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d’intention
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Chambre des représentants de Belgique
Séance
du mardi 2 juin 1840
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre
2)
Projet ayant pour objet un transfert au budget du département des affaires étrangères
pour l’exercice 1839. rapport de la section centrale
3)
Projet de loi relatif à l’emprunt. Discussion générale. Demande de crédits pour
ouvrir de nouvelles voies navigables, notamment en Campine (Peeters),
motion d’ordre (Demonceau), situation de la ville de
Nivelles, programme gouvernemental, opportunité et montant de l’emprunt destiné
à l’achèvement des chemins de fer, politique commerciale du gouvernement (Milcamps), montant et affectation de l’emprunt, moyens de
substitution (notamment vente de bois domaniaux et encaisse auprès de la
société générale, clauses relatives à la publicité et à la concurrence (Mercier), vente de bois domaniaux (d’Hoffschmidt),
étendue réelle du chemin de fer en exploitation (Nothomb),
hauteur des déficits publics cumulés, comptabilité budgétaire (imputation de la
rente due aux Pays-Bas) (Desmaisières),
justification de la part de l’emprunt affectée au chemin de fer (Rogier), vente des bois domaniaux (Pirmez)
(Moniteur belge n°155 du 3 juin 1840)
(Présidence
de M. Fallon)
M.
Lejeune
procède à l’appel nominal à midi.
M. B. Dubus donne lecture du procès-verbal de la
précédente séance, dont la rédaction est adoptée.
PIÈCES ADRESSÉES À
M.
Lejeune
annonce qu’il est fait hommage à la chambre, par le sieur F. M. Goblet,
propriétaire, d’un opuscule ayant pour titre : « Culture des pommes
de terres et des betteraves. »
PROJET AYANT POUR OBJET UN
TRANSFERT AU BUDGET DU DÉPARTEMENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES POUR L’EXERCICE 1839
M. Van Hoobrouck de
Fiennes dépose sur
le bureau un rapport sur un projet ayant pour objet un transfert au budget du
département des affaires étrangères pour l’exercice 1839.
M.
le ministre des affaires étrangères (M. Lebeau) – Je
demanderai que la discussion de ce projet ait lieu avant la discussion du
projet concernant les péages des chemins de fer.
- La
proposition de M. le ministre des affaires étrangères est adoptée.
Discussion générale
M. le président – Avant d’ouvrir la discussion, il
faudrait savoir si M. le ministre des finances se rallie au projet de la
section centrale ; mais il est absent.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Lebeau) – Il va
être ici dans l’instant ; mais je crois pouvoir dire à la chambre que M.
le ministre des finances désire que la discussion s’établisse sur le projet du
gouvernement.
M. le président – La discussion est par conséquent
ouverte sur le projet du gouvernement.
M.
Peeters –
Messieurs, je suis entièrement convaincu que rien ne peut contribuer davantage
au bien-être matériel d’un pays que la facilité de ses communications, et que
Quelque grande cependant que puisse être ma
conviction à cet égard, le projet d’emprunt qui nous est présenté actuellement
ne pourra jamais obtenir mon approbation, à moins que l’emploi qu’on nous
propose d’en faire ne soit modifié, et qu’une partie au moins en soit destinée
pour l’ouverture de nouvelles voies de communication navigables, dont le besoin
se fait si souvent sentir dans plusieurs provinces du royaume.
Notre honorable collègue, M. de Puydt, nous
avait présenté au commencement de cette session un projet d’emprunt de dix
millions destinés à ces sortes de communications ; ce projet, qui a été
envoyé en sections, a été retiré par son auteur, parce que M. le ministre des
travaux publics, tout en reconnaissant l’utilité de ce projet, l’avait
convaincu que le moment de le présenter n’était pas bien favorable et que dans
un temps plus ou moins rapporté, lorsque les études de différents projets
seraient achevées, l’on serait sans doute plus disposé à son adoption. Cette
déclaration de la part du gouvernement était rassurante ; elle devait sans
doute satisfaire l’auteur de la proposition ; mais telle n’est plus la
question aujourd’hui.
Dans un moment où l’on nous demande près de 70
millions pour l’achèvement des chemins de fer, qui nous coûteront plus de 130
millions, l’opportunité de demander au moins quelque chose pour la construction
des travaux et autres voies navigables ne peut plus été contestée.
Dans un moment, dis-je, où l’on va dépenser des
sommes si considérables pour la construction de chemins de fer, qui, dans
plusieurs localités, ne sont utiles que comme chemins de luxe et de grande vitesse,
longeant les plus beaux canaux et les plus belles routes du pays (dont ils
diminuent considérablement le produit), l’on n’accorderait rien pour la
construction de canaux utiles dans des contrées délaissées et privées jusqu’ici
de tout moyen de communication.
Je vous le demande, messieurs, y aurait-il là
cette justice distributive qui forme la base de notre constitution ?
Tout serait dépensé pour faire jouir davantage
ceux qui ont toujours été favorisés, et l’on ne donnerait rien à ceux qui
constamment ont été oubliés.
Ainsi que j’ai eu l’honneur de vous le faire
remarquer dans une précédente discussion, l’on avait déjà conçu l’idée de
canaliser
Lors de notre régénération politique, la
jalousie et l’influence étrangère n’ayant plus de prise sur nous, un nouveau
projet pour joindre l’Escaut à
Il me paraît qu’il serait bien temps d’accorder
quelque chose pour une canalisation si utile, dont le parcours a été étudié,
nivelé et mesuré depuis si longtemps dans un moment où l’on nous demande treize
millions pour la section du chemin de fer de Braine-le-Comte à Namur, qui
rapportera fort peu de chose, et dont la moitié aurait suffi pour canaliser
toute
Sans doute, messieurs, on a été beaucoup trop
loin en chemins de fer, on aurait dû se borner pour le moment à joindre au
Rhin, par un chemin de fer, les villes de Bruxelles, Gand et Anvers, par
Louvain, Liège et Verviers ; l’on n’aurait dû commencer l’embranchement
vers
Si l’on s’était contenté des lignes que je
viens de citer, et si l’on avait dépensé, en routes pavées et canaux, la moitié
de ce que coûteront les autres embranchements des chemins de fer décrétés, la
valeur productive de
Mais, dira-t-on, toutes ses observations
deviennent inutiles ; les chambres ont décrété les chemins de fer, il faut
les exécuter. Oui, messieurs, il n’est malheureusement que trop vrai que chaque
province a voulu avoir son chemin de fer ; et que le gouvernement a été en
quelque sorte forcé de travailler dans toutes les directions à la fois, ce qui
l’a, peut-être, empêché d’y procéder avec toute l’économie désirable, et l’a
fait engager trop de capitaux à la fois, dont plusieurs sont encore
improductifs.
Messieurs, messieurs, si l’on a été trop loin
en dépensant tant d’argent pour les chemins de fer, dont plusieurs étaient
inutiles pour le moment, est-ce un motif de négliger la construction des canaux
et autres voies navigables, dont l’utilité n’est contestée par personne. Je
pense, au contraire, que la justice distributive exige, que lorsqu’on a trop
fait pour quelques localités, on fasse au moins quelque chose pour ceux qui
n’ont rien.
Quelque grand partisan que je sois des travaux
publics, je ne puis plus donner mon assentiment à aucun projet quelqu’utile
qu’il puisse être, avant que la canalisation de
M. Demonceau, rapporteur, demande et obtient la parole pour
faire une motion d’ordre – Messieurs, dit- il, des annexes à mon rapport ont
été imprimées et distribuées ; mais je réclame contre le contenu de la
première feuille de ces annexes ; elle présente des calculs dont je ne
conteste pas ici l’exactitude, mais qui ne sont pas de moi ; et c’est ce
que je crois devoir déclarer à la chambre.
Cependant, comme ces calculs sont imprimés
comme s’ils étaient miens, je demanderai à la chambre la permission de faire
imprimer une feuille qui présentera mes calculs propres, afin de rectifier la
première page des annexes. Cette impression pourra être faite ce soir.
- La proposition est adoptée.
M.
Milcamps –
Messieurs, je regrette de devoir combattre le premier projet de loi important
présenté par M. le ministre des finances. Ce n’est pas de l’opposition que je
fais ; si je me prononce contre son projet d’emprunt, c’est, d’une part,
parce que l’exécution simultanée et rapide de nos nombreux chemins de fer, nos
énormes emprunts, qui en sont la conséquence, loin de servir le commerce et
l’industrie du pays les compromettent de tous points ; c’est, d’autre
part, parce qu’une partie de l’emprunt est demandé aujourd’hui pour exécuter
des chemins qui doivent favoriser certaines localités en dépouillant d’autres
de leurs avantages, le gouvernement méconnaissant ainsi l’esprit de la loi qui
a décrété les chemins de fer.
Je ne connaîtrai pas l’opinion de la chambre,
qui n’a pas à prononcer directement à cet égard ; mais je ne mets pas en
doute qu’après m’avoir entendu elle abaissera singulièrement les brillants
avantages qu’on lui a fait espérer de cette vaste entreprise de chemins de fer.
Je n’ai pas, dans le principe, échappé à la
séduction de ces brillantes promesses. J’ai voté la loi du 1er mai
1834 : loi de transaction, antécédent qui nous a poussés dans
d’interminables travaux, loi qui a décrété les lignes de chemins de fer vers
l’Angleterre,
Du moment que le gouvernement est venu nous
proposer des emprunts pour l’exécution simultanée et rapide de toutes ces
grandes entreprises, sans distinction de celles qui appartiennent plus ou moins
à l’intérêt général et de celles qui sont d’intérêt local, sans égard à la
crise commerciale, à la fâcheuse situation de nos finances, j’ai dû, et tout
m’en faisait un devoir, repousser ces emprunts.
Je n’ai point concouru à celui de 50 millions.
J’ai refusé celui de 12 millions en bons du
trésor. Quant à l’acquisition de quatre mille actions de la société rhénane, je
me suis abstenu.
Vous savez avec quelle malignité, et en
m’attribuant des idées étroites et mesquines d’intérêts de localité, mon
abstention a été interprétée.
Je ne m’occupe point de cela.
Si je vous le demandais, vous me rendriez cette
justice que, bien que je compte près de neuf années de présence dans cette
assemblée, il ne m’est pas arrivé de réclamer ni d’obtenir des avantages pour
ma localité.
Ce n’est pas pourtant que je croie qu’il ne
soit pas permis à un député de défendre les intérêts de sa localité, lorsqu’il
ne le fait pas au préjudice de l’intérêt général ou lorsqu’il rappelle à
l’égalité des droits.
Qui s’est jamais élevé contre deux
représentants du Hainaut qui ont défendu avec tant de vivacité et de succès les
intérêts de leurs localités. Je ne citerai pas les paroles de l’honorable M.
Gendebien que nous ne voyons plus siéger parmi nous. Mais je me permettrai de vous
rappeler celles de l’honorable M. Dolez.
« Depuis longtemps, disait M. Dolez dans
la séance du 20 mai 1837, plusieurs localités jouissent de leurs chemins de
fer, tandis que nous, nous n’avons absolument rien. Nous demandons qu’il y ait
égalité pour tous, et ce grand principe que nous invoquons aujourd’hui en
faveur du Hainaut, demain chacun de vous peut l’invoquer à son tour. Soyez bien
persuadés qu’alors je vous prêterai mon appui avec la même chaleur que je mets
aujourd’hui à vous demander le vôtre. Cette observation, continuai M. Dolez,
que j’adresse à tous les membres de la chambre, je l’adresserai, comme a fait
tout à l’heure M. Pirmez aux députés de Namur, du Limbourg et du
Luxembourg ; prenez-y bien garde, ajoutait-il ; on vous propose
aujourd’hui une transaction semblable à celle qui a eu lieu en 1834. On vous
dit : adoptez sans difficulté le projet de Gand vers Lille. Nous vous
promettons que vous aussi vous aurez des communications. » Vous
comprendrez facilement que cet éloquent discours n’a pas peu contribué à amener
la transaction.
Aujourd’hui que, par suite de cette transaction
entre les représentants de la nation, chacun se trouve avoir obtenu ce qu’il
voulait ; qu’il ne s’agit que de l’exécution de cette transaction,
c’est-à-dire de la loi, serait-il étonnant que moi, député d’une population
nombreuse et d’une ville qui non seulement n’a rien obtenu, mais à qui on veut
enlever les avantages qu’elle possède, d’une ville qui a pris une part si vive
à la révolution, qui s’est montrée si dévouée à l’ordre, qui renferme dans son
sein tant de braves volontaires, dont la poitrine est couverte du ruban que
leur sang a rougi ; d’une ville qui voit ses enfants reposer dans la tombe
sur la place des Martyrs, serait-il étonnant, serait-il inconvenant que je
prononçasse quelques mots en sa faveur ? Non, je ne crains pas le blâme
qu’on pourrait vouloir jeter sur mon caractère de député, en disant que le
gouvernement devait faire aussi quelque chose pour la ville de Nivelles, que du moins il devait laisser faire un
chemin de Charleroy à Tubise, qui lui avait été demandé en concession, qui ne
lui aurait rien coûté, qui aurait contribué autant que les siens à l’avantage
du pays, sans augmenter ses dettes déjà si énormes, et qui, à ce qu’il paraît,
ne font que s’accroître.
Vous devez le reconnaître, dans aucun temps,
dans aucune circonstance, je n’ai attaqué les lois qui ont décrété les chemins
de fer ; personne, je pense, ne met en doute mon profond respect pour la loi.
Si j’ai blâmé quelque chose, c’est la manière d’exécuter la loi, c’est la
direction donnée au chemin de Namur ; je ne me suis pas plaint de ce que
le gouvernement n’attribuait au district de Nivelles aucune part dans les
bénéfices de la transaction ; je me suis plaint, et ici j’appelle toute
l’attention de la chambre, je me suis plaint de ce que la direction proposée
par le gouvernement allait enlever à la ville de Nivelles, à ses cantons, au
canton de Genappe, à Waterloo, si célèbre par les événements de 1815, leurs
relations sociales et commerciales établies depuis tant de siècles, et pour
lesquelles la ville de Nivelles a fait construire, à ses frais, en empruntant
plus de deux millions, des routes pavées partant des charbonnages du centre et
se terminant à Waterloo ; routes dont le gouvernement s’est emparées, en
en laissant la charge à la ville, en la laissant sous le poids de dix procès
actuellement pendant, routes enfin que le canal de Charleroy et le chemin de
fer anéantissent.
J’ai dit et je répète encore : ne nous
donnez pas, si vous voulez, un chemin de fer, mais au nom du ciel nous vous
laissez pas entraîner à profaner le nom justice, le mot intérêt général, ne
cédez pas à cette influence qui vous dit de nous dépouiller, de nous isoler, de
nous mettre en dehors de la nation.
Le canal de Charleroy a privé la ville de
Nivelles du passage des houilles du centre ; Genappe et Waterloo, de
celles de Charleroy.
Il restait un passage de voyageurs et de
marchandises par Nivelles et Waterloo à Bruxelles, c’étaient les voyageurs et
les marchandises de Binche, de Marimont et autres charbonnages du centre, du
Fayt, de Seneffe et des autres communes environnantes. Ce passage nous sera
enlevé.
La route de Namur à Halle par Nivelles obtenue
trop tard pouvait donner passage aux voyageurs et aux marchandises ; ils
iront par Charleroy, par Seneffe, sur le centre à Hal. Ce passage nous sera
enlevé.
Il restait un passage de voyageurs et de
marchandises par Genappe et Waterloo, c’étaient ceux de Charleroy et de toutes
les communes environnantes. Ce passage nous sera enlevé.
Ainsi, non seulement le gouvernement ne nous
donne pas un chemin de fer, mais il nous enlève les avantages des routes que
nous avions établies à nos frais, et comme si ce n’était pas encore assez, la
route en fer qu’il propose rend impossible l’exécution de tout chemin que
l’industrie particulière voudrait ériger.
Je vous le demande, à vous qui êtes prêts à
livrer des millions au gouvernement, puis-je croire encore aux grands mots
d’intérêt général devant les transactions dont je viens de parler, quand je
vois des localités tout obtenir, tout envahir par l’influence de l’intérêt
général qui n’y est pour rien, mais par l’influence de quelques hommes
puissants.
Je ne réclame pas des avantages, je supplie
seulement le gouvernement de ne point
nous priver de ceux dont nous sommes en possession. Je ne combats pas de lucro
captando, mais de damno vitando.
Ce n’est pas, cependant, qu’il me manque de
bonnes raisons pour demander, à l’imitation de mes collègues, que nous ayons
aussi notre chemin de fer. Je pourrais établir que la direction projetée de
Namur n’est pas en rapport avec le but qu’on se propose par la création de ces
lignes de communication, qu’elle est même contraire à cette justice
distributive dont le gouvernement doit la répartition à tous.
En Angleterre, et il en sera de même en France,
tous les chemins sont construits sous l’empire de cette idée de mettre en
communication directe le produit brut avec la manufacture et la manufacture
avec le marché.
Est-ce que
Le chemin de fer suivant toujours et
Ce chemin n’est pas une grande ligne, il n’y a
pas d’intérêt général, c’est un chemin intérieur ; quelle raison y a-t-il
de le rapporter de la frontière au lieu de le faire servir de communication et
de transports à l’intérieur, au cœur du pays ? N’y a-t-il pas un motif de
rapprocher des produits de Charleroy et de Gosselies les fabriques d’étoffes de
la ville de Nivelles, ses moulins, ses filatures à vapeur, ses brasseries, ses
distilleries qui consomment tant de charbon, mais si un jour on parvenait à
transporter les matières pondéreuses par les chemins de fer, on regretterait de
n’avoir pas adopté la direction de Charleroy à Tubize. Car enfin, pour se
procurer de la houille et du fer, les environs de Nivelles sont obligés à des
transports par chariots de 6 à 8 lieues.
Vous voulez, aujourd’hui, diriger le chemin de
fer vers les charbonnages du centre et de là à Braine-le-Comte.
Je reconnais volontiers l’importance des
charbonnages du centre, je les tiens comme les plus avantageux sous le rapport
des bénéfices, et je sais qu’on y en fait de grands. Je crois apprécier cette
importance à sa juste valeur en disant que cette partie de la population est
assez richement dotée par la nature, assez puissamment aidée par le canal de
Charleroy et les embranchements de ce canal, pour n’avoir pas besoin de l’aide
du gouvernement, surtout que l’on sait qu’il existe un projet d’embranchement
de chemin de fer sur Ronquières, qui réunirait les populations au chemin de fer
de l’Etat qui en est déjà si rapproché. Ce projet est de M. Vander Elst de
Mons, et des capitalistes sont prêts à l’exécuter ; d’ailleurs il y a
possibilité de faire quelque chose d’utile pour ces localités, et cela ne
serait ni difficile ni onéreux, car les centres ne sont distants de
Braine-le-Comte que de deux lieues et demie, le gouvernement pourrait donc y
faire un embranchement. Ainsi rien ne fait obstacle à la réalisation du projet
primitif, proposé par une société, d’un chemin de fer Charleroy à Tubize par
Nivelles.
Mais ce projet a constamment été dans la pensée
du gouvernement, c’est l’arme dont on s’est servir pour ravir à Tirlemont et à
Louvain la ligne de Namur.
Vous savez que la loi du 26 mai 1837 avait
décidé que la ville de Namur serait rattachée au système du chemin de fer. M.
l’ingénieur Vifquain avait présenté deux directions, l’une de Namur à Tirlemont
par Jodoigne et Perwez, chefs-lieux de mon district, l’autre de Namur à Tubize
par Nivelles. M. le ministre livra ces deux directions à l’examen public des
intéressés. Le procès était entre Tirlemont et Tubize. Il s’agissait de savoir
qui des deux plaideurs aurait l’huître. Après que les parties eurent été
entendues, après que les arrondissements de Louvain, de Nivelles, de Charleroy
et de Mons l’eurent été eux-mêmes, ces deux derniers soutenant la direction de Tubize,
M. le ministre dont la religion, j’aime à le penser, a été surprise, a dit à
Tirlemont, à Tubize, ou si l’on veut à l’arrondissement de Louvain et à celui
de Nivelles : Je vais donner à chacun une écaille et qu’en paix chacun
chez soi s’en aille ; j’adjuge la proie à Seneffe ou aux charbonnages du
centre ou je la laisse adjuger par mon successeur, bien qu’ils puissent s’en
passer au moyen de leur canal et qu’il n’éprouveraient aucune perte.
Ainsi, pour priver le district de Nivelles d’un
chemin de fer, on repousse le projet de Charleroy à Tubize par Nivelles, d’une
société, projet que les conseils provinciaux du Brabant et du Hainaut avaient
déjà reconnu utile, projet que la députation du Hainaut a déclaré préférable à
tout autre dans l’ensemble qu’il forme avec celui de l’Etat, projet qui a été
publié et affiché conformément à la loi, pour lequel les inventeurs, confiants
qu’ils étaient dans la loi sur les concessions, ont dépensé une somme assez
forte.
Ainsi pour priver le district de Nivelles d’un chemin
de fer, non seulement le gouvernement refuse la concession de Charleroy à
Tubize, mais s’en empare, oppose à Tirlemont, la direction de Namur à Tubize
par Nivelles, décide le procès contre Tirlemont ; croirait-on qu’un projet
qui avait reçu l’assentiment de tout le Brabant et de tout le Hainaut aurait pu
être ensuite abandonné par le gouvernement ? Je dois le dire, il y a là
quelque chose d’affligeant.
Je ne me dissimule pas que j’ai beau apporter
de bonnes raisons pour qu’on n’adopte point la direction de Charleroy, vers le
centre, et pour justifier la préférence due à la direction sur Tubize, j’ai
beau demander l’appui de mes collègues dont j’ai tantôt rapporté les paroles,
leur demander de tenir leurs promesses, rappeler à l’égalité des droits, mes
meilleurs amis mêmes ne m’entendront pas. Réduit à combattre seul contre les
puissants du jour, je succomberai.
En vain, je demanderai un appui pour le
faible ; en vain crierai-je au pays que les localités les plus riches
peuvent se passer de l’aide du gouvernement, que le gouvernement doit aide et
protection aux populations les moins favorisées. D’où a pu me venir la pensée
que l’on doit chercher à créer le commerce là où il n’existe pas, à développer
les germes qui n’attendent qu’un rayon favorable pour éclore, les hommes que je
combats ne manqueront pas de me lancer leurs sarcasmes ; on répondra par
une ironie à mes réclamations.
Le mal vient de ce que la loi du 26 mai 1837
n’a pas, comme celle du 1er mai 1834, déterminé le point d’arrivée du
chemin de fer de Namur. Elle a imprudemment abandonné ce point à l’arbitraire
du gouvernement, et je dois le proclamer tout haut devant cette coalition de
propriétaires de mines et de maîtres de forges, devant ces puissantes
associations, je désespère, bien que les choses soient encore entières,
quoiqu’il soit encore au pouvoir du gouvernement d’être juste, je désespère de
rappeler à l’égalité des droits !
Mais ma localité ne désespère pas. Rien n’est
fait encore. Le projet de chemin de fer de Charleroy à Braine-le-Comte n’est
pas commencé ; le chemin de fer peut encore être dirigé sur Tubize par
Nivelles, cette ville qui a vu sa ruine aller toujours croissant depuis la
suppression de ses riches communautés, au préjudice de laquelle tout s’est fait
et va se faire, routes, canaux, chemins de fer ; cette ville qui depuis 50
ans n’a marché que de pertes en pertes, elle ne peut opposer que ma faible
voix !
Quelque lueur d’espérance a brillé dans mon
district ; un de ses députés, devenu ministre, obtient, pour sa
réélection, l’unanimité des suffrages, l’homme à qui l’on doit le système
complet des chemins de fer en Belgique est devenu ministre ; il ne voudra
pas, disait-on, que dans son système complet, nous soyons seuls oubliés. La
ville de Nivelles vient de lui adresser ses doléances, mais déjà des hommes
puissants, qui veulent tout pour eux, sont venus en députation auprès de M. le
ministre pour obtenir la direction vers les charbonnages du centre. Déjà M. le
ministre les a entendus, et un ingénieur vient, dit-on, d’être chargé de voir
les lieux, d’un projet sans doute, et l’espoir a passé, ne laissant après lui
que des inquiétudes.
Je n’ai pas dit tout, j’ai encore besoin de
votre indulgence, de votre attention surtout ; je voudrais, avant
d’établir que nos nombreux chemins de fer, nos énormes emprunts, compromettent
les intérêts du commerce et de l’industrie, je voudrais vous parler un moment
du programme du nouveau ministère.
Dans son programme le ministère a dit
« que l’écueil des gouvernements représentatifs, c’est parfois la
prépondérance exagérée des idées et des intérêts de localités. »
Je l’avoue ce langage, si nouveau chez nous,
m’a fait, au moment où M. le ministre de l'intérieur le tenait, une vive
impression. Voilà, me suis-je dit, un ministère qui voit la source d’un mal, il
saura y porter remède ; voilà qui annonce un ministère de résistance aux
prétentions de localités ; la justice va désormais reprendre son empire.
Mais il m’est pénible de le dire, j’ai vu avec
peine, le jour même de la lecture du programme, M. le ministre actuel des
travaux publics annoncer qu’en matière de travaux publics, et notamment de
chemin de fer, les principes et la politique du nouveau cabinet seraient les
mêmes que ceux du cabinet précédent. Je vais l’établir.
Dans la séance du 19 décembre 1839, à
l’occasion de l’émission des bons du trésor jusqu’à concurrence de 12 millions
je demandais à l’ancien ministère quels avantages il avait retiré des chemins
de fer ? Quels étaient ceux qu’il croyait en retirer à l’avenir ? M.
le ministre des travaux publics d’abord disait que, politiquement parlant
l’établissement des chemins de fer avait été pour le pays d’un profit immense,
que c’était un grand moyen de civilisation. Eh bien rappelez-vous les paroles
de M. le ministre actuel des travaux publics, prononcées le jour même de la
lecture du programme ; il tenait absolument le même langage. Il y a,
disait-il, dans ce grand système de communication un intérêt moral et
politique, un lien qui doit unir à
Je dis que la politique du nouveau cabinet sera
la même que celle du cabinet précédent. Ne voyez-vous pas le ministère actuel à
l’imitation de l’ancien, le surpassant même, venir nous proposer un emprunt de
90 millions dont soixante-treize sont destinés non pas seulement au prompt
achèvement du chemin de fer d’Anvers à Cologne, le seul qu’on ait pu rattacher
à l’intérêt général, mais aussi pour achever tous les autres chemins réclamés
dans des intérêts de localité ? L’ancien ministère n’a pas examiné, le
nouveau n’examine pas si la crise commerciale, le mauvais état de nos finances
ne s’opposent pas au prompt achèvement des deux lignes de chemins de fer vers
Et qu’on ne vienne pas nous dire que ce n’est
pas le ministère qui a pris l’initiative de tous ces nombreux chemins, que
c’est la chambre qui les a demandés. Qu’importe par qui ils ont été
proposés ? Qu’on ne vienne pas nous opposer que tous ces chemins ont été
décrétés par la loi, qu’il ne s’agit que de l’exécution de la loi. Assurément
quand la chambre a voté ces nombreuses voies de communication, elle n’a pas
entendu qu’elles seraient exécutées instantanément et rapidement, quand même,
dussent-elles entraîner le pays dans l’abîme. Ce que le gouvernement, ce que la
chambre a à examiner aujourd’hui, c’est de savoir s’il convient à l’intérêt
général de terminer sans délai toutes ces grandes entreprises au moyen de
l’énorme emprunt de 90 millions. Pour moi, je n’hésite pas à proclamer une
opinion contraire. Dans mon opinion, l’intérêt général ne commande pas
l’achèvement simultané et rapide de tous ces chemins, et je n’en veux d’autre
raison que cette prudence et cette circonspection des gouvernements qui nous
avoisinent, de l’Angleterre qui n’intervient pas dans les dépenses de chemins
de fer ; de
Je comprends très bien qu’il ne faut pas
beaucoup d’habilité pour persuader aux membres de cette chambre qui sont
intervenus dans la transaction, qu’ils doivent voter l’emprunt non pas pour
réaliser cette belle conception qui doit relier l’Escaut et les ports d’Anvers
et Ostende, et assurer à
Je concède à MM. les ministres que les chemins
de fer sont destinés à relier l’Escaut et les ports d’Anvers et d’Ostende au
Rhin. C’est là un fait qu’on ne peut nier.
Mais quand ils nous disent que ces communications
doivent nous assurer le commerce de transit avec l’Allemagne, non pas de ce
transit qui consiste dans le simple passage instantané, par notre pays, de
marchandises étrangères, mais de ce transit qui doit créer dans nos ports un
vaste mouvement commercial, et nous mettre en relation avec les lieux de
provenance, de marchandises et denrées qui constituent le commerce actuel, je
réponds qu’ils se trompent.
Par transit, j’entends la faculté qu’un Etat
accorde aux peuples voisins de se servir de son territoire, pour arriver à eux
les marchandises qu’ils ont à recevoir de la mer ou d’un autre Etat situé
au-delà de celui sur lequel on transite.
Ainsi
Je comprends donc fort bien que par vos chemins
de fer, vous ouvrez aux peuples voisins une voie de transit pour faire écouler
leurs produits par votre territoire ; par exemple, les négociants de
Valenciennes transiteront par le territoire belge les marchandises en
Allemagne.
Mais où est pour vous la réciprocité ?
Vous ne pouvez l’obtenir de l’Angleterre, parce
que votre chemin de fer aboutit à la mer.
Vous ne pouvez l’obtenir de
Ce n’est donc que de
Mais qu’espérez-vous de cette voie de
transit ? C’est que l’Allemagne et
Sans nous livrer à l’exagération, admettons que
le transit suisse et allemand se divisera entre les ports de
Ah ! sans doute, si nous pouvions, à notre
frontière vers
Du reste, l’eussiez-vous, ce transit, loin de
venir en aide au commerce et à l’industrie belge lui nuira, puisque les
départements du Nord dont les produits sont similaires au nôtre,
Je ne vois pour
Mais ne savez-vous pas que le système des
douanes allemandes s’oppose à ce que vous puissiez envoyer vos produits ou
marchandises en Allemagne. J’ai lu dans les pièces de l’enquête qui a eu lieu
en France, que la combinaison du tarif des douanes allemandes a pour
résultat :
« De permettre au fabricant, quant à la
matière filée, de se la procurer n’importe de quel pays au meilleur marché
possible, et dans les qualités convenables à son genre de fabrication ;
« De lui réserver presqu’exclusivement le
marché intérieur, et de le mettre à même d’en exporter le superflu ;
« D’assurer à la classe ouvrière un
salaire raisonnable et un travail constant. »
Ainsi nul espoir de transporter vos produits
manufacturés ou marchandises en Allemagne, s’ils sont similaires aux produits
de ce pays.
J’ai lu ailleurs, dans L’Emancipation, je
pense, que
D’où cela provient-il ? Je ne me flatte
pas d’en apercevoir toutes les causes, mais j’en indiquerai quelques-unes.
C’est d’abord l’impulsion malheureuse donnée en
Belgique, à la production industrielle. Bien que nous soyons sans débouchés,
n’avons-nous pas vu l’opinion progressive encourager de toutes parts la
production industrielle, pousser les capitalistes à placer leurs richesses dans
les achats de forêts, sucreries de betteraves, usines et hauts-fourneaux, au
lieu de les encourager à les placer soit dans les manufactures, soit dans les
simples opérations commerciales, soit au perfectionnement de nos machines.
Et ces associations, quel mal n’ont-elles pas
fait, et ne feront-elles pas ? je ne veux vous parler que de celles qui
concernent les charbonnages.
L’Angleterre et
Ces associations sont-elles maîtresses des
prix ? C’est là une question qui doit exciter au plus haut degré les
méditations du gouvernement et de la chambre.
Une des causes encore qui s’opposera en
Belgique à produire à bon marché, ce sont vos nombreux chemins de fer et vos
emprunts.
Quant aux chemins de fer, je veux bien admettre
qu’il en résultera, surtout si la politique décide
Quant aux emprunts, dans un pays comme le
nôtre, où la division de la propriété découle de nos lois, où tous les jours il
se fait des mutations de propriétés, où les ventes de biens-fonds sont
fréquentes, les capitalistes trouvent un moyen facile de placement. Par vos
emprunts publics, vous ajoutez à cette facilité de placement. Cependant vous
n’ignorez pas que les emprunts ont l’inconvénient d’augmenter l’intérêt de
l’argent, inconvénients qui n’existe pas en Angleterre, où toutes les mutations
étant aristocratiques, où la fortune se substituant de famille en famille sur
la tête d’un seul, il y a rarement des propriétés à vendre ; d’où la
conséquence que les capitalistes, faute de pouvoir placer leurs capitaux en
acquisition de propriétés territoriales sont heureux de les prêter aux
industriels à 3 p.c. Eh bien, demandez aux industriels belges s’ils peuvent
trouver à emprunter à 3 p.c. Demandez-leur s’ils peuvent trouver à emprunter.
D’ailleurs, en créant, comme vous le faites, des dettes, vous devez reconnaître
qu’il sera impossible au gouvernement de n’en pas rejeter le fardeau sur le
peuple ; vous devrez recourir à de nouveaux impôts, j’en prévois déjà la
nécessité pour l’année prochaine. Mais ce sera encore là une cause de
renchérissement des objets de la consommation et qui empêchera le travail à bon
marché.
Ainsi j’ai raison de dire que vous posez
vous-mêmes une barrière au progrès de l’industrie, en rendant impossible le
travail à bon marché.
Mais, me dit-on, vous ne tenez pas compte des
intérêts moraux. Oh ! ce ne sera pas moi qui vous proposerai de sacrifier
ce que la révolution a de plus noble et de plus juste, mais la protection des
intérêts moraux n’exclut pas celle des intérêts matériels, c’est leur alliance
qui constitue le bonheur de la société. Loin de pousser l’homme à la soif des
richesses et aux passions politiques, je m’empresserai toujours d’encourager
tout ce qui peut contribuer à son bien-être moral, d’encourager les lettres et
les arts qui ont cette vertu ; mais, croyez-moi, un peu de bien-être
matériel ne nuira pas. Abstenons-nous de tout sentiment d’exagération.
Voyez où nous en sommes ; selon vous vos
nombreux chemins de fer sont destinés à rapprocher les hommes, à les civiliser,
et vous y consacrez des millions.
Eh bien ! il y a encore un autre et
puissant moyen de civilisation indiqué par les économistes ; l’honorable
M. de Foere ne cesse de vous le rappeler.
C’est le commerce d’exportation.
Le véritable commerce d’un pays, tel que
C’est ce commerce qui, indépendamment des
richesses qu’il présente, déplace les hommes, les développe et les civilise.
Politiquement parlant, l’exportation, en créant
la marine marchande, aide au progrès de la marine militaire, et la marine
militaire est le premier élément de la force politique des nations.
Cette théorie n’est-elle pas aussi belle que celle
de vos chemins de fer ? Pourquoi ne la mettriez-vous pas également en
pratique ? Pourquoi, après ces travaux gigantesques de chemins de fer,
n’encouragerez-vous pas, par d’énormes emprunts, la marine marchande et la
marine militaire ?
Vous avez imité les compagnies anglaises pour
vos chemins de fer, vous avez rendu le gouvernement constructeur de machines,
fondeur, voiturier.
Je ne m’étonnerais pas que bientôt on vînt vous
persuader, vous convaincre que le gouvernement doit faire quelque chose de plus
grand, créer une marine marchande et une marine militaire. Dieu sait si on
n’invoquera pas l’histoire ; n’a-t-on pas vu, sous l’administration de
Ce n’est pas le conseil que je donne ; si
j’en avais à donner, je les adresserais à la commission d’enquête ; je
dirais dans un langage simple aux membres de
cette commission : Vous appartenez à de provinces dont les intérêts
sont opposés, difficiles à concilier ; sachez mettre de côté vos
préoccupations personnelles et vous soumettre au joug de l’intérêt général,
après avoir constaté les causes du dépérissement de l’industrie du commerce,
attachez-vous aux moyens de les relever. Ces moyens ne consistent ni dans
l’établissement de chemins de fer ; d’une marine militaire, mais à
fabriquer à bon marché, seul moyen de vendre abondamment au dehors ;
j’aime bien mieux voir à la porte de Hal la filature d’un honorable et
estimable sénateur que toutes ces entreprises gigantesques de chemins de fer,
de bateaux à vapeur, de marine militaire ; là est la cause seconde, car
Dieu est la première de toutes les causes, là est le principe de vos chemins de
fer, de votre marine.
Augmenter son débit en diminuant les prix a
toujours été un acte d’habilité. Pour diminuer les prix, il faut se rendre
habile dans la fabrication, abaisser les prix des matières premières, du
charbon qu’on y emploie ; empêcher la trop grande cherté des vivres,
l’élévation des impôts, afin de diminuer le prix de la main-d’œuvre. Si ce
n’est pas vers ce but que tendent les efforts de la commission, je le dis avec
douleur,
Je ne refuserai pas les fonds nécessairement
pour achever promptement la ligne vers la frontière prussienne, puisque c’est
la seule puissance qui nous offre une réciprocité d’avantages et que nos
capitaux sont engagés dans la continuité de cette ligne, mais si l’on persiste
à vouloir le prompt achèvement des autres lignes, et si l’on ne propose pas la
division du chiffre de l’emprunt dans le sens qui précède, je voterai contre la
loi.
M. le ministre des finances (M. Mercier) – Messieurs, le gouvernement a
demandé une somme de 98 millions pour la continuation des travaux du chemin de
fer, pour les routes ordinaires, pour couvrir l’insuffisance des voies et
moyens et pour l’émission de bons du trésor. Cette somme est subdivisée en 90 millions
à obtenir par la voie de l’emprunt et en 8 millions de bons du trésor à
maintenir.
La section centrale propose de n’allouer que la
voie de l’emprunt que 65 millions, et d’accorder en bons du trésor une somme de
12 millions 488,831 francs 88 centimes ; je vais, messieurs, examiner les
motifs sur lesquels sont basées les réductions de la section centrale.
Dans le montant de l’emprunt se trouve compris
une somme de 54 millions pour la continuation des travaux du chemin de
fer ; sur cette somme, la section centrale propose une réduction de
13,428,970 12 ; cependant elle ne conteste aucun des calculs sur lesquels
la nécessité d’une telle dépense est basée ; mais elle pense que le
chiffre de 6 millions, destiné au complément du matériel et des stations, peut
être ajourné jusqu’à 1843 ; qu’une autre somme de 12 millions ne sera
dépensée qu’en 1842 ; que le surplus fût-il de 14 millions, même de 16
millions, pourra être imputé sur les ressources qui, dans l’avenir, pourront se
trouver à la disposition du gouvernement. Ces ressources consistent dans la
vente des domaines nationaux, dans les redevances dues par la société
générale ; et enfin dans l’ancienne encaisse du trésor.
Messieurs, la demande du gouvernement était
déjà modérée, puisque sur le chiffre réel des dépenses du chemin de fer de
notables réductions ont été faites.
Les 6 millions dont la dépense peut être
ajournée jusqu’après 1842, ne sont pas compris dans le chiffre de 54 millions
réclamé par le gouvernement. Des ingénieurs ont été chargés de dresser, après
examen sur les lieux, un devis des dépenses totales du chemin de fer ;
plus tard, l’administration générale a vérifié leurs calculs, et elle a trouvé
que l’on pouvait ajourner certaines de ces dépenses qui s’élèvent à environ 6
millions et qui, je le répète, ne sont pas comprises dans le chiffre de 54
millions ; cela résulte d’un rapport de l’inspecteur général des ponts et
chaussées en date du 20 mai dernier, dont copie a été transmise par mes soins à
la section centrale.
En outre, une erreur de 1,494,058 francs, qui
s’était glissée dans le chiffre indiqué par la dépêche adressée au département
des finances sous la date du 16 avril, a été découverte depuis la présentation
du projet de loi, de sorte qu’une somme de 7 millions 494 mille francs nécessaire
pour le parachèvement des chemins de fer ne fait point partie du chiffre de 54
millions.
Quant à la somme de 12 millions qui ne sera
nécessaire qu’en 1842, cela est conforme aux informations données par
l’administration à la section centrale, mais ce n’est pas un motif pour ne pas
la comprendre dans l’emprunt : Lorsque l’on emprunte, il convient
d’échelonner les versements à d’assez longs termes, afin de donner plus de
facilités aux prêteurs et d’obtenir de meilleures conditions ; aussi l’intention
du gouvernement n’était pas de faire verser cette somme avant les premiers mois
de 1842.
D’après ces explications, le surplus des
dépenses du chemin de fer ne serait pas seulement de 14 ou 16 millions, ainsi
que paraît le supposer l’honorable rapporteur de la section centrale, mais il
s’élèverait environ à 21 millions, si ses propositions étaient adoptées.
Messieurs, ainsi que je l’indiquerai tout à
l’heure, les autres sommes non adoptées par la section centrale s’élèvent,
réunies, à 7 millions, de manière que la conséquence de son projet serait de
faire prélever 27 à 28 millions sur les ressources de l’avenir. Mais,
messieurs, les ressources indiquées par la section centrale comme pouvant
servir à couvrir les sommes qu’elle n’accorderait pas en ce moment ne sont pas
immédiatement disponibles. Je vais examiner rapidement d’abord ce qui concerne
la vente des domaines, ou plutôt je vais émettre quelques doutes sur ce
point ; car cette question est grave et mériterait une discussion toute
spéciale.
En la considérant sous le rapport financier
seulement, il n’y a pas de doute que le revenu que l’on tirerait du produit de
la vente des forêts domaniales ne serait pas plus considérable que celui que
donnent maintenant ces mêmes domaines. Mais tel n’est pas le seul point de vue
sous lequel cette question doit être envisagée, il faut examiner s’il n’y
aurait pas inconvénient et préjudice à dégarnir entièrement notre sol de
forêts ; si les forêts ne sont pas, dans beaucoup de localités,
indispensables à l’industrie métallurgique ; la suppression de
l’administration des forêts de l’Etat n’aura-t-elle pas pour conséquence
l’aliénation ou le défrichement des bois appartenant aux communes, et qui sont
actuellement régis par les agents de cette administration, si nous n’aurions pas
à craindre de manquer de bois pour les constructions civiles, dans le cas, par
exemple, d’une guerre maritime ; si le défrichement des forêts
n’exerçaient pas une influence nuisible sur l’atmosphère et par suite sur la
fertilité du sol ; des pays sont devenus insalubres et stérile, après le
défrichement des forêts qui y existaient ; enfin, s’il convient, lorsque
nous sommes déjà dépossédés de la plus belle partie de nos domaines, d’aliéner
ce qui nous reste ; et si cette aliénation n’exercerait pas une fâcheuse
influence sur notre crédit ? Je ne prétends pas résoudre toutes ces
questions qui se rattachent à la vente de nos forêts ; elles sont graves
et méritent d’être approfondies autrement qu’elles peuvent l’être dans une
discussion incidente ; mais, en admettant, ce qui ne sera pas à présumer
cependant, qu’elles soient toutes résolues dans un sens favorable à
l’aliénation, il faudrait, pour que la vente fût avantageuse, ne la faire que
par parties peu considérables, il faudrait en outre que les paiements fussent
échelonnés en longs termes, et dès lors les sommes qui en proviendraient ne
seraient pas versés en temps opportun pour servir aux travaux du chemin de
fer ; du moins une faible fraction seulement pourrait recevoir cette
destination, puisque ces travaux doivent être poussés avec une grande activité,
dans l’intérêt des localités qui les réclament, et pour recueillir le fruit des
capitaux engagés dans la construction de ces voies de communication.
La section centrale indique d’autres
ressources, et elle engage le gouvernement à ne rien négliger pour qu’elles
soient promptement disponibles. A cet égard, le gouvernement a devancé les vœux
de la section centrale ; car il poursuit des négociations actives à
l’effet d’avoir aussitôt que possible à sa disposition les ressources dont il
s’agit. Dans tous les cas, il y a des questions que nous préjugerions si nous
donnions dès à présent une destination à l’intégralité de ces ressources.
Rappelons-nous qu’un projet de loi a été présenté en 1836 par l’honorable M.
d’Huart, alors ministre des finances, que ce projet tendant à la rétrocession
d’une partie des domaines de la société générale et qu’une portion de la
redevance due par la société générale devait servir à solder le prix de ces
domaines. C’est encore là une question que je ne crois pas non plus de nature à
pouvoir être décidée incidemment et qui mérite un examen tout particulier.
Ainsi, messieurs, ces ressources que l’on
prévoit et qui existent réellement, mais dont le chiffre n’a pas encore été
précisé, ou ne seront pas disponibles en temps opportun, ou seront
insuffisantes, ou auront déjà reçu une autre destination au moins en projet.
Il y aurait donc, à mon avis, imprudence à
compter sur elles pour couvrir une insuffisance certaine de 27 à 28 millions. Ce
serait même laisser entrevoir la probabilité de nouveaux emprunts et il importe
d’éviter que les prêteurs aient cette préoccupation. Il faut que l’on sache
bien que
Lorsque le gouvernement a présenté le projet de
loi, il n’avait pas perdu de vue les ressources que l’avenir nous
réserve ; il en avait fait mention dans l’exposé des motifs ; mais il
y avait aussi des charges que l’on devait également prévoir dans cet avenir. Il
a été fait allusion à quelques-unes de ces charges possibles ; j’ajouterai
que chacun de nous sait que le crédit pour la construction de routes ordinaires
est entièrement engagé ; nous savons aussi combien de demandes sont
formées de toutes parts pour obtenir de nouvelles voies de communication ;
certainement ces demandes ne pourront toutes être accueillies, mais n’en est-il
pas qui doive donner lieu à l’allocation d’un subside par le
gouvernement ? N’en est-il pas dont la construction aux frais de l’Etat
est indispensable ? L’excédant du produit des barrières suffira-t-il pour
couvrir les dépenses qu’il conviendra de faire pour aider soit les provinces,
soit les communes qui désirent construire de nouvelles routes dont l’utilité
sera bien constatée ?
Des canaux sont vivement réclamés par plusieurs
localités ; pouvons-nous dès à présent assurer que le gouvernement ne
devra pas au moins intervenir par quelques subsides dans l’ouverture de ces
canaux ? Or, si nous épuisons d’avance toutes les ressources de l’avenir,
nous devons nous attendre à être invinciblement amenés d’abord à une dette
flottante très considérable, ensuite à un nouvel emprunt, ce qui, ainsi que je
l’ai déjà fait observer, doit être évité à tout prix.
Admettons cependant que ces dépenses ne soient
pas jugées nécessaires, admettons qu’il n’y ait plus un seul subside à accorder
pour la construction de routes, si ce n’est sur l’excédant du produit des
barrières ; admettons enfin qu’il ne se présente aucune dépense imprévue
ou extraordinaire ; dans ce cas, il reste une excellente opération
financière à faire au moyen des ressources que l’avenir peut nous donner c’est
l’amortissement de notre dette à 5 p.c. d’intérêt ; peut-être même
pourrait-on, à l’aide de quelques capitaux disponibles, parvenir beaucoup plus
facilement à la conversion de ce fonds, tandis qu’avec un déficit, avec une
dette flottante qui ne sert qu’à couvrir une insuffisance de ressources, la
conversion rencontrera d’assez grandes difficultés. Envisagée sous ce point de
vue, la question se réduirait à savoir si, ayant par exemple pour dix millions
de ressources futures, il serait préférable de payer 5 p.c. d’une somme équivalente,
que de payer seulement 4 ½ ; car nous pouvons, à juste titre, espérer,
dans les circonstances actuelles, le contracter à 4 ½, sinon à un taux plus
favorable.
Eh bien, messieurs, si, au moyen des ressources
que l’avenir peut nous donner, nous pouvions convertir entièrement l’emprunt à
5 p.c., il ne s’agirait pas d’un bénéfice de quelques centaines de mille
francs, mais la rente de plusieurs millions. Cet avantage disparaît si nous
donnons d’avance une destination aux ressources prévues. Alors le trésor
restera embarrassé d’une lourde dette flottante, le crédit sera affecté de la
gêne du trésor public, et nous ne pourrions nous livrer, avec avantage, à
aucune opération financière qui tendrait à diminuer notre rente.
J’appelle, messieurs, votre sérieuse attention
sur ces considérations.
Je passe au second chiffre contesté par la
section centrale ; celui qui est relatif à l’insuffisance que présentent
les exercices antérieurs à 1840. J’ai constaté dans mon rapport que cette
insuffisance s’élève à 23 millions 400,000 francs ; comme j’ai négligé sur
le chiffre total des besoins à couvrir une somme de 318,480 francs,
l’insuffisance ne figue dans le compte présenté que pour 25,082,207 francs 30
centimes ; la section centrale accorde pour cette insuffisance une somme
de 5,511,178 francs 12 centimes, par extinction de dette flottante passant dans
l’emprunt, et en dette flottante conservée une somme de 12,488,821 francs 88
centimes, en tout 18,000,000.
Il resterait donc à couvrir une insuffisance de
7,082,208 francs, dans laquelle se trouve comprise une somme de 6,041,005
francs 28 centimes, provenant d’un semestre de la rente hollandaise dont le
montant, ainsi que celui d’un semestre de l’emprunt de 30 millions, devaient
être compris dans l’emprunt afin que chaque semestre pût être liquidé pendant
l’année à laquelle il appartient. Cette question a été ajournée par la section
centrale ; de sorte qu’après déduction des 18 millions dont je viens de
parler, l’insuffisance de 23,400,687 francs 30 centimes, se trouve réduite à un
chiffre de 1,041,202 francs 72 centimes.
Je conviens, messieurs, avec la section
centrale, qu’on ne peut déterminer d’une manière rigoureuse quelle sera
l’insuffisance de plusieurs exercices avant que les comptes ne soient arrêtés
définitivement ; toutefois, je ne puis m’empêcher de faire observer que
l’insuffisance des exercices 1838 et 1839, en comparant les voies et moyens
votés et reçus avec les dépenses votées, serait de 11,923,587 05, tandis que je
n’ai porté en compte qu’une insuffisance de 8,523,587 05, parce que j’ai prévu
qu’il y aurait une économie de 3 millions 500 mille francs environ à opérer sur
ces exercices. Cependant d’un autre côté, j’ai fait figurer dans mes
évaluations une somme de 4,898,060 01 pour créances arriérées et ce chiffre
n’est pas non plus rigoureux ; il renferme une somme de 600,000 francs
environ, provenant des créances arriérées du département de la guerre ;
ces créances montant à une somme de 991,454 francs, avaient été comprises dans
une loi présentée en 1836, pour la liquidation des arriérés ; elle a été
reproduite en partie, c’est-à-dire pour environ 500,000 francs dans le montant
des créances arriérées, indiqué par mon honorable prédécesseur, lors de la
proposition des budgets de 1840, et c’est en reprenant son chiffre de 3,057,482
francs 13 centimes, que je l’ai moi-même porté en ligne de compte ; mais
comme il a été convenu que chaque département formerait des demandes de crédits
pour créances arriérées, aucune dépense de cette nature ne figurera plus dans
le compte des créances arriérées, que je vais présenté successivement à la
législature ; leur montant sera donc diminué à peu près dans cette
proportion et dès lors je ne vois aucune difficulté à consentir à la réduction
de 1,041,202 francs 72 centimes, proposée par la section centrale.
En ce qui concerne le semestre de la dette
hollandaise et l’emprunt des 30 millions, la section centrale en propose
l’ajournement. Elle paraît toutefois reconnaître en principe qu’il convient que
l’échéance concorde avec le semestre de la rente.
Messieurs, si cette somme n’était pas mise à la
disposition du gouvernement au premier janvier 1841, il serait de toute
impossibilité de faire face au paiement de ces deux rentes. Car, messieurs, nos
bons du trésor, dans le système suivi actuellement, ne font que couvrir
l’insuffisance des exercices antérieurs ; ils ne sont pas établis pour
faciliter la marche du trésor, ils sont créés pour faire face à un déficit.
Dès lors, la dette flottante, loin d’aider le
trésor, le gêne au contraire. Il serait préférable qu’il n’y eût ni bons du
trésor, ni insuffisance ; le seul avantage qui résulte de l’émission de
ces bons, c’est que, comme ils ne sont pas toujours en circulation, l’Etat
retire un bénéfice d’intérêts.
Si les bons du trésor étaient établis pour des
dépenses à faire, le gouvernement pourrait alors momentanément en tirer
avantage, en les faisant servir à couvrir certains paiements qui doivent
s’effectuer avant que les recettes ne soient acquises au trésor.
Si au 1er janvier 1841 le gouvernement
pouvait émettre 6 ou 10 millions de bons du trésor, pour liquider des dépenses
non encore effectuées, il ferait facilement face à un payement extraordinaire
au moyen du produit de cette dette flottante ; mais dans l’hypothèse
contraire, c’est-à-dire s’ils n’avaient été créés que pour couvrir une
insuffisance antérieure, il lui serait impossible de faire de payement, avant
d’avoir réalisé aucun excédent sur cet exercice. Les fonds ordinairement
disponibles dans la caisse du trésor, ne s’élèvent pas à une somme suffisante
pour qu’on puisse faire face à une telle dépense.
Toutefois, messieurs, il ne s’agit pas d’une
somme très considérable ; je ne trouve pas un grand inconvénient à ce
qu’elle soit ultérieurement imputée sur les ressources prévues ; mais je
me réserve expressément de réclamer des bons du trésor pour pareille somme, si
à la fin de l’exercice courant, les ressources que nous avons en vue n’étaient
pas encore réalisées.
Messieurs, le gouvernement croit donc pouvoir
adhérer sous cette réserve à l’amendement proposé par la section centrale. Par
suite, les n°5 et 6 de l’article 2 du projet de loi du gouvernement seraient
remplacés par le n°5 de l’article 2 du projet de la section centrale
D’après ces réductions, au lieu de 27 à 28
millions qu’il resterait encore à couvrir par les ressources de l’avenir, il
n’y aurait plus qu’une somme de 15 millions environ. C’est beaucoup encore,
mais du moins le gouvernement est rassuré sur le moyen de pourvoi à cette
dépense, tandis qu’il y aurait embarras et inquiétude si elle était plus
élevée.
Il me reste à entretenir la chambre de deux
questions qui ont été agréées dans le rapport de la section centrale. Ces
questions sont : 1° celle de l’emprunt avec concurrence en publicité comme
obligation imposée par la loi ; 2° celle de l’amortissement à effectuer
par le gouvernement.
A l’égard de la première question on peut se
demander quelle est la marche que doit suivre un gouvernement lorsqu’il s’agit
de contracter un emprunt. Il me semble qu’il doit par tous les moyens possibles
chercher à pénétrer quelles seraient les chances probables de succès.
D’abord dans un emprunt contracté par voie de
soumission cachetée, ou en d’autres termes par la publicité et la concurrence,
si la concurrence existe réellement, si une certitude est acquise à cet
égard ; il n’y a pas de doute que dès lors ce mode ne soit préférable à
tous les autres.
Il y a à pressentir également si un emprunt par
publicité seulement, c’est-à-dire par souscription publique, à un taux
d’intérêt et de capital déterminé, aurait de fortes chances de succès.
Ce mode offre aussi de grands avantages, et
lorsqu’il est reconnu praticable, on ne doit pas hésiter à l’employer, à défaut
du premier.
Si cependant il y avait incertitude de
réussite, ou si l’on ne pouvait espérer d’obtenir des conditions favorables par
l’un ou l’autre de ces deux modes, faudrait-il contracter à un taux onéreux et
exclure une négociation qui présenterait de plus grands avantages ?
Loin de m’opposer à la voie par soumission
cachetée, je n’hésite pas à la reconnaître comme la meilleure. Notre situation
financière est telle que si chacun pouvait l’apprécier non seulement il y
aurait forte concurrence, mais aucune nation ne verrait ses effets publics à un
cours plus élevé que les nôtres. Il y a cependant devant nous une réalité,
c’est que les fonds anglais et français sont plus élevés que les fonds belges,
bien que la dette de ces deux nations soit infiniment plus considérable ;
s’ils sont plus élevés, c’est qu’ils sont plus facilement échangeables et qu’on
leur accorde, jusqu’à présent, la préférence.
Ne pourrions-nous pas aussi nous tromper sur la
certitude d’une concurrence ? N’avons-nous pas à craindre une coalition
d’intéressés, lorsqu’ils sont certains que tout autre mode est interdit au gouvernement ?
Je dois le déclarer, messieurs, tout en
reconnaissant qu’il y a possibilité, probabilité même du succès, je n’en ai pas
la certitude ; et dès lors je ne puis me rallier à cette disposition comme
obligation imposée par la loi, et je croirais commettre la plus grande
imprudence en adoptant cet amendement. Je ne dirai pas qu’un échec tournerait à
notre confusion. Mais chacun doit reconnaître qu’il serait fatal à notre crédit
et que cette tentative si fructueuse pourrait nous coûter fort cher.
Veuillez remarquer, messieurs, que je ne
combats nullement le principe de la concurrence et de la publicité, ni même la
possibilité ou la probabilité de son application en Belgique ; mais que je
regarde seulement comme dangereux et imprudent d’imposer exclusivement ce mode
par la loi.
Par le second amendement, le gouvernement
serait expressément chargé de l’amortissement. Cette disposition n’est pas
exprimée dans le projet du gouvernement, mais ses intentions à cet égard
étaient conformes à celles de la section centrale ; je ne m’oppose donc
aucunement à ce qu’il soit inséré dans la loi.
M. d’Hoffschmidt – Messieurs, j’ai entendu avec
plaisir que dans le discours que M. le ministre des finances vient de
prononcer, il a appelé l’attention de la chambre sur une question qui a été
tranchée par la section centrale dans le rapport qu’elle a présenté : je
veux parler de la vente de nos bois domaniaux.
Cette question est très grave, messieurs, car elle
n’embrasse pas seulement une question financière, elle renferme encore une
question d’intérêt public.
En effet, l’intérêt de l’avenir peut être
compromis par une pareille mesure : il peut être extrêmement essentiel de
conserver nos forêts domaniales, afin que nous possédions toujours en Belgique
une quantité de bois suffisante.
D’un autre côté, M. le ministre des finances
vous a dit aussi que cet objet soulèverait une question de salubrité publique.
Ainsi, ce n’est qu’après y avoir mûrement
réfléchi, et après avoir discuté toutes les questions subsidiaires qui se
rattachent à la question principale, qu’on pourra trancher celle-ci.
Je me rappelle très bien que lorsque le
syndicat d’amortissement a vendu une partie de nos forêts, il s’est élevé de
tous côtés des plaintes amères : Ce qui prouve que la nation n’est pas
très portée pour les aliénations de cette espèce.
Je vois avec plaisir que jusqu’à présent, le
gouvernement n’a pas cru que la question était si facile à trancher. En effet
l’honorable M. Desmaisières, quand il était ministre des finances, interpellé
au sénat sur la question de savoir s’il serait possible de vendre les bois
domaniaux, a répondu : « Que l’on se plaignait déjà que le syndicat
d’amortissement avait vendu trop de propriétés domaniales et que pour le moment
on ne pouvait songer à faire de nouvelles ventes. »
L’honorable M. d’Huart, quand il était au
ministère, a manifesté la même opinion, et il me dit qu’il est encore du même
avis. Il disait également au sénat qu’il était heureux qu’il restât encore des
bois domaniaux ; et en cela il paraissait être entièrement d’accord avec
la majorité de cette assemblée.
En France on se plaint déjà que les bois
diminuent considérablement, il y avait dans ce pays 40 millions d’hectares de
bois domaniaux, il n’en reste plus que 6 millions environ.
C’est dans la province du Luxembourg que se
trouve la plus grande quantité de nos bois domaniaux, je pense même qu’elle
renferme au moins les ¾ de ce que possède
On serait donc exposé à voir nos belles forêts
disparaître pour ainsi dire du sol du pays.
En effet il ne faudrait dans le Luxembourg que
deux dispositions pour en venir là, et diminuer ainsi la quantité de bois au
point d’exposer la classe pauvre à en manquer pour ses besoins. La première de
ces mesures serait la vente des bois domaniaux que propose la section centrale,
la seconde serait l’abandon aux administrations communales, de la gestion
pleine et entière de leurs propriétés boisées.
On se fonde pour démontrer la nécessité de vendre
les bois domaniaux sur ce que ces propriétés rapportent très peu ;
seulement 1 ½ à 2 p.c. Et on dit que quand une nation est obligée d’emprunter à
5 p.c., il est de son intérêt de vendre des propriétés qui ne lui rapportent
que 2 p.c. Je ne me dissimule pas la force de cet argument mais dans l’avenir
il pourrait se faite que ces propriétés qui rapportent très peu aujourd’hui,
rapportassent davantage.
On ne peut se dissimuler que la quantité des
bois tend à diminuer considérablement en Belgique. Si cette progression
décroissante continuait, il arriverait que le prix du bois augmenterait et que
les propriétés boisées rapporteraient de très beaux revenus, peut-être 4 ½ à 5
p.c.
Ce qui peut encore augmenter la valeur des
propriétés dans le Luxembourg, c’est l’ouverture de grandes communications. Il
peut donc en résulter que ces propriétés, que sous le rapport financier, il
peut être avantageux de vendre aujourd’hui, seraient alors bonnes à conserver.
Si cette question était une fois sérieusement
soulevée, elle devrait être examinée à fond ; elle ne devait pas être
tranchée légèrement. Elle est assez importante pour mériter l’honneur d’une
discussion approfondie. Cependant, si les chambres voulaient la traiter
maintenant il importerait d’examiner encore la question sous une autre face en
ce qui concerne le Luxembourg. Cette province renferme
Une proposition a été faite par deux députés du
Luxembourg tendant à la vente des bois domaniaux ; mais pour créer une
communication qui à elle seule suffirait pour améliorer immensément la
situation de l’Ardenne : il s’agissait d’en appliquer le produit à
l’achèvement du canal de Meuse et Moselle. Si on en vient, ce que je ne désire
pas, à vendre nos propriétés boisées, je représenterai cette proposition ou une
proposition analogue. Je crois donc que la diminution proposée sur le chiffre
de l’emprunt demandé par le gouvernement en tant qu’elle est basée sur l’éventualité
de la vente des biens domaniaux, n’est pas admissible. Quant à moi, je
m’opposerai à la diminution.
M. Nothomb – Messieurs, plusieurs membres m’ont exprimé le
désir d’avoir quelques renseignements sur un fait qui vous a été cité dans la
séance du 29 mai ; ce fait étant le seul qui soit ici régulièrement connu,
c’est-à-dire par l’intervention d’un membre de cette chambre, il est de mon
devoir de l’expliquer ; je ne l’accepte du reste que comme un doute émis
de la part de ce membre.
Quelle est l’étendue réelle du chemin de fer en
exploitation ? Cette question est de quelque importance puisqu’elle offre
la base nécessaire à certains calculs pour apprécier le coût.
Les chemins de fer décrétés par les lois du 1er
mai 1834 et du 26 mai 1837, présenteront à la suite de l’adoption du tracé
définitif (arrêtés royaux du 28 août 1838 et du 1er mars 1840) un
développement de plus de 110 lieues de
C’est le chiffre indiqué au rapport du 12
novembre 1839, c’est-à-dire avant l’arrêté du 1er mars 1840, relatif
au passage par Charleroy ; cette direction augmente la longueur du chemin
de fer de Namur ; mais sans allonger le parcours réel devenu plus facile.
Au 12 novembre 1839, treize sections étaient
livrées à l’exploitation ; le compte-rendu qui porte cette date leur
attribue une longueur totale de
L’ouverture de la section de Bruxelles à Tubise
vient d’ajouter à cette longueur environ
Mais tenons-nous en aux 13 sections exploitées
à l’époque du 12 novembre, puisqu’on a contesté la réalité de leur
développement total ; on vous a dit que le fait de la longueur des
sections en exploitation, tel qu’il est allégué par le ministre, est contredit
par tous les ingénieurs ; « de ce fait, ajoutait-on, résulte une
exagération de dépense de plusieurs centaines de mille francs. »
D’abord le fait n’est pas exact.
En second lieu, fût-il exact, la conclusion
qu’on en a tirée ne le serait pas.
Commençons par ce deuxième point.
Le chemin de fer, dit-on, a trois kilomètres de
plus que n’indiquent les devis primitifs, le coût en a été augmenté, exagéré
d’autant ; comme si par un détour on augmentait toujours le coût ;
par un détour, on peut éviter des travaux d’art, des remblais, des déblais, et
diminuer la dépense tout en allongeant le parcours. S’il avait été possible,
par un détour d’une demi-lieue, d’éviter le passage souterrain de Cumptich, n’y
aurait-il pas eu économie et pour la construction et pour l’exploitation ?
Mais le fait en lui-même n’est pas exact.
Il est vrai qu’en prenant chaque section
isolément, il en est aujourd’hui qui ont une étendue plus grande que celle des
tracés provisoires ; les sections de Gand vers Bruges et vers Wetteren
sont de ce nombre ; ai-je besoin d’en dire la raison aux députés de
Gand ? D’après le tracé provisoire, le chemin de fer passait à côté de
Gand ; pour pénétrer au cœur de la ville, il a fallu faire un détour
considérable. Et c’est à Gand qu’on s’est demandé pourquoi les tracés primitifs
avaient été quelquefois allongés ?
Mais voyons maintenant l’ensemble des sections.
Bien que quelques sections prises isolément
soient plus longues, il se trouve que, dans leur ensemble, les 13 sections
offrent un développement moins considérable que ne l’indiquaient les devis provisoires ;
c’est le résultat de compensation.
Dans les documents communiqués aux chambres et
au public, il y a quatre genres de longueurs toutes vraies relativement, et qu’il ne faut pas confondre.
1° Longueurs des avant-projets.
Ces tracés n’étaient que provisoires ; il
était réservé aux études définitives d’amener bien des rectifications.
2° Longueurs servant de base aux adjudications.
L’on n’a pas toujours adjugé rigoureusement les
longueurs d’une station à l’autre ; je puis en citer quelques exemples
remarquables. L’adjudication de la section de Malines à Louvain comprend plus
que la section réelle de Malines à Louvain : de station à station, la
longueur est d’après le tracé primitif de
Arrêtons-nous un instant, messieurs. Quel beau
sujet d’accusation ! Comment ! On
a adjugé et par conséquent payé
Je me hâte de rassurer mon honorable
prédécesseur, M. de Theux qui a approuvé cette adjudication le 17 mars 1836.
En vous rendant de Bruxelles à Liége, vous aurez
tous remarqué en aval de Louvain un énorme remblai, et en amont un profond
déblai ; tous ceux qui ont quelque notion de travaux de terrassement,
savent qu’il y avait ici deux opérations à combiner ; avec la terre du
déblai il fallait faire le remblai ; à cet effet, il était indispensable
de réunir dans les mains du même entrepreneur les deux opérations, qui au fond
n’en formaient qu’une, opérations qu’on n’eût pu séparer qu’en doublant les
frais.
Je dois encore prévenir une méprise presque
inévitable ; il ne faut pas conclure de ces explications que les
Dans le compte-rendu du 1er mars
1837, vous trouverez un tableau indiquant les longueurs d’exécution (tableau A)
de plusieurs sections ; qu’a-t-on fait à Gand ? C’est à l’aide de ce
tableau, qu’on n’a pas compris, qu’on a établi un parallèle entièrement erroné.
3° Longueur réelle de station à station après
la mise en exploitation.
C’est la longueur que j’ai indiquée pour 13
sections au tableau n°1 du rapport général du 12 novembre ; les chiffres
ont été revus de nouveau et trouvés exacts.
C’est ce tableau qu’il faut comparer avec le
tableau des avant-projets, je résume cette comparaison dans une note du
Moniteur.
Il se trouve que d’après les avant-projets la
longueur des 13 sections était présumée devoir être de
Trois sections ont été allongées, celles de
Gand à Bruges et à Termonde, à cause des stations intérieures de Gand et de
Bruges, et celle de Landen à Saint-Trond pour obtenir de meilleures pentes.
Huit sections ont été raccourcies.
Deux sections ont une partie commune : les
lignes de Gand vers Bruges et Courtray se bifurquent au-delà du pont sur
l’Escaut, tandis que d’après les avant-projets les deux chemins de fer
partaient chacun de Gand avec des points différents.
L’allongement, si je puis parler ainsi, a été
de 3,948 mètres ; le raccourcissement de
Différence en moins sur les devis
primitifs :
Sur l’ensemble des 13 sections, il y a donc
réduction et non augmentation de plus de 3 kilomètres : réduction qui, par
un heureux hasard, compenserait au besoin, en quelque sorte, la dépense en plus
faite à Gand pour pénétrer dans la ville.
4° Longueur d’après le tableau des convois.
Non seulement on a arrondi les chiffres, mais
on a reproduit chaque fois les parties communes : il en résulte, chose
singulière au premier abord, et cependant très simple, que le parcours du
chemin de fer est plus considérable que la longueur réelle ; parcourez les
13 sections en exploitation au 12 novembre 1839, et vous aurez, d’après le
tableau du service, fait 315 kilomètres ; il n’y a en réalité que
Que maintenant, par inadvertance, on prenne les
4 genres de longueur que je viens de vous indiquer, qu’on les amalgame, et on
vous fera un travail dont peut-être on ne découvrira les erreurs qu’après
plusieurs semaines de recherches ; il me faudrait, à moi-même, dans trois
mois, les plus grands efforts de mémoire pour remettre les chiffres à leur
place. Aujourd’hui, aidé, il est vrai, de M. le directeur Simons, il m’a suffi,
pour découvrir l’erreur, dans le parallèle dont il s’agit, moins de temps que
je n’en ai mis à vous donner les indications succinctes nécessaires pour
comprendre le tableau comparatif que je fais insérer au Moniteur.
Dans ce tableau, vous trouverez encore une
autre longueur, celle du railway proprement dit, y compris les deuxièmes voies
et toutes les gares d’évitement ; en supposant le railway continu, il
offrait au 12 novembre un développement de simple voie de
Je m’arrête, messieurs, j’attendrai que
d’autres faits vous soient cités, que d’autres doutes, vous soient
soumis ; j’y répondrai, à moins que l’on ne me prévienne. Je dois compter
sur le concours de mon honorable successeur. (Signes d’adhésion de la part de M. Rogier.) Je ne suis plus ici que
comme député le défenseur de l’administration dont j’ai été le chef ; je
n’ai pas le droit d’intervenir comme personnage principal ; je
n’interviens que comme second, en quelque sorte.
(Moniteur
n°156 du 4 juin 1840) M. Desmaisières – Messieurs, le nouveau
ministère a cru, avec raison, devoir saisir l’occasion de la demande qui vous
est faite d’un emprunt de 90,000,000 de francs, pour vous exposer quelle était
la situation financière du pays au moment où il est entré aux affaires.
De cet exposé, il résulterait :
1° Que les exercices antérieurs à 1840 présenteraient
une insuffisance de ressources montant à 19,359,682 francs 02.
2° Que l’exercice 1840 devrait, en outre, des
dépenses déjà portées au budget, être chargé d’une somme de 750,000 francs pour
un semestre de la rente de l’emprunt 4 p.c. et d’une autre somme de 5,291,005
francs 28 pour un semestre de la rente mise à charge de
3° Qu’à raison de ce que les voies et moyens de
1840 se trouvent comprendre plus de 3,000,000 de francs de recettes temporaires
qui se reproduiront seulement pendant un certain nombre d’années, et plus de
4,500,000 francs de recettes de même espèce qui, dès 1841, ne se reproduiront
plus ; de ce que, selon le ministère, il n’y a pas lieu de tenir compte,
pour compenser une partie de ces recettes temporaires, du chiffre de 1,967,127
francs 26 c. de dépenses extraordinaires sans admettre qu’il en soit de même du
budget des voies et moyens ; qu’à raison enfin de ce que l’emprunt
pétitionné doit grever le budget des dépenses d’une rente annuelle de 4,200,000
francs, nous allons nous trouver pour aborder l’exercice prochain vis-à-vis
d’un déficit annuel de près de 9 millions.
Si ma qualité d’ancien ministre des finances
(venant de quitter les affaires) ne me faisait un devoir de justifier mon
administration et aussi celle de mes honorables prédécesseurs, je n’en croirais
pas moins dans l’intérêt du crédit public et pour rassurer les contribuables,
avoir l’obligation impérieuse de rectifier ce qu’il y a d’erroné dans ces trois
assertions. Mais je désire bien qu’on ne s’y méprenne pas ; je ne vais ici
qu’exercer un droit, que remplir un devoir.
J’entre en matière.
Ainsi qu’on l’a rappelé, j’ai, dans mon
discours prononcé le 12 novembre dernier, lors de la présentation du budget de
1840, accusé une insuffisance présumée de ressources s’élevant à 16,137,920
francs 29 c. ainsi composée :
Exercices 1836 et antérieurs : fr.
3,296,054 99
Exercices 1837, 1838 et 1839 : fr.
7.854,385 27
Créances arriérées des exercices 1836 et
antérieurs : fr. 4,037,482 03
A payer aux concessionnaires de
Restitution de droits indûment perçus sur les
apports des différentes sociétés industrielles , l’administration ayant été
condamnée par un arrêt de la cour de cassation : fr. 450,000 00
Total : fr. 16,137,920 29
Mais l’exercice 1837 ayant été clôturé au 1er
janvier 1840, il en est résulté une diminution d’insuffisance de ressources de
(-) de fr. 277,349 59.
Les recettes et dépenses des exercices 1838 et
1839 ayant pu aujourd’hui être mieux appréciées, on présume que l’insuffisance
de 1838 peut être diminuée de (-) fr.
53,415.
Et que celle de 1839 doit être majorée du chef
de ce que le département de la guerre n’a pas pu réaliser les économies
espérées d’une somme de fr. 2,691,948 79
Enfin de nouvelles créances arriérées sur les
exercices clos sont venus à être signalées pour une somme de fr. 860,577 96.
Soit : (-) fr. 330,764 80 ; (+) fr.
3,552,526 77
Différence en plus : fr. 3,221,761 97
Laquelle différence en plus de fr. 3,221,761 97
étant ajoutée à la somme ci-dessus de fr. 16,137,920 05, ferait monter le
découvert présumé devoir exister à la fin de 1840, du chef des exercices 1839
et antérieurs, à fr. 19,359,682 02.
Mais,
comme l’honorable rapporteur de la section centrale l’a fort bien fait
remarquer dans son rapport, il faut d’abord noter que la somme de fr. 4,898,060
01 en créances arriérées des exercices clos, n’est pas liquidée ; qu’elle
ne le sera qu’après que ces créances auront été discutées et admises par la
législature ; qu’enfin il ne peut y avoir d’insuffisance positive de
ressources que lorsque les comptes ont été législativement arrêtés. Jusque-là
toute insuffisance n’est que présumée, elle est flottante, et, à moins qu’elle
ne provienne de dépenses reproductives, il ne peut y avoir lieu à la consolider
en tout ou en partie en dette fondée aussi longtemps que le chiffre n’en est
pas trop élevé pour ôter tout espoir de pouvoir arriver à la réduire ou à son
extinction complète au moyen d’économies dans les dépenses ou d’excédents de
recettes dans l’avenir.
Avant donc de nous décider à consolider une
partie de cette dette flottante présumée devoir résulter des exercices 1839 et
antérieures, examinons d’abord quelle peut être l’influence, à son égard, de
notre avenir financier.
Le budget général des dépenses de l’exercice
Dette publique : fr. 29,367,876 47
Affaires étrangères : fr. 1,136,800
Justice : fr. 6,452,577
Finances : fr. 10,877,750
Non-valeurs : fr. 1,806,200
Travaux publics : 9,036,031 37
Marine : fr. 959,952
Intérieur : fr. 8,513,496 20
Crédits spéciaux : Refonde des anciennes
monnaies : fr. 125,000
Séminaire de
Rolduc : fr. 100,000
Pénitentiaire de
Saint-Hubert : fr. 150,000
Total : fr. 60,525,383 01
Le budget de la guerre a été pétitionné pour
fr. 32,790,000
Ainsi, en supposant que ce dernier budget ne
présente pas d’économies à faire, les dépenses totales de 1840 s’élèveraient à
fr. 101,415,383 04
Les revenus renseignés comme probables sur le
tableau litt. H. du ministre des finances, montent à fr. 101,982,161 20.
Excédant de ressources : fr. 666,778 16.
Toutefois, M. le ministre ayant, par erreur,
compris dans son évaluation des recettes probables et effectives de 1840 la
somme d’un million à rembourser le 1er juillet prochain par la
banque de Belgique, et ce remboursement devant non pas être retranché, comme le
dit l’exposé des motifs, du budget des voies et moyens, mais seulement (ainsi
que je l’avais reconnu, en avais donné l’ordre à M. le directeur de
l’administration du trésor et comptais en avertir les chambres lors de la
discussion du budget de la guerre) figurer au chapitre des recettes pour ordre.
On voir qu’en définitive, dans l’hypothèse la
plus défavorable et qui ne se réalisera certainement pas, il n’y aurait qu’une
insuffisance de ressources sur cet exercice de 333,221 francs 86 c. Mais pour
arriver à ce résultat il faut supposer : qu’aucune économie ne sera faite
ni sur le budget de la guerre ni sur aucun autre, et que les évaluations des
voies et moyens ne seront pas dépassées par les recettes effectives. Or, il
n’est pas difficile de prouver que tout le contraire arrivera.
En effet, à en juger par ledit tableau litt. H.
annexé à l’exposé des motifs du projet de loi, on est d’abord fondé à espérer
un excédant notable à présenter par les recettes effectives comparées aux
évaluations faites au budget des voies et moyens de 1840. Il suffira, pour le
démontrer, de mettre les versements faits au 31 mars et renseignés par ce tableau
en regard des évaluations de trois mois de recettes : (tableau non repris dans cette version
numérisée)
Mais si
l’on se reporte au tableau n°2, joint au discours à l’appui de la présentation
du budget de 1840, on y verra de suite que les trois premiers mois de l’année
sont toujours au-dessous des recettes prévues et que les derniers mois de
recettes étant meilleurs, il n’en est pas moins résulté que, malgré des
déficits dans les premiers mois de l’année, les recettes prévues se trouvaient
dépassées en définitive par les recettes effectives de l’année entière. Pour
prendre l’année la moins irrégulière sous ce rapport et la plus rapprochée de
nous, voyons ce qui s’est passé à cet égard en 1838. (tableau non repris dans cette version numérisée).
Ainsi pour les recettes variables de
l’administration des contributions, quoique la balance des recettes réalisées
au 31 mars avec les évaluations d’un trimestre ait présenté en 1838 un déficit
de 676,000 francs, la balance des recettes effectives et des évaluations pour
l’année entière a donné pour résultat un excédant de près de 2 millions en
faveur des recettes effectives. Certes on ne peut pas prétendre obtenir un
résultat aussi favorable en 1840, mais on est du moins fondé à espérer que la
balance du 1er trimestre 1840, n’accusant qu’un déficit de 590,000
francs, les recettes effectives de l’année 1840 entière dépasseront les
prévisions du budget, alors surtout que la crise industrielle, politique et
financière, qui a eu un effet si pernicieux sur les recettes de 1839, s’est
déjà fait sentir en 1838, et que les évaluations du budget de 1840 ont eu lieu
sur celles de presque toute une année de crise.
En ce qui concerne l’administration de
l’enregistrement et des domaines, les résultats sont encore plus favorables,
ainsi qu’on en jugera par les tableaux suivants : (tableaux non repris dans cette version numérisée)
Ces chiffres en disent plus que tous les
raisonnements pour faire espérer que non seulement l’excédant de fr. 333,221 86
c. en dépenses que l’on trouve par la balance des dépenses et recettes prévues
aux budgets de 1840, lorsqu’on ne tient aucun compte des économies à faire sur
le budget de la guerre, sera couvert par l’excédant des recettes effectives,
mais qu’encore il y aura un excédant de ressources.
Si maintenant nous prenons en considération
que, pour arriver à cet excédant de dépenses s’élevant à fr. 333,221 86 c.,
nous avons supposé qu’aucune économie ne serait faite sur les budgets des
dépenses, pas même celui du département de la guerre qui est entré en ligne de
compte pour le chiffre primitivement pétitionné de fr. 32,790,000, tandis que,
d’après ce qui a été dit lors de la discussion des crédits provisoires et par
l’ancien ministre de ce département ; par le nouveau, et par les honorables
rapporteurs et membres de la section centrale, nous avons tout lieu de penser
qu’on pourra réduire les dépenses effectives de plusieurs millions ; si
nous prenons, dis-je, ces divers faits en considération, nous devons prévoir
que l’exercice de 1840 viendra diminuer de plusieurs millions l’insuffisance
des ressources de fr. 19,000,000 présumée sur les exercices de 1839 et
antérieurs, et que par conséquent le découvert ne sera plus au 1er
janvier 1841 que de 15 à 17 millions au plus.
Or, je vous le demande, messieurs, ce chiffre
de la dette flottante qu’au maximum on peut présumer devoir exister au 1er
janvier 1841, a-t-il quelque chose de si effrayant que, sans compter sur des
économies dans nos dépenses pour l’avenir et sur l’augmentation des revenus de
l’Etat, que doit nécessairement produire l’ère de paix et d’indépendance dans
laquelle nous venons à peine d’entrer, on doive se résoudre tout d’abord à
convertir, comme on le propose, 11,500,000 francs de cette dette flottante en
dette consolidée ?
Le tableau suivant des émissions de bons du
trésor autorisées et effectués depuis 1833 jusqu’au 1er janvier
1840, va vous en faire juger (tableau non
repris dans la présente version numérisée).
On le voit, une dette flottante de 15 à 17
millions pour aborder l’année 1841 avec laquelle seulement pourra commencer,
tant sous le rapport des dépenses que des recettes, un état normal de paix, n’a
rien qui doit effrayer. Mais comme pour la continuation des travaux du chemin
de fer, il y a nécessité de faire un
emprunt actuellement ; que c’est là une occasion qu’il fait saisir pour
consolider soit la partie de la dette flottante qui pourrait trop charger notre
situation financière dans l’avenir si nos prévisions d’amélioration ne se
réalisaient pas, soit celle qui provient de dépenses reproductives de revenus
pour le pays, c’est y mettre toute a prudence que commandent les circonstances,
que de consolider 5 à 6 millions de notre dette flottante au moyen de
l’emprunt, ainsi que le propose votre section centrale.
De cette manière, notre dette flottante
présumée au 1er janvier 1841 se réduira à un maximum de 11 millions
de francs ; c’est un peu plus du chiffre que M. le ministre des finances
lui-même croit pouvoir exister. Nous devons penser d’ailleurs que lorsque, sur
l’encaisse de 1830, les redevances de la société générale du chef de la liste
civile et du syndicat et sur le produit de la vente d’une partie plus ou moins
grande de nos domaines, on aura prélevé les sommes nécessaires à l’achèvement
complet du chemin de fer, ainsi que celles qui pourra demander le règlement de
la comptabilité de la dette du traité en rapport avec les véritables échéances
des rentes, après que le transfert les aura fait connaître, il restera au moins
encore de quoi couvrir soit une forte partie, soit toute cette dette flottante
de 11 millions.
Dans tous les cas on ne peut pas faire un grief
à l’administration des 9 à 10 premières années de notre indépendance, d’être
arrivé à un pareil chiffre de dette flottante, dût-il être majoré même jusqu’à
23 millions, alors que les contribuables ont été dégrevés de plus de 18
millions d’impôts annuellement depuis la révolution, alors que nous avons eu à
traverser 10 années de crise politique, que nous avons considérablement
augmenté le revenu public par des acquisitions de canaux et l’exécution de
travaux publics , et qu’enfin nous avons déjà amorti 10 à 12 millions de
la dette fondée que l’état de guerre, ces acquisitions et l’exécution de ces
travaux publics nous ont fait créer.
Je dois maintenant des explications à la
chambre sur le semestre de l’emprunt 4 p.c. et de la dette du traité, que par
son projet de loi, M. le ministre des finances veut mettre à charge de
l’emprunt projeté. Voici les faits :
L’arrêté du 5 juillet 1836, qui règle les
conditions de l’emprunt 4 p.c. a fait partir la jouissance des intérêts du 1er
juillet de la même année
Cependant rien n’a été imputé de ce chef sur le
budget des dépenses de l’exercice 1836 et au budget de 1837 il n’a été porté
que deux semestres l’un ayant pris cours le 1er juillet 1836 et
payable le 1er janvier 1837, et l’autre ayant pris cours au 1er
janvier 1837 et payable le 1er janvier de la même année.
Ce mode d’imputation a été ensuite suivi
successivement aux budgets de 1838, 1839 et 1840 qui tous ont été chargés de
deux semestres de cette rente, ayant pris cours le 1er juillet de
l’année précédente, et le 1er janvier de l’année du budget pour être
payés respectivement le 1er janvier et le 1er juillet de
l’année donnant son nom à l’exercice.
L’article 13 du traité du 19 avril mettant la
rente de 5,000,000 de florins à charge de
Messieurs, vous vous le rappellerez, au moment
où j’ai eu à vous demander la loi du 5 juin 1839 de lourdes charges avaient été
imposées extraordinairement aux contribuables ; l’effervescence politique
produite dans les populations par suite de la discussion et de l’adoption du
traité était encore toute vivace ; la crise financière industrielle et
commerciale arrivée à son apogée tourmentait fortement le pays. L’Etat voyait
la perception des ressources prévues au budget des voies et moyens
singulièrement diminuée d’un côté par l’exécution du traité qui enlevait à
Malgré les doutes que j’avais sur la bonté du
système en lui-même, je ne l’ai pas pensé et vous ne l’avez pas pensé non
plus ; j’ai eu l’honneur de vous présenter et vous avez voté la loi du 5
juin 1839 qui n’impute, en termes fort clairs, qu’un seul semestre de la rente
du traité à charge du budget de 1839.
Vous avez pensé, comme l’ancien ministère, que ce
qu’il importait avant tout pour le bien-être de nos populations, c’était de
rétablir le crédit public, en s’efforçant de faire sortir aussi promptement que
possible le pays de ce malheureux état de crise financière et politique si
profonde qui le tourmentait et dont, grâce aux mesures législatives et
administratives qui ont été prises, nous sommes sortis aujourd’hui, à tel point
que la présentation d’un projet de loi demandant 90,000,000 de francs à
l’emprunt n’a nullement affecté notre crédit.
La question de comptabilité dont je viens de
parler, a été ensuite soulevée dans le sein de la section centrale de la
chambre chargée de l’examen du budget de la dette publique de 1840 et aussi
dans le sein de la chambre elle-même, à l’occasion de la discussion de ce
budget.
Mais, sur la proposition de la section centrale
les imputations relatives à la rente du traité et faites conformément au
système de comptabilité suivi depuis 1836, à l’égard du 4 p.c., ont été
maintenues, la chambre s’étant sagement réservée de statuer ultérieurement sur
la question de comptabilité après un rapport de sa commission des finances.
M. le ministre n’a pas cru entrer dans l’examen
de cette question de comptabilité, mais il a fait valoir cependant pour la
décider contre le système suivi depuis 1836, à l’égard du 4 p.c., l’embarras
que doit causer au trésor le paiement à faire d’une dépense de 5 à 6 millions à
effectuer dans un moment où les recettes qui la couvrent en comptabilité sont
en général fort faibles.
A cette objection on peut sans doute répondre
qu’en fait cet emprunt n’a pas existé jusqu’ici, vu qu’il y a toujours eu au 1er
janvier un service de dépenses à effectuer plus considérable que celui des
recouvrements à opérer : que cette assertion est tellement vraie que M. le
ministre a accusé lui-même, à la page 9 de l’exposé des motifs, un arriéré de
dépenses s’élevant au 25 avril dernier, à 28,613,615 francs 52, tandis qu’à la
même date, il n’y avait plus que 1,342,725 francs 22 à recouvrer sur les
recettes arriérées ; qu’enfin l’expérience du passé autorise à croire
qu’il en sera de même à l’avenir et que, par conséquent, l’objection tirée de
l’embarras du service du trésor n’est au fond que spécieuse.
Cependant, messieurs, il faut bien reconnaître
que l’embarras que peut éprouver le service du trésor, cet embarras eût-il même
peu de chances de se réaliser, est une chose si grave pour le crédit public
qu’il faut toujours prendre ses mesures pour l’éviter, dès qu’en les prenant on
ne se trouve pas vis-à-vis d’autres embarras certains et plus grands encore.
Or, si cette dernière position a été la nôtre pour 1839 et 1840, elle ne le
sera certainement pas à l’avenir, et par conséquent, si telle est l’opinion de
la législature, on pourra sans inconvénient, dès le budget de 1841, régler la
comptabilité budgétaire de manière à ce que tout semestre d’intérêts de dette
publique dont la jouissance a commencé le 1er juillet d’une année et
dont le paiement doit avoir lieu le 1er janvier de l’année suivante,
soit imputé sur le budget de l’année qui précède immédiatement cette dernière.
Mais encore une fois, la législature n’en aura
pas moins agi très sagement en se décidant, à une époque de crises de toute
espèce, à ne pas abandonner provisoirement le système suivi depuis 1836, qui a
eu pour effet de décharger un présent déjà surchargé aux dépenses d’un avenir
plus prospère.
Maintenant est-ce bien à l’occasion d’une loi
d’emprunt qu’il faut tout de suite opérer les régularisations qu’exigera le
nouveau système de comptabilité budgétaire ? Oui, si l’on ne peut
absolument arriver autrement à balancer les recettes avec les dépenses ;
non, s’il en est autrement, et non d’autant plus, s’il est impossible de se
fixer dès à présent sur les chiffres.
Toutes les sections et la section centrale ont
pensé avec raison que la somme de 5 à 6 millions au maximum, dont, par l’effet
du changement de système, il pourrait y avoir lieu à grever les budgets
antérieurs, pouvant être trouvée facilement dans l’encaisse de 1830.
On a pensé aussi que le transfert des rentes au
total de 5,000,000 de florins ordonné par le traité n’ayant pas encore eu lieu,
on ne pouvait savoir s’il comprenait des rentes à semestre payables au 1er
janvier, ni quelle en serait la qualité dans le cas contraire.
On a pensé enfin que, dès que les chiffres de
régularisation ne pouvaient être connus, c’eût été s’exposer à de nouvelles
régularisations encore que de les opérer dès maintenant, et cela bien
inutilement, puisqu’en fait, il n’est pas résulté d’embarras pour le trésor du
système de comptabilité suivi depuis 1836.
Je dis, messieurs, que l’on ne peut pas encore
connaître les sommes dont il y aura lieu de charger les exercices antérieurs du
chef de la dette du traité, si l’on change de système de comptabilité et il me
suffira de très peu de mots pour le prouver.
Le transfert n’ayant pas eu lieu, on ne connaît
point les dates des échéances semestrielles des rentes dont il sera composé. Eh
bien ! qu’arriverait-il si l’une des échéances des payements semestriels
était, comme pour notre 3 p.c., le 1er févier par exemple, et si dès
à présent, avant qu’on ne connût la composition du transfert, on avait
régularisé les budgets d’après le nouveau système de comptabilité ?
On se trouverait avoir imputé sur les exercices
1839 et 1840 quatre semestres, soit 24 mois, c’est-à-dire 5 mois de rente en
trop, puisque l’on n’aurait à imputer sur le budget de 1839 que le
remboursement à
Ainsi, en résumé, on aurait par la
régularisation, si elle se faisait actuellement, grevé les budgets de 1839 et
de 1840 de 24 mois de rente, tandis qu’ils ne devraient être chargés que de 19
mois, et il y aurait par conséquent, après le transfert, une nouvelle
régularisation à faire en sens contraire pour les cinq mois en trop.
Vous voyez donc, messieurs, que tout concourt à
prouver que c’est là une question qui ne pourra être résolue, avec toute sûreté
dans son application, qu’au budget de 1841, et qu’heureusement elle peut être
ajournée jusque-là, puisque nous avons devant nous des ressources certaines
pour couvrir les surcharges qui peuvent en résulter pour les exercices
antérieurs.
J’en viens maintenant à l’insuffisance annuelle
de ressources, au chiffre de 9 millions de francs que l’exposé de motifs du
projet de loi d’emprunt accuse pour l’avenir, et dès 1841, en s’appuyant sur la
comparaison des budgets de dépenses et des voies et moyens de 1840.
Le nouveau emprunt pouvant, sans que
l’achèvement totale des divers chemins de fer dont l’exécution a été décrétée
en soit, en quelque manière que ce soit compromis, être réduit, ainsi que le
démontre le rapport de la section centrale, à un capital effectif de 65
millions, il ne peut en résulter pour le pays qu’une charge annuelle de
3,575,000 francs qui ne prendra complètement cours qu’au budget de 1842, et ce
y compris la dotation de l’amortissement.
Cependant, alors que beaucoup de sections du
chemin de fer sont encore en construction, que d’autres ne sont pas même encore
commencées, et que d’autres encore, quoique mises en exploitation, ne sont pas
achevées de manière à en tirer tout le parti possible quant au revenu ;
alors que notre chemin de fer ne se trouve pas encore en contact avec les
lignes en construction ou projetées par les nations voisines ; cependant
alors, dis-je, nous voyons par le budget de 1840, que l’on ne dépensera cette
année qu’une somme de 3,099,000 francs pour frais d’entretien et
d’exploitation, et par le tableau litt. H, joint à l’exposé des motifs, que la
recette probable de l’année s’élèvera à 5,279,000 francs, ce qui constitue un
excédant de revenus, montant à 2,639,000 francs.
Certes, s’il y a exagération à penser que,
lorsque les chemins de fer décrétés seront complètement achevés et mis en
contact d’exploitation avec les affluents de France et d’Allemane, les revenus
et les dépenses se trouveront également doublés, c’est plutôt du côté des
dépenses que du côté des revenus. Ce sont donc là des hypothèses permises.
Donc la différence en faveur du revenu net
s’élèvera alors au moins à 5,278,000 francs.
Or, nous avons dit que l’emprunt ne chargera au
plus le budget que de 3,575,000 francs.
Et, par conséquent, le revenu de l’Etat sera
augmenté d’une somme de 1,703,000 francs en sus des charges de l’emprunt, au
lieu du déficit annuel de 4 à 5 millions, auquel l’exposé des motifs arrive en
ne tenant aucun compte de l’augmentation des revenus du chemin de fer et en
calculant sur un capital effectif de 90 millions à emprunter.
Mais, supposons même que ces 1,703,000 francs
doivent encore être absorbés par les frais d’exportation et d’entretien, ce qui
n’est guère probable, eh bien encore alors tout au moins n’y aura-t-il de ce
chef aucun déficit annuel.
Les 9 millions de déficit annuel prévus dans
l’exposé des motifs sont donc déjà réduits à moitié. Voyons s’il n’y a pas lieu
d’en retrancher encore l’autre moitié.
Cette autre moitié résultait, selon les calculs
de M. le ministre des finances, de la comparaison et de la discussion des
dépenses et des voies et moyens de 1840.
L’exposé des motifs (page 15) renseigne, en
effet, que dans le budget des voies et moyens de 1840, qui comprend toutes les
recettes de l’année, ainsi que le veut la constitution, il y a des recettes
montant ensemble à 4,615,500 francs, qui ne se reproduiront plus à l’avenir.
Mais nous devons faire observer d’abord que le
million à rembourser par la banque de Belgique peut très bien ainsi que nous
l’avons prouvé plus haut, être retranché ici des recettes effectives sans que
la balance entre les recettes et les dépenses cesse d’exister, et qu’il doit en
être retranché, puisqu’il doit figurer aux recettes pour ordre. Il ne resterait
donc plus qu’une somme de 3,615,500 francs, à laquelle, ajoutant les intérêts
de l’encaisse de 1830 du capital duquel nous disposons, 550,000 francs, nous
arriverons à une somme de 4,145,500 francs de recettes figurant au budget de
1840 qui ne se reproduiront plus à l’avenir.
Mais encore une fois à en juger par ce qui a
été dit par la section centrale et par M. le ministre de la guerre dans la
discussion des crédits provisoires, on doit penser que le budget du département
de la guerre s’élèvera au plus peut-être pour 1840 et certainement dans
l’avenir à 28,000,000 francs.
Nous avons vu plus haut que le total des autres
budgets des dépenses pour 1840 monte à 68,525,383 francs 04.
Donc en calculant d’après 1840, le budget
général des dépenses ne s’élèvera à l’avenir qu’à 96,523,383 francs 04 ?
Et en retranchant le million de la banque de
Belgique des revenus probables renseignés, pour 1840, au tableau litt. H, joint
à l’exposé des motifs, on arrive encore à un chiffre de revenus renseignés
comme probable par M. le ministre de 100,982,161 francs 26.
Donc, si toutes les recettes et dépenses de
1841 étaient les mêmes qu’en 1840 et si les dépenses de la guerre étaient
réduites à 28 millions, il y aurait un excédant de voies et moyens s’élevant à
4,456,778 francs 16.
Ce qui compense et au-delà les 4,145,500 francs
de recettes de 1840 qui ne se reproduiront plus en 1841. Donc il faut encore
retrancher du déficit annuel, présumé de 9,000,000 francs, l’autre moitié, donc
ce déficit se réduit à zéro, ou, en d’autres termes, n’existe pas d’après la
balance des recettes et dépenses de 1840, les nouvelles charges qui résulteront
de l’emprunt étant prises en considération.
En ce qui touche les recettes temporaires
signalées par l’exposé des motifs (page 15) comme devant seulement encore se
reproduire pendant plusieurs années et montant à 3,385,500 francs, c’est là un
chiffre encore qui ne doit inspirer aucune crainte pour l’avenir, car si le
budget des voies et moyens de 1840 comprend des recettes temporaires qui ne se
renouvelleront que pendant plusieurs années, le budget des dépenses renferme
aussi des dépenses qui ne se renouvelleront les uns déjà plus dès 1841 et les
autres seulement pendant plusieurs années. Le chiffre des dépenses temporaires,
d’ailleurs dépasse de beaucoup celui des recettes de même espèce.
En effet au chiffre de 1,967,127 francs 26, les
dépenses tout à fait extraordinaires qui figurent cette année au budget, il
faut pour avoir le total des dépenses temporaires de l’espèce, ajouter les
suivantes :
Budget de la dette publique :
1° Sur le million porté pour intérêt et frais
présumés de la dette flottante, on pourra facilement économiser à
l’avenir : 600,000 francs ;
2° Avances d’intérêts de cautionnements dont
les fonds sont encore en Hollande ou qui sont inscrits au grand-livre
d’Amsterdam : 153,000 francs ;
3° Avances aux fabriques d’églises, aux
communes et aux établissements de bienfaisance situés en Belgique, qui ont des
capitaux inscrits au grand-livre de la dette active d’Amsterdam : 60,000
francs ;
4° Avances pour intérêts et remboursements de
consignations dont les fonds sont encore en Hollande : 30,000 francs.
Budget du ministère de la justice :
5° Constructions nouvelles aux prisons :
250,000 francs ;
6° Pénitentiaire de Saint-Hubert : 150,000
francs ;
Budget des affaires étrangères :
7° Exécution du traité de paix : 100,000
francs
Budget de l’intérieur :
8° Dotations en faveur des légionnaires et de
veuves de légionnaires peu favorisés de la fortune : 60,000 francs ;
9° Avances pour les dépenses à faire sur le
fonds d’agriculture détenu en Hollande : 80,000 francs
10° Construction ou appropriation d’un bâtiment
pour dépôt des archives nationales : 100,000 francs ;
11° Monument de la place des Martyrs et
séminaire de Rolduc : 125,000 francs :
Ministère des travaux publics :
12° Annuité de rachat du canal de
Charleroy : 661,375 francs.
Total des dépenses temporaires comprises au
budget de 1840 : 4,536,502 francs 26.
Les recettes temporaires montent seulement à
3,385,500 francs.
Donc, quand toutes les recettes et toutes les
dépenses temporaires auront cessé de figurer au budget, il en résultera à
dépenser en moins comparativement 1,150,952 francs 26.
Ce qui certes est on ne peut pas plus rassurant
pour notre avenir financier.
Enfin, messieurs, pour compléter ce tableau vrai
et exact de notre situation financière, qui est heureusement de nature à
rassurer entièrement les créanciers de l’Etat et les contribuables, j’ajouterai
que si, pour fermer les plaies de la révolution ou pour toute autre cause, nous
avions encore à augmenter le budget des dépenses de l’Etat, nous devons, dans
un temps qui n’est pas éloigné, trouver une compensation dans la réalisation
d’une mesure proposée déjà par le gouvernement en 1838. Je veux parler de la
conversion de l’emprunt 5 p.c.
En résumé, messieurs, il résulte de ce que je
viens d’avoir eu l’honneur de vous exposer et du rapport de votre section
centrale :
1° Que dans l’hypothèse peu vraisemblable où
les dépenses du département de la guerre s’élèveraient à 32,790,000 francs et
où les évaluations des voies et moyens ne seraient pas dépassées par les
recettes effectives, la balance des budgets de 1840 ne présenterait encore
qu’un excédant de dépenses s’élevant à 333,224 francs 86.
2° Qu’attendu qu’à en juger par ce qui a été
dit lors de la discussion des crédits provisoires alloués au département de la
guerre il entre bien certainement dans les prévisions de la législature et même
du ministère que plusieurs millions seront économisés par le département de la
guerre pour 1840, on doit concevoir l’espoir fondé qu’à ce minime excédant de
dépenses de 333,221 francs 86 c se substituera, dans la réalité, un fort
excédant de ressources, lequel viendra diminuer sensiblement les 19,000,000 de
francs de dette flottante présumée.
3° Qu’une réaction semblable doit être espérée
de ce que, à en juger par le passé, les évaluations des voies et moyens de 1840
seront dépasses par les recettes effectives, et qu’en conséquence on est fondé
à pensé que le chiffre total de la dette flottante ne s’élèvera guère au-delà
de 15 à 17 millions.
4° Qu’un tel chiffre de dette flottante n’a
rien d’effrayant alors que nous avons devons nous un avenir de paix, et tandis
que, dans un passé de guerre, le chiffre de l’émission autorisée en bons du
trésor, du chef de la dette flottante, a été de 15,000,000 en 1833, 1834, 1835
et 1836, de 12,000,000 en 1837, 1838 et 1839, et qu’en outre, ces émissions
autorisées ont été augmentées du chef de dépenses pour travaux publics de
10,000,000 en 1834, 11,490,000 en 1835 et 1836, 13,000,000 en 1837 et 1838, et
enfin de 4,000,000 en 1839 pour le prêt fait à la banque de Belgique.
5° Qu’un tel chiffre de dette flottante est
d’autant moins effrayant qu’il ne s’élève qu’environ au 1/6 du montant total du
budget de l’Etat, tandis qu’en France il a été constamment du ¼ de 1831 à 1839.
6° Que rien ne nous commande par conséquent de
dévier des sages principes posés dans le rapport de la section centrale, et qui
consistent à établir que les parties de la dette flottante provenant de
dépenses reproductives, doivent autant que possible seules être converties en
dette fondée.
7° Qu’il n’y a donc lieu, au cas présent, que
de consolider pour 5 à 6 millions de la dette flottante, au moyen de l’emprunt,
et que les 10 à 11 millions restants se trouveront couverts en grande partie et
peut-être même au-delà par les sommes qui resteront disponibles après que l’on
aura prélevé, sur l’encaisse de 1830, sur les autres sommes dues par la société
générale et sur le produit de la vente d’une partie des domaines, les sommes
que demandera encore l’achèvement total de la construction de tous les chemins
de fer décrétés et la régularisation de la comptabilité de la dette publique.
8° Que rien n’oblige à régler dès à présent la
comptabilité de la dette publique autrement qu’elle ne l’a été depuis
1836 ; que ce serait même s’exposer actuellement alors que les faits qui
doivent servir de bases n’ont pu encore se produire, en qu’enfin nous pouvons
d’autant mieux ajourner cette régularisation que nous trouverions facilement, dans
des ressources qui deviendront disponibles, les moyens de faire face aux
surcharges qui pourront en résulter pour les budgets antérieurs.
9° Que si le budget des voies et moyens de 1840
comprend pour plus de 3 millions de recettes temporaires qui cesseront de se
renouveler au bout de plusieurs années et pour 4,145,300 francs de recettes qui
dès 1841 ne se répèteront plus ; d’un autre côté, on trouve une large
compensation au présent et dans l’avenir, en ce que le budget de 1840 renferme
pour plus de 4 millions de dépenses qui ne se renouvelleront plus, les unes dès
1841 et les autres dans plusieurs années seulement ; et en ce que
supposant que le budget de la guerre doive s’élever à 28,000,000 francs en 1841
et les autres budgets rester ce qu’ils sont pour 1840, les dépenses totales de
1841 sont encore moins élevées de plus de 4,500,000 francs que celles de 1840,
et que, par conséquent, les voies et moyens de 1841 pourront très bien
supporter la perte prévue de 4,145,500 francs sur les recettes.
10° Que les nouvelles charges, qui résulteront
de l’emprunt pour le pays, pourront être compensées au moins par l’augmentation
du revenu net des chemins de fer, routes et canaux ; et que si
l’administration des ministères précédents a pu faire aboutir à une dette flottante,
que les uns présument de voir s’élever à 19,000,000 de francs, les autres à
moins ; cela n’a eu lieu, dans tous les cas, que par suite de notre crise
politique qui a duré 10 ans ; et d’ailleurs, en acquérant des domaines
productifs, en exécutant de grands travaux publics, les uns productifs de
revenus, et tous éminemment favorables aux intérêts matériels du pays, en
dégrevant les contribuables de plus de 18,000,000 d’impôts annuellement, en
amortissement pour 10 à 12,000,000 de capital nominal de la dette fondée, et en
laissant, enfin, intactes diverses ressources très grandes dans l’avenir.
11° Que loin d’avoir à prévoir pour l’avenir un
déficit annuel de 9 millions, nous avons, grâce à la bonne administration de
nos finances, l’espoir fondé de pouvoir, sans épuiser entièrement les
ressources qui nous ont été ménagées par le passé, régler notre situation
financière de manière à ce que dans l’état normal de paix où nous entrons, nous
puissions, sans mouvements trop brusques, arriver à améliorer notre système
d’impôts et de revenus qui peut-être peuvent produire plus pour le trésor en
même temps qu’ils peuvent être rendus moins onéreux aux contribuables dans leur
répartition et leur mode de production.
12° Enfin que nous pouvons envisager avec
pleine sécurité notre avenir financier, tant sous le rapport du crédit public
que des charges à imposer aux contribuables, et de la prospérité du pays.
(Moniteur
n°155 du 3 juin 1840) M.
le ministre des travaux publics (M. Rogier) – Messieurs,
il résulte du rapport que vous a présenté mon honorable collègue le ministre
des finances, à la reprise de la session, que le nouveau ministère s’est
trouvé, en entrant aux affaires, vis-à-vis de deux insuffisances de
ressources : une insuffisance de ressources concernant le passé et une
insuffisance de ressources relativement à l’avenir. C’est placé entre ces deux
insuffisances de ressources qu’il a cru vous devoir un exposé sincère de la
situation financière du pays, situation qui d’ailleurs n’a rien d’alarmant,
rien d’effrayant, et à laquelle nous nous sommes bien gardés ainsi de donner ce
caractère.
Le moment n’est peut-être pas venu de discuter
le chiffre de l’insuffisance de nos ressources pour l’avenir. C’est une
question qui se rapporte naturellement à la discussion de notre prochain budget
des voies et moyens. Si, comme le prétend l’honorable préopinant, nos
ressources sont plus considérables, dans l’avenir, que nous ne l’avons présumé,
nous acceptions bien volontiers et de grand cœur ces présomptions plus
favorables que les nôtres. Nous n’avons aucun intérêt à rembrunir la situation
financière du pays à une époque surtout où il doit recourir à un emprunt très
considérable.
Il s’agit pour le moment d’aviser aux moyens de
couvrir l’insuffisance de ressources pour le passé. Dans cette insuffisance, le
département que j’ai l’honneur de diriger joue le plus grand rôle. Je dirai
même que, d’après la déclaration que vient de faire mon honorable collègue des
finances, déclaration de laquelle il résulte que le ministère consent à
ajourner la consolidation d’une certaine partie de la dette flottante, tout le
fort de la discussion va rouler désormais sur l’emprunt dans ses rapports avec
les travaux publics.
En effet, messieurs, dans la somme
primitivement demandé de 90 millions, le chemin de fer et les routes pavées
figuraient pour une somme de 72,917,000 francs (je néglige les centaines) qui
se décomposent de la manière suivante : 12 millions de bons du trésor déjà
accordés par la chambre et en très grande partie dépensés, à l’heure qu’il est,
nous n’avons plus qu’un million environ de disponible ; 3,340,000 francs
pour le paiement des actions prises dans le chemin de fer prussien ; enfin
3,548,000 francs (cette dernière somme diffère dans les documents de 500 à 800,
parce qu’elle a été prise à des époques différentes), comme complément des
dépenses affectées aux routes pavées.
Quand vous avez retiré des 72,917,000 le total
de ces trois sommes, il en résulte que nous venons vous demander, pour
continuation des travaux du chemin de fer une somme nouvelle de 54 millions.
Ce n’est donc pas une dépense nouvelle de 90,
de 80 ou même de 72 millions, que nous demandons, ainsi que l’ont dit quelques
honorables membres, non dans le but de vous effrayer, mais trop effrayés eux-mêmes
des dépenses du chemin de fer ; c’est une demande de 54 millions. Les 54
millions constituent-ils pour le pays, pour vous-mêmes, une dépense
imprévue ? Cette dépense de 54 millions, est-il juste de nous la
reprocher, ainsi que l’a fait un honorable membre dont la parole un peu vive a
d’autant plus de poids en cette circonstance que d’ordinaire il se montre très
modéré ? Est-il juste de faire un grief au gouvernement de demander les
moyens d’y faire face ? Cela est souverainement injuste. Je dirai plus
c’est que, lorsqu’un représentant de la nation, que je regrette de ne pas voir
en ce moment dans le sein de cette assemblée, donne pour tout motif, pour motif
absolu de son opposition à une institution nationale qu’une localité qu’il
représente n’en profite pas, je dis que cet honorable membre oublie pour
quelques instants le caractère dont il est revêtu, et qu’aucun de nous ne
devrait abandonner dans cette enceinte. Je respecte le sentiment
municipal ; je sais que le sentiment municipal a fait et peut faire encore
de bonnes choses ; mais je ne pense pas que nous puissions admettre qu’il
aille jusqu’à autoriser une opposition radicale à un établissement national,
parce que cette institution n’aura pu s’étendre jusqu’à telle ou telle commune.
La nécessité des 54 millions demandés n’étant
pas, je le répète, le fait du gouvernement , il y aurait de l’injustice à
lui en faire un grief. Ce chiffre est-il exagéré ? Ici commencerait la
responsabilité du gouvernement.
Eh bien, la section centrale même a reconnu qu’il
n’y avait rien d’exagéré, rien d’erroné dans la demande du gouvernement. En
effet (et c’est pour mon honorable prédécesseur que je parle), si on s’en était
rapporté aux évaluations primitives des ingénieurs constructeurs ce ne serait
pas 54 millions qu’on serait venu demander, ce serait au moins 60 millions, il
y a eu une réduction de près de six millions sur les évaluations des
ingénieurs. C’est donc un chiffre déjà réduit qu’on vous propose. J’espère
que l’avenir ne forcera pas à demander un supplément de crédit, et par-là à
donner raison aux évaluations primitives des ingénieurs.
M.
Desmet (à M.
Milcamps, qui rentre dans la salle des séances) – Le ministre vous a attaqué,
pendant votre absence.
M. le ministre des travaux publics (M. Rogier) – Je n’ai
pas attaqué mon honorable ami M. Milcamps. J’ai pour lui trop d’égards et de
respect. J’ai regretté seulement qu’il se fût écarté pour un moment de ses
habitudes de modération si bonnes à imiter pour tout le monde.
La section centrale ne trouve la demande d’un
crédit de 54 millions, ni erronée, ni exagérée. Que lui restait-il donc à
faire, qu’à fournir au gouvernement les moyens de couvrir cette dépense,
dépense qui n’est pas nouvelle, car elle a été votée en principe par la chambre
et même jusqu’à un certain point imposée au ministère d’alors. Rappelez-vous,
messieurs, que ce n’est pas le gouvernement qui a pris l’initiative pour toutes
les parties du chemin de fer. Si nous remontons à l’origine de cette grande institution
nationale, quel en a été le but ? Un but assez grand pour être avoué par
une petite et même par une grande nation. Il s’agissait de joindre la mer et
l’Escaut au Rhin, l’Allemagne à
Plus tard, une concession fut demandé pour une
route très importante, celle de Gand vers Lille, le ministère d’alors inclinait
assez à accorder cette concession. Que fit-on ? Ce ne fut pas la chambre
des représentants, mais le sénat, ce gardien suprême des deniers du pays, ce
corps composé de nos principaux contribuables, qui ne voulut pas que la
concession fût accordée, et qui imposa indirectement au gouvernement
l’obligation de faire la route. Je n’en fais pas un reproche au sénat ; je
crois qu’il fut alors un juste et prévoyant appréciateur des intérêts du pays.
Plus tard, le gouvernement, obéissant au vœu du sénat, vint demander
l’exécution de la route de Gand vers Lille par l’Etat.
Alors tous les intérêts provinciaux et
communaux se soulevèrent en dehors de cette chambre et dans cette chambre, et
arrachèrent l’embranchement de Namur et du Limbourg, et celui du Luxembourg.
Je ne parle pas de l’embranchement de Tournay à
Gand et Lille ; ce fut encore, je puis le dire, une concession faite à une
partie notable de cette chambre, si lorsque les chambres, dans des vues
auxquelles je rends hommage, ont décrété tous ces travaux importants,
lorsqu’elles ont encouragé et forcé en quelque sorte le gouvernement à le
faire, elles viendraient refuser au gouvernement les moyens d’exécution !
(Dénégations) Ce serait une
contradiction ; ce serait, permettez-moi de le dire, un jeu puéril !
Personne, dit-on, ne refuse ; mais si vous accordez des ressources
insuffisantes, cela équivaut à un refus, et ces ressources insuffisantes
seraient même plus préjudiciables que la suspension totale des travaux.
Vous nous autorisez à dépenser 10 millions pour
les travaux du chemin de fer ; vous reconnaissez cependant que 54 millions
sont indispensables ; vous pensez même que 56 ou 58 millions pourraient
bien être nécessaires. Mais pour le moment vous dites ; Voilà 40
millions ! Arrangez-vous ; faites les choses pour le mieux ;
faites des chemins de fer partout ; n’oubliez pas surtout les stations de
chacune de nos villes.
Pour les 14 à 18 millions restant, on nous renvoie
entre autres ressources à l’encaisse de la banque, qui sera vraiment bien
élastique, s’il doit satisfaire à toutes les dépenses que successivement on lui
renvoie. Mais les entrepreneurs du chemin de fer ne vient pas d’évaluation de
ce genre. Quand ils vous donnent du fer, des billes, du sable, des pierres, ils
ont besoin, non pas d’évaluations, de ressources plus ou moins incertaines,
mais de bel et bon argent comptant.
Si donc le système de la section centrale était
adopté, voici ce que le ministère aurait à faire pour agir prudemment : il
devrait choisir entre les travaux à exécuter, les échelonner selon leur
importance, ajourner ceux qu’ils considéraient comme les moins utiles, les
moins pressés, et faire achever les routes commencées.
Déjà de ces 40 millions qu’on veut nous
accorder à titre de provision, 19 millions se trouvent engagés dans des
adjudications auxquelles il est impossible de ne pas donner suite. Reste donc
21 millions à dépenser. Eh bien, pour ces 21 millions, des besoins de toute espèce
se présentent. Auxquels donner la préférence ? Je l’ai dit : aux plus
urgents, aux plus indispensables. Mais qui satisferez-vous ? Personne. Je
mets en fait que si vous ne donnez pas dès à présent au gouvernement les
ressources nécessaires pour faire face aux dépenses de tous les travaux du
chemin de fer, vous aurez mis la perturbation dans le pays.
On a dit sous forme de reproche qu’il y a des
hommes qui ont de l’engouement pour le chemin de fer. Ils ne s’en défendent
pas. Ils ont de l’engouement pour tout ce qui fait la gloire et la force du
pays. Cet engouement, ils ne l’ont pas seuls ; cet engouement est partagé
par toutes les populations, par toutes les villes. Ceux qui font de
l’opposition au chemin de fer, pourquoi le font-il ? Nient-ils que ce soit
pour le pays une source d’honnur et de prospérité ? Nullement ; mais
c’est parce que le chemin de fer n’arrive pas jusqu’à leur localité.
D’un autre côté, toutes les localités
auxquelles le chemin de fer est promis tiennent un autre langage ; elles
l’exaltent, elles l’appellent de tous leurs vœux, elles ne cessent de réclamer
auprès du gouvernement ; il le leur faut sans retard ni remise,
aujourd’hui plutôt que demain. On accuserait presque de trahison le ministre
qui n’exécuterait pas la loi dans un tel délai donné.
En présence de telles dispositions, je dis
qu’ajourner une partie des travaux des chemins de fer, ajourner même les
travaux des stations, que l’on doit considérer comme les moins urgents, ce
serait mettre la perturbation dans le pays.
Messieurs, nous avons ici un but commun. Je ne
veux point surprendre la chambre ; je dirai même que je ne veux point
appeler à mon secours les intérêts locaux ; je crois les esprits trop bien
placés pour penser qu’il suffirait, afin de réussir, de s’adresser à de pareils
sentiments ; mais si l’insuffisance de nos ressources restreintes même à
14 millions, ne permettait pas au gouvernement d’exécuter tous les travaux, il
faudrait bien qu’il ajournât les travaux les moins urgents au nombre desquels
sont les stations des villes dont je donnerai ici l’énumération.
Relativement à ces stations, nous avons
cependant des engagements avec de nombreuses localités, avec Bruxelles, Anvers,
Gand, Bruges, Ostende, Termonde, Louvain, Tirlemont, Saint-Trond.
Les dépenses pour ces stations sont évaluées à
5 millions 600 mille francs. Pour les stations en voie d’exécution ou pour les
stations projetées à Liége, Verviers, Courtray, Mons, Charleroy, Namur, il faut
4 millions 500 mille francs. Voilà en tout 10 millions 100 mille francs pour
cet objet.
Quant aux lignes, lesquels choisir ?
lesquelles préférer ? lesquelles doivent être victimes ? Si je devais
me renfermer dans le crédit qu’alloue la section centrale, il y aurait
insuffisance pour achever la route de Gand vers Lille et Tournay et celle de
Mons vers Valenciennes ; ces travaux seraient ajournés, à moins que la loi
ne renferme la promesse formelle que ces fonds seront fournis ; car il ne
suffit pas de l’assertion d’une section centrale quelque respectable qu’elle soit.
Remarquez, messieurs, combien il serait
regrettable, inconséquent, alors que nous venons d’intervenir dans une
administration particulière d’un état voisin, pour hâter le moment où nos
relations deviendront intimes avec cet Etat ; combien dis-je, il serait
inconséquent de notre part d’ajourner le moment d’ouvrir des relations avec un
autre Etat auquel nous lient déjà tant d’intérêts et de sympathie ; il y
aurait là faute grave et une inconséquence inexplicable.
Au point de vue de l’emprunt lui-même, est-il
prudent de déposer dans la loi d’aujourd’hui le germe, la perspective d’un
emprunt nouveau ? Cela ne peut-il pas, en effet, porter préjudice à
l’emprunt lui-même ? cela ne peut-il pas entraîner l’administration dans
une voie fâcheuse ? Je n’ai rien à cacher à la chambre : Si vous
laissez la porte ouverte à un nouvel emprunt, si le ministère, par votre fait,
d’ici à deux ans, est autorisé à vous demander un emprunt nouveau, prenez garde
que, cédant à des nécessités que le temps pourra développer et vous dévoiler, il
ne prenne cette occasion pour vous demander au-delà de ce que vous refuseriez
aujourd’hui. Si au contraire, vous donnez au gouvernement les sommes qu’il
demande, vous lui fermez en quelque sorte la porte à d’autres emprunts. Je ne
prends cependant pas ici l’engagement de terminer le chemin de fer avec les
sommes réclamées ; je n’affirme pas que ces grands travaux n’exigeront pas
d’autres crédits ; mais j’espère que nous n’en aurons pas besoin. Quoi
qu’il en soit, je le répète, il ne serait pas sans inconvénients d’en laisser
l’occasion ouverte.
Je demanderai à la chambre la permission de me
reposer un moment.
M. Pirmez – Je demanderai la parole pendant l’interruption
pour examiner quelques objections que l’on a faites relativement à la vente des
bois ; je ne veux pas examiner la question de savoir si les bois doivent
être vendus en déduction de l’emprunt, ou pour amortir les emprunts anciens.
La question de la vente des bois s’est déjà
présentée, et a toujours rencontré des forces pour la combattre ; et je
crois qu’il faut que vous soyez extrêmement pressés par le besoin d’argent pour
que vous adoptiez enfin cette mesure.
L’honorable député du Luxembourg m’autorise en
quelque sorte à désigner ces forces d’opposition. C’est l’intérêt local. Les
bois domaniaux sont dans le Luxembourg et quand on parle de les vendre, les
députés de cette contrée s’y opposent. Cette considération d’intérêt local
qu’on vient de faire valoir ne peut avoir aucune influence sur vos esprits.
Les plus belles propriétés de
Parce que des bois se trouveraient dans le
Luxembourg, ce n’est pas une raison pour qu’ils ne concourent pas au profit de
la masse : si d’autres propriétés ont été vendues, ce n’est pas parce
qu’elles étaient dans le Hainaut, dans le Brabant ; c’est parce qu’on a
considéré leur vente utile à l’Etat.
On a dit que si l’on vendait les forêts on n’en
obtiendrait pas le prix actuellement : mais je crois qu’on se
trompe ; on peut faire pour ces forêts ce que l’on a déjà fait pour
d’autres, et on en toucherait le prix dès aujourd’hui. Vous pouvez donner à
l’acquéreur un terme de 12 années, et emprunter sur la vente ; et vous
auriez de l’argent tout aussi bien que si vous vendiez année par année. Faites
ce qu’on a fait sous le gouvernement hollandais : émettez comme alors des
los-renten, vous toucherez toute la valeur des propriétés et vous la toucherez
sur le champ.
On a fait valoir contre la vente des bois un
changement possible dans la température de la contrée ; cette raison-là
est moins bonne pour le Luxembourg que pour les autres contrées du pays, et
cependant les forêts défrichées dans les autres provinces, n’ont eu aucune
influence sur le climat. Au reste, dans le Luxembourg, les forêts ne sont pas
pour la plupart défrichables.
La question de la température a déjà été
traitée en 1825, et alors on a développé toutes les considérations relatives à
cet objet et je ne m’y arrêterai pas plus longtemps. Un de nos honorables
collèges (M. de Puydt) a fait sur cette matière un travail qui mérite d’être
lu.
On a prétendu que notre crédit pourrait être
affecté par la vente des domaines nationaux.
Messieurs, croyez que sans ces bois vous
n’emprunteriez pas moins facilement. De ce que vous avez pour 20 millions de
bois, cela ne peut rien faire à votre crédit. Le crédit des gouvernements est
dans la poche des contribuables ; lorsque les contribuables sont riches,
lorsqu’il est reconnu que le gouvernement a de l’ordre, de la bonne foi, les
emprunts sont faciles. Les propriétés domaniales ne font rien sans ces
conditions.
On a fait observer qu’on s’était beaucoup
plaint lors de la vente des forêts en 1825, mais c’est à cause de la
destination du prix de la vente ; ce prix devait rembourser une dette que
nous n’avions pas contractée ; c’était au profit de
On a dit que cela nuirait à l’industrie ;
mais d’abord, il me semble que les forêts de l’Etat doivent avant tout servir à
l’Etat ; que l’Etat doit retirer le plus de produits possibles des choses
qu’il possède ; ensuite, je ne sais pas comment cela nuirait à
l’industrie : Certes nous ne craignons pas en Belgique de manquer de fer ;
une crainte de cette nature avait été manifestée à une autre époque, et
l’expérience a suffisamment démontré qu’elle n’était pas fondée.
On a dit, je pense, que les bois provenant des
forêts du Luxembourg, s’exportent en France ; mais cela prouve précisément
que nous produisons plus de bois que nous ne pouvons en consommer, et dès lors,
nous ne devons pas craindre d’en manquer. Ensuite, si
Je dis, messieurs, que l’Etat s’enrichirait
réellement par la vente de ces forêts. Une propriété particulière est toujours
infiniment mieux administrée qu’une propriété de l’Etat ; un particulier
fait produire beaucoup plus à ses propriétés que l’Etat ; ensuite un grand
nombre de propriétés qui ont été vendues en 1825 et 1826 ont déjà passé en cinq
ou six mains et ont chaque fois payé les droits de mutation ; or, si vous
considérez que le prix en a successivement augmenté et que les droits se sont
naturellement accru dans la même proportion, vous reconnaîtrez sans peine que
depuis l’atténuation de ces forêts une partie d’entre elles ont déjà produit
autant à l’Etat que le prix de vente, qui se trouve ainsi doublé.
On a dit encore, messieurs, que la marine
pourrait souffrir de la vente de nos forêts, qu’elle n’obtiendrait plus le bois
nécessaire aux constructions ; je pense, que nous voisins, les Hollandais
et les Anglais, n’ont jamais manqué de bois pour leur marine, cependant aucune
de ces deux puissances ne possède de forêts. Ces deux exemples doivent
entièrement nous rassurer.
« Mais, dit-on, il faut délibérer
longtemps sur une semblable question. » Sans doute cette question doit
être examinée avec maturité, mais enfin s’il est avantageux à l’Etat de vendre,
plus on délibérera plus l’Etat perdra. On peut donc délibérer, mais il faut
aussi finir pas se prononcer.
M. le président – M. le ministre des travaux publics
est-il disposé à continuer maintenant son discours ?
Plusieurs
membres – A demain ! à demain !
M. F. de Mérode – Si M. le ministre des travaux publics est
fatigué, il demandera lui-même que la discussion soit renvoyée à demain, mais
s’il parle aujourd’hui, on aura le temps de réfléchir jusqu’à demain à ce qu’il
aura dit, et ce sera une facilité pour la discussion. Je demande donc que la
séance ne soit pas encore levée, à moins que M. le ministre ne désire lui-même
que la discussion soit remise à demain.
M. le ministre des travaux publics (M. Rogier) – Si la
chambre le désire je suis prêt à continuer, mais je dois lui faire observer que
j’en ai encore pour une heure. (A
demain ! à demain !)
- La séance est levée à 4 heures.