – J’appuie le retranchement proposé par M. d’Huart ; car
les ressources qui ont été accordées aux communes ne suffiront pas dans une
infinité de localités pour faire les réparations ordinaires.
M. Cools – Je me rallie au sous-amendement de M. d’Huart.
Plusieurs
membres – La clôture !
M. le ministre de l'intérieur et des affaires
étrangères (M. de Theux) – Si l’on veut prononcer la clôture,
je dois faire observer à la chambre que, pour éviter les inconvénients signalés
par l’honorable M. Mast de Vries, il serait prudent d’ajouter à l’article une
disposition finale, ainsi conçue :
(Nous donnerons cet amendement).
Il faut une disposition positive qui assure des
revenus, sans cela il y aurait une lacune dans la loi ; l’article 13 ne
peut pas s’appliquer aux villes, il faut donc y pourvoir d’une manière
spéciale.
M. Dubois – Je demande que l’on ne prononce pas la clôture en ce
moment ; M. le ministre vient de présenter un amendement qui mérite toute
notre attention. Je prierai le bureau de faire imprimer tous les amendements
qui viennent d’être présentés.
De
toutes parts – A demain ! à
demain !
M.
le président – Les amendements seront
imprimés.
- La séance est levée à 5 heures.