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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 2 février 1841

(Moniteur belge n°34 du 3 février 1841)

(Présidence de M. Fallon)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Lejeune procède à l’appel nominal à 12 heures et demie.

M. Scheyven donne lecture du procès-verbal de la séance précédente, dont la rédaction est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. Lejeune fait connaître l’analyse des pièces suivantes.

« Le sieur Adam-Jean Karl, domicilié à Agimont (Namur), né à Bois-le-Duc, d’un père allemand, habitant la Belgique depuis 13 ans, demande la naturalisation. »

« Le sieur Siméon Robin, clerc agrégé au bureau des contributions directes, etc. à Olloy, né en France et domicilié en Belgique depuis 1816, demande la naturalisation. »

- Ces deux pétitions sont renvoyées à M. le ministre de la justice.


« Des ecclésiastiques démissionnaires de la province du Limbourg demande qu’on régularise leur position en convertissant en pension les secours que l’Etat leur accorde. »

- Cette pétition sera déposée sur le bureau pendant la discussion du projet de loi sur les pensions.


« Des tanneurs du Hainaut demandent une augmentation du droit de sortie sur les cuirs et peaux de veaux frais ou salés, et un droit de 6 p.c. su la valeur des peaux séchées en poils. »

- Sur la demande de M. Dubus (aîné), la commission des pétitions, à laquelle cette pétition est renvoyée, est invitée à en faire l’objet d’un prompt rapport.


« Des marchands de fer de Wervicq (Flandre occidentale) demandent qu’on adopte des mesures protectrices de leur industrie en augmentant les droits d’entrée sur les fabricats étrangers et en supprimant le droit de sortie de ½ p.c. »

« Même pétition des fabricants de fil de lin à coudre de Courtray qui soumettent pour renseignements un projet de modifications aux droits d’entrée et de sortie sur cet article. »

- Sur la demande de M. Desmet ces deux pétitions sont renvoyées à la commission d’industrie avec demande d’un prompt rapport.


« Des cultivateurs de la province de Liége demandent la suppression du droit sur les chevaux mixtes principalement employés aux travaux agricoles et accidentellement à la selle. »

M. Eloy de Burdinne – Messieurs, on vient de donner l’analyse d’une pétition adressée à la chambre, signée de grand nombre de cultivateurs et autres.

Cette pétition signale des mesures fiscales, contraires à la loi et contraires à l’opinion émise dans le temps par l’honorable M. d’Huart, alors ministre des finances et auteur de la loi, opinion transmise par une circulaire adressée aux fonctionnaires de l’administration des contributions.

Cette déclaration a rapport aux chevaux d’agriculture, accidentellement montés par des cultivateurs.

Comme les prétentions de l’administration des contributions paraissent s’écarter du sens et de l’esprit de la loi ; en outre que ces sortes de tracasseries sont de nature à dépopulariser le gouvernement, je demande le renvoi de cette pétition à la commission avec demande d’un prompt rapport, je le demande avec d’autant plus de raison, que des mesures arbitraires de l’espèce et de celles que j’ai signalées précédemment nuisent considérablement au gouvernement en le dépopularisant complètement.

M. de Garcia – J’appuie, messieurs, la demande de l’honorable M. Eloy de Burdinne, d’abord parce que, comme magistrat, j’ai été appelé à appliquer la loi dont il s’agit. Cette loi dans son application a soulevé des difficultés ; elle a été portée, je pense, dans le but de faire cesser un doute que présentait la loi précédente, où il y avait incertitude sur le point de savoir ce qu’on devait considérer comme cheval de luxe ou cheval mixte ; la jurisprudence des tribunaux était divisée sur ce point ; le législateur, en voulant faire disparaître ce doute, en a fait naître un nouveau ; il n’y a plus de doute aujourd’hui sur ce qu’il faut considérer comme cheval de luxe, mais il y en a un sur la question de savoir ce qu’il faut considérer comme cheval mixte, si un cheval servant principalement aux travaux de l’agriculture, mais monté accidentellement par les fermiers, doit être considéré comme cheval mite soumis au moindre droit. Ce point qui depuis longtemps a occupé les tribunaux de première instance, doit avoir reçu une solution par la magistrature supérieure. M. le ministre doit en savoir quelques chose ; et si ces décisions étaient favorables aux prétentions de l’administration l’on devrait convenir que c’est sans fondement qu’on accuserait de vexation les employés qui poursuivraient la rentrée de ce droit. M. le ministre pourra nous faire connaître à quoi en est la jurisprudence sur ce point.

- La proposition de M. Eloy de Burdinne est adoptée.


M. Dumortier écrit à la chambre pour l’informer qu’une indisposition grave et subite l’empêche d’assister à la séance.

- Pris pour notification.

Projet de loi portant le budget du ministère de la guerre de l'exercice 1841

Rapport de la section centrale

M. de Puydt monte à la tribune et dépose le rapport de la section centrale qui a été chargé d’examiner le budget de la guerre.

- La chambre ordonne l’impression du rapport. Le jour de la distribution sera fixé après que le rapport aura été distribué.

Projet de loi, détaché du projet de budget des voies et moyens, sur les distilleries

Discussion des articles

Articles 3 et 4

M. le président – L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi relatif aux distilleries. Nous en sommes arrivés à l’article 3 du projet de la section centrale, qui est ainsi conçu :

« Art. 3. Les paragraphes 1er et 4 de l’article 3 de la loi du 27 mai 1837 (Bulletin officiel, n°143) sont abrogés. »

M. le ministre des finances (M. Mercier) – Je pense, M. le président, qu’il serait convenable de discuter d’abord les amendements. Quant à l’article dont M. le président vient de donner lecture, il y aura lieu, messieurs, d’y ajouter les mots suivants : « Et le premier paragraphe de l’article 9. » Cette adjonction est devenue nécessaire par suite de l’adoption de la disposition qui a élevé le chiffre du droit à restituer de 12 francs 50 centimes à 18 francs 50 centimes.

M. Demonceau – Je pense comme M. le ministre des finances qu’il convient de discuter d’abord les amendements, parce qu’il se pourrait que, par suite de l’adoption de l’in ou l’autre de ces amendements, l’article qui reste à discuter dût être modifié.


M. le président – Nous avons d’abord l’amendement de M. Lejeune qui est ainsi conçu :

« Par dérogation à l’article 13 de la loi du 18 juillet 1833, la déclaration des travaux pourra être faite en une ou plusieurs séries de 5 jours au moins et de 15 jours au plus. »

M. le ministre des finances a proposé la rédaction suivante :

« Par dérogation à l’article 13 de la loi du 18 juillet 1833, la déclaration des travaux pourra comprendre une série non interrompue de 5 jours au moins et de 60 jours au plus. »

M. Lejeune – Ce serait une erreur de croire, messieurs, que mon amendement porte la moindre atteinte au système établi par la loi sur les distilleries, ou à la base de l’impôt, ou qu’il puisse faciliter la fraude. Je demande seulement que l’on puisse faite la déclaration par séries de cinq jours consécutifs ; ce qui n’empêchera en aucune manière que la surveillance soit aussi facile qu’elle l’est aujourd’hui. Je pense que M. le ministre est de cet avis, et dès lors je ne devrai pas insister sur ce point.

Le but de mon amendement, messieurs, c’est de faire droit, autant que le gouvernement a déclaré pouvoir y consentir, à des réclamations fondées sur un principe de liberté constitutionnelle. Nous ne pouvons introduire dans nos lois aucune disposition obligeant un citoyen belge à observer le dimanche ; pour que le principe de liberté religieuse reste parfaitement intact, nous ne pouvons pas non plus laisser subsister dans la loi une disposition qui a pour résultat d’augmenter le bénéfice du travail du dimanche.

Je ne pense pas que mon amendement donne lieu à la moindre difficulté ou qu’il rencontre une opposition sérieuse. D’un autre côté, je ne me fais pas illusion sur la portée de cet amendement ; il n’est pas tout à fait ce que je voudrais qu’il fût ; mais je suis persuadé que la disposition que je voudrais introduire dans la loi présenterait des inconvénients sous certains rapports et qu’elle n’aurait pas de chance de succès. En 1837, la question du travail des dimanches a été également soulevée ; alors j’ai exprimé le désir de voir introduire dans la loi une disposition qui eût pour effet de rendre le travail du dimanche entièrement facultatif et d’après laquelle ceux qui ne travaillent pas le dimanche n’eussent pas été astreints à payer le droit comme s’ils travaillaient ; on a trouvé alors qu’une semblable disposition pourrait donner lieu à la fraude ; jusqu’ici on n’a pas trouvé le moyen de concilier les intérêts du trésor avec une satisfaction complète à donner aux réclamations dont j’ai parlé tout à l’heure ; mais l’amendement que je propose aura cet avantage que certains distillateurs, et peut-être un grand nombre de petits distillateurs pourront travailler pendant 5 ou 6 jours et observer le dimanche, sans être obligés de payer le droit pour un jour où ils ne font rien. Il en résultera un autre avantage, c’est que les distillateurs pourront faire une déclaration pour une série de 13 jours, par exemple, qui ne comprendra qu’un seul dimanche ; ils pourront encore disposer leurs travaux de manière à ce que le dimanche pour lequel il paient le droit ne soit pas entièrement perdu. Dans ce cas, l’inconvénient qui existe actuellement serait réduit de moitié, puisque la série de 13 jours peut ne comprendre qu’un seul dimanche ; tandis qu’aujourd’hui, les séries étant de 15 jours comprennent nécessairement deux dimanches. Mais l’avantage le plus important que je vois dans mon amendement c’est qu’il sera du moins reconnu par la loi même, que les réclamations dont il s'agit ne sont pas dénuées de fondement ; si la disposition n’est pas tout ce qu’elle pourra peut-être devenir, ce sera toujours une espèce d’hommage rendu à un principe consacré par la constitution. On parle dès aujourd’hui d’une nouvelle révision de la législation sur les distilleries ; si cette révision a lieu, et si la disposition que je propose se trouve dans la loi, elle fera aussi l’objet d’un examen et peut-être trouvera-t-on alors le moyen de l’améliorer ; jusqu’ici ce moyen n’a pas été trouvé, mais je pense que ce sera toujours un bien d’adopter l’amendement tel qu’il est proposé.

Je n’ai parlé, messieurs que de mon amendement, mais M. le ministre des finances a proposé une nouvelle rédaction qui ne change rien au fond à la disposition que j’ai présentée ; je me rallie donc complètement à la rédaction de M. le ministre. M. le ministre propose de dire que les déclarations pourront être faites par séries de 5 jours au moins et de 60 jours au plus ; cela revient absolument à mon amendement et au maximum fixé par la loi de 1833.

Quoique les séries ne soient que de 15 jours dans la loi de 1833, on peut en déclarer quatre ; de sorte que, d’après cette loi, comme d’après le nouvel amendement, on peut déclarer pour 60 jours de travail. Je ne vois donc aucun inconvénient à me rallier à la rédaction proposée par M. le ministre des finances.

- Cette rédaction est mise aux voix et adoptée en ces termes :

« Par dérogation à l’article 13 de la loi du 18 juillet 1833, la déclaration des travaux pourra comprendre une série non interrompue de 5 jours au moins et de 60 jours au plus. »


La chambre passe à l’amendement de M. le ministre des finances. Cet amendement est ainsi conçu :

« La déduction de 10 p.c., fixée à l’article 4 de la loi du 27 mai 1837, est portée à 15 p.c.

« Pour obtenir une déduction, les distillateurs devront, indépendamment des conditions établies audit article 4, nourrir une tête de gros bétail et cultiver, par eux-mêmes, un hectare de terre par chaque hectolitre et demi de la capacité des vaisseaux soumis à l’impôt. »

M. le président – M. Vandenhove, par un sous-amendement, propose de porter la déduction de 15 à 20.

M. Vandenhove – Messieurs, dans mon système la réduction de 20 p.c. n’est point trop élevée, car je ne l’accorderais qu’aux distillateurs qui opéreraient avec les anciens appareils. Remarquez-le bien, messieurs, ceux-là seuls ont fermé leurs usines parce qu’ils ne pouvaient pas, proportion gardée, distiller autant de matières que ceux qui font usage de nouveaux procédés.

Je prévois que l’on va m’accuser de vouloir arrêter l’élan de l’industrie, d’être un ennemi du progrès ; ce reproche me toucherait peu ; et si je n’avais hâte de développer mon amendement pour abréger la discussion, je prouverais que personne autant que moi n’est ami du progrès.

En n’accordant cette réduction de 20 p.c. qu’aux anciens procédés, je veux restreindre la production des eaux-de-vie dans l’espoir de la faire recouvrer à toutes les localités qui ont perdu leurs petites distilleries, et disséminer les engrais qui se trouvent maintenant agglomérés sur quelques points, et souvent dans des cantons où la nature s’est plu à enrichir le sol.

Ces petites distilleries, si elles peuvent se relever au moyen de cette réduction, ne feront qu’une faible concurrence aux grandes à qui la nouvelle loi a fait une si large part. Celle de 1822 contenait une disposition dont j’ai toujours regretté l’absence dans celle-ci, c’est l’article 27 en ce qu’il limitait les heures de travail.

Il est évident, messieurs, qu’avec une liberté aussi limitée de produire, les grands capitaux finiront pas s’approprier tous les bénéfices de cette industrie auxquels participaient autrefois les petits capitaux qui contribuaient à fertiliser les mauvaises terres, et à défricher les bruyères.

J’insiste aussi sur la révision des deux législations sur la matière, et si cette révision est approuvée par la chambre. J’espère que nous parviendrons à démontrer alors, qu’il y a des moyens efficaces pour assure l’existence des petites distilleries.

- L’amendement est appuyé.

M. Mast de Vries –Messieurs, la faveur avec laquelle la proposition de l'honorable M. de Nef a été accueillie dans cette enceinte me faisait espérer qu’on songerait à améliorer la position des distilleries agricoles ; mais la nouvelle disposition présentée par M. le ministre des finances, loin d’améliorer cette position, me semble de nature à la rendre plus mauvaise.

Cette proposition exige que, par chaque hectolitre et demi de la capacité des vaisseaux soumis à l’impôt, le cultivateur soit obligé de tenir une tête de gros bétail ; je n’ai rien à objecter contre cette partie de la proposition, mais il n’en est pas de même de la condition qu’on y met encore de cultiver un hectare de terre par chaque hectolitre et demi de contenance. Cette clause me paraît de nature à anéantir au moins les distilleries agricoles ; voici pourquoi :

Ces petites distilleries forment une espèce de centre ; or, si le distillateur est obligé d’avoir un hectare de terre pour chaque hectolitre et demi de contenance, vous concevez que cette quantité d’hectares de terre va monter de suite à un chiffre assez grand. C’est ainsi, par exemple, que dans une localité vous aurez cinq ou six petites distilleries agricoles. Pour que les distillateurs puissent profiter du bénéfice de la disposition présentée par M. le ministre des finances, il est possible qu’ils aient à trouver 50 ou 60 hectares de terre. Or, nous savons tous qu’il est impossible de trouver 50 ou 60 hectares de terres aux environs des petites villes. C’est une circonstance qui ferait hausser le prix des terres dans le voisinages de certaines localités, dans une proportion telle que les distillateurs ne pourraient pas songer à les acheter pour en faire usage.

J’aurai en conséquence l’honneur de proposer l’amendement suivant :

« Il est accordé une déduction de 10 p.c. sur la quotité du droit aux distillateurs qui n’emploient et n’ont qu’un seul alambic d’une capacité inférieure à 10 hectolitres et servant alternativement à la distillation et à la rectification.

« Cependant ceux de ces distillateurs qui ne nourrissent pas dans l’enclos même de leur exploitation et pendant toute la durée des travaux sept têtes de gros bétail au moins, le chevaux non compris, ainsi que ceux qui établissent ou laissent établir plus d’une distillerie dans un même bâtiment, n’ont pas droit à la déduction prémentionnée. »

- L’amendement est appuyé.

M. le ministre des finances (M. Mercier) – Messieurs, pour bien comprendre la portée de l’amendement que j’ai proposé, il faut se demander d’abord quel doit être le but de la loi, lorsqu’elle favorise les distilleries agricoles.

Messieurs, suivant moi, trois intérêts sont engagés dans les distilleries : l’intérêt de l’industrie de la distillation, l’intérêt agricole et l’intérêt du trésor.

Dans l’intérêt du trésor et dans celui de l’industrie, il serait à désirer, messieurs, que le nombre des distilleries fût aussi restreint que possible ; il serait à souhaiter que nous n’eussions que de très grands établissements de cette nature. Si donc nous n’agissions que dans ces deux intérêts, nous n’aurions pas de motif pour accorder une faveur quelconque aux petites distilleries.

Nous trouverions dans de grands établissements un avantage pour l’industrie, parce qu’on y fabrique mieux et avec plus d’économie que dans les petites distilleries.

Nous trouverions un avantage pour le trésor, d’abord parce que le droit rentrerait intégralement, et qu’ensuite il faudrait moins de frais de surveillance ; si par exemple nous avions des distilleries semblables à celles qui existent en Angleterre, une seule suffirait à alimenter la consommation de la Belgique entière ; il ne faudrait que quatre employés des accises pour surveiller cette distillerie.

L’on voit donc quel avantage résulterait d’un pareil état de choses pour le trésor ; l’industrie y gagnerait aussi, puisqu’il y aurait à la fois économie et amélioration dans les produits.

Mais, messieurs, il y a un troisième intérêt dans la question, l’intérêt agricole. Cet intérêt exige que les distilleries soient disséminées sur toute la surface du pays et principalement dans le plat pays.

Messieurs, dans toutes les lois qui ont été faites sur les distilleries, on a voulu encourager les distilleries agricoles, non par parce que ce sont de petites distilleries (ce serait une grande erreur de le croire), mais parce qu’elles sont situées de manière à rendre de plus grands services à l’agriculture.

Or, l’amendement qui a été proposé par l’honorable M. Mast de Vries tendrait à favoriser les petites distilleries et donnerait lieu au même abus que celui qui résulte de la loi actuelle. Le but du législateur a été évidemment de favoriser les distilleries qui rendent un service immédiat à l’agriculture. Qu’est-il arrivé cependant. Que dans le fait on a seulement favorisé les petites distilleries, quelle que fût leur destination, car les distilleries qui jouissent de la déduction accordée par l’article 4 de la loi se trouvent en aussi grand nombre dans les villes que dans les campagnes. C’est, à cet état de choses qu’il faut porte remède.

Nous ne voyons pas de motif pour lequel nous accorderions aux petites distilleries, par cela seul qu’elles sont petites, un avantage que l’on n’accorderait pas aux grandes ; car les grands établissements rendent proportionnellement autant de services à l’agriculture que les petites distilleries situées dans les villes. Ainsi, je ne vois pas quels services une distillerie dont l’alambic n’a qu’une contenance de 5 hectolitres rend de plus à l’agriculture qu’une distillerie dont l’alambic est de 20 ou 30 hectolitres, quand ces deux distilleries sont situées dans la même ville.

Mais l’amendement de l’honorable M. Mast de Vries s’étend plus loin encore que les dispositions de la loi actuelle, dispositions qu’on a éludées dans l’application.

En effet, l’amendement dont il s'agit tend à accorder la déduction aux distilleries dont l’alambic aurait 10 hectolitres de contenance, et au lieu d’exiger un nombre proportionnellement plus grand de têtes de gros bétail, l’amendement restreint ce nombre en ne le portant qu’à 7 pour 10 hectolitres au lieu de 4 pour 5 hectolitres.

Ainsi, cette disposition est infiniment plus défectueuse que celle de la loi actuelle. Cependant nous voyons déjà, par la statistique, que sur 763 distilleries en activité dans le pays, il en est 433 qui jouissent de la faveur accordée par l’article 10 de la loi.

Messieurs, il résulterait de l’adoption de l'amendement de l’honorable M. Mast de Vries que toutes les distilleries se transformeraient en alambic de 10 hectolitres, et que la faveur deviendrait nulle par cela même qu’elles deviendrait générale.

Quant au trésor, il perdrait réellement 10 p.c. du droit sur tous les produits des distilleries.

Messieurs, nous avons cru que le seul moyen d’atteindre le but qu’on s’est toujours proposé, lorsqu’on a accordé un avantage aux distilleries agricoles, c’est de déterminer une quantité d’hectares de terre que le distillateur devait nécessairement cultiver.

Messieurs, je crois que l’amendement que j’ai eu l’honneur de proposer peut avoir une grande portée à l’égard des terrains qui sont encore en friche en Belgique, et je suis persuadé que s’il vient à être adopté, beaucoup de petites distilleries s’établiront dans la Campine et dans le Limbourg, et contribueront à fertiliser les bruyères très considérables qui se trouvent encore dans ces deux provinces.

Messieurs, je m’appuiera en cette circonstance sur l’avis d’un agronome distingué du pays, M. Van Aelbroeck, de Gand. Voici un extrait d’un ouvrage qu’il a publié, il y a quelques années, et où il expose l’avantage que présentent les petites distilleries qui sont disséminées dans le plat pays :

« Les distilleries de la Flandre ne sont pas établies principalement dans la vue d’en retirer de l’eau-de-vie de grain comme en Hollande ; mais on a eu surtout pour but d’augmenter la masse de fumier et d’engraisser le bétail. On en sera convaincu quand on remarquera qu’en Flandre les distilleries se trouvent surtout dans ces contrées où le sol est excessivement mauvais ; cela est si vrai, qu’avant l’existence de ces établissements, ces terres étaient pour la plupart incultes. Si la distillation des grains cessait en Flandre, la valeur et le produit de beaucoup de propriétés rurales baisserait de moitié ; le cultivateur perdrait son état et ses bénéfices ; le propriétaire verrait disparaître son revenu et le gouvernement souffrirait de la diminution des impôts fonciers. »

Ce qu’on a fait messieurs, pour les plus mauvaises terres de la Flandre, on peut le faire aussi pour les bruyères de la Campine.

Quant à la proportion de têtes de bétail et de terres à cultiver, elle reste dans l’amendement que je propose, au-dessous de celle indiquée par M. Van Aelbroeck dans son ouvrage. Je m’appuie sur cette autorité parce que M. Van Aelbroeck jouit à juste titre d’une grande réputation comme agronome.

M. Mast de Vries – D’abord, je ferai remarquer que je rentre dans l’article 4 en proposant une déduction de 10 p.c. au lieu de 15. Mon amendement est donc plus favorable au trésor.

Quant à ce qu’on a dit sur les distilleries agricoles, l’expérience est là qui démontre si on a eu tort ou raison.

Si on trouve que le chiffre de 10 hectolitres auquel je propose de limiter la contenance de l’alambic des distilleries qui jouiront de la déduction est trop élevé, je consens à le réduire à 7, en maintenant à 7 le nombre de têtes de bétail. Si vous adoptez ce chiffre de 7 hectolitres, vous améliorerez la position des industries agricoles. Avec le chiffre de 5 hectolitres qui est la limite actuelle, toutes les petites distilleries ont dû cesser de travailler. Je pourrais citer des localités où il y avait dix et douze petites distilleries et où il n’y en a plus maintenant. Cela provient de l’établissement des grandes distilleries à la vapeur. Ce sont là les grands ennemis des petites distilleries.

Je conçois que M. le ministre des finances trouve qu’il serait préférable qu’il n’existât qu’une seule grande distillerie pour toute la Belgique. Mais je ne crois pas que ce soit l’opinion de la chambre.

Je crois qu’il faut favoriser les petites distilleries. Quant à l’obligation de cultiver un certain nombre d’hectares, je n’en vois pas la nécessité. S’il nourrit du bétail, il produit de l’engrais, peu importe qu’il emploie cet engrais dans une culture qu’il fait lui-même, ou qu’il vende son engrais à d’autres cultivateurs. Vous voulez qu’il soit cultivateur et éleveur de bestiaux ; vous voulez donner un privilège à certaines personnes.

Il est évident qu’avec l’amendement de M. le ministre des finances, peu de distillateurs pourront jouir de la faveur qu’il veut leur donner.

M. Rodenbach – L’honorable préopinant a dit qu’on avait tué toutes les distilleries agricoles. D’après ce que nous a dit M. le ministre, elles ne sont pas toutes détruites, puisque, sur 700 distilleries qu’il y a dans la pays, il s’en trouve 400 petites, c’est-à-dire plus que de grandes. Je pense que si on adoptait l’amendement de l’honorable membre, beaucoup de distillateurs transformeraient leur fabrique pour profiter de la faveur de la déduction.

On a dit qu’on voulait que la loi rapportât de trois millions et demi à quatre millions. Vous ne les obtiendrez pas en adoptant l’amendement de M. Mast de Vries.

Je crois que, dans l’intérêt de l’agriculture, car nous avons encore beaucoup de bruyères dans la Campine, dans les Flandres et dans d’autres provinces, on peut admettre l’amendement de M. le ministre des finances.

J’ajouterai que dans les Flandres ce sont les petites distilleries qui ont fertilisé les Flandres et notamment les environs de Dens.

L’histoire nous apprend que toutes les terres de nos Flandres étaient mauvaises, sablonneuses, et que c’est par l’établissement des distilleries qu’elles ont été fertilisées. Je pense qu’il suffit d’accorder la déduction de 15 p.c. aux distillateurs dont l’alambic n’a pas plus de 5 hectolitres de contenance, parce qu’on n’interdit pas au cultivateur qui voudra avoir plusieurs distilleries, d’établir autant d’usines qu’il en voudra. S’il a trois cents, six cents ou mille bonniers, il peut établir huit, dix, quinze, vingt usines dans l’étendue de ses propriétés. Donc je crois que l’amendement de M. le ministre des finances est véritablement dans l’intérêt de l’agriculture et du défrichement de nos terres. Je donnerai mon assentiment à cet amendement.

M. Eloy de Burdinne – Deux questions sont en présence : l’une qui concerne l’intérêt du trésor, l’autre qui intéresse l’agriculture.

Il n’y a pas de doute, messieurs, que l’établissement de distilleries dans la Campine, dans les Flandres, dans le Luxembourg, dans une partie de la province de Namur et même du Hainaut, ne soit de nature à fertiliser des terres qui aujourd’hui ne produisent que des bruyères. Or, toute la question est ici. Voulez-vous augmenter les produits du trésor ou voulez-vous faire quelque chose pour rendre productives des terres qui ne produisent rien ?

M. le ministre de l'intérieur a dit que le pays ne produisait pas assez de grains pour la consommation du pays. Eh bien, l’occasion se présente d’encourager l’établissement de petites distilleries que vous appellerez comme vous voudrez, là où le sol ne produit rien et peut être rendu productif. Toute la question est de trouver le moyen de donner un nom à ces petites distilleries qui améliorent l’agriculture.

M. le ministre a présenté une désignation qui me plaît assez, car pour avoir une distillerie agricole, il faut être agriculteur.

Pour qu’un distillateur cultive des champs considérables, il faut lui accorder un certain avantage, par ce motif, que le genièvre lui revient à un taux supérieur à celui auquel il revient à un industriel qui ne fait que distiller.

C’est ainsi qu’un industriel placé dans une ville obtient les grains à meilleur compte qu’un industriel de la campagne. Cela vous paraîtra étrange. Mais le distillateur, dans une ville, va tous les jours sur le marché et le cultivateur qui amène du grain doit le vendre au prix qu’on lui offre. Si au contraire, le distillateur agricole parcourt les campagnes pour avoir du grain, il aura de la perte à l’obtenir au même prix que le distillateur des villes.

Il y a pour lui un autre inconvénient, c’est l’éloignement des routes, le prix du transport du chauffage et de ses genièvres. De sorte que si vous ne lui accordez pas, je ne dis pas une prime, car ce n’est pas une prime, mais une diminution de droit qui le mette à même de lutter avec les grandes distilleries, il est certain que vous verrez bientôt toutes les distilleries agricoles anéanties.

Je crois donc que la faveur accordée n’est pas suffisante même d’après la proposition du ministre.

M. le président – L’amendement qui s’éloigne le plus de la proposition principale, est celui de M. Mast de Vries. Je vais le mettre le premier aux voix.

- Cet amendement n’est pas adopté.

Le sous-amendement de M. Vandenhove qui consiste à porter à 20 au lieu de 15 p.c. la déduction est ensuite mis aux voix.

Il n’est pas adopté.

On passe à l’amendement de M. le ministre des finances destiné à devenir l’article 4 et qui est ainsi conçu :

« « La déduction de 10 p.c., fixée à l’article 4 de la loi du 27 mai 1837, est portée à 15 p.c.

« Pour obtenir une déduction, les distillateurs devront, indépendamment des conditions établies audit article 4, nourrir une tête de gros bétail et cultiver, par eux-mêmes, un hectare de terre par chaque hectolitre et demi de la capacité des vaisseaux soumis à l’impôt. »

- Adopté.

Article 3 (devenu article 5)

« Art. 5. Les paragraphes 1er et 4 de la loi du 27 mai 1837 (Bulletin officiel, n°143) sont abrogés. »

- Adopté.

Article additionnel

M. le président – Maintenant viendrait la proposition de M. Dumortier qu’une indisposition de son père a forcé de s’absenter. Si cette proposition doit influer sur le vote de la loi, j’engage les membres qui veulent l’appuyer à demander la parole. Dans le cas contraire, je proposerai d’ajourner la proposition.

Un grand nombre de voix – Oui, oui, l’ajournement !

-La proposition est ajournée.

Vote sur l’ensemble du projet

Il est procédé à l’appel nominal sur l’ensemble de la loi.

En voici le résultat.

63 membres ont répondu à l’appel nominal ;

58 ont répondu oui ;

3 ont répondu non ;

2 se sont abstenus.

En conséquence le projet de loi est adopté. Il sera transmis au sénat.

Ont répondu oui : MM. Buzen, Cogels, Coghen, Cools, de Behr, Dedecker, de Florisone, de Garcia de la Vega, de Langhe, Delfosse, de Man d’Attenrode, de Meer de Moorsel, de Mérode, Demonceau, de Nef, de Potter, de Puydt, de Sécus, de Terbecq, de Theux, de Villegas, d’Hoffschmidt, Donny, Dubois, Dubus (aîné), B. Dubus, Dumont, Duvivier, Hye-Hoys, Kervyn, Lebeau, Leclercq, Lejeune, Liedts, Lys, Mast de Vries, Mercier, Morel-Danheel, Nothomb, Pirmez, Pirson, Puissant, Raikem, Rodenbach, Scheyven, Sigart, Simons, Thienpont, Troye, Ullens, Van Cutsem, Vandenbossche, Vandenhove, Vandensteen, Van Hoobrouck, Wallaert, Zoude et Fallon.

Ont répondu non : MM. de Renesse, Desmet et Raymaeckers.

M. le président – Les membres qui se sont abstenus sont invités à faire connaître les motifs de leur abstention.

M. Doignon – Je devais subordonner mon vote à la révision de la loi. Cette question ayant été ajournée, j’ai dû m’abstenir.

M. Eloy de Burdinne – Je n’ai pas voulu voter contre la loi, parce que je crois qu’elle donnera un supplément de recettes au trésor. Je n’ai pas voté pour, par le motif que, sous le rapport des exportations, elle établit un système de prime, auquel je serai toujours opposé.

Projet de loi, détaché du projet de budget des voies et moyens, sur le droit de tonnage extraordinaire d'Ostende

Discussion de l'article unique

M. le président – La discussion est ouverte sur l’article du projet de loi des voies et moyens, ainsi conçu :

« Art. 23. Le droit extraordinaire de tonnage, établi temporairement par les arrêtés du 28 août 1818, n°7, du 29 octobre suivant, litt. Y², et du 27 mai 1821, n°104, à charge des navires entrant dans le port d’Ostende, est supprimé. »

M. Donny – Messieurs, si la proposition que vous fait le gouvernement de supprimer le droit extraordinaire de tonnage qui se perçoit à Ostende et qui ne se perçoit que là, devait rencontrer quelque opposition dans cette enceinte, je crois que je pourrais facilement dissiper tous les scrupules à cet égard, en présentant à la chambre quelques réflexions à l’appui du projet du gouvernement. Mais comme, sur vos six sections, cinq ont déjà reconnu la justice de la proposition et que la section centrale elle-même vous propose de l’adopter, je croirais abuser des moments de la chambre, si j’entamais une discussion probablement superflue. Je renonce donc à la parole.

M. Eloy de Burdinne – Je ne conçois pas du tout la chambre. Nous augmentons les dépenses et l’on veut constamment provoquer des diminutions dans les ressources. Si l’on trouve moyen de gouverner de cette manière, je ne demande pas mieux. Mais comment est-il possible de faire des dépenses, de les augmenter et de réduire les ressources ?

On me dira peut-être que le droit de tonnage rapporte peu. Mais enfin nous sommes dans une position qui nous commande une grande circonspection, lorsqu’il s’agit de supprimer nos ressources. Je demanderai s’il y aura moyen de remplacer le droit de tonnage par un impôt qui ne soit pas à la charge des malheureux. Je voudrais avoir quelques explications à cet égard.

Je ne conçois pas que l’on songe à réduire nos ressources, quand nous avons besoin de nouveaux impôts, et que nous éprouvons les plus grandes difficultés pour les établir. Il faut qu’un esprit de vertige dirige actuellement la chambre.

M. le président – Je ferai observer à l’orateur que sa dernière observation n’est pas parlementaire.

M. Donny – Je ne pense pas qu’en votant la proposition qui vous est soumise, vous soyez saisis d’un esprit de vertige. Vous ferez au contraire un acte de justice ; vous réparerez une injustice qui n’a pesé que trop longtemps sur le port d’Ostende et qui doit enfin cesser.

L’impôt dont il s’agit est une majoration de droits de tonnage. Les droits de tonnage sont un impôt douanier fixé par la loi, et la majoration faite à cet impôt a été introduite par un simple arrêté royal. Or, vous savez que la loi fondamentale donnait au roi des Pays-Bas le pouvoir de faire des arrêtés pour l’exécution des lois, mais qu’elle ne lui donnait pas celui de modifier ces lois, et surtout qu’elle ne lui donnait pas le pouvoir de majorer les lois d’impôts. La majoration dont il s’agit est donc illégale.

Non seulement la perception du droit extraordinaire était illégale, mais elle était de plus souverainement injuste, parce que la cause de l’impôt était l’amélioration du port d’Ostende, au moyen de quelques ouvrages militaires, et que cette amélioration n’a jamais été obtenue du temps du royaume des Pays-Bas. S’il y a eu des améliorations, si ce port est arrivé à l’état où il est aujourd’hui, c’est grâce à l’exécution d’autres travaux faits depuis la révolution.

Le roi Guillaume a imposé au commerce une majoration d’impôt comme prix de l’approfondissement du port ; jusqu’ici le prix a été payé, et jamais l’approfondissement n’a eu lieu ; de sorte qu’il y aurait injustice à exiger le payement de la petite partie du prix qui reste encore à verser.

J’ajouterai une troisième considération, c’est qu’alors que l’impôt serait établi d’une manière légale, alors même qu’il serait injuste, et que le port serait arrivé à l’état d’amélioration où il devait arriver par suite de cet impôt alors encore la perception devrait cesser. Voici par quel motif.

Du temps de l’empire français, il était admis en principe que les ports de l’empire étaient la propriété de l’Etat, et que les dépenses faites pour ces ports étaient d’utilité publique. C’est ainsi que, sans imposer ni le commerce ni la ville, ni personne, la France a fait construire à Ostende une écluse de chasse à grandes dimensions, qui a coûté des sommes considérables exclusivement payées par l’Etat. De même à Dunkerque, à Cherbourg, à Brest et dans presque tous les ports de l’empire, il a été fait des dépenses exclusivement mises à la charge du trésor.

Sous le roi des Pays-Bas on a suivi un autre système, tout au moins en ce qui concerne les ports des provinces méridionales ; car j’ignore ce qui se passait dans les autres provinces. Mais dans les provinces méridionales, lorsqu’on faisait des dépenses d’amélioration à un port, on trouvait qu’il fallait faire contribuer à ces dépenses les navires qui fréquentaient ce port. C’est par suite de ce système, que le roi Guillaume a fait contribuer les navires entrant au port d’Ostende pour 120,000 florins, dans les dépenses de la construction d’une écluse militaire, destinée accessoirement à servir d’écluse de chasse.

Depuis la révolution on a abandonné ce système ; on est revenu aux principes plus justes et plus libéraux du gouvernement français ; on a mis à la charge du trésor toutes les dépenses tendant à favoriser l’accès des ports de mer.

C’est ainsi que, pendant plusieurs années, on a porté au budget des sommes assez considérables pour travaux d’amélioration du port d’Ostende.

C’est ainsi que chaque année vous portez encore au budget 600,000 francs afin de rembourser le péage aux bâtiments qui, pour arriver en Belgique, préfèrent la route de l’Escaut à elle du port d’Ostende.

Vous ne pouvez, sans injustice, sans anomalie, sans avoir deux poids et deux mesures, continuer à percevoir à Ostende un droit de tonnage extraordinaire, qui a une origine illégale et qui de plus est injuste, au moment où, pour l’Escaut, vous vous imposez des sacrifices plus considérables. La cessation de l’impôt dont il s’agit ne sera d’ailleurs pour l’Etat qu’un sacrifice de 64,000 francs, si cela peut s’appeler un sacrifice, tandis que, je le répète, pour un autre port, vous portez 600,000 francs, à votre budget et cela d’année en année.

J’espère que la chambre ne balancera pas à voter la suppression d’impôt dont il s’agit.

M. Desmet – Certainement, messieurs, quand on veut augmenter ses dépenses il faut augmenter ses recettes. Mais que faisons-nous en supprimant les droits extraordinaires de tonnage qui se perçoivent à Ostende ? Nous cherchons à augmenter les arrivages dans ce port.

Vous savez, messieurs, combien ce port a souffert sou le gouvernement hollandais, qui a fait tout ce qu’il a pu pour le détruire. Pourquoi ce gouvernement a-t-il établi le droit extraordinaire de tonnage ? C’est pour ruiner le port d’Ostende. Pourquoi n’a-t-il pas fait usage de la grande écluse de chasse établie par le gouvernement français ? C’est pour que le port ne fût pas assez profond et empêcher ainsi les arrivages. Ce que vous allez donc faire est un acte de justice.

M. Donny vous l’a très bien dit : vous faites des dépenses pour rembourser les péages établis sur l’Escaut et vous ne faites que ce qui est juste. Mais il ne faut pas se borner à faire quelque chose pour les ports de l’intérieur ; il faut aussi faire quelque chose pour les ports établis sur la mer.

Ce n’est donc pas un sacrifice que vous allez voter ; mais vous faites quelque chose pour que le port d’Ostende ne soit pas entièrement détruit. Vous savez dans quel état il se trouve ; il n’y arrive plus que quelques bateaux à vapeur et des barques de pêcheur.

M. le ministre des finances (M. Mercier) – Messieurs, une charge extraordinaire pèse maintenant sur le port d’Ostende et le met dans des conditions moins favorables que les autres ports du pays. Il nous a paru équitable de rétablir l’équilibre entre les différents ports et de supprimer ce droit de tonnage extraordinaire.

Messieurs, on a paru reprocher au gouvernement de négliger des ressources dont il est en possession, alors même qu’il se trouve dans la nécessité d’augmenter les impôts. Cette observation pourrait être juste, si elle s’appliquait à une somme considérable ; mais de quoi s’agit-il maintenant ?

Depuis longtemps, le commerce d’Ostende réclame contre une charge qui est très onéreuse à ce port, et il ne s’agit cependant, en définitive, pour le trésor que d’une somme de 8,600 francs, à percevoir pendant sept ans. Car, ne l’oublions pas, la navigation d’Ostende a déjà subi, par suite des constructions dont on a parlé tout à l’heure une dépense de 181,000 francs et ce qu’on lui accorderait maintenant ne serait que la réduction d’une somme de 8,600 francs à percevoir encore pendant sept ans sur une somme totale de 120,000 francs, en grande partie acquittée.

Je pense qu’en présence d’un aussi faible sacrifice, nous ne devons pas reculer devant ce que je considère comme un véritable acte de justice.

M. Eloy de Burdinne – Messieurs, je répondrai d’abord à l’observation que m’a faite M. le président. J’ai dit que dans mon opinion l’esprit de vertige dirigeait la chambre. Je crois qu’il m’est permis d’avoir une opinion, et certes personne ne peut me contester mon libre arbitre, m’empêcher de penser ce que je veux. Quant à l’observation de M. le président, je la crois tout à fait déplacée.

M. le président – Attendu qu’il y a réclamation, je demanderai que la chambre veuille bien se prononcer sur l’observation que j’ai adressée à M. Eloy de Burdinne ; je crois l’avoir faite à propos. (Oui ! oui !)

- La chambre consultée sur la question de savoir si l’observation que M. le président a faite à M. Eloy de Burdinne, l’a été à propos, se prononce à l’unanimité pour l’affirmative.

M. Eloy de Burdinne – Messieurs, la dépense considérable que l’Etat a faite pour l’amélioration du port d’Ostende est certainement de nature à exiger qu’il nous paie quelque rétribution. Au surplus, messieurs, je n’en suis pas certain, mais il m’a été assuré que ce droit de tonnage avait été établi du consentement du commerce d’Ostende.

On nous a dit qu’on avait mis à charge du trésor toutes les dépenses des ports. Eh bien ! messieurs, si on a fait cela, selon moi, c’est une erreur qu’on a commise. Je conviens que les ports sont utiles à tout le pays ; mais certes, ceux qui en profitent le plus sont ceux qui les habitent, et ils devraient contribuer pour une partie dans la dépense des améliorations de ports.

Non, messieurs, je ne veux pas d’injustice ; je ne veux pas que le port d’Ostende soit plus mal traité que les autres ; je voudrais, au contraire, qu’on prît, à l’égard des autres ports, des mesures telles que le port d’Ostende ne soit pas dans une position plus défavorable. Mais pour cela, messieurs, nos moyens nous permettent-ils, par exemple, aujourd’hui de rembourser le péage de l’Escaut ? Nous permettent-ils de renoncer au droit de tonnage établi à Ostende ? C’est ce que je ne pense pas.

Prenez plutôt d’autres mesures. Supprimez le remboursement du péage de l’Escaut et établissez un impôt sur l’entrée du port d’Ostende qui mette ce dernier dans la même position que le port d’Anvers.

Je me rappelle très bien que lorsqu’il a été question du remboursement du péage sur l’Escaut, les représentants des localités des environs d’Ostende se sont prononcés contre ce remboursement. Moi aussi je me suis prononcé contre ; mais s’il avait été rejeté par la chambre, Ostende aurait été favorisé. Eh bien ! faites aujourd’hui ce que vous auriez dû faire alors ; ne remboursez plus ce péage sur l’Escaut, et établissez sur l’entrée du port d’Ostende un péage équivalent à l’impôt établi sur l’Escaut.

Alors, vous ne serez plus forcé de faire chaque année un sacrifice de 600,000 francs. Car en définitive, à force de donner des primes et des encouragements, nous nous verrons réduits à une position telle que nous ne pourrons plus ni en donner, ni en recevoir. Voilà ce que me fait prévoir la marche que nous suivons.

Je bornerai là mes observations. Elles suffisent pour vous dire que je voterai contre le projet en discussion.

M. de Mérode – Messieurs, on vient de dire que le port d’Ostende n’avait pas d’arrivages dans ce moment-ci ; et cependant, lorsqu’il s’est agi de voter les chemins de fer, on nous a persuadé que ce port allait faire d’immenses affaires lorsque le railway y arriverait.

L’un ou l’autre ; ou il y a des arrivages à Ostende, et dans ce cas ce port peut supporter un léger sacrifice ; ou il n’y arrive rien, et dans ce cas, il faut convenir que nous avons singulièrement mal placé les ressources du trésor, en décrétant un chemin de fer jusqu’à Ostende.

M. Rodenbach – Lorsqu’un honorable représentant a dit qu’il n’y avait pas d’arrivage à Ostende, il a commis une erreur, mais il a voulu dire qu’il n’y avait pas autant d’arrivages à Ostende qu’à Anvers, parce que pour rendre l’Escaut libre, la nation paie annuellement 600,000 francs, tandis que pour Ostende elle ne fait pas d’aussi immenses sacrifices.

Le port d’Ostende va encore, messieurs essuyer quelques pertes parce que les navires chargés de sel qui arriveraient exclusivement dans ce port et à Bruges, pourront se rendre à Gand. Cependant il faut plus d’un port qui prospère.

D’ailleurs on vous l’a dit : sous l’empire, toutes les améliorations à faire aux ports devaient être payées par l’Etat. Le système hollandais était tout autre, parce que la Hollande voulait favoriser ses ports au détriment des nôtres, si elle avait pu anéantir Anvers, elle l’aurait fait en faveur de Rotterdam. Elle avait même établi à Anvers des droits autres qu’à Rotterdam, ce qui excitait les plaintes du commerce ; et cela elle le faisait par jalousie contre les ports d’Anvers et d’Ostende.

Messieurs, il ne s’agit que d’une faible somme de sept mille francs ; et cependant, à entendre parler certains orateurs, on croirait qu’il s’agit d’une somme de plus d’un demi-million. Il ne s’agit que de mettre Ostende sur le même pied que les autres ports. Je trouve inique qu’on fasse payer un droit de tonnage plus fort dans un port que dans un autre. Il ne faudra qu’un sacrifice de 56,000 francs pour établir l’uniformité. Je ne pense donc pas qu’on puisse sérieusement soutenir que le projet en discussion ne doit pas recevoir votre assentiment.

M. Nothomb – Messieurs, je me suis souvent étonné que depuis 1830 on ait continué à percevoir à Ostende le droit extraordinaire dont il s’agit.

Ostende se trouve dans une position exceptionnelle qu’il est temps de faire cesser. Lorsque l’on a proposé à la chambre de rembourser le péage sur l’Escaut, le ministère y aurait joint la proposition de faire cesser le droit extraordinaire de tonnage perçu à Ostende, si à cette époque cette affaire avait été complètement instruire ; mais je puis dire que dans la pensée de l’ancien ministère, c’est-à-dire il y a déjà plus d’un an, il était résolu de proposer au budget de cette année l’abolition de ce droit extraordinaire.

A Anvers comme à Ostende, et comme dans nos autre ports, on paie un droit ordinaire de tonnage ; mais il se trouve qu’à Ostende ce droit ordinaire est augmenté de 15 pour cent environ, si ma mémoire est bonne. C’est ce droit extraordinaire de 15 pour cent qu’il s’agit de faire cesser. Ce n’est pas, comme le pense l’honorable comte de Mérode, la ville d’Ostende qui paie, c’est le commerce qui supporte ce droit extraordinaire.

Et combien ce droit rapporte-y-il annuellement ? M. le ministre de finances vient de vous le dire, pas 10 mille francs.

Aujourd’hui, messieurs, il n’entrerait dans la pensée de personne d’établir ainsi, à propos d’une amélioration, un droit extraordinaire. Que penseriez-vous si, sur une route de l’Etat, par exemple, à propos d’une amélioration faite à cette route, on créait un droit extraordinaire de barrières ? Eh bien ! le droit extraordinaire de tonnage qu’on perçoit à Ostende, c’est comme si, à propos d’une amélioration faite à une de nos routes, on y établissait un droit extraordinaire de barrières. Serait-ce juste, messieurs ?

Ainsi, messieurs, loin de m’opposer à la suppression du droit extraordinaire de tonnage, qui se perçoit à Ostende, je dois exprimer le regret que ce droit ait continué à être perçu depuis 1830. C’est un véritable droit différentiel qui se perçoit à Ostende, tandis qu’il ne se perçoit pas dans les autres ports du royaume, et il est plus que temps de faire cesser cette position exceptionnelle ; il faut d’autant plus s’empresser de la faire cesser que cela n’entrainera qu’un très faible sacrifice pour le trésor public. (Aux voix ! aux voix !)

M. Eloy de Burdinne – Je demande la parole. (Aux voix ! aux voix !)

M. le président – M. Eloy de Burdinne ayant déjà parlé plusieurs fois sur la question, je demanderai à la chambre si elle permet que je lui accorde encore la parole.

- La chambre autorise M. le président à accorder la parole à M. Eloy de Burdinne.

M. Eloy de Burdinne – L’honorable M. Nothomb vient de faire une comparaison : « Si vous améliorez, dit-il, une route, vous n’établissez pas pour cela un droit extraordinaire de barrière sur cette route. » Eh bien, messieurs, lorsque vous établissez une route ou un canal, les propriétaires voisins de cette nouvelle communication sot, aux termes de nos lois, soumis de ce chef à une augmentation de contributions parce qu’ils en retirent de l’avantage.

D’après le principe qui a fait admettre cette disposition, une ville pour laquelle on fait un sacrifice comme celui qu’on a fait dans l’intérêt d’Ostende, devrait également être appelé à supporter au moins une part de ce sacrifice. Vous voyez, messieurs, que la comparaison établie par M. Nothomb tourne tout à fait contre la cause qu’il défend.

M. Desmaisières – Il me semble, messieurs, que dans cette discussion l’on verse dans la même erreur où l’on est tombé, lorsqu’il s’est agi du remboursement du péage sur l’Escaut ; lorsqu’il s’est agi de ce remboursement plusieurs membres qui s’opposaient à la mesure proposée, ont toujours voulu considérer le port d’Anvers comme étant uniquement le port de la ville d’Anvers ; aujourd’hui encore, ceux qui combattent le projet en discussion envisagent le port d’Ostende sous le même point de vue. Quant à moi, messieurs, je considère et le port d’Ostende, et le port d’Anvers comme des ports du pays, et je pense que, quand on prend des mesures favorables à l’un ou à l’autre de ces ports on favorise le pays tout entier.

Vote de l'article unique

- Il est procédé au vote par appel nominal sur l’article unique du projet, qui est adopté par 64 membres contre 2.

Ont voté l’adoption : MM. Buzen, Cogels, Coghen, Cools, de Behr, Dedecker, de Florisone, de Garcia de la Vega, de Langhe, Delfosse, de Man d’Attenrode, de Meer de Moorsel, Demonceau, de Nef, de Potter, de Puydt, de Renesse, de Sécus, Desmaisières, Desmet, de Terbecq, de Theux, Devaux, de Villegas, d’Hoffschmidt, Doignon, Donny, Dubois, Dubus (aîné), B. Dubus, Dumont, Duvivier, Fleussu, Hye-Hoys, Kervyn, Lebeau, Lejeune, Liedts, Lys, Manilius, Mast de Vries, Mercier, Morel-Danheel, Nothomb, Pirmez, Pirson, Puissant, Raikem, Raymaeckers, Rodenbach, Scheyven, Sigart, Simons, Thienpont, Troye, Ullens, Van Cutsem, Vandenbossche, Vandenhove, Vandensteen, Van Hoobrouck, Wallaert, Zoude et Fallon.

Ont voté le rejet : MM. de Mérode et Eloy de Burdinne.

Ordre des travaux de la chambre

M. le président – Je prierai la chambre de fixer son ordre du jour de demain. Nous aurons probablement aujourd’hui le rapport de la commission chargée de la vérification des pouvoirs de M. de Baillet. Il y a en outre un projet de loi qui ne demandera pas, je pense, une longue discussion, c’est le projet tendant à interpréter la loi relative aux droits de succession.

M. Scheyven – Messieurs, ce projet a été ajourné indéfiniment sur la demande de M. le ministre de la justice qui a dit qu’il l’examinerait de nouveau. Jusqu’ici M. le ministre ne nous a pas fait connaître sa pensée à cet égard, ce projet ne pourrait donc pas être mis à l’ordre du jour.

M. Rodenbach – Nous pourrions, messieurs, à l’ordre du jour les autres dispositions du budget des voies et moyens, nous devons nos empresser de procurer au trésor toutes les ressources qu’il est possible de lui donner. Je sais bien que quelques-unes de ces impositions rencontreront une forte opposition, celle par exemple qui est relative au café, mais il faut cependant bien en venir à discuter ces objets, puisqu’ils nous sont soumis. Nous avons voté aujourd’hui le projet de loi qui concerne les distilleries, pourquoi ne nous occuperions-nous pas demain de ce qui est relatif soit au café, au sucre, soit aux bières, etc. ; il faut bien que nous finissions par prendre une décision sur les propositions qui nous sont faites à cet égard.

M. le ministre des finances (M. Mercier) – Je crois, messieurs, que nous pourrons reprendre, dans la séance de jeudi, la discussion du projet de loi sur les pensions. Les renseignements qui m’ont été demandés par la chambre, seront complets aujourd’hui, et ils pourront être remis ce soit au bureau, qui pourra les faire imprimer immédiatement.

Vérification des pouvoirs

Arrondissement de Philippeville

M. Milcamps monte à la tribune et donne lecture du rapport de la commission qui a été chargée de la vérification des pouvoirs de M. de Baillet-Latour.

M. le président – Le rapport sera imprimé et distribué. A quel jour veut-on en fixer la discussion ?

M. Dubus (aîné) – Je ferai remarquer à la chambre que la question est beaucoup plus compliquée qu’on ne le pensait. Je crois qu’il serait utile de renvoyer la discussion à jeudi. Le rapport soulève nous pas une question mais sept à huit questions différentes.

M. de Mérode – S’il y a dans la chambre un grand nombre de membres qui conservent des doutes sur la nationalité de M. de Baillet, je conçois qu’on remette la discussion à un autre jour, mais si la grande majorité des membres de l’assemblée est suffisamment éclairée, il me semble qu’il faut passer immédiatement au vote et ne pas encore une fois s’exposer à discuter pendant trois ou quatre jours peut-être, sur des choses très subtiles, mais à l’égard desquelles chacun de nous doit, je pense, avoir une opinion arrêtée dès à présent. Qu’on mette la question aux voix, ceux qui ne sont pas suffisamment éclairés voteront l’ajournement, mais quant à moi je suis prêt à me prononcer immédiatement.

M. le président – M. de Mérode propose d’ouvrir la discussion immédiatement ; d’un autre côté, M. Dubus a proposé de fixer la discussion à jeudi ; d’après le règlement, c’est l’ajournement qui doit avoir la priorité, je vais donc consulter d’abord la chambre sur cette dernière proposition.

- La proposition mise aux voix est adoptée. En conséquence, la discussion du rapport d la commission est ajournée à jeudi.

Ordre des travaux de la chambre

M. Demonceau – Je demande au ministère si l’on ne pourrait pas discuter demain l’une ou l’autre des propositions de la section centrale du budget des voies et moyens. Il y a, par exemple, la question relative au café, celle concernant la bière, celle touchant différents droits de douane. La section centrale a admis et rejeté quelques-unes de propositions du gouvernement. Je prie donc M. le ministre des finances de vouloir nous faire connaître son intention, je n’entends en aucune manière demander la priorité pour tels articles plutôt que pour tes autres, je lui laisse le choix de la matière pour laquelle il est le mieux préparé ; son choix fait, nous pourrions commencer la discussion dès demain.

M. le ministre des finances (M. Mercier) – Messieurs, l’expérience nous apprend que la discussion d’un article quelconque du budget des voies et moyens mérite plusieurs séances ; or, il a été convenu que la discussion sur la loi des pensions serait reprise jeudi prochain. Si j’avais quelque espoir qu’une discussion pût s’entamer et finir le même jour, je me rallierais immédiatement au désir exprimé par l’honorable préopinant. Mais la chambre sait qu’on ne peut délibérer sur une matière imposable, sans que des orateurs entrent dans des considérations générales sur tous les impôts. Je ne pense donc pas que la discussion qu’on engagerait demain sur un article quelconque du budget des voies et moyens pût aboutir à un résultat. La discussion serait scindée par celle de la loi des pensions qui durera probablement plusieurs jours. Je ne puis donc pas consentir à ce qu’on entame demain derechef le budget des voies et moyens d’autant moins que M. le président a annoncé tout à l’heure que les rapports qui restaient à présenter sur des budgets de pensions, ne tarderaient pas à être déposés, et que la chambre pourra les soumettre prochainement à ses délibérations.

M. Demonceau – Messieurs, je reconnais avec M. le ministre des finances qu’il serait plus régulier, lorsqu’on entame une fraction du budget des voies et moyens, de se borner à l’examen de cette question spéciale ; mais il dépend tout à fait de la chambre de circonscrire la discussion dans cette limite, et dès lors rien n’empêche que nous n’examinions demain, par exemple, si le droit sur le café sera ou ne sera pas augmenté. Au reste, je n’ai nullement l’intention de forcer la discussion du budget des voies et moyens ; mais je déclare qu’il est de l’intérêt du trésor que ce budget soit voté le plus tôt possible, si l’on veut des augmentations d’impôt ; mais il n’est pas dans l’intérêt du trésor que la loi sur les pensions soit votée dans un plus bref délai que les voies et moyens. Je ne fais pas la proposition de fixer à demain la discussion de l'article relatif au café ; la majorité de la section centrale rejette les propositions du gouvernement, celui-ci paraît vouloir attendre encore avant de prendre une résolution, il conviendrait cependant que l’on sût à quoi s’en tenir, et sur ce point tout ce que devrait faire a section centrale, elle l’a fait, nous sommes à la disposition de la chambre, et certes vous conviendrez que si l’on tient à obtenir au vote une augmentation du droit actuel, tout retard est préjudiciable au trésor.

M. le ministre des finances (M. Mercier) – Messieurs, c’est dans l’intérêt de la régularité de la discussion que j’ai fait mes observations. La loi des pensions nous a déjà occupé quatre ou cinq jours, si la discussion en est ajournée pour un temps plus ou moins long, il faudra recommencer sur nouveaux frais. Tous, nous nous rappelons aujourd’hui les arguments qui ont été produits de part et d’autre, nous pourrons donc très facilement continuer la discussion de la loi. Il est donc à désirer que l’on n’ajourne pas la prochaine séance après-demain. Messieurs, je voudrais aussi que le budget des voies et moyens pût être discuté le plus tôt possible, mais j’ai déjà fait connaître les motifs qui militent en faveur de l’ajournement de cette discussion jusqu’après le vote de tous les budgets des dépenses, motifs puisés surtout dans les préoccupations où sont plusieurs orateurs de la possibilité d’économies sur l’un ou l’autre des budgets des dépenses qui restent à examiner.

M. Cogels – Si j’ai bien compris l’honorable M. Rodenbach, sa proposition embrassait plusieurs majorations, entre autres celle réclamée sur les sucres. Mais il n’y a aucune proposition relativement aux sucres ; M. le ministre a déclaré dans la séance d’hier qu’il s’en occupait ; dès lors il ne peut être question de la mettre à l’ordre du jour pour demain.

M. Rodenbach – Messieurs, on vient de discuter la loi sur les distilleries, cet objet faisait partie du budget des voies et moyens. Eh bien, je propose que l’on s’occupe demain de l’article « café », et nous pouvons en revenir ensuite à la loi sur les pensions. Par là, nous ne perdrons pas de temps. Je ne pense pas que cette discussion dure plusieurs jours. Tout le monde s’est préparé, car nous sommes en possession depuis plusieurs semaines du budget des voies et moyens. Je propose donc formellement qu’on discute demain l’article « café. »

M. Hye-Hoys – Je crois que la question des cafés amènera la question des droits différentiels ; et que dès lors la question sera longue. (Non ! non !)

- La proposition de M. Rodenbach est mise aux voix et n’est pas adoptée ;

La chambre décide ensuite qu’elle se réunira jeudi prochain en séance publique à midi ; elle met à l’ordre du jour de cette séance le rapport de la commission de vérification des pouvoir et la loi des pensions.

M. Cools – Puisque l’on vient de mettre à l’ordre du jour la loi des pensions, je ferai observer que nous sommes saisis d’une pétition qui se rapporte directement à cette loi, c’est celle du sieur Goffin, qui se plaint de ce qu’on a mal interprété un article de l’arrêté-loi de 1814, article qui se trouve reproduit dans le nouveau projet de loi.

Je demande que la commission soit invitée à faire un rapport avant la reprise de la discussion.

- Cette proposition est adoptée.

La séance est levée à 4 heures.