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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 21 janvier 1841

(Moniteur belge n°22 du 22 janvier 1841)

(Présidence de M. Fallon)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Renesse fait l’appel nominal à deux heures.

M. de Villegas lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Renesse présente l’analyse des pièces adressées à la chambre :

« Le sieur P.-J. Callens, blessé de la révolution, demande une pension. »

- Renvoi à la commission des pétitions.

M. Rodenbach – Messieurs, le nom de Callens était très populaire lors de la révolution. Le pétitionnaire a reçu un grand nombre de blessures ; il a été conduit à Anvers par les Hollandais, et il devait être fusillé ; il a été décoré de la croix de fer mais je suis étonné qu’il n’ait point été pensionné. Je demande que la commission soit invitée à faire un prompt rapport.

- Adopté.


« Le sieur Huens Stuyck, marchand de fruits à Anvers, demande à être compris dans les indemnités pour les pertes qu’il a essuyées sur une partie de fruits retenue à Flessingue pendant 101 jours par les Hollandais, perte qu’il évalue à 20,330 francs. »

- Sur la proposition de M. Smits, cette pétition est renvoyée à la commission des indemnités.


« Le sieur C.F. de Mey, ancien magistrat pensionné, demande qu’il soit introduit dans la loi sur les pensions une dispositions en faveur des magistrats infirmes pensionnés en vertu de l’arrêté du 14 septembre 1814, et que leur pension soit portée au taux de la nouvelle loi. »

M. Rodenbach – Comme nous sommes à la veille de discuter la loi des pensions, je demanderai que la commission soit également invitée à faire un prompt rapport sur cette pétition.

M. Maertens – Je pense qu’il vaudrait mieux ordonner le dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi relatif aux pensions.

M. Rodenbach – Si cela peut se faire, si l’on n’objecte pas que le règlement s’y oppose, je préfère le dépôt sur le bureau.

- Le dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi concernant les pensions est ordonné.


« Cinq fabricants de papier colorié de Bruxelles et de Turnhout demandent que leur industrie soit protégée par une augmentation de droits sur les produits similaires étrangers. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Pierre-François Milet, chef d’institution, né en France, habitant la Belgique depuis 1835, demande la naturalisation. »

- Renvoi au ministre de la justice.

Compte-rendu des émissions de bons du trésor

M. le ministre des finances (M. Mercier) adresse à la chambre le compte spécial des émissions de bons du trésor faites en 1840.

La chambre ordonne l’impression de ce document.

Projet de loi accordant un crédit supplémentaire au budget du ministère de la justice

Dépôt

M. le ministre de la justice (M. Leclercq) – Messieurs, j’ai l’honneur de présenter un projet de loi, tendant à accorder à mon département un crédit supplémentaire, destiné à solder les frais de la publication du Bulletin officiel pendant l’année 1840. Vous savez, messieurs, que le prix du Bulletin officiel est fixé d’après le nombre des feuilles d’impression ; ce nombre est plus ou moins grand chaque année ; en 1840, il a dépassé les prévisions du budget.

- La chambre ordonne l’impression et la distribution du projet et le renvoie à la section centrale qui a été chargée de l’examen du budget de la justice, considérée comme commission spéciale.


M. Desmaisières – Messieurs, la commission d’enquête industrie et commerciale que j’ai l’honneur de présider, m’a chargé de vous annoncer qu’elle fera distribuer aujourd’hui ou demain aux membres de la chambre les trois premiers numéros des documents de l’enquête, afin qu’on puisse déjà en prendre connaissance. La commission espère, messieurs, vous soumettre son rapport d’ici à 12 ou 15 jours.

Projet de loi portant le budget du ministère de l'intérieur de l'exercice 1841

Discussion du tableau des crédits

Chapitre XIV. Pêche nationale

Article 4

La discussion continue sur l’article 4 du chapitre XIV : Pêche nationale.

Le chiffre demandé par le gouvernement est de 80,000 francs.

La section centrale en propose l’adoption.

M. Mast de Vries – Messieurs, j’avais demandé la parole à la fin de la séance d’hier pour répondre aux observations faites par l’honorable député d’Ostende et par l’honorable député de Courtray. Mais comme le chiffre demandé par le gouvernement est admis par la section centrale, et qu’il n’est combattu par personne, je ne prolongerai pas la discussion et je me réserverai de présenter les observations que je voulais faire, lorsque nous discuteront le rapport de la commission d’enquête parlementaire.

M. de Mérode – Je n’ai demandé la parole, messieurs, que pour revenir sur une observation que j’ai déjà faite et que je crois utile de renouveler le plus souvent possible. Plusieurs membres de cette chambre réclament constamment la discussion de divers projets de loi ; pour cette année, par exemple, le programme du ministère nous a indiqué comme devant être discutés les projets de loi sur l’enseignement et sur les indemnités ; d’un autre côté on demande la loi sur la pêche nationale ; l’honorable M. de Garcia a demandé une réforme de la loi sur la milice ; nous avons la loi des pensions, la loi des céréales ; toutes ces lois resteront éternellement dans les cartons de la chambre si nous passons toute la session à discuter les budgets. J’espère donc que les honorables membres qui demandent que la chambre s’occupe de ces lois reconnaîtront qu’il faut enfin en venir une bonne fois à faire autre chose que les budgets.

Je pense que le meilleur moyen d’atteindre ce but, ce serait de voter, à la fin de la session, les budgets de 1842 sur le pied de ceux de 1841. S’il y a quelques abus dans les dépenses, qu’on les tolère encore pendant un an ; de cette manière nous pourrons au moins, pendant toute la session prochaine, nous occuper de ces lois qui sont réclamées de toutes parts, et en particulier de la loi sur la pêche nationale, qui vient encore d’être demandée avec tant d’instance. (Appuyé.)

M. Eloy de Burdinne – Messieurs, je serai toujours conséquent avec moi-même : sous le gouvernement précédent, j’ai blâme le système des primes, et l’expérience a démontré que ce système est réellement désastreux ; je suis donc encore obligé de le combattre.

Je crois, messieurs, qu’il est d’autres moyens d’encourager l’industrie de la pêche ; pour cette industrie, comme pour les autres, je réclamerai le marché intérieur ; elle a droit au marché intérieur de même que les autres industries du pays. Eh bien, messieurs, si vous voulez assurer le marché intérieur à la pêche nationale, accordez-lui l’exemption des droits à l’importation du poisson qu’elle aura pris dans la mer, et imposez le poisson qui vient de l’étranger et qui est pris par des pêcheurs qui n’appartiennent pas à la Belgique ; imposez celui-là convenablement et de manière que les pêcheurs de notre pays puissent exercer leur industrie avec avantage.

Dans la séance d’hier, on vous a fait remarquer, messieurs, qu’il est facile de distinguer le poisson pêché par nos pêcheurs du poisson pêché par les Hollandais.

« En Hollande, vous a-t-on dit, le poisson se prend à l’hameçon, et un poisson pris à l’hameçon en conserve toujours la marque lorsqu’il ne conserve pas l’hameçon lui-même. »

Eh bien, messieurs, alors qu’on a un moyen si facile de distinguer le poisson pris par des Hollandais du poisson pris par des Belges, qu’on laisse entrer librement le poisson pris par nos pêcheurs et qu’on impose fortement le poisson pris par les pêcheurs hollandais.

Mais il y aurait encore un autre moyen d’encourager notre pêche. Ce serait, par exemple, de leur donner une partie de la valeur du poisson étranger que l’on aurait cherché à introduire en fraude et qui aurait été confisqué. Qu’on vende ce poisson, et qu’on alloue la moitié de sa valeur aux pêcheurs. Je n’y vois aucun inconvénient.

Le poisson, sans doute, est une nourriture assez générale en Belgique ; mais principalement, vous le savez, le poisson est, en général, la nourriture de la classe aisée ; j’en excepte les côtés, parce que, vers les côtes, le poisson abonde et que les habitants des côtes s’en nourrissent. Mais, en général, ils pêchent le poisson eux-mêmes ; eh bien, les pêcheurs du pays seraient exemptés de payer un impôt à la pêche.

Je vous le demande, est-il bien juste, est-il bien raisonnable de puiser dans la caisse commune les fonds pour encourager la pêche nationale ? Je ne dis pas cela seulement pour la pêche, mais encore pour toutes les industries qui réclament constamment des primes d’encouragement. Est-il bien juste, je vous le demande, que l’argent du contribuable luxembourgeois, qui ne touche jamais à un de vos poissons, serve à faire manger le poisson à meilleur compte aux habitants du Hainaut, de la Flandre, du Brabant, et même des provinces de Liége et de Namur ? Je ne le crois pas, et je ne crois pas devoir donner mon assentiment à des dépenses qui ont un tel but.

On nous a dit qu’il faut encourager la pêche, parce que c’est une école de marine. Ah ! je conçois que la France, l’Angleterre, la Hollande qui sont des puissances de premier ordre aient un intérêt à avoir une école de natation. Mais, je vous le demande, nous trouvons-nous dans la même position que ces trois puissances ? Pour moi, je ne le crois pas.

Enfin, il me paraît que la Belgique veut tout essayer, veut être tout, veut tout faire. Je crains que nous ne soyons réduits à ne plus rien faire du tout. Malgré les reproches qui me sont adressés de différents côtés d’être par trop économe, je vous le déclare formellement, je serai toujours économe des deniers de la nation, surtout à une époque où je prévois que nous finirons pas ne plus pouvoir trouver de matière imposable, pour alimenter nos dépenses.

Messieurs, plus tard, mais quand il sera trop tard, on me saura gré, on me rendra justice d’avoir provoqué ces économies ; alors, on n’aura qu’un regret, celui de n’avoir pas suivi le conseil que j’ai donné.

Messieurs, il me reste à faire une autre observation. Hier, l’on vous a dit qu’il était plus que probable que les pêcheurs anversois introduisaient en fraude une grande quantité de poisson pêché par les Hollandais. Un honorable député d’Anvers a extorqué l’argument ; il a dit aussi que très probablement les pêcheurs d’Ostende introduisaient également en fraude du poisson qu’ils n’avaient pas pêché eux-mêmes. Eh bien, s’il en était ainsi, je vous le demande, messieurs, accorder des primes à ces pêcheurs, n’est-ce pas encourager la fraude, et par suite l’immoralité ? Or, je ne serai jamais disposé à accorder des encouragements immoraux.

On a aussi signalé la misère dans laquelle se trouve le pêcheur d’Ostende. Mais, messieurs, si tous les malheureux venaient se plaindre ici, comme les pêcheurs, par l’organe de leurs députés, il est certain que nous aurions bien des secours à accorder. Certes, je ne suis pas contraire aux charités, mais ces charités, on doit les faire de sa poche, et non pas avec l’argent des contribuables.

M. Donny – Messieurs, je suis tout disposé à imiter l’exemple donné par l’honorable M. Mast de Vries. Si la chambre est disposée à clore la discussion, je me réserve de prendre la parole lorsqu’on présentera le projet de loi sur la pêche.

M. Smits – Parmi les renseignements consignés dans le budget de l’intérieur, je remarque qu’on a accordé une prime pour un nouveau genre de pêche, pour la pêche du poisson frais. Je prierai M. le ministre de vouloir bien me dire à combien peut s’élever approximativement la part de prime destinée à cette catégorie de pêche.

M. le ministre de l’intérieur (M. Liedts) – Messieurs, comme il ne s’est pas encore écoulé une année depuis que cette prime est instituée, je n’ai pas encore reçu jusqu’ici des renseignements pour l’année qui vient de finir, de sorte qu’il m’est impossible d’apprécier exactement le montant des primes pour la pêche du poisson frais à l’hameçon.

M. Smits – C’est que, messieurs, je ne vois pas une très grande nécessité d’accorder ces sortes de primes. La pêche, comme une pépinière de marins, n’est utile sous ce rapport que lorsqu’on la fait dans les hautes latitudes. Le marin ne se forme que par le péril, par les longs voyages. Or, les encouragements donnés à la pêche ont spécialement pour objet de former des marins. Mais la pêche du poisson frais se fait à huit ou dix lieues au plus en mer, et elle n’exige ni frais ni courage ni grande expérience.

Je prie M. le ministre de l'intérieur de vouloir bien examiner ces faits qui me paraissent exacts ; il verra alors s’il faut continuer des primes à une pêche qui ne peut pas atteindre le but qu’on se propose, c’est-à-dire la formation de marins. Je conçois une prime pour la pêche du hareng et du cabillaud ; j’ai été un des premiers à la proposer ; mais, je le répète, pour la pêche du poisson frais qui se fait près des côtes, je n’en vois pas la nécessité.

M. le ministre de l’intérieur (M. Liedts) – Je répondrai à l’honorable préopinant qu’à mon entrée au ministère j’ai trouvé cette mesure établie, et qu’il convient d’en attendre les résultats pendant quelques années au moins, avant de la révoquer, si tant est qu’il y ait lieu de la révoquer. Lorsqu’une mesure a été prise, après une mûre instruction, il ne faut pas qu’on la révoque ou qu’on la modifie sans que l’expérience soit venue en démontrer le vice ou le peu d’utilité.

M. de Muelenaere – Messieurs, il semble que l’importance de la pêche nationale n’est pas assez généralement appréciée. Cependant, il est peu d’industries qui procurent d’aussi grands bénéfices à un pays. Aussi, voyez-vous, notamment en Hollande, qu’on y a toujours favorisé la pêche d’une manière particulière.

Je ne pense donc pas, comme un honorable préopinant, qu’il suffise d’encourager la pêche qui se fait dans les parages éloignés, mais je pense qu’il faut encore, si c’est possible, encourager quelque peu dans notre pays, pendant un certain nombre d’années, la pêche du poisson frais.

Vous savez que cette pêche avait été presque complètement abandonnée en Belgique ; la Hollande s’en était pour ainsi dire exclusivement emparée. De là, messieurs, étaient résultées quelques mauvaises habitudes qu’il faut chercher nécessairement à extirper.

Quand l’honorable membre auquel je réponds connaîtra les mesures qui ont été prises, pour empêcher que des abus ne naissent de la mesure qui paraît avoir été adoptée par le gouvernement, d’accorder une prime très légère à la pêche du poisson frais, je crois qu’il sera d’accord avec moi que cet encouragement n’est pas seulement utile, mais qu’il est encore nécessaire, je ne dis pas à perpétuité, mais pendant un certain nombre d’années, jusqu’à ce qu’on se livre en Belgique, comme en Hollande, d’une manière régulière, à la pêche du poison frais.

Généralement, comme on l’a dit hier, on faisait la pêche du poisson frais avec des filets. Eh bien, en Hollande on a, au contraire, conservé l’habitude de pêcher aussi à l’hameçon. C’est en partie à cette manière différente de pêcher, qui n’est peut-être pas suffisamment appréciée, qu’est due la supériorité du poisson hollandais. Il fait être un peu homme de métier pour comprendre ces détails dans lesquels, d’ailleurs, il serait ridicule et peut-être indigne de cette assemblée d’entrer ; mais l’on concevra cependant facilement que lorsque le poisson a été ballotté pendant plusieurs heures dans les filets, ce poisson est moins frais que lorsqu’il est pêché à l’hameçon. Voilà pourquoi le poisson frais hollandais est d’une qualité supérieure au nôtre.

Eh bien, cette circonstance a attiré à juste titre, selon moi, l’attention du gouvernement, et c’est principalement pour favoriser chez nous l’ancienne pêche à l’hameçon que le gouvernement a institué quelques primes ; mais ces primes sont tellement légères que je suis persuadé que l’honorable préopinant, beaucoup plus compétent que moi en cette matière, reconnaîtra avec moi que la mesure est utile, lorsqu’il saura les règles qui présideront à la répartition des primes.

M. Smits – Messieurs, j’apprécie trop bien l’importance de la pêche pour combattre la mesure qui a été prise. Mais j’ai voulu fixer l’attention du gouvernement sur cette pêche qui n’est favorisée spécialement dans aucun pays. Ni en Hollande, ni en Angleterre, ni en France, que je sache, la pêche du poisson frais n’est protégée par aucune disposition spéciale : la seule protection que la pêche reçoive dans ces différents pays, c’est une protection du tarif. Cette protection existe également ici.

Je saisirai cette occasion pour rectifier une erreur dans laquelle a versé tout à l’heure l’honorable M. Eloy de Burdinne. Il a dit : « Il faut protéger la pêche nationale ; il faut lui assurer le marché intérieur. »

Or, messieurs, le marché intérieur est assuré à la pêche nationale, puisque les droits d’entrée ne frappent pas les poissons provenant de la pêche nationale, mais uniquement les poissons provenant de la pêche étrangère.

Au reste, j’ai voulu soumettre ces considérations au gouvernement qui les appréciera en temps voulu.

M. Eloy de Burdinne – Messieurs, un honorable orateur vient de vous dire qu’il est nécessaire de protéger la pêche, dans le but d’avoir des hommes capables de servir dans la marine. Il nous a cité la Hollande ; or, je suis parfaitement d’accord avec lui à cet égard ; ce qu’il a dit, je l’avais proclamé avant lui, à savoir que dans les pays maritimes, on avait besoin d’une école de marine, et que c’était pour ce motif qu’on y encourageait la pêche. Mais je vous le demande, la Belgique peut-elle et doit-elle être assimilée à la Hollande, comme puissance maritime ? Certes, je ne le pense pas.

L’honorable député d’Anvers, en me répondant, a dit tout à l’heure que le marché intérieur était assuré à la pêche nationale. Je sais que le poisson étranger paie un impôt ; mais quand j’ai dit qu’il fallait assurer le marché intérieur à nos pêcheurs, j’ai entendu qu’on leur accordât une protection suffisante.

Mais il paraît que la protection qu’on leur accorde ne suffit pas, puisqu’on réclame de nouveau un subside ; eh bien, qu’on double, qu’on triple même, s’il le faut, l’impôt établi sur la pêche étranger, alors bien certainement nos pêcheurs auront un avantage sur les étrangers, et un avantage tel qu’ils pourront vivre de leur état.

Mais ce que je blâmerai, c’est de voir prendre largement de celui qui ne consomme pas le poisson, afin de le faire manger à meilleur marché à l’homme opulent. Voilà ce que je trouve ridicule.

- Personne ne demandant plus la parole, le chiffre de 80,000 francs est mis aux voix et adopté.

Article 5

« Art. 5. Musée des arts et de l’industrie nationale : fr. 25,000. »

La section centrale propose de réduire ce chiffre à 25,000 francs.

M. David – Cette fois, toutes les sections et la section centrale elle-même sont d’accord pour refuser au gouvernement la majoration de 25,000 francs qu’il demande en faveur du musée des arts et de l’industrie nationale.

Malgré cette formelle opposition, il existe tant de rapports, tant d’analogie entre les expositions et un musée, que la chambre, sous l’impression de son vote d’hier en faveur de l’exposition pourrait également bien aujourd’hui revenir de sa première décision et accorder ses sympathies au projet du gouvernement.

Messieurs, celui de nous qui déjà ne serait pénétré de l’importance, de l’utilité d’un musée des arts et de l’industrie nationale, n’a qu’à lire le programme qui vient de nous être présenté à ce sujet dans une brochure intitulée :

« Plan d’organisation du musée de l’industrie. »

Ce plan, messieurs, est l’œuvre d’un homme de génie, d’un homme amoureux de la science. Certes, un pareil éloge est grand, mais je le crois tout juste au niveau de la vérité. Cet éloge, messieurs, est désintéressé, je n’ai pas même l’honneur d’être connu de son auteur, mais son auteur, par son remarquable ouvrage sur l’exposition française, a droit d’être connu du monde entier. Il est certainement l’auteur (Erratum inséré le 23 janvier 1841) de l’ouvrage le plus utile, le plus instructif et peut-être le plus spirituel qui puisse tomber sous la main.

Personne donc mieux que lui ne me paraît avoir jusqu’ici indiqué les moyens de donner à un musée national une plus grande portée, un plus haut degré d’intérêt et d’utilité. Je recommande ses idées à M. le ministre de l'intérieur.

Mon honorable collègue, M. Smits, nous a parlé hier d’une petite exposition permanente que l’on établirait avec succès, par exemple, à Anvers, notre métropole commerciale. Cette idée m’a d’abord frappé, et elle me souriait. Après plus mûre réflexion, je me suis dit cependant que là la dépense serait inutile, et voici mes raisons pour penser ainsi.

Le siège du musée complet, où l’on rencontrerait l’échantillonnage de tous les produits de l’industrie belge, étant Bruxelles, il est par trop facile de s’y transporter par le chemin de fer, pour que les capitaines de navire, qui ont intérêt à former leur pacotille de retour, ne s’y rendent. Ils s’y transporteront même avec plaisir ; car je suis sûr qu’il n’entre pas un seul navire dans le port d’Anvers dont le capitaine ne vienne visiter Bruxelles. Seulement, lorsque le musée sera complet et bien dirigé, il conviendra que les courtiers de nos ports appellent l’attention des capitaines de navire sur l’intérêt qu’il y a pour eux à venir jeter un coup d’œil sur la variété de nos produits. Certainement qu’alors la vue des choses auxquelles leur imagination ne pouvait penser, amènera bien des affaires qui n’eussent jamais été faites sans le musée.

M. Lys – La somme réclamée par M. le ministre est destinée, ainsi qu’il vous l’annonce, à réorganiser l’établissement du musée des arts et de l’industrie nationale, à son développement, et à lui donner une direction mieux en rapport avec les besoins et les progrès de l’industrie.

Dès lors, messieurs, ce ne serait pas une économie de lui refuser les fonds nécessaires pour rendre cet établissement propre à remplir sa destination, qui est de servir à l’instruction et à l’utilité des industriels.

Il est à désirer, messieurs, que le gouvernement place bientôt à la tête de cet établissement un directeur actif et intelligent qui possède les connaissances et ait assez d’expérience pour parvenir à réorganiser le musée dont je vous entretiens.

On devrait rentrer dans cet établissement les dessins de toutes les machines qui se fabriquent en Belgique, et il devrait se pourvoir de toutes les nouvelles productions en ce genre, afin de mettre nos industriels dans le cas de se procurer sans déplacement, tandis qu’aujourd’hui ils sont forcés à en faire de forts longs et fort coûteux.

Le musée devrait être un bazar où on rencontrerait les échantillons de tout ce qui se fabrique dans le pays, ce serait alors une exposition continuelle des objets d’art et de l’industrie qui pourraient consulter et le régnicole et l’étranger, et pour leur en faciliter l’acquisition, le prix de tous les objets exposés en échantillons devrait être indiqué, ainsi que l’adresse du fabricant.

Je me suis permis, messieurs, de faire ces indications pour démontrer que le musée, jusqu’à ce jour, n’a été qu’un simple objet de curiosité sans être d’aucune utilité. Mais je dois ajouter que ce qui lui est indispensable, c’est un directeur actif et intelligent.

M. le ministre de l’intérieur (M. Liedts) – Messieurs, lorsque le budget fut envoyé aux membres des chambres avant même l’ouverture de la session, j’avais l’espoir qu’il pourrait être adopté avant le premier janvier. C’est dans la prévision que je pourrais organiser, dès le commencement de l’année, le musée des arts et de l’industrie, que j’avais demandé une somme de 50 mille francs. Maintenant que deux mois au moins s’écouleront avant qu’on puisse songer à l’organisation du musée des arts et de l’industrie, je crois pouvoir réduire le chiffre, pour cette année seulement, à 40 mille francs au lieu de 50 mille, sauf à revenir à ce dernier chiffre au prochain budget.

Messieurs, chaque année, les sections ont émis le vœu que le gouvernement s’occupât de l’organisation du musée des arts et de l’industrie. Déjà en 1836, un honorable député de Tournay disait dans cette enceinte que le musée des arts et métiers de Bruxelles état une véritable collection de jouets d’enfants. Tous les ans les sections ont émis le vœu qu’on mît un terme à cet état de choses. Eh effet, si on examine ce musée au point de vue des services qu’il peut rendre dans l’état actuel de son organisation, du moins en ce qui concerne la partie industrielle, on trouve qu’il ne peut être d’aucune utilité, et que les fonds qui y sont consacrés, le sont en pure perte. Il y a deux parties très distinctes dans ce musée, une partie scientifique et une autre qu’on peut appeler industrielle. La partie scientifique tenue plus ou moins au niveau des sciences physiques et chimiques, peut, jusqu’à un certain pont, rendre des services aux savants du pays. Cette partie a moins besoin d’organisation que la partie industrielle. Quant à celle-ci, il est vrai de dire qu’elle est sans aucune utilité alors qu’elle pourrait rendre d’immenses services.

Si on veut considérer le musée comme une simple collection de machines, il sera impossible de la tenir jamais au courant des améliorations apportées successivement dans les mécaniques industrielles ; il ne faudrait pas pour cela 25 ou 50 mille francs par an, mais plus d’un million, et aucun bâtiment dans la capitale ou dans le reste du pays ne suffirait pour la réunir.

Cette collection est donc une idée à laquelle il faut renoncer. Mais ce qui est très facile et ce qui peut remplacer une collection de toutes les mécaniques, c’est une collection d’épures faite par d’habiles dessinateurs de mécaniques qui malheureusement n’existent pas encore dans le pays. En Angleterre, il n’est pas rare de rencontrer dans les ateliers un ou deux dessinateurs de machines. C’est à cela qu’on doit en grande partie attribuer leur supériorité.

Le musée des arts et de l’industrie tel que je le conçois doit devenir un bureau de consultations industrielles gratuites ; c’est-à-dire que chaque individu du pays qui aura besoin d’avoir un renseignement ou de prendre un conseil ou une information quelconque qui se rapporte à son industrie, pourra, en s’adressant au directeur de ce musée, obtenir pleine satisfaction, se faire mettre sous les yeux les dessins de toutes les mécaniques qu’on rencontre dans tous les pays, être aidé de ses conseils, apprendre que telle méthode plus perfectionnée est employée dans tel pays, qu’il pourra, avec plus de succès, soutenir la concurrence en faisant usage de telle machine plutôt que de telle autre, en un mot, d’instruire sur tout ce qui peut le mettre à même de produire mieux et à meilleur marché qu’il n’avait fait jusqu’alors.

En Angleterre des bureaux semblables existent. Mais là ce sont de savants technologues, qui se font payer comme des avocats, auxquels on va demander un conseil. C’est à ces savants technologues que s’adressent les industriels qui veulent établir une industrie nouvelle ou perfectionner une industrie déjà existante, pour obtenir des conseils. Ces technologues, à la longue, finissent par amasser une fortune considérable. Ce que fait en Angleterre l’industrie particulière. Je veux que le gouvernement le fasse en Belgique, je veux que le musée des arts et de l’industrie doté d’un homme instruit et savant puisse rendre à l’industrie du pays les services que rendent à l’industrie anglaise les savants dont je viens de parler.

Messieurs, celui qui serait ainsi placer à la tête du musée industriel des arts et métiers rendrait encore au pays d’autres services.

Vous venez de lire dans le Moniteur d’avant-hier une longue série de brevets d’invention et de perfectionnement tombés dans le domaine public. Je vous demande quelle utilité peut tirer la Belgique en lisant qu’un brevet peut dépolir le verre, qu’un autre relatif à une nouvelle méthode pour tanner le cuir sont tombés dans le domaine public ? Quelle utilité, je vous le demande, le pays peut-il tirer de ce renseignement ? Il faut pour cela soit réellement utile et que la loi qui exige la publication des brevets tombés dans le domaine public soit exécutée, non seulement quant au texte, mais quant à son esprit, il se publie une espèce de journal technologique qui comprenne non pas toutes les inventions de tous les perfectionnements tombés dans le domaine public, mais les principales. Ce journal devra se publier à bon compte et être distribué aux chambres de commerce et d’agriculture, afin que tous les industriels soient à même de tirer tout l’avantage possible des brevets d’invention et de perfectionnement tombés dans le domaine public.

Je sais qu’il y a Belgique un librairie qui publie quelques-uns des brevets d’invention et de perfectionnement tombés dans le domaine public. Mais le cadre de cette publication est trop restreint, elle ne peut pas remplacer le journal technologique tel que je le comprends.

Messieurs, ces publications se font dans tous les pays où les brevets d’invention et de perfectionnement sont mis sous l’égide de la loi. C’est ainsi qu’en France on publie tous les ans deux volumes comprenant les brevets tombés dans le domaine public.

Cependant je désire que la chambre ne s’effraye pas de l’annonce de ce journal. Si elle vote l’allocation demandée, mon intention est d’apporter toute l’économie dans la dépense, afin d’atteindre le but que je me propose, c’est-à-dire qu’il arrive à la connaissance de tous les industriels du pays.

Messieurs, s’il ne s’agissait que la partie industrielle du musée, peut-être une somme de 30,000 fr., pourrait-elle suffire ; mais nous avons aussi la partie scientifique dont j’ai parlé en premier lieu, que nous ne pouvons pas négliger. Elle est presque complète aujourd’hui ; nous ne pouvons pas nous dispenser de la tenir au courant de la science. Il est donc de toute impossibilité, avec le chiffre primitif, d’organiser la partie industrielle et de tenir la partie scientifique au courant.

Maintenant, quelque grand que paraisse le sacrifice à faire, il ne doit pas cependant arrêter la législature ; si on considère les immenses sacrifices que le pays fait pour l’instruction des classes aisées, et le peu qu’on fait pour l’instruction industrielle du pays, je dis que c’est une bagatelle, eu égard à ce qu’on fait pour les universités, les athénées et l’instruction primaire. Il semblerait, à voir les bases sur lesquelles l’instruction primaire est fondée, en France et en Belgique, que les hommes qui veulent étudier sont destinés à devenir médecins, avocats ou prêtres, tandis que les sept huitièmes de ceux qui se jettent dans l’un de ces trois carrières s’arrêtent en chemin pour embrasser l’un ou l’autre industrie.

La société alors les abandonne alors à eux-mêmes, et c’est un mal. Quelque chose a été fait au moyen de l’école industrielle, mais cela ne suffit pas ; ici il s’agit d’une industrie permanente, de tous les jours, où les industriels pourront aller prendre des renseignements, s’instruire chacun dans la branche qu’il pratique, et cela gratuitement.

Je crois que le sacrifice, eu égard à l’utilité qu’en retirera l’industrie du pays, ne sera pas considéré comme trop grand, et sera accordé par la chambre.

M. Maertens, rapporteur – Quand un projet de loi est présenté, le premier soin est de consulter les motifs exposés à l’appui de ce projet. C’est ce qu’on a fait dans l’espèce, mais malheureusement la chambre n’a trouvé aucun renseignement suffisant dans les développements qui accompagnent le budget de l’intérieur. Les années précédentes une somme de 25,000 francs a été allouée pour le musée des arts et de l’industrie, cette année, on demande une somme double, une somme de 50,000 fr. Voici en quels termes s’explique le ministre à cet égard dans le budget :

« Le gouvernement se proposant de réorganiser cet établissement et de lui donner un développement et une direction mieux en rapport avec les besoins et les progrès de l’industrie, se trouve dans la nécessité de réclamer à cet effet une majoration de 25,000 fr., destinée, concurremment avec le crédit de 25,000 francs précédemment alloué, à pourvoir le musée des objets dont il importe essentiellement qu’il soit pourvu. »

On ne peut pas être plus laconique que cela. Si on avait ajouté d’autres considérations, si on avait communiqué les bases d’après lesquelles on se proposait d’organiser le musée, si on avait donné un aperçu des nouvelles machines qu’il importait d’acquérir, il est possible que les sections et après elle la section centrale refusassent la majoration portée au budget.

Aujourd’hui le ministre vient d’entrer dans de nouveaux développements et de réduire son chiffre à celui de 40,000 francs, parce qu’il pense que, pour cette année, cette somme suffira pour procéder à sa nouvelle organisation.

Il est probable que le budget de 1842 sera présenté dans le courant de cette session : il est probable qu’il pourra être voté dans la session actuelle, dès lors ne vaudrait-il pas mieux différer de statuer sur cet objet jusqu’à la discussion du budget de 1842 ? Cet ajournement, qui ne serait pas bien long, aurait au moins cet avantage que la chambre entière pourrait examiner le plan du gouvernement et se prononcer en connaissance de cause. Et si alors des membres de cette assemblée avaient des vues utiles à présenter, la chambre et le gouvernement pourraient les prendre en considération et la réorganisation du musée ne ferait qu’y gagner.

M. le ministre de l’intérieur (M. Liedts) – Lorsque la section centrale m’a fait l’honneur de m’appeler, non seulement j’ai donné les explications qu’on a bien voulu me demander, mais encore j’ai interpellé les membres de la section centrale ; je leur ai dit que si quelques-uns d’entre eux désiraient d’autres explications, j’étais prêt à les donner. Il m’est impossible d’aller plus loin.

Quant à faire imprimer, dans le budget, les explications dans lesquelles je viens d’entrer, on comprendra que ce n’était pas possible.

L’honorable député de Bruges semble désirer qu’on ajourne l’allocation au budget prochain, parce que d’ici là on pourrait méditer l’organisation projetée. Mais tant que les fonds ne sont pas alloués, il est impossible d’organiser. Si je fais une nouvelle organisation, et que la chambre refusât l’allocation, on ferait à juste titre un reproche au gouvernement d’avoir voulu en quelque sorte forcer la main aux chambres.

C’est d’ailleurs une affaire tout à fait administrative pour laquelle je n’attends plus que l’adoption du chiffre par la chambre.

Le subside est si peu exagéré qu’avant la révolution on allouait autant de florins qu’on demande aujourd’hui de francs. On allouait 40,000 florins avant la révolution. Je suis persuadé que, tel qu’il sera organisé, le musée de l’industrie rendra la double de services qu’il a rendus avant et depuis la révolution.

M. Brabant – L’établissement pour lequel il est demandé une augmentation de subside est certes, s’il était bien organisé, le plus utile que l’on pût créer en faveur de l’industrie ; car ce qui existe ne peut jamais être d’aucune utilité à l’industrie. Il est important qu’il soit à la hauteur des besoins auxquels il doit satisfaire ; il est important que l’on ne commence pas la dépense avant d’avoir bien mûri l’organisation de cet établissement.

Je demanderai à M. le ministre de l'intérieur s’il y a eu une commission nommée pour poser les bases d’organisation de cet établissement.

M. le ministre de l’intérieur (M. Liedts) – Cette commission s’est réunie chez moi ; elle était composée en partie d’hommes versés dans les sciences physiques, en partie d’industries pris parmi les plus distingués du pays, tels que MM. Biolley, Basse, etc. Cette commission a bien voulu m’éclairer de ses lumières. C’est d’après son avis que j’ai arrêté le plan d’organisation qui, si le crédit demandé est alloué, sera mis en exécution dans le courant de l’année, du moins en ce qui concerne la partie industrielle.

M. Brabant – Quoique M. le ministre de l'intérieur déclare qu’une commission s’est occupée de cet objet, je ne crois pas que le travail soit assez mûri pour qu’on doive allouer dès aujourd’hui les fonds demandés par le gouvernement. En effet, je n’ai entendu parler que d’un directeur ; or, je ne pense pas qu’il y ait, je ne dirai pas en Belgique, mais en Europe, un homme qui puise prétendre réunir, en mécanique et en chimie, les connaissances nécessaires pour donner des conseils sûrs aux industriels qui lui en réclameront de lui.

M. le ministre de l'intérieur nous a fait observer que la partie la plus importante, la seule partie qu’on puisse réellement soigner dans cet établissement, c’était la partie des livres et des dessins. En effet, quand on connaît la fertilité d’inventions de notre époque, on conçoit qu’il serait impossible de réunir une collection tant soit peu complète de mécaniques. Mais les dessins sont faits aujourd’hui avant tant de soin qu’ils peuvent être, pour les industriels de la même utilité que les mécaniques.

Qu’on consacre le subside alloué jusqu’ici à montrer une bibliothèque technologique et qu’on livre à la publicité le plan d’organisation ; on pourra profiter des observations dont il sera sans doute l’objet.

M. Dumortier – Depuis plusieurs années, je me suis levé, lorsqu’on a discuté le budget de l’intérieur, pour parler sur l’article en discussion. Mon opinion a toujours été que cet établissement ne suffisait en aucune manière aux besoins du pays, que le personnel ne répondait en aucune manière aux résultats que l’Etat doit en attendre.

J’ai toujours pensé que, tel qu’il est organisé, cet établissement était un magasin de jouets d’enfant, et rien de plus. Sous ce point de vue, j’ai dit souvent qu’il valait mieux supprimer l’article du budget que de laisser les choses sur le pied où elles étaient. Depuis 10 ans, vous avez alloué chaque année, à ce titre, 25,000 francs. Voilà 250,000 francs alloués depuis la révolution ! A quoi cela a-t-il servi ? Qu’a produit cette somme ? Rien, absolument rien. C’est de l’argent perdu pour le pays. Certes, plus que de continuer ainsi, mieux vaudrait supprimer le crédit. Je ne sais ce que fera la chambre, quant au chiffre proposé. Dans son système de rejeter toutes les majorations, il est possible qu’elle rejette celle-ci. Mais, pour mon compte, je crois que cela ne devrait pas empêcher M. le ministre de l'intérieur de commencer la réorganisation de cet établissement. La question n’est pas de savoir si l’on aura quelques mille fracs de plus ou de moins, mais de savoir si l’établissement sera réorganisé, et surtout s’il y aura à sa tête une capacité, et assurément il y en a dans le pays.

Depuis quelques années, le musée est tellement malade qu’on l’avais mis entre les mains des médecins et des apothicaires, quelles que fussent leurs connaissance son conviendra que ce n’était pas leur partie.

Je ne partage pas l’opinion qu’il faille faire du musée une université au petit pied. Qui fréquenterait une université de ce genre ? Des ouvriers ; mais le musée est fait pour les maîtres, pour les fabricants, pour les hauts industriels. Le moyen le plus efficace sera la publication d’un journal mensuel, où l’on signalerait toutes les améliorations introduites, tant à l’étranger que dans le pays, dans les diverses branches d’industrie. Mais toute la question est, je le répète, dans le personnel de l’établissement ; et nous n’avons rien à espérer d’une commission qui n’a pas rempli le but, qui n’a pas fait ce qu’on était en droit d’attendre d’elle.

M. le ministre de l’intérieur (M. Liedts) – L’honorable préopinant se trompe, s’il croit qu’il sera possible, avec un crédit de 25,000 francs, de réorganiser le musée de l’industrie. Les dépenses actuelles du musée absorbent ce crédit. Son personnel coûte 7,000 francs. Il y a des dépenses d’entretien des machines et instruments : enfin, il faut tenir au courant la collection des instruments de physique et de chimie ; sans cela, mieux vaudrait y renoncer.

En supposant que je puisse économiser sur ce crédit une somme de 5 ou 6 mille francs, et qu’il me fût possible ainsi de pourvoir au traitement d’un directeur, toujours me serait-il impossible de faire les frais du journal dont a parlé l’honorable M. Dumortier.

Outre cela, messieurs, le musée n’est pas du tout au courant des ouvrages qui paraissent à l’étranger sur l’industrie, et il faut que la bibliothèque du musée de procure ces ouvrages et les dessins.

D’un autre côté, la possession des dessins n’aura pas seulement pour mission de procurer à l’établissement les épures des meilleures mécaniques nouvellement inventées, mais il aura aussi pour mission, moyennant, si on veut un léger tarif, de procurer aux industriels qui le demanderont des copies de ces mécaniques, de ces inventions nouvelles.

Ainsi, messieurs, il est impossible d’arriver à organiser tout cela avec la somme qui a été entièrement dépensée jusqu’ici, dans l’état de désorganisation où le musée se trouve.

Ce serait bien moins possible encore si on voulait dès aujourd’hui exécuter les plans de l’honorable M. Brabant, qui, si j’ai bien compris, diffèrent un peu de ceux de l’honorable M. Dumortier. Car il voudrait dès aujourd’hui qu’on établît la division de la partie scientifique et de la partie industrielle, et qu’il y eût un directeur spécial pour chaque branche.

Quant à la partie scientifique, le gouvernement n’a pas pris de décision. Je n’ose déclarer que cette année on arrivera à une organisation définitive. Mais pour la partie industrielle, je me suis expliqué, le gouvernement s’occupera de suite de cette organisation.

- Personne ne réclamant la parole, le chiffre de 40,000 francs proposé par le gouvernement est mis aux voix et adopté.

Article 6

« Art. 6. Primes et encouragements aux arts mécaniques et à l’industrie, aux termes de la loi du 25 janvier 1817, n°6, sur les fonds provenant des droits de brevets, et tous frais d’administration et de délivrance de brevets (personnel et matériel) : fr. 24,000 »

- Cet article est adopté sans discussion.

Chapitre XV. Dépenses imprévues

Article unique

« Art. unique – Crédit ouvert pour les dépenses imprévues : fr. 20,000. »

-Cet article est adopté sans discussion.

M. le président – Conformément au règlement, le second vote du budget est remis à samedi.

Motion d’ordre relative au subside pour le jardin botanique de Bruxelles

M. Dumortier – Messieurs, je voudrais savoir si on ne pourrait s’occuper samedi de la question du subside demandé par le gouvernement pour le jardin botanique de Bruxelles. Je ferai remarquer qu’il y a urgence à se prononcer sur ce point. Car, si ma mémoire est fidèle, c’est au commencement de février que l’assemblée générale des actionnaires doit se réunir et statuer définitivement sur la conservation du jardin.

Il est donc prudent et sage que la chambre se prononce avant cette époque ; vous avez le temps d’examiner la question avant samedi ; il me paraît dès lors qu’on pourrait s’en occuper au second vote du budget de l’intérieur. Car si vous l’ajourniez indéfiniment, vous pourrez plus tard regretter de ne point avoir pris une résolution.

M. Rodenbach – Messieurs, le rapport de la section centrale relativement à la société d’horticulture, a formellement (manque quelques mots) qu’on nous présenterait un projet de loi spécial. On veut donc nous faire examiner pour samedi un projet spécial.

Nous avons accordé l’ancien subside. La société, qui ne paraît pas faire de brillantes affaires, est maintenant pressée et en réclame un second de 12,000 francs. Mais il me semble que, parce qu’une société est aux abois, il ne faut pas mettre tant d’empressement à voter une loi qui ne nous est pas même présentée, à laquelle peut-être le gouvernement n’a pas encore pensé.

D’ailleurs nous avons à nous occuper d’objets plus importants, qui ne regardent pas seulement une société, mais toute la nation ; nous avons à nous occuper des budgets.

Je demande donc que la proposition de l’honorable M. Dumortier soit ajournée et que nous nous occupions aujourd’hui d’un projet relatif à une séparation de commune, car quant à la loi des pensions, c’est un objet important qui demande à être étudié et dont la discussion durera d’ailleurs probablement plusieurs jours.

Je ne crois pas non plus que nous puissions discuter aujourd’hui le budget des finances ; nous avons eu à peine le temps de lire le rapport. Nous pourrons nous en occuper demain.

Quant à la proposition de l’honorable M. Dumortier, nous nous en occuperons plus tard, quand nous aurons le temps, quand nous aurons réglé les questions relatives aux intérêts généraux du pays, questions qui doivent avoir la priorité sur une demande de subside en faveur d’une société d’horticulture qui ne peut faire ses affaires.

M. Dumortier – Messieurs, je dois protester contre les paroles de l’honorable préopinant ; il ne s’agit nullement ici d’une société qui fait plus ou moins bien ses affaires ; cela m’occupe fort peu. Il s’agit de savoir si vous voulez enlever ou non un de nos monuments les plus remarquables, un monument qui honore la capitale et le pays. Voulez-vous que, sur l’emplacement de ce monument, on construise des rues et des maisons ? Voilà toute la question. L’honorable préopinant a-t-il intérêt à ce qu’on puisse dire que le gouvernement, né de la révolution à laquelle l’honorable M. Rodenbach a coopéré, n’a pu conserver ce qui avait été établi par le gouvernement précédent ?

M. Dubus (aîné) – Ce n’est pas là la question.

M. Dumortier – C’est là la question. La question tout entière est dans ceci.

Depuis dix ans les actionnaires de la société d’horticulture n’ont touché aucun intérêt de leurs actions. Ils ont décidé que si, pour le commencement de février, il n’intervenait pas une résolution qui leur fît espérer un faible intérêt pour leurs actions, on vendrait le terrain pour en faire des rues et y bâtir des maisons.

Voilà à quel point en sont les choses. Maintenant, je ne comprends pas quels motifs on peut avoir pour ajourner une pareille question. Abordez-là donc franchement ; que ceux qui ne sont pas d’intention d’accorder le subside le rejettent ; mais ne venez pas, par des fins de non-recevoir, empêcher qu’une résolution soit prise avant le terme fatal.

Si le gouvernement croît encore pouvoir présenter son projet à temps et le faire examiner avant la réunion de la société d’horticulture, je n’ai aucune observation ultérieure à faire. Mais je ne veux pas qu’on puisse supposer que nous voulons ajourner indéfiniment une question qui nécessite un prompt examen. Car je le répète, il y a urgence de savoir si on veut conserver un des plus beaux monuments de la capitale.

M. Dubus (aîné) – C’est moi qui ai fait la motion du renvoi de la demande de subside de la section centrale, motion à la suite de laquelle la chambre s’est prononcée, d’accord avec le gouvernement, pour l’ajournement ; et je n’ai pas entendu qu’on ait rien dit qui infirme le moins du monde la décision qui a été prise.

Car quelle est la question ? C’est, dit-on, de savoir si on conservera le monument. Mais la première question est de savoir si on pourra le conserver quand on le voudrait. Or, sur cette question, nous n’avons encore aucun renseignement certain.

Nous avons demandé au gouvernement, la section centrale a demandé à M. le ministre, s’il faudrait voter l’allocation du crédit à perpétuité ; en second lieu, si en votant cette augmentation on aurait la certitude de conserver l’établissement, ou pour combien de temps on le conserverait.

Eh bien, sur tous ces points nous n’avons pu obtenir aucun renseignement. Or, si l’établissement doit être détruit dans deux, trois ou quatre ans, quel intérêt avons-nous de le conserver pour si peu de temps ? Evidemment aucun.

Ainsi le motif principal qui a déterminer la chambre et la section centrale subsiste ; nous n’avons aucun renseignement sur la question de savoir quelle sera la hauteur du sacrifice et si, moyennant ce sacrifice, le monument sera définitivement conservé.

En second lieu, une considération avait aussi fait impression sur la chambre ; c’est qu’il y a eu refus de la part de la province de concourir, pour rien que ce soit, à la conservation d’un monument qu’on regarde comme un des ornements de Bruxelles, et par conséquent de la province.

Il n’a donc rien été décidé. Il a été déclaré que cette augmentation de crédit ferait l’objet d’un projet de loi spécial, dans le cas où le gouvernement acquerrait la certitude que, moyennant un crédit quelconque, le monument serait définitivement conservé.

M. le ministre de l’intérieur (M. Liedts) – Messieurs, la chambre se rappellera probablement ce qui s’était passé. J’avais demandé au budget une somme double de celle qui avait été allouée les autres années. La chambre a renvoyé cette proposition, faite en séance publique, à la section centrale. Celle-ci m’a interpellé sur la question de savoir, si en doublant ainsi le chiffre, le pays avait la garantie que le jardin serait conservé.

Bien que j’en eusse la conviction personnelle, puisée dans des conversations particulières que j’ai eues avec des membres de la société, cependant je ne pouvais en donner la garantie tout à fait positive. J’ai donc consenti à ce que cette majoration de subside fût retirée du budget, me réservant d’en faire l’objet d’un projet de loi spécial.

Je n’ai pas perdu de temps : le jour même où la chambre a pris la résolution, je me suis adressé par lettre à la commission du jardin pour avoir une garantie de conservation moyennant le subside double.

J’espère pouvoir présenter au premier jour le projet de loi, et je crois que si l’assemblée générale de la société se réunir, elle n’ira pas, en présence des bonnes intentions du gouvernement, se décider à vendre les terrains, alors que huit jours plus tard viendrait une loi qui mettrait un terme à la situation de son état financier.

M. Dumortier – Par suite de ces explications, je n’insisterai pas sur ma motion.

Projet de loi qui divise la commune de Berchem-Sainte-Agathe pour former des communes distinctes sous les noms de Berchem-Sainte-Agathe et de Koekelberg

Discussion des articles et vote sur l'ensemble

Personne ne demandant la parole dans la discussion générale, on passe à la délibération sur les articles qui sont adoptés sans discussion dans les termes suivants :

« Art. 1er. La commune de Berchem-Sainte-Agathe, province de Brabant, est divisée et formera deux communes distinctes sous les noms de Berchem-Saint-Agathe et de Koekelberg.

« Les limites séparatives de ces communes sont fixées telles qu’elle se trouvent indiquées au plan figuratif des lieux, par une ligne tracée en violet qui va du point A au point B. »


« Art. 2. Le cens électoral et le nombre des conseillers à élire dans ces nouvelles communes seront déterminés par l’arrêté royal fixant le chiffre de leur population. »


- Il est procédé au vote par appel nominal sur l’ensemble du projet, qui est adopté à l’unanimité par les 65 membres présents.

Ce sont : MM. Brabant, Coghen, Cools, David, de Behr, Dechamps, Dedecker, de Florisone, de Garcia de la Vega, de Langhe, Delehaye, Delfosse, de Man d’Attenrode, de Meer de Moorsel, de Mérode, de Muelenaere, de Nef, de Perceval, de Potter, de Renesse, de Sécus, Desmaisières, de Terbecq, de Theux, Devaux, de Villegas, Doignon, Dolez, Dubois, Dubus (aîné), B. Dubus, Dumortier, Eloy de Burdinne, Kervyn, Lange, Lebeau, Leclercq, Liedts, Lys, Maertens, Mast de Vries, Mercier, Milcamps, Morel-Danheel, Peeters, Pirmez, Pirson, Puissant, Raikem, Raymaeckers, Rodenbach, Rogier, Simons, Smits, Thienpont, Troye, Ullens, Van Cutsem, Vandenbossche, Vandenhove, Van Volxem, Verhaegen, Wallaert, Zoude et Fallon.

Ordre des travaux de la chambre

M. le président – Nous avons maintenant à l’ordre du jour la loi des pensions et le budget des finances.

M. Lys – Le budget des finances.

M. Dubus (aîné) – Je présume qu’on ne clora pas la discussion aujourd’hui, car il y a des membres qui n’ont pas seulement pu lire le rapport.

M. le président – On peut toujours entendre les orateurs qui sont préparés.

Un membre – Discutons la loi des pensions.

M. Dumortier – On ne peut pas commencer cette discussion et l’interrompre ensuite pour discuter le budget des finances.

- Personne ne demandant la parole pour la discussion du budget des finances, la séance est levée et renvoyée à demain à midi.