Accueil Séances
plénières Tables des matières Biographies Livres numérisés Bibliographie et
liens Note
d’intention
Chambre
des représentants de Belgique
Séance du mercredi 29 avril 1840
Sommaire
1)
Pièces adressées à la chambre
2)
Projets de budget relatif au budget de la guerre. Présentation
3)
Proposition de constitution d’une commission d’enquête parlementaire. Prise en
considération (Manilius, Dedecker,
Smits, Liedts, de Foere, Van Cutsem (situation de
l’industrie linière), Devaux, de
Foere, Dumortier (situation de l’industrie
linière), de Theux, Dumortier,
de Theux)
4)
Prise en considération de demandes de grande naturalisation
(Moniteur belge
n°121 du 30 avril 1840)
(Présidence de M.
Fallon)
M.
Scheyven fait l’appel nominal à une heure.
M.
Lejeune lit le procès-verbal de la séance précédente dont la rédaction est
adoptée.
M.
Scheyven présente l’analyse des pièces adressées à la chambre.
PIECES
ADRESSEES A
« Le sieur V.-B.-L. Hofland, à Ostende, demande,
dans l’intérêt de ce port, la suppression du tonnage extraordinaire et du droit
de feux. »
« Le sieur André, ex-bourgmestre, cultivateur à
Louette-Saint-Pierre (Namur), demande que la chambre adopte une modification à
la loi sur la milice, et par laquelle il serait déclaré que les enfants trouvés
alimentés doivent être inscrits sur la liste des habitants de la commune où ils
reçoivent les aliments. »
Par diverses mesures, le sénat informe la chambre
qu’il a adopté le projet de loi allouant un crédit supplémentaire au budget du
département de l’intérieur de l’exercice courant pour subvenir aux dépenses
résultant de l’érection d’un petit séminaire à Saint-Trond ; le projet de
loi relatif aux droits sur les bois étrangers, tel qu’il a été amendé par la
chambre des représentants ; le projet de loi portant allocation d’un
nouveau crédit provisoire au département de la guerre pour faire face aux
dépenses de l’exercice courant.
- Pris pour notification.
PRESENTATION DE PROJETS DE
LOIS
M. le ministre de la guerre (M. Buzen) présente un projet de loi
portant transfert d’une somme de 2,250,000 francs, dans le budget de 1839.
- Ce projet est renvoyé à la
section centrale qui a examiné le budget de l’exercice de cette année 1839.
M. le ministre de la guerre (M. Buzen) présente un projet portant
ouverture d’un crédit de 49,000 francs, pour liquider diverses créances
arriérées des exercices 1830-1831 et suivants.
- Ce projet est renvoyé à l’examen de la commission
permanente des finances.
Prise en considération
M. Manilius – Messieurs, il me paraît que
la chambre ne peut vouloir s’opposer à connaître les causes de la situation
fâcheuse dans laquelle se trouvent l’industrie et le commerce national. De même
elle ne pourrait convenablement s’opposer à voir assigner les moyens les plus
propres à remédier au mal qui n’est pas seulement signalé, mais qui est évident
pour tous ceux qui s’intéressent, ou sont intéressés, directement ou indirectement
à ces grandes branches de la richesse nationale. C’est donc en peu de mots que
je viens appuyer la prise en considération de la proposition qui vous est
soumise.
Messieurs, je crois qu’il y a urgence de faire un
examen sérieux de nos lois commerciales et navales, je dirai même nécessité de
les faire corroborer avec la situation et les besoins de notre pays.
De graves intérêts ne sont déjà que trop compromis par
la déplorable indécision et l’insouciance à l’égard des producteurs nationaux,
qui trouvent protection dans tous les gouvernements du monde.
Toutefois j’admettrai que la politique extérieure a pu
embarrasser les dispositions à prendre à l’égard de l’industrie, ou le
commerce, ou le pavillon national ; mais aujourd’hui je ne vois pas plus
d’obstacles sérieux, et il est temps de repousser de mesquines considérations.
Je veux bien croire sincèrement le nouveau ministère
imbu de bonnes intentions. Ce qui m’autorise à croire qu’il ne se refusera pas
non plus à des renseignements lumineux que pourront lui fournir les hommes
spéciaux que la chambre est appelée à choisir dans son sein, par la proposition
de l’honorable M. de Foere.
Par ses considérations, je l’appuie de tous les moyens
possibles.
M. Dedecker – Messieurs, en thèse générale,
on n’a plus grande foi dans les enquêtes, et je vous avouerai que d’ordinaire
je ne fonde pas sur elles de grandes espérances. Cependant, je crois que, pour
être juste, il faut distinguer. Les enquêtes politiques produisent rarement un
résultat positif, parce que le but qu’on s’y propose est presque toujours de
gagner du temps afin de faire cesser les clameurs des passions et d’étouffer
des affaires irritantes et personnelles, et parce que, pour arriver à la
connaissance de la vérité, il faut des révélations ou des dépositions toujours
plus ou moins compromettantes pour ceux qui les font. Dans les enquêtes
commerciales, au contraire, il ne s’agit pas de personnalités ou d’intérêts
particuliers ; le but en est plus général, et, par conséquent, plus noble ;
les moyens pour atteindre ce but sont sous la main et sans aucun danger pour
ceux qui les fournissent. Il existe d’ailleurs, dans ce moment, une réunion de
circonstances qui donnent à l’enquête commerciale proposée par l’honorable M.
de Foere un caractère incontestable d’opportunité.
Cette enquête est devenue nécessaire, parce que le
pays souffre, non depuis quelques mois, mais depuis des années et qu’il faut
donc qu’il y ait à ces souffrances des causes radicales et permanentes. Elle
est devenue nécessaire, ne fût-ce que pour calmer l’irritation des esprits,
pour faire renaître la confiance et pour donner à ceux que le malaise accable
la consolation de voir avec quelle sollicitude paternelle le gouvernement
s’occupe des intérêts publics. Elle est devenue nécessaire depuis qu’on en a
commencé une en faveur de la seule industrie linière, et que, dans ma manière
de voir, il y aurait de l’inconvenance à faire moins pour tout le commerce et
pour toutes les industries réunies, qu’on a fait pour une seule industrie,
quelque respectable et quelque digne d’intérêt qu’elle me paraisse d’ailleurs.
Enfin et surtout, l’enquête proposée par M. de Foere est devenue nécessaire,
parce qu’on n’est d’accord ni sur le degré d’intensité du mal, ni sur les
causes du mal, ni sur les remèdes à y apporter.
On n’est pas d’accord sur le degré d’intensité du
mal ; la séance d’hier en a fourni une nouvelle preuve. Les uns disent que
la misère est à son comble ; d’autres prétendent qu’elle n’est pas
précisément à son comble, mais qu’incontestablement elle existe. Sur ce banc on
exagère la souffrance de l’industrie, sur tel autre on les nie. Si les plaintes
sont unanimes, si les pétitions affluent à la chambre, ce n’est pas, ose-t-on
assurer, que le malaise soit réel, mais c’est que le peuple croit qu’il est
malheureux parce qu’on ne cesse de le dire. En un mot, d’après les uns, le pays
est réellement et dangereusement malade, d’après les autres il n’est qu’un
malade imaginaire. Avouons que, dans les circonstances actuelles, l’incrédulité,
d’une part, ne ressemble pas mal à un dérision, et disons que c’est elle qui a
rendu, d’autre part, l’exagération pour ainsi dire nécessaire ; car si,
aujourd’hui même, que déjà les plaintes sont peut-être outrées, l’on feint de
ne pas croire encore à la réalité des maux qui accablent l’industrie belge, que
serait-ce donc si ceux qui en souffrent se taisaient ?
On n’est pas non plus d’accord sur les causes du
malaise actuel, et ici encore je crois que la vérité ne se trouve pas dans les
extrêmes. Ceux qui prétendent que toutes les causes de la crise industrielle en
Belgique sont générale à tous les pays se trompent, selon moi, tout autant que
ceux qui disent que ces causes sont toutes spéciales à
Ces causes générales sont connues de toute le monde et
ont été signalées par les économistes de tous les pays : aussi ne m’y
arrêté-je point. Les causes spéciales de la crise actuelle, les causes
particulières à
La commission que l’honorable député de Thielt propose
de nommer aura donc à examiner si le système commercial suivi par tous les
ministères qui se sont succédé depuis la révolution est conforme à l’intérêt
comme à la dignité du pays, s’il est en harmonie avec les systèmes de nos
voisins.
Voici quelques questions fondamentales, quelques faits
importants sur lesquels j’appelle les investigations de la commission :
Depuis tantôt dix ans, nous n’avons pas pu faire de
traités de commerce convenables et importants, pourquoi cela ?
Quand toutes les nations ferment leurs frontières aux
produits étrangers similaires de ceux qu’elles fabriquent, pourquoi nous seuls
les ouvrons-nous indistinctement à tout le monde et sans exiger aucune faveur
en retour ?
Les industries ont-elles de l’avenir dans un pays,
qui, comme le nôtre actuellement, n’a non seulement pas de débouchés, mais qui,
comme pis-aller, ne se réserve pas même son marché intérieur ?
Tous les peuples commerçants et industriels attachent
le plus grand prix à avoir des relations directes avec les pays
lointains ; comment se fait-il qu’en Belgique l’on accueille, avec une
égale faveur, tous les arrivages, même indirects de deuxième ou troisième main,
laissant ainsi aux autres tous les bénéfices du commerce et de la
navigation ?
Loin d’aller concourir avec les étrangers sur les
marchés lointains, nos industriels, même protégés par certains droits, ne
peuvent pas encore lutter avec eux dans notre propre pays. A quoi cela
tient-il ? Ils sont certes aussi intelligents, aussi actifs, dans une
position naturelle, aussi favorable que les étrangers. Mais le gouvernement les
place-t-il dans les mêmes conditions que celles où se trouvent les
étrangers ? Peuvent-ils se procurer la matière première si facilement, si
avantageusement que les étrangers ? Ont-ils les mêmes occasions d’expédier
qu’eux ?
On ne cesse de parler de transit vers
l’Allemagne ; deux nations se disputent ce transit :
Avec le système actuel, le développement de notre
marine marchande est-il possible ? Pour citer un fait particulier, environ
200 capitaines de navire de cabotage d’Anvers, et récemment encore un grand
nombre de bateliers de Termonde et des environs, ont prouvé, par leurs
pétitions envoyées à la chambre, que, par suite du système des droits
différentiels établi en Hollande et rejeté par
Voilà quelques questions que je me permets de faire,
quelques faits que je constate, pour qu’on les examine impartialement, sûr que
je suis que de cet examen des principales anomalies de notre position, il
résultera de grandes et utiles lumières pour la conduite de nos intérêts. C’est
donc sur ces questions et ces faits que je voudrais que se portât spécialement
l’attention de la commission.
Mais, messieurs, si j’approuve la nomination d’une
commission d’enquête, si j’ai foi dans les résultats qu’elle peut obtenir,
c’est à condition, je l’avoue franchement, que le choix des membres qui la
composent soit fait par la chambre. Tout dépend de ce choix. Tant pour les
observations à faire que pour les inductions à en tirer, il faut des personnes
que l’étude de ces matières ou l’expérience rend aptes à remplir cette mission
délicate, des personnes de conscience et de bonne foi ; car, ne l’oublions
pas, messieurs, une enquête commerciale est un moyen extrême et décisif en bien
ou en mal. Faite avec probité et talent, l’enquête résoudra les principales
difficultés, mettra le doigt sur les plaies les plus profondes, lèvera les
obstacles les plus sérieux, indiquera les remèdes les plus efficaces. Faite
sans talent ni bonne foi, l’enquête embrouillera tout, jettera la confusion
dans toutes les intelligences, prêtera à l’erreur l’autorité de ses recherches
officielles, et retardera indéfiniment la résurrection du commerce et de
l’industrie belges.
Il est donc bien important, messieurs, le choix que
vous serez probablement appelés à faire ; car le gouvernement ne peut
convenablement s’immiscer dans une affaire où il s’agira de contrôler sa
conduite et d’examiner le système suivi depuis nombre d’années. Y mît-il toute
l’impartialité que j’aime à croire qu’il y mettrait, encore accueillerait-on
avec défiance ceux qu’il aurait ainsi, dans sa propre cause, choisis pour être
ses juges. Comme je suis franc et libre de tout engagement envers l’un ou
l’autre des partis qui, sous le rapport commercial, divisent la chambre ;
comme je veux exclusivement éclairer le gouvernement et améliorer la situation
du pays, je vais plus loin, et je dirai sans détour que je regrette que les
principales spécialités de la chambre en matière de commerce soient déjà toutes
engagées dans une voie exclusive, que les principaux défenseurs de nos intérêts
matériels soient plus ou moins des hommes à idées fixés, à systèmes. Je
voudrais que ceux qui seront chargés de faire cette enquête la commençassent
sans préoccupation personnelle, sans opinion faite d’avance, sans esprit de
système ; non pour se donner raison ou pour donner tort à leurs
adversaires, mais dans le seul but d’être utile à la nation. Puisqu’il sera
impossible de trouver dans la chambre des hommes spéciaux par leurs connaissances
et en même temps impartiaux par la position qu’ils ont prises, que du moins,
l’on ait soin de faire en sorte que, dans la commission d’enquête, tous les
systèmes soient également représentés. Ce n’est qu’à cette condition que
l’enquête que l’on propose pourra amener d’heureux résultats et atteindre le
but que nous avons tous en vue.
Je suis donc, messieurs, grand partisan d’une enquête
faite avec impartialité et par des hommes qui offrent à la nation toutes les
garanties de bonne foi et de talent. Je vote donc en faveur de la prise en
considération de la proposition de M de Foere.
M. Smits – Messieurs, je ne m’opposerai pas non plus à la prise en
considération que l’on réclame ; il y aurait cependant des motifs à faire
valoir pour l’écarter ; mais je craindrais de contrevenir aux usages de la
chambre, qui a toujours accueilli avec faveur ces sortes de propositions, si je
demandais son rejet. Dans cette assemblée d’ailleurs, la prise en considération
n’est envisagée que comme un acte de déférence ou de civilité parlementaire,
quoique, dans d’autres assemblées législatives, elle est envisagée comme un
préjugé favorable à la demande qui est faite.
Quoi qu’il en soit, un fait me paraît établi ;
c’est que l’honorable auteur de la demande d’enquête a été dans l’impuissance
de formuler une proposition, chose à laquelle nous l’avons convié plusieurs
fois, et qu’en définitive il se retranche, après plusieurs années de débats,
derrière une commission que je désire voir produire de bons résultats.
Je ne discuterai pas aujourd’hui la question ;
mais si les sections recevaient la proposition à la chambre, je prends
actuellement engagement d’entrer dans le cœur de la matière : il me sera
facile de détruire alors toutes les idées fausses que le député de Thielt a
cherché à propager.
M. le ministre de l’intérieur (M. Liedts) – Messieurs, comme la prise en considération de la proposition
n’implique par son adoption, et que la chambre ne fait, par cet acte, que
déclarer que la proposition mérité d’être examinée dans les sections, le
gouvernement ne s’y oppose pas : il s’y oppose d’autant moins que la
chambre a incontestablement le droit d’enquête, et que son droit est inscrit
dans la constitution.
Lorsque la proposition aura passé par les sections et
qu’elle sera amenée en section centrale, le gouvernement, messieurs, prouvera
facilement, il me semble, à la section centrale, et plus tard à l’assemblée,
que si une enquête est nécessaire ou utile, il est convenable qu’elle soit
dirigée par la gouvernement lui-même. Le gouvernement, en effet, prendrait des
commissaires non seulement dans cette chambre, mais encore dans le sénat, où
l’idée de l’enquête a pris en quelque sorte naissance ; c’est aussi dans
les sections qu’on examinera dans quelles limites l’enquête doit être
renfermée, sur quelles industries, en un mot, elle doit porter.
Je le répète, le gouvernement ne voir aucune
difficulté, aucun inconvénient à la prise en considération de la proposition de
l’honorable député de Thielt.
M. de Foere – Quand j’ai eu l’honneur de présenter à la chambre ma
proposition d’enquête commerciale, je n’ai eu l’intention de demander à aucun
membre un vote de déférence. Je n’accepte donc pas l’acte de complaisance du
député d’Anvers. Dans une question d’une aussi haute portée pour le pays, je
réclame une discussion approfondie, un vote consciencieux et non un acte de
déférence. Lorsque les grands principes auxquels se rattachent la prospérité ou
la ruine commerciale du pays ne sont pas approfondis, la chambre et le pays
restent dans le doute, et la discussion ne produit aucun résultat. J’ai voulu
provoquer une discussion préparée par tous les renseignements qu’il sera
possible d’obtenir. C’est par cette raison que j’ai demandé l’enquête, afin que
la chambre puisse être éclairée par les lumières des hommes spéciaux du pays.
Je ne demande donc, je le répète, aucune déférence de la part de M. Smits, ni
de tout autre membre relativement à la proposition que j’ai soumise à la
chambre.
Messieurs, le même honorable député d’Anvers me
reproche, peut-être pour la troisième fois, d’être dans l’impuissance de
formuler une proposition. Chaque fois je lui ai répondu par des faits. Je lui
répondrai encore par les mêmes faits. En 1834, pendant la discussion sur
l’établissement des chemins de fer, j’ai eu l’honneur de présenter à la chambre
un projet de loi tendant à favoriser l’exportation de nos produits au moyen de
notre commerce extérieur et de notre navigation. Ce projet a été pris en
considération. La chambre a ordonné l’impression de mes développements ;
ils ont été distribués à ses membres. Le projet de loi a traîné pendant six ans
dans les cartons de la chambre.
Peut-on, de bonne foi, me reprocher, pour la troisième
fois, d’être dans l’impuissance de formuler une proposition ?
Dernièrement, dans la discussion du projet relatif aux
4,000 actions de la société rhénane, j’ai formulé les bases de mon système
commercial dans les questions que j’ai proposées au ministère relativement à la
politique commerciale et navale qu’il proposait de suivre. Pendant plusieurs
sessions, j’ai déclaré vingt fois que les principes du système que je propose
sont ouvertement déposés dans tous les traités de réciprocité. Ils en forment
la base. Par conséquent, il était, en tout cas, inutile de présenter à la
chambre l’application de ces principes. En effet, le système des provenances
directes forme la base de tous les traités de réciprocité.
L’application des droits différentiels, en dehors des
provenances directes, en est une conséquence naturelle.
Puisque le gouvernement ni aucun membre de la chambre
ne s’oppose à la prise en considération de ma proposition, je bornerai là mes
observations.
M. Van Cutsem – Messieurs, envoyé dans cette enceinte par une partie de
Personne, messieurs, dans cette enceinte, ne peut plus
contester la décadence de l’industrie linière ; et comment pourrait-on la
révoquer en doute ? Les fileuses, terme moyen, ne gagnent plus que dix ou
quinze centimes par jour, les enfants en apprentissage doivent cesser tout
travail parce que le lin filé se vend quelquefois à plus bas plus que le lin
non travaillé, le peu de tisserands qui travaillent encore à la pièce pour
autrui (et chaque jour leur nombre diminue) gagnent encore de 35 à 50 centimes
par jour ; ceux qui travaillent pour leur propre compte n’ont pas la
certitude de gagner 20 centimes par jour ; les fabricants perdent sur le
prix de la toile fabriquée et les fermiers sont débordés par les ouvriers qui
sont privés d’ouvrage et qui viennent leur demander des secours, qui absorbent
le bénéfice qu’ils font sur le lin, en d’autres mots qui les soumettent de fait
à la taxe des pauvres, qui pour peu que l’on ne vienne pas à leurs secours
s’échangera en une taxe des pauvres de droit.
Ainsi point de contestation à cet égard, l’industrie
linière marche à grand pas vers sa ruine ; mais quels sont les moyens les
plus efficaces pour arrêter un mal qui va appauvrir des provinces où l’Etat
perçoit ses plus fortes contributions, et où il trouve le plus grand nombre de
ses soldats, voilà la difficulté.
L’industrie linière jusqu’à présent a proposé, comme
le moyen le plus certain pour empêcher sa décadence, des droits sur les lins à
leur sortie de Belgique, parce que les nombreux achats de cette matière
première faits par nos rivaux, qui depuis deux siècles n’ont pas cessé un
moment de faire tous leurs efforts pour nous enlever une industrie aussi
productive que morale, ont mis la plus grande partie de nos tisserands au
dépourvu de bons lins et de bonnes étoupes, ce qui nuit essentiellement à la
qualité de nos toiles. Or, c’est sur leur solidité que repose notre espoir de
l’emporter sur la filature du fil à la mécanique, c’est donc parce que les prix
des bons lins sont trop élevés, c’est parce que le prix de la bonne toile n’est
en rapport avec le prix des lins que notre fabrication toilière diminue chaque
jour, et que les tisserands préfèrent vendre les lins qu’ils possèdent encore,
plutôt que de les employer à la confection des toiles puisque leur travail ne
leur fournit souvent aucun bénéfice.
Nous pensons donc que le meilleur moyen à employer
pour empêcher la décadence de l’industrie linière serait d’imposer les lins à
leur sortie de Belgique, et qu’il conviendrait d’établir ces droits à
l’exportation, à la valeur ou par classes.
Pour favoriser l’industrie linière, il serait encore
bon d’obtenir une majoration de droits sur ce droit insignifiant qu’on paie sur
l’entrée du fil étranger en Belgique ; il conviendrait de le fixer
exactement comme celui du tarif français ; nous ne pouvons dépasser ce
tarif sans fournir à
Il serait encore favorable à l’industrie linière
d’obtenir le retrait ou l’abolition du droit de sortie que notre gouvernement
prélève sur nos fils retors et teints ; les fabricants de fils de Lille
étaient naguère en possession des marchés d’Espagne qu’ils ont perdu, parce
que, séduits par l’appât du gain, ils ont voulu livrer à ces pays des fils à la
mécanique qui y ont été rebutés ; aujourd’hui les fabricants de notre pays
s’y sont ouverts des correspondances utiles et précieuses, mais ils doivent
payer le droit de transit à
En favorisant cette branche de l’industrie linière,
vous donnerez l’existence à un nombre considérable de fileurs à la campagne et
d’ouvriers tordeurs en ville, et vous profiterez d’une faute que les Lillois
ont commise.
Si le gouvernement ne trouve pas de meilleurs moyens
que ceux que je lui propose pour secourir l’industrie linière, il doit les
adopter pour montrer aux provinces qui se plaignent que si leur industrie se
perd, elle succombe par la force des choses, et non pas parce que le
gouvernement et la législature leur refusent toute protection.
Je n’ignore pas, messieurs, que certaines personnes
prétendent que le seul moyen de sauver l’industrie linière de sa perte, c’est
d’employer, d’encourager la filature à la mécanique parce que nous avons la
matière première à la main et à meilleur marché que nos rivaux, mais ces
personnes se trompent, et je vais vous montrer pourquoi : je dirai d’abord
qu’il n’y a pas un Etat, un peuple qui n’impose fortement nos toiles à l’entrée
chez eux, et ces droit dépassent partout le léger avantage de posséder la
matière première, lorsque nous leur livrons nos lins sans droits, et la
disproportion est d’autant plus sensible que les extracteurs de nos lins ne
payent ces frais qu’environ 8 p.c. sur la matière première, tandis que partout
on impose nos fabricats d’après leur finesse, ce qui double ou quintuple les
droits, et que les toiles de fils à la mécanique ne payent, à leur entrée en
France, qu’un faible droit, attendu que le poids et la chaîne en sont les
régulateurs ; or, dans les mêmes proportions de la coupe, là où nous devons
placer cinq fils de chaîne pour confectionner de bonnes marchandises, nos
rivaux n’en mettent que trois, ; d’où il suit que leurs toiles sont
ordinairement placés à deux classes en dessous des nôtres, ce qui constitue une
énorme différence à notre préjudice. Enfin, messieurs, que nous introduisons en
France
D’après ce que je viens d’avoir l’honneur de vous
dire, on doit être d’accord avec moi que l’antique industrie linière plus lente
et plus difficile dans ses procédés, mais produisant des qualités plus solides,
peut seule sauver le pays du malheur qui le menace, et que les Belges ne
peuvent avoir qu’un but qui doit être celui de fabriquer mieux et plus
solidement que leurs adversaires pour effacer par la durée de leurs produits la
différence qui existe entre les deux espèces de toile et rappeler ainsi les
consommateurs qui, en se trompant sur ces qualités respectives se sont
momentanément éloignés de leurs marchés. Pour atteindre ce but, le
perfectionnement de la toile devrait être possible, mais il ne le sera que
lorsque le gouvernement, par des droits sur la sortie des lins, conservera la
matière première à l’artisan, qui se la voit enlever chaque jour par
l’étranger.
Nous n’avons que des mauvais lins dans ce moment en
Belgique ; tous les bons ont été enlevés par l’étranger ; comment
pourrait-on donc faire de bons fils avec du mauvais lin, et avec de mauvais
fils de la bonne toile ? Et c’est cependant la supériorité de nos toiles
que doit nous en conserver la fabrication.
On m’objectera peut-être que c’est pour protéger
l’agriculture qu’on laisse exporter avec un droit insignifiant les lins de
Quand nous aurons perdu notre industrie par la
mauvaise qualité de nos fabricats, ils comptent nous forcer à imiter leurs
procédés, et une fois que nous en viendrons là la supériorité sur nous sera
certaine ; en effet leur industrie linière concentrée entre les mains de
maisons colossales créeraient en Belgique à volonté l’abondance et la détresse
de sa matière première, suivant que leurs intérêts pourraient leur conseiller d’acquérir
ou de délaisser momentanément nos lins ; lorsqu’il y aurait apparence de
mauvaises récoltes de lin, ils concentreraient chez eux comme ils font
aujourd’hui, tout ce qui nous restait en bons lins des récoltes antérieures,
laissant à nos fileuses et à nos
tisserands hors d’état de suivre leurs spéculations rapides la triste ressource
d’employer le rebut qu’ils nous auraient laissé et de cette manière ils
réduiraient bientôt à rien la faible différence des frais auxquels ils sont
astreintes pour l’achat et le transport de bons lins, et nous ne serions pas le
premier peuple dont ils ont mené l’industrie pour se l’approprier ;
ajoutez à cela encore que l’invention de filer le lin à la mécanique était née
en Angleterre, on doit être convaincu que toute amélioration qui pourrait y
être faite aura la même origine, et au moindre perfectionnement, fût-il même
insignifiant, comparativement à nos procédés actuels, il acquerrait, lorsque
nous aurions adopté les leurs, un haut degré de gravité, il frapperait l’opinion
publique en leur faveur et nous serions traînés à leur remorque ; non,
mille fois non, n’acceptons pas le triste sort des vaincus que nous avons les
moyens de vaincre.
Pour preuve de notre supériorité toilière, qu’on
consulte ce qui se passe sur nos marchés ; les bonnes toiles devenues trop
rares s’y vendent encore, celles qui sont défectueuses sont mises au
rebus ; est-ce de ce fait si clair, si positif qu’on pourrait déduire que
nous nous sommes aliéné l’opinion des consommateurs ?
Lorsqu’on présente aux marchés des toiles faites avec
du fil à la mécanique, on les mêle avec les toiles belges pour tromper
l’acheteur, ceci encore une fois ne prouve-t-il pas la supériorité de nos
toiles ?
Nous avons dit déjà que nos lins, d’après nos
adversaires, s’exportent pour protéger l’agriculture, qui renoncerait à
cultiver et à produire du lin et tout ou en partie s’ils étaient frappés d’un
droit de sortie ; c’est là l’argument favori qu’ils n’ont cessé de faire
valoir depuis huit ans, mais que devient cet argument, quand on sait que les
terres qui ne sont pas spécialement appropriées au lin rendent plus en d’autres
produits, mêmes les années où le lin réussit : Ce fait a été corroboré par
les récoltes en lin de 1838 et 1839, manquées quant à la qualité dans les terrains
même les plus propices, et quant aux années régulières, ces terrains propres à
la culture des céréales offrent des ressources bien plus importantes, car il
est de notoriété publique que ces dernières ne rendent jamais plus que les cinq
huitièmes en lin comparativement aux terres linières ; tandis que celles à
lin ne produisent que 5,8 en céréales eu égard aux terres fortes, et ce sans
tenir compte des engrais et de la main d’œuvre extraordinaires que la culture
du lin exige, d’où il suit qu’il est dangereux de stimuler la production
linière, qui d’ailleurs rendrait le sol le plus adapté à ce genre de culture
stérile en lin, si l’on y semait cette graine à des intervalles trop
rapprochés ; déjà des propriétaires fonciers, prévoyant la ruine de leurs
terres, stipulent dans leurs baux la superficie que les fermiers pourront
employer chaque année à la culture du lin ; et ce fait parle assez haut
pour que je me dispense de tout commentaire.
Un grand nombre de personnes se font illusion sur les
bénéfices que présentent aux fermiers la culture du lin ; les plus aisés
d’entre eux sont ceux qui ne s’en occupent pas ; trop de dangers et de
frais sont attachés à cette culture, et les terres qui ont produit le lin qu’on
exporte ne seraient pas restées improductives ; on y aurait gagné d’autres
produits, tandis que les tisserands et les fileuses ne peuvent changer d’état.
D’ailleurs, que produiraient nos meilleures terres à
lin, si notre immense population disparaissait, comme cela ne manquera
d’arriver, si l’industrie linière est enlevée à nos campagnes.
Employons donc, messieurs, pour conserver l’industrie
linière à
Le gouvernement n’a, jusqu’à présent, rien fait pour
conserver l’industrie linière dans les Flandres ; l’Angleterre agit
autrement pour protéger la sienne ; elle indemnise ses fabricants, ses
négociants de tous les sacrifices qu’ils font pour se procurer de nouveaux
marchés ; en 1837, pour conquérir le marché de Madrid et nous en
repousser, le commerce anglais y jeté
une grande quantité de marchandises avec 25 pour cent de perte sur le prix de
fabrication, et son gouvernement l’a indemnisé ; depuis qu’il est maître
du marché, le commerce agit seul, et sans avoir de perte à réparer, et augmente
considérablement le prix de ses toiles et fait des bénéfices énormes.
Quand on voit, messieurs, la protection que le
gouvernement anglais accorde à son commerce, il lui est facile d’être hardi,
d’être spéculateur, d’être persévérant, qualités que notre ambassadeur à
Londres ne donne pas aux négociants belges, parce qu’ils n’exposent jamais rien
du leur, tandis que nos négociants, qui n’ont que leurs propres capitaux,
perdent pour leur compte tout ce qu’ils exposent dans des entreprises
nouvelles. En faisant pour nos toiles ce que les Anglais font pour les leurs et
pour leurs fils, nous conserverons nos propres marchés, et nous en trouverons à
l’extérieur ; nous verrons le chiffre de nos exportations se doubler,
comme celui de la nation anglaise qui, avec son système de droits protecteurs a
introduit en France, où elle n’en livrait, dix ans plus tôt, que 60 à
J’ai dit.
M. Devaux – Messieurs, j’ai la plus
grande sympathie pour la persistance que l’honorable député de Thielt a mise à
faire prévaloir des idées qu’il croit utiles au pays. Lui et quelques autres
membres de cette assemblée partent de ce principe que
Je suis donc encore d’accord avec mes honorables
collègues sur ce point qu’il faut s’occuper sérieusement, activement des moyens
de développer notre commerce maritime ; mais, messieurs, ces moyens, il
faut les chercher, il faut les examiner soigneusement. Ces moyens, d’après
l’honorable M. de Foere, ce sont des droits différentiels de navigation,
différentiels selon le pavillon d’après M. de Foere, différentiels d’après la
provenance selon M. Dechamps ; d’après l’un de ces systèmes on favorise la
marine belge aux dépens de la marine étrangère, d’après l’autre on favorise les
importations directes aux dépens des importations indirectes.
A mon avis, messieurs, ces deux systèmes sont fort
différents quant aux résultats ; mais je crois qu’il faut les examiner
l’un et l’autre. Seront-ils réellement favorables au commerce, comme le pensent
les honorables membres, ou nuiront-ils au commerce ? Augmenteront-ils nos
débouchés ou les diminueront-ils ? Elargiront-ils la voie à nos
exportations ou les resserreront-ils ?
Voilà une grave question, messieurs, une question qui peut être fort
douteuse, mais qui certainement mérite d’être étudiée. Je regrette, quant à
moi, que cet examen n’ait pas encore eu lieu. Les retards apportés à la
discussion de la proposition de l'honorable M. de Foere, retards qui, sans
doute, paraissent avoir quelque chose de calculé, ont servi à l’accréditer,
indépendamment de son mérite intrinsèque. Ainsi, dans le public, beaucoup de
personnes qui n’ont pas examiné à fond le système de M. de Foere, pensent que
l’honorable membre, qui a une si grande force de conviction, une si grande
confiance dans les moyens qu’il propose, possède une espèce de remède secret et
infaillible pour guérir toutes les souffrances de l’industrie. C’est une des
raisons qui me feront voter la prise en considération de la proposition.
Je désire que l’honorable membre ne soit pas
éconduit ; il n’est pas même impossible que j’aille plus tard jusqu’à
voter pour l’enquête même. Toutefois je ne me trompe pas, messieurs, sur la
portée d’une telle mesure. Je regarderai une pareille enquête, faite par la
chambre en ce moment-ci, plutôt comme un remède moral à des souffrances morales
que comme un remède efficace aux souffrances réelles, je suis persuadé que,
faite par la chambre dans la situation où nous nous trouvons, l’enquête
n’amènera pas un grand résultat.
Je pense qu’une commission de la chambre, nommée au
scrutin ou autrement, ne nous mènera pas à un système commercial qui domine
l’avenir de notre commerce.
Déterminer d’une manière rigoureuse le système
commercial dans lequel le pays doit marcher et se développer, créer, formuler a
priori et en une fois ce système, cela me paraît la chose la plus difficile
qu’un législateur puisse entreprendre aujourd’hui dans un pays quelconque, car,
à mon avis, aucune des principales nations commerciales du monde n’a
aujourd’hui un système commercial complètement arrêté ; la plupart ont
créé leur système par degrés, ; aujourd’hui c’est un héritage du temps,
que le temps a déjà défait en partie, auquel chaque mesure nouvelle apporte,
pour ainsi dire, une nouvelle brèche. C’est une anomalie, à une époque de
transition comme celle où se trouvent tous les pays en cette matière comme en
beaucoup d’autres, de vouloir formuler d’une manière tout à fait définitive un
système destiné à régir l’avenir. Cela tout au moins est fort difficile, si
difficile que j’oserais presque dire que, quoiqu’il pense le contraire,
l’honorable M. de Foere n’a réellement pas lui-même de système commercial,
notre honorable collège croit que, pour développer le commerce, il faut
favoriser la navigation nationale par des droits différentiels, parce que les
navires indigènes, selon lui, exportent seuls les produits de notre industrie.
Et cependant, d’un autre côté, l’honorable membre,
dans les développements de son système, admet qu’il faut établir la réciprocité
avec les autres nations partout où cette réciprocité est possible, c’est-à-dire
qu’il faut abolir les droits différentiels à l’égard des pavillons de toutes
les nations qui consentent à les abolir en notre faveur. Or, messieurs, y a-t-il
beaucoup de nations qui s’opposent à une semblable réciprocité ? Nous
avons un traité qui abolit les droits différentiels avec
En résumé, je pense, messieurs, qu’il faut songer
activement et sérieusement à nos exportations, qu’il faut examiner sans
précipitation, mais avec impartialité et sympathie les moyens de favoriser
leurs progrès. Quant à la proposition actuelle, je n’en attends pas un grand
résultat, peut-être même (et c’est un des inconvénients que son adoption
pourrait entraîner), peut-être serait-elle de nature à encourager le
gouvernement à attendre et s’abstenir. Néanmoins, plein de confiance dans les
intentions du gouvernement, je pense que, dans la situation actuelle de notre
industrie, qui éprouve des souffrances, souffrances qui, sans doute, sont moins
graves les unes que les autres, dont quelques-unes ont un caractère passager,
dont d’autres même reposent plutôt sur des incertitudes, des désirs et des
regrets, c’est-à-dire sur des raisons morales plutôt que sur des causes
matérielles ; mais qu’en somme, cependant, on ne peut pas nier, je pense
que, dans cette situation, il ne faut pas accueillir avec dureté la proposition
qui nous est soumise, et dont, il est vrai, les effets sont douteux, mais qui
est dictée par des intentions on ne peut plus honorables et qui méritent toute
notre sympathie.
M. de Foere – L’honorable préopinant est tombé dans de graves erreurs. Je
les relèverai une à une.
Il est d’abord parti de l’idée que le système
commercial et naval que je propose à la chambre n’est pas celui de mes
honorables amis politique, et qu’entre nous, nous ne sommes pas d’accord sur
les grands principes du système. Il fait consister mon système dans l’adoption
exclusive de droits différentiels. Il croit que celui de mes amis politiques
applique ces droits selon la différence des provenances. L’honorable préopinant
est dans l’erreur, sous les deux rapports. Nous ne différons, mes honorables
amis et moi, sur aucun point qui se rattache aux principes généraux. Nous
admettons tous les système de provenances directes, tel qu’il est déposé dans
toutes les traités de réciprocité. Ceux qui connaissent les bases de ces
traités savent quelle est, en dehors de ces provenances, l’application des
droits différentiels de navigation. Je croyais que l’honorable préopinant
n’ignorait pas les principes de ces traités, principes qui forment la base de
toutes les conventions conclues entre les nations européennes.
L’honorable préopinant a cru faire ressortir de mon
système une grave contradiction. Je veux, dit-il, des traités de réciprocité.
Ici il ne se trompe pas. Mais l’honorable membre semble ignorer que tous les
traités de réciprocité, conclus entre nations européennes, sont basés sur le
système des provenances directes, et que, dans le système de ces nations, les
droits différentiels sont appliqués aux autres provenances. Il suit de la politique
commerciale, que nous professons avec toutes les autres nations, que nous
appliquons des droits différents aux importations indirectes, faites par les
nations avec lesquelles nous aurions contracté des traités de réciprocité et
aux importations directes et indirectes des nations avec lesquelles nous
n’aurions pas conclu ces traités. Tel est notre système depuis longtemps
clairement formulé. L’honorable membre est donc dans l’erreur quand il croit
que, voulant d’un côté, des droits différentiels de navigation, et, de l’autre,
des traités de réciprocité, je suis en contradiction avec moi-même, attendu
que, selon lui, les traités de réciprocité abolissent totalement les droits de
réciprocité. Or, messieurs, il résulte de notre système maritime, tel que je
viens de le poser, que les droits différentiels s’appliquent toujours aux
provenances indirectes des nations avec lesquelles nous aurions traité de
réciprocité. Si l’honorable membre n’était pas dans l’erreur, l’Angleterre et
les autres nations seraient tombées dans la même contradiction, et, depuis
longtemps, leurs droits différentiels seraient tombés. Afin de mieux éclairer
cette question, je la développerai par l’application du principe aux faits.
L’Angleterre a contracté à peu près 25 traités de
réciprocité navale. Prenons pour exemple celui qu’elle a conclu avec
L’honorable préopinant auquel je réponds est d’accord
avec moi et les honorables amis, qu’il faut à
Ce système protège les retours de la navigation
nationale et donne une impulsion considérable à l’exportation des produits du
pays. Chacun sait que la navigation commerciale est impraticable si les sorties
ne sont pas combinées avec les retours. Les navires nationaux payant moins de
droit sur les dentées coloniales, et plus nos négociants importent, par leurs
navires, de denrées coloniales, plus ils sont mis à même d’échanger nos
produits contre ces denrées.
Afin de favoriser ses exportations, l’Angleterre
pousse ce système jusqu’à la prohibition. Aucun navire étranger ne peut
importer dans ses ports les produits de l’Asie, de l’Afrique et de l’Amérique,
sinon les navires appartenant aux ports de provenance.
J’ai compulsé la statistique commerciale officielle de
l’Angleterre, depuis qu’elle a établi chez elle le système que nous proposons
chez nous, système dans lequel elle persiste depuis 1698. Sa balance
commerciale, depuis cette dernière année, jusqu’en 1812, présente une faveur,
prélevée sur toutes les nations, d’au-delà
11 milliards de notre monnaie. Elle avoue que l’application de ce
système à sa navigation a produit ce résultat qui serait incroyable, s’il
n’était officiellement constaté. C’est aussi à ce système qu’elle attribue sa
prodigieuse prospérité commerciale et les étonnants progrès de son industrie.
M. Devaux pense encore qu’il est impossible de fixer
d’une manière invariable un système commercial ; il croit aussi que cette
fixité de système n’existe nulle part.
L’honorable membre est encore ici dans l’erreur. Si le
fait est possible partout ailleurs, pourquoi ne le serait-il pas chez
nous ? Or, je ne connais en Europe aucune nation maritime qui ne suive un
système régulier, un système fixe. Je n’entends pas affirmer que les principes
n’en puissent recevoir des modifications dans les applications secondaires et
circonstancielles, mais le fait est qu’aujourd’hui et, depuis de longues
années, tous les pays suivent un système normal de commerce, et, encore une
fois, la preuve péremptoire en est dans les bases sur lesquelles sont fondés
les traités de réciprocité : toujours vous trouvez dans ces traités les
mêmes principes, toujours les mêmes règles qui dirigent ces pays et dont aucun
ne veut se départir ; sinon à l’égard des nations dont la navigation est
considérablement inférieure à la leur, et dans ce cas, les avantages sont tous
de leur côté.
Si l’honorable membre entend qu’il est impossible
d’établir un système invariable, dans le sens de quelques applications
secondaires, je suis parfaitement de son avis ; mais nous ne posons pas un
système semblable. Nous savons qu’en ce sens rien n’est et ne peut être
invariable. Nous nous attachons aux grands principes de commerce maritime, et
je défie mon honorable adversaire de citer une seule nation qui ne suive, en ce
sens, un système régulier, normal, auquel des principes généraux et fixes ne
servent invariablement de base.
Si ces principes généraux venaient à être changés ou
modifiés par les autres nations, et qu’ils fussent introduits dans le système
général de l’Europe, sans doute alors il serait de notre intérêt de suivre la
même impulsion. Si, par exemple, la liberté commerciale s’établissait partout,
je ne pense pas que, dans ce cas, il fût dans notre intérêt de la repousser.
Mais aussi longtemps que les nations étrangères continuent de suivre un système
commercial et naval qui leur a procuré d’immenses avantages, je crois qu’il est
de l’intérêt du pays de ne pas faire des expériences hasardées et de ne pas se
livrer à des théories dangereuses. La prudence nous prescrit de suivre des
principes de politique commerciale qu’une longue expérience a couronnés
d’immenses succès.
Il résulte, messieurs, de ces observations que le
système commercial que je propose depuis six ans n’est pas un système de mon invention,
ce n’est pas une théorie nouvelle. Ce système est littéralement celui qui est
suivi par toutes les nations, et je désire que le pays l’adopte, parce qu’il a
été partout la source d’une grande prospérité.
L’honorable membre reconnaît la nécessité de chercher
des débouchés à notre industrie. La question est donc entièrement dans la
recherche des moyens propres à acquérir ces débouchés. C’est là l’objet
principal de ma proposition.
Je crois, messieurs, avoir suffisamment répondu à mon
honorable contradicteur ; il ne s’oppose pas, il est vrai, à la prise en
considération de ma proposition, mais il n’en admet pas le fond. J’espère que
quand le moment de discuter la question sera arrivé, nous rencontrerons
beaucoup d’opposition dans les débats. Les convictions qui en résulteront en
seront plus profondes.
Le système que je défends avec persévérance dans cette
enceinte n’est pas le mien, mais celui qui est partout établi, puisque je l’ai
copié littéralement dans la législation commerciale des autres pays ; si
je suis dans l’erreur, je partagerai le tort avec toutes les autres nations.
J’ai pris le système dans l’histoire commerciale ; j’ai lié les effets à
leurs causes, je l’ai suivi dans les débats parlementaires, où j’ai pu
apprécier les objections qui ont é té produites de part et d’autre.
M. Dumortier – Messieurs, j’ai entendu
avec infiniment de plaisir l’honorable député de Bruges, M. Devaux, reconnaître
que, depuis la révolution, on n’avait pas fait assez pour l’industrie ; je
dis que j’ai entendu cette déclaration avec plaisir, parce que personne
n’ignore les relations intimes qui unissent notre honorable collègue au
ministère actuel. J’espère donc que le cabinet sentira la vérité des paroles
que l’honorable M. Devaux a prononcées, et qu’il comprendra qu’il est
nécessaire de faire enfin quelque chose en faveur de l’industrie.
En effet, non seulement depuis dix ans on n’a pas fait
assez pour le commerce, mais il faut dire les choses nettement on n’a rien fait
du tout. Depuis dix ans que nous existons comme nation, le gouvernement n’a
rien fait, absolument rien son ce rapport, si ce n’est de mauvaises choses (on rit) ; car la seule mesure qui
soit partie de l’initiative du gouvernement, est l’espèce de traité commercial
fait avec
Quant à l’industrie extérieure, on n’a non plus rien
fait, absolument rien, et je ne pense pas qu’on puisse me citer une seule
mesure d’avenir qui ait été prise à cet égard, une seule mesure qui indiquât
une pensée. Et cependant, messieurs, dans les circonstances actuelles, il
s’opère un mouvement immense dans la politique européenne en matière commerciale.
Les gouvernements qui jusqu’ici étaient restés les plus en retard, ont compris
enfin que c’est le commerce qui constitue la force des nations ; ils ont
compris enfin qu’il fallait tourner toutes leurs vues vers l’extension du
commerce et de l’industrie, qui est la seule source du bonheur et de l'avenir
des nations.
Messieurs, si nous examinons l’état actuel de
l’Europe, que voyons-nous autour de nous ? De toutes parts un mouvement
rapide de propage. Ici
Tout se meut autour de nous, pour procurer des
avantages à l’industrie et au commerce ; nous, au contraire, nous sommes
restés depuis la révolution, les bras croisés ; nous avons été témoins du
mouvement des autres nations, et il semble que nous nous refusions d’y prendre
part.
Je conçois que dans les premières années de la
révolution, il était difficile d’entrer dans un système commercial, tel que
celui que j’aurais voulu voir adopter ; car nous avions alors besoin de
ménager quelque peu nos alliés qui nous ont si peu ménagés depuis. Dans un
pareil état de choses, il était nécessaire de retarder les mesures que nous
désirions voir sanctionner dans l’avenir. Mais aujourd’hui la position s’est
infiniment éclaircie : le traité dans lequel les droits de
Pour arriver à ce résultat, la première chose à faire,
c’est de créer un système commercial. Je partage entièrement l’avis de
l’honorable M. Devaux : la création d’un système peut difficilement être
le fait d’une assemblée parlementaire, elle doit bien plutôt être le fait d’un
seul homme. Cependant je ne pense pas que tout soit à faire en matière de
système commercial, que tout soit à changer dans les lois qui nous régissent.
Le système commercial d’un pays se compose de deux ordres de dispositions
différentes, les unes qui se rapportent au tarif des douanes et aux avantages à
donner à l’industrie intérieure, les autres qui sont relatives à la navigation
et aux avantages à donner à l’industrie vers l’extérieur.
Sous le premier rapport, je pense qu’il restera au
gouvernement peu de chose à faire : pour mon compte, je l’ai souvent
déclaré, et je le proclame encore, je ne suis pas partisan des fréquentes
modifications apportées au tarif des douanes ; ces modifications, quelles
qu’elles soient, amènent toujours de la perturbation dans l’industrie. Si vous
baissez le tarif, vous nuisez aux droits acquis ; si vous l’élevez, vous
pouvez créer des industries factices que plus tard vous ne pourrez maintenir,
lorsque vous serez obligés de diminuer les droits.
Il est, sous ce rapport, un juste milieu qu’il faut
chercher à atteindre, et dans ma manière de voir, nous avons atteint ce juste
milieu par la loi que nous avons votée, relativement au tarif des douanes. Je
pense que, dans l’état actuel des choses, il reste fort peu de choses à faire à
cet égard, et que les modifications qu’on peut encore apporter au tarif, sont
très peu considérables et sont une question d’avenir. Tout le monde, excepté
les personnes qui veulent la prohibition, sera d’accord avec moi, que nous ne
pourrions guère sortir de notre système actuel.
Ce système se réduit à des termes bien simples ;
il consiste à établir sur des bases efficaces des droits d’entrée sur les
marchandises étrangères au taux, ou à peu près, de la prime de fraude à
l’introduction à l’intérieur. C’est la limite à laquelle nous devons nous
arrêter : au-delà, les droits seront fraudés ; en deçà, nous
n’accordons pas à notre industrie une protection suffisante. C’est donc là
qu’il faut chercher la difficulté, c’est là qu’il faut la résoudre ; dans
l’élévation des droits de douane, dans une proportion à peu près égale aux
primes d’importation dans le pays. Par les modifications que nous avons
apportées au tarif de douanes, nous avons amélioré la position de notre
industrie à l’intérieur sous ce point de vue.
Après ces objets, il existe encore à l’extérieur
quelques branches d’industrie qui méritent toute notre sollicitude, qui ont
besoin d’encouragement, surtout dans l’état de malaise où elles se trouvent.
Mais ici, je ferai remarquer à l’assemblée qu’il importe de distinguer entre un
état de malaise permanent et un état de crise temporaire causé par des
accidents momentanés.
Ainsi lors des événements de 1838, quand la chute de
la banque de Belgique eut affecté le crédit commercial, nous avons vu la crise
s’étendre sur plusieurs branches industrielles, et l’industrie entière en
recevoir le contrecoup.
Toutes les branches d’industrie ont ainsi
successivement souffert de cet état. C’est une calamité que le temps seul peut
effacer, et déjà
Messieurs, ce qui arrive aujourd’hui pour la filature
du lin est ce qui est arrivé pour le coton quand on introduisit la filature du
coton à la mécanique. Autrefois le coton était filé à la main, mais du jour où
on se mit à le filer au moyen des machines à vapeur, les ouvriers qui le
travaillaient à la main ont dû renoncer à ce travail et laisser à la mécanique
le soin de filer le coton. Maintenant les circonstances deviennent absolument
les mêmes pour les fileurs de lin. C’est une calamité affligeante pour notre
pays, où un million d’habitants ne vivent que de cette industrie. Mais les
remèdes qu’on peut apporter à cet état de choses ne sont que des palliatifs.
En effet, prétendre maintenir la filature du lin à la
main, c’est vouloir l’impossible. Ce que nous devons faire, c’est de rendre la
transition la moins brusque possible tout en favorisant les progrès nouveaux de
l’industrie linière, en encourageant la création d’établissement où l’on file
le lin à la mécanique. Si nous pouvons parvenir à la filer à aussi bon marché
que l’Angleterre, et je ne vois pas de motif pour que nous ne puissions y
parvenir, nous reconquerrons bientôt, par l’augmentation du tissage, le
préjudice que nous aura occasionné la perte de la filature à la main. Les
ouvriers qui se livrent à la filature se porteront sur le tissage et, en
apportant à cette opération quelque amélioration, on y trouvera à peu près un
équivalent. C’est là notre dernière espérance, c’est là que doivent se porter
toutes les vues du gouvernement.
Il faut que le gouvernement encourage les
perfectionnements du métier à tisser ; il faut qu’on s’entende avec les
conseils provinciaux des Flandres, du Hainaut et de la province d’Anvers, où
l’on fabrique aussi quelques toiles, pour accorder des primes aux tisserands
qui emploieront de nouveaux métiers. Que le gouvernement même sur le fonds de
l’industrie fasse don des métiers aux tisserands les plus habiles et les plus
nécessiteux. Dans ces circonstances, c’est là qu’il faut répandre l’argent à
profusion. Songez que l’industrie linière est la première, la plus importante
industrie de notre pays. C’est là, c’est sur la fabrication de la toile que
doit se porter toute l’attention du gouvernement.
Notre métier à filer le lin à la main est aussi
inférieur à celui des pays voisins ; afin de prolonger un peu l’agonie,
afin d’éviter une catastrophe trop brusque, il faut encourager les
améliorations à la filature à la main, en attendant le jour où nos filatures
mécaniques pourront produire aussi bien que l’étranger. Voilà les seuls moyens
que le gouvernement puisse employer pour venir au secours de l’industrie
linière. Ces moyens atténueront la crise, et en faisant porter sur le tissage
les bras des travailleurs à la filature, ils permettront à la transition de s’effectuer
paisiblement et sans une trop brusque secousse.
Ce que je viens de dire s’applique exclusivement à la
question commerciale intérieure. Mais à côté de cet objet, si digne de nos
méditations, vient une autre question qui s’y rattache directement et qui est
loin d’être moins importante. Je parle de la question de navigation.
La navigation chez nous est tout à fait à créer, et
c’est là une chose extrêmement considérable, surtout sous le rapport de
l’exportation de nos produits. J’ai déjà dit que, pour avoir une navigation, il
faut créer des marchés, et qu’aussi longtemps que nous n’aurons pas de marchés
de marchandises de provenances directes, nous ne pourrons pas fabriquer au même
taux que l’étranger et avoir une navigation qui exporte nos produits. Or, il ne
peut pas y avoir de marchés sans provenances directes.
Ici se présente la question du moyen. J’ai souvent
entendu prétendre qu’avec le système employé depuis dix ans par le
gouvernement, nous serions arrivés à avoir des provenances directes. Cela
fût-il exact, ce que je ne crois pas, les provenances directes, sans un système
de privilège, se borneraient toujours aux objets de consommation et à ceux
destinés au commerce interlope. Jamais, sans un système commercial sagement
combiné, vous ne créerez un commerce étranger. Pour obtenir un marché de
provenances directes, il faut que vous forciez les navires étrangers à se
rendre primitivement dans vos ports. Si vous laissez aux navires qui naviguent
vers l’Europe la faculté d’aller dans d’autres ports de l’Europe avant de se
rendre dans les vôtres, il vas sans dire qu’ils visiteront d’abord les ports où
on fait payer des droits différentiels, certains de trouver toujours ouverts
les ports de
Pour atteindre ce but il y a deux moyens :
posséder des colonies ou donner des privilèges à la marine. Quand on a des
colonies, on les exploite , on en a le monopole ; quand on n’a pas de
colonies, il faut remplacer l’avantage qu’elles procurent, par un privilège
qu’on réserve à son pavillon.
Messieurs, je viens de démontrer la nécessité de créer
un système mais je ne pense pas qu’on puisse fondre ce système d’un seul jet.
Nous sommes sans colonies, sans marine ; vouloir adopter le système des
gouvernements qui ont une marine et des colonies, ce serait une erreur. Il faut
qu’il y ait une époque de transition, c’est cette époque que nous devons
commencer quand nous aurons créé une marine. C’est en cela que les difficultés
sont immenses, et c’est pour rechercher les mesures à prendre qu’une
proposition d’enquête a été faite.
Comme je le disais hier, très peu de personnes dans
cette chambre sont au courant des questions commerciales, et cependant le rejet
ou l’adoption des traités proposés est la solution entière de ces questions.
Avant de les résoudre il est donc nécessaire qu’une enquête soit faite,
particulièrement en ce qui concerne la question de navigation. Mais je ne vois
pas la nécessité d’admettre l’enquête quant à la question de commerce
intérieur, d’abord, parce qu’une enquête sur l’industrie linière a été ordonnée
par le gouvernement et que déjà elle est assez avancée. Sans doute, je préfère
les enquêtes faites par la chambre à toutes autres ; mais celle-ci est
trop avancée pour que la chambre en commence une nouvelle.
Quant aux autres branches d’industrie, nous avons eu,
il y a peu d’années, une enquête qui a permis, d’apprécier les faits, et à la
suite de laquelle il a été voté une loi de douanes. Depuis lors les faits sont
restés les mêmes, et je crois qu’une nouvelle enquête causerait plutôt de la
perturbation qu’elle n’amènerait de bons résultats. Je crois donc que l’enquête
devrait être bornée au commerce maritime, qui a particulièrement attiré
l’attention de l’honorable M. de Foere.
D’un autre côté, j’entends parler de prise en
considération. Je ne crois pas qu’il s’agisse de cela. Il y a lieu à prise en
considération pour un projet de loi, mais non pour la nomination d’une
commission d’enquête. J’ai vérifié dans le Moniteur qu’en 1835, lorsque nous
avons décidé qu’il serait fait une enquête, nous l’avons fait, séance tenante,
sans renvoi soit aux sections, soit à une commission, sur la proposition de
l'honorable M. Rogier, à laquelle je m’étais rallié.
Je pense donc qu’il y a lieu non de prendre en
considération, mais d’adopter la proposition de l’honorable M. de Foere. Je le
remercie de l’avoir présentée ; j’ai l’intention de l’adopter ; mais
je crois qu’elle devrait être bornée au commerce maritime, qui est la grande
question à l’ordre du jour.
M. le président – M. Dumortier demande que la proposition de M. de Foere soit
non pas prise en considération, mais dès à présent mise aux voix et adoptée ou
rejetée.
M.
d’Huart – Il n’y a qu’à lire
l’article 35 du règlement.
M. le président – Le règlement ne fait pas la distinction qu’indique M.
Dumortier. Mais s’il persiste dans sa proposition, je croirai devoir la mettre
aux voix.
M.
Dumortier – Les précédents de la
chambre sont positifs. Sur les questions de cette nature, il n’y a pas de prise
en considération. Cependant je n’insiste pas.
M. le président – M. Dumortier n’insistant pas, je considérerai la proposition
comme retirée.
M. de Theux – L’honorable M. Dumortier a
parlé du traité de
Si
Il n’est encore intervenu aucun traité entre
M. Dumortier – Je ne prétends nullement
que les conditions d’un traité avec l’Allemagne doivent être les mêmes pour
M. de Theux a parlé de traité de commerce ; je
ferai observer qu’il y aurait lieu d’adopter un système de commerce avec
M. de Theux – Je n’ai pas dit que
l’honorable M. Dumortier voulût que
Quant à un traité entre
- La chambre, consultée, prend la proposition de M. de
Foere en considération, et la renvoie à l’examen des sections.
PRISE EN CONSIDERATION DE
DEMANDES DE GRANDE NATURALISATION
M. le président – L’ordre du jour appelle, en premier lieu, la demande de
grande naturalisation formée par le sieur C.-F. Ligier. Le rapport sur cette
demande est ainsi conçu :
« Par requête du 26 décembre 1836, adressée à la
chambre, le sieur Charles-Florimont Ligier, huissier près le tribunal de
première instance de l’arrondissement de Tournay, à la résidence de Lessines,
domicilié à Lessines, demande la grande naturalisation.
« Le pétitionnaire est né à Saint-Dié (France),
le 31 août 1783. Il a résidé sans interruption en Belgique depuis 1806 ;
il a épousé une femme belge dont il a des enfants nés en Belgique.
« Le sieur Ligier se trouve dans une position
analogue à celle du sieur Bresson, dont la demande de grande naturalisation a
fait antérieurement l’objet d’un rapport de la commission et d’une décision
favorable de la chambre.
« Par disposition spéciale du roi Guillaume, en
date du 11 novembre 1815, le sieur Ligier a été naturalisé pour natif du
royaume des Pays-Bas ; lui attribuant et lui assurant tous les droits qui,
en vertu de la loi fondamentale ou des lois et règlements à émaner par la
suite, résultent ou résulteront de la naturalisation.
« Cette résolution a été prise dans le délai
pendant lequel, en vertu de l’article 10 de la loi fondamentale de 1815, le roi
Guillaume pouvait accorder les droits d’indigénat et l’admissibilité à tous
emplois quelconques.
Le sieur Ligier a déclaré qu’il n’a pas fait, en temps
utile, la déclaration prescrite par l’article 133 de la constitution belge
(formalité qui l’eût fait considéré comme Belge de naissance), parce qu’il
était dans la persuasion que les lettres de naturalisation qu’il avaient
obtenues en 1815, lui avaient conféré tous les droits d’un Belge de naissance,
et qu’il n’a été tiré de cette erreur que lorsque l’on a rayé son nom de la
liste des électeurs.
Sans examiner si le sieur Ligier était réellement dans
l’erreur ou non, si c’est à tort ou à raison que son nom a été rayé de la liste des électeurs, la
commission pense qu’il s’agit de voir si les lettres de naturalisation,
accordées au pétitionnaire en 1815, n’étaient pas de nature à lui faire croire
de bonne foi qu’il avait acquis le droit d’être considéré comme Belge de
naissance ; si ce n’est pas là une circonstance indépendance de sa volonté
qui l’a empêché de faire la déclaration prescrite par l’article 133 de la
constitution, et si, en conséquence, il n’est pas dans le cas de pouvoir
obtenir, en vertu de l’article 16 de la loi du 27 septembre 1835, la grande
naturalisation, sans avoir rendu des services éminents à l’Etat.
D’après les rapports des autorités consultées, le
pétitionnaire est de bonne conduite et de bonnes mœurs, et se comporte en bon
citoyen.
- La prise en considération de la demande est soumise
au scrutin.
56 membres sont présents.
42 votent la prise en considération.
14 votent le rejet.
En conséquence la demande est prise en considération,
et est renvoyée au sénat.
___________________
La chambre passe à la délibération sur la demande en
grande naturalisation faire par le sieur Ferdinand-Ignace-Guillaume-Nicolas de
Creeft.
Le rapport fait par M. Fallon, sur cette demande, est
conçu en ces termes :
« Messieurs, le sieur
Ferdinand-Ignace-Guillaume-Nicolas de Creeft, rentier, résidant à Saint-Trond,
province de Limbourg, est né à Saint-Trond, le 17 juillet 1769, fils légitime
de feu Nicolas Bonaventure et de dame Isabelle-Caroline baronne de Heusch, tous
deux d’origine belge.
« Il expose qu’en décembre 1795 il quitta son
pays natal pour prendre du service, comme capitaine, dans le régiment royal
étranger organisé en Angleterre, auquel service il resta attaché jusqu’en
octobre 1806 ;
« Qu’il se retira dans l’île de Grenade où il
épousa une Créole dont il eut quatre enfants ; qu’ayant formé là un
établissement ayant pour objet la culture de la canne à sucre, il n’exerça
aucune profession jusqu’en 1835, époque où il revint à Saint-Trond avec sa
femme et deux de ses enfants, et qu’ayant l’intention de se fixer, pour le
restant de ses jours, en Belgique, il désire récupérer sa qualité de Belge, en
vertu de l’article 2 de la loi du 27 septembre 1835, qui, sans qu’il soit
besoin de justifier des services éminents à l’Etat, accorde cette faveur aux
Belges qui ont pris du service en pays étranger.
« En conséquence, il demande, par requête du 8
décembre 835, la grande naturalisation.
Les renseignements qui ont été recueillis sur cette
demande sont favorables au pétitionnaire, et le rendent recommandable. »
Voici le résultat du scrutin :
Votants 53.
Boules blanches, 48.
Boules noires, 5.
En conséquence, la demande est prise en considération.
FIXATION DE L’ORDRE DU JOUR
M.
le ministre de l’intérieur (M. Liedts) – Je prierai la chambre de fixer à demain ou après-demain la
discussion de la loi sur la compétence civile. Cette loi est attendue avec
impatience. Il manque des juges de pax dans beaucoup de localités où le
gouvernement ne croit pas pouvoir en nommer, parce que tels cantons pourraient
être supprimés plus tard. D’un autre côté la discussion du projet de loi dont
il s’agit est le seul moyen d’assurer à beaucoup de juges de paix
l’inamovibilité dont ils sont privés depuis dix ans, malgré la constitution,
qui exige que tous les juges soient inamovibles.
- La discussion du projet de loi sur la compétence
civile est fixée à après-demain.
La séance est levée à 4
heures.