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d’intention
Chambre
des représentants de Belgique
Séance du lundi 25 avril 1842
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre, notamment pétition relative
à une créance arriérée au département de la guerre (Donny,
Mast de Vries, Rodenbach, Dubus (aîné), Rodenbach, Mast de Vries), pétition relative à la position pécuniaires
d’anciens directeurs d’hôpitaux militaires (Angillis)
2) Projet de loi relatif aux émoluments des employés
de la poste. Rapport
3) Projet de loi relatif à la demande de crédits
supplémentaires au budget du département de l’intérieur, exercice 1842, pour
l’entretien des rives de
4) Motion d’ordre relative au projet de loi sur la
convention avec la ville de Bruxelles (de Brouckere)
5) Projet de loi relatif au canal de Zelzaete à la mer
(canal de Damme à la mer du Nord) (Desmaisières)
Financement (Osy, Smits, Osy, Desmaisières, Osy,
de Theux, Desmaisières, de Brouckere, Peeters, Desmaisières, de Brouckere,
de Theux, Devaux, Osy,
Desmaisières, Mercier, Devaux), canalisation de
6) Rapport sur plusieurs pétitions relatives au projet de loi
sur les distilleries, notamment une des fabricants de vinaigre artificiel (Rodenbach, Smits, Rodenbach)
7) Projet de loi sur les distilleries (taux du droit,
exonération pour les petites distilleries, distilleries
« agricoles », lutte contre l’alcoolisme et l’immoralité, respect du
repos dominical, etc.) (Scheyven, Mast
de Vries, Duvivier, de
Renesse, Desmet)
8) Motion d'ordre relative à la mise à l’ordre du jour
de projets de naturalisation (Dubus (aîné))
(Moniteur
belge n°116, du 26 mars 1842)
(Présidence
de M. Fallon)
M. Kervyn procède à l'appel nominal à 2 heures.
M. Scheyven donne lecture du procès-verbal de la séance
précédente ; la rédaction en est adoptée.
M. Kervyn fait connaître l'objet des pièces adressées à la
chambre :
« Le sieur Freyman-De
Potter, entrepreneur de travaux publics, renouvelle sa demande que la chambre
veuille voter, en sa faveur, le montant d'une créance portée dans le projet de
loi relatif à des créances arriérées du département de la guerre. »
M. Donny. - Messieurs, je demande qu'il nous soit fait un
prompt rapport sur cette pétition. Il s'agit d'un créancier de l'Etat qui se
trouve dans une position malheureuse ; il y a déjà longtemps d'ailleurs que la
chambre est saisie de la question.
M. Mast de Vries. - Messieurs, la chambre a
déjà reçu une pétition du sieur Freyman ; cette
pétition avait été renvoyée à la commission des finances. La commission des
finances s'est adressée à M. le ministre de la guerre, afin qu'il veuille
présenter un projet qui, outre la demande du pétitionnaire dont il s'agit, comprendrait
plusieurs autres réclamations du même genre qui sont en retard et sur
lesquelles la commission ne peut s'expliquer avant d'avoir un projet.
Je suppose que le changement du chef du département de
la guerre a été cause des retards qu'a éprouvés cette question. Je pense donc
que c'est au ministre actuel qu'il faut adresser la pétition. Quant à la
commission des finances, elle ne pourrait vous faire d'autre proposition que
celle qu'elle vous a déjà présentée, tant qu'elle n'a
pas de nouveaux renseignements.
M. Rodenbach. - Je me proposais d'interpeller M. le ministre de
la guerre relativement à plusieurs affaires du même genre que celle du sieur Freyman ; mais depuis plusieurs jours il n'est pas venu à
nos séances.
Messieurs, le sieur Freyman
est créancier de l'Etat depuis six ans. Une commission d'enquête a décidé que
le gouvernement lui devait 6,500 francs. Eh bien, voilà six ans que cet homme,
malheureux et malade, attend, et il n'obtient rien. Il y a cinq mois on disait
qu'on allait transmettre le lendemain ou le surlendemain les pièces à la
commission des finances. M. Freyman lui-même s'est
rendu au département de la guerre, et on lui a dit qu'on transmettrait le lendemain
les pièces à la commission. Je ne sais s'il faut attribuer ces retards à la
lenteur de la bureaucratie ; mais je crois que la chambre doit exiger qu'on
rende enfin justice au pétitionnaire. Si on lui doit la somme réclamée, qu'on
la lui paie ; si on ne la lui doit pas, qu'on le lui dise.
Je demanderai le renvoi de
la pétition à la commission des finances.
M. Dubus (aîné). - Je crois que les expressions dont s'est servi l'honorable
préopinant sont peu exactes, ou bien il est dans l'erreur sur la nature de la
réclamation du sieur Freyman. Le sieur Freyman ne demande pas ce qui lui est dû ; s'il s'agissait
d'une dette, il aurait son recours devant les tribunaux ; mais c'est une faveur
qu'il réclame. Il importe qu'on ne perde pas cela de vue.
M. le ministre des
finances (M. Smits) - En l'absence de M. le ministre de la guerre, je ferai remarquer qu'il
est dans l'intention de présenter très prochainement un projet relatif à toutes
les créances dont on vient de parler, peut-être même le présentera-t-il dans la
séance de ce jour.
M. Rodenbach. - Messieurs, je désire répondre quelques mots à
l'honorable M. Dubus.
Je dois supposer que ce n'est pas une faveur que
réclame M. Freyman, puisqu'une commission d'enquête,
composée d'officiers du génie, a reconnu qu’il lui était dû une somme de 6,500
fr. pour les pertes qu'il a essuyées dans l'entreprise de l'arsenal et du
magasin à poudre d'Ostende.
Il est possible qu'il y ait eu quelque cause de retard
au ministère de la guerre, mais je ferai remarquer que ce n'est pas là la seule
affaire de ce genre qui soit arriérée ; il y en a beaucoup d'autres. Je vous ai
déjà entretenus de celle du sieur Goumans ; tous les
membres du gouvernement provisoire ont reconnu que dans les premiers jours de
la révolution il avait fourni 80,000 cartouches et plusieurs milliers d'autres
projectiles. C'est aussi lui qui a fourni des carabines à la première compagnie
qui a commencé les hostilités. Eh bien ! depuis la révolution
il n'a rien reçu ; M. le ministre de la guerre devrait enfin lui faire rendre
justice.
M. Mast de Vries. - Ce que l'honorable M.
Dubus vous a dit sur le compte du sieur Freyman est
une vérité. C'est une faveur que ce dernier réclame. Il s'est trouvé dans une
position malheureuse ; il n'a pu achever les travaux qu'il avait entrepris, et
le gouvernement a dû les faire exécuter d'urgence. De là les pertes qu'il a
essuyées. La commission des finances vous a déjà fait un rapport sur cette
réclamation ; elle concluait au rejet. On a demandé ensuite que la commission
revînt sur cette décision ; la position de M. Freyman
mérite des égards. Mais, je le répète, Il s'agit bien d'une faveur.
- Le renvoi à la commission des pétitions avec demande
d'un prompt rapport, proposé par M. Donny, est adopté.
_______________________
« Trois ex-directeurs
d'hôpitaux demandent que M. le ministre de la guerre soit invité à donner les
explications qui lui ont été demandées sur la pétition qu'ils ont adressée à la
chambre sous la date du 4 décembre dernier, tendant à obtenir comme fonctionnaires
militaires un traitement de non activité. »
M. Angillis. - Messieurs, une pareille requête a été adressée à
la chambre par les mêmes pétitionnaires dans le mois de décembre dernier. La
chambre a décidé le renvoi de la pétition à M. le ministre de la guerre avec
demande d'explications. Jusqu'à présent M. le ministre ne nous a pas donné ces
explications ; et comme il s'agit également d'un acte de justice, je demande
que la nouvelle pétition lui soit encore renvoyée avec demande d'explications.
M. le président. - D'après le règlement, le renvoi d'une pétition au
ministre ne peut avoir lien qu'après qu'elle a été examinée par la commission
des pétitions.
M. Angillis. - Comme je viens de le faire observer, une pareille
requête a déjà été renvoyée à M. le ministre de la guerre avec demande
d'explications. Il ne s'agit ici que d'une copie de la précédente pétition que
la chambre avait renvoyée à M. le ministre.
- Le renvoi à M. le ministre
de la guerre avec demande d'explications, est adopté.
_______________________
« Le sieur Hanssens
déclare retirer la demande qu'il avait adressée à la chambre pour obtenir la
place de greffier. »
- Pris pour notification.
_______________________
« Des bateliers et commerçants demandent que la
réduction opérée sur les droits de péage sur la partie de
- Renvoi à la commission des pétitions.
______________________
« Le sieur P.-J. Missoten,
notaire à Alken, demande que cette commune ne soit
pas séparée du canton de Looz. »
- Renvoi à la commission chargée de l'examen du projet
de loi sur la circonscription cantonale.
_____________________
« Le sieur J.-M. Gripekoven,
pharmacien, né en Prusse, demande la naturalisation. »
« Le sieur J.- G. Vandenkerkhof,
cabaretier, né en Hollande, demande la naturalisation. »
- Renvoi à M. le ministre de la justice.
PROJET DE LOI RELATIF AUX EMOLUMENTS DES EMPLOYES DE
M. Peeters. - La section centrale qui avait été chargée de
l'examen du budget des travaux publics, et à laquelle vous aviez renvoyé le
projet de loi relatif aux émoluments des employés des postes, m'a chargé de
vous faire son rapport.
PROJET DE LOI RELATIF A
M. Peeters. - La même section centrale m'a aussi chargé de vous
présenter son rapport sur la demande de crédits supplémentaires qui vous a été
faite par M. le ministre des travaux publics, pour l'entretien des rives de
M. le président. - Ces rapports seront imprimés et distribués.
Quel jour la chambre veut-elle s'occuper de la
discussion de ces projets ?
M. le ministre des travaux publics (M.
Desmaisières)
- Je demanderai que la chambre veuille bien s'occuper le plus tôt possible de
la discussion de ces deux projets.
Celui qui est relatif aux employés des postes est
extrêmement nécessaire, afin de pouvoir faire la répartition du crédit global
qui m'a été accordé par la chambre lors du vote de mon budget.
La demande de crédit pour réparations aux rives de
M. Peeters. - Les rapports pourront être distribués demain.
- La chambre décide qu'elle s'occupera de la discussion
des deux projets sur lesquels il vient d'être fait rapport, après celle du
projet de loi sur les distilleries.
M. de Brouckere. - Messieurs, je me
permettrai de renouveler au bureau une interpellation que je lui ai déjà
adressée il y a quatre semaines. Je désirerais être informé si la chambre sera
bientôt saisie du rapport sur le projet de loi relatif à la convention avec la
ville de Bruxelles.
M. le président. - Comme j'ai déjà en l'honneur de le dire à la
chambre, la section centrale a pensé qu'avant de pouvoir délibérer sur le
projet dont il s'agit, elle devait s'entourer de divers documents. Ces documents
ont été réclamés à M. le ministre de l'intérieur, qui les lui a fait parvenir.
Mais comme ils étaient extrêmement nombreux, la section centrale a cru qu'elle
ne pouvait procéder elle-même à leur dépouillement. Elle a nommé, à cet effet,
une sous-commission, composée de MM. Malou, Mercier et Brabant. Il paraît que
le travail de MM. Malou et Mercier est achevé. Je crois aussi que celui de M.
Brabant est prêt ; mais cet honorable membre est retenu chez lui pour cause de
maladie. Nous attendons son retour pour convoquer la section.
M. de Brouckere. - De manière que la
section aura encore à discuter le projet.
M. le président. - La section attend le travail de la sous-commission
pour commencer cette discussion.
M. de Brouckere. - Je demanderai afin que
la section centrale s'en occupe dans le plus bref délai, que, la chambre puisse
discuter le projet de loi avant la fin de la session.
M. le président. - Mon projet est de convoquer la section aussitôt
que M. Brabant sera de retour.
M. de Brouckere. - Je vous remercie, M. le
président.
PROJET DE LOI RELATIF AU CANAL DE ZELZAETE.
Discussion des articles
Article 6
M. le président. - Nous en étions restés à l'art.
« Art. 6. Aussi longtemps que le canal ne sera
ouvert qu'entre Damme et la mer, l'annuité à charge des propriétés intéressées
pour l'écoulement de leurs eaux, sera de 14,643 fr. 75 c., et l'Etat supportera
les deux tiers des frais d'administration et d'entretien.
« Cette annuité sera recouvrable par les mêmes
moyens et sera rachetable aux mêmes conditions que l'annuité générale
mentionnée en l'art. 2.
« Lors du règlement général à intervenir en
exécution dudit article 2, il sera tenu compte des paiements déjà
effectuées. »
- Cet article est adopté sans discussion.
Article 8 (devenu article 7)
« Art. 7. Un règlement d'administration générale,
arrêté par le gouvernement, après avoir entendu les parties intéressées, déterminera
le mode d'exécution des art. 2, 4, et 6.»
- Cet article est adopté sans discussion.
« Art. 8. Il est ouvert au gouvernement, pour les
premiers travaux de la section de Damme à la mer, un crédit de fr. 550,000, à
couvrir soit provisoirement, par émissions de bons du trésor, soit
définitivement, par la création d'obligations à charge de l'Etat, en 3
ou en 5 p. c. dotées du même amortissement que les emprunts déjà émis, à
négocier à la bourse au cours du jour, et au fur et à mesure des besoins.,»
M. Osy. - Messieurs, je ne m'oppose pas à la première partie de
l'article, relative à l'émission de bons du trésor à concurrence d'une somme de
550,000 fr, ; mais je ne puis concevoir qu'on accorde au gouvernement
l'autorisation d'émettre un emprunt de 550,000 fr., et surtout de la manière
qu'on le demande, c'est-à-dire en vendant à la bourse. Quand M. le ministre des
finances jugera nécessaire de faire un emprunt, quand il trouvera qu'il y a
trop de bons du trésor en circulation, je comprendrai qu'il nous demande
l'autorisation de faire cet emprunt, soit, comme dernièrement, en s'adressant à
des banquiers, soit, ce que je préfère, avec publicité et concurrence. Mais je
ne crois pas que l’on puisse permettre de faire cet emprunt par partie et en
vendant à la bourse comme on le demande.
Je propose donc de retrancher la dernière partie de
l'article et de le réduire aux termes suivants :
« Il est ouvert au
gouvernement, pour les premiers travaux de la section de Damme à la mer, un
crédit de 550,000 fr, à couvrir par émissions de bons du trésor. »
M. le ministre des finances (M. Smits) - L'honorable M. Osy n'a pas
fait connaître les inconvénients qu'il rencontre dans la disposition dont il
demande la suppression. Pour moi, je ne vois dans le mode proposé par le
gouvernement rien que de très convenable, Encore s'il s'agissait d'émettre des
millions, je comprendrais l'opposition de M. Osy, mais il s'agit d'un capital
de 500,000 fr., et je me demande pourquoi le gouvernement ne pourrait pas réaliser cette somme en profitant des cours favorables.
M. Osy. -Si toute la dette flottante ne s'élevait qu'à 550,000 fr.,
je comprendrais que le gouvernement nous eût fait une semblable proposition,
mais elle s'élèvera à 24 millions, dès lors je ne conçois pas que l'on veuille
consolider 550,000 fr. et laisser le reste en circulation. Du reste, je ne
consentirai jamais à ce que le ministre des finances, lorsqu'il s'agira de
faire un emprunt, aille à la bourse vendre des obligations. Quand un
gouvernement veut faire un emprunt, il doit le faire
avec publicité et concurrence.
M. le ministre des travaux publics (M.
Desmaisières) -
Messieurs, le 2ème paragraphe de l'article en
discussion a surtout pour but d'éviter au gouvernement les grosses commissions
qu'il faut toujours payer à ceux qui se chargent d'un emprunt. D'ailleurs,
comme l'a dit mon honorable collègue des finances, lorsqu'il s'agit d'une somme
aussi minime, il doit paraître convenable à tout le monde que le gouvernement
se procure les fonds nécessaires en profitant des cours favorables de nos
emprunts, au fur et à mesure que ces cours favorables se présentent.
Ensuite, messieurs, lorsqu'on fait un emprunt en une
fois, il faut, indépendamment de la forte commission dont j'ai parlé tout à
l'heure, payer tous les intérêts dès le jour de l'émission, et même
quelquefois, comme on l'a vu pour plusieurs des emprunts belges, reporter la
jouissance des intérêts à une époque antérieure. Ici, au contraire, où il
s'agit d'une somme qui doit être appliquée à des travaux publics, et qui, par
conséquent, ne doit être dépensée qu'au fur et à mesure de l'avancement de ces
travaux ; si vous permettez au ministre des finances de faire les fonds à
mesure que le besoin s'en fera sentir, il n'y aura jamais un jour d'intérêt de
perdu. Le ministre saura prévoir les époques auxquelles les payements de
devront se faire, et il aura soin de se procurer les fonds
dans le temps convenable, mais pas trop longtemps d'avance, afin de ne pas
payer inutilement des intérêts.
M. Osy. - Je crois, messieurs, que M. le ministre des travaux publics
ne m'a pas compris. J'ai dit que lorsqu'on veut contracter un emprunt, il faut
le faire avec concurrence et publicité ; or, alors il n'y a pas de grosses
commissions à payer. Nous avons à cet égard un exemple dans ce qui vient de se
passer dans un pays voisin où l'on vient de faire un emprunt de 7 millions pour
lequel on a souscrit 58 millions.
Je le répète, je ne concevrais pas que, lorsqu'il y a
pour 24 millions de bons du trésor en circulation, l'on fît un emprunt de
550,000 fr. Quand M. le ministre des finances jugera qu'il y a trop de bons du
trésor émis, qu’il vienne alors nous proposer un emprunt pour les amortir et
que l'on fasse cet emprunt avec concurrence et publicité ;
mais je ne consentirai jamais à ce que le ministre des finances aille vendre
des obligations de l’Etat à la bourse.
M. de Theux. - Je n'ai, messieurs,
qu'une observation à présenter sur cet article, nous avons du 3 p. c. qui a été
émis il y a quelques années et dont, par conséquent, il a déjà été amorti une
partie ; par suite de cet amortissement, ce 3 p. c. doit avoir un cours
supérieur à celui que le gouvernement demande de pouvoir émettre ; nous avons
un troisième fonds à 3 p. c., celui qui sera émis en vertu de la loi sur les
indemnités, et pour lequel il n'y aura
pas d'amortissement ; nous aurons donc 3 catégories d'obligations à 3 p. c.,
qui seront cotées différemment à la bourse. Indépendamment de cela, il faudra
encore emprunter pour l’achèvement des travaux du chemin de fer. Je ne sais pas
si, en émettant ainsi, par petites sommes, un grand nombre de catégories d'obligations, on n'exercerait pas une influence plus ou
moins nuisible sur nos fonds. C'est là, messieurs, une observation que je
soumets à la chambre.
M. le ministre des travaux publics (M.
Desmaisières) -
Veuillez remarquer, messieurs, que l’article tel qu'il est rédigé, ne dit pas
que les obligations à émettre seront nécessairement à 3 p. c., ni que le
gouvernement devra nécessairement émettre ces obligations ; l'article en
discussion ne donne au gouvernement qu'une simple faculté d'émettre des
obligations, soit à 3 p. c., soit à 5 p. c. ; si le gouvernement ne juge pas
convenable d'user de cette faculté, il peut se borner à émettre des bons du
trésor. Il me semble que rien ne s'oppose à ce qu’on laisse au gouvernement
cette latitude qui lui permettra de profiter de toutes
les circonstances favorables.
M. de Brouckere. - Je trouve, messieurs,
que les observations faites par l'honorable M. Osy sont parfaitement justes.
Je ne puis pas concevoir que la chambre autorise la création d'un emprunt de
550,000 fr. Ces 550,000 fr. peuvent fort bien être émis en bons du trésor.
L'honorable M. Desmaisières dit que le gouvernement ne
sera pas obligé d'émettre du 3 p. c., que ce ne sera qu'une faculté. Eh bien je
dis que la chambre ne doit jamais laisser une semblable latitude au
gouvernement. Il est plus que probable, surtout au train dont nous marchons,
que d'ici à peu de temps nous aurons un nouvel emprunt à décréter, Eh bien,
alors nous emprunterons 550,000 fr. de plus, et nous amortirons les bons du
trésor au moyen desquels on se sera procuré cette somme.
Il me semble que la faculté donnée au gouvernement de
couvrir les 550,000 fr. dont il aura besoin au moyen de bons du trésor, que cette
faculté doit le satisfaire complètement. Il pourra émettre des bons du trésor
au fur et à mesure de ses besoins, et de cette manière il n'embrouillera pas
les finances de l'Etat, comme il le fera, si à chaque instant où une nouvelle
dépense se présente, il va émettre de petits emprunts de 5 ou de 600,000 fr.
Pas plus dans cette occasion que dans d'autres, je ne consentirai à un
semblable système, mais j'adopterai la première partie de l'article qui
autorise le gouvernement à émettre des bons du trésor pour
couvrir la dépense dont il s'agit.
M. Peeters. - Je viens appuyer fortement la proposition du
gouvernement. L’expérience m'a appris que chaque fois que nous avons dû faire
un emprunt, nous avons subi des conditions très onéreuses. Je veux laisser au
gouvernement toute latitude, afin qu'il puisse profiter des moments favorables
où les fonds seront à un taux élevé. Il ne s’agit d'ailleurs que d'une faible
somme de 550,000 francs.
Puisque j'ai la parole, j'en profiterai pour faire une
interpellation à M. le. ministre des travaux publics.
Je serais encore disposé à voter en faveur du projet
qui nous occupe, si M. le ministre voulait prendre l'engagement de ne faire
aucune nouvelle demande de fonds pour le canal de Zelzaete avant d'avoir
présenté à la chambre un projet de loi sur la canalisation de
M. le ministre des travaux publics (M.
Desmaisières)
- Encore une fois, messieurs, ce n'est qu'une simple faculté que le
gouvernement demande, et je dois faire observer à la chambre que si, par
exemple, dans l'état actuel des cours de la bourse le gouvernement se décidait
à émettre des obligations à 5 p. c., il pourrait placer ces obligations à 104
p. c, ; ainsi, messieurs, sur le million qui forme la part des propriétaires
intéressés, cela ferait un bénéfice pour l'Etat de 40,000 fr. En effet, au bout
de 20 ans, les propriétaires intéressés auront remboursé un million avec les
intérêts composés, tandis que l'Etat, dans la supposition que je viens de
faire, n'aurait déboursé que 960,000 fr. C'est à vous, messieurs, de juger si
vous voulez permettre au gouvernement de réaliser ce bénéfice dans le cas où
l'occasion s'en présenterait.
Quand à la demande de l'honorable M, Peeters, j'ai
déjà dit dans une autre séance que le ministère ne peut prendre à cet égard aucune
espèce d'engagement, tout ce que je puis dire, c'est que personnellement je
crois que la question des voies navigables sera portée devant les chambres,
très probablement avant que de nouveaux fonds ne soient demandés pour le canal
de Zelzaete. Mais, je le répète, ce n'est que mon opinion personnelle que je viens d'exprimer à cet égard.
M. de Brouckere. - Le nouvel argument que
vient de présenter M. le ministre des travaux publics ne me semble pas
concluant. « Les fonds étant en ce moment très élevés, dit M. le ministre,
le gouvernement pourrait réaliser un bénéfice s'il émettait maintenant les
obligations dont il s'agit. » D'abord messieurs, quand les fonds sont à un
cours élevé les bons du trésor se négocient avantageusement ; ainsi, au lieu
d'émettre aujourd'hui du 5 p. c. à 101, vous pouvez émettre des bons du trésor
pour lesquels vous ne payerez que 4 p. c. d'intérêt, de sorte que vous regagnerez amplement sur
l'intérêt ce que vous n'aurez pas gagné sur le capital. Ensuite, messieurs, si
le moment est si favorable pour créer un emprunt, je voudrais que l'on en créât
un plus fort, mais je ne consentirai jamais à ce que l'on crée de petits
emprunts chaque fois que l'on a une dépense à faire, ce serait jeter la
perturbation dans les finances et mettre le public dans
l'impossibilité d'apprécier la situation financière du pays.
M. de Theux. - Messieurs, les
observations que j'avais faites pour le 3 p. s'appliquent également au 5 p. c.
En effet, nous avons déjà deux émissions de 5 p. c., qui ont des cours différents.
Ce que je redoute, c'est que des émissions successives, pour de petites sommes
n'amènent trop de différents dans les cours des 5 p. c. Ce sont des émissions
qui vont se représenter pour l'achèvement du canal pendant un grand nombre
d'années ; la date des émissions étant en rapport avec
l'époque de l'amortissement doit exercer de l'influence sur le cours des fonds.
M. Devaux. - Messieurs, vous aurez remarqué qu'aux art. 2 et
« Le produit du rachat des annuités mentionnées
aux articles 2 et 6, sera affecté à l'amortissement d'un des fonds de l’Etat
ou aux frais de construction du canal lui-même. »
De cette manière, la loi, me paraît-il, sera plus régulière.
- L'amendement de M. Devaux
est appuyé.
M. Osy. - J'appuie la proposition de M. Devaux ; mais je pense
qu'il faudrait d'abord vider celle que j'ai présentée.
M. le président. - Si personne ne demande plus la parole, je mets aux
voix la proposition de M. Osy. Elle tend à ce que la chambre vote par division
l'art. 9. Je mets d'abord aux voix la première partie de l'article, se
terminant aux mots : soit provisoirement par émission de bons du
trésor.
- Cette partie de l'article est adoptée.
La deuxième partie de l'article commençant aux mots : soit définitivement par la création d'obligations, est également
adoptée.
La
chambre passe à la discussion du paragraphe additionnel proposé par M. Devaux.
M. le ministre des travaux publics (M.
Desmaisières)
- Je me rallie à ce paragraphe additionnel.
M. Mercier. - Messieurs, je pense
qu'il n’est pas dans l'intention de l'honorable auteur de l'amendement
d'exclure la dette flottante au besoin, car c'est la dette flottante qu'il
importe de réduire d'abord.
M. Devaux. - Je ne
m'oppose pas à ce qu'on comprenne dans un amendement ces mots ou à la
réduction de la dette flottante après ceux-ci : à l'amortissement d'un des
fonds de l'Etat. .
- L'amendement avec cette addition est mis aux voix et
adopté.
Vote sur l’ensemble de la loi
Il est procédé au vote par appel nominal sur
l'ensemble du projet de loi.
Voici le résultat du vote :
68 membres ont répondu à l'appel nominal.
8 se sont abstenus.
51 ont répondu oui.
9 ont répondu non.
En conséquence, le projet de loi est adopté. Il sera
transmis au sénat.
M. le président. - Les membres qui se sont abstenus sont invités, aux
termes du règlement, à faire connaître les motifs de leur abstention.
M. de La Coste. - Messieurs, j'admets les bases principales de la
loi ; mais je ne puis donner mon assentiment aux détails d'exécution, Je me
réfère à cet égard à l'opinion que j'ai émise dans cette assemblée. Voilà
pourquoi je me suis abstenu.
M. de
Garcia. -
Messieurs, la raison de la préférence du canal de Zelzaete sur les canaux de
M. de Renesse. - Messieurs, ayant voté pour l'ajournement du canal
de Zelzaete, parce qu'il me paraissait que, pour admettre une dépense aussi
considérable, dont la plus grande partie est mise à la charge de l'Etat, il
était nécessaire d'avoir les renseignements les plus complets, et surtout le
rapport de la commission, nommée d'après l'art. 8 du traité de paix, chargée de
régler avec
M. d’Hoffschmidt. - Messieurs, je me suis
abstenu parce que, si d'une part j'approuve la construction d'un canal de Damme
à la mer, d'une autre part je ne puis donner mon assentiment au projet de loi
en ce qu'il décrète, selon moi, prématurément l'exécution aux frais du trésor,
de la section de Zelzaete à Damme. Je dis prématurément, parce qu'il a été
reconnu qu'il n'y avait point urgence ; parce que dès lors il n'y existait pas de motif suffisant
pour faire une exception en faveur de cette section, en la détachant du projet
de canalisation générale du royaume rédigé par M. l'inspecteur Vifquain, projet
dont la législature s'occupera sans doute dans sa session prochaine ; parce
qu'enfin il n'y avait aucune nécessité à se hâter de lier l'Etat pour une
construction qui lui occasionnera une dépense de plusieurs millions.
Tels sont, messieurs, les motifs de mon abstention.
M. Huveners et M. Simons déclarent s'être abstenus par les motifs donnés par M. de
Renesse.
M. Osy. - Messieurs, je me suis abstenu, parce que si, d'après la
discussion, la nécessité de l'exécution du canal de Damme à la mer m'a été
démontrée, il n'en est pas de même de l'exécution du canal de Damme à Zelzaete.
En outre, je n'ai pas voulu voter pour la loi, parce que la chambre a adopté à l’art. 9 une disposition que je regarde comme une
hérésie financière.
M. Peeters. - Je suis partisan du canal de Zelzaete, mais je
n'ai pas voulu le séparer de l'exécution d'autres canaux qui ne sont pas moins
utiles et moins nécessaires au pays. Voilà pourquoi je me suis abstenu.
Les membres qui ont voté l'adoption du projet de loi
sont MM. Angillis, Coghen, Cools, Coppieters, David, de Baillet de Behr, de
Brouckere, Dedecker, de Florisone, de Foere, Delehaye, Delfosse, de Meer de
Moorsel, de Muelenaere, de Potter, Deprey, de Roo, Desmaisières, Desmet, de
Terbecq, de Theux, Devaux de Villegas, Dolez, Donny, Duvivier, Fallon,
Hye-Hoys, Jonet, Kervyn, Lange, Lebeau, Lejeune, Liedts, Maertens, Malou,
Mercier, Morel-Danheel, Nothomb, Orts, Rodenbach, Rogier, Sigart, Smits, Van Cutsem,
Vandenbossche, Vandensteen, Vanderbelen, Van Volxem, Wallaert, Zoude.
Les membres qui ont voté le rejet sont : MM. Dubus
(aîné), Eloy de Burdinne, Fleussu, Jadot, Lys, Mast de Vries. Raikem. Scheyven
et Troye.
RAPPORT SUR UNE PETITION
RELATIVE AU PROJET DE LOI SUR LES DISTILLERIES
M. Zoude. - Une pétition relative à la loi qui est à l'ordre du jour
ayant été renvoyée à l'avis de la section centrale, je demanderai à présenter
son rapport.
Messieurs, les pétitions dont vous avez ordonné le
renvoi à la section centrale sont au nombre de cinq, dont quatre de
distillateurs et une des fabricants de vinaigre artificiel.
Les distillateurs de Desselghem,
Hasselt et Hoogarde, réclament contre la hauteur du
droit proposé, qui ne servira, disent-ils, qu'à encourager l'infiltration des
eaux-de-vie étrangères ; cependant ceux de Malines ne le trouvent nullement
exagéré, pourvu toutefois que les esprits étrangers soient frappés d'une
majoration proportionnelle.
Tous les pétitionnaires sont d'accord pour
l'affranchissement des jours fériés.
Ceux de Hoegarde disent que
la disposition la plus onéreuse aux petites distilleries, qui jouissent de la
remise de 15 p. c. est celle qui les prive de la faculté d'employer deux
alambics.
Que ce n'est pas dans les distilleries de cette classe
que la fraude est à craindre ; qu'elle ne se rencontre que dans les
distilleries montées sur une grande échelle. Ils donnent en preuve que les
distillateurs de cette classe vendent leur genièvre de 20 à 30 pour cent
au-dessous du prix auquel les petits distillateurs peuvent le livrer.
Cependant les distillateurs de Termonde vous ont dit,
dans une pétition de janvier dernier, qu'ils confessaient sans détour, que
l'art. 5 qui accorde la remise de 15 p. c. peut être envisagé comme une faveur
toute spéciale, au moyen de laquelle on peut soutenir avec succès la concurrence
avec les distillateurs de première classe ; mais que ceux qui travaillent avec un
alambic de cinq hectolitres devraient être exemptés de l'obligation de cultiver
un hectare par chaque hectolitre et demi de la contenance des vaisseaux soumis
à l'impôt. Ils donnent pour motif le prix exagéré des terres dans
l'arrondissement de Termonde.
Plusieurs observations sont faites, sur lesquelles la
section centrale a déjà statué.
Les distillateurs de Hasselt proposent, au § 16 de
l'art. 32, sur le renouvellement des déclarations, une disposition dont
l'adoption ne paraît présenter aucun inconvénient ; elle est ainsi conçue :
« Si le distillateur ne renouvelle pas sa
déclaration à l'expiration, il sera pris en charge sur le pied de sa précédente
déclaration pour une série de 15 jours.
« A cet effet, le receveur lui adressera un
avertissement par écrit, dont le coût sera de dix francs.
« S'il est constaté que les travaux ne sont pas
conformes à sa précédente déclaration, le distillateur contrevenant encourra
une amende égale au quintuple du droit qui serait dû pour un travail supposé de
quinze jours. »
Il résulte, messieurs, de l'examen des pétitions de
ces distillateurs, que la section centrale n'a rien à modifier aux conclusions
qu'elle a eu l'honneur de vous présenter sur le projet de loi, sauf en ce qui
concerne les déclarations de renouvellement, où il lui paraît qu'on pourrait
admettre les dispositions présentées par les distillateurs de Hasselt, ce qui
parerait aux inconvénients fâcheux qui résulterait de l'oubli d'une déclaration
en temps utile.
Il nous reste, messieurs, à vous rendre compte d'une
pétition digne de l'attention du gouvernement et de la chambre, celle des
fabricants de vinaigre artificiel, qui demandent la révision de la loi du 2
août 1822, qui comprend les vinaigreries artificielles dans la même catégorie
que les brasseries ; cependant il y a entre elles une énorme différence.
Le vinaigrier de bière emploie pour matière première
la farine qui, jusque là, n'a payé aucun droit.
Le vinaigrier artificiel emploie le genièvre, qui a
payé le droit d'accise. .
Le brasseur de vinaigre de bière jouit de la remise
d'une partie du droit de 2 francs par hectolitre de contenance de la cuve matière.
Le vinaigrier artificiel, auquel il faut
Cependant, messieurs, cette industrie est nouvelle en
Belgique, elle nous affranchit d'un tribut assez élevé qu'on payait à l'étranger,
et elle aurait mérité d'autant plus d'encouragement, que la matière qu'elle
emploie a payé des droits d'accises. Mais loin de là, on a torturé le sens de
la loi pour en inférer, par une espèce de syllogisme et par une apparence
d'assimilation, qu'il fallait lui faire supporter un droit intolérable.
S'il est vrai que l'esprit de fiscalité consiste à
faire rapporter beaucoup au trésor, ce qui, nous en convenons, est jusqu'à un
certain point un devoir de l'administration financière, cet esprit, dans le
cas actuel, est évidemment contraire à ses exigences, dont le résultat sera
infailliblement l'anéantissement d'une industrie qui emploie une matière
première pour laquelle des fabricants ont payé jusqu'ici une somme annuelle de
6 à 8,000 francs ; en effet, il en est parmi eux qui emploient jusqu'à 400
hectolitres de genièvre.
Ce spiritueux avait procuré par ses résidus tout le
bienfait que l'agriculture en réclamait, et par le droit qu'on veut faire
supporter au vinaigre qui en provient, on anéantit positivement cette industrie
; c'est ainsi qu'un fabricant, éminemment le plus considérable a cessé
entièrement, que d'antres abandonnent successivement et qu'il ne nous en
restera bientôt plus que le souvenir.
Si M. le ministre croit que la loi, qu'à tort ou à
droit on veut appliquer à ces industriels, doive être modifiée, nous
l'engageons à en faire la proposition à la chambre, qui se hâtera, sans doute
d'adopter une mesure utile au Trésor et qui affranchit le pays d'un tribut
assez notable qu'il a payé longtemps à l'étranger.
La section centrale conclut
au renvoi de cette pétition à M. le ministre des finances, avec demande
d'explications ; elle en fait également le renvoi à la commission d'industrie.
M. Rodenbach. - La pétition sur laquelle on vient de faire un
rapport, qui vous a été adressée par les fabricants de vinaigre artificiel
paraît être de la plus haute importance, car ils payent à peu près un double
droit. M. le rapporteur vient de vous dire que l'adoption de la loi actuelle
serait l'anéantissement de cette industrie.
Cette question ne doit pas être étrangère à M. le
ministre des finances, car il doit savoir qu'on fabrique du vinaigre avec de
l'alcool et de l'eau.
Je demanderai s'il ne peut
pas donner d'explications
M. le ministre des finances (M. Smits) - La loi sur les bières et
vinaigres divise les vinaigreries, en trois classes. Les vinaigreries
artificielles sont dans la troisième. Elles sont imposées d'après l'importance
des cuves jumelles ou werken, expression
hollandaise. Les progrès de l’industrie ont fait disparaître ces cuves jumelles
qui ont été remplacées par d'autres vaisseaux. La loi devenait dès lors sans
application. Cependant il fallait que les vinaigreries comme les autres fussent
assujetties à l'impôt et comme une disposition de la loi portait que le
gouvernement serait autorisé à prendre des mesures pour assurer la perception
des droits, j'ai proposé au Roi de prendre un arrêté pour soumettre à l'accise
les nouveaux procédés de fabrication.
Les pétitionnaires dont il s'agit ne se plaignent pas
précisément du chiffre de l'impôt, mais ils prétendent que l'exercice se fait
d'une manière trop rigoureuse. J'ai demandé à cet égard des rapports détaillés
qui ne me sont pas encore parvenus. Aussitôt que je les aurai reçus je ferai
droit aux réclamations des pétitionnaires si elles sont
fondées.
M. Rodenbach. - Les pétitionnaires se plaignent du droit, parce
qu'ils n'emploient que l'alcool et l'eau, et qu'ils paient déjà un impôt sur
l'alcool. L'on soumet encore leur vinaigre à un impôt ; c'est
l'anéantissement de leur industrie. Si l'on veut exporter du vinaigre à
l'étranger, on est dans l'impossibilité de soutenir la concurrence. Vous ne
pouvez pas agir à l'égard de cette industrie autrement que vous ne le faites à
l'égard des industries que vous exemptez du payement du droit sur les matières
premières qu'elles emploient. C'est ainsi que vous exemptez la tannerie du
droit sur le sel, afin de lui permettre d'exporter.
Je le répète, il s'agit ici d'un double impôt ; c'est
une réclamation qui mérite d'être examinée avec soin. Assez d'établissements
ont été anéantis par nos lois ; il faut y regarder à deux fois avant de porter
le poignard dans une industrie nouvelle.
- Les conclusions de la commission sont adoptées.
Discussion générale
M. le président. -M, le ministre des finances se rallie-t-il aux
amendements de la section centrale ?
M. le ministre des finances (M. Smits) - Je me rallie à quelques
uns, mais pas à tous ; ainsi la discussion doit s'ouvrir sur le projet du
gouvernement.
M. Scheyven. - Quoique je n'aie point voté pour les lois du 27
mai 1837 et du 25 février 1841 sur les distilleries, je suis assez disposé, en
présence de la fâcheuse situation de notre état financier et de la nécessité
d'avoir des ressources pour couvrir les dépenses votées par la législature,
surtout que la matière que le projet a pour but d'imposer me semble pouvoir
supporter une majoration d'impôt, à donner un vote approbatif au projet de loi.
Et, certes, je n'hésiterais pas un instant à me prononcer en faveur de la loi,
si elle était conçue de manière à donner une garantie à l'existence des petites
distilleries. Mais si, au contraire, elle contenait le germe d'un monopole en
faveur des grandes distilleries au préjudice des petites, je ne pourrais y
donner mon assentiment ; car je ne voudrais point contribuer par mon vote à la
ruine d'une classe nombreuse d'industriels, qui ont également droit à toute
notre sollicitude.
Je voudrais donc que les dispositions de la loi
conciliassent les intérêts des grands et petits industriels au lieu de donner
un monopole aux uns, et contribuer à la ruine des autres.
Le moyen d'éviter cet écueil consiste à accorder une
protection aux petites distilleries, à leur faire jouir d'une remise de droits,
dont ne profitent aujourd'hui qu'un petit nombre de distillateurs, en un mot à
supprimer dans le projet les deux conditions exigées pour jouir de cette
faveur, savoir que le distillateur ait une tête de gros bétail par chaque
hectolitre et demi de la capacité des vaisseaux soit mis à l'impôt et qu'il
cultive un hectare de terre par chaque hectolitre et demi de la contenance des
vaisseaux imposés. Ce n'est qu'en faisant disparaître de la loi ces conditions
que je pourrai y donner mon assentiment.
Le gouvernement, la section centrale et la chambre
tout entière, je pense, est d'avis qu'il faut accorder une protection aux
distilleries qui favorisent l'agriculture. Or, les petits distillateurs des
villes qui vendent le résidu aux cultivateurs qui demeurent dans le voisinage
des villes pour la nourriture du bétail, se trouvent dans la même position que
les distillateurs de campagne qui tiennent eux-mêmes du bétail et cultivent
quelques hectares de terre, car l'un et l'autre favorisent l'agriculture ; si
donc on accorde une remise aux derniers, il me semble juste que les premiers
en jouissent également. Les en priver, ce serait consommer leur ruine ; exiger
d'eux les deux conditions, c'est vouloir, pour ainsi dire, l'impossible. Mais
en admettant même que ces distilleries ne soient point agricoles, faut-il les
sacrifier entièrement en faveur des grandes ?
Pourquoi accorde-t-on au reste une remise des droits à
certaines distilleries ? Évidemment parce que l'on prévoit que sans cela toute
concurrence devient impossible, parce que les grandes distilleries qui ont un
immense avantage sur les petites en ce qu'elles peuvent produire plus et à
meilleur marché, finiraient par anéantir ces dernières. Dès lors qu'on les
appelle agricoles ou qu'on leur donne une autre dénomination quelconque, la
lutte est inégale, et à moins de vouloir la perte de celles-ci il faut leur
accorder une protection, il faut leur accorder la remise sans exiger toutes les
conditions prescrites.
Si l'on ne veut accorder cette remise qu'aux
distilleries qui sont établies spécialement dans le but de favoriser le
défrichement des terres incultes, la disposition devient, pour ainsi dire,
inutile, parce que celles qui appartiennent à cette catégorie sont si peu
nombreuses, qu'on n'a guère à s'en occuper. Si cependant on n'a eu en vue que
celles-là, la loi est encore injuste, parce qu'elle accorde la même faveur à
d'autres qui n'ont point pour but le défrichement des terres, car il faudrait
alors dire que, pour jouir de la remise, il faut annuellement défricher une
quantité donnée de terrain. Je dis donc que dans mon opinion toute la question
consiste à savoir si les petits distillateurs des villes peuvent concourir avec
les grands sans la remise de 15 p. c. Je pense que non, et, dans ce cas, la loi
serait pour eux une véritable ruine.
Le nombre de ces distilleries est assez considérable
pour qu'on ne perde pas de vue leur intérêt. Je ne vous citerai que celles des
deux villes qui ont pétitionné contre cette disposition de la loi : celle de
Termonde et celle de Malines ; la première en compte 51, et la seconde 26,
Je sais que l'on me répondra que déjà, par la loi de
1841, les trois conditions ont été exigées ; mais je ferai remarquer qu'ils
n'ont cessé de réclamer contre cette disposition, et aujourd'hui le motif est
beaucoup plus grand encore, puisqu'il s'agit d'augmenter les droits, ce qui
rend leur position beaucoup plus défavorable ; car aussi longtemps que les
droits étaient minimes, ils exerçaient peu d'influence sur le prix du genièvre,
et il était encore possible de concourir ; mais en présence des droits élevés
qui doivent avoir pour résultat de renchérir la matière fabriquée, la
concurrence est impossible.
Plus on augmente les droits, plus on favorise les
grandes distilleries, puisque cette augmentation doit avoir pour effet de nuire
aux petites et de les anéantir. Si je n'avais d’autres preuves pour appuyer ce
que j'avance, j’en trouverais une qui me paraît frappante dans les pétitions
qui vous ont été adressées ; tous les petits distillateurs s'élèvent avec
force contre toute augmentation de droits, tandis que les grands ne font aucune
observation à cet égard, et désirent même l'augmentation proposée ; si ce n'est
point pour atteindre le but que je viens de signaler, de miner les petits,
certainement ils ne manqueraient pas de s'élever contre cette partie du projet
de loi, car il n'existe point d'exemple que des industries ne se sont pas
élevés contre une majoration des droits sur les produits de leur industrie, à
moins qu'elle ne dût avoir pour résultat un monopole en leur faveur. Je pense
donc que le projet de loi est injuste en ce qu'il favorise les grandes
distilleries au préjudice et à la ruine des petites, et je ne pourrai y donner
mon assentiment qu'en accordant une protection aux petites, qu'en leur
accordant la remise de 15 p. c., sans exiger les conditions voulues par le
projet.
Peut-être y aurait-il moyen de ranger les distilleries
en plusieurs classes et de fixer un droit particulier pour chacune d'elles, de
cette manière on pourrait peut-être concilier les différent intérêts, en
assurant en même temps au trésor les sommes que le projet a pour but de lui
faire obtenir.
Avant de terminer, il me reste à vous dire un mot sur
un objet qui a donné lieu à de vives réclamations de la part de plusieurs distillateurs,
et surtout de ceux de Gand et de Hasselt, Je veux parler la nécessité dans
laquelle la loi les place de travailler les dimanches ; j'aurais désiré que la
section centrale eût accueilli les motifs allégués par les pétitionnaires et
qui me semblent fondés, au lieu de les écarter, ainsi qu'elle l’a fait par 3
voix contre 1. Car une loi qui place une personne entre son intérêt et sa
conscience me paraît peu morale, et je déclare dès à présent que je donnerai
volontiers mon assentiment à un amendement qui aurait pour
but de remédier à cet inconvénient.
M. Mast de Vries. - J'ai examiné avec
attention les différentes pétitions qui sont venues à la chambre concernant la
loi dont il s'agit. Il en est résulté pour moi la conviction qu'en général il y
a peu d'opposition à la loi. Cet état de choses se conçoit assez facilement.
Une augmentation de 4 ou 6 centimes au litre de genièvre ne peut pas avoir une
grande influence sur le détail qui se fait par 16° ou 32° le litre. La grande
classe des consommateurs est donc désintéressée ; c'est pourquoi elle n'a pas
fait entendre de réclamation. Une autre classe applaudit à la loi, c'est celle
qui voit dans toute augmentation du prix du genièvre un bienfait, en ce sens
que c'est une amélioration morale ; les statistiques criminelles attribuant un
grand nombre des crimes à l’influence des boissons alcooliques, cette classe
applaudit à tout ce qui peut en réduire la consommation.
Quant à moi, je partage l'opinion qu'une augmentation
de quelques centimes n'aura aucune influence sur la morale publique ; ce n'est
pas par des lois de finances que nous sommes appelés à l'améliorer. Ce n'est
pas en Angleterre, où le prix du genièvre est très élevé, où l'on compte qu'il
s'en consomme de 5 à
L'honorable membre qui a parlé avant moi, vous a
entretenus des réclamations dont l'article 5 est l'objet. Je vais appuyer ce
qu'il vous a dit de quelques chiffres.
Parmi les 1140 distilleries qui existent en Belgique,
34 fabriquent le tiers de la consommation ; c'est-à-dire que sur 1140
distilleries, 34 payent l'impôt sur 1900 mille hectolitres de macération. Les
1166 distilleries restant sont divisées en deux classes : les distilleries
agricoles, qui jouissent de la remise de 15 p. c. et les distilleries non agricoles
qui ne jouissent pas de cette remise. Chacune de ces classes fabrique encore un
tiers de la consommation ou 1900 mille hectolitres de macération.
Si maintenant les 34 grandes distilleries travaillent 300
jours par année, elles soumettent à l’impôt 186 hectolitres de capacité macérée
par jour. Chacune d'elles en représente 16 à 17 des autres.
Pour les distilleries agricoles ce sont les plus
intéressantes, non que j'entende les distilleries agricoles comme vous les avez
spécifiées dans votre loi de 1837 et de 1840 ; car il est indifférent que le
distillateur cultive lui-même et engraisse des bestiaux, où qu'il vende ses
résidus à d'autres qui cultivent, il est indifférent qu'il tienne autant de
têtes de bétail ou qu'il vende ses résidus à son voisin dont le métier est
d'engraisser des bestiaux, puisqu'en définitive ces résidus doivent être
employés à nourrir des bestiaux et sont ainsi, certes, très agricoles, le mode
est tout à fait indifférent pour l'Etat.
Mais je vous dirai qu'avec la disposition introduite
dans la loi, les distilleries purement agricoles s'en vont tous les jours. Vous
avez cru que moyennant les 15 p. c. de remise, elles devaient augmenter. Eh
bien, c'est le contraire qui arrive,
Il suffit d'appliquer quelques calculs, pour se rendre
compte de ce que j'avance et vous assurer qu'il est impossible qu'elles continuent
d'exister. Il existait 550 distilleries agricoles déclarant pour l'année 1,900
mille hectolitres de vaisseaux de macération. Si elles travaillent six mois par
an, elles ne travaillent guère davantage. La moyenne est d'environ 20
hectolitres par jour.
Maintenant en faisant 20 hectolitres par jour, elles
doivent avoir en culture 13 ou
Il faudra qu'elles aient aussi 650 têtes de bétail. Au
lieu d'une affaire, il faut en faire deux ou trois, il faut un capital en conséquence,
une activité peu ordinaire, enfin, il faut tant de choses, que forcément on
renonce à son état et on en bénéficie les grandes distilleries à la vapeur,
l'avantage que paraît lui donner la loi étant par suite des conditions imposées
entièrement. En voici la preuve : En travaillant six mois par an et en soumettant
par jour 20 hectolitres de capacité de macération à l'impôt, il aura fait 5,000
hectolitres à raison de 60 centimes, ce qui fait une somme de 2,180 fr. Il aura
bénéficié sur cette somme 15 p. c., ou 320 fr. C'est-à-dire que, pour gagner
320 fr., il aura dû louer des terres dans un rayon donné qu'il devra payer au
prix le plus élevé, et élever en outre plus de bétail qu’il ne peut en
entretenir. Et vous vous étonnez que l'on se plaigne. Toutes doivent finir par
stater. Car même avec la meilleure volonté, il est impossible, dans les centres
de fabrication de trouver des terres à louer. C'est ainsi que dans les environs
des villes, dans le rayon où doivent se trouver les terres des distilleries
agricoles pour un hectare on pale 2 et 300 fr., parce que toutes ces terres
sont cultivées en jardins. Comment voulez-vous que le distillateur aille
cultiver des terrains de cette espèce et faire son compte ?
Si donc, messieurs, vous voulez conserver des
distilleries dans les villes de 2ème et 3ème rang et dans les campagnes, vous devez supprimer les
dispositions vexatoires qui existent aujourd'hui. Je prie mes honorables
collègues d'y réfléchir, car la loi actuelle aura probablement une existence
assez longue pour nous donner des regrets, si nous n'avions pris toutes les
précautions pour assurer l’existence des distilleries très agricoles dont j'ai
cru devoir me poser le défenseur.
Je dépose un amendement dans
ce sens.
M. Duvivier. - Messieurs, si l'instabilité des dispositions législatives
en matière d'impôt est, généralement parlant, un très grand mal pour le pays,
c'est surtout, quant aux distilleries, que cette vérité me paraît incontestable
; elle entretient, chez les fabricants et débitants de leurs produits, des
incertitudes, des inquiétudes continuelles qui nuisent considérablement au
commerce, et par suite à l'agriculture, à la prospérité et au bien-être de
laquelle ces établissements sont intimement liés.
Les divers systèmes et les modifications introduites
dans les lois qui ont régi successivement les distilleries, ont été résumés
dans une loi spéciale de 1822 y relative, qui faisait partie du système général
des finances décrété en juillet 1821. Cette législation, fatale à
C'est donc, en cette année, qu'il a été fait une
première loi, impatiemment attendue, sur les distilleries, laquelle a fait
droit à des réclamations incessantes qui parvenaient au gouvernement de tous les
points du pays.
Lors de la présentation du budget des voies et moyens
de
Le système établi par cette loi est tout différent de
celui qui était en vigueur antérieurement. En effet, en 1822, le droit était
sur la matière fabriquée, tandis qu'actuellement, il l'est sur la matière
propre à la fabrication, Le premier, durant son existence, a excité de vives et
continuelles réclamations qu'occasionnait incessamment son exécution. Le second,
au contraire, n'a donné et ne donne lieu à aucune ; et, quant aux
contraventions, elles étaient très nombreuses sous l'empire de la loi
hollandaise de 1822 ; elles sont à peu près nulles sous la loi belge de 1837.
Cela provenait, messieurs, de la complication des prescriptions de l'une et de
la simplicité des dispositions de l'autre. Sous celle-là peu comprise des
contribuables eux-mêmes , les employés aux exercices pouvaient verbaliser à
chacune de leurs visites ; sous celle-ci, à la portée de tous, par la clarté de
ses exigences, les employés n'ont qu'une surveillance à exercer, la fraude
n'étant possible qu'au moyen d'usines ou de macérations clandestines. Nous
avons donc, et les distributeurs eux-mêmes, ont des grâces à rendre au
gouvernement d'avoir maintenu le système actuel de distillation et de s'être
borné à y apporter quelques nouvelles modifications qui, sauf l'augmentation
du droit, sont faites dans l'intérêt du perfectionnement de la législation sur
la matière. Parmi celles qui vous sont proposées, la principale est une
augmentation assez forte du droit puisqu'il est presque doublé : Voici quelle
est mon opinion à cet égard.
Le droit d'un franc, en principal, par hectolitre de
matière soumise à la distillation est trop élevé ; il donnera infailliblement
lieu à une fraude considérable. D’abord au moyen des genièvres indigènes
eux-mêmes, ensuite au moyen d'introduction et infiltrations frauduleuses de
spiritueux étrangers.
Le premier moyen consistera à réimporter les genièvres
déclarés à l'exportation, et qui, après avoir joui de la remise du droit
d'octroi et de l'Etat avec prime, puisque quant à ce dernier la restitution
excède le droit de fabrication, rentreront dans le pays affranchis de tons
droits, et viendront se vendre à plus bas prix que ne pourront les livrer les
distillateurs de l’intérieur qui, ayant payé ces mêmes droits, ne pourront
soutenir la concurrence, et se verront forcés de ralentir leurs fabrications :
ce qui portera de notables préjudices au trésor de l'Etat el aux revenus des
villes. Ce genre de fraude sera surtout profitable aux distillateurs et aux
négociants de ports de mer.
Le second moyen aura lieu par des importations et
infiltrations frauduleuses de spiritueux étrangers où ils sont à meilleur
compte que chez nous. Ce genre de fraude reprendra une nouvelle force, et vous
n'ignorez pas, messieurs, que quelque soit le zèle, le dévouement et
l’activité des employés de la douane, elle se pratique avec plus ou moins
d'intensité, en raison des bénéfices qu'elle peut réaliser. Elle augmentera
donc avec la majoration de droit que vous voulez faire subir à la fabrication
des eaux-de-vie indigènes. N'en doutez pas, messieurs, et quant à moi j'en suis
tout à fait convaincu, cette infiltration est très bien connue, moyennant une
prime plus moins forte, selon l'époque et les circonstances. Des pipes entières
des esprits trois six de France sont livrées à l'intérieur du pays en
franchissant les lignes dans de petits barils, vessies.
On veut, messieurs, que les distilleries rapportent
davantage, 1° pour augmenter les ressources du trésor, 2° pour extirper, si
faire se peut, l'ivrognerie, l'immoralité, les délits, voire même les crimes
que certaines personnes veulent à toute force attribuer à l'usage immodéré des
boissons alcooliques, notamment du genièvre, est-ce bien sérieusement que l'on
raisonne ainsi, et que l'on attend la cessation de toutes ces calamités de
l'augmentation proposée du droit à la fabrication du genièvre ? On conçoit que
pour faire accueillir cette mesure on fasse usage d'un tel prétexte, et que
d'autres croient qu'elle aura cette heureuse influence, quant à moi je suis à
peu près certain que la majoration de l'impôt que l'on demande ne fera pas
élever le prix du genièvre au débit ; je ne pense pas, messieurs, qu'il existe
un pays en Europe ou l'on fasse une plus grande consommation de genièvre qu'en
Hollande, et certes personne n'essayera d'établir qu'il s'y commet plus de
crimes qu'ailleurs. Mais quelle est, messieurs, cette autre idée qui tourmente
bien des gens, qu'il n'y a d'excès de boissons que dans l'usage du genièvre ?
Abandonnez-la, messieurs, si c'est celle de quelques-uns d'entre vous, et bien
certainement ce n'est pas la mienne, et pour vous parler de ce qui se passe
dans le pays que j'habite, je puis vous assurer que l'ivrognerie est bien plus
souvent due à l'usage immodéré de la bière qu'à celui du genièvre dans la
classe ouvrière bien entendu.
L'élévation du prix des boissons distillées ne
dépendra guère du taux plus élevé de l'impôt, parce que la fraude dans
l'intérieur et à la frontière ramènera toujours l'équilibre. Une autre cause,
et c'est peut-être la seule, peut amener une variation marquante dans le prix
de ce liquide, c'est le taux plus ou moins élevé des céréales, qui servent à sa
fabrication, ainsi que le poids et la qualité de ces denrées. C’est ce que
l'expérience a démontré.
En admettant donc que la législature parvînt à faire
payer le petit verre de genièvre un ou deux centimes plus cher, cela n'amènera
d'autres résultats que de voir l'ouvrier sobre, économe et laborieux, aussi
bien que celui qui boit immodérément, de rapporter, dans leurs ménages les
quelques centimes de moins qu'ils auront payés en plus aux débitants de
boissons spiritueuses.
Les considérations qui précèdent me détermineront à
refuser la majoration de droit demandée par le gouvernement.
Quant aux autres changements proposés, je me réserve
de prendre part à la discussion qui aura lieu à leur occasion et au fur et à
mesure que l'on s'occupera des articles où ils se trouvent consignés.
Je soutiendrai de toutes mes
forces l'amendement que proposent MM. Scheyven et Mast de Vries.
M. de Renesse. - Messieurs, une législation sur les distilleries
doit être mise en rapport avec les avantages qu'en doit principalement retirer
l'agriculture, la source principale de notre richesse territoriale ; il est
donc essentiel de ne pas augmenter constamment la quotité de l'impôt d'accise,
dans la crainte de porter une atteinte fâcheuse à la fabrication des
eaux-de-vie indigènes, et par contre à l'industrie agricole.
Par la loi du 18 juillet
La fraude de l'extérieur, qui leur réussissait depuis
la loi libérale de 1833, avait entièrement cessé, reprendra toute son activité
si l'impôt sur la fabrication des eaux-de-vie indigènes, est porté au taux fixé
par le gouvernement, et même à celui proposé par la section centrale.
J'ai la conviction, que pour la province que j'ai
l'honneur de représenter, il s'organisera du Limbourg néerlandais, et surtout
de la ville de Maestricht, une introduction frauduleuse des genièvres fabriqués
dans ce pays, puisque le gouvernement hollandais accorde, outre la restitution
des droits d'accise, aussi une prime d'exportation. Jusqu'ici, le droit
modéré, que l'on avait adopté pour la fabrication indigène, empêchait toute
infiltration du genièvre étranger ; mais si le droit proposé obtient
l'assentiment de la législature, il y a tout lieu de croire que la fraude, tant
de l'intérieur que de l’extérieur, fournira à la consommation du pays, qui ne
sera nullement diminuée, malgré l'augmentation du droit de fabrication ; mais,
au contraire, les consommateurs des boissons spiritueuses, consommeront les
eaux-de-vie fraudées surtout de l'étranger, qui seront souvent d'une mauvaise
qualité, notamment pour celles importées de
En frappant presque chaque année la distillation, on
empêchera cette industrie, si nécessaire au progrès de l’agriculture, de
pouvoir prendre plus de développements, même pour l'exportation ; l'on
restreindra la fabrication, et les distilleries réellement agricoles ne
pourront soutenir la concurrence de la fraude étrangère ; l'Etat verra, en
outre, une ressource importante de nos voies et moyens diminuer d'année en
année.
Les provinces, dont les terrains sablonneux ont si
besoin des engrais provenant des distilleries, seront doublement frappées par
cette loi fiscale qui doit faire diminuer le nombre des distilleries ; déjà,
actuellement, la fabrication des eaux-de-vie indigènes, n'est pas trop prospère
; aussi, particulièrement dans le Limbourg, la ville de Hasselt et
Cependant,
l'augmentation très notable de la population de
Le chapitre VIII des amendes
et pénalités, a donné aussi lieu à des réclamations fondées ; le distillateur
de bonne foi, qui, par des circonstances indépendantes de sa volonté, aurait
oublié de renouveler sa déclaration, paierait une amende ruineuse ; il se
verrait parfois obligé à payer son défaut de mémoire d'une amende de dix mille
francs et plus ; cette fiscalité est exorbitante, et il est de toute nécessité
de changer cette disposition de la loi ; les réclamations des distillateurs
sont unanimes à cet égard ; particulièrement ceux de la ville de Hasselt,
indiquent un moyen de garantir les intérêts du trésor, sans mettre si
légèrement en balance l'honneur et la fortune du contribuable ; je crois avec
la section centrale, qu'il y aurait lieu d'admettre cette modification proposée
par ces distillateurs : il ne faut pas que l'honnête industriel soit confondu
avec ceux qui recourent à la fraude ; il s'agirait d'ajouter au paragraphe 13
de l'art. 32 la disposition suivante :
« Si le distillateur ne renouvelle pas sa
déclaration à l'expiration, il sera pris en charge sur le pied de sa précédente
déclaration, pour une série de 15 jours.
« A cet effet, le receveur lui adressera un
avertissement par écrit, dont le coût sera de dix francs.
« S'il est constaté que les travaux ne sont pas
conformes à sa précédente déclaration, le distillateur contrevenant encourra
une amende égale au quintuple du droit qui serait dû pour un travail supposé de
quinze jours. »
En admettant une disposition pareille, les intérêts du
trésor seront assurés, la fraude sera suffisamment supprimée, le distillateur
honnête ne sera pas exposé à payer pour un oubli, une négligence, une amende
ruineuse qui ne devrait atteindre que la véritable fraude. Il paraît aussi que
le mol ailleurs, qui se trouve au n° 2 de l'article 32, § 16, est trop
vague pour que le distillateur de bonne foi ne soit pas exposé à des
procès-verbaux vexatoires ; ici encore, un simple oubli ou une légère
négligence peut lui faire encourir une amende de dix à vingt mille francs.
J'espère que M. le ministre des finances aura égard à ces justes réclamations,
et qu'il admettra les modifications proposées par les distillateurs de la ville
de Hasselt ; si ces modifications n'étaient pas présentées par M. le ministre
ou par M. le rapporteur de la section centrale, je m'empresserai de la déposer
dans la discussion des articles du projet de loi, et en attendant que la
nouvelle législation proposée sur les distilleries soit notablement
modifiée par la chambre dans plusieurs de ses dispositions, je crois
devoir réserver mon vote.
M. Desmet dépose un amendement tendant à modifier les articles 14 et
15 en ce sens que le dimanche et les jours de fêtes légales on soit exempté de
la déclaration pour les distilleries.
-
La chambre ordonne l'impression de cet amendement ainsi que
de ceux déposés : l.° par MM. Scheyven, Mast de Vries et Duvivier ; 2° par M.
Delehaye ; 3° par MM. de Renesse et de Theux.
-
M. Dubus (aîné). - Je demande que la chambre mette à l'ordre du jour,
après la nomination du greffier, plusieurs rapports de la commission des
naturalisations. Deux de ces rapports sont relatifs à des demandes de grande
naturalisation. La commission a été d'avis que les personnes dont il s'agit
sont Belges d'après la loi et qu'il y a lieu de déclarer leur demande sans
objet. Dans un autre rapport, il est question d'une personne qui a obtenu des
lettres de naturalisation et qui a encouru la déchéance par défaut
d'acceptation dans le délai de la loi. La commission pense qu'à raison des
circonstances il y a lieu de relever cette personne de la déchéance.
Je propose aussi de mettre à l'ordre du jour le vote
relatif à la prise en considération des demandes de naturalisation comprises
dans le feuilleton n° 8.
- La proposition de M. Dubus est adoptée.
La séance est levée à 4 heures et demie.