Accueil
Séances plénières Tables
des matières Biographies
Livres numérisés Bibliographie et
liens Note
d’intention
Séance précédente Séance suivante
Chambre des représentants de Belgique
Séance du vendredi 13 mai
1842
Sommaire
1)
Pièces adressées à la chambre
2)
Projet de loi de loi tendant à apporter des modifications à la loi communale
(principalement en ce qui concerne la nomination, la révocation et les
attributions du bourgmestre) (Nothomb, Delehaye, Nothomb, Dumortier, Nothomb, Verhaegen, Nothomb, Doignon, Nothomb, Verhaegen, Nothomb, (+convention
avec la ville de Bruxelles) de Brouckere, Nothomb, de Brouckere, Orts, de Mérode, Doignon,
Nothomb, (+convention avec la ville de Bruxelles) Fleussu, (secrétaires communaux) de
Brouckere, Dechamps, de
Muelenaere, Orts, Nothomb, Verhaegen, de Theux, Nothomb, de Brouckere, de Muelenaere, Vandenbossche,
de Theux, de Theux, Nothomb, de Brouckere, Nothomb, Doignon, de Theux, de Mérode, Orts)
(Moniteur
belge n°134, du 14 mai 1842)
(Présidence de M. Dubus (aîné))
M.
Kervyn procède à
l'appel nominal à 1 heures et 1/4.
- Entre l’appel et le réappel
il est procédé au tirage au sort pour la composition des sections du moi de
mai.
M. Dedecker donne lecture du procès-verbal de la séance
précédente, dont la rédaction est approuvée.
M. de
Renesse fait connaître l'analyse des pétitions suivantes :
PIECES ADRESSEES A
« Le sieur Jean-Baptiste-Martial, Augustin Jouhaud, né à Limoges (France) et demeurant à Bruxelles,
demande la naturalisation ordinaire. »
- Renvoi à M. le ministre de la justice.
________________________
« Quelques habitants de la commune de Fronville demandent que, dans la nouvelle circonscription
cantonale, cette commune continue à faire partie du canton de Rochefort. »
- Renvoi à la commission chargée de l'examen du
projet de loi sur la circonscription cantonale.
________________________
« La chambre de commerce et des fabriques de
Verviers demande que le projet de loi sur la répression de la fraude soit
prochainement mis à l'ordre du jour. »
- Renvoi à la section centrale chargée de l'examen
du projet.
Discussion générale
M. le
président. - L'ordre du jour appelle la
suite de la discussion du projet de loi apportant des modifications à la loi
communale, en ce qui concerne la nomination des bourgmestres.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, au commencement de la discussion, j'ai annoncé que je
proposerais des dispositions additionnelles, entre autres en ce qui concerne la
révocation des bourgmestres. Je crois qu'il convient que je dépose ces
amendements.
Il y aurait deux articles nouveaux, portant :
« Art. 2. Le n° 4 de l'art. 90 est supprimé.
« Il sera inséré en tête de cet article une
disposition ainsi conçue :
« Le bourgmestre est chargé de l'exécution des
lois et des règlements de police.
« Le bourgmestre est substitué au collège des
bourgmestre et échevins, dans l'art. 94, où l'on retranchera, en outre, les
paragraphes suivants :
« Dans les cas mentionnés au présent
article, le collège des bourgmestre et échevins pourra délibérer, quel que soit
le nombre des membres présents. En cas de partage, la voix du président est
prépondérante, dans les art 123, 126 et
127. »
Art. 3. La mention du bourgmestre est retranchée de
l'art. 56, et il est placé en tête de cet article la disposition suivante :
« Le Roi peut suspendre ou révoquer le
bourgmestre »
Je regarde, messieurs, le second de ces articles
comme une conséquence de l'adoption du principe de la nomination du bourgmestre
par le Roi.
Je pense qu'il convient de donner, en peu de mots,
connaissance à la chambre de la discussion à laquelle cette question a donné
lieu, lorsqu'il s'est agi de décider les différentes questions qui se
rattachent à l'organisation communale. J'ai donc fait un résumé de la
discussion par rapport à cette question.
REVOCATION DU BOURGMESTRE
L'art. 7 du projet de 1833 portait :
Le Roi nomme et révoque les
bourgmestres.
La section centrale, dans son projet, a maintenu
cette disposition, en la reportant à son art. 10, sous cette forme :
Les bourgmestres et échevins sont
révoqués par le Roi.
Le rapport de la section centrale s'exprime à cet
égard en ces termes :
« Ce droit a été vivement combattu dans le
sein de plusieurs sections et de la section centrale, spécialement quant aux
échevins.
« La révocation des bourgmestres a été admise
par quatre sections contre deux. »
La discussion s'engagea d'abord sur la nomination,
Dans la séance du 28 juillet 1834, M. le ministre
de l'intérieur s'exprimait en ces termes :
« L'art. 10 du gouvernement demande pour le Roi
la faculté de révoquer les bourgmestres et échevins. Il semble que l'on est à
peu près d'accord pour attribuer cette faculté au pouvoir, faculté qui n'est
que la conséquence du droit de nomination que vient' de lui conférer la
chambre.
« Jusqu'à présent l'honorable M. Doignon est le
seul qui ait combattu cette disposition. »
M. le ministre de la justice (séance du 29 juillet) s'exprimait à son tour dans le même sens :
« Mais, messieurs, si le bourgmestre est agent du
pouvoir exécutif, il me semble, avec la section centrale, que le pouvoir
exécutif doit avoir la faculté de démettre cet agent, si ses actes sont de
nature à l'entraîner dans une voie où le gouvernement ne saurait le
suivre. »
L'art. 10 amendé par M. de Theux est adopté par 52
voix contre 15 et trois abstentions, il se terminait par ces mots :
« Les bourgmestres peuvent être révoqués de
leurs fonctions par le Roi. »
Au second vote de la loi, le ministre de l'intérieur
s'exprima ainsi (séance du 17 mars 1834) :
« Je pense que ce qu'elle (la chambre) a dit
relativement à la nomination de ces magistrats (bourgmestres), elle doit encore
le décider relativement à leur révocation. C'est de la même manière que le
gouvernement s'était réservé la nomination des bourgmestres et que vous la lui
avez accordée, qu'il s'est réservé la révocation des bourgmestres et que vous
la lui avez donnée. »
Au sénat, pas de discussion sur cet article.
Le projet, amendé de nouveau par la chambre, fut
retiré ; on lui substitua un autre qui parlait de la révocation du bourgmestre
à l'art. 2.
Cette disposition a été reportée à l'art. 56, et
celle fois elle a donné lieu à une discussion plus directe.
M. le ministre de l'intérieur (séance du 17 février
1836) pense qu'il y a une distinction à faire entre la révocation des échevins
et celle du bourgmestre.
Ce dernier est par ses attributions le chef du
collège, et doit par suite présenter plus de garantie au gouvernement ;
l'exercice même de ses attributions ne peut, dans certains cas, se trouver
entre les mains d'un homme qui n'aurait pas l'entière confiance du
gouvernement.
Anciennement le gouvernement ne révoquait pas ; mais
c'est que les bourgmestres étaient annuels ; cette mesure était donc
inutile.
Enlever le droit de révocation au gouvernement, ce
serait porter préjudice à la commune et à l'administration supérieure.
D'après un amendement de M. Gendebien, la révocation
devait avoir lieu sur l'avis conforme et motivé de la députation provinciale
et par le gouvernement.
Cet amendement a été adopté (séance du 17 février),
et est devenu l'art. 56 actuel.
Voilà, messieurs, ce qu'on peut appeler l'historique
de cette question.
J'ai dit, messieurs, dans la séance d'hier, que l'on
ne portait aucune atteinte au système de transaction qui avait été adopté en
1836. J'ai expliqué en quoi consistait ce système.
Je désire cependant qu'on ne se méprenne pas sur mes
paroles, et sur ce qui m'engage à proposer une seconde addition que je m'étais
réservé de faire.
Le système de transaction est celui-ci : Le pouvoir
exécutif est aujourd'hui complexe ; il est exercé par le collège des bourgmestre et échevins ; on n'a rien défalqué du pouvoir
exécutif, pas même la police. Je crois que, sans changer ce système de
transaction, on peut en défalquer la police, et c'est là l'objet de la seconde
addition que je propose à la chambre.
C'est le n° 4 de l'art. 90 qui place
la police dans les attributions du collège des bourgmestre et échevins :
« Art. 90. Le collège des bourgmestre
et échevins est chargé :
« … 4° De l'exécution des lois et règlements de
police. »
Je propose, messieurs, de supprimer ce numéro et
d'insérer en tête de cet article une disposition ainsi conçue :
« Le bourgmestre est chargé de l'exécution des
lois et règlements de police. »
Le pouvoir exécutif, sous tous les autres rapports,
reste au collège des bourgmestre et échevins,
c'est-à-dire que le 1° de l'art. 90 est maintenu.
Ceci, messieurs, nécessite des changements dans
quatre articles de la loi : l'art. 94 qui concerne les
émeutes. En cas d'émeutes, on fait agir le collège des
bourgmestre et échevins ; il faut substituer, comme conséquence de
l'admission du principe, le bourgmestre au collège des bourgmestre et échevins.
Il faut ensuite faire la même substitution dans
trois articles relatifs à la nomination et à l'action de commissaires de
police, c'est-à-dire dans les art. 123, 125 et 126.
D'après l'art. 126, ce sera le bourgmestre seul qui présentera un troisième
candidat pour la place vacante de commissaire de police, C'est aussi lui qui,
dans le cas de l'art. 126, désignera annuellement, sous l'approbation du Roi,
celui entre les commissaires de police auquel les autres doivent être
subordonnés. Enfin il serait dit dans l'art. 127 que les commissaires de police
et les adjoints sont chargés, non plus sous la direction du collège des bourgmestre et échevins, mais sous la direction du
bourgmestre, d'assurer l'exécution des règlements de police locale.
L'admission du principe que la police sera confiée
au bourgmestre seul, nécessite donc les changements que je viens de vous
indiquer.
M. le
président. - Les amendements présentés par
M. le ministre seront imprimés et distribués.
M. Delehaye. -
Messieurs, nous avons été appelés ici à examiner la première proposition du
gouvernement, qui tendait uniquement à laisser au Roi la nomination du
bourgmestre même en dehors du conseil. Les attributions des conseils communaux,
qui se trouvent détaillées dans la loi communale, restaient intactes. Le
bourgmestre seulement trouvait sa position un peu modifiée, mais ses
attributions demeuraient, sur tous les points, telles que les avait définies la
loi communale.
Par le projet que vient de vous soumettre M. le
ministre, il ne s'agit plus de laisser au Roi la nomination du bourgmestre,
même en dehors du conseil, il ne s'agit plus non plus de donner au Roi le droit
de suspendre et de révoquer les bourgmestres, faculté que, pour ma part, je ne
refuserais pas au gouvernement, si tant est qu'il obtienne le droit de nommer
ce fonctionnaire hors du conseil ; mais il s'agit de donner au bourgmestre une
faculté tout autre que celles que lui attribue la loi. On veut, en un mot,
changer entièrement les attributions du bourgmestre et des collèges échevinaux.
On veut changer une des dispositions les plus formelles de la loi
communale.
Nul de nous, messieurs, n'a examiné cette question,
et cependant la faculté qu'on veut accorder au bourgmestre présente une question
tout aussi grave que celle que soulève sa nomination hors du conseil. Pour moi,
si j'ai pu croire un instant que le gouvernement voulait dans certains cas
abuser d'une arme qu'il nous demandait, je crois qu'il le pourra à plus forte
raison, alors que vous accorderez au bourgmestre une faculté qu'il partageait
avec les échevins. Vous voyez donc que la proposition nouvelle du gouvernement
est tout aussi importante que celle qu'il nous a faite en premier lieu.
Comme je viens de le dire, nul de vous n'a examiné
cette proposition, car vous n'étiez pas dans le secret de ce que voulait faire
le gouvernement. Je proposerai donc qu'elle soit renvoyée, sinon à l'examen des
sections, du moins à l'examen de la section centrale.
Il est de toute nécessité que nous soyons mis à même
d'examiner quelles sont les attributions que le gouvernement propose d'accorder
au bourgmestre seul, et s'il y a nécessité de modifier à cette occasion une loi
qui jusqu’à présent, sous le rapport de la police, n'a donné lieu à aucun abus.
Si vous avez examiné l'enquête administrative qui a
été faite, vous aurez remarqué que les faits en très petit nombre, qui y sont
signalés, sont des faits administratifs. Quelques commissaires de district ont
aussi signalé ces faits, également très peu nombreux, sur la négligence
apportée dans la tenue des livres de l'état-civil, mais aucun n'a signalé des
faits purement de police, si ce n'est ce qui concerne la fermeture des
cabarets. Nous ne connaissons donc pas les motifs que peuvent exiger une
modification aussi complète, aussi importante que celle que l'on propose, et
c'est ce qui me fait demander le renvoi de la proposition de M. le ministre à
la section centrale. J'aurais demandé le renvoi aux sections si je ne croyais
que, vu l’époque avancée de la session, la discussion du
projet de loi ne doit pas subir de longs retards.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, je ne dissimule pas l'importance de la disposition que je
présente ; mais néanmoins elle me paraît extrêmement simple, en ce sens qu'elle
se rattache à une question très connue.
Il ne s'agit pas de changer entièrement les
attributions ; il s'agit simplement
de distraire du pouvoir exécutif confié aujourd'hui au collège des bourgmestre et échevins collectivement, les attributions
concernant la police, que nous devons tous considérer comme le premier, le
principal devoir du gouvernement considéré comme pouvoir exécutif dans le pays.
Voilà, messieurs, à quoi se réduit la proposition,
dont néanmoins je ne dissimule nullement
l'importance ni la portée.
L'honorable préopinant demande le renvoi à la
section centrale. Ce renvoi me paraît sans inconvénient, du moment qu'il est
entendu que la discussion générale continue.
Cette marche a été suivie dans beaucoup de
discussions et notamment dans la longue discussion de la loi communale. Ainsi,
messieurs, avec cette réserve, que la discussion continue,
je ne vois aucun inconvénient au renvoi à la section centrale.
M. Dumortier. - Messieurs, dès que j'ai connu
les propositions du gouvernement relativement aux modifications à apporter à la
loi communale, j'ai eu la conviction qu'il était impossible d'en rester là ; je
suis encore convaincu que les propositions faites aujourd'hui ne sont pas les
dernières qui nous seront soumises .Si vous voulez faire marcher le pays dans
la voie ou on veut le faire entrer, il faudra encore introduire une foule de
dispositions nouvelles dans la loi communale. Ce n'est pas le moment maintenant
de m'étendre sur ce point ; mais je ferai remarquer à l'assemblée qu'il est
nécessaire de réunir en une seule loi les diverses propositions qui nous sont
faites ; on reconnaît maintenant combien les dispositions relatives aux
attributions sont corrélatives à celles qui concernent le mode de nomination ;
je pense donc qu'il faudrait ouvrir une discussion sur l'ensemble des trois ou
quatre lois qui nous sont soumises et n'en faire qu'une seule loi ; c'est là le
seul moyen de faire marcher la discussion, Pour mon compte, quand je prendrai
la parole, je devrai parler autant des attributions que du mode de nomination.
Lorsque la chambre examine les budgets, d'un seul
budget elle en fait 5 ou 6 ; pourquoi n'agirions-nous pas ici en sens
inverse, pourquoi ne réunirions-nous pas les diverses lois qui nous sont
soumises en une seule ?
Je ferai remarquer, messieurs, que la moitié des
membres de la chambre ne siégeaient pas dans cette enceinte lors des
discussions si longues de 1834, de 1835 et de 1836, relatives à l'organisation
communale ; la plupart des membres n'ont pas ces discussions présentes à leur
esprit et ne peuvent, par conséquent, se rendre un compte exact de l'importance
des modifications proposées. Je crois donc qu'il conviendrait, pour faciliter
l'intelligence des propositions qui nous sont faites, de faire imprimer la loi
communale en regard de ces propositions ; de cette manière chacun de nous
pourrait bien mieux comprendre la portée des modifications qu’il s'agit
d'introduire dans celte loi.
J'appuie du reste ce qui a été
dit par d'honorables préopinants sur la nécessité de soumettre à un nouvel
examen les dernières propositions de M. le ministre.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Ce que demande l'honorable préopinant, de faire imprimer le texte de la
loi actuelle en regard des modifications proposées, est
une chose extrêmement facile et à laquelle je ne vois aucun inconvénient.
M. Verhaegen. - Messieurs, comme j'avais l'honneur de faire partie de la section
centrale, je ne puis me dispenser de dire quelques mots sur l'incident qui
vient de surgir ; pour moi il est évident que M. le ministre de l'intérieur
commence à désespérer du succès qu'il s'était promis, et que sous prétexte
d'amender ou plutôt de mutiler la loi communale tout entière, il ne serait pas
fâché pour éviter un rejet direct, qui serait un échec, d'arriver à un rejet
indirect, c'est-à-dire de voir ajourner la loi.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Pas
le moins du monde.
M. Verhaegen. - C'est au moins là la seule manière d'expliquer la conduite de M. le
ministre.
Il ne s'agit plus seulement aujourd'hui de la
question déjà si grave, de la nomination du bourgmestre en dehors du conseil,
question sur laquelle les sections se sont bornées de donner leur avis, il
s'agit maintenant de toucher non seulement au mode de nomination des
bourgmestres, mais encore à ce qui est relatif à leur révocation, et de plus à
leurs attributions ; de telle manière que, comme l'a fort bien fait observer
l'honorable M. Dumortier, c'est du sort de la loi communale tout entière qu'il
s'agit en ce moment, car cette loi se compose de ce qui concerne le mode de
nomination et de ce qui touche aux attributions.
Messieurs, lorsque la section centrale fut
constituée, ce qui tout d'abord a fixé l'attention de plusieurs membres, c'est
qu'il fallait changer diverses dispositions de la loi communale pour les
coordonner avec la disposition relative à la nomination des bourgmestres, telle
qu'elle était proposée par le gouvernement ; déjà dans la section centrale
quelques honorables membres se proposaient de présenter des dispositions
additionnelles en ce sens. Quand je me suis aperçu de cette intention, j’ai
proposé une question préjudicielle, et j'en appelle, à cet égard, au souvenir
de mes honorables collègues de la section centrale, cette question
préjudicielle était celle-ci : Je disais à la section centrale : Les sections
ne se sont occupées que d'une seule question très grave, celle de la nomination
des bourgmestres en dehors du conseil ; les sections ne nous ont donné mandat
que pour nous expliquer à section centrale sur cette seule question ; quant à
moi, je ne crois pas avoir le pouvoir d'entrer dans l'examen d'autres
questions, et notamment, je ne crois pas avoir le pouvoir d'entrer dans
l'examen de propositions qui seraient de nature à changer complètement
la loi communale. Nous discutâmes assez longtemps sur cette question
préjudicielle et elle fut résolue contre moi ; je restai seul de mon opinion ;
tous mes collègues pensèrent que la section centrale était saisie de tout
l'ensemble de la loi communale, en ce sens au moins qu'elle pourrait apporter à
chacune des dispositions de cette loi tel changement que l'un ou l'autre membre
jugerait convenable de proposer. Force me fut, messieurs, de respecter cette
décision, car la majorité fait toujours la loi à la minorité ; mais je déclarai
que, dans cet état de choses, je n'avais plus rien à faire dans la section
centrale, et que par conséquent j'étals résolu à me retirer.
Je demandai acte de cette déclaration ; acte m'en
fut donné, et je me retirai. La section centrale délibéra pendant plusieurs
jours au moins d'après ce que j'ai appris, sur divers changements que
quelques-uns de ses membres voulaient faire apporter à la loi communale, mais
elle s'aperçut bientôt que cette besogne était trop lourde et elle revint alors
de sa première opinion ; alors elle me fit connaître cette résolution nouvelle
et je revins au sein de la section centrale.
On s'occupa alors du fond de la question, et vous
connaissez, messieurs, le rapport de la section centrale de qui n'est pas long,
pour un objet de cette importance ; l'exposé des motifs de M. le ministre de
l'intérieur n'est pas long non plus, et une loi de cette gravité, qui aurait dû
s'élaborer avec tant de soin, M. le ministre vient maintenant l'ébrécher par de
nouvelles propositions ; les amendements pleuvent et ceux qui nous sont soumis
ne seront probablement pas les seuls ; il nous en sera, sans doute, encore
présenté bien d'autres avant la fin de la discussion.
Je crois, messieurs, que l’on aurait dû mûrir le
projet avant de le présenter à la chambre et qu’on ne devrait pas venir nous
soumettre, sous forme d’amendement, des propositions qui tendent à changer
toute l’économie, tout le système de la loi communale.
Je crois, messieurs, qu’il ne suffit pas de renvoyer
ces propositions à la section centrale ; car que fera la section centrale qui a
déjà examiné la question de savoir si elle pouvait s’occuper d’autres
modifications que de celles qui sont relatives à la nomination et qui, après avoir
rejeté d’abord la question préjudicielle que j’avais eu l’honneur de lui faire
à cet égard a fini par l’adopter, et par reconnaître qu’il lui était impossible
de faire porter son examen sur des propositions qui ne concernent pas le mode
de nomination des bourgmestres.
D’ailleurs, messieurs, l’objet n’est-il pas assez
important pour que toutes les sections soient appelées â s’en occuper, alors
surtout que peu de membres se sont rendus dans les sections lors de l’examen du
projet primitif ? Il me semble, en effet, que l’impulsion donnée par M. le
ministre de l’intérieur, qui, dans son exposé des motifs, attachait si peu
d’importance à la question ; il semble, dis-je, que cette impulsion a été
suivie par la plupart des membres de la chambre, car il y a eu bien peu de zèle
à suivre les travaux des sections ; alors qu’il s’agissait d’un objet aussi
important, il y a eu, si je ne me trompe, 36 ou 37 membres présent dans toutes
les sections réunies.
Un membre. - Il n’y en a eu que 34.
M. Verhaegen. - Je dis donc, messieurs, que la loi n’a pas été mûrie ; elle ne l’a pas
été par le ministère, elle ne l’a pas par les sections, qui se trouvaient si nombreuses, elle
ne l’a pas été par la section centrale, comme il est facile de le voir par le
rapport.
Et c’est
après cela, messieurs, que l’on vient nous proposer, sous la forme
d’amendement, des dispositions tout aussi graves, si pas plus graves que la
première ; et l’on veut que la discussion continue ! Mais, messieurs, le champ
de la discussion peut devenir tout autre lorsque la section centrale vous aura
fait son rapport ; continuer en
attendant la discussion, ce serait perdre notre temps, car lorsque nous aurons discuté, pendant 8 ou
10 jours, il faudra peut-être bouleverser complètement les propositions sur
lesquelles nous aurons parlé, par suite de l’examen qui aura été fait de
propositions nouvelles.
Quant à
moi, fidèle à l’opinion que j’ai émise dans le sein de la section centrale, je
demande le renvoi aux sections, des proposions faites aujourd’hui par M. le
ministre de l’intérieur et je demande que ces propositions soient formulées en
un projet de loi spécial. Si cette proposition n’est pas admise, je me
consolerai en songeant que j’ai fait mon devoir ; je me résignerai comme je le
dis toujours lorsque je suis en minorité, comme je l’ai
fait lorsque la section centrale a repoussé la question préjudicielle que je
lui avais soumise et qu’elle a fini par adopter.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, en commençant ses
observations, l’honorable membre a dit qu’il supposait qu’il entrait dans mes
intentions d’échapper à une défaite, selon lui inévitable, et que je voulais en
venir à un ajournement. Si cela était vrai, je devrais remercier l’honorable
membre, car il vient de demander l’ajournement en mon nom (on rit). Mais, messieurs, je ne veux pas l’ajournement, il n’entre pas
dans les intentions du ministère de fuir cette discussion.
La nature
de la discussion n’est pas changée. Quel est l’objet de la loi ? c’est de rechercher jusqu’à quel point il y a lieu de
modifier la position du bourgmestre, telle que l’a faite la loi de 1836. Cette
position peut être modifiée sous plusieurs rapports ; elle peut l’être par
rapport à la nomination, elle peut l’être encore et en même temps par rapport
aux attributions.
Dans le
projet de loi, tel qu’il a été présenté, tel qu’il a été ensuite proposé par la
section centrale, il ne s’agissait de modifier la position du bourgmestre que
par rapport à sa nomination Mais il était impossible de se livrer â cet examen,
sans rechercher également s’il n’y avait pas lieu de modifier la position du bourgmestre,
par rapport aux attributions. C’est même ce qu’ont fait les orateurs qui ont
parlé contre le projet dans la séance d’hier et d’avant-hier ; ils ont eu soin
de dire que le gouvernement serait amené à toucher également aux attributions.
Eh bien, le
projet est maintenant complet, en ce sens qu’on modifie la position du
bourgmestre, et par rapport à sa nomination, et par rapport à certaines
attributions. Quand même cette addition n’eût pas été présentée, je dis que, la
discussion continuant, on aurait suivi l’exemple donné dans la séance d’hier et
celle d’avant-hier, et l’on aurait embrassé dans cette discussion générale les
deux questions qui se trouvent maintenant comprises dans le projet de loi.
Ceci n’est
pas une chose inusitée ; dans un grand nombre de discussions, surtout dans
toutes les grandes discussions importantes, il y a eu des amendements proposés
; cela a été fait par tous les ministères. Ce que je fais en ce moment n’est
donc pas nouveau. J’aurais dû ne présenter ces additions qu’à l’ouverture de la
discussion partielle ; eh bien, je n’en ai rien fait : j’ai cru donner un
exemple de bonne foi et de franchise, en présentant ces nouvelles dispositions
dès à présent.
D’ici à la
clôture de la discussion générale, la section centrale pourra faire son rapport
sur les additions, ainsi que sur tous les autres amendements qui pourront être
présentés. Et à mon tour, je demanderai que les honorables membres qui voudront
proposer des amendements, les déposent avant la clôture de la discussion
générale ; de cette manière, la discussion sera mieux éclaircie à l’avance.
Je regarde
donc le renvoi aux sections comme équivalent à un véritable ajournement. Or, je
ne puis pas consentir à un ajournement ; cet ajournement n’est pas nécessaire.
L’on fera maintenant ce que l’on a fait dans toutes les discussions de ce
genre. Lorsque des amendements ont été proposés, on les a renvoyés à la section
centrale, qui a fait son rapport dans un bref délai ; eh bien, la section
centrale pourra faire son rapport en temps utile, puisque, encore une fois, on
n’a pas attendu la discussion des articles pour saisir la chambre des nouvelles
dispositions ; c’est au troisième jour de la discussion
générale, discussion qui n’est pas sur le point de se clore, que les
amendements ont été déposés.
M. Doignon. - Messieurs, je pense aussi que la proposition actuelle de M. le
ministre est réellement un nouveau projet de loi. Jusqu’ici il n’était question
que de modifier la nomination des magistrats communaux, et aujourd’hui c’est
une question d’attributions qu’on soulève.
Il n’est
pas exact de dire qu’il ne s’agit que de changer la position du bourgmestre
dans la commune. En changeant la position du bourgmestre, comme le propose M.
le ministre, vous changez en même temps la position du collège échevinal, vous
changez même la position du conseil. Telle est la portée
de la proposition du gouvernement, s’il voulait donner aux bourgmestres seuls
l’exécution de toutes les lois.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Mais non !
M. Doignon. - Vous supprimez, je crois, le n° 4, où il est question de toutes les
lois et des règlements de police.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Il ne s’agit dans ce numéro que
des lois de police et des règlements de police ; il ne s’agit pas de toutes les
lois.
J’ai eu
soin de faire ressortir la différence entre le n°1 et le n° 4 ; j’ai dit que le
n°1 renfermait le pouvoir exécutif en général ; que le n°4 indiquait la police
comme attribution spéciale, qu’on se bornerait à distraire le n° 4 pour le
donner comme attribution spéciale au bourgmestre, que le n°1 serait maintenu,
c’est-à-dire que le collège échevinal conserverait le pouvoir exécutif en
général, hors la police.
M. Doignon. - Messieurs, d’après ces explications, je pense que l’amendement de M.
le ministre n’a pas la portée que je lui donnais au premier abord ; mais dans
tous les cas, la disposition est assez importante, pour
être examinée par les sections et au moins par la section centrale.
M. Verhaegen. - Messieurs, l’honorable M.
Doignon n’avait pas tort, il avait raison dans ses conséquences ; il pouvait
avoir tort, quant à l’une des prémisses, en ce sens que le pouvoir exécutif
était donné en partie au bourgmestre pour les lois de police. Mais il n’en est
pas moins vrai que le nouveau projet a toute l’importance qu’il croit y voir.
Ce projet
est d’abord important, quant à la révocation : jusqu’à présent il ne s’agissait
pas de cela ; ensuite il est important, quant à une partie du pouvoir exécutif
qui est donné au bourgmestre seul. Ce n’est pas parce qu’une autre partie reste
au collège, que l’argument de l’honorable préopinant avait moins de force ;
d’après moi, il en a d’autant plus de force ; car vous verrez dans le courant
de la discussion, que le ministre reviendra sur ses pas, et qu’il viendra
proposer de donner tout le pouvoir exécutif au bourgmestre. S’il distrait une
partie du pouvoir exécutif, pour le donner au bourgmestre, c’est qu’il a
compris que les choses étaient arrangées par le premier projet, il y aurait
constamment opposition entre le bourgmestre, c’est-à-dire, l’homme du
gouvernement, et les échevins, c’est-à-dire, les hommes du peuple. Eh bien, les
inconvénients qu’il redoutait pour une partie du pouvoir exécutif existeront
pour les autres parties ; et il y aura désunion complète entre les diverses
fractions du pouvoir exécutif.
M. le
ministre de l’intérieur a présenté trois projets qui ont entre eux une
corrélation directe ; et si chacune de ces dispositions ne constituait pas
l’objet d’une loi spéciale, le ministre les aurait réunies. J’en conclus que
les dispositions qu’il nous propose aujourd’hui doivent être également
considérées comme des projets nouveaux. La conduite que le ministre a tenue, en
nous présentant ses premiers projets, est obstative
au système qu’il veut faire prévaloir aujourd’hui, et d’après lesquels on
continuerait à discuter ses nouvelles propositions, sans que les sections en
eussent préalablement délibéré.
Quant à moi, je persiste à demander le renvoi aux sections.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, il n’y a aucune
contradiction entre la présentation de quatre projets de loi concernant chacun
un objet spécial, et la présentation de quelques articles additionnels au
premier de ces projets.
J’ai déjà
dit quel était l’objet du premier projet, c’est de savoir si l’on modifiera la
position du bourgmestre oui ou non.
Cette
modification peut se faire sous plusieurs rapports, par rapport aux
attributions et par rapport à la nomination.
Ceci est tellement
vrai que, dans la séance d’hier et dans celle d’avant-hier, tout en combattant
le projet, d’honorables orateurs ont considéré la question sous ces deux
rapports.
Pour être
conséquent, dit-on, il faudrait faire deux nouveaux projets de loi des deux
articles proposés. Je réponds, moi, que ce ne serait pas être conséquent avec
ce qui a été fait. Les deux articles proposés se lient intimement avec la
question de la position du bourgmestre.
La position
du bourgmestre peut, je le répète, être considérée sous un double rapport, sons
le rapport des attributions et sous celui des nominations et par conséquent
aussi de la révocation. Ainsi, messieurs, en ajournant la discussion, en
renvoyant le premier projet avec les articles aux sections ou à la section centrale,
on maintiendrait toutes ces dispositions, quoique formant un seul et même
article.
Je ne sais
pas pourquoi l’honorable membre se récrie tant contre l’extrême nouveauté de
cette proposition. Je le répète, je n’en dissimule pas l’importance. Mais quant
à la nouveauté, quant à l’imprévu, je ne le reconnais pas. Il n’y a rien
d’imprévu dans une question qu’on discute depuis deux jours. Sous le rapport
des additions proposées, il y a eu par anticipation discussion sur les
questions qu’elles soulèvent. Je ne pense pas qu’il entre dans les intentions
de l’honorable préopinant et de la chambre de changer les précédents. Dans une
infinité de cas, quand des amendements ou des articles additionnels étaient
proposés, on se bornait au renvoi à la section centrale et la discussion
générale continuait. On a fait plus, on n’a pas hésité
à renvoyer à la section centrale des amendements présentés tardivement pendant
la discussion des articles.
M. de Brouckere. - Sans vouloir examiner en ce moment jusqu’à
quel point la proposition de M. le ministre est bonne, je dois déclarer que je
regrette que cette proposition ait été faite à la chambre, par forme
d’amendement. Nous étions saisis d’un projet de loi qui n’avait pour objet que
de modifier la loi communale en ce qui concerne le mode de nomination des
bourgmestres et rien autre chose. Maintenant on présente à la chambre par
amendement une disposition qui a pour objet de modifier la loi communale en ce
qui concerne les attributions de l’autorité communale. Remarquez que c’est à
dessein que je me sers de l’expression : l’autorité communale.
Je dis que
cette proposition n’a rien de commun avec celle contenue dans le projet de loi
primitif.
M. le
ministre répond à cela : c’est une erreur, car le projet primitif contient des
modifications relativement à la position du bourgmestre, et l’amendement que je
présente concerne aussi la position du bourgmestre.
Eh bien,
moi je dis que c’est le raisonnement de M. le ministre qui est erroné. Le
projet principal n’avait pas d’autre objet que le mode de nomination du
bourgmestre. Ici il s’agit non pas de changer les attributions du bourgmestre,
mais de changer les attributions de l’autorité communale et des échevins en
particulier.
En d’autres
termes la question soulevée par M. le ministre de l’intérieur est une question
de principe qui modifie la loi communale dans son esprit.
Il résulte,
messieurs, de la loi communale, que le pouvoir exécutif dans la commune
appartient au collège échevinal ou comme on dit au collège des bourgmestre et échevins. Eh bien, si l’amendement de M. le
ministre est mis en discussion, on met en discussion le point de savoir si le
pouvoir exécutif dans la commune sera ou non scindé, si une partie de ce pouvoir
sera conservée au collège échevinal et une partie donnée exclusivement au
bourgmestre.
L’amendement
ou plutôt la proposition de M. le Ministre ne tend, il est vrai, à donner au
bourgmestre des attributions spéciales qu’en ce qui concerne la police.
Mais je
demanderai qui pourra empêcher un membre d’étendre la proposition ? Personne.
Vous voyez
que de votre propre aveu la loi communale entière est mise en question, et en
cela vous êtes dans votre droit. Vous pouvez modifier toute la loi communale,
soit ; mais ne le faites pas par voie d’amendement.
Nous avons
déjà une discussion très difficile, très pénible, en ce qui concerne la
nomination des bourgmestres. Vous avez pu le voir par la discussion de ces
trois jours, et vous venez, par un amendement qui au premier abord paraît de
peu d’importance, modifier la loi communale dans son principe ; vous allez
tellement compliquer la discussion, que je prévois difficilement comment nous
pourrons en sortir.
Si j’avais
un conseil à donner à M. le ministre, ce serait de retirer son amendement,
parce que, je le répète, cet amendement est tellement important, et nous
entraînera dans des discussions si difficiles, si ardues, que le projet
primitif ne paraîtra plus qu’un accessoire. Je dis que le projet primitif ne
paraîtra plus qu’un accessoire à l’amendement, parce que sur cet amendement
viendront se greffer une foule de propositions nouvelles. Cela est un fait
incontestable, parce que du moment où vous touchez à une question de principe,
vous faites un appel à toutes les opinions.
Tout le
monde sait que nous avons discuté la loi communale pendant plusieurs jours et
que les discussions ont été difficiles, ardues ; eh bien, nous allons avoir une
discussion tout aussi importante que celles de 1834 et de 1835, si M. le ministre
persiste à maintenir son amendement.
Je le
répète donc. Je désire ardemment que M. le ministre ne persiste pas dans la
proposition qu’il a faite. S’il ne la retire pus maintenant, quand il sera
appelé à la section centrale, à laquelle on propose de renvoyer cette
proposition, j’espère qu’on lui donnera le même conseil
que je lui donne aujourd’hui.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je ne pense pas qu’on puisse
limiter ainsi une discussion. Je suppose que je n’aie pas fait d’amendement,
pensez-vous qu’on aurait proposé une fin de non-recevoir à l’un ou l’autre
membre de cette chambre qui aurait jugé à propos de présenter les amendements
que j’ai proposés ? Evidemment non ! Il est incontestable que du moment qu’on
soumettait à la chambre la question de la nomination de bourgmestre, on ouvrait
une discussion dans laquelle devaient trouver place toutes les propositions
connexes avec cette question. Limiter la discussion, dire à chacun des
orateurs : Vous vous tiendrez à la question de la nomination des
bourgmestres, vous n’irez-pas au-delà, c’est faire une tentative vaine,
absolument vaine.
Ainsi,
messieurs, je n’aurais rien empêché en ne faisant pas ma proposition et je
n’empêcherai rien encore en la retirant, parce que le champ reste libre et que
chacun présentera les amendements qu’il jugera convenables, sur toutes les
questions connexes avec celle de la nomination des bourgmestres.
Je répète
donc que je regrette de ne pouvoir suivre le conseil que me donne M. de
Brouckere.
Je ne crois
pas avoir compliqué la question, l’avoir agrandie. Elle se complique, elle
s’agrandit d’elle-même, car il est impossible de la discuter sans y comprendre toutes les questions connexes à la
nomination des bourgmestres.
M. de Brouckere. - Je prétends qu’il n’existe aucune connexité
entre le projet primitif de M. le ministre et l’amendement qu’il vient de
présenter, et cependant, messieurs, je n’ai pas opposé la question préalable,
je déclare même que je n’en ai pas eu la pensée ; si elle m’était venue, savez
vous comment j’aurais étayé ma proposition ? J’aurais dit : dans une discussion
récente, dans la discussion des indemnités, on a voulu rattacher à cette
discussion celle des indemnités réclamées par la ville de Bruxelles, M. le
ministre a répondu à ceux qui faisaient cette proposition c’est une matière
nouvelle qui n’a pas de connexité avec le projet présenté, je demande la
question préalable ; et la chambre a adopté la question préalable ; et la
chambre, selon moi, a bien fait. Cependant vous savez que je serai un des plus
zélés défenseurs du projet de loi concernant la ville de Bruxelles.
Je dis que
la chambre a bien fait, parce qu’on doit toujours éviter de compliquer les
discussions et d’y introduire incidentellement des
questions nouvelles et surtout des questions de principe.
Mais, dit
M. le ministre, à quoi avancerais-je les choses si je retirais ma proposition ;
chacun sera toujours libre de la représenter. Comme je ne serais pas arrêté
alors par les égards qu’on doit avoir pour les propositions du gouvernement, je
déclare que si un membre de la chambre qui n’est pas un organe du gouvernement
venait présenter une proposition de principe, quelle qu’elle soit, je
demanderais la question préalable. Je crois même que l’initiative ne
n’appartiendrait pas, car je serais devancé par beaucoup de membres qui
penseraient qu’il y a lieu de la demander.
Mais que M.
le ministre daigne en faire l’essai, qu’il retire son amendement, je doute fort
que quelque membre de la chambre essaye de le représenter. Ce que je n’hésite
pas à dire, c’est que si tout autre que le ministre l’eût proposé, il n’aurait
eu aucune chance de succès et qu’une grande majorité eût déclaré que, la
proposition fût-elle bonne en elle-même, ce n’était pas le moment de la
discuter.
Je ne puis
assez le répéter, l’amendement de M. le ministre remet en question la loi
communale entière, il dépendra de chacun de nous, non pas de présenter un
sous-amendement à l’amendement du ministre, mais de proposer un amendement sur
quelque disposition que ce soit de la loi communale, en disant : Vous êtes
saisis d’un projet de loi modifiant des dispositions de la loi communale ; les
articles auxquels je vous propose des amendements leur sont connexes ; et voilà
la loi communale entière mise en question, pouvant être bouleversée de fond en
comble, par des amendement accidentels, sans que la chambre en soit prévenue,
par un projet de loi, qui, je dois le dire, n’a pas, selon moi, une très haute
importance, car je ne partage pas l’opinion de mes collègues et amis sur
l’importance et la haute portée qu’ils attachent au projet primitif. Mais il
n’en est pas de même de l’amendement qui contient une question de principe qui
scinde les attributions du collège échevinal. Cette question
à laquelle s’en attachent une foule d’autres, est d’une haute importance et
d’une portée immense.
M. Orts. - Ce que vient de dire mon honorable ami, M.
de Brouckere, est tellement vrai, que si la proposition de M. le ministre
présentée sous forme d’amendement en tant qu’elle concerne le § 4 placé sous
les attributions du collage des bourgmestre et échevins devait passer, je
demanderai s’il n’y aurait pas lieu d’examiner et peut-être de modifier toutes
les autres dispositions de l’article 90, car il ne suffit pas de vouloir
soustraire au collège échevinal tout entier l’exécution des lois et règlements
de police. Mais je pose une autre question. L’art. 90 contient autre chose que
ce qui peut concerner le pouvoir exécutif. Il charge le collège des bourgmestre et échevins de l’administration des intérêts
communaux et c’est précisément parce que le premier projet du ministre, qui
n’est relatif qu’au mode de nomination du bourgmestre, est incompatible avec
les diverses dispositions de l’art. 90 qui détermine
les attributions du bourgmestre et de ses échevins, que je pense qu’il est
impossible de considérer comme un simple amendement une proposition qui n’est
relative qu’à un seul des 12 numéros de l’art. 90, lesquels constituent autant
d’attributions distinctes.
J’aurais
une autre proposition à faire, mais je me garderai de la faire par amendement,
parce que je partage l’opinion de l’honorable M. de Brouckere. Voici quelle
serait cette proposition. Puisque votre projet de loi ne tend qu’à assurer
l’exécution des lois et l’exécution des règlements de l’autorité provinciale et
communale, bornez-vous à donner ces attributions aux bourgmestres ; faites-en
un agent comme celui qu’on appelait autrefois l’amman à Bruxelles et dans
d’autres localités, l’officier du Roi ; mais ne faites pas participer cet
étranger à la commune, ce simple commissaire royal aux actes d’administration
de la commune.
Je le
répète, je ne puis considérer la nouvelle proposition du ministre comme un
amendement, d’autant plus que dans l’exposé des motifs on déclare qu’on ne
devait toucher qu’à la nomination des bourgmestres, et maintenant on veut
toucher aux attributions. Je crois que le conseil que M.
de Brouckere a donné au ministre de retirer sa proposition est très sage.
M. de Mérode. - Jusqu’à présent vous n’avez pas circonscrit
la discussion comme on voudrait le faire en cette occasion. Lorsqu’il s’est agi
de lois quelconques on a toujours traité toutes les questions qui s’y
rattachaient ; or, ici il est évident que les attributions et la nomination du
bourgmestre se rattachent directement l’une à l’autre.
On a
rappelé que vous n’avez pas voulu comprendre l’affaire de Bruxelles dans la loi
des indemnités, mais il n’y avait aucune connexité ; cette loi a été discutée
en comité secret, la convention relative à la ville de Bruxelles sera discutée
en séance publique, il n’y a aucune raison pour qu’il n’en soit pas ainsi ; la
comparaison que l’on a faite ne repose sur rien. Je ne vois pas pourquoi on ne
discuterait pas à propos de la loi qui nous est soumise
toutes les questions qui s’y rattachent, pourquoi l’on circonscrirait la
discussion comme on ne l’a jamais fait.
M. Doignon. - Je pense que la proposition du ministre est réellement un nouveau
système. Aujourd’hui, comment la question de la nomination du bourgmestre se
présente-t-elle ? Nous devons examiner cette question, en considérant les
attributions telles que la loi communale les a réglées et c’est là notre point
de départ. Mais maintenant M. le ministre a un tout autre système ; il touche
en outre aux attributions mêmes du bourgmestre, attributions qui se lient à
celles du conseil et du collège échevinal. C’est là tout à fait un nouveau
système, puisque la question de nomination doit être à présent envisagée sous
un autre point de vue, par suite des modifications qu’on veut même apporter aux
attributions et nous ne voyons même pas en ce moment, jusqu’où pourraient
s’étendre ces modifications, car on annonce encore d’autres propositions.
Quant à
moi, je pense qu’on ne peut procéder comme on prétend le faire. Dans toutes les
discussions antérieures, on a traité d’un seul jet les questions de nomination
et d’attributions. Aujourd’hui on veut scinder ces questions tout à fait
connexes ; on veut changer d’abord le mode de nomination et ensuite les
attributions ; ce qui n’est pas possible : puisque ces questions doivent
nécessairement être examinées et discutées ensemble, je propose que la
discussion actuelle cesse jusqu’à ce que les sections ou la section centrale
ait examiné la proposition du gouvernement et fait son rapport.
Hier, M. le
ministre a proposé encore un autre changement, mais, que dis-je, bien moins un
changement qu’un nouveau projet de loi. L’art. 56 règle ce qui concerne la
révocation des bourgmestres, et l’on nous propose à peu près l’abrogation de
cet article. Voilà donc encore un nouveau projet de loi. Mais évidemment tout
cela doit se lier ; sans cela nous ferons une véritable bigarrure. Je demande
que la discussion soit suspendue jusqu’à l’examen de
toutes les dispositions additionnelles présentées par M. le ministre de
l’intérieur,
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - La chambre voudra bien se
rappeler de quelle manière on a procédé pour arriver à un résultat dans la
longue discussion sur la loi communale. Dans la 3ème session, en 1836,
lorsqu’on s’est occupé de cette loi, pour en finir, on a pensé qu’avant de
statuer sur les questions de nomination, il fallait s’occuper des attributions,
et l’on a posé à la chambre la question générale de savoir quelles seront les
attributions des bourgmestres et des échevins : Le bourgmestre aura-t-il seul
le pouvoir exécutif ? ou bien l’exercera-t-il
concurremment avec les échevins ? On a répondu affirmativement dans le dernier
sens. C’est alors qu’on a abordé les deux questions spéciales de la nomination
du bourgmestre et de la nomination des échevins. C’est ainsi qu’on a procédé.
Ceci démontre que la question d’attributions domine la question de nomination.
Poser la question de nomination, c’est poser la question d’attributions. Vous
ne pouvez faire autrement. (Mouvement
dans une partie de la chambre.)
Je suis
étonné du mouvement que cela cause, d’autant plus que ce mouvement vient de la
part de membres qui ne voient aucun rapport entre la question de nomination et
la question d’attributions. Je vous rappelle les précédents, je vous démontre
que quand on s’est occupe de la question de nomination, on a été invinciblement
amené à examiner la question d’attributions. Ainsi ce que je fais n’est ni
insolite ni illogique. On l’aurait fait par le cours naturel des choses. Vous
n’auriez empêché personne de présenter des amendements. Aucune fin de
non-recevoir n’y eût été opposée, la question préalable n’eût pas été
admissible. Il sera libre à tous les membres de la chambre d’user du droit de
présenter des amendements et de proposer l’un ou l’autre changement relatif aux
attributions. Ainsi la question de nomination a soulevé en même temps les
différentes questions d’attributions, cela est inévitable.
Il n’y a
aucune raison de suspendre la discussion, car après que vous l’aurez suspendue,
après que la section centrale aura fait son rapport, rien n’empêchera qu’un
membre ne fasse une nouvelle proposition. Ainsi vous auriez une nouvelle
suspension, un nouvel ajournement, ce serait vous engager dans une voie où vous
n’arriveriez à aucun résultat. J’insiste pour que la chambre se conforme à ses
précédents, pour qu’elle continue la discussion générale, tout en renvoyant à
la section centrale les amendements qui ont été présentés et tous ceux qui pourront l’être.
M. Fleussu. - J’avoue franchement que je ne puis pénétrer
le motif qui empêche M. le ministre de consentir à ce que les dispositions
qu’il a présentées et qu’il considère connue des amendements, soient renvoyées
à l’examen des sections. Pour moi, je ne conçois pas comment vous ne renverriez
pas aux sections un objet de cette importance qui se présente pour la première
fois à l’attention de la chambre ; car dans toutes les discussions antérieures
cet objet, ne s’est pas fait jour. Il y a eu beaucoup de combinaisons ;
celle-ci n’a été discutée ni dans les sections, ni en séance publique, c’est un
point nouveau ; c’est une idée que M. le ministre de l’intérieur a pu mûrir
très longtemps, mais dont nous sommes saisis pour la première fois.
M. le
ministre dit que c’est une modification à sa proposition première ; mais non,
c’est une autre proposition. S’il avait posé cette question de principe :
« Modifiera-t-on la position du bourgmestre ? » et si elle avait été
résolue affirmativement, je comprendrais que par suite il proposât un
amendement tendant à changer les attributions. Mais il n’en est pas ainsi, il
n’a proposé une modification sur un seul point, sur la nomination par le Roi en
dehors du conseil. Voilà la seule proposition dont vous ayez été saisi, dont
les sections aient été saisies, et sur laquelle la section centrale ait fait
son rapport.
Je
conviens, messieurs, qu’il y a une grande corrélation entre la nomination du
bourgmestre et les attributions. Mais c’est précisément parce que, comme vient
de le dire M. le ministre de l'intérieur, la question des attributions domine
nécessairement celle de la nomination, que vous devez attacher à la première la
plus grande importance. Or, c’est sur les attributions que portent maintenant
les nouvelles propositions de M. le ministre ; par conséquent, il ne s’agit pas
d’une modification de son premier projet, mais d’un projet tout nouveau.
Car
qu’est-ce qu’une modification ? C’est ce qui modifie une proposition ; c’est ce
qui, tout en modifiant une proposition, s’y rattache entièrement. Eh bien, ici,
il ne s’agit plus d’une modification relative à la nomination des bourgmestres,
il s’agit d’une modification relative aux attributions. Or, il me semble que,
comme vient de le dire M. le ministre de l'intérieur, la question des
attributions domine tout.
M. le
ministre de l'intérieur a mauvaise grâce de ne pas vouloir que les sections
examinent la question avec toute l’attention qu’elle comporte. Vous avez
discuté pendant trois ans la loi communale ; pendant trois sessions vous vous
en êtes occupés. Maintenant se présente une question sous un point de vue tout
nouveau, et M. le ministre ne vent pas du renvoi en section. Ne croiriez-vous
pas qu’on craint d’attirer l’attention de la chambre sur cette question ?
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - La chambre tout entière est ici.
M. Fleussu. - La chambre tout entière est ici, c’est vrai
; mais on peut en dire autant pour toutes les propositions. Dès lors, vous
n’avez qu’à prétendre qu’on doit supprimer le travail des sections et que la
chambre peut en séance publique se former une opinion sur un projet quelconque.
Messieurs,
il est évident que la question n’est plus la même, que le cercle de la
discussion est considérablement élargi. Nous n’avons pas été préparés à la discussion
qu’on veut nous faire continuer, et l’honorable M. Doignon a eu parfaitement
raison de demander, non seulement le renvoi aux sections, mais aussi la
suspension de la discussion sur la première proposition, parce que, comme vient
de le dire M. le ministre de l’intérieur, il y a une corrélation nécessaire
entre ces deux propositions.
Messieurs,
on vous a dit que lorsqu’on avait discuté la loi communale, on avait bien
discuté la question d’attributions avant la question de nomination. Mais je
vous ferai observer que vous discutiez alors une loi d’ensemble, une loi qui
avait été examinée dans son entier par toutes les sections ; tandis que
maintenant vous discutez des propositions qui ont pour objet de détruire cet
ensemble. Or, chaque proposition qui détruit l’ensemble d’une loi forme l’objet
d’un projet spécial ; ce sont donc toutes lois spéciales que vous faites et que
vous incorporez à la loi communale, et par conséquent, il faut que chaque
proposition soit soumise à l’examen des sections et par suite à celui de la
section centrale.
Mais, dit
l’honorable M. de Mérode, on n’a jamais circonscrit ainsi la discussion, et
c’est pour la première fois qu’on veut renvoyer des amendements aux sections
particulières. L’honorable M. de Brouckere vous avait cité un exemple qui me
semblait frappant de vérité ; c’est l’exemple de ce qui est arrivé lorsqu’on a
discuté la loi des indemnités. Quelques honorables députés avaient demandé
qu’on joignît à cette discussion celle du projet de loi relatif à la convention
avec la ville de Bruxelles. D’autres, messieurs, avaient été beaucoup plus loin
et j’étais de ce nombre. Nous avions demandé qu’on rattachât à la loi des
indemnités toutes les pertes qui avaient été subies par les localités
quelconques par suite de la révolution ; nous disions que le moment était venu
d’en agir ainsi, puisqu’on discutait une loi qui avait pour but de réparer les
pertes causées par la révolution.
Eh bien que
nous a-t-on répondu ? On nous a dit que c’étaient là des projets de lois
spéciaux, qui devaient être examinés séparément. Et cependant la cause était
bien la même, car ce que vous avez nommé la convention avec la ville de
Bruxelles, n’est qu’un projet d’indemnités déguisées. Ce que nous demandions,
c’était d’indemniser les localités des pertes que leur avaient fait subir les
pillages. La cause de tout cela venait toujours des événements de la
révolution, de même que l’inondation des poldres, que de l’incendie de
l’entrepôt d’Anvers. On pouvait rattacher toutes ces affaires, en faire un ensemble
; vous ne l’avez pas voulu. Et maintenant qu’il s’agit d’une loi des plus
importantes, d’une loi qui peut compromettre toutes nos libertés communales, on
veut que nous la discutions immédiatement, alors qu’on la présente sous un jour
tout nouveau, et que la chambre n’est pas préparée.
J’appuie le renvoi aux sections proposé M Doignon.
M. de Brouckere. - Messieurs, M. le ministre de l’intérieur
vous a rappelé ce qui s’était passé lors de la discussion de la loi communale ;
il vous a dit qu’alors on avait très bien senti que la partie la plus
importante de la loi était celle qui concernait les attributions, et que par
suite, on avait commencé par traiter la question d’attributions avant celle du
mode de nomination des autorités communales. Dans le moment où le ministre
prononçait ces paroles, un mouvement s’est manifesté dans toute la chambre et
M. le ministre en a témoigné son étonnement. Eh bien ! je
lui dirai la cause de ce mouvement. C’est que par suite de cette déclaration,
il donnait gain de cause à ses contradicteurs ; c’est qu’il prouvait que nous
avions raison de dire, parlant avant lui, que l’amendement qu’il présentait
était si peu un amendement, que son objet était plus important que le projet
primitif.
Mais si M. le
ministre convient lui-même que la question des attributions est plus importante
que celle du mode de nomination, pourquoi n’a-t-il pas suivi la marche
rationnelle et logique qu’il vient d’indiquer ? Pourquoi n’a-t-il pas présenté
le projet relatif aux attributions avant celui relatif au mode de nomination ?
Cela eût été rationnel et logique, tandis que la marche qu’il suit est, quoi
qu’il en dise, irrationnelle, illogique.
Mais
voulez-vous une nouvelle preuve, preuve que je vous ferai voir sous un double
rapport, que l’amendement de M. le ministre ne se rattache pas au projet en
discussion et qu’il est plus important que le projet lui-même ? Eh bien ! veuillez écouter ceci.
Le projet
primitif tend à moduler le mode de nomination des bourgmestres, mais seulement
pour quelques cas exceptionnels. Règle générale, la loi communale s’exécutera
comme elle s’est toujours exécutée ; et seulement dans quelques cas bien rares,
tout à fait exceptionnelles, on fera usage du projet de loi qu’on vous propose
aujourd’hui.
Eh bien ! messieurs, l’amendement de M. le ministre tend à modifier la
loi communale, non pas pour certains cas bien rares et tout à fait
exceptionnels, mais pour tous les cas et pour toujours. C’est-à-dire que si
vous adoptiez l’amendement de M. le ministre, à tout jamais les échevins
seraient privés du droit qu’ils ont aujourd’hui de traiter les affaires de
police comme toutes les autres affaires de la commune.
Vous voyez
donc, messieurs, que cette proposition ne se rattache pas au projet primitif ;
mais vous voyez surtout par l’argument que je viens de faire valoir, qu’elle
est bien plus importante que le projet primitif. Je vous déclare, quant à moi,
que je la regarde comme telle.
Mais si on
persiste à vouloir mettre en discussion l’amendement de M. le ministre, je vous
déclare, moi, que je présenterai aussi un amendement à la loi communale. Car M.
le ministre le sait fort bien, il y a plusieurs dispositions de la loi
communale que je ne trouve pas satisfaisantes, et que je voudrais voir
modifier, et entre autres je vais en citer une tout de suite, c’est la
disposition concernant les secrétaires des commines.
Les
secrétaires communaux sont, d’après la loi, entièrement indépendants de
l’autorité supérieure, indépendants de l’autorité provinciale, indépendant de
l’autorité centrale. Eh bien ! cela est contraire à ma
manière de voir, et si l’amendement de M. le ministre est soumis à vos
délibérations, si par conséquent la loi communale tout entière est mise en
discussion, je présenterai un amendement qui tendra à modifier la position des
secrétaires communaux. Et je ne dis pas que je n’en présenterai pas d’autres.
J’ai cité celui-ci parce que, à mes yeux, il remédiera à un des vices
principaux de la loi communale.
Messieurs, permettez-moi de vous le dire : le projet en discussion,
projet que je suis, moi, disposé à accepter, a malheureusement fait naître dans
la chambre une assez grande irritation. On a pu le voir par les premières
discussions et on le verra encore par celles qui suivront. J’aurais voulu que le
gouvernement, cherchât à atténuer cette irritation, à la diminuer autant que
cela était en son pouvoir. Eh bien ! l’amendement
présenté est un véritable moyen homéopathique (on rit) ; c’est-à-dire qu’au lieu de faire cesser l’irritation, on
va l’augmenter. Mais je crains fort que ce moyen ne
conduise pas à bien.
M.
Dechamps.
- Messieurs, je concevrais parfaitement l’argumentation des honorables membres,
si effectivement il n’y avait pas une connexité intime entre l’amendement
proposé par le gouvernement et le projet primitif relatif à la nomination des
bourgmestres. Mais, messieurs, cette connexité est tellement intime, que de la
décision que nous prendrons sur l’amendement de M. le ministre peut dépendre le
vote que beaucoup de membres émettront sur l’ensemble de la loi. Je ne veux
pour preuve de ce que j’avance que ce que l’honorable M. Orts vous a dit tout à
l’heure.
Le système
de l’honorable M. Orts, le système qu’il croirait préférable, et dans l’intérêt
du gouvernement, et dans l’intérêt de la commune, ce serait que le bourgmestre
fût nommé directement par le Roi en dehors du conseil communal, mais à la
condition de lui attribuer exclusivement l’exécution des lois d’intérêt général.
Ainsi, dans la pensée de l’honorable M. Orts, pour que la chambre adopte le
système le plus utile, le plus rationnel, selon lui, il faut qu’elle commence
par toucher aux attributions. Or, d’après le système qu’il défend et qui
consiste à dire qu’on ne peut toucher à aucune autre disposition de la loi
communale, qu’à la question pure et simple de la nomination des bourgmestres,
le mode de nomination qu’il croit préférable serait impossible.
Messieurs,
il est un autre système de nomination : c’est celui qui consiste à faire nommer
le bourgmestre par le roi en dehors du conseil, mais à la condition que les
échevins soient choisis par le conseil ou par les électeurs : c’est le second
système qui probablement sera discuté dans la controverse qui nous occupe.
Eh bien,
d’après l’honorable M. de Brouckere qui soutient, lui, que l’on peut
raisonnablement demander la question préalable sur toute proposition, sur tout
système qui ne consiste pas purement et simplement à parler de la nomination
des bourgmestres, il serait défendu de toucher à la question de la nomination
des échevins. Voilà un second système de nomination des bourgmestres qui
devient dès lors impossible. -
M. de Brouckere. - Je n’ai pas dit un mot de cela.
M.
Dechamps.
- Je dis que si vous soutenez que la question préalable peut être présentée sur
tout ce qui n’est pas la question pure et simple de la nomination des
bourgmestres, vous ne pouvez pas davantage toucher à la question de la nomination
des échevins.
M. de Brouckere. -
C’est vous qui dites cela ; ce n’est pas moi.
M.
Dechamps.
- Je vais plus loin, messieurs, il est un troisième système qui consiste à
faire nommer le bourgmestre au dehors du conseil, mais à la condition que le
bourgmestre ne soit pas éligible ; eh bien, comme la question de l’éligibilité
n’est pas la question du mode de nomination, il sera donc défendu de traiter la
question de l’éligibilité ! C’est-à-dire, encore une fois que les différents
systèmes de nomination que divers membres pourraient proposer, devraient être
écartés par la question préalable. Eh bien alors la discussion devient complètement
impossible. Mais par exemple, je voudrais tel ou tel mode de nomination du
bourgmestre, mais à la condition de toucher à ce qui concerne les échevins, à
la condition peut-être de toucher aux attributions, à la condition peut-être de
toucher à l’éligibilité. Eh bien, je ne pourrais pas proposer le système que je
croirais le meilleur.
Mais,
messieurs, il faut au moins laisser la discussion libre, il faut laisser les
votes complètement libres, et pour que les votes soient complètement libres, il
ne faut pas que l’on puisse écarter par la question préalable telle ou telle
proposition, qui, sans se rattacher d’une manière directe à la question du mode
de nomination, serait connexe à cette question.
Ainsi,
messieurs, je pense qu’il y a connexité intime entre les propositions faites
aujourd’hui par M. le ministre et la proposition primitive, et que dès lors ces
propositions sont bien réellement des amendements, mais non pas des
propositions spéciales. Si nous en étions arrivés à la discussion de l’art.
1er, si nous en étions au point d’émettre un vote sur cet article, je
comprendrais qu’on proposât de suspendre le vote jusqu’au moment où la section
centrale aurait présenté son rapport ; mais nous en sommes seulement à la
discussion générale, et je ne vois aucun obstacle à ce que cette discussion
continue. Elle embrassera tous les systèmes, chacun parlera des inconvénients
de la loi actuelle, des avantages de tel ou tel
système que l’on pourrait proposer, mais le vote n’aura lieu qu’après le
rapport de la section centrale.
M. de Muelenaere. - Messieurs, un honorable député
de Bruxelles a dit tout à l’heure que d’après lui la dernière proposition de M.
le ministre de l’intérieur ne se rattache pas au projet primitif. Je ne saurais
partager cette opinion : la proposition de M. le ministre peut avoir une haute
importance mais il n’en est pas moins vrai que cette proposition constitue un
véritable amendement au projet de loi dont nous sommes saisis. Il y a connexité
intime, connexité nécessaire entre le mode de nomination des bourgmestres et
les attributions des bourgmestres. Cela est tellement vrai que pendant toute la
discussion cette connexité a été invoquée par tous les orateurs qui ont pris la
parole. L’honorable M. Orts a fait observer tout à l’heure que lui-même,
quoiqu’il soit opposé au projet de loi, consentirait à la nomination du
bourgmestre en dehors du conseil si les attributions du bourgmestre étaient
modifiées dans le sens qu’il a indiqué.
Je ferai
remarquer encore, messieurs, que vous avez sous les yeux les rapports des
gouverneurs des provinces qui demandent que le mode de nomination des
bourgmestres soit modifié ; et quel est le motif qu’ils allèguent ? C’est que
le bourgmestre, en raison du mode actuel de nomination est placé vis-à-vis des
électeurs de la commune dans une fausse position, lorsqu’il est chargé de
l’exécution des lois générales et surtout de l’exécution des lois et règlements
de police. Voilà ce qu’ont indiqué tous les gouverneurs. Il y a donc une
corrélation évidente, nécessaire entre le mode de nomination et les
attributions. Dès lors, si vous changez le mode de nomination, vous serez
amenés par la force des choses à changer quelque peu les attributions, et par
conséquent tout ce qui est relatif aux attributions doit être considéré comme
amendement au projet qui nous est présenté.
Maintenant,
messieurs, que la proposition de M. le ministre soit renvoyée à la section
centrale, qu’elle soit même renvoyée aux sections, c’est à M. le ministre de se
prononcer à cet égard. Je crois que la proposition a une certaine importance,
mais il n’en est pas moins vrai qu’on ne peut pas la séparer du projet de loi
primitif. Il faut nécessairement réunir ce qui est relatif au mode de
nomination et ce qui concerne les attributions.
M. Orts. - Je désire, messieurs, que l’on ne donne pas
à ce que j’ai dit une portée autre que celle que j’y ai donnée moi-même. J’ai
dit que si vous voulez placer auprès des administrations communales un agent du
gouvernement, chargé de surveiller l’exécution des lois et des arrêtés du
pouvoir central, des règlements provinciaux et des règlements communaux, sans
donner à cet agent que j’ai comparé aux anciens amman de Bruxelles, et auquel
vous donneriez soit le nom de bourgmestre soit tout autre nom, sans lui donner
aucune participation à l’administration purement communale, soit sous le
rapport de la disposition, soit sous le rapport de l’administration, j’ai dit
que si vous vouliez, dans l’intérêt du pouvoir central, placer un semblable
fonctionnaire auprès des administrations communales, je n’y verrais aucun
inconvénient. J’ai eu bien soin de dire, je le répète, que ce fonctionnaire ne
devrait prendre aucune part à l’administration purement communale, qu’il ne
devrait pas intervenir dans les affaires qui concernent exclusivement la
commune, et que j’appellerai des affaires de famille.
Voilà,
messieurs, dans quel sens je me suis expliqué, et je ne pense pas que ce
système puisse jamais être accepté par le ministère actuel.
Dans le
discours que je me proposais de prononcer aujourd’hui sur l’ensemble de la loi,
mon but était de faire voir que la loi proposée relativement à la nomination
des bourgmestres serait inexécutable, à moins que l’on apportât des changements
aux attributions, que cette loi est incompatible avec les attributions telles
qu’elles ont été réglées par la loi du 30 mars 1836.
Maintenant,
messieurs, que propose-t-on ? on propose sous forme
d’amendement à un projet qui ne concerne que le mode de nomination, on propose
une modification qui a trait à une des attributions des bourgmestres ; et que
veut-on faire ? On veut priver les échevins de leur participation à certains
actes qui appartenaient jusqu’ici au collège des bourgmestre
et échevins ; on veut donc aussi toucher aux attributions de ces derniers.
Est-ce là l’exécution des promesses solennelles formulées dans l’exposé des
motifs en ces termes :
« Dans cet
état de choses, nous avons pensé, pour ne pas remanier tout le système, qu’il
suffirait d’admettre la possibilité d’une exception à la règle absolue posée
dans l’art. 2 de la loi organique. »
Voilà,
messieurs, tout ce que l’on demandait. Cependant aujourd’hui l’on propose des
modifications d’une totale autre nature, on fait une proposition qui pourra
être suivie d’autant de propositions nouvelles qu’il y a d’attributions
diverses, confiées au collège des bourgmestre et
échevins ; l’on en viendra ainsi à changer complètement la loi communale, à
soustraire aux échevins leurs attributions les plus importantes. Je crois,
messieurs, que c’est là une proposition trop sérieuse pour qu’on en fasse pas
un projet de loi spécial, comme M. le ministre l’a fait lui-même pour les projets relatifs aux finances des communes.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je dois bien regretter,
messieurs, de ne pas avoir attendu pour présenter mes articles additionnels que
l’honorable préopinant eût pris la parole. Il vient de dire qu’il aurait
discuté la question des attributions en même temps que la question du mode de
nomination, qu’il vous aurait démontré que la loi, telle qu’elle était
proposée, aurait été inexécutable à moins que l’on ne voulût toucher aux
attributions. (Interruption.) Je vous
avoue, messieurs, que si j’avais laissé parler l’honorable membre, il m’aurait
singulièrement préparé les voies et qu’il nous aurait probablement épargné
cette discussion. Je regrette donc qu’il n’ait pas pris la parole avant moi.
Je n’ai
jamais nié l’importance de la question des attributions, j’ai reconnu, au moment
même où je faisais la proposition, que la question des attributions était
importante ; mais ce que j’ai nié, c’est qu’il n’y eut pas connexité entre les
deux questions, celle de la nomination et celle des attributions ; cette
connexité est tellement intime qu’il est impossible d’examiner la question de
la nomination sans examiner en même temps la question des attributions. Voilà
ce que j’ai soutenu, et ce que je continuerai à soutenir. J’ai rappelé les
précédents de la chambre ; j’ai rappelé qu’en 1836 il a été impossible
d’arriver à la solution de la question de nomination sans examiner la question
des attributions.
On dit,
messieurs, que j’ai ouvert la voie aux amendements. Je suis le premier qui ai proposé des amendements mais je n’ai pas pour cela ouvert
la voie ; la voie est ouverte par la constitution et par le règlement qui vous
accordent le droit d’amender les propositions faites. La voie était donc
ouverte sans moi. Si je n’avais pas proposé ces articles additionnels ou si je
les retirais, la voie n’en resterait pas moins ouverte après le retrait comme
elle l’était avant la présentation.
J’insiste
donc, messieurs, pour le renvoi à la section centrale ; je dis à la section
centrale, parce qu’il n’y a rien d’imprévu dans les propositions, parce que
quiconque a examiné le projet, devait s’attendre à cc que la question des
attributions fût soulevée, cela était inévitable. Il n’y a donc rien d’imprévu
dans ma proposition, et c’est pour cela que je demande simplement le renvoi à
la section centrale.
Ainsi,
messieurs, il y a connexité entre les deux questions, et dès lors il est
impossible de faire pour chacune de ces questions un projet spécial ; il n’y
rien d’imprévu, d’inattendu dans la proposition, et dès lors je suis fondé à
demander que l’on se borne au renvoi à la section centrale,
la discussion générale et publique continuant.
M. Verhaegen. - Messieurs, il est toujours très facile
de trouver de la contradiction dans les paroles d’un orateur, puisqu’on est
toujours maître de supposer la question sur un terrain où cet orateur ne s’est
pas placé. C’est ce qui est arrivé à M. le ministre de l’intérieur en parlant
du discours que l’honorable M. Orts annonçait vouloir prononcer. -
L’honorable
M. Orts se proposait de démontrer que la loi telle qu’elle est conçue, est
inexécutable, et pour arriver à ce résultat, il nous aurait parlé des
attributions auxquelles vous auriez dû toucher et auxquelles vous n’auriez pas
touché, et M. Orts aurait conclu que la loi, telle que vous l’avez proposée,
était inacceptable.
Quelle
contradiction trouvez-vous dans ces paroles ? N’êtes-vous pas plutôt venu
confirmer l’opinion que l’honorable M. Orts se proposait de développer puisque
vous faites aujourd’hui ce que vous auriez dû faire tout d’abord ; j’ai tout
lieu de croire que vous n’aviez pas examiné l’affaire à fond. Votre premier
travail était donc incomplet, et la chambre dès lors ne pouvait pas l’accepter.
M. le
ministre nous dit que nous devions nous attendre à cette nouvelle disposition.
Il n’en est
rien, messieurs, et la preuve que la chambre n’était appelée qu’à examiner la question
de la nomination des bourgmestres, je la trouve dans l’exposé des motifs du
projet de loi, où je lis ce qui suit :
« Dans cet
état de choses, nous avons pensé, pour ne pas remanier tout le système, qu’il
suffisait d’admettre la possibilité d’une exception à la règle absolue posée
dans l’article 2 de la loi organique. »
Messieurs,
d’après le système qu’on présente aujourd’hui, ce n’est plus un seul point sur
lequel M. le ministre veut fixer l’attention de la chambre ; il s’agit
maintenant de mettre en question toute la loi communale, il s’agit en effet de
la nomination des attributions, de la révocation et des finances ; mais c’est
là toute la loi communale.
L’honorable
M. de Muelenaere, en répondant, je crois, aux observations que j’avais faites…
M. de Muelenaere. - Je répondais à l’honorable M. de
Brouckere.
M. Verhaegen. - Soit ; l’honorable M. de
Muelenaere, tout en combattant l’honorable M. de Brouckere, est d’accord avec
lui et avec nous. La question, dit-il, est excessivement grave ; d’accord ; les
deux questions d’attributions et de nomination doivent être traitées
simultanément d’après l’honorable membre ; encore une fois, d’accord ;
l’honorable M. de Muelenaere ne voit pas d’inconvénient à renvoyer la
disposition à l’examen soit des sections, soit de la section centrale ; or, ce
renvoi ne peu avoir lieu qu’en donnant lieu à une suspension ; donc l’honorable
M. de Muelenaere est d’accord avec moi pour le renvoi aux sections ; et avec
l’honorable M. Doignon pour la suspension ; donc l’honorable M. du Muelenaere
est d’accord avec tout le monde. Je crois donc, messieurs, que rien ne s’oppose
à l’adoption de ma proposition et de celle de l’honorable
M. Doignon.
M. de Theux,
rapporteur. -
Messieurs, il me paraît évident qu’avant de voter sur la question
d’ajournement, et même avant de clore la discussion sur cette question, il faut
que la nouvelle proposition faite par M. le ministre de l'intérieur soit
examinée.
Mais
faut-il renvoyer immédiatement cette proposition à un nouvel examen, et
suspendre ainsi la discussion, ou bien, faut-il laisser encore continuer la
discussion, et avant de la fermer, renvoyer la proposition la section centrale
? C’est une question que j’adresse à la chambre. Elle mérite, messieurs, toute
votre attention, car je ne sais réellement pas dans quelle position on placera
la section centrale par un renvoi immédiat.
L’honorable
M. Verhaegen nous a fait part de ce qui s’est passé dans le sein de la section
centrale lorsque divers amendements y ont été mis en avant ; ce qu’il vous a
dit est parfaitement exact. Mais, messieurs, la nouvelle proposition peut
donner lieu à d’autres propositions dans le sein de cette chambre. Déjà
l’honorable M. Orts a annoncé un système nouveau. D’antres membres ont
peut-être à proposer d’autres systèmes. Il me paraît qu’il serait désirable que
tous les orateurs qui sont dans l’intention de fournir de nouveaux projets
voulussent bien s’expliquer avant que la section centrale fût appelée à faire
un examen ; sinon, après que la section centrale aura présenté son rapport sur
l’amendement présenté par M. le ministre de l’intérieur, de nouveaux
amendements pourront être présentés dans la discussion générale qui sera
reprise, et il faudra de nouveau les renvoyer à la section centrale. Ainsi, la
section centrale tournerait dans un cercle vicieux, dont elle ne pourrait pas sortir. Sa position serait véritablement
embarrassante.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Il me semblait qu’il était
entendu que le renvoi ne serait pas immédiat, en ce sens que la section
centrale ne ferait pas dès à présent son rapport. On lui renverra toutes les
propositions que la discussion générale va inévitablement amener. Ainsi la
section centrale ne sera pas mise en demeure de faire dès à présent un rapport.
Je me
bornerai à répondre à l’honorable M. Verhaegen, que s’il avait raison dans les
observations qu’il avait présentées, il en résulterait que, du moment que le
gouvernement a déposé un projet de loi, il doit considérer ce projet comme
immuable, sans avoir le droit de l’améliorer ou de l’amender (Aux voix ! aux voix !)
M. le
président. - D’un côté, on a demandé le renvoi aux
sections, de l’autre, à la section centrale, par analogie avec ce qui a lieu
pour les votes sur les questions d’analogie, je mettrai
d’abord aux voix le renvoi aux sections, et si ce renvoi n’est pas adopté, le
renvoi à la section centrale.
M. de Brouckere. - M. le président, je demande la parole.
L’honorable
M. de Theux vient de faire des observations extrêmement justes. Vous allez
renvoyer aujourd’hui la proposition de M. le ministre à la section centrale ;
mais plusieurs membres de la chambre ont d’autres amendements à présenter à la
loi communale ; moi, entre autres, je compte en déposer un. Mais il est
impossible d’improviser des amendements.
La loi
communale contient un système dont il est très difficile de saisir l’ensemble
et qui même quelquefois est un peu confus. Vous comprenez, messieurs, que les
membres qui, comme moi, ont cru qu’on ne pouvait pas présenter des amendements
au projet de loi du gouvernement, lorsque ces amendements concernaient les
attributions des fonctionnaires communaux ; vous comprenez que ces membres ne
sont pas prêts ; pour moi je déclare que le mien n’est pas élaboré et que je ne
pourrai le présenter que plus tard. Eh bien, si successivement et tous les
jours, un membre arrive avec un nouvel amendement, il en résultera que cette
discussion sera interminable.
Messieurs,
puisque j’ai la parole, j’ajouterai encore quelques mots à ce que j’ai dit tout
à l‘heure.
L’honorable
M. de Muelenaere, en commençant son discours, a dit qu’il répondait à un
honorable député de Bruxelles ; j’avoue que je croyais que ce député n’était
pas moi, car l’honorable M. de Muelenaere n’a pas répondu du tout, il n’a
rencontré aucun de mes arguments. Voici en quatre mots le discours de
l’honorable M. de Muelenaere.
Il vous a
dit que tous les gouverneurs sont d’accord sur ce point, que l’état actuel des
choses, administrativement parlant, présente des inconvénients ; qu’en ce qui
concerne 1e bourgmestre, tout prouve que le bourgmestre n’a pas assez de
liberté d’action, particulièrement en ce qui touche l’exécution des lois et des
règlements.
Cela est
vrai, je suis, moi, personnellement de cet avis, et j’ai toujours été de cet
avis, même en 1834 : Ainsi, je n’ai changé en rien. Mais quelle conséquence
tirent de là les gouverneurs ? Qu’il faut changer le mode de nomination, qu’il
faut en certains cas rendre le bourgmestre indépendant des électeurs ; mais ils
n’en tirent pas la conséquence, qu’il faut changer toutes les attributions.
Je conclus
donc que l’honorable M. de Muelenaere ne m’a pas du tout répondu.
Messieurs,
l’honorable M. Orts a préconisé un nouveau système, système qui était en
vigueur à Bruxelles avant la première révolution. Moi, je vous déclare,
messieurs, que je ne suis pas partisan de l’amman de M. Orts. (On rit.)
Je conçois,
messieurs, qu’un pareil fonctionnaire pourrait convenir très bien à la ville de
Bruxelles, et à toutes les grandes localités, mais je demande à tous ceux qui
connaissent ce qui se passe dans la campagne, comment on ferait pour trouver
dans des communes de 150 individus un amman, en d’autres termes un commissaire
du Roi chargé de surveiller l’exécution des lois et règlements, sans avoir
aucune part à l’action administrative ? Je le répète,
cela pourrait être bon dans les grandes communes, car vous ne trouveriez
d’amman que dans les grandes communes.
M. de Muelenaere. - D’après ce que viennent de dire
MM. Verhaegen et de Brouckere, la discussion a complètement changé de face.
Vous vous rappelez que, quand M. le ministre a fait sa proposition, elle a été
attaquée, parce qu’elle ne paraissait avoir aucune corrélation nécessaire avec
le projet en discussion. On a prétendu qu’elle ne constituait pas un amendement
à ce projet de loi, que c’était une proposition toute spéciale, particulière,
et que pour cela elle devait être renvoyée aux sections.
Je crois
avoir établi qu’il y a une corrélation nécessaire entre les attributions des
bourgmestres et le mode de nomination, que dès lors la question des
attributions doit nécessairement être traitée en même temps que la question du
mode de nomination, puisque l’un est nécessairement
subordonné à l’autre, voilà l’observation que j’ai présentée ; je crois avoir
prouvé ce fait à l’évidence.
M. Vandenbossche. - La proposition de M. le ministre et la
discussion qu’elle vient de provoquer nous annonce un changement complet de
toute la loi communale. Je crois qu’il serait préférable de prier M. le
ministre de nous présenter un projet de toi tout à fait nouveau. Il ne
demanderait pas tant de temps à discuter
que les amendements proposés qui changeront également la loi communale, et nous
aurions un système complet. Je crois que ce serait ce
qu’on petit faire de mieux dans la position où nous nous trouvons.
M. de Theux,
rapporteur. -
Je voudrais savoir, si en prononçant le renvoi des amendements de M. le
ministre à la section centrale, on entend suspendre la discussion générale ou
si elle pourra continuer jusqu’à ce qu’il plaise à la chambre de la suspendre,
en attendant le rapport et en renvoyant également à la section centrale les
autres amendements qui pourront se présenter dans la discussion.
M. le
président. - Je vais mettre les diverses propositions aux voix : D’abord le
renvoi aux sections, qui doit avoir la priorité comme ajournement plus long,
ensuite, s’il y a lieu, le renvoi à la section centrale et en troisième lieu la
suspension de la discussion.
- Le renvoi
aux sections est mis aux voix. Il n’est pas adopté.
Le renvoi à
la section centrale est ensuite adopté.
M. le président. - Je vais mettre aux voix la suspension de la
discussion générale jusqu’après le rapport de la section centrale.
M. de Theux,
rapporteur. -
Je demande la parole sur la position de la question.
Il me semble
que cette proposition est complexe. Les uns sont d’avis qu’avant de continuer
la discussion générale on attende le rapport de la section centrale, d’autres
conviendrait de continuer la discussion général, sauf à la suspension lorsque
les amendements auraient été formulés. Ainsi, M. de Brouckere en a annoncé un,
je désirerais qu’il voulût le déposer et le développer. Je ne sais si M. Orts
n’a pas l’intention d’en présenter aussi un, du moins il se propose de
développer un système nouveau. II serait bon que la section centrale pût se
prononcer sur les différents systèmes qu’on jugera à
propos de présenter.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb). – Messieurs, il me semble évident
que prononcer la suspension, ce serait priver les membres qui se proposent de
déposer des amendements du droit qu’ils ont d’amender.
M. Verhaegen. – Ils le feront après.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Ils le feront après, mais ce ne
sera plus utilement. Je sais qu’on devra suspendre la discussion générale, mais
je demande que la suspension n’ait lieu que quand les orateurs qui veulent présenter
des amendements les auront développés. Ce serait une injustice que de les
priver de leur droit de présenter des amendements. Que ceux qui veulent prendre
part à la discussion sans proposer d’amendements présentent leurs observations,
que ceux qui veulent y prendre part et proposer des amendements les
développent, la discussion suivra son cours.
Il y aura
une suspension, mais cette suspension n’aura lieu que quand tous les
amendements auront été proposés. Ils seront renvoyés alors à la section centrale
qui pourra examiner le projet dans son ensemble. Si vous procédez autrement, la
section centrale fera un rapport sur mon amendement, alors un autre député
présentera un nouvel amendement dont on demandera encore le renvoi à la section
centrale, et de renvoi en renvoi, de suspension en suspension, je ne sais où on
ira et quand on finira.
Je demande
donc que la discussion générale continue, principalement dans le but de
permettre à chacun de déposer ses amendements
Je pense
que la plupart déposeraient leurs amendements demain. La discussion pourrait
être suspendue après la séance de demain.
Je sais qu’on pourra en présenter après le rapport de la section
centrale, mais ceux-ci ne lui seront plus renvoyés.
M. de Brouckere. - Je ne vois aucun inconvénient à ce que,
selon la motion de M. le ministre de l’intérieur, la discussion continue,
pourvu qu’il soit bien entendu que la discussion ne sera pas fermée avant la
présentation du rapport de la section centrale, et qu’après ce rapport elle
continuera. Mais je dois manifester une crainte, c’est que peu d’orateurs
veuillent parler avant ce rapport. Je désire, n’habitant pas Bruxelles, que la
discussion aille aussi vite que possible mais s’il est décidé que la discussion
générale sera continuée après le rapport de la section centrale, les orateurs
inscrits ne voudront pas parler maintenant.
J’ai
annoncé la présentation d’un amendement. Je suis persuadé que le ministre
l’approuve, que toutes les personnes qui ont été à la tête d’un arrondissement
ou d’une province seront de mon avis. Je ne puis improviser cet amendement, je
ne puis pas promettre de le présenter pour demain ; mais si j’ai le temps, je
le formulerai pour lundi. S’il n’y a pas séance, comme je n’y mets pas
d’amour-propre, je l’enverrai directement à la section
centrale.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Les orateurs qui renonceront pour
le moment à la parole useront de leur droit, que je respecte. Mais je demande
que l’on respecte aussi le droit qu’ont ceux qui veulent présenter des
amendements.
Vous
renoncez à la parole ; c’est un droit, usez-en, sauf à reprendre la parole
après le rapport. Mais, je le répète, respectez le droit qu’a chacun de nous de
présenter un amendement soit aujourd’hui, soit demain. Je dis que ce droit
serait non pas violé, mais un peu restreint, si dès présent on prononçait la
suspension de la discussion générale. Toujours, quand on a ordonné un renvoi a
la section centrale, on a laissé le temps à chaque membre
de présenter les amendements qu’il jugeait convenables.
M. Doignon. - C’est moi qui ai fait la proposition de suspendre la discussion,
mais je n’ai entendu interdire à aucun des orateurs inscrits de prendre la
parole s’ils le désirent, et de présenter des amendements. Je me rallierai donc
à la proposition de M. de Brouckere, de continuer la discussion générale
jusqu’après le rapport de la section centrale. De cette manière mon but est
atteint. Comme il y a connexité entre le mode de nomination et les attributions
du bourgmestre, ces deux questions doivent être discutées en même temps et
elles ne le seront effectivement qu’après qu’on aura
examiné le rapport de la section centrale sur les nouvelles propositions.
M. de Theux,
rapporteur. -
Dans tous les cas, il serait à désirer que demain on pût encore s’occuper de
cette question, parce qu’aujourd’hui beaucoup de membres ont été pris à
l’improviste par ce qui vient de se passer : il faut le temps de la réflexion ;
d’ici à demain chacun pourra examiner la proposition nouvelle du ministre et
présenter les amendements qu’il croira convenables.
Il serait à
désirer qu’on adoptât ici l’usage établi en Angleterre, et qui a été
quelquefois suivi en Belgique, de discuter quelques questions de principe. Si
la chambre résolvait une question de principe, la section centrale aurait alors
un canevas sur lequel elle pourrait travailler et vous présenter quelque chose
de complet. Mais, quant à présent, son travail serait nécessairement un travail
superficiel.
M. le
président. - La motion est modifiée en ce sens que la discussion générale ne sera
point close avant que la chambre n’ait reçu le rapport de la section centrale ;
étant bien entendu que la discussion pourra alors s’établir sur ce rapport en
même tempe que sur le projet actuellement en discussion.
S’il n’y a
pas d’opposition, je déclare cette proposition adoptée.
M. le
président. - Nous continuons la discussion générale.
La parole
est à M. de Mérode.
M. de Mérode. - Messieurs, malgré les amendements qu’on
annonce, je continuerai à présenter des observations générales sur les institutions
qui régissent les communes, puisque nous sommes dans la discussion de
l’ensemble. De toutes les lois qui demandent à être modifiées, par suite d’une
expérience de plusieurs années de pratiques, aucune n’est plus pressante à
redresser dans quelques-unes de ses dispositions, que la loi communale. Le
dommage qu’elle porte à la liberté et à l’ordre public n’est pas, il est vrai,
d’une nature saillante comme ces catastrophes dont le récit vient récemment de
remuer nos cœurs, mais ces un de ces maux sourds qui rongent et affaiblissent
sans bruit et sans retentissement le corps social. Pour s’en convaincre, il
suffit de remarquer avec quelle ardeur le génie du désordre s’oppose, par tous
les organes qu’il possède en Belgique, au changement que réclament instamment
la concorde et la paix. Dis-moi qui tu
hantes, dit le proverbe, et je te
dirai qui tu es ; dis-moi qui tu
protèges, peut-on dire également, et
je connaîtrai ton essence bonne ou mauvaise. Ce n’est pas, messieurs, que
j’attribue à mes collègues, champions de la loi telle qu’elle existe des
intentions perverses ; cette pensée n’est pas la mienne ; elle serait injuste ;
je le proclame hautement ; mais il est de palpable notoriété que la presse
entière amie de la licence, toute cette partie du journalisme qui,
systématiquement et avec plus ou moins de violence ou d’adresse, cherche à
démoraliser le pays, soutient avec non moins d’acharnement ce qu’on appelle les
franchises communales, c’est-à-dire, l’occasion de remuer partout les esprits
et de les mettre en état de lutte aussi général, aussi fréquent que possible.
En effet,
messieurs, nulle tactique n’est plus propre à fatiguer les citoyens qui
craignent l’antagonisme et le bruit que celle qui multiplie et augmente
indéfiniment le pouvoir de l’élection. L’homme remuant, intrigant, ambitieux du
pouvoir, ne manque jamais au rendez-vous du combat. Le particulier livré à ses
affaires, à son travail, qui ne désire ni emploi, ni autorité sur les autres,
et qui, par cela même, l’exerce avec modération quand elle lui incombe malgré
lui, est bien moins empressé de paraître sur le champ de bataille, où la cabale
déploie toute espèce d’armes et ne ménage rien. En théorie, rien de plus beau
que l’élection, c’est-à-dire, l’investissement du pouvoir public par la confiance
publique, mais en pratique, hélas ! quel
désappointement ! Je ne comprenais pas, il y a quelques années, comment, dans
tous les siècles et presque partout, l’humanité était livrée à l’absolutisme
d’un empereur, d’un sultan, d’un roi, de chefs, maîtres et seigneurs, sous des
qualifications diverses, je le conçois maintenant avec tristesse car la liberté
vraie est un bien si noble et si précieux qu’elle mérite tout notre amour, et
que, d’en voir le monde généralement privé, est pour les cœurs généreux un
sujet de douleur et de profonds regrets.
Ne croyez
pas, messieurs, que je vienne ici vous exprimer des sentiments de parade, et
cacher sous des paroles libérales des intentions contraires. J’ai fait partie
du gouvernement provisoire, aux risques et périls de ma famille, qui, pour son
compte propre, n’avait rien à gagner à un changement politique. J’ai perdu un
frère dans les combats de la révolution. Personne, dans cette enceinte, n’a dû
subir un tel sacrifice, et ces antécédents ne sauraient s’effacer de la mémoire
d’un homme qui n’était pas dans l’adolescence quand ils se sont réalisés. En
1830, j’avais près de quarante ans, et d’ailleurs est-ce à l’égard de mes
compatriotes seuls que j’ai montré du zèle pour les
martyrs du bon droit livrés à la violence d’un abusif pouvoir. Non, messieurs,
toujours j’ai cordialement soutenu les intérêts des nobles défenseurs de
Le premier
orateur qui vous a parlé contre le projet a caractérisé en somme, par ce peu de
mots, ses désastreux résultats intestins. « On n’en peut, vous a-t-il dit,
douter un instant (ainsi le doute n’est pas même permis un moment), qu’avec le
droit de le nommer hors du conseil, le bourgmestre serait dans tous les cas,
comme on l’a déjà vu, à la merci de l’arbitraire, des erreurs et des faiblesses
du gouvernement, à la merci de l’esprit de parti et des passions des hommes du
pouvoir ; avec ce système toute ombre de liberté et d’indépendance doit
s’anéantir chez ce magistrat. »
Ainsi, tout
fonctionnaire nommé et révocable par le gouvernement voit toute ombre de
liberté et d’indépendance s’évanouir chez lui. Qu’en dites-vous, gouverneurs de
provinces, commissaires de districts, procureurs du Roi, qui siégez
sur ces bancs où les électeurs vous ont appelés ? qu’en dit M. Van Cutsem, qui
pourtant s’est exprimé comme la proposition du gouvernement avec un courage que
l’on doit croire héroïque, si M. Doignon dit vrai.
Messieurs,
l’indépendance louable (toute indépendance ne l’est pas) disparaît chez les
fonctionnaires par bien des causes diverses en Belgique. Jusqu’à présent, ce
n’est pas la crainte du gouvernement qui les inquiète, celui-ci se trouve
surveillé, contenu de toutes parts, il a une responsabilité morale parce que
ses actes sont des actes de personnes connues par leur nom, obligées de
l’apposer au bas de leurs arrêtés.
Mais le
pouvoir qui confère les places par élection, en est-il saisissable ? Où est la
responsabilité de l’intrigue, de la cabale, qui joue un si grand rôle dans les
élections, comme cela est de toute évidence ?
Elle n’est
nulle part, et le citoyen vexé par un pouvoir exécutif élu, ne sait à qui s’en
prendre. C’est là le grand vice du système de la loi communale actuelle, elle
met le pouvoir exécutif à la merci de l’élection, et qu’est-ce que les
résultats de l’élection partout où il y a deux opinions contraires ? C’est le
triomphe de la majorité sur la minorité : cinquante votants sont dominés par 51
votants.
Est-il bon
que les 51 votants aient le dessus non seulement pour la création du pouvoir
délibérant de la commune, qui les représentera, mais aussi pour la nomination
du pouvoir exécutif qui doit être chargé, et de faire obéir aux règlements
communaux et aux lois générales bien plus importantes, émanées de l’autorité nationale,
du Roi et des chambres législatives ; et croyez-vous que 40 électeurs communaux
qui contre 60, par exemple, forment une minorité de deux cinquièmes n’ont pas
droit à quelque garantie, à quelque protection contre leurs adversaires ? On la
trouveront-ils cette garantie, cette protection, si tout dans la commune est
livré à la majorité du conseil des bourgmestre et
échevins, c’est-à-dire le pouvoir entier. Dans l’Etat constitutionnel, les
individus qui appartiennent aux ministères subissent sans doute la loi de la
majorité, mais ce n’est que, sous des rapports généraux ; les personnes ne sont
pas en perpétuel contact comme dans la commune ; là, chaque jour, il faut
supporter le vae victis, là il faut
payer des centimes additionnels, des droits d’octrois pour des institutions que
l’on regarde comme nuisibles et que le parti dominateur impose au parti dompté.
Si un pouvoir exécutif, modérateur, venu d’une autre source ne peut changer le
fond des choses, il en adoucit la forme, il exécute avec impartialité, il
protège les uns comme les autres parce qu’après tout le pouvoir central, d’où
émane cette autorité locale, désire être respecté de tous autant que possible
et ne peut être aussi étroit que les coteries de ville ou de village.
Je ne parle
pas ici dans l’intérêt de l’ordre administratif ; le produit de l’enquête, dont
les détails sont consignés au Moniteur,
est sous vos yeux. Mais je soutiens l’intérêt de la liberté, qui ne se conserve
que par la division des pouvoirs. Or, il n’y a pas division et véritable
équilibre des pouvoirs dans la commune sous le régime actuel, comme il y a
division des pouvoirs dans l’Etat.
Le sénat et
la chambre des représentants ne présentent pas au Roi un certain nombre de
candidats ministres, dans lequel il est forcé de limiter son choix ; il prend
les agents supérieurs dans les chambres, mais il les prend aussi au-dehors,
dans tout le royaume, si le besoin l’exige. Les ministres ainsi nommés n’ont
pas offusqué la représentation nationale, et cependant il est plus facile de trouver
des ministres dans les deux chambres qu’un bourgmestre convenable dans beaucoup
de conseils communaux ; Pourquoi donc les habitants d’une commune, membres du
conseil communal, seraient-ils blessés de ne pas voir toujours choisi dans son
sein le délégué du pouvoir exécutif ? Pourquoi les membres des états
provinciaux ne sont-ils pas blessés de voir un gouverneur placé à la tète de la
province sans même appartenir à la province ? Pourquoi ? Parce qu’heureusement
on n’a pas imaginé cette combinaison restrictive du pouvoir royal. Si l’on eût
admis, pendant quelques années, comme coutume obligatoire la nécessité de
choisir le gouverneur de la province dans le conseil provincial, et qu’on
jugeât bien entendu de revenir sur cette limite, les accusations de tendance à
la corruption au pouvoir absolu se feraient entendre arec autant d’éclat sonore
qu’à propos de l’abaissement d’une barrière funeste à la paix des communes, où
c’est l’électeur qui maintenait jouit d’un empire abusif. Nous sommes ici dans
la capitale du royaume, dans une ville de plus de cent mille âmes. Le Roi est
censé posséder le droit de choisir un bourgmestre dans le conseil communal. Eh
bien ! le droit est complètement illusoire, non point
seulement parce que l’état des finances urbaines est embarrassé, mais parce que
la plupart des conseillers communaux de Bruxelles ne peuvent être bourgmestres,
soit à cause de leurs affaires propres, soit à cause de leurs fonctions
judiciaires ou autres. J’honore infiniment M. le chevalier Wyns
de Raucourt. Le gouvernement le voit sans doute avec
plaisir au poste qu’il occupe ; mais, grâce au système exclusif de la loi
communale, il est quasi indispensable, et cependant, qui croira que Bruxelles
ne renferme plus d’hommes libres, capables de jouir aussi, comme bourgmestres,
de la confiance des habitants. Ces hommes, sans doute, ne sont pas en grand
nombre, mais on doit espérer qu’il en existe plus d’un ou deux dans toute la
cité.
L’imperfection
humaine entraîne, je le répète, pour assurer la plus grande liberté possible
combinée avec l’ordre, la division des pouvoirs.
Dans
l’ordre judicaire, celui qui fait la loi ne l’applique ni peu ni beaucoup. Que
dirait-on d’un parlement qui prendrait une part quelconque au jugement des
causes ? L’élection est bonne à produire un pouvoir délibérant ; elle est
mauvaise quand elle produit un pouvoir d’exécution. C’est ce qui chez nous
annule la garde civique. Des soldats qui nomment des officiers leur obéissent
mal. Des administrés qui nomment leur administrateur deviennent des maîtres, et
leur chef apparent subit leur influence, au lieu de leur imposer l’autorité des
lois. Et comme celles-ci sont, après tout, destinées à protéger le faible
contre le fort, le premier est toujours le plus exposé à souffrir quand elles
n’ont point de tuteur indépendant de l’esprit factieux. Celui qui ressent
davantage l’absence de police, c’est n’est pas à coup sûr le turbulent, car il
en profite ; et si le pouvoir est quelque peu sous le coup de la turbulence,
certes, c’est au détriment des gens tranquilles. Turbulence et élection sont
malheureusement liées plus ou moins, comme arbitraire et autorité monarchique
le sont également plus ou moins.
L’art
gouvernemental consiste à combiner leur action réciproque, de laisser à
l’élection l’autorité législative, la surveillance des actes du pouvoir
agissant ; mais ne lui donnez jamais l’exécution des lois parce qu’elle y est
impropre, elle lui est impropre parce qu’elle est sans responsabilité. En
Amérique, on est assurément moins libre qu’en Belgique, à cause de l’absence de
la royauté et de l’omnipotence de l’élection. Quand vous y déplairez aux
masses, elles vous pillent, brûlent vos maisons et vous tuent quelquefois sans
aucune répression. Un journal n’ose pas leur dire la vérité qui les choque, nul
n’est assuré d’y conserver un emploi public pendant plusieurs années
successives, comme chez nous. Faire de l’élection la panacée libérale par
excellence, c’est vraiment tomber dans l’erreur la plus grossière ; elle a son
rôle nécessaire dans un gouvernement modéré ; elle en est comme le sel si bien
placé dans les aliments quand on n’en outre pas la dose, mais qui les rend
insupportables quand on l’y jette à pleines mains. C’est ce que fait la loi
communale actuelle, elle livre dans la commune presque tout à l’élection, la
part de l’autorité royale n’y est pas nulle tout à fait, mais bien peu s’en
faut.
Aussi
est-ce dans la commune que règne le plus de désordre
relatif. Partout ailleurs vous trouverez davantage aide et protection de
l’autorité. Mais le pire de tous les résultats de l’élection, quand elle sort
de ses limites, c’est l’antagonisme qu’elle porte avec elle, c’est son action
dissolvante et le mépris croissant de l’autorité centrale ? Si les Américains
du Nord n’ont pas de roi, ils n’ont pas davantage de nationalité compacte. Là
où on voit un ancien président, appuyé par beaucoup de membres de la
représentation, solliciter la rupture du lien national entre les provinces,
peut-on croire qu’il existe un grand peuple devant fournir une longue
carrière ?
Messieurs,
pour intimider par la crainte de se contredire plusieurs d’entre vous, on a
reproduit par la presse à satiété des opinions émises, il y a cinq ans, avant
que l’expérience n’eût fait connaître les résultats des franchises communales.
Ce procédé exige peu de logique et de raisons. Des fragments de journaux, des
typographes qui en reproduisent parfois, en les tronquant, quelques colonnes,
voilà tous les frais d’une polémique de pures personnalités, dont le but est de
gêner les votes, en mettant les consciences en lutte avec les amours-propres.
Je ne
connais, quant à moi, que deux espèces d’êtres dont les idées peuvent être
immuables : les génies transcendants et les cerveaux sans intelligence. Les
premiers savent tout d’avance, ou aveuglés par l’orgueil, les seconds ne
veulent rien apprendre. Je n’ai pas la prétention d’appartenir à la première
catégorie. Je tiens beaucoup à ne pas me ranger dans la seconde ; j’ai signé
l’arrêté du gouvernement provisoire relatif aux administrateurs communaux en
des circonstances différentes de celles où nous sommes. Eussé-je pensé, ce qui
n’est point, qu’il contenait toute perfection gouvernementale sur la matière,
j’aurais par la pratique reconnu mon erreur. Ma première ambition n’était pas
de paraître infaillible, mais de servir le pays en conscience. Je voterai pour
toutes les modifications qui tendront à rendre au pouvoir central le plus
possible d’autorité exécutive dans la commune, voulant d’ailleurs conserver
pleinement à l’élection ce qui concerne le pouvoir communal délibérant selon
les vrais principes constitutionnels d’ordre et de liberté.
Plusieurs membres. - Bien ! Très bien
M. le
président. - La parole est à M. Orts.
M. Orts. - Je renonce à la parole jusqu’à ce que la
section centrale ait fait son rapport.
- La séance
est levée à 4 heures un quart.