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d’intention
Chambre des représentants de Belgique
Séance du jeudi 17
février 1842
Sommaire
1)
Pièces adressées à la chambre, notamment pétition relative à la reconnaissance
d’un diplôme de l’enseignement supérieur acquis à l’étranger (Sigart),
à l’acquisition du British Queen (Dedecker)
2) Projet de loi tendant a ouvrir un crédit au
département de l'intérieur pour l’acquisition et l'exploitation du steamer le
British Queen (navigation transatlantique), pour les exercices 1841 et 1842 (Verhaegen, Cogels, de Foere, (+politique commerciale du gouvernement) Delehaye, Cogels, Delehaye, Nothomb, Delfosse, (+politique commerciale du gouvernement) Cools)
3)
Projet de loi accordant un crédit supplémentaire au budget du département des
travaux publics pour l’exercice 1841 (chemin de fer de l’Etat). Rapport
4)
Rapports de pétitions relative, notamment, à la canalisation
de la Campine
(Moniteur
belge n°49, du 18 février 1842)
(Présidence de M. Fallon)
M. de Renesse fait l'appel nominal à midi un quart.
M. Scheyven donne lecture du procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est
adoptée.
M. le président procède au tirage au sort des sections.
M. de Renesse fait connaître l'analyse des pièces suivantes :
« Les sieurs Gaspard Demoulin et Jules Cattiers, nés Belges et domiciliés en Belgique, demandent
de pouvoir exercer en Belgique au moyen du diplôme qu'ils ont obtenu en
France. »
- Sur la proposition de M.
Sigart, cette pétition est renvoyée à la commission des
pétitions avec demande d'un prompt rapport.
______________________
« Le sieur Obert demande que la chambre lui permette d'administrer
les preuves des faits avancés dans sa pétition d'hier au moyen des pièces qu'il
possède. »
M. Dedecker. - M. le secrétaire vient d'analyser une pétition d'un sieur Obert, je demande qu'il en soit donné lecture.
Plusieurs membres. - Non ! non
!
M. Lebeau. - Je demande l'exécution du règlement. Je ne vois pas pourquoi on donnerait
un privilège à ce pétitionnaire.
M. le président. - Votre demande soulève un incident.
M. Dedecker. - Je ne sais pas ce que la pétition contient, et je désirerais en
connaître le contenu.
M. le président. - La pétition ne contient rien de plus que ce qui se trouve dans
l'analyse.
La pétition est renvoyée à la commission des pétittions.
______________________
« Le conseil communal et les habitants de la
commune de Courcelles demandent leur réunion au canton de Gosselies. »
« Le conseil communal de Tirlemont demande
qu'il soit créé pour la province de Brabant un 4e arrondissement
judiciaire, dont Tirlemont serait le chef-lieu. »
« Un grand nombre d'habitants de la commune de Mabaupré réclament contre le projet de séparer cette
commune du canton de Bastogne pour la réunir à celui de Hauffalise. »
« Les propriétaires et négociants de la commune
de Tilleur d’être séparés de la juridiction de Liége et de faire partie du
canton de Seraing. »
- Ces pétitions sont renvoyées à la commission
chargée de l'examen du projet de loi sur les circonscriptions cantonales.
_______________________
« La chambre de commerce et des fabriques de
Bruges renouvelle sa demande tendant à ce que la chambre s'occupe du projet de
loi concernant le canal de Zelzaete. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du
projet.
_______________________
« Le sieur Pierre Torreborse-Janssens,
directeur des barques faisant le service entre Bruges et l'Ecluse, demande une
indemnité proportionnée aux pertes énormes qu'il a essuyées par suite des
événements de 1830 et de l'établissement du chemin de fer. »
- Renvoi à la commission des finances.
_______________________
Le sénat, par divers messages, informe la chambre de
l'adoption de plusieurs projets de lois de naturalisation.
- Pris pour information.
_______________________
M. Kervyn informe la chambre qu'il est retenu chez lui par une indisposition.
PROJET DE LOI TENDANT A OUVRIR UN CREDIT AU DÉPARTEMENT DE L'INTERIEUR POUR
L'ACQUISITION ET L’EXPLOITATION DU STEAMER LE BRITISH QUEEN,
POUR LES EXERCICES 1841 ET 1842
Discussion
générale
(Moniteur
belge n°50, du 19 février 1842) M. Verhaegen. - Messieurs, j'examinais hier la question de savoir si le ministère
actuel était lié par le fait du cabinet précédent ; j'examinais la partie de
l'acte du 17 mars 1841, au point de vue du droit civil. Je l'examinerai plus
tard au point de vue politique, au point de vue des convenances
internationales.
Comme, dans le rapport de la section centrale, on
est parti d'une fausse base, et il faut bien le dire, pour faire jaillir sur
d'autres le résultat d'une opération dont la responsabilité devait peser exclusivement
sur ceux qui l'avait mise à exécution, on est arrivé à soutenir que la
livraison de
J'ai établi, je pense, messieurs, et à la dernière
évidence, que, d'après les règles du droit civil, qui sont applicables aux
gouvernements comme aux particuliers, alors surtout qu'il s'agit de l'exécution
d'un contrat ; j'ai établi, dis-je, que la convention du 17 mars 1841. ne donnait qu'un droit éventuel, un espoir de
droit ; que cette convention était subordonnée à l'exécution de deux
conditions, lesquelles, d'après leur nature, étaient suspensives. La
première de ces conditions était qu'aucun des deux navires ne fît naufrage, et
la deuxième, que, dans la supposition qu'aucun des deux navires ne vînt à
périr, ils fussent livrés avant le 24 mai 1841.
Ces conditions ne s'étant pas accomplies, il n'y a
jamais eu d'obligation.
Mais, messieurs, le ministère actuel lui-même a
reconnu qu'il n'y avait pas eu d'obligation au 17 mars 1841, et je vais vous
l'établir à la dernière évidence : pénétré des principes que je viens
d'invoquer, le nouveau cabinet a laissé de côté le contrat du 17 mars pour
faire un contrat tout à fait nouveau, celui du 28 avril. C'est ici, messieurs,
que je réclame toute votre attention, c'est ici, il faut bien le dire, qu'on a
tâché de cacher ce qui est décisif dans la discussion actuelle.
M. le ministre de l'intérieur avait, lui,
parfaitement compris que s'il mettait sous les yeux de la législature le
contrat du 28 avril 1841 toute la responsabilité aurait pesé sur lui, et il ne
serait rien resté à la charge du cabinet précédent. Aussi, voici de quelle
manière M. le ministre a procédé dans son rapport.
A la page 8, après avoir parlé de l'acte du 17 mars
1841, il parle de la ratification donnée à ce contrat par le gouvernement le 19
avril, et puis il s'exprime en ces termes :
« Un nouveau mode de payement fut demandé et
accordé.
« Ce nouveau mode a été stipulé en ces termes
par les dispositions additionnelles signées le 28 avril 1841 :
« Ledit bateau The British Queen sera livré et cédé, suivant les
termes dudit contrat ci-dedans écrit et mentionné, au prix de soixante-dix
mille livres sterling, en monnaie de
« Depuis la signature de la convention du l7
mars, les deux navires étaient successivement partis pour l'Amérique. »
Ainsi, d'après ce rapport, par l'acte du 28 avril
1841, on se serait borné à confirmer l'acte du 17 mars ; sauf qu'on y aurait
inséré un petit changement quant au mode de paiement. Certes c'était se
mettre très à l'aise, car en acceptant les choses comme nous les présente le
rapport de M. Nothomb, le ministère actuel n'aurait fait, le 28 avril, que
subir les conséquences de l'acte du 17 mars 1841 il n'aurait fait que donner
suite à un fait accompli et confirmer une convention déjà parfaite et
définitive par elle-même.
J'ai lieu de croire que la section centrale qui, à
certains égards, s'en est rapportée aux assertions du ministre, a eu quelques
doutes sur l'importance de l’acte du 28 avril 1841 ; aussi, après avoir demandé
des renseignements, a-t-elle fini par exiger la production de cet acte pour
s'assurer s'il était vrai, comme l'affirmait M. Nothomb, que l'acte n'avait
d'autre but que d'apporter un changement au mode de payement.
Force fut donc au ministre de l'intérieur de
communiquer l'acte du 28 avril, et la section centrale l'a imprimé, page 27 de
son rapport.
L’acte du 28 avril 1841, que j'ai sous les yeux,
renferme une novation dans toute la force du terme, c'est un contrat nouveau
substitué au contrat ancien, lequel est annulé : d'où la conséquence
nécessaire que le contrat fait le 17 mars 1841 par le ministère précédent a été
mis de coté par le cabinet actuel, lequel a fait et a exécuté tout autre chose
que ce qu'avaient conçu ses devanciers.
Vous allez voir, messieurs, que dans le contrat du
28 avril 1841, la chose qui fait l’objet de la vente est différente de celui du
contrat du 17 mars, que le prix de la vente est différent, que l'époque de la
livraison est différente ; en un mot, qu'il n'y a plus dans ce nouveau contrat
aucune des stipulations du premier contrat ; et cependant on a osé venir nous
dire que le contrat du 28 avril n'était que la confirmation de celui du 17
mars, sauf la petite modification quant au mode de payement !! Pour s’en
convaincre, il suffit de lire la pièce telle qu’elle se trouve imprimée dans le
rapport de la section centrale ; quant à moi, pour éviter des longueurs, je me
bornerai à résumer.
Au lieu de deux navires, ainsi qu'ils sont rappelés
dans l'acte du 17 mars, il ne s'agit plus dans le contrat du 28 avril que d'un
seul,
La vente est réduite au seul navire
Il n'est donc question que d'un navire dans le
contrat du 28 avril, tandis qu'il était question de 2 navires dans celui du 17
mars.
Le prix, quel est-il dans le contrat du 28 avril ?
70,000 liv. st. pour le seul navire
L'époque de la livraison était différente encore
quant au Président, à l’égard duquel on laisse une faculté au
gouvernement belge : on recule l'époque de la livraison jusqu'au 1er août 1841.
Ainsi, nous rencontrons, dans l'acte du 28 avril
1841, différence quant à l'objet, différence quant au prix, et un nouveau délai
pour la livraison.
Je vous le demande, messieurs, en stipulant ces
différences importantes, ne sommes-nous pas autorisé à dire que le contrat du
28 avril a complètement innové au contrat du 17 mars, et que ce dernier est mis
au néant. Rien, en effet, n'est plus substantiel dans un contrat de vente que
la chose et le prix, et ces deux objets entre autres sont entièrement changés.
Mais, messieurs, une chose bien plus importante
encore, c'est que, de même que le contrat du 17 mars, celui du 28 avril
contient une condition suspensive. Sur ce point, il ne peut y avoir l’ombre
d'un doute. Voici les termes dont on s est servi :
« Et, de plus, que jusqu'au 24 du mois de mai,
après que ledit bateau the British Queen aura été examiné suivant les
termes dudit contrat ci-dessus écrit et contenu, il sera au choix dudit Sylvain
Van de Weyer d'accepter ou d'abandonner ledit bateau the British Queen et
ses accessoires, sans rapport audit bateau the President,
et qu'il doit exercer ce choix tout au plus tard ledit vingt-quatre du mois
de mai courant, et que s'il se résoud à ne pas
prendre ledit bateau the British Queen avec ses accessoires, seul et
sans ledit bateau the President avec ses
accessoires, ou bien s'il refuse ou oublie d'exercer ce choix dans le délai
ci-dessus dernièrement mentionné, prescrit qu'alors, et, dans ce cas, ledit
contrat ci-dedans écrit et contenu, et ces présentes, et toute chose, et tout
article dans ledit contrat et dans ces présentes contenus, seront à jamais
entièrement et absolument cassés et annulés, tant à ce qui regarde ledit bateau
the President qu'à ce qui regarde ledit bateau
the British Queen. Mais que si avant ledit vingt-quatre mai ledit
Sylvain Vau de Weyer se décidera à accepter ledit bateau the British Queen et
ses accessoires sans et indépendamment dudit
bateau the President, alors ledit bateau the
British Queen sera livré et cédé suivant les termes dudit contrat ci-dedans ci-dedans mentionné au prix de soixante-dix mille livres
sterling en monnaie de
Ici la condition suspensive consiste non seulement dans
la non-acceptation, mais même dans le seul oubli de M. Van de Weyer. Et on ne
peut donc pas dire que la clause a été stipulée uniquement en faveur du
gouvernement belge.
On dit dans l'acte du 28 avril que si M. Van de
Weyer refuse ou oublie d'accepter le navire avant le 24 mai, non seulement le
gouvernement belge sera dégagé, mais encore que la compagnie anglo-américaine
ne sera plus tenue à rien. Ainsi, c'est une stipulation réciproque ; c'est une
condition de nature à être invoquée par le gouvernement belge comme par la
compagnie anglo-américaine, et par conséquent c'est une condition suspensive ;
car il ne pouvait y avoir obligation parfaite que du moment où l'événement de
la condition s'accomplissait.
Sous ce rapport, il y a une quatrième différence importante.
D'après le contrat du 17 mars, M. Van de Weyer avait la faculté d’accepter ou
de ne pas accepter ; mais cette faculté n'était pas réciproque pour la
compagnie anglo-américaine, tandis que dans le contrat du 28 avril, cette
faculté est stipulée dans l'intérêt des deux parties ; ce changement a amené un
changement dans le prix, qui, au lieu d'être de 71,750 liv. st., n'était plus
que de 70,000 liv. st.
Ainsi l'acte du 28 avril n'est pas la confirmation
de l'acte du 17 mars ; c'est un contrat tout à fait nouveau, qui contient des
stipulations tout à fait nouvelles et contraires à celles du contrat du 17
mars.
Le ministère n'avait donc aucune obligation à
remplir du chef de l'acte du 17 mars. Cet acte n'existait plus. S'il y avait
obligation pour le ministère actuel elle résultait de l'acte du 28 avril, qui
était son fait.
Maintenant, pour cet acte comme pour l'autre, si la
condition suspensive venait à défaillir, l'acte devait être considéré comme non
existant. Telle est la conséquence des conditions suspensives.
Nous avons eu l'honneur de vous établir hier la
différence qu'il y a entre une condition résolutoire et une condition
suspensive. Si, comme nous l'avons démontré, il n'y avait ici qu'une condition
suspensive, toute l'argumentation à laquelle se sont livrés nos adversaires
vient à tomber. Le contrat étant considéré comme nul, toutes les chances
auxquelles on a fait allusion disparaissent. Il en eût été de même toutefois
s'il se fût agi d'une condition résolutoire ; car en dernière analyse ce n'est
qu'une question de mots. La condition eût-elle été résolutoire, les
conséquences eussent été les mêmes que si la condition est réellement
suspensive, sauf que j'ai démontré hier que l'honorable M. de Behr est
complètement dans l'erreur, quand il prétend que la condition résolutoire est
toujours comminatoire, c'est-à-dire que le juge peut ne pas y donner suite et
consentir un délai, suivant les circonstances.
Je vois que mon honorable collègue me fait signe
qu'il persiste dans son opinion ; pour ne pas lui répliquer plus tard, j'aurai
l'honneur de lui dire dès à présent que ce point ne peut souffrir l'ombre d'un
doute. Il y a en effet une grande différence entre la condition résolutoire
résultant de la loi et la condition résolutoire écrite dans un contrat. Lorsque
la condition résolutoire résulte de la loi, le juge peut ne pas y donner suite,
parce que la loi l'autorise à s’en départir. Mais lorsque la clause résolutoire
est écrite dans un contrat, lorsque sans cela il n’y aurait pas eu de
contrat, à moins de déchirer toutes les conventions, vous ne pouvez considérer
la clause résolutoire comme comminatoire. Je dirai à l'honorable M. de Behr que
dans le droit romain la clause résolutoire n'a jamais été considérée comme
comminatoire ; s'il en était autrement sous les anciennes coutumes, au moins
pour certaines localités, il est vrai en même temps que dans le droit moderne
qui nous régit on est revenu à l'opinion des anciens jurisconsultes romains.
Qu'on recoure à la discussion du code civil, et on
verra que dans le système de ce code, la clause résolutoire ne peut, sous aucun
point de vue, être envisagée comme comminatoire, quand elle a été expressément
stipulée dans un contrat.
Je n'en dirai pas davantage sur ce point, et je me
résume en disant que soit qu'on considère la condition comme suspensive soit
qu'on la considère comme résolutoire, jamais elle ne pouvait être envisagée
comme comminatoire. Elle devait avoir pour résultat de frapper de néant le
contrat, si elle venait à défaillir.
Il y a encore une observation que je ne peux laisser
passer sous silence.
On vous a dit, et ce n'est qu'un des mille et un
prétextes qu'on a mis en avant pour rejeter sur un autre une responsabilité
qu'on aurait dû avoir le courage de garder pour soi-même, on vous a dit : Voyez
les inconvénients, vous auriez dû aller devant les tribunaux anglais. Mais
qu'on ait l'obligeance de me dire pourquoi nous aurions dû aller devant les
tribunaux anglais. Je crois qu'il en est pour un gouvernement comme pour un
particulier ; si la société anglo-américaine avait eu quelque chose à nous
demander, elle aurait dû nous attaquer devant les tribunaux de notre pays, et
non devant les tribunaux anglais, Dès lors, je ne vois pas ce que nous avions à
craindre, surtout que nous avions pour nous non seulement les lois formelles,
mais, ainsi que je l'établirai plus tard, toutes les convenances et l'équité.
Hier je vous ai établi, messieurs, quelle est la
portée de l'acte du 17 mars 1841, je viens de vous établir aujourd’hui la
portée de l'acte du 28 avril, acte qui a mis de côté celui du 17 mars, acte
dont le gouvernement actuel a pris sur lui toute la responsabilité, et par
conséquent acte qu’il a à défendre.
Mais voyons quelle était, d'après l'acte du 28 avril
1841 la position du gouvernement ? Messieurs, sans manquer à aucune des
convenances, sans se mettre en opposition avec aucune loi, sans violer le moins
du monde le contrat, tout au contraire en le respectant, le gouvernement
pouvait ne pas accepter le British Queen, et personne n'avait la moindre
objection à faire. Je le prouve, messieurs, à la dernière évidence par les
termes du contrat nouveau, celui du 28 avril, qui fait aujourd’hui loi : il y
est stipulé que si M. Van de Weyer ne prend pas livraison du navire avant le 24
mai, ou si seulement il oublie d’en prendre livraison, il n'y a plus
d'obligation.
Direz-vous encore, comme pour le contrat du 17 mars,
que c'était une stipulation exclusivement dans l’intérêt du gouvernement belge
et qu’il était de la dignité de celui-ci, alors qu'on avait stipulé en sa
faveur, de donner suite à une partie de la convention ? Mais j'aurai l'honneur
de vous faire observer que ce n'était pas seulement dans l'intérêt du
gouvernement belge, mais aussi dans l'intérêt de la compagnie qu'il était
convenu qu'après le 24 mai les parties n'étaient plus tenues à rien. La
compagnie, dans son intérêt avait jugé à propos d'innover et d'insérer dans le
contrat une clause en vertu de laquelle elle n'était plus tenue à rien après le
24 mai.
Le gouvernement n'était donc pas tenu d'accepter la
convention ; un simple oubli en amenait l'anéantissement. Vous aviez tout
bonnement à rester dans l’inaction, et votre contrat du 28 avril était frappé
de néant. Telle était votre position, et cette position vous vous l'étiez faite
par l'acte du 28 avril 1841.
Et maintenant la question devient bien plus grave.
Je vais examiner, messieurs, si le gouvernement a fait ce qu'il aurait dû faire
; je vais examiner s'il y a eu de sa part une acceptation avant le 24 mai 1841
; et si je prouve au gouvernement qu'il n'y a pas eu acceptation de sa part
avant cette date, j'aurai prouvé que le contrat était frappé de néant ; et s'il
l'a fait revivre après une époque où il était devenu nul, alors commencera
toute la responsabilité du ministère actuel, et ce sera un fait qui lui
deviendra personnel. Je réclame toute l'attention de la chambre sur ce point
culminant de la question.
Par le contrat du 28 avril, je le répète, il a été
stipulé que si le gouvernement n'acceptait pas avant le 24 mai, ou s'il
oubliait seulement d'accepter avant le 24 mai, il n'y avait plus de contrat,
condition bien suspensive dans toute la force du terme. On ne dira plus que les
convenances et l'honneur exigeaient qu'après qu'on s'était conformé entièrement
au contrat, on fît un troisième contrat. Car je vous établirai que, pour
prendre livraison de
Le gouvernement est resté silencieux ; le 24 mai est
arrivé sans acceptation ; il y a eu de la part de M. Van de Weyer oubli ou
volonté de ne pas répondre par suite des instructions que lui avait données le
gouvernement, et dès ce moment il n'y avait plus de contrat.
Ce que j'ai dit, je le prouve.
C'est le 18 juillet 1841 que M. Nothomb a écrit à M.
Van de Weyer la lettre suivante :
« Le gouvernement s'étant décidé à accepter le
navire British Queen, en vertu de la faculté qui lui était laissée par
les contrats des 17 mars et 28 avril, intervenus avec la compagnie anglaise, je
crois devoir vous adresser quelques instructions complémentaires de celles que
vous avez reçues pour l'exécution de cette résolution du gouvernement. »
Ainsi, au 18 juillet 1841, la chose n'était pas
conclue ; ainsi, au 8 juillet 1841 on était encore en correspondance avec M.
Van de Weyer quant à ce qui devait être fait relativement à
Prétendra-t-on qu'on avait accepté précédemment ?
Mais la chose est impossible en présence de la lettre de M. Lejeune du 12 juin
1841, que je trouve page 71 du rapport ; M. Lejeune écrit à M. le ministre de
l'intérieur en ces termes :
« Conformément à vos désirs, je viens répondre
aux deux objections que vous m'avez posées dans l'entretien que j'ai eu
l'honneur d'avoir avec vous hier, et j'espère que ces explications, groupées à
la hâte, dissiperont les doutes qui peuvent encore rester dans votre esprit sur
la parfaite convenance de la ratification définitive de la convention conclue
pour l'achat du navire à vapeur
Ainsi M. Lejeune écrit le 12 juin 1841, pour faire
connaître qu'il y a nécessité d'accepter définitivement
Je prie M. le ministre de l'intérieur de me donner à
cet égard une réponse catégorique.
On ne mettra pas de coté des arguments péremptoires
en dédaignant d'y répondre ; on ne détournera pas l'attention publique du
véritable point de la question en se jetant dans des digressions. Je ramène M.
le ministre de l'intérieur aux véritables termes de la question, et je le prie
de s'expliquer. Votre contrat ne vous liait que jusqu'au 24 mai ; le 24 mai
écoulé tout était fini. Or il n'y avait eu aucune acceptation du contrat avant
cette date, dès lors il était mis au néant ; et en donnant, le 8 juillet, des
instructions à M. Van de Weyer, vous faisiez ce que vous ne deviez pas faire,
vous engagiez votre responsabilité.
Maintenant que j'ai établi que le gouvernement ne
devait pas prendre, s'il ne le voulait pas, livraison de
Messieurs, pour bien se fixer sur cette question, il
faut distinguer deux époques. Ce qui aurait pu paraître bon au mois de mars
1841, alors qu'on ignorait encore beaucoup de circonstances importantes sur la
défectuosité des deux navires, aurait pu être fort mauvais au mois de juillet
1841, époque où on a pris une livraison qu'on ne devait pas prendre, à laquelle
on n'était tenu par aucun contrat, et qui n'était commandée par aucun sentiment
de délicatesse ou de loyauté.
Au 8 juillet
Mais je n'ai pas besoin d'aller si loin. L'honorable
M. Doignon nous a donné hier une explication dont j'ai tenu bonne note. Lui,
qui a voulu faire le compte aux deux ministères, vous a dit que M. Nothomb
lui-même, à certaine époque qu'il a désignée, avait conçu des craintes sur la
bonté de l'opération et surtout sur la bonté du navire, et que c'était pour
dissiper ces craintes que M. Lejeune lui avait écrit le 12 juin 1841.
Ainsi, M. le ministre de l'intérieur avait déjà des
craintes que M. Lejeune a tenté de dissiper dans sa lettre du 12 juin 1841 ; M.
le ministre connaissait alors ce que personne n'ignorait, savoir que
Et à qui M. le ministre a-t-il communiqué les doutes
qu'il avait conçus ? La chose est digne d'attention, il les a communiqués à M.
Lejeune, qui avait été l'agent dans l'opération, et une seule lettre de cet
agent suffit pour dissiper ccs doutes !! Cette seule lettre le satisfait, et il
prend livraison du navire, à une époque où il n'était plus, sous aucun
prétexte, tenu de le faire.
Vous voyez donc, messieurs, que les époques sont
bien différentes ; ce que des hommes prudents auraient pu considérer comme bon
au mois de mars, pouvait et devait être considéré comme détestable au mois de
juillet ; alors que tous les faits étaient devenus notoires.
Je le demande, messieurs ; prendre livraison du
navire
Nous avons entendu ceux de nos honorables collègues
qui sont experts dans la partie, nous dire que l'opération en elle-même ne vaut
rien et que l'instrument avec lequel on veut la faire,
Quant à l'opération en elle-même, il est vrai que
l'utilité en a été proclamée par une loi, mais on demande aujourd'hui le
retrait de cette loi, et beaucoup d'honorables membres soutiennent que l'opération
n'offre aucun avantage et présente des pertes énormes.
L'honorable M. de Foere nous a fait hier à cet égard
un traité complet, d'autres honorables collègues ont parlé dans le même sens
que lui. Quant à moi, je n'ai pas assez de connaissances sur cette matière pour
pouvoir juger par moi-même de la chose, mais j'en juge d'après les raisons
données par certains honorables collègues, auxquels je reconnais compétence
pour décider la question, et d'après tout ce qui a été démontré sur la mauvaise
qualité du navire, je puis dire que le ministère actuel, au 8 juillet dernier,
aurait fait un acte de prudence et de bonne administration en n'acceptant pas
le British Queen, dont les défauts avaient été suffisamment signalés
dans les divers journaux et dans le monde commerçant.
Aujourd'hui, messieurs, voici la position que le
ministre actuel nous a faite : D'un côté l'on nous dit que la machine à vapeur
du navire n'est pas assez forte, qu'au lieu d'une force de 450 chevaux, il en
faudrait une de 650 à 700 ; d'un autre côté, l'honorable M. de Foere prétend
que le vaisseau est trop long, qu'il faudrait lui faire subir une petite
opération. (Hilarité.) Il est
possible qu'un autre vienne nous dire (et je partagerais peut-être son avis)
que le navire est trop large ; et qu'au lieu de le diminuer dans sa longueur,
il faudrait le rétrécir dans sa largeur, afin qu'il puisse entrer dans un de
nos ports ; il paraît, en effet, qu'on ne sait pas le faire entrer dans le port
d'Anvers, ou au moins qu'on ne peut l'y faire entrer que par une marée
extraordinaire, et encore en lui ôtant ses boîtes.
Ainsi, d'un côté, le navire est trop long ; de
l'autre, il est trop large, enfin sa machine n'est pas assez forte. L'honorable
M. Osy, très compétent aussi dans cette matière, a ajouté qu'il ne voudrait pas
prendre la responsabilité d'un vote qui pût avoir pour résultat d'exposer la
vie de nos concitoyens ou même d'étrangers qui répondraient à notre appel, il
nous a signalé tous les défauts du navire ; cependant l'honorable M. Osy, pour
tenir un semblable langage, doit avoir une conviction profonde, car il est
entré dans des détails tels qu'il a en quelque sorte discrédité le port
d'Anvers, en faisant voir l'impossibilité où l'on était, d'y faire entrer, ou
d'en faire sortir de grands navires, tels que le British Queen, et en donnant ainsi gain de cause au
port d'Ostende.
Eh bien, messieurs, lorsque je vois des hommes de
talent et d'expérience vous signaler de pareils faits, je suis bien forcé, moi
qui ne connais pas ces matières, de me ranger à leur opinion ; je suis
bien forcé de dire que l'opération en elle-même est mauvaise, que l'instrument
au moyen duquel on veut la faire, est également mauvais.
Alors que l'on avait des doutes sur la bonté du navire,
alors que l'on s'adressait à M. Lejeune pour obtenir des
éclaircissements, il eût été au moins convenable, surtout dans un moment où
l'on n'était plus lié par
aucun contrat, de provoquer
une expertise par des armateurs ou constructeurs belges : rien de tout cela n'a
été fait, messieurs ; on a sauté à pieds joints sur tous les inconvénients qui
étaient signalés, pour accepter, au mois de juillet 1841, un navire reconnu
mauvais par tout le monde, et dont nous n'avons que faire dans notre
petit pays, alors qu'un grand pays maritime n'avait pas pu en tirer parti ;
sans utilité quelconque on consacre une somme considérable à l'achat de ce
navire, et l'on se prépare à employer également des sommes considérables à son
exploitation.
Mais, messieurs, il est une dernière circonstance,
qui m'a péniblement frappé et sur laquelle je dois appeler vos sérieuses
méditations ; comme l'honorable M. Osy, je n'accuse personne, ce que je vais
vous dire n'a trait à aucun individu déterminé, Belge ou étranger : un fait qui
peut avoir considérablement contribué à nous endosser ce mauvais navire à une
époque où le gouvernement n'était pas obligé de le prendre, c'est celui
signalé par l’honorable M. Osy, et on ne saurait assez le rappeler à
l'attention du pays et de la chambre. On a parlé de moralité, eh bien, messieurs,
ce fait tient à la moralité publique et il nous importe au plus degré d'en
rechercher les auteurs ; nous avons payé
Les 100,000 francs qui sont sortis de notre caisse
et qui, d'après les renseignements de M. Osy, ne seraient pas entrés dans la
caisse de la société anglo-américaine, ces 100,000 francs auraient donc été
distraits au profit de quelqu'un, J'ai entendu dire dans cette enceinte que
c'était là un pot de vin qu'on était dans l'habitude de payer en pareille
circonstance ; je ne sais si, en présence d'une opération que je considère
comme désastreuse et pour laquelle nous avions payé déjà une commission assez
forte, il n'est pas scandaleux de venir parler d'un pot de vin de plus de
100,000 francs. Dans tous les cas, si ce pot de vin a été payé ; il importe à
l'honneur de
M. le ministre de l'intérieur nous a dit qu'il
prendrait des renseignements à cet égard ; mais ces renseignements arriveront
probablement quand nous aurons voté le crédit de 250,000 fr. qui nous est
demandé ; cependant, si 100,000 fr. sont entrés indûment dans la caisse de
quelqu'un que je ne connais pas, il y aurait peut-être moyen de les en faire
sortir et de nous les faire restituer ; alors, au lieu de voter 250,000 fr.,
nous n'aurions plus à en voter que 150,000. Je ne sais pas si l'affaire n'est
pas assez grave, si l'honneur belge n'y est pas assez compromis pour que nous
ajournions le vote du crédit demandé jusqu'à ce que des renseignements positifs
nous aient été fournis sur cet incident.
Encore une fois je ne veux attaquer personne, car je
ne sais pas quel est le coupable dans cette affaire ; mais je dois faire
remarquer à la chambre que la pétition du sieur Obert
pourrait peut-être bien avoir plus d'importance qu'on ne veut lui en attribuer
; cette pétition, au moins augmente singulièrement mes doutes et mes craintes.
M. Obert a signalé des faits et des faits extrêmement
graves, dont il vient aujourd'hui vous offrir d'administrer la preuve par
écrit. S'il était vrai, comme le prétend M. Obert,
que la compagnie anglo-américaine a voulu traiter pour une somme de beaucoup
inférieure ; celle que nous avons payé, s'il était vrai, d’autre part, que
100,000 fr. ont été distraits de la somme que nous avons versée, et que ces
100,000 fr. sont entrés dans la caisse de quelqu'un qui jusqu'à présent est
inconnu ; ce seraient là des faits de la plus haute gravité, des faits qui
compromettraient singulièrement l'honneur belge, si quelqu'un d'entre nos
compatriotes pouvait en être soupçonné.
Je pense donc que la chambre trouvera convenable de
prendre à cet égard des éclaircissements avant d'en venir au vote de la loi, et
je me réserve, d'après les explications ultérieures que pourra donner M. le
ministre, de faire une proposition dans ce sens.
M. Cogels. - J'aurais désiré pouvoir m'abstenir de prendre part à ces débats ; car,
que dans une question qui intéresse vivement tout le commerce d'Anvers, je me
vois forcé de combattre, quoique sur un terrain différent, deux honorables
collègues du même arrondissement. J'aurais désiré surtout ne pas être obligé
de revenir sur des questions déjà longuement débattues et dont la discussion,
en l’absence de bonnes lois sur la responsabilité ministérielle et sur la
comptabilité, ne peut guère produire de fruit. Je ne puis que me joindre à mon
honorable collègue M. Osy, pour presser le ministère de présenter enfin les
lois destinées à compléter notre organisation financière.
Si je romps le silence, messieurs, c'est, que je m'y
vois forcé par les attaques un peu amères et souvent mal fondées qui ont été
dirigées contre la section centrale par deux membres de l'ancien cabinet.
Vous savez tous, messieurs, comment la question qui nous occupe a été soumise à
la section centrale. Il est peu de questions introduites à la chambre sous des
auspices plus défavorables ; c'était un cri général de désapprobation, aussi
bien au sein de la représentation nationale qu'au dehors de cette enceinte, et
ce n'était pas les amis de l'ancien ministère dont le blâme était le moins
sévère. La section centrale, messieurs, avait une mission fort difficile, fort
délicate à remplir ; on ne lui a pas suffisamment tenu compte de ces
difficultés. Les trois premières séances ont été consacrées rien qu'à la
position de la question ; à savoir comment on règlerait l'ordre des
délibérations. En effet, messieurs, la section centrale avait non seulement un
jugement à porter, elle avait encore un acte d'administration à poser, une
proposition à formuler, car aucune proposition ne lui était soumise.
On a été peu bienveillant à l'égard de la section
centrale ; on a été mal interprété toutes ses intentions, toutes ses
démarches.
Ainsi, la section centrale fait un voyage à Anvers.
Elle n'avait à rendre compte à personne des motifs de ce voyage. Au lieu d'y
trouver un but rationnel, on s'imagine le but le moins vraisemblable, celui de
s'assurer par elle-même de la qualité du navire. Eh bien, il était naturel de
concevoir que tel n'était pas l'objet que la section centrale avait en vue.
La section centrale n'avait entendu jusque-là que
l'accusation, que devait-elle faire,
pour être équitable ? Elle devait écouter la défense. Elle s'est rendue à
Anvers pour donner moins de solennité à cette espèce d'enquête, et pour
pouvoir réunir en même temps et les premiers auteurs de l'entreprise et les
commissaires que le gouvernement avait cru devoir leur adjoindre. Voilà quel a
été le véritable but de la section centrale, et elle n'a qu'à s'applaudir de
son voyage, car elle a obtenu des éclaircissements sur plusieurs points qui
jusque là étaient restés douteux, et elle a vu se dissiper aussi bien des
préventions.
Maintenant, venons-en aux reproches qui ont été
adressés à la section centrale par les membres de l'ancien cabinet. Ils ne lui
ont reconnu aucun caractère d'impartialité ; ils l'ont considérée comme ayant
été dirigée par un seul mobile, celui de blâmer autant que possible l'ancien
cabinet, celui de disculper autant que possible le cabinet nouveau.
Ici, messieurs, j'invoque les votes de la section
centrale. La section centrale s'est posé sept questions qui concernaient
l'administration de l'ancien cabinet. Or, voyez les oscillations de ces votes.
Plusieurs questions ont été résolues en faveur de l'ancien ministère, d'autres
ont été résolues contre lui. Deux questions seulement ont réuni
l'unanimité. Ce sont la deuxième et la septième ; le vote sur la deuxième lui a
été favorable ; le vote sur la septième, sur la question de bonne
administration, lui a été défavorable. On a également résolu contre lui
la question d'irrégularité dans le payement, dans la création des obligations,
mais cette même question a été également résolue à l'unanimité contre le
ministère nouveau.
Vous voyez donc que la section centrale a mis dans
ses votes autant d'impartialité qu'on peut le désirer. Sans aucun doute, si le
vote du 2 mars avait dû servir de règle à la répartition des votes de la
section centrale, cette répartition aurait eu lieu d’une toute autre manière.
J'arrive maintenant aux discours des membres de
l'ancien cabinet dont je crois devoir repousser les accusations. Je commencerai
par celui de l'honorable M. Liedts.
Le premier reproche, adressé à la section centrale
par l'honorable M. Liedts, c'est de ne pas s'être occupée suffisamment du but
d'utilité de l'entreprise, de n'avoir regardé cela que comme une considération
secondaire.
Messieurs, j'avoue que j'ai été étonné de ce
reproche ; car la mission de la section centrale n'était plus d'examiner
l'utilité de l'entreprise. Cette question avait été résolue le 15 juin 1840, à
la majorité de 52 voix contre 10. Ce n'était pas du fond de la loi du 29 juin
1840, mais bien de l'application de cette loi que la section centrale avait à
s'occuper. Dès lors elle ne devait examiner la question d'utilité que
secondairement, elle ne devait s'en occuper que dans ses conclusions pour voir
quel était le meilleur parti à tirer de la situation actuelle.
L'honorable M. Liedts, pour justifier et même pour
vanter ce qui a été fait sous son administration nous a parlé beaucoup des
propositions faites par un certain M. Colden, et
auxquelles le ministère avait cru devoir attacher une grande importance. Je ne
me proposais pas de parler de cette question, mais ce qui vient d'être dit et
surtout la pétition qui a été présentée dans la séance d'hier, m'engagent à
dire quelques mots à cet égard.
Pour nous qui connaissions parfaitement la situation
des Etats-Unis à cette époque, nous n'avons jamais eu aucune confiance dans
les propositions de M. Colden. Si M. Colden était venu ici avec des capitaux, nous aurions pu
lui dire alors : nous vous écoutons ; mais M. Colden
devait chercher des capitaux aux Etats-Unis. S'il s'était adressé au moindre
négociant d'Anvers, on lui aurait dit : « N'allez pas chercher des
capitaux aux Etats-Unis : ce sera en vain. » En effet, à l'époque où M. Colden s'est présenté au ministère, les trois quarts du
commerce aux Etats-Unis étaient en état de faillite ; les banques avaient
suspendu leurs payements ; les provinces ne payaient plus ; ce n'était pas dans
un pays où l'intérêt de l'argent était à 1 1/2 ou 2 p.c. par mois qu'on aurait
trouvé des capitaux pour une entreprise qui, en supposant les meilleures
chances, ne devait en rapporter que 6 ou 7 par an. Ce qui prouve que les
propositions de M. Colden n'étaient pas sérieuses ;
que si c'était un capitaliste américain, il n'avait pas de très grands capitaux
à sa disposition, c'est que non seulement il n'a pas déposé les 200,000 fr. de
cautionnement, mais il n'a pas même déposé les 30,000 fr. qu'on exigeait pour
la remise du double de la convention. Ainsi, M. Colden
est parti, non avec le double de la convention, mais avec une copie volante.
Maintenant, après avoir reproché à la section
centrale de ne s'être pas occupée de la question d'utilité, l'honorable M.
Liedts articule un autre grief à charge de la section centrale, c'est de ne pas
avoir reconnu les actes du ministère précédent comme actes de bonne
administration.
L'honorable M. Liedts nous dit :
Si le ministère précédent était resté aux affaires ;
Si aucun des deux navires n'eût péri ;
Si une visite rigoureuse eût constaté
que tous les deux ils étaient d'une construction, d'une solidité, d'une
puissance dignes de leur réputation ;
Si les deux navires trouvés dans cet
état avaient pu être livrés avant le 24 mai
pour commencer immédiatement leur navigation ;
Si enfin l'achat projeté était devenu
définitif, par l'accomplissement de toutes ces conditions, le ministère
précédent eût fait un acte de mauvaise administration.
Eh bien, oui, messieurs, le ministère précédent eût
fait acte de mauvaise administration, tout comme la section centrale a dit
qu'il n'avait pas fait un acte de bonne administration, maintenant que toutes
ces conditions n'ont pas été remplies.
Je laisse à mes honorables collègues le soin
d'expliquer les motifs pour lesquels ils n'ont pas considéré les actes du
ministère précédent, comme des actes de bonne administration ; quant à moi,
j'ai seulement à faire connaître les motifs qui ont déterminé mon opinion.
Non, il ne suffit pas pour qu'on fasse une
entreprise, qu’elle soit utile, il faut encore avoir la certitude
qu'elle sera menée à bonne fin. Je suppose que j'aie un capital de 100,000 fr.
; j'érige une fabrique qui peut me donner 25 p. c. de bénéfice par an ; mais
si j'absorbe mes 100,000 fr. par la première mise..., de manière qu'il ne me
reste plus, ni capitaux ni crédit, pour mettre la fabrique en activité, j'aurai
fait un acte de très mauvaise administration. Eh bien, voilà ce que le
ministère précédent a fait, et voilà ce qu'il me sera facile de prouver par des
chiffres.
Quel était le prix des deux navires ? 147,500 liv.
st, à payer en obligations échelonnées en annuités, remboursables en 14 années
143,500 liv. st., au change de 25 fr. 20 c. font 3,616,000 fr. Le fonds de
roulement était de 760,000fr. D'après les tableaux
annexés au rapport de M. le ministre de l'intérieur, et qui ont servi de base à
la convention du 17 mars 1841, il devait y avoir, à l'expiration des 14 années,
un déficit de 412,500 fr., déficit qui devait être compensé par la valeur des
navires qui seraient devenus effectivement la propriété de l'Etat.
Eh bien, du fond de roulement, il fallait commencer
par déduire les frais d'acquisition. Ces frais ont monté, pour le British
Queen, à 41,000 fr. Je mets 82,000 fr. pour les deux navires. Il n'est sans
doute pas exagéré de calculer à 18,000 fr. la dépense nécessaire au transport
des navires au port d'Anvers. Voilà donc 100,000 fr. qu'il fallait déduire du
fonds de roulement. Ce fonds était réduit à 66,000 fr. Ainsi vous aviez pour
exploiter les deux navires, un fond de roulement de 660,000 fr. Vous deviez commencer
votre exploitation avec d'aussi faibles ressources. D'après les calculs qui ont
été fournis, il a été reconnu que, pour 4 voyages, on aurait besoin de 250,000
fr., ce qui, pour huit voyages, fait 500,000 fr. pour huit voyages. Par
conséquent, au bout de onze voyages et sans tenir même compte des événements
imprévus, vous étiez obligé de stater l'entreprise ou de venir demander un
nouveau crédit à la chambre. Je le demande, est-ce là un acte de prévoyance ?
Pour moi je réponds hardiment non. .
Il est encore un antre acte qu'on ne peut considérer
comme un acte de bonne administration : c'est le mode de paiement.
Qu'avait fait l'ancien ministère ? Sous prétexte de
se renfermer dans les limites de la loi, pour ne pas dépasser les annuités de
400,000 fr., il s'était engagé à remettre à la société anglaise 143,500 liv.
st. d'obligations portant intérêt à 5 p. c., jouissant du reste de toutes les
faveurs de notre dette publique, étant payables à Londres, Paris, Francfort et
Anvers. Eh bien, voilà 145,1500 liv. st. qui seraient immédiatement venus se
jeter sur les marchés belges, car on savait fort bien que la société anglo-américaine
devait liquider, et que, par conséquent, elle ne pouvait pas guider ces
obligations dans ses caisses, qu'elle devait les négocier. Quel était le
résultat inévitable de cette négociation ? C’était de créer une concurrence
dangereuse à notre dette flottante, c'était nuire à la négociation de nos bons
du trésor ; quiconque a quelque idée des opérations financières concevra cela
fort aisément.
Mais nous dit enfin M. Liedts, pourquoi s'arrêter à
cette assertion de la section centrale ? Il n'y avait plus de la convention de
l'ancien cabinet que le souvenir ; et quand on discuterait pendant huit jours,
on ne parviendrait à rien prouver, puisque ce qu'on attaque est au néant. Je
compte revenir sur ce point, en répondant au discours de l'honorable M. Rogier.
Voici ce que dit l'honorable M. Rogier :
La section centrale s'est donné beaucoup
de peine pour deux choses ; d'abord pour trouver l'ancien ministère coupable,
et, en second lieu, pour trouver le ministère actuel innocent. J'ai reconnu là,
messieurs, les liens qui existent entre certains membres de la section centrale
et le ministère actuel. Aussi, je ne leur en veux pas. J'ai bien souvenir de
certaine irritation politique de l'opposition de l'année dernière. Comme je
suppose que cette irritation n'existe plus, je ne puis penser que le blâme
qu'on veut exprimer ait trouvé sa source dans cette irritation.
Eh bien, ici je suis charmé de pouvoir dire à
l'honorable M. Rogier que les soupçons qu’il avait conçus d'abord et auxquels
il a renoncé ensuite, il a eu raison d'y renoncer, car cette irritation de
l'année dernière n'a été pour rien dans les décisions de la section centrale.
Elle n'a pris en considération que les choses et nullement les personnes. Ce ne
sont pas ses sympathies politiques qui l'ont guidée. Une autre question, sur
laquelle je pense que M. le rapporteur répondra, c'est celle relative au
reproche qu'on a fait à l'ancien ministère sur la précipitation qu'il a mise à
faire cette opération. Ce que je puis dire, c'est qu'on n'y a vu, de sa part,
aucun motif d'intérêt personnel, peu honorable. Je dénie a la section centrale, a
dit M. Liedts, le droit d'inculper des intentions qui échappent à
l'appréciation, parce que les actes sont restés à l'état de simples projets.
Ces intentions, la section centrale ne les a jamais
soupçonnées ; au contraire, elle s'est toujours plu à rendre justice, à cet
égard, aussi bien à l'ancien ministère qu'aux auteurs de l'entreprise.
Je suis fâché que l'honorable M. Verhaegen soit venu
reproduire d'une manière formelle une accusation qui n'avait été que soulevée
par l'honorable M. Osy, relativement au déficit de 4,100 liv. st, sur le
produit des deux navires.
Je ne suis pas encore à même de donner des
renseignements positifs sur cette différence ; mais je puis cependant donner
une explication qui, je crois, satisfera la chambre. M. Osy, qui m'a
communiqué les pièces sur lesquelles il s'est appuyé, a commis une erreur quand
il a dit : Il est positivement connu que les assureurs de Londres ont
remboursé, pour le Président, 60,000 liv. st. Le Président a bien
été assuré pour 60,000 liv. st. ; mais entre assurer et rembourser il y a une
différence. Vous savez que, pour des assurances aussi considérables, il faut
recourir à plusieurs assureurs.
Le Lloyd se compose d'un très grand nombre de ces
assureurs.
Quelques-uns sont solides, d'autres sont faibles et
quand on fait assurer pour de fortes sommes, il y a toujours des mécomptes.
Dans une conversation que j'ai eue avec un négociant
et qui date de plus de six semaines, j'ai appris que, sur les 60,000 liv. st.
pour lesquels on avait assuré effectivement le Président, on n'aurait
recouvré que 56,000 liv. st. Je ne puis garantir l'exactitude de ce fait, mais
les renseignements que prendra M. le ministre de l'intérieur pourront
l'éclaircir. Mais d'après cela, le compte se trouverait être parfaitement
juste, puisqu'alors il aurait été reçu pour le British Queen
D'ailleurs je me plais à rendre hommage au caractère
de l'homme qui est le plus en jeu dans cette question, Je n'ai jamais partagé
ni les illusions ni l'enthousiasme de l'auteur de l'entreprise, je n'ai pas cru
surtout qu'elle dût avoir un succès immédiat. Mais il est certain que tous les
hommes qui ont l'avantage de connaître son caractère honorable savent qu'il
est incapable, non pas de recevoir un pot-de-vin, mais de se prêter à le faire
recevoir par qui que ce fût.
Maintenant je crois avoir suffisamment démontré pourquoi
je ne regardais pas comme un acte de bonne administration l'acquisition des
deux bateaux à vapeur, le contrat du 17 mars, et celui du 3 avril. Mais, disent
MM. Liedts et Rogier, vous ne pouvez pas attaquer ces contrais, ils n'ont
jamais existé, ce sont de simples projets, ce ne sont pas des actes, ce ne sont
que des pensées.
J'ai peine à croire qu'un acte fait par-devant
notaire à Londres, dans lequel on fait intervenir la diplomatie, à la suite
duquel un contrat est passé avec des négociants d'Anvers, dans lequel on stipule
le mode d'exploitation, le fonds de roulement, j'ai peine à croire, dis-je, que
tout cela n'était qu'une pensée. Je veux bien l'admettre, mais quel est alors
le mérite du ministère précédent ? c'est d'avoir fait
en sorte de n'avoir rien fait. Ce ne sont pas des résultats aussi négatifs qui
doivent perpétuer les souvenirs d'une bonne administration
Je ne m'étendrai pas davantage sur le passé. Je vais
parler de ce qu'il y a faire pour l'avenir. Je me chargerai autant qu'il est en
mon pouvoir de justifier les conclusions de la section centrale. Je commencerai
par rétablir la réputation du navire. Elle a été attaquée sous tous les
rapports, sous le rapport de la forme, de la solidité, de la construction, on
a dit qu'il était arqué, que la machine à vapeur n'était pas proportionnée à la
capacité du navire, qu'il manquait de célérité ; enfin je ne sais quelles
accusations on a portées. On a été jusqu’à dire qu'il y aurait une espèce
d'inhumanité à exposer des voyageurs à s'embarquer sur ce navire. A cela j'ai
une chose à répondre, c'est que le premier voyageur inscrit, c'est l'auteur de
l'entreprise. On peut me dire, je le sais, c'est un homme qui, par
amour-propre, veut exposer sa vie ; cela ne suffit pas. Mais il trouve des
preuves irréfragables dans les pièces fournies par le gouvernement. Les
certificats vous disent que le British Queen, assuré à raison de 7
guinées la première année, l'a été l'année suivante à raison de 4, parce qu’on
a reconnu l'excellence de sa construction et la manière dont il se conduisait
en mer. Il a été assuré à raison de 4 et 2/10 p. c, ; et comme il a fait quatre
à cinq voyages, cela fait qu'il a été assuré à demi p.c. par traversée.
Maintenant, me dira-t-on que les assureurs anglais sont des hommes ineptes, des
hommes inexpérimentés ? Mais toutes les personnes qui ont connaissance de la
manière dont les choses se passent en Angleterre vous diront que les assureurs
qui ont des opérations très considérables à surveiller ; mais ont des experts
qui visitent les navires et que la première condition que l’on met, c’est qu’il
soit sea Worthy. Quand
le navire est de première classe, on prend la prime ordinaire, et le maximum de
la somme ; quand il est de deuxième classe, on est plus exigeant, quand il est
de troisième classe, on l’est davantage encore, et enfin, quand il est dans les
dernières clases, on ne l’assure plus du tout.
Mais pour qu’on établisse une prime exceptionnelle,
il faut que la qualité soit exceptionnelle. Comme il a été assuré à moitié de
la prime qu’on prend sur les meilleurs navires à voiles, cela prouve qu’il
devait présenter moins de chances de danger que tout autre.
Une autre preuve qui ne résulte pas des documents
fournis par le gouvernement, mais de pièces qu'on m'a transmises de Londres, le
3 mars 1841, époque à laquelle la mer est dangereuse à cause des vents
d'équinoxe, une partie de la cargaison a été assurée à raison de 15 schellings
ou 3/4 p. c. Au 10 avril, époque à laquelle commencent les primes d'été, parce
qu’on suppose que l'arrivée aux Etats-Unis aura lieu pour le commencement de
juin, par navires à voiles, un navire de première classe a été assuré pour 1
liv. 5 sh. au 1 1/4 p. c. Voilà à peu près le double de la prime demandée pour
Quant à la célérité, il y a encore là le livre de
bord, et on peut y voir quelle est la moyenne des traversées du British
Queen. Il a fait neuf voyages. La moyenne pour l'aller a été de 15 jours 15
heures, et la moyenne des retours de 14 jours 11 heures. Cette différence
tient aux vents d'ouest qu'on a en allant. J'aurai occasion de parler de cela
plus tard.
Les cargaisons que l'on a confiées à ce navire
étaient extrêmement riches. Sa cargaison, à son dernier voyage vers les
Etats-Unis, était d'une valeur d'au-delà de 12 millions de francs. Vous concevrez
que ce n'est pas sur un mauvais navire qu'on irait exposer une cargaison de 12
millions de francs. Je n'aime pas à baser mes opinions sur des conversations
particulières, sur des avis dont je ne puis connaître l'origine, mais bien sur
des chiffres ; c'est là ce qu'il y a de plus irrécusable.
Maintenant venons-en aux chances d'exploitation. Ici
je suis loin de partager l'enthousiasme les illusions des honorables MM. Liedts
et Rogier. Je suis loin de contester les heureux résultats que peut avoir
l'entreprise pour l'avenir. J'ai été un de ceux qui ont défendu le projet de loi,
parce que je regarde le service à vapeur comme éminemment utile. Mais je ne
crois pas à un résultat immédiat. En fait de commerce, il n'y a pas de
résultats improvisés ; les relations s'établissent toujours très lentement. Ici
je me base sur l'expérience des faits. Je me rappelle qu'à la chute de
l'empire, de 1814 à 1815, lorsque le port d'Anvers renfermait tous les germes
de prospérité qui se sont développés depuis, nous avons eu beaucoup de
difficulté à établir des relations avec l'Allemagne et à faire voir les
avantages, qu'avait Anvers sur Rotterdam et les autres ports de Hollande.
Pour combattre les conclusions de la section
centrale, et pour s'opposer à l'exploitation de
Pour le British Queen, Neuf voyages ;
Recettes liv.
st. 82,001
Dépenses liv. st. 70,691
Bénéfice liv. st. 11,310.
Moyenne par voyage, 1,250 liv. st. environ, ou
52,000 francs.
Pour le Président.
Recettes liv.
st. 25,934
Dépenses, liv. st. 21,883
Bénéfice liv. st. 4,051
Moyenne par voyage 1,350 environ, ou 34,500.
Vous voyez donc que le compte d'exploitation n'est
pas aussi désastreux qu'on le croyait. Je suis le premier à dire que nous n'aurons
pas de résultat semblable, nous n'aurons pas de bénéfice. C'est précisément
pour cela que nous accordons le subside.
L'honorable M. Osy, pour apprécier la qualité du
navire, s'est fondé sur les renseignements qui lui ont été fournis par un homme
qu'il dit expérimenté. Il a eu également la bonté de me communiquer
cette note. Mais je ne m'attacherai qu'à ce qui a été inséré dans le Moniteur.
Il y est dit :
« En sortant de Liverpool, la traversée de
l'Atlantique commence. » S'il est expérimenté, cet homme, il a de
singulières distractions ; car il oublie le canal de St.-George, un des points
les plus dangereux pendant une partie de l'année ; car pendant une partie de
l'année la prime d'assurance est plus élevée sur ce point que sur bien d'autres
; si donc il est expert pour la construction des navires, il ne l'est guère en
géographie et en navigation.
L'honorable M. de Foere a également attaqué la
qualité de
Je dirai seulement qu'une chose a échappé aux
honorables MM. de Foere et Osy, c'est la grande différence entre le voyage
d'aller et le voyage de retour. L'honorable M. Osy a dit que la traversée par
navires à voiles de Liverpool aux Etats-Unis, prenait de 15 à 20 jours ; cela
n'est pas exact ; la moyenne du voyage d'aller est d’un mois à six semaines ;
la moyenne du voyage de retour est de 18 à 30 jours, C'est que, pour aller aux
Etats-Unis, on n'a pas les vents alizés qu'on trouve dans les régions
tropicales ; il faut tenir plus au nord ; pour aller on a pendant 7 jours sur
10 les vents contraires ; au retour on a pendant 7 jours sur 10 les vents favorables.
Voilà le motif de la différence, voilà pourquoi la prime du voyage d'aller est
plus élevée que pour le retour.
Répondant à M. de Foere, je lui demanderai ce qu'il
gagnerait à démolir et à reconstruire le navire. Ce serait une saison perdue,
Car ce ne serait pas en huit jours qu'on ferait cette opération. Ensuite, il y
aurait des frais. Il faudrait pour cela un crédit de quelques cent mille
francs. Ensuite, que gagnerait-on pour la solidité du navire ?
Permettez-moi une comparaison triviale ; il y aurait
la même différence qu'entre un habit neuf et un habit retourné.
L'honorable M. Verhaegen a également discrédité le
navire autant qu'il a été en son pouvoir. Il a dit qu'il a été fort surpris
qu'on n'ait pas demandé une expertise belge. Je suis surpris de trouver cet
argument dans la bouche d'un défenseur de l'ancien ministère ; car l'expertise
ne devait pas avoir lieu après, mais avant le premier contrat. Je trouve
d'ailleurs qu'on a eu raison, parce qu'on ne pouvait envoyer convenablement un
expert belge en Angleterre et qu'ou pouvait s'en rapporter aux expertises
faites dans ce pays, tant pour les assureurs que pour notre gouvernement. Les
résultats de ces dernières sont consignés pages 81 à 83 du compte rendu. Nous
voyons dans les certificats de M. Abelhel que d'abord
il n'avait pu visiter le navire dans toutes ses parties, mais qu'ensuite il l'a
visité dans toutes ses parties, l'a foré et a pu en reconnaître la solidité.
Maintenant une objection qui a été faite encore par
l'honorable M. Rogier est relative au rapport de la loi du 29 juin 1840, et au
crédit que nous voulons accorder. Il a dit que nous voulons borner
l'exploitation à un seul navire et réduire le crédit à moitié. D'abord, quant à
un second navire, je ne sais où l'on irait maintenant le chercher. Ensuite,
quant au crédit, remarquez que nous en faisons la répartition d'une manière
plus généreuse que ne faisait l'ancien ministère pour l'exploitation de deux
navires ; car que faisons-nous ? sur 400,000 fr. nous attribuons 250,000 fr. à
l'exploitation et 150,000 fr. au remboursement du capital, tandis que, d'après
le projet du ministère précédent, il y avait 3,600,000
fr. pour remboursement du capital et 760,000 fr. pour l'exploitation ; ainsi
nous accordons infiniment plus pour l'exploitation que pour l'amortissement,
tandis que le ministère précédent accordait quatre fois autant pour
l'amortissement que pour l'exploitation. Nous avons donc été très généreux.
Mais du reste l'observation de l'honorable M. Rogier
vient seulement à l'appui de tout ce que j'ai avancé, quant aux mauvais calculs
faits sur la première opération, car certainement si ce que nous accordons
maintenant paraît insuffisant, à plus forte raison, la somme totale était
insuffisante pour les deux navires. Il est en effet à remarquer qu'avec les
deux navires, vous n’auriez pu obtenir dès le premier abord le double des
recettes que vous donnera un seul navire.
Il y a une chose certaine ; c'est que lors même que
cette discussion n’aurait pas eu lieu, lorsque les choses se trouvaient dans
l’état où elles étaient avant la perte du Président, vous n'auriez pu
vous attendre à des résultats immédiats qui vous auraient constitués en
bénéfice, et qui vous auraient permis d'employer une partie du chiffre alloué à
d'autres lignes de navigation. C'était là une chimère dont personne ne devait
se bercer.
Vous voyez donc que les propositions de la section
centrale sont les meilleures à adopter. Ce n'est effectivement ici qu'un projet
transitoire ; l'année prochaine, lorsqu'on sera guidé par l'expérience, lorsque
la chambre et le pays ne seront plus sous les impressions fâcheuses sous
lesquelles on se trouve par suite des bruits qui ont circulé de toutes parts,
lorsque, comme je l'espère, la réputation du navire sera établie, on verra ce
qu'on aura à faire. On pourra offrir le navire à une compagnie. Mais faire ces
démarches maintenant n'amènerait aucun résultat.
Quant au rapport de la loi, pour lequel M. le
ministre de l'intérieur a fait ses réserves, il est le résultat inévitable des
circonstances. La loi n'est plus exécutable dans ses dispositions primitives ;
si on la rapporte, c'est simplement pour régulariser la position du trésor et
rassurer la chambre, lui laisser sa volonté pleine et entière pour l'avenir,
et la liberté de prendre l'année prochaine telle décision qu'elle jugera
convenable dans l'intérêt de la chose et du pays. Voilà le véritable esprit qui
a guidé la section centrale, et je défends son rapport dans toutes ses parties,
bien que je n'aie pas toujours fait partie de la majorité.
M. de Foere. - Je demandé la parole pour un fait personnel.
J'ai été interpellé par l'honorable préopinant, qui
m'a demandé s'il était vrai que j'avais proposé de diminuer les proportions de
(Moniteur
belge n°49, du 18 février 1842) M. Delehaye. - Messieurs, nous nous plaignons souvent que la plupart de nos
délibérations et de nos décisions sont accueillies par le public avec peu
d'égards et peu de respect. Si nous cherchons la cause de ce peu de respect, de
ce peu d'égards, nous la trouverons indubitablement dans ce qui se passe dans
cette enceinte.
Depuis 1830, plusieurs fois déjà nous avons eu à
signaler les abus scandaleux commis par le pouvoir. Tantôt ce sont des marchés
monstrueux ; tantôt c'est le service sanitaire qui pose des faits compromettant
non seulement notre trésor, mais même la santé et la vie du soldat ; d'autres
fois, contrairement à la constitution, on permet à une nation voisine de
construire sur notre sol un canal repoussé par nos intérêts ; l'année suivante
ce sont des fournitures pour le chemin de fer qu'on paye 12, 13 et 17 fois la
valeur.
Tous ces abus ont été signalés dans cette enceinte,
et quand nous en sommes venus au moment de prendre une décision, nos votes ont
été contraires à nos paroles ; nous avons admis les propositions du
gouvernement, et la conséquence en a été la déconsidération de la chambre aux
yeux du pays.
Pour ma part, je ne veux pas prêter les mains à de
pareils abus. Il ne suffit pas que les faits soient consommés. J'examine s'ils
ont été consommés conformément à la loi, si le gouvernement n'est pas sorti de
ses attributions, et si j'ai la conviction intime que la loi a été méprisée,
que les intérêts du pays ont été méconnus, je refuse un vote approbatif.
Messieurs, on nous a parlé tantôt de responsabilité
ministérielle ; mais cette responsabilité ne sera pas plus forte, organisée par
une loi, qu'elle ne l'est aujourd'hui. Les ministres sont responsables de leurs
actes ; mais la chambre n'a pas le courage d'exercer son pouvoir, quant à
cette responsabilité. Refusez votre approbation à un ministère, lorsqu'il sort
de ses attributions, et certainement elle mettra un terme à de pareils abus. Je
sais qu'il n'existe pas de loi déterminant le mode de poursuite à diriger
contre les ministres. Mais il n'en résulte pas que la responsabilité
ministérielle ne soit qu'illusoire.
Dans le temps, j'ai donné mon appui à l'ancienne
administration ; mais cet appui n'était pas tellement aveugle que je
consentisse à adopter toutes les propositions qu'elle vous faisait. Et je le
dis avec conviction : si l'ancien cabinet était venu présenter la mesure sur
laquelle nous discutons, je l'aurais combattue aussi vivement que je le fais
aujourd'hui. D'après moi, l'ancienne administration a méconnu ses pouvoirs lorsqu'elle
a voulu faire l'acquisition des deux steamers anglais. Mais, remarquez-le bien,
ce n'est pas sur ce point que nous avons à délibérer ; je blâme l'ancienne
administration d'avoir voulu agir contrairement à la loi, mais comme il n'y a
pas eu d'acte porté, et que ce n'est que des actes consommés que nous avons à
nous occuper, c'est sur ces derniers que je me permets de vous exprimer mon
opinion.
Messieurs, on vous a prouvé à l'évidence que la loi
du 29 juin 1840 ne permettait pas au gouvernement de faire acquisition de
bateaux. Autre chose est de favoriser l'établissement d'un service de bateaux à
vapeur, et d'établir soi-même ce service. Pour ne pas abuser des moments
de la chambre, je passerai sous silence tout ce qui a été dit. Je me bornerai
seulement à ajouter qu'en admettant même que le gouvernement eût eu le droit
d'établir lui-même ce service, il eût été dans l'impossibilité d'exécuter la
loi ; et c'est ce qu'on vous a déjà prouvé tout à l'heure.
On demande 250,000 francs pour l'exploitation de ce
bateau ; il aurait fallu le doubler de cette somme pour l'exploitation de deux,
tandis que le subside alloué par la loi du 29 juin, était presque entièrement
absorbé par l'achat des navires. Vous voyez donc qu'il était impossible qu'il
fût dans l'intention de la chambre que le gouvernement établît lui-même ce
service.
Je vous le demande, messieurs, de quelle
considération voulez-vous que vos décisions soient environnées ? Voilà à peiné
dix-huit mois que nous avons voté une loi qui a demandé plusieurs jours de
discussion, et nous sommes aujourd'hui à nous demander ce que signifie cette
loi. Je le demande à tout homme de bonne foi, n'est-ce pas déconsidérer la
chambre, que de nous tourmenter l'esprit pour trouver dans la loi une faculté
que le gouvernement n'avait point, qu'il s'est arrogée
contrairement à ses dispositions positives.
Mais non, messieurs, il n'est pas vrai que la loi du
29 juin ne soit pas claire ; nous aurions manqué à ce que la raison prescrit,
si à cette époque nous avions fait une loi qui pût être interprétée comme on
l'a fait.
Messieurs, j'abandonne tout ce qui se rattache à
l'esprit de la loi ; je ne traiterai pas la question de la clause résolutoire
qu'ont soulevée l'honorable M. Verhaegen et divers autres orateurs. Je pense
que si on veut examiner les choses comme elles sont réellement, il faut reconnaître
que le ministère actuel n'était nullement lié par les actes de l'ancienne
administration. Cela est tellement évident qu'il n'y aurait que l'esprit de
parti qui pourrait nous engager à prétendre le contraire.
J'aborde l'examen d'une autre question à laquelle on
a paru attacher une grande importance, c'est celle de savoir si un service de
bateaux à vapeur doit présenter de si grands avantages au pays. Nous pouvons
en juger par ce qui s'est passé en France. En 1839, un subside de 850 fr. par
force de cheval a été mis par les chambres à la disposition du
gouvernement pour chaque navire qu’on mettrait en exploitation. Ce subside
était énorme ; il excédait infiniment celui que nous avons voulu accorder. Eh
bien ! croyez-vous que malgré cet immense avantage, le
gouvernement vient de retirer la loi parce qu'aucune offre n’a été faite. Il ne
s’est présenté aucune société qui ait voulu se charger d'établir un service de
bateaux à vapeur.
Dès lors, que devient cet argument de ceux qui
prétendent qu'un service de bateaux à vapeur doit être d'une si grande utilité
? Que devient le raisonnement de ces membres qui croient qu au moyen de nos
bateaux à vapeur nous allons devenir maîtres d'une grande partie du marché des
Etats-Unis ?
Messieurs, le marché des Etats-Unis est exploité en
grande partie par
Au reste ne perdons pas de vue que pour posséder
avantageusement un marché étranger, il faut être en possession de son propre marché,
et malheureusement ce n'est pas ce qui existe en Belgique. A peine
fournissons-nous la moitié de notre consommation, qui, pour le reste, demeure
abandonnée à nos voisins.
La possession du marché intérieur permet de
suspendre toutes les charges qu'entraîne un long transport. Comment, en effet,
irions-nous lutter contre l'industrie similaire sur des marchés étrangers,
alors que nous ne pouvons soutenir la lutte en Belgique même. Aux partisans de
débouchés éloignés, je dirai que le marché le plus avantageux est celui qui se
trouve chez nous. Pour l'obtenir, messieurs, occupons-nous promptement des
moyens propres à prévenir la fraude.
En Angleterre même les bateaux à vapeur
jouissent-ils des plus de crédit ? Examinons. La société Cunart,
non contente des allocations qui lui ont été accordées, vient de demander de
nouveaux subsides, et elle déclare que si on ne fait pas droit à sa nouvelle
demande, force lui sera de stater ses travaux.
Qu'on ne dise pas alors qu'en Angleterre les
sociétés des navires à vapeur ont fait des bénéfices. L'honorable M. Cogels
vient de dire qu'il a examiné les comptes de
Examinez les journaux anglais, voyez la cote des
fonds publics, vous y trouverez que les actions des sociétés qui exploitent le
service des bateaux à vapeur se vendent pour la moitié de leur valeur
nominale, que les actions de 80 liv. se vendent 40 liv. Et l'on me dira après
cela que ces sociétés font de bonnes affaires !
L'honorable M. Cogels a parlé de la bonne qualité de
Messieurs, dans une précédente séance, un honorable
membre envoyé dans le temps à Paris, investi d'un caractère public, à l'effet
de négocier un traité de commerce, nous a dit qu'il est impossible de faire
jamais un traité de commerce avec
Le tarif des douanes qui régie en ce moment
Certainement nous avons perdu beaucoup par la
révolution, mais nos pertes ne sont pas irréparables ; il ne faut que de l'énergie
pour trouver des débouchés qui puissent remplacer ceux que nous avons perdus.
Malheureusement, messieurs, jusqu'ici c'est en vain que cette énergie a été
réclamée par différents membres de la chambre.
On nous a dit, messieurs, qu'il y a de l'imprudence
à signaler les défauts de
L'honorable M. Hye-Hoys, qui a été en Angleterre il
y a quelque temps, nous a dit ce que l'on pense dans ce pays de
Que reste-t-il à faire, messieurs, de
Du reste, messieurs, ce que je viens de dire n'est
pas une opinion qui m'est personnelle ; j'ai voulu m'en former une
consciencieuse sur la question qui nous occupe ; j'ai consulté des personnes
compétentes et je parle d'après les renseignements qu'elles m'ont fournis.
Dans tous les cas, messieurs, je voterai contre le
projet de loi qui nous est soumis ; je voterai contre ce projet parce que je ne
veux pas autoriser le gouvernement à établir un service qui exposerait la vie
des voyageurs et parce que je ne veux pas approuver une violation de la loi. Il
y a eu violation évidente dans l'achat de
Je ne m'oppose pas cependant, messieurs, à ce que le
gouvernement favorise d'une autre manière une navigation transatlantique ;
qu'il rentre dans les termes de la loi du 29 juin, qu'il fasse appel à une
société et qu’il use pendant 14 années du subside de 400,000 fr. accordé par la
loi, dont je viens de parler.
Quant au subside qui nous est demandé en ce moment,
pour l'exploitation momentanée de
En ce qui concerne le fait signalé par l'honorable
M. Verhaegen, de la distraction d'une somme de 100,000 fr., je me joindrai à cet honorable membre pour demander l'ajournement
jusqu'à ce que nous ayons obtenu des renseignements à cet égard.
M. Cogels. - D'après ce que vient de dire l'honorable M. Delehaye, la chambre
pourrait soupçonner qu'il y a beaucoup de légèreté dans les calculs que je lui
ai soumis. Ces calculs, messieurs, je ne les ai pas puisés dans mon
imagination, je les ai puisés dans les documents qui m'ont été fournis par
l'honorable M. Osy, dont certainement l'opinion dans cette circonstance ne peut
pas être suspecte. Si l'honorable M. Delehaye veut examiner ces documents, ils
sont ici à sa disposition ; il y verra qu'en effet l'exploitation des navires
dont il s'agit a donné des bénéfices, il y verra que la perte du Président, qui
n'était pas assuré pour une somme suffisante, la vente du British Queen et
les intérêts que la société a été obligée de payer sont la cause de
l'insuffisance de son capital.
C'est cette insuffisance du capital qui a forcé les
directeurs de la société, qui étaient personnellement responsables (car ce
n'est pas une société anonyme, mais une société en commandite) qui a forcé les
directeurs à prendre des engagements considérables. C'est cet état de choses et
la concurrence des bateaux Cunard , ainsi que quelques causes secondaires renseignées dans le
rapport, qui ont amené la liquidation de la société.
Je le répète, messieurs, c'est d'après les documents
dont je viens de parler, que j'ai raisonné ; dans tout ceci, je n'ai aucunement
suivi mon opinion personnelle, car dans des circonstances comme celle-ci mon
opinion serait de très peu d'importance.
Je reconnais mon incompétence ; je ne me crois guère
ici plus compétent que l'honorable M. Delehaye lui-même ; mais je me suis fondé
sur des documents écrits, sur des documents irrécusables, et je pense que
lorsqu'on parle d'après de semblables documents, on ne peut pas être accusé de
légèreté.
Quant au reproche adressé à la section centrale
d'avoir conseillé de ne pas assurer, cela n'est pas exact. La section centrale
n'a rien conseillé de semblable ; la section centrale a dit : On n'a compris
aucune somme destinée aux frais d'assurance, parce que tous les commissaires du
gouvernement ont été d'opinion qu'il ne faut pas faire assurer le navire. Ainsi,
si l'on ne fait pas assurer, ce n'est pas l'opinion de la section centrale qui
est parfaitement incompétente, qui n'a aucun conseil à donner, mais c'est
l'opinion des commissaires du gouvernement, et il était du devoir de la section
centrale de dire quelle était l'opinion des commissaires. Je ne m'étendrai pas
davantage, mais d'après ces inexactitudes, on pourra juger de l'exactitude des autres allégations de l'honorable M.
Delehaye.
M. Delehaye. - Je n'ai que deux mots à répondre à l'honorable M. Cogels.
A la pièce produite par M. Cogels, j'oppose une
pièce ayant la même valeur. Or, d'après les journaux anglais que j'ai cités,
les actions de la société des bateaux à vapeur à Londres sont portées à
la moitié de leur valeur primitive. On ne fera jamais
accroire à un homme raisonnable que, quand une société fait des bénéfices, elle
cherche à se défaire de ce qui lui procure ces avantages.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, les honorables MM.
Verhaegen et Delehaye sont revenus sur un fait que l'honorable M. Osy nous
avait révélé ; c'est que le gouvernement belge a payé
J'ai promis à la chambre de prendre des
éclaircissements sur la raison de la différence alléguée. Mais, en attendant,
tout ce que le gouvernement a à établir en ce moment, c'est qu'il a une
quittance authentique, remise a ses agents, de la somme de 70,000 livres
sterling. Cette quittance, je la tiens en mains et la dépose sur le bureau.
C'est le seul fait qui concerne le gouvernement, lui et ses agents.
Maintenant je rectifierai ou je compléterai un
deuxième fait. L'honorable M. Verhaegen a fait remarquer que dans la convention
additionnelle du 28 avril, le terme fixé pour l'acceptation de
M. Verhaegen. - Cette lettre, nous ne la voyons pas.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Je ne comprends pas cette
dénégation ; il suffit sans doute que je déclare qu'une lettre existe, pour que
la chambre soit convaincue de l'exactitude de ma déclaration. (De toutes parts
: Oui ! Oui ! ) ,
Maintenant, j'arrive à un autre détail qu'a signalé
l'honorable M. Doignon. Il s'agit du rapport de M. Lejeune. Ce rapport est du
12 juin. Il a été remis au gouvernement au moment où il délibérait s'il devait
accepter ou non
C'est dans ce but que le rapport a été fait ; il ne
l'a pas été tardivement, puisque c'est trois jours après
c'est-à-dire le 15 juin, qu'on a pris la résolution d'accepter
M. Delfosse. - Messieurs, nous n'avons pas à nous occuper des actes que le précédent
ministère a posés pour l'exécution de la loi sur la navigation transatlantique.
Ces actes, comme l'a dit l'honorable M. Liedts, sont restés à l'état de projet,
ils sont rentrés dans le néant, dont ils n'auraient jamais dû sortir, par la
perte de l'un des deux navires que la société anglo-américaine nous avait
vendus.
Si nous avions à nous occuper de ces actes, je
devrais être sur plusieurs points d'un autre avis que l’honorable M, Liedts et
l'honorable M. Rogier.
Ces honorables membres ont parfaitement réfuté
certains passages du rapport de la section centrale, œuvre qui, quoi qu'en ait
dit tantôt l'honorable M, Cogels, n'a pas le mérite de l'impartialité.
Ils ont aussi fait ressortir avec une grande force
de raison la pauvreté des moyens que M. le ministre de l'intérieur a employés
pour se retrancher derrière ses prédécesseurs. « Vous me faites pitié, dit
l'honorable M. Rogier à M. le ministre de l'intérieur. » Et c'était là en
effet le sentiment que M. le ministre de l'intérieur devait inspirer, tant son
talent habituel semblait lui faire défaut. C'est, messieurs, que la vérité se
montre parfois avec une telle évidence qu'elle frappe et domine même les
esprits les plus accoutumés à la nier.
Les honorables membres dont je parle ont aussi fort
bien indiqué les avantages que le marché des Etats-Unis peut offrir à notre
pays ; mais, je dois le dire, ils ont été moins heureux lorsqu'ils ont cherché
à prouver la légalité et l'utilité de l'opération dans laquelle ils s'étaient
imprudemment engagés.
Le seul acte dont nous ayons à nous occuper, c'est
l'achat de
C'est en vain que M. le ministre de l'intérieur
s'est débattu pour rattacher cette opération à celle de ses prédécesseurs. Il a
été établi à l'évidence que, par l'effet de la clause résolutoire, selon
l'honorable M. Liedts, suspensive, selon l'honorable M, Verhaegen, le
gouvernement était dégagé de toute obligation, qu'il était entièrement libre,
en strict droit comme en équité, de prendre ou de ne pas prendre
Cette opération est entachée d'illégalité. C'est, en
outre, une fort mauvaise opération. Voilà deux points qui ne peuvent plus guère
être contestés, après les discours que nous avons entendus. Ceux-là même qui soutiennent
le ministère, qui déclarent n'avoir rien tant à cœur que sa stabilité, en
conviennent.
La discussion ayant déjà duré plusieurs séances, le
sujet étant en quelque sorte épuisé, je me bornerai à émettre sur ces deux
points quelques considérations fort courtes.
Rien ne prouve mieux, selon moi, l'illégalité de
l'achat de
Qu'a-t-on voulu, messieurs, par la loi du 29 juin
1840. On a voulu avoir, non pas un, mais plusieurs bateaux à vapeur ; pour
faire le service entre notre pays et les Etats-Unis, et on l'a voulu moyennant
par an une dépense de 400,000 fr.
Il fallait plusieurs bateaux pour que le service fût
régulier, pour qu'il ne fût pas interrompu au premier accident, pour que les
voyages fussent nombreux.
Eh bien, la section centrale propose d'allouer cette
même somme de 400,000 fr. pour un service qui ne se fera qu'avec un bateau, que
le moindre accident pourra interrompre, et qui n'amènera entre les deux pays
que des communications trop rares, et trop précaires.
Et remarquez bien, messieurs, que cette somme de
400,000 fr. ne suffirait pour le service incomplet d'une année, que parce qu'on
aurait déjà payé, à compte du capital, une autre somme de 400,000 francs,
restée jusqu’à ce jour sans emploi ; et quand je dis qu'elle serait suffisante,
je parle dans le sens de la section centrale ; mais si l'on voulait, comme la
prudence l'exige, assurer le navire, il faudrait ajouter une autre somme de 80
ou 100,000 fr. Il faudrait aussi quelque chose pour les réparations, qui
doivent être faites à tout navire, quelque bon qu'il soit. On arrive aussi
facilement à la somme de 600,000 fr., indiquée par l'honorable M. Osy.
L'honorable M. Liedts a cru répondre aux chiffres de
M. Osy, en disant que M. Osy avait un intérêt personnel dans l'affaire ; que M.
Liedts me permette de le lui dire, ce n'est pas là répondre. M. Osy peut avoir
un intérêt personnel dans l'affaire et fournir des chiffres fort exacts. Quant
à moi, qui n'ai pas d'intérêt personnel dans l'affaire, je pense que les
chiffres de M. Osy ne sont nullement exagérés.
Une autre preuve tout aussi frappante de
l'illégalité de l'opération, c'est, messieurs, le mode de paiement auquel il a
fallu avoir recours.
Si l'opération eût été légale, M. le ministre de
l'intérieur eût trouvé dans la même loi les moyens de payer, et de payer
régulièrement ; il eût pu obtenir le visa de la cour des comptes. Chose monstrueuse,
messieurs, et qui a été justement flétrie par divers orateurs, on s'est
dispensé, pour un paiement de plus de deux millions, de remplir une formalité
prescrite même pour les plus petites dépenses. On l'a dit avec raison, si un
acte de cette nature est toléré, il n'y a plus de chambres, il n'y a plus de
gouvernement représentatif !
L'opération n'est pas seulement entachée
d'illégalité, elle est en outre mauvaise. C'est là ce que chacun pense, ce que
chacun dit. Si l'Angleterre, qui s'y connaît un peu, avait trouvé bons les
navires d'un tonnage aussi fort que
L'opération, mauvaise dans le principe, est devenue
plus mauvaise encore depuis tout ce qui a été dit et écrit sur
Il en est, messieurs, d'un navire comme d'une femme
; il ne suffit pas qu'une femme soit sage, il faut qu'elle le paraisse.
Il ne suffit pas qu'un navire soit solide, il faut
que le public n'ait pas de doutes sur sa solidité. Si vous mettez
Je sais bien que ce navire a quelques partisans et
entre autres M. Van de Weyer, notre ambassadeur à Londres. Mais j'avoue que
l'opinion de ce haut fonctionnaire me parait suspecte. Je ne comprends pas
l'insistance avec laquelle il a poussé le gouvernement à l'achat des deux
navires ; je comprends encore moins qu'il ait pu dire : « qu'il
résulterait de cette mesure, le monopole pour
C'est là messieurs, de l'exagération, s'il en fut
jamais ; c'est là ce que la section centrale aurait dû blâmer, mais elle n'a su
être sévère que pour les hommes tombés du pouvoir.
La plupart des orateurs qui ont blâmé comme moi
l'achat de
Si l'on veut couper le mal dans sa racine, si l'on
veut mettre un terme aux marchés scandaleux, si l'on veut que la loi soit
respectée, il ne suffit pas d'exprimer un blâme sévère, il faut avoir le
courage d'aller plus loin, il faut refuser les fonds, il faut secouer la
mauvaise doctrine des faits accomplis.
L'illégalité qui a été commise est trop grande pour
que la chambre puisse la sanctionner par un vote quelconque ; elle serait
justement blâmée, elle méconnaîtrait son devoir, si elle tirait les ministres
de la fausse position dans laquelle ils se sont placés ; il faut qu'ils y
restent pour l’exemple, il faut qu'ils y restent pour l'honneur du pays.
Depuis quelques temps on cherche à faire croire au
pays que le gouvernement représentatif est une déception, il dépend de vous, messieurs, de prouver le contraire.
M. Cools. - Messieurs, de même que l'orateur qui vient de
prendre le dernier la parole, je ne m'occuperai pas des actes de l'ancien
ministère. Je ne m'occuperai pas non plus des actes du ministère nouveau
envisagés sous le point de vue de la légalité. On a parlé d'obligations, de
condition résolutoire et de condition suspensive, je crois que tout a été dit
sur ce point. Je ne me propose d'examiner la question que sous le point de vue
commercial.
Et pour dire d'abord toute ma pensée, j'approuve le
gouvernement d'avoir fait l'acquisition du British Queen. Je sais qu'en
me prononçant d'une manière aussi formelle pour une opération sur laquelle il
existe une espèce de défiance, je heurte jusqu'à certain point l'opinion qui
domine en ce moment, mais je ne sacrifie pas une conviction à un désir de
popularité.
Je répète donc que le gouvernement, dans les
conditions où il s'est trouvé à l'époque où il a fait l'acquisition du British
Queen, a bien fait de faire cette acquisition.
Le gouvernement était chargé de l'exécution de la
loi de 1840 ; voyons dans quel état il a trouvé la question.
Des efforts avaient été faits par le cabinet
précédent pour former une société dans l'intérieur du pays. Ces efforts
n'avaient pas réussi ; on avait essayé ensuite de former une société étrangère,
la tentative avait encore échoué. Le gouvernement a tâché alors de se rendre
propriétaire de deux bâtiments propres à organiser un service complet entre
Il devait faire l'acquisition du British Queen. Ce
n'est pas parce qu'il ne pouvait pas faire autrement, aux termes du contrat,
mais parce que l'industrie belge exigeait impérieusement qu'on n'attendît pas
un jour de plus pour établir des relations avec les Etats-Unis.
On a déjà fait observer dans le commencement de la
discussion que l'industrie belge est dans un état de malaise, et cependant notre
industrie est très avancée. La dernière exposition a prouvé qu'elle avait fait
des progrès admirables sous tous les rapports ; cependant elle est tourmentée
par un grand malaise. La cause en est que nos relations commerciales ne sont
pas au niveau de notre développement industriel. Que faut-il faire pour faire
sortir l’industrie belge de cet état ? Faut-il faire des traites avec des pays
voisins, changer nos tarifs ? Tous ces remèdes ont été indiqués. Je ne les
désapprouve pas d'une manière absolue. Vous avez entendu dans cette discussion
un orateur, ancien ministre, qui a été chargé de suivre des négociations avec
Faut-il changer nos tarifs ? Je crois que ce moyen
peut être utile jusqu'à certain point et sous de certaines conditions. Mais je
pense aussi qu'on lui donne trop d'importance et qu'on est trop porté à fermer
les yeux sur ses dangers. Si on accorde une protection de tarif à une
industrie, qu'on la place dans des conditions plus faciles, on pousse à son
développement, on encourage l'établissement de fabriques nouvelles en
concurrence des anciennes, et le trop plein, au lieu de diminuer, augmente. Je
crois qu'il existe des moyens plus efficaces pour faire déverser nos produits
sur les marchés étrangers. Les débouchés ne manquent pas ; il s'agit seulement
de s'y rendre.
On a parlé de colonies, on a parlé de la perte de
Java. Sans doute la perte est regrettable, Mais avons-nous donc absolument
besoin de colonies pour exporter nos produits. Voyons nos voisins, les Etats de
l'union douanière allemande n'ont pas de colonies, et cependant ils exportent
leurs produits en grande quantité au-delà des mers, La cause n'est donc pas là.
Elle est dans notre défaut d'éducation commerciale. Il faut bien le
reconnaître, notre éducation commerciale est arriérée. Je crois qu'on peut
faire cet aveu sans froisser le sentiment national, car la faute n'en est pas
nous, à nos commerçants, elle est toute aux événements. Nos commerçants ont une
prudence qu'ils poussent à l'excès.
S'ils avaient plus de hardiesse, depuis longtemps
ils auraient retrouvé plus de débouchés que nous n'en avions. Mais jamais nous
n'avons pu former notre éducation commerciale, parce que jamais nous n'avons
été constitués commercialement. Sous le gouvernement précédent nous étions
joints à une autre nation, nous n'avions pas d'existence commerciale, nous
produisions et
Je ne parlerai pas de l'importance du marché des
Etats-Unis ; tout a été dit à cet égard lors du vote de la loi de 1840. Il a
été prouvé alors que les Etats-Unis constituaient le premier marché pour les
exportations ; il a été prouvé que les Etats-Unis recevaient pour plus d'un
milliard de produits manufacturés et que
Un autre motif qui devait engager le gouvernement à
ne plus différer à conclure cet arrangement, c'est l'achèvement prochain de
notre chemin de fer. Je ne sais si mes honorables collègues ont comme moi voulu
se rendre compte de la distance qui sépare Anvers des autres villes
commerciales de l'Europe. Il m'a paru qu'il était intéressant de le savoir pour
le vote de la loi relative à la navigation transatlantique. En mesurant les
distances et en tenant compte de la rapidité du transport par !e chemin de fer
d'Anvers à Cologne, on trouve qu'Anvers est le point naturel par lequel doivent
s'écouler les produits du duché du Bas-Rhin, du grand-duché du Bade, de
Nous n'aurons à craindre que la concurrence du port
du Havre, si le chemin de fer du Havre à Paris et de Paris à Strasbourg
s'exécute ; ce qui ne pourra d'ailleurs avoir lieu que dans plusieurs années.
Quant à Rotterdam, on pourrait sans doute y établir
une ligne de navigation à vapeur avec les Etats-Unis ; mais l'expérience nous
prouve combien de temps se passe entre le moment où l'on décrète une
ligne de navigation à vapeur et le moment où elle est établie. Mais il y
a plusieurs motifs pour que
Ainsi, si le gouvernement comprend la situation de
l'industrie comme je la comprends, il doit presser l'établissement d'une ligne
de navigation à vapeur vers les Etats-Unis. Et que devait faire le cabinet
nouveau chargé de l'exécution de la loi du 29 juin 1840 ? Que pouvait-il faire
? Je ne m'adresse pas aux adversaires du principe de la loi, ils trouveront
mauvais tout ce qui a été fait ; s'il avait été fait autre chose, ils le trouveraient
également mauvais. Je m'adresse à la grande majorité qui a voté la loi.
Devait-il former une société ? Mais il y avait impossibilité : le cabinet
précédent n'avait rien négligé pour y parvenir et il avait échoué. Devait-il
agir par lui-même, ne pas acheter le steamer, se mettre à la tête de l'entreprise
et construire de nouveaux steamers ? Mais deux ans se seraient écoulés avant
qu'ils eussent été construits. Pour construire de nouveaux steamers, il eût
fallu que le gouvernement se mît à la tête de la direction, et le même reproche
qu'on fait maintenant au gouvernement, d'avoir faussé l'esprit de la loi du 29
juin 1840, se serait formulé alors avec beaucoup plus de fondement ; car il
n'aurait pas pu alléguer pour excuse les avantages d'une exécution immédiate ;
il eût fallu attendre plusieurs années. Ainsi il n'y avait pas autre chose à
faire que d'acheter
On a dit beaucoup de choses contre ce steamer, on en
a critiqué la construction. Et, à cet égard, je crois que les documents que
nous possédons et les faits allégués par l'honorable M. Cogels sur le taux peu
élevé de la prime d’assurance, prouvent assez la bonté de ce steamer. On dit
que ce navire n'est pas bien construit, qu'il est trop grand et ne convient pas
à la navigation transatlantique ; mais je n'ai trouvé cela que dans des
observations particulières, dans des écrits éphémères répandus en Belgique. Je
n'ai trouvé ce renseignement dans aucun document sérieux, dans aucun écrit de
quelque portée. On nous a cité tout à l'heure un article de la revue britannique.
Cet article a été publié dans la livraison de mai
dernier. Je ferai d'abord remarquer qu'il est traduit d'un journal américain,
et vous savez la rivalité qui existe entre les constructeurs américains et les
constructeurs anglais. Ensuite cet article ne dit pas ce que l'on a supposé. Il
démontre que
Mais nous avons le certificat de l'amirauté anglaise
qui aurait compromis sa réputation, si elle avait déclaré à faux que le British
Queen peut encore naviguer pendant onze ans au moins. Nous avons l'opinion
des ingénieurs français, circonstance à laquelle on n'a pas fait attention. Ils
se sont expliqués sur les qualités que doit avoir un bateau à vapeur pour la
navigation transatlantique. Vous savez qu'on a fait en France pour la
navigation à vapeur entre New-York et le Havre une loi semblable à la loi du 29
juin
A chaque instant, dans la discussion française, on
cite pour modèle le British Queen. Il y a même quelque chose de plus
fort : lorsque, dans la discussion, le ministre a déclaré que ses efforts pour
organiser une société qui eût 5 bateaux à vapeur avaient échoué, et qu'il
n'avait pu trouver qu'une société qui eût 3 bateaux à vapeur, la commission de
la chambre des députés a déclaré qu'elle se ralliait à cette modification, avec
la réserve que l'on ne construirait pas les steamers sur le modèle des
bâtiments Cunard, mais qu'on exigerait une force de
450 chevaux, pour une capacité de 1,850 à 1,900 tonneaux. (
Je ne prétends pas qu'avec les progrès que fait
constamment l'industrie des constructeurs de navires, on ne puisse arriver à
construire des bâtiments ou plus petits, ou plus grands, que sais-je, enfin
plus convenables pour la navigation transatlantique. Mais au point où
l'industrie des constructeurs de navires est parvenue, je suis fondé à croire
qu'on ne pouvait trouver pour la navigation transatlantique un navire qui
convînt mieux que le British Queen. Dès lors, j'approuve le gouvernement
d'en avoir fait l'acquisition.
Mais est-ce à dire que j'aie grande confiance dans
la navigation qu'on va organiser, si l'on se borne à adopter la proposition de
la section centrale ? Certainement non ; l'essai se fera dans les circonstances
les plus défavorables. D'abord tout ce qui a été dit n'est pas fait pour
relever l'entreprise. Ensuite l'essai n'a lieu que pour un an ; ce n'est pas
par une simple tentative de ce genre qu'on annonce comme provisoire qu'on
attire le commerce. En second lieu, il ne s'agit que d'une entreprise
boiteuse, qui chômera pour un accident arrivé à la machine et qui n'aura des
départs que tous les deux ou trois mois. Une entreprise pareille n'a pas de
chance de succès. Si j'approuve l'acquisition du British Queen, si je
vote la proposition de la section centrale, c'est sous la réserve que ce n'est
qu'un commencement d'exécution, et que le gouvernement emploiera tous ses
efforts à exécuter la loi du 29 juin 1840 d'une manière plus complète. Sous ce
rapport, j'ai entendu avec plaisir la déclaration qu'a faite à deux reprises M.
le ministre de l'intérieur, que, dès que la loi serait votée, il ferait de nouveaux
efforts pour trouver une société qui se chargerait de faire construire un
second bateau.
Ainsi, quant à moi, si je me prononce pour
l'entreprise, ce n'est que parce que j'y vois un commencement d'exécution.
J'espère que le gouvernement ne perdra pas un jour à organiser le service de
manière à faire coïncider les relations qu'il est destiné à créer entre
M. le président. - La parole est à M. Mercier.
Plusieurs membres. - A demain.
PROJET
DE LOI ACCORDANT UN CREDIT SUPPLEMENTAIRE AU BUDGET DU DEPARTEMENT DES TRAVAUX
PUBLICS POUR L’EXERCICE 1841
M. Peeters. - Messieurs, la section centrale, à laquelle vous avez renvoyé le projet
de loi présenté par M. le ministre des travaux publics, et tendant à lui
accorder un crédit supplémentaire de 817,000 fr. sur l'exercice
- Ce rapport sera imprimé et distribué. La chambre
en fixe la discussion après celle du budget des travaux publics.
RAPPORTS
DE PETITIONS
M. Peeters. - La même section centrale m'a chargé de vous présenter un rapport sur
plusieurs pétitions que vous lui avez renvoyées.
« Les bourgmestres du canton de Gedinne demandent un embranchement de route partant de Gribelle, route de Bouillon et se dirigeant vers Gespunsart (France). »
« L'administration communale de Borsheim demande qu'il soit pris des mesures pour s'opposer
aux envahissements de
« Le conseil communal de Lillo demande
l'assèchement de la partie du poldre de Lillo qui reste encore inondée. »
« Les habitants du Fort Lillo demandent qu'il
soit porté au budget des travaux publics un crédit pour le réendiguement
du Fort Lillo. »
« L'administration communale de Maeseyck
renouvelle sa demande à l'effet de réparer le plus tôt possible les débâcles
causées par
« La députation permanente du conseil
provincial du Limbourg, demande qu'il soit alloué au budget des travaux
publics, une somme de 253,000 fr., pour réparations urgentes aux rives de
« La députation permanente du conseil
provincial du Limbourg, renouvelle sa demande pour qu'il soit alloué au
prochain budget une somme de 253,000 fr. pour réparations aux rives de
La section centrale conclut sur ces différentes
pétitions au dépôt sur le bureau de la chambre, pendant la discussion du budget
des travaux publics, et au renvoi à M. le ministre de ce département.
- Ces conclusions sont adoptées.
_______________________
« La députation permanente
du conseil provincial du Limbourg adresse à la chambre quelques exemplaires du
rapport fait au conseil provincial de cette province, dans la séance du 9
juillet 1841, sur une proposition en faveur de la canalisation de
La section centrale conclut au dépôt sur le bureau
de la chambre pendant la discussion du budget des travaux publics, et le renvoi
à M. le ministre de ce département, en observant que c'est un objet bien
important qui mérite toute son attention.
- Ces conclusions sont adoptées.
La séance est levée à 4 heures.