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d’intention
Chambre
des représentants de Belgique
Séance du mardi 31 mai 1842
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre, notamment pétition relative à la
construction d’une route depuis la ville d’Aerschot (de Man d’Attenrode), aux inondations de la Lys et de
l’Escaut (Delehaye)
2) Rapports de pétitions, notamment demande d’indemnités par le directeur du service de
navigation entre Gand et Bruges par suite de la concurrence du chemin de fer
3) Projet de loi de loi tendant à apporter des modifications à
la loi communale (principalement en ce qui concerne la possibilité de nommer le
bourgmestre en dehors du conseil communal) (d’Hoffschmidt,
Devaux, Liedts, de
Man d’Attenrode, Devaux, Rogier,
Nothomb, Rogier)
(Moniteur belge n°152, du 1er juin 1842 et
Moniteur belge n°153, du 2 juin 1842)
(Présidence
de M. Fallon)
(Moniteur belge n°152, du 1er juin 1842)
M. de
Renesse fait
l'appel nominal à 1 heure.
Après avoir donné lecture du procès-verbal de la
dernière séance dont la rédaction est adoptée, il analyse les pièces de la
correspondance :
PIECES ADRESSEES A
« Un grand nombre d'habitants de Gosselies,
Waterloo, Rhode et Braine-Lalleu,
réclament une révision des lois concernant les barrières et les ponts à
bascule. »
-Renvoi â la commission des pétitions.
______________________
« Les secrétaires communaux du canton de Genappe
demandent que les traitements des secrétaires communaux soient mis à la charge
de l'Etat. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion des
projets apportant des modifications à la loi communale, et ensuite
renvoi à M. le ministre de l'intérieur.
______________________
« Le conseil communal
de Hersselt demande que l'on construise une route
pavée d'Aerschot à Westerloo
passant par le centre de la commune de Hersselt. »
« Même demande du conseil communal d'Aerschot. »
M. de Man d’Attenrode. - Messieurs, par cette
pétition, la ville d'Aerschot demande à être reliée
au système de communication qu'on établit dans
- Cette proposition est adoptée.
_______________________
« MM. de Hemptinne, le comte Charles d'Hane,
de Buck Van den Waerde et autres industriels et
propriétaires à Gand prient la chambre de vouloir provoquer des mesures propres
à prévenir les inondations dont une partie des deux Flandres et du Hainaut est
ravagée, par suite des débordements de
M. Delehaye. - Messieurs, la commission des pétitions a eu déjà à
examiner deux pétitions concrnant les inondations des
Flandres. Sur la proposition de M. Dumortier et la mienne, vous avez renvoyé
ces pétitions à M. le ministre des travaux publics avec prière de vous faire un
rapport. La pétition actuelle a le même but ; elle réclame des mesures pour
faire cesser les inondations dont on se plaint ; c'est une économie de temps
que d'en ordonner directement le renvoi à M. le ministre des travaux publics,
avec invitation de la comprendre dans le rapport qu'il doit vous présenter.
Indépendamment de ce renvoi, j’ai une autre
proposition à faire : la pétition dont il s agit a été signée par des hommes de
l'art, par des hommes à même d'apprécier les causes de l'inondation et les
moyens d'y mettre un terme. Je proposerai à la chambre de vouloir bien ordonner
l'insertion de cette pétition dans le Moniteur. Vous pourrez la
consulter avec fruit quand le gouvernement nous fera un rapport.
Je demande donc le renvoi direct de la pétition à M.
le ministre des travaux publics, afin qu’il puisse la comprendre dans son
rapport, et en second lieu l'insertion au Moniteur.
Cette proposition est adoptée.
RAPPORTS DE PETITIONS
M. de Garcia. - La commission des
pétitions m'a chargé de vous présenter son rapport sur la réclamation du sieur Braive qui se plaint de la saisie illégale de ses chevaux,
à Bolitrap (Prusse). Si la chambre le désire, je lui
donnerai lecture du rapport. La commission conclut au renvoi au ministre des
affaires étrangères.
- Le renvoi est ordonné.
M. Henot. - Je propose d'ajouter : avec demande d'explications.
- Cette proposition est adoptée.
_______________________
M. Mast de
Vries. -
Messieurs, vous avez renvoyé à la commission des finances une pétition du sieur
Torrebore, Je suis chargé de vous présenter son
rapport. Le sieur Torrebore s'est adresse à la chambre
afin d'obtenir des indemnités pour les pertes qu'il a essuyées par suite
d’événements dont la commission n'a pas pensé pouvoir rendre l'Etat
responsable. En 1830, le sieur Torrebore était chargé
du service de navigation entre Gand et Bruges, entre Bruges et Ostende, et
ensuite de Bruges à l'Écluse. Pour établir ce service il a dû faire de grandes
dépenses. Les événements de 1830 ont fait cesser le service de Bruges à
l’Ecluse ; il en est résulté pour le pétitionnaire des pertes très fortes.
L'ouverture de la section du chemin de fer de Gand à Bruges il fait cesser le
service de barques entre ces deux villes, et quand la section de Bruges à
Ostende fut terminée le service de Bruges à Ostende a dû également cesser.
Il est évident qu'il est résulté de là des pertes
énormes pour le sieur Torrebore, cependant il serait
impossible de mettre ces pertes à la charge de l’Etat, car s'il en était
autrement, la responsabilité de l'Etat n'aurait plus de bornes.
La commission a donc pensé que la demande du sieur Torrebore ne pouvait être accueillie et que l’Etat ne
pouvait être tenu à donner des indemnités pour des pertes semblables. En
conséquence, elle a l'honneur de vous proposer de passer à l'ordre du jour sur
la pétition du sieur Torreborre.
- Adopté.
Discussion générale
M. d’Hoffschmidt. - Messieurs, quand j'ai
pris, la première fois, la parole dans cette discussion, j'ai exprimé mes
craintes sur les difficultés et les dangers auxquels on s'exposait en voulant
toucher avec autant de précipitation surtout, aux principes qui servent de base
à nos lois organiques. Tout ce qui s'est passé depuis lors n'a fait que me
confirmer dans cette opinion. Qu'est-il arrivé, en effet ? C'est que le projet
ministériel, sous une apparence modeste, a ouvert une brèche à la loi communale
; les amateurs de réformes s'y sont précipités, et bientôt le ministère
lui-même a été dépassé, débordé ; il n'a pas su résister au torrent qui
l'entraîne ; et maintenant la loi entière est remise en question, chacun peut
formuler des amendements, présenter un système et donner libre cours à son
imagination de législateur.
En résultera-t-il un grand bien pour le pays ? Je le
désire, mais je ne puis le croire.
Voyez quels sont déjà les premiers effets du projet de
loi ! D'abord il a jeté une vive irritation dans nos débats, et il faut en convenir,
le ministère, qui veut, dit-il, la paix et la conciliation, a été bien mal
inspiré, car il vient de lancer une nouvelle pomme de discorde dans l’arène
politique.
D'un autre côté, les idées de réforme, qui tout à coup
viennent de surgir, ont produit dans le pays de l'inquiétude et de fortes appréhensions.
Ces symptômes doivent donner à réfléchir et, en les examinant froidement, les
hommes calmes et impartiaux se convaincront facilement qu'il eût été préférable
que le malencontreux projet de loi fût dans tous les cas ajourné.
Dans son dernier discours, M. le ministre de
l'intérieur nous a dit que, quant à lui, il avait toujours défendu les mêmes
principes.
Nous nous rappelons tous en effet, messieurs, que
l'honorable M. Nothomb a de tous temps soutenu le système d'une forte
centralisation. Pour ma part, j'ai admiré le talent qu'il a déployé pendant les
longues discussions sur les lois provinciale et communale, pour la défense de
cette opinion, opinion que, du reste, je considère comme infiniment
respectable.
Mais je prierai l'honorable M. Nothomb de remarquer
qu'il y a une grande différence entre faire la loi et la défaire ; qu'autre
chose est de régler les libertés d'un peuple, en vertu d'une prescription
constitutionnelle, ou de lui arracher ces mêmes libertés quand on ne vient,
pour ainsi dire, que de les lui octroyer, et qu'il n'en a point abusé. Des
efforts qui étaient donc louables en 1836, ne le sont plus maintenant ou tout
au moins sont bien inopportuns, car c'est un rôle toujours dangereux que celui
de restreindre les libertés.
Dans la séance d'hier, un orateur, l'honorable M.
Dechamps, a soutenu l'opportunité de la loi que nous discutons. Mon intention
n'est pas de le suivre dans tout ce qu'il a dit à cet égard, il me suffira de
faire remarquer que ce qui prouve à la dernière évidence combien la loi est
inopportune, c'est l'irritation qu'elle occasionne, l'opposition qu'elle
rencontre, les répugnances que partout elle a excitées.
Messieurs, pour que nous puissions nous décider à
faire un acte aussi grave que celui de changer les principes d'une loi
organique, il faut, ce me semble, que nous soyons bien convaincus de deux
choses :
D'abord, que les abus qui résultent, du système en
rigueur sont de toute évidence et assez nombreux pour qu'il y ait urgence d'y
porter remède ;
Et en second lieu que le système nouveau, qu'il s'agit
d'allouer, ne fera pas naître à son tour des abus soit politiques, soit
administratifs tout aussi graves que ceux que l'on veut extirper.
Si, messieurs, j'avais cette double conviction, je
n'hésiterais pas à adopter le projet de loi, mais je dois le dire, je l'ai
cherchée en vain, cette conviction, et dans les documents qui nous ont été
soumis et dans les discours des défenseurs des divers systèmes proposés.
Pour nous démontrer les nombreux abus occasionnés,
dit-on, par le mode actuel de nomination des officiers municipaux, quelles
preuves nous a-t-on mises sous les yeux ? Nous a-t-on signalé une longue liste
de communes où les lois sont inexécutées ? Nous a-t-on montré un tableau
comparatif de l'état prospère des communes avant 1830, avec la situation
malheureuse où, prétend-on, elles végètent actuellement ? Nous a-t-on enfin
fait voir une enquête minutieuse, approfondie sur l’état actuel des choses ?
Non, messieurs, on s'est borné à nous soumettre une simple instruction
administrative. Certes, ce ne sera point moi qui mettrai en doute ici les
lumières, ni les bonnes intentions de MM. les gouverneurs, parmi lesquels je
compte plusieurs de mes amis, mais je dirai, comme 1'honorable M. Dedecker, que
de la manière dont la circulaire ministérielle était rédigée, il était
impossible que ces fonctionnaires répondissent autrement qu'ils ne l'ont fait.
Mon but, messieurs, n'est pas d’en adresser un
reproche à l'honorable ministre de l'intérieur de cette époque, mais il me
semble que la circulaire qu'il a adressée aux gouverneurs était insuffisante.
Lisez avec attention cette circulaire, et vous y verrez que l'on s'est borné à
demander la liste des abus survenus depuis 1836, sans provoquer aucun
renseignement sur les bons résultats que la loi de
Je vous le demande, messieurs, s'il s'agissait, par
exemple, de faire une enquête sur la question de savoir si les chemins de fer
sont utiles ou nuisibles à l'humanité, à la civilisation, vous borneriez-vous à
demander la liste des accidents, des malheurs dont ils sont la cause ? Oh non,
sans doute car si votre enquête ne portait que sur ce point, qu'arriverait-il ?
C'est que l'on vous ferait connaître une série d'accidents fâcheux terminée par
le récit de l'horrible catastrophe de Meudon, et d'après un pareil tableau vous
ne pourriez décider qu'une chose, c'est que les chemins de fer sont une source
de calamités et qu'ils doivent être supprimés.
Eh bien, messieurs, voilà pourtant comment on a
procédé pour connaître la portée du système formulé dans l'art. 2 de la loi
communale.
Mais il y a plus ; c'est que les gouverneurs n'ont été
consultés que sur la portée administrative de la loi et non sur sa portée
politique. Or, je pense que nous sommes tous d’accord, messieurs, que le projet
qui nous est soumis, surtout celui de la section centrale a une haute portée
politique ; personne ici, j'en suis sûr, ne viendra plus sérieusement soutenir,
après l'honorable M. Dechamps, qu'il ne s'agit dans tout cela que d'une simple
affaire administrative. Or, veuillez remarquer ceci, messieurs, c'est que les
gouverneurs, en n'examinant la question que sous le point de vue administratif,
ont pu très bien croire qu'à cet égard un changement de système serait
avantageux, tandis que, sous le rapport politique, ils eussent été peut-être
d'un avis différent.
Tous ces motifs, messieurs, ajoutés à tant d'autres
qu'on vous a déjà fait valoir, me font considérer, quant à moi, l'instruction
sur laquelle on se base pour bouleverser tonte notre organisation communale,
comme incomplète, comme tout à fait insuffisante.
Si je passe maintenant à l'examen de la question de
savoir quel est le système à substituer à celui adopté en 1836, c'est ici que
mon incertitude redouble. En effet, quelle divergence d'opinions, quelle
confusion même n'existe-t-il pas dans les propositions qui nous sont
faites ?
Voyez d'abord si messieurs les gouverneurs et les
commissaires d’arrondissement sont d'accord sur le remède qu'il faut apporter
au mal.
Le commissaire de l'arrondissement d'Anvers voudrait
que le Roi eût 1a faculté de prendre le bourgmestre hors du conseil ; mais il
voudrait que, dans tous les cas, le bourgmestre eût voix délibérative au
conseil.
Le commissaire de Malines propose deux systèmes : Ou
de faire nommer le bourgmestre et les échevins pour un temps indéterminé, ou de
laisser la nomination au Roi, qui pourrait le choisir, soit parmi les
conseillers, soit hors du conseil.
M. le gouverneur du Brabant voudrait que le
bourgmestre et les échevins fussent nommés par le Roi, parmi les électeurs de
la commune, pour un terme de huit ou dix ans.
Le commissaire de Bruxelles est d'avis que l'on
devrait modifier, non seulement l'art. 2 de la loi communale, mais aussi l'art.
Celui de Mons voudrait que la loi communale fût
modifiée dans ce sens que les bourgmestres et les échevins qui donneraient leur
démission, ou qui la recevraient, cesseraient de faire partie du conseil, et
ne pourraient pas être réélus pendant un terme de trois ou six ans.
Le commissaire de Tournay pense que l'on devrait
laisser au bourgmestre seul la direction des affaires journalières de la commune,
et particulièrement le soin de mettre à exécution les ordres et instructions
transmis ou donnés par le commissaire d'arrondissement.
Le commissaire de Verviers signale plusieurs lacunes
dans la loi ; il blâme le collège des bourgmestre et échevins comme rouage
administratif. Il voudrait, pour la nomination, que le choix du Roi ne fût pas
limité dans le conseil.
Celui de Huy signale aussi une dizaine d'articles de
la loi qui devraient être révisés. Il se prononce pour un système qui accorderait
au bourgmestre seul tout le pouvoir exécutif, et qui adjoindrait un seul
échevin, à nommer par le Roi dans le sein du conseil, et qui n'aurait que voix
consultative, quand elle ne préside pas le conseil en l'absence du bourgmestre.
M. le gouverneur de Liége voudrait que le nombre de
conseillers fût diminué ; que les bourgmestres et les échevins pussent être
choisis hors du conseil, mais que dans ce cas ils n'aient pas voix
délibérative. Il voudrait aussi que les échevins ne fussent que les délégués du
bourgmestre.
Si des avis des gouverneurs nous passons à ce qui se
présente dans cette chambre, nous trouvons aussi plusieurs systèmes en
présence. Nous avons, outre la proposition du gouvernement, le système de M.
Cools, le système de M. Malou renforcé par la section centrale, le système de
M. Vandenbossche. Nous avons eu sus l'amendement de M. de Theux, qui, à lui
seul, vaut bien un système, et l'amendement de M. de Brouckere. Que faire, que
choisir dans ce pêle-mêle ? Quelle certitude se présente de faire mieux que ce
qui existe, d'obtenir enfin une loi qui extirpe tous les abus ?
Les propositions de la section centrale sont celles
qui paraissent avoir le plus de chances de succès près de la majorité, et il
est même probable que M. le ministre de l'intérieur finira par s’y rallier. A
mon avis, il ferait cependant mieux de les combattre. Ces propositions,
messieurs, ne sont point choses nouvelles ; elles ont été produites et
discutées en plusieurs fois en 1834, en 1835 et 1836, et toujours elles ont été
repoussées par la majorité de la chambre, même avec une antipathie très
prononcée.
Une courte rétrospective des divers votes de la
chambre prouvera à l’évidence, et ne sera point inutile à la discussion.
Vous savez que le projet présenté en 1833 sur
l’organisation contenant, quant à la nomination des bourgmestres et échevins,
les propositions suivantes :
Projet de loi de 1833 : Le bourgmestre est
nommé par le Roi, soit en dedans, soit au dehors du conseil. Dans ce dernier
cas, il n'y a que voix consultative. Révoqué par le Roi.
Les échevins sont nommés dans le conseil par le Roi ou le
gouverneur.
Ce projet, messieurs, fut loin d'obtenir l'approbation
de la chambre ; dans un rapport qui forme un de nos documents parlementaires
les plus remarquables, M. Dumortier proposa, au nom de la section centrale, le
système qui fut adopté par la chambre en juillet 1834. Le voici :
Le bourgmestre sera nommé par le Roi dans le
sein du conseil. Les échevins seront nommés par le pouvoir exécutif sur
une liste de candidats présentés par le conseil et parmi ses membres.
Le second vote de la chambre eut lieu le 13 mars 1835.
En voici le résultat :
Le bourgmestre
est nommé par le Roi dans le sein du conseil.
Néanmoins, le Roi pouvait, lorsque des circonstances l’exigeaient,
et après avoir reçu l’avis motivé de la députation provinciale, le nommer hors
du conseil parmi les éligibles de la commune.
Les échevins
sont nommés par l’assemblée générale des électeurs.
Le sénat modifia la décision de la chambre.
Le bourgmestre,
au lieu de voix consultative, devait avoir voix délibérative dans le conseil
même, quand il était choisi hors de son sein.
Les échevins
devaient être nommés par le Roi dans le conseil.
Le 6 mars 1835, la chambre maintint, quant au bourgmestre, son vote du 13 mars
précédent.
Quant aux échevins,
elle décida qu’ils seraient nommés par le conseil et parmi ses membres.
Le 4 août
Le bourgmestre
devait être nommé et révoqué par le Roi, qui le prenait partout où il voulait.
Il présidait le conseil avec voix consultative et ne pouvait en être membre.
Les échevins
étaient élus par les électeurs.
Le bourgmestre était chargé seul de l’exécution des
lois et des règlements généraux.
En 1836, la chambre et le sénat adoptèrent à une
grande majorité, le système formulé dans la loi communale en vigueur.
Que résulte-t-il de ce court exposé ? C’est que,
d’abord, dans les divers votes de la chambre, le mode de nomination des
bourgmestres a toujours exercé une grande influence sur celui des échevins.
Quand la chambre accordait plus de latitude au pouvoir central pour le choix du
premier, elle ne manquait jamais de le restreindre quant aux seconds.
On voit aussi que le système de M. Malou surpasse
celui du projet présenté par M. de Theux, en 1835 ; projet qui, cependant,
avait trouvé bien peu de défenseurs dans la chambre.
Un système qui rencontre un assez grand nombre de
partisans, c’est celui qui consisterait à organiser la commune sur le même pied
que la province. Ce système, qui est celui de l’honorable M. Cools, a déjà été
présenté et soutenu avec un grand talent lors de la première discussion de la
loi, entre autres par notre honorable président, M. Fallon. Mais il fut combattu
avec non moins de force par d’autres orateurs, particulièrement par l’honorable
M. Nothomb. Voici comment ce dernier s’est exprimé sur ce point dans son
discours prononcé le 6 mai 1835. On me permettra, j’espère, la lecture d’un
passage de ce discours à cause de l’autorité dont il émane :
« Selon moi, messieurs, il n’y a pas de
similitude entre les deux institutions (le collège des bourgmestres et échevins
et la députation permanente), et il me sera facile de le prouver. La commission
permanente du conseil provincial n’est qu’un pouvoir délibérant comme ce
conseil lui-même, il n’est pas le pouvoir exécutif de la province, je ne parle
pas des attributions judiciaires qui en font un tribunal administratif. Le
conseil provincial n’a qu’une session annuelle qui peut être très courte ; on a
senti la nécessité de faire siéger, en quelque sorte, dans l’intervalle d’une
session à l’autre, une commission permanente, délibérant sur tous les objets
qui ne semblent pas d’un assez haute importance pour être réservés à la session
annuelle ordinaire ou pour autoriser une session extraordinaire. Faites
maintenant le parallèle entre ces institutions provinciales et les institutions
communales que vous protégez. Le conseil communal n’a-t-il qu’une session
annuelle fixe et limitée ? est-il dans la nécessité de se faire remplacer dans
l’intervalle de ses session par une commission permanente ? le
pouvoir que vous voulez déléguer à cette commission permanente de la commune,
est-ce le pouvoir de délibérer sur des objets qui ne semblaient pas assez
importants pour être soumis au conseil communale en assemblée générale ? A
toutes ces questions, vous êtes forcés de répondre non, et dès lors comment une
assimilation est-elle possible ? »
Vous le voyez, messieurs, l’assimilation parfaite
entre la province et la commune ne paraît point admissible à M. le ministre de
l'intérieur.
Un argument qui paraît faire de l’impression sur
beaucoup d’esprits, c’est qu’avec un bourgmestre choisi dans le sein du
conseil, les lois ne peuvent pas être bien exécutées. Mais, messieurs,
rappelez-vous que, pendant six ans, de
1830 à 1836, nous avons eu des bourgmestres tout à fait indépendants du pouvoir
exécutif et que cependant ils ont fait respecter les lois. Par conséquent, si
les lois ne sont point exécutées dans certaines communes, ce n’est point au
régime électif qu’on doit l’attribuer. Il faut bien se figurer, en effet, que
dans l’immense majorité de nos communes la partie notable, la partie influente
des électeurs tient à ce que la loi ne reste pas une lettre morte, et que ces
électeurs seraient les premiers à désavouer un bourgmestre faible et indolent.
Toutes ces appréhensions proviennent toujours de la
même source, de cette pensée qui préoccupe certains esprits et qui leur
représente le pouvoir central comme dénué de force en Belgique.
Messieurs, je pense, quant à moi, qu’il y a là
beaucoup d’exagération. Et d’abord je demanderai s’il existe un pays où le
pouvoir royal soit plus aimé que chez nous ? Naguère encore une tentative
insensée est venue menacé le trône ; de quelles preuves d’attachement,
d’affection, de dévouement la royauté n’a-t-elle point alors été entourée ?
Cette tentative a misérablement échoué et n’a excité partout que des sentiments
de pitié et de mépris. Or la force qui s’appuie sur la confiance et l’affection
est certainement la plus grande, et c’est surtout celle-là qu’il faut se garder
de détruire. Je demande si s’il existe un pays où l’ordre public soi plus
rarement troublé qu’en Belgique ?
Mais, dit-on, cela peut changer et il faut que le
peuple belge soit aussi sage qu’il l’est, pour qu’avec nos institutions, il n’y
ait pas à chaque instant du désordre. Messieurs, c’est précisément parce que le
peuple belge est un peuple sage, moral, religieux, et que l’amour de l’ordre est
inné chez lui que le congrès national a cru pouvoir lui donner des institutions
plus libérales qu’à beaucoup d’autres nations. Qui ne sait que les institutions
doivent être fondées sur le caractère des peuples, sur leurs mœurs, leurs
habitudes ? Qui ignore que dans un petit pays comme le nôtre le pouvoir central
n’a pas à beaucoup près besoin d’autant de force que dans un grand pays comme
la plupart de ceux qui nous envoisinent ? Le congrès national, cette assemblée
si éminente par le talent et le patriotisme des membres qui la composaient, le
congrès national ne l’ignorait point ; il a fondé nos institutions d’après
l’étendue du royaume, d’après les mœurs et la sagesse de la nation belge, et on
doit le reconnaître, jusqu’à présent, la nation belge ne l’a point démenti.
Mais s’écrie-t-on, il faut que la commune soit dans
l’Etat, et non l’Etat dans la commune, il faut qu’il y ait de l’unité, de la
centralisation ! Oui, sans doute, messieurs, il faut de l’unité dans un Etat,
mais c'est pour les grandes choses. Manque-t-il de force, d'unité pour les
franchises en Belgique ? Par exemple, pour la défense de la patrie ? Les
miliciens refusent-ils de se rendre exactement sous les drapeaux ? N'avons-nous
pas une armée dévouée, une armée qui fait l'admiration des étrangers ?
Les contributions ne rentrent-elles point au trésor ?
La justice ne s'administre-t-elle pas régulièrement sur toute la surface du
royaume ? Dira-t-on que le peuple belge manque d'unité pour faire les grandes
choses quand ont voi le magnifique réseau de chemins
du fer qu'il a construit malgré l'incertitude de sa position politique ?
Rassurons-nous, messieurs, le peuple belge n'est pas sur le point de se
disloquer en république fédérative, ces craintes sont chimériques et ne peuvent
venir que de la part d'hommes, bien intentionnés sans doute, mais qui, aussitôt
qu'un conseil communal ose élever la voix, qu'un empiètement a lieu sur un
chemin vicinal, ou qu'un bourgmestre n'obéit point assez vite à un commissaire
d'arrondissement, s'écrient que le pouvoir central est sans force, que nos
institutions sont mauvaises, que tout est perdu !
Messieurs, on a comparé à différentes reprises, dans
le cours de cette discussion, les institutions politiques françaises avec les
institutions belges, et plusieurs orateurs ont soutenu que l’on jouit de plus
de libertés en Belgique qu’en France. Je suis parfaitement de cet avis, si l’on
se borne à comparer les textes des lois, sans tenir compte des différences
énormes qui existent entre les deux pays. Mais si l’on fait attention que le
royaume de France contient 34 millions d’habitants, tandis que le nôtre n’en
contient que 4 millions, que
Et cependant voyons-nous qu'en France on songe à
modifier les institutions libérales émanées de la révolution de juillet ? Ah !
messieurs, il n'est pas en France un seul homme d'Etat assez téméraire pour
l'entreprendre et l'on est effrayé en pensant aux terribles conséquences qui
pourraient découler d'une semblable tentative.
L'honorable comte de Mérode attribuait dernièrement la
sécurité du trône de Louis-Philippe au dévouement de l'armée. Je pense, moi,
qu’il faut bien plutôt l’attribuer à la fidélité du Roi pour les institutions
que la nation s'est donnée. Ce grand roi, que l'Europe entière admire,
s'affermit chaque jour davantage sur le trône ; s'appuyant sur la charte comme
sur une base inébranlable, il a pu braver les factions, et maintenant il n'y a
plus en France qu'une poignée de misérables qui osent méconnaître sa sagesse et
lâchement conspirer contre ses jours.
Maintenant, messieurs, j'aborde le côté le plus
important de la question qui nous est soumise, c’est-à-dire le côté politique
ou plutôt électoral.
Nous avons à rechercher, nous a dit M. le ministre
dans son dernier discours, si, d'après la loi de 1836 combinée avec notre constitution,
le pouvoir exécutif se trouve, quant à la commune, dans ses véritables
questions d'existence.
On a dit que M. le ministre avait bien posé la question.
Selon moi, messieurs, sa définition est incomplète. Je dis qu'elle est incomplète,
car ce n'est pas seulement le pouvoir exécutif et (erratum, Moniteur belge
n°153 du 2 juin 1842) le pouvoir communal qui sont intéressés dans la grave
question qui nous occupe, c'est aussi le pouvoir législatif, ou plutôt le
régime représentatif tout entier. Déjà l'honorable M. Dumortier, dans
l'éloquent discours qu'il a prononcé, a attiré notre attention sur l'influence
immense de la loi que nous discutons pouvait donner au gouvernement dans les
élections générales. Mais ce n'est point d'aujourd'hui seulement que ces
craintes se sont produites ; dans la première discussion de la loi communale,
un grand nombre d'orateurs les ont manifestées. Voici, entre autres, comment
s'exprimait, en février l836, l'honorable abbé de Foere.
« Messieurs, je vous le demande, est-il une seule
institution qu'il importe plus au pays de maintenir dans toute sa pureté que
l'élection parlementaire ? N'est-elle pas la base fondamentale de notre
organisation sociale, de toutes nos institutions ? N'est-elle pas, je ne dirai
pas le plus sûr, mais le seul moyen efficace que possède le pays pour détruire
les abus qui existent et pour prévenir ceux qui ne tarderait pas de fondre sur
nous. Eh bien, je ne crains pas de le dire, multipliez les moyens de corruption
parlementaire et bientôt la représentation nationale n'existera plus dans le
sens propre et constitutionnel du terme et sa chute entraînerait toutes nos
institutions, toutes nos libertés, tous nos moyens de contrôle de prévention
et de répression.
« Je ne dirai pas que la pensée du ministère ou
d'une partie du ministère, est d'étendre ses moyens d'influences électorales en
cherchant à s'arroger la nomination des échevins ; je sais qu'à cela on me
répondrait par une dénégation formelle. Cependant je dirai qu’à la première
élection les faits viendraient détruire cette dénégation formelle.
« Il en est, je le sais, dans cette chambre qui
pensent que le gouvernement a le droit de
se recruter des partisans parlementaires au moyen de ses influences
électorales. Mais si ce droit est fondé, pourquoi les gouvernements
l’exercent-ils toujours dans les ténèbres et par des voies obliques et
détournées ? pourquoi se cachent-ils tous dans l’ombre ? pourquoi sont-ils
honteux de se montrer à découvert ? Il n’est pas dans la nature du cœur humain
de se cacher alors qu’il exerce un droit et non un abus. N’est-il pas
raisonnable de supposer que les gouvernements eux-mêmes ne s’arrogent pas ce droit,
et que par son action ténébreuse dans les élections, ils réfutent les adhérents
officieux qui cherchent à ériger en droit un abus évident et révoltant ? »
L’honorable M. Fallon disait aussi à son tour :
« Les places de bourgmestres et d’échevins sont des
place de faveur, elles seront recherchées, et trois fois de plus dans chaque
commune, et surtout dans les petites communes qui sont les plus nombreuses,
pourront aider beaucoup à débarrasser au besoin le terrain de la représentation
nationale, de tout ce qui pourrait par trop gêner ses mouvements (les
mouvements du gouvernement). »
« C’est là, n’en doutez pas, le plus beau côté de
ce système pour le gouvernement, et je crains bien, si l’on insiste, qu’il ne
finisse par délaisser le fruit de ses nombreuses méditations et rompre avec ses
dernières convictions, pour accepter ce mode de transaction. »
Certes, messieurs, ces craintes exprimées par des
hommes aussi sages, aussi modérés, ne sont point des craintes chimériques, et
la représentation nationale doit y faire une profonde attention.
Ce serait, en effet, une grave erreur et en même temps
une rare imprudence, messieurs, que de n’envisager le mode de nomination des
bourgmestres que sous le rapport purement administratif. Ces fonctionnaires, on
le sait, et M. le ministre de l’intérieur le sait sans doute mieux que tout
autre, ces fonctionnaires sont appelés à jouer un grand rôle dans les luttes
électorales, Soutenir le contraire, ce serait nier l'évidence, ce serait fermer
les yeux à la lumière, Or, je vous le demande, messieurs, quand ces magistrats
ne seront plus, dans la commune, que les agents du gouvernement, quand, choisis
par lui parmi les hommes déjà influents, ils seront le canal des grâces, des
faveurs du pouvoir ; quand ils seront nommés à vie et qu'après un certain laps
de temps ils auront su prendre une forte prépondérance dans les localités
soumises à leur administration ; je vous le demande, n'exerceront-ils pas une
immense action sur les électeurs des communes rurales, et cette action ne sera-t
elle point à la disposition du premier ministre qui voudra en faire usage ?
Aussi, remarquez-le bien, dans les divers pays soumis à un régime
représentatif, on s'est bien gardé de laisser ces magistrats à la merci du
gouvernement. L'honorable M. Dumortier vous a cité l'accord remarquable qui a
régné sur ce point entre les deux grands hommes d'Etat de l'Angleterre ; eh
bien, on peut ajouter qu'en France c'est ce motif tout politique qui a
puissamment contribué à faire adopter le système qui y est en vigueur.
En Belgique, messieurs, c'est aussi cette
considération qui a beaucoup influé sur les votes émis par la chambre sur la
loi communale, et il suffit pour s'en convaincre, de lire le rapport présenté
par M. Dumortier, le 10 novembre 1835.
A la vérité, M. le ministre de l'intérieur répondant à
M. Dumortier, dans la séance de vendredi dernier, lui a dit que jusqu'à présent
ses craintes ne s'étaient point réalisées.
Mais, messieurs, si ces craintes ne se sont point
réalisées jusqu'à présent, est-ce là un motif suffisant pour nous endormir dans
une funeste sécurité ? Ce qui n'est point arrivé depuis 1835, peut fort bien
arriver un jour ? Et s'il en était ainsi, si la représentation nationale venait
à être faussée, ne serions-nous pas entraînés à toutes les conséquences
fâcheuses que l'honorable M. de Foere et d’autres orateurs ont si bien
dépeintes ?
On dit que dans l'état actuel des choses les agents du
gouvernement n'ont point d'influence sur les élections. Cependant il est une
preuve évidente du contraire qui, je pense, ne sera contesté par personne.
C'est qu'il est bien peu de commissaires d'arrondissement dans le royaume qui
ne puissent se faire élire, soit à la chambre, soit tout au moins au conseil
provincial, par cela seul qu'ils sont commissaires d'arrondissement. Et
pourquoi ont-ils cette facilité ? précisément parce qu'ils sont en relations
continuelles avec les bourgmestres. Eh bien, quand au lieu de bourgmestres
dépendants en partie de l'élection, ils auront sous leurs ordres des
bourgmestres choisis par eux-mêmes et dépendants uniquement de leur autorité,
ne tiendront-ils pas dans leurs mains les élections des campagnes ?
Il est, je le sais, messieurs, des hommes qui désirent
voir le gouvernement agir et exercer une grande influence sur les luttes électorales.
Ils pensent peut-être que c'est un moyen à opposer, le cas échéant, à d'autres
influences qui pourraient se présenter et qu’ils considèrent comme
pernicieuses. Quant à moi, messieurs, je crois qu'aucune opinion extrême,
exagérée, quelle que soit sa nuance, ne parviendra jamais à dominer en
Belgique. Si une pareille opinion commençait à devenir menaçante, tous les
hommes modérés se ligneraient contre elle, et l'équilibre ne tarderait pas à
être rétabli. Mais si l'arme électorale, qu'on veut nous faire forger
aujourd'hui, tombait dans ses mains, la résistance ne deviendrait-elle
peut-être pas impossible ?
M. le ministre de l'intérieur nous affirme que dans le
projet de loi, il n'est aucune arrière-pensée de domination électorale. Je le
désire, et il n'est point dans mes intentions de contester la véracité de cette
allégation, Cependant, je dois le dire, quand je me rappelle la théorie de
l'honorable M. Nothomb, alors ministre des travaux publics, nous a développée,
en janvier 1840 sur l’intervention du gouvernement dans les élections, et sur
l'obéissance passive des fonctionnaires, théorie qui (j'en appelle à la mémoire
de mes collègues) fit une très fâcheuse impression sur l'assemblée, et provoqua
même une réplique assez acerbe de la part de mes honorables amis MM. d Huart et
Fleussu : quand je me rappelle, dis-je, à cette théorie, je ne suis point
complètement rassuré sur l'usage que M. le ministre ferait des 2,500 agents
qu'il aurait à sa disposition dans nos communes, si le projet de la section centrale
est adopté.
Mon opinion est donc, messieurs, que les dangers du
système qu'on vous propose sont plutôt dans ses effets politiques que dans ses
conséquences administratives. Je dirai même que si on veut absolument modifier
quelques dispositions de la loi communale, j'accorderai facilement au
gouvernement celles qui sont exclusivement administratives, mais que je ne puis
consentir à mettre dans ses mains une arme politique qui peut devenir funeste à
la représentation nationale.
Messieurs, dans votre dernière séance, l'honorable M,
de Garcia vous a demandé de respecter les intentions qui l'ont dirigé dans
l'opinion qu'il a émise. Je viens aujourd'hui vous demander pour moi la même
justice.
Il est, je le sais, des personnes qui, à propos de la
question qui s'agite, nous taxent d'exagération, d'être adversaires des
prérogatives du pouvoir royal, qui sait même de courir après une vaine
popularité.
Quant à moi, messieurs, je pense que les hommes
modérés sont ceux qui veulent maintenir nos institutions telles qu'elles sont,
sauf à en tirer le meilleur parti possible ; que ce sont ceux qui sont aussi
éloignes de l'exagération en faveur du pouvoir central, qu'en faveur des droits
du peuple. C'est parmi ces hommes, messieurs, que je tiens et que je tiendrai
toujours d'être placé. Si j'étais capable de n'agir que par calcul, ou de me
laisser impressionner par ma position et mes relations de société, je n'aurais
probablement point choisi la thèse que j'ai soutenue aujourd'hui, mais je
n'écouterai jamais, dans ma carrière parlementaire, que ce que me dicte la voix
de ma conscience, dans l'intérêt de mon Roi et de mon pays.
(Moniteur belge n°153, du 2 juin 1842) M. le président. – La parole est à M. Devaux.
M. Devaux. - Je parle dans le même sens que M. d'Hoffschmidt.
M. le président. - Il n'y a plus personne d'inscrit pour parler en
faveur de la loi.
M. Devaux. - Messieurs, quoique je ne pense pas que les
questions politiques doivent être bannies de cette enceinte, quoique je leur
assigne dans nos débats un rang très élevé, je consens toutefois à écarter de
la discussion qui nous occupe ce que la question peut présenter de politique ou
d'irritant et de me renfermer dans les faits, dans la question purement
administrative. Je tâcherai du moins, autant qu'il me sera possible, de me
maintenir sur ce terrain.
Messieurs, lors des premières discussions
parlementaires sur la loi communale, j'ai émis l'opinion que le pouvoir central
devait avoir une part plus forte que celle que la loi actuelle lui fait.
Après de longs débats, j'ai accepté toutefois une
transaction ; cette transaction ; c'est la loi actuelle. J'ai voté pour la
disposition qui oblige le gouvernement à nommer le bourgmestre dans le sein du
conseil, j'ai donné mon vote à la loi elle-même. Ce vote était loyal et sincère
; l’émettre, c'était prendre l'engagement de ne pas en revenir, à la première
occasion favorable, et par de frivoles motifs, de n'en revenir que si
l'expérience des faits m'en démontrait la nécessité. Je restai, je l'avoue,
avec quelques craintes, je ne crus pas à la perfection de la loi, je craignis
que le temps n'en mît à nu plusieurs vices, mais en même temps je demeurai bien
résolu à attendre cette démonstration de l'expérience.
Je savais qu'il y a deux manières de corriger
l'imperfection des lois : la première c'est de les faire disparaître par une
législation nouvelle ; la deuxième, et c'est souvent la meilleure, consiste à
les corriger dans l'application, dans l'usage, à l'aide du bon sens pratique
des administrateurs et des administrés.
L'effet général de la loi que nous votâmes en 1836,
son effet moral fut excellent. Ce fut dès ce moment, sous le rapport politique,
une question terminée pour toutes les opinions que celle de la nomination des
bourgmestres. Pendant trois sessions cette question avait agité les esprits,
avait été l'objet des discussions les plus vives, je dirai même les plus
ardentes. Après ce vote, cette question pour les partis fut terminée, elle a
disparu de la scène, on n'y pensa plus. On ne songea plus à réclamer davantage,
ni les uns dans un sens, ni les autres dans un autre sens. Il y a transaction,
non seulement entre les deux chambres, mais dans le pays.
C'est là messieurs, un fait extrêmement heureux,
extrêmement rare qui ne s'est réalisé peut-être que deux fois, pour la loi communale
et pour la constitution elle-même. La constitution après avoir été aussi, dans
beaucoup de ses dispositions, l'objet de débats très vifs, très irritants, a
fini par rallier toutes les opinions, tous les partis dans le pays ; la loi
communale avait produit cet effet heureux que ceux qui avaient voulu plus dans
un sens ou dans un autre avaient abandonné leurs prétentions, et s'étaient franchement
résignés à attendre les effets de l'expérience. Depuis le vote de la loi nous
avons vu le pays s'attacher de plus en plus à ses institutions, et les prendre,
chaque jour, plus au sérieux. A chaque élection, les statistiques
administratives en font foi, le nombre des votants s'est augmenté. A mesure que
nous nous éloignons de l'époque du grand mouvement qui a agité
Messieurs, il y a une grande différence entre les
principes qui doivent présider à la fondation d'une grande institution el ceux
qui doivent présider à sa réforme, à sa rectification. Quand on a devant soi
table rase, quand on crée une institution entièrement nouvelle, chacun de nous
que doit-il faire ? Il tâche de rendre l'institution aussi conforme qu'il est
possible à son opinion. Chacun soumet son système, ses principes et tâche d'y
ramener l'institution qu'on est en train de construire. Mais quand une
institution existe, quand elle a été mise à l'épreuve et qu'elle a pris racine,
alors, pour la modifier, la question devient tout autre ; il ne s'agit plus
seulement alors de nos opinions, nous sommes en présence des faits, nous devons
demander aux faits ce que nous demandions aux opinions. L’existence de la loi,
l'intérêt de la stabilité des institutions vient de peser tout son poids dans
la balance.
Je ne suis certainement pas partisan de l'immobilité
des lois. S'il existe quelque part dans le pays une loi condamnée par
tous, ou bien une loi qui maintienne l'irritation entre les partis, une loi sur
laquelle les opinions ne sont pas d'accord, une loi dont les vices sont réels
et n'ont pas cessé pendant plusieurs années d'être signalés par l'opinion
publique, je pourrai ne pas m'opposer à une réforme prudente, la désirer même.
Mais est-ce le cas dont il s'agit ? Je le répète, qui
d'entre nous avant le discours du trône, se doutait que l'exécution pratique de
la loi communale l'eût condamnée ? Tout le monde pensait au contraire que les
obstacles diminuaient chaque jour, que chaque jour ils disparaissaient, loin de
s'accroître.
J'ai entendu M. le ministre de l'intérieur et M. le
ministre des affaires étrangères prendre part à ce débat. Je croyais que
des hommes qui sont à la tète du gouvernement, à la tête des affaires du pays,
allaient chercher à nous convaincre par des raisonnements pratiques,
qu'ils allaient établir par des faits la nécessité de modifier le système
actuel. Ces messieurs nous ont exposé leurs principes théoriques ; ils nous ont
dit ce qu'en principe doivent être le pouvoir exécutif et la liberté communale.
La véritable question, ils l'ont perdue de vue, ils ont oublié de nous prouver
que les faits condamnent le système actuel ; qu'il ne pourrait être maintenu à
raison de ses résultats pratiques. Ils ont parlé comme si nous étions en pleine
révolution, comme si toutes les institutions étaient à terre, et qu'il ne
s'agît que d'en créer de nouvelles suivant les inspirations ou les caprices du
jour. Ils n'ont pas aperçu combien, sous ce rapport la situation actuelle
diffère de celle de 1830, et même de celle où se trouvait la législature en
1836. Car ,en 1836, il y avait nécessité de faire une institution nouvelle,
d'abord parce que la loi qui était en vigueur était par tout le monde
considérée comme provisoire.
Le congrès l'avait considérée comme telle ; il avait
décrété dans la constitution qu'une nouvelle organisation communale devait
avoir lieu. Dans l'opinion de tout le monde, la disposition de la loi, en vertu
de laquelle le bourgmestre était élu par le peuple, n'était que transitoire.
Cela est si vrai qu'il n'y a eu qu'une dizaine de voix pour maintenir ce
système ; encore je pense que les membres qui ont voté dans ce sens ne
voulaient pas le maintenir entièrement. Il était donc impossible alors de se
dérober à la nécessité d'innover. Aujourd'hui au contraire nous sommes en
présence d'une institution régulière, définitive, légalement établie depuis six
ans. Les nécessités bien constatées de l'administration pourraient seules nous
amener à la renverser. Ce n'est pas en développant telle ou telle opinion constitutionnelle,
telle ou telle théorie sur le pouvoir communal et sur le pouvoir exécutif,
c'est en fait qu'on est tenu de nous démontrer les vices de la loi actuelle et
la nécessité de la réformer. Un honorable membre qui a parlé hier, M. Dechamps,
partageait cet avis, au début de la discussion lorsqu'il demanda l'impression
de l'enquête, il nous dit, si j'ai bonne mémoire, que pour lui toute la
question était une question de faits, Je suis tous à fait de son avis. Mais
après cette déclaration, j'ai été surpris hier de voir qu'il comptât les faits
pour si peu de chose, et qu'il se renfermât dans des questions de théorie.
C'est un malheur des révolutions, que la nécessité de
faire table rase des institutions et des lois ; elle a pour effet non seulement
de bouleverser des institutions importantes, mais, ce qui est plus grave
encore, d'introduire dans l'esprit du pays des habitudes d'instabilité.
Pour ma part, en concourant à la fondation des institutions
qui ont été proclamées depuis douze ans, j'ai cru faire œuvre sérieuse. Je n'ai
pas cru, en leur donnant mon vote, pouvoir le lendemain, si la fantaisie m'en
prenait, défaire l'œuvre de la veille. Les institutions de
Ces principes, ce n'est pas la première fois que je
les professe dans cette enceinte. Je les ai pratiqués dans les moindres comme
dans les plus graves occasions. L'institution du jury avait été organisée d'une
manière imparfaite. Une réforme était si vivement réclamée, la nécessité en
était si évidente, que pas une voix, je crois, dans cette enceinte, ne l'a
contestée. Cependant j'ai été de ceux qui ont pensé qu'on allait trop loin dans
cette réforme, que l'on cédait à l’esprit de réaction, dans quelques
dispositions, et je les ai combattues. Lorsque le gouvernement est venu vous
proposer la réforme de certains droits de douanes existant à l'égard de
Dans les lois financières, j'ai suivi les mêmes
principes. Après que l'on eut baissé outre mesure les droits sur les
distilleries, je me suis toujours opposé à ce que l'on revînt brusquement et
sans transition à ce qui existait auparavant.
Mais ces principes, c'est surtout aux grandes
institutions politiques du pays qu'il importe de les appliquer.
Au congrès, j'ai été de ceux qui ont le plus vivement
combattu le mode actuel de la composition du sénat. Cinq ou six fois je suis
monté à la tribune pour m'y opposer. Les faits qui se sont passés depuis ne
m'ont pas fait abandonner mon opinion. Et cependant si un ministère, abondant
dans cette opinion, venait dans ce moment proposer la modification des
dispositions constitutionnelles, qui concernent le sénat, je serais le premier
à leur refuser mon vote et à blâmer son imprudence.
Je suis du nombre de ceux qui, dans le congrès, ont
voté contre la loi électorale. Je l'ai trouvée très défectueuse. L'opinion que
j'ai professée, je la professe encore ; cependant dans plusieurs occasions, on
a demandé la réforme de la loi électorale ; et jamais je ne me suis encore
associé a ces réclamations parce qu'entre l'opposition à une loi qui n'est pas
faite et l'abolition d'une loi qui existe, la différence est immense à mes
yeux.
Aujourd'hui ceux qui appuient la réforme de la loi
communale, de quel droit s'opposeraient-ils encore à la reforme électorale,
alors surtout que, comme moi, ils ont voté contre le système électoral
aujourd'hui en vigueur ?
Un honorable orateur qui fait partie depuis peu de
temps de cette assemblée et qui siège derrière moi, a émis des considérations
fort sages sur la nécessite de faire respecter le principe de la stabilité des
institutions. A la vérité, l'honorable orateur a ajouté que la question étant
posée, il fallait la résoudre, et il a fini par proposer des réformes plus
grandes que celles que le gouvernement lui-même nous avait soumises. Je pense
que l'opinion de l'honorable orateur est celle-ci : Avant tout, il faut
conserver ce qui existe, mais si l'on y touche, il y a tel changement qu'il
préfère à celui proposé par le gouvernement. Je ne pense pas qu'il veuille que,
par cela seul qu'une question de réforme, fût-elle la plus dangereuse, est
posée, on doive venir en aide aux réformateurs. Si pour qu'une réforme dût se
faire, il suffisait que la question en fût posée, si vous proclamiez ce
principe, les novateurs, soyez-en sûrs, ne se feraient pas attendre. Les
partis, ainsi encouragés, ne se feraient pas prier pour poser les questions.
Vous seriez bientôt tenus de rester constamment la hache à la main, car il vous
faudrait bouleverser nos institutions les unes après les autres. Après la loi
communale arriverait la loi électorale, et après la loi électorale la
constitution elle-même.
Ce que nous avons tous le droit et le devoir de
demander dans cette discussion, c'est que la nécessité de réformer la loi soit
bien constatée, qu'elle le soit d'autant plus rigoureusement, que jusqu’ici
elle n'est pas réclamée par l'opinion publique.
Vous voyez que j'accepte le terrain administratif que
c'est dans la discussion des faits que je veux circonscrire la question.
Dès l'origine, le gouvernement avait senti que c'était
par les faits seuls qu'il pouvait espérer de la faire résoudre. L’honorable M.
Liedts, dans sa circulaire, a commencé par demander aux commissaires
d'arrondissement de l'éclairer sur les faits ; je ne puis voir, je ne puis
donner à cette circulaire le caractère qui y ont donne par MM. Dechamps et de
Briey ; je ne puis voir là qu'un document purement administratif. L'honorable
ministre de l'intérieur de cette époque a très bien fait, à mon sens de
rechercher les abus qui pouvaient exister. Mais quand on regarde cela comme une
résolution de changer la loi, on est dans l'erreur, d'abord parce qu'un
ministre n’en a pas le droit. Il faut qu'une telle mesure soit arrêtée en
conseil des ministres ; je crois pouvoir assurer que le cabinet ne s’en est
jamais occupé.
M. Lebeau. - Jamais.
M. Rogier. - Jamais le conseil n'a été consulté sur ce point.
M. Devaux. - La circulaire de M. Liedts est un acte administratif
que je trouve tout naturel. Je trouve tout simple qu'un ministre de l'intérieur
veuille se rendre compte des effets de l'organisation administrative du pays.
L'exposé des motifs de M. le ministre de l'intérieur
nous présente aussi la question comme étant une question de fait. Il porte :
« Une expérience de cinq années a révélé les
inconvénients graves qui résultent, dans certaines circonstances, de
l'application impérieuse du principe.
« Ces inconvénients, signalés au gouvernement,
avaient attiré toute son attention.
« La question de savoir s'il y avait lieu d'y remédier a fait l'objet d'une
instruction commencée par le cabinet précédent ; des convenances, que
tout le monde appréciera, ne permettent pas d'en livre les résultats à la
publicité.
« Cette instruction et l'expérience quotidienne
constatent que dans beaucoup de cas les bourgmestres, dans l'exercice de leurs
fonctions, se montrent trop préoccupés de leur réélection.
« Sans entendre offenser personne, calomnier ni
le caractère national ni le cœur humain, il est permis de dire que l'exécution
des lois et règlements sur les chemins vicinaux, sur la police, sur la
fermeture des cabarets, sur la chasse, sur la milice, la garde civique, en
un mot, que l'exécution de toutes les dispositions législatives ou
réglementaires qui imposent des charges aux administrés électeurs, se ressent
très souvent de cette préoccupation.
« Nous croyons inutile de préciser les cas
nombreux où des bourgmestres n'ont pas su se soustraire de la crainte de
mécontenter des électeurs influents. Il nous suffira d'ajouter que les administrations
provinciales, frappées de ces abus, réclament presque unanimement une
mesure propre à rendre moins dépendant le principal agent du pouvoir exécutif
dans la commune. »
Je remarque en passant qu'il y a erreur dans les
dernières paroles de M. le ministre. Les administrations provinciales,
c'est-à-dire les députations permanentes, non seulement ne réclament pas
unanimement, mais elles n'ont pas même été consultées. Et lorsqu'on a voulu
dans cette chambre qu'elles le fussent, M. le ministre s'y est opposé.
Vous voyez, messieurs, que, de l'aveu du gouvernement,
ce sont ces faits qui ont provoque la nouvelle loi ; c'est la connaissance de
certains faits, résultat de l'application de la loi de 1836, qui a porté à vous
en demander la réforme.
Maintenant, messieurs, que nous sommes d'accord avec
le gouvernement qu'il n'y a lieu à réforme que pour autant que les faits soient
probants, que la nécessite en soit établie en faits, procédons à l'examen des
faits.
En fait, d'abord, messieurs, quelle épreuve la loi actuelle
a-t-elle subie quant à la nomination du bourgmestre ? Une seule. Et à quelle
époque ? Quand on n'avait encore aucune expérience de la loi. Depuis cette
époque, personne ne le niera, dans toutes les parties du pays, l'intelligence
politique a fait de grands progrès. L'intelligence, non seulement politique,
mais l'intelligence des affaires a fait des progrès. Les élections, messieurs,
depuis cette époque, et les rapports des députations permanentes en font foi,
les élections ont été bien plus fréquentées, signe que nos institutions sont
bien plus prises au sérieux.
L'action du pouvoir est devenue bien plus facile dans
les communes, les idées hostiles aux droits du pouvoir qui existaient
autrefois, se sont progressivement effacées.
Et cependant, messieurs, c'est après cette épreuve,
cette seule épreuve faite en 1836, dans des temps déjà si différents de ceux où
nous nous trouvons, qu'on veut condamner le système existant.
Je dis après cette seule épreuve. Mais, messieurs, il
n'y a pas eu même épreuve. Vous ne connaissez pas le résultat pur et simple de
la loi une fois appliquée. Car en 1836, qu'est-ce qui a eu lieu ? Le
bourgmestre nommé en 1836 était-il le vrai résultat de la loi ? Non. Pourquoi ?
Parce que, quand on introduit une législation nouvelle, on est obligé
d'accepter en fait l'héritage du passé. Les bourgmestres nommés en 1836 ne
sont pas les bourgmestres de la loi de 1836 ; ce sont la plupart des
bourgmestres que vous avez hérités forcément de la loi de 1830.
Cela est si vrai qu'en 1836 presque partout les
bourgmestres anciens ont été réélus et confirmés par le gouvernement.
Ainsi, messieurs, vous n'avez pas même fait en 1836
l’épreuve de la loi, parce que moralement le gouvernement a été obligé de
renommer des bourgmestres qui n'étaient pas le projet de la nouvelle loi, mais
le produit de l'ancienne loi, de l'élection directe.
Comment les résultats de cette épreuve si incomplète
sont-ils constatés ?
Nous avons les rapports des commissaires de district.
Car les gouverneurs ne font guère que résumer, que reproduire les rapports des
commissaires de district. Messieurs, certainement il fallait commencer par
consulter les commissaires de district, parce que, s'il existe des vices
résultant du mode de nomination des bourgmestres ; si la loi donne lieu à de graves
inconvénients, évidemment les commissaires de district doivent les connaître et
s'empresseraient de les signaler ; cependant de bonne foi, quelle est la
position des commissaires de district dans cette question ? Je fais grand
cas de ces fonctionnaires et des services, souvent trop peu appréciés, qu'ils
rendent ; ce sont eux qui mettent le pouvoir central en contact avec les
communes, et qui font en quelque sorte descendre la civilisation administrative
dans toutes les moindres ramifications locales. Mais soyons justes ; qu'a-t-on
demandé aux commissaires de district ? On leur a simplement poser cette
question : Voulez-vous que le gouvernement augmente votre pouvoir ? Car quel
est le but de la loi ? tout le monde en convient, c'est d'étendre l'action du
pouvoir central, dont le commissaire de district est le représentant, ou bien
de diminuer l'indépendance de la commune, cette indépendance qui est
constamment un obstacle à l'action du commissaire de district.
Ainsi la question adressée aux commissaires de
district est celle-ci : Voulez-vous une extension de pouvoir ? Or, messieurs,
dans quel rang d'une administral1on, quelle qu'elle soit, financière, administrative,
judiciaire, dans quel rang d'une administration trouverez-vous des
fonctionnaires qui, si vous leur proposez d'étendre leur pouvoir, se chargeront
de vous prouver que vous avez tort.
Il faut donc tenir grand compte de cet intérêt de
position qu'ont les commissaires de district à diminuer l'indépendance des
communes, à augmenter l'action du pouvoir central.
Remarquez qu’ici je ne blâme personne. Je sais les
dispositions d'esprit qu'on contracte dans une position donnée ; je sais que
des commissaires de district souvent plus éclairés, plus actifs que les
bourgmestres, doivent souvent regretter de ne pas les voir se conformer plus
docilement à leur action. Mais je dis que dans une enquête où ces
fonctionnaires seuls sont consultés, il faut tenir compte de cette position,
non pas quand ils constatent des faits précis, parce que je les crois incapables
d'alléguer des faits faux, mais lorsqu'ils énoncent des opinions, on allègue
des faits généraux dont ils n’apportent pas de preuve.
Je dirai que de cette espèce d'hostilité des
commissaires de district contre le mode de nomination des bourgmestres, il est
résulté dans les bureaux une espèce de lieu commun ; c'est que tout ce qui
arrive de mal dans les communes, on le met sur le compte du principe électif.
Tout ce qui arrive de mauvais, toutes ces petites irrégularités qui existaient
autrefois comme aujourd'hui, et qui étaient attribués à d'autres causes,
aujourd'hui par une espèce de lieu commun, on les reporte sur l'élection
directe.
Si on l'on fait une véritable enquête, pourquoi s'en
est-on tenu aux commissaires de district ? Encore une fois, je crois qu'on a eu
raison de commencer par là, mais l'enquête n'est pas achevée. Pourquoi n'a-t-on
pas consulté les conseils provinciaux ? Les conseils provinciaux, messieurs,
ont bien été consultés sur le projet de loi relatif à la voirie vicinale et sur
d'autres lois. On consultait sur des faits ; pourquoi ne pouvait-on demander
aux membres des conseils provinciaux, qui sont en contact avec les communes,
les résultats bons ou mauvais de la législation actuelle ?
Pourquoi les députations permanentes n'ont-elles pas
été consultées, les députations permanentes dont la plus grande partie des
fonctions est le contrôle de l'administration communale, et dont il fallait
certainement avoir l'avis aussi bien que celui des commissaires de district ?
Car certainement les députations, chargées de contrôler constamment
l'administration communale, étaient en position de donner sur cette
administration, soit dans tel sens, soit dans tel autre une foule de vues
nouvelles.
Non seulement on n'a pas recouru aux députations provinciales
dans la question de la nomination des bourgmestres qui nous occupe, mais on n'a
pas voulu les entendre dans une question qui intéresse directement leur pouvoir
et sur laquelle on ne pouvait pas les condamner sans les entendre.
Ainsi le ministère propose d'accorder au gouvernement
la révocation pure et simple du bourgmestre. Aujourd'hui le gouvernement ne
peut révoquer un bourgmestre que sur l'avis conforme de la députation
permanente. Quelle est l'enquête qui a été faite sur cette question, question
très grave, presque aussi grave sinon plus grave que celle de la nomination ?
Il n'y en a pas eu ; vous ne trouverez pas un fait, pas une ligne dans
l'enquête pour prouver que le gouvernement doive ôter aux députations leur
intervention dans la révocation des bourgmestres. Y a-t-il une députation qui
ait refusé une seule fois de révoquer un bourgmestre dont le gouvernement
désirait la révocation ? Il est probable que non, car on ne nous en dit rien ;
nous ne trouvons nulle part un mot à cet égard.
Ce sont les députations aujourd'hui qui contrôlent les
budgets des communes. Le gouvernement leur ôte ce contrôle pour se l'attribuer.
Qui a-t-on consulté sur ce point ? Personne. Parcourez l'enquête ; on vous a
communiqué quelques chiffres dont nous examinerons la valeur plus tard ; mais
ni les députations permanentes, ni les commissaires de district n'ont été
consultés sur cet objet dans l'enquête ; les faits semblent ainsi plutôt le
prétexte que le motif réel de la loi.
Et cependant, messieurs, nous avions d'autant plus de
droit de nous attendre, d'après les antécédents, à une constatation complète
des faits, que le ministre de l'intérieur se complait d'ordinaire dans ce genre
de travail ; il aime les rapports ; on pourrait en quelque sorte l'appeler l'homme
de l'enquête. Il n'est pas si petite question sur laquelle il ne se soit
toujours empressé de rédiger d'amples renseignements de faits.
Quoi qu'il en soit, messieurs, voyons cette enquête
telle qu'elle est, voyons surtout les faits. Mais disons d'abord ce qui a déjà
été dit : qu'il ne faut pas, quand on fait une investigation sur l'état
administratif d'un pays, sur l'état administratif de 2,500 communes,
s'attendre à trouver tout ce qui concerne ces communes dans un état
satisfaisant. Pousser l'exigence jusque là, ce n'est pas vouloir une réforme,
c'est ne vouloir d'aucune loi, c'est se mettre dans la nécessité de réformer
tous les ans.
L'enquête, messieurs, pourrait presque se résumer
ainsi : d'abord les considérations de MM. les commissaires de district ;
celles-là sont unanimes contre la législation existante. Puis les faits. Les
faits, messieurs, les faits les plus importants peuvent se grouper en trois
classes : ce qui a rapport à la police des cabarets, ce qui a rapport à la
milice, ce qui a rapport à la voirie vicinale. Cette dernière partie est la
plus importante des trois.
La police des cabarets, messieurs, à aucune époque ne
s'est faite rigoureusement dans les communes rurales ; les bourgmestres, dans
les communes, se trouvent au milieu de personnes avec lesquelles ils sont
continuellement en contact, et ils aiment mieux fermer les yeux sur de petits
abus de cette espèce que de les désobliger. Cet abus a existé de tout temps, et
cela est si vrai qu'à plusieurs époques, comme encore aujourd'hui, les
commissaires de district et les procureurs du Roi ont été d'avis que si l'on
voulait une police plus rigoureuse dans les campagnes, il fallait prendre les
agents de police en dehors de la
commune, qu'il fallait créer une police à coté des juges de paix, une police
cantonale.
Quant à la milice, messieurs, je crois que ce grief,
on en a fait suffisamment justice en faisant remarquer que ce n'est pas le
bourgmestre seul qui délivre les certificats de milice, mais que ces
certificats sont délivrés par le bourgmestre, assisté de deux conseillers
communaux, qui, quoi que vous fassiez, seront toujours élus. D’ailleurs, les
certificats de milice ont toujours donné lieu à quelques abus, comme je vous le
prouverai tout à l’heure.
Les commissaires de district qui raisonnent le plus
leurs rapports avouent aussi que le grief qui concerne la milice doit être
attribué plutôt à la loi sur la milice qu'à la loi communale, que c'est dans la
loi sur la milice qu'il faut donner plus d'action à l'autorité supérieure.
J'en viens, messieurs, aux griefs qui concernent la voirie vicinale, et j'avoue
qu'à mon avis ce sont les plus importants.
Mais, chose singulière, messieurs, les commissaires de
district, en dehors comme dans cette enceinte, paraissent avoir oublié que nous
avons fait, en 1841, une loi sur la voirie vicinale, qui a précisément pour
but, dans une grande partie de ses dispositions, de suppléer à l'action des
bourgmestres et de la renforcer. Messieurs, nous avons, dans cette loi
nouvelle, publiée seulement le 10 avril 1841, étendu du bourgmestre au
commissaire-voyer et au commissaire de district le droit de constater tous les
délits. Ainsi, messieurs, qu’importe maintenant qu'un commissaire de district
vienne dire qu'on a empiété sur les propriétés communales et que le bourgmestre
s'est refusé à le constater ? Mais ce commissaire de district avoue son propre
tort ; le commissaire de district, aussi bien que le bourgmestre, était tenu de
constater le délit.
Nous avons été plus loin encore, messieurs, dans la
loi sur la voirie vicinale ; voici quelques-unes des dispositions de cette loi.
« Art. 18. Sur la proposition des conseils
communaux, la députation du conseil provincial peut convertir en argent les
prestations en nature, dans les communes où ce mode lui paraît plus avantageux
aux intérêts de la localité. La députation du conseil provincial pourra même,
sans l'approbation du gouvernement, ordonner d'office cette conversion. »
Ainsi messieurs, vous voyez que si les prestations en
nature offraient de trop grands abus, les députations provinciales sont armées
des moyens d'y obvier en convertissant les prestations en taxes pécuniaires.
Mais il y a bien plus. Voici l'art. 22 de la loi nouvelle.
« Dans le cas où un conseil communal chercherait
à se soustraire aux obligations imposées par le présent chapitre, la
députation permanente fait dresser d'office le devis des travaux, arrête les
rôles après avoir entendu le conseil communal, ordonne l'exécution des travaux
et en mandate le paiement sur la caisse de la commune, le tout en conformité de
l'article 88 de la loi communale. »
Ainsi, messieurs, la députation permanente peut faire
faire les travaux d'office. Quant aux droits des bourgmestres qui ont été
étendus aux commissaires voyers et aux commissaires d'arrondissement, voici
les termes de la loi.
« Art. 30. Il pourra être institué des
commissaires voyers par les règlements provinciaux. »
« Art. 31. Les bourgmestres et échevins, les
agents de la police communale et les commissaires voyers auront le droit de
constater les contraventions et délits commis en matière de voirie vicinale et
d'en dresser procès-verbal. Leurs procès-verbaux feront foi jusqu'à preuve
contraire. Les commissaires d'arrondissement pourront faire personnellement, ou
requérir ceux que la chose concerne de faire tous les actes nécessaires à
l'effet de constater les contraventions et délits en matière de voirie
vicinale. »
Voilà, messieurs, quelques-unes des dispositions que
nous avons insérées dans la loi sur les chemins vicinaux. Comme cette loi est
d'une date récente, il est possible que les commissaires de district, quand ils
ont fait leurs rapports, n'aient pas pris garde à cette législation nouvelle ;
je crois même que quelques-uns de leurs rapports sont d'une date antérieure à
la publication de la loi.
Maintenant, messieurs, permettez-moi de parcourir
rapidement une analyse que j'ai faite des rapports de MM. les commissaires
d'arrondissement et gouverneurs, en retranchant, comme je l'ai dit, les
considérations générales et en ne tenant compte que des faits.
Je commence par la province d'Anvers.
Le commissaire de l'arrondissement d'Anvers dit que
lors des dernières élections communales, dans plus d'une commune, le seul
conseiller non élu a été l'échevin, et que le nombre des échevins éliminés a été
comparativement plus grand que celui des conseillers.
Je m'arrête à ce premier fait, et j'avoue que c'est un
des plus graves de l'enquête.
Il paraîtrait en résulter en effet une espèce
d'acharnement des électeurs contre les échevins. Si les échevins avaient été
éliminés dans la même proportion que les conseillers, la chose serait toute
naturelle ; il faut bien qu'ils subissent le même sort, ayant la même origine.
Mais ici il y avait une espèce de préférence d'exclusion pour les échevins ; ce
fait, messieurs, je le répète, m'avait frappé. J'ai voulu le vérifier ; j'ai
pris le rapport au roi de l'honorable M. Liedts sur l'administration des
provinces ; et j'ai vu que les dernières élections communales ont donné, dans
la province d'Anvers, 126 conseillers nouveaux et 38 échevins nouveaux ; or,
les conseillers nouveaux sortants étaient au nombre de 415 ; il y a donc eu 30
conseillers nouveaux sur 100 ; les échevins sortants étaient au nombre de 145 ;
il y en a donc eu 26 sur l00 ; ainsi comparativement, il y a eu plus de
conseillers remplacés que d'échevins, Voilà ce qui a eu lieu pour la province
d'Anvers ; il est donc probable que le fait signalé par le commissaire de
l'arrondissement d'Anvers est erroné ; ce qui a eu lieu pour toute la province
a sans doute eut lieu dans cet arrondissement. S'il en était autrement, on voit
qu'il y aurait eu compensation dans les autres arrondissements de la province.
Je lis ensuite dans ce même rapport les faits suivants
:
« Un bourgmestre a été menacé d'être éliminé aux
élections, s'il n'usait d'indulgence dans l'exécution des chemins vicinaux. Un
autre a reçu la même menace pour qu'il annulât un procès-verbal de délit de
chasse. »
Ainsi, messieurs, deux bourgmestres ont été menacés
par deux électeurs de ne plus être réélus. Mais à moins de prétendre que les
élections des bourgmestres doivent se faire à l'unanimité, on ne peut pas, ce
me semble, alléguer un grief plus insignifiant.
Le commissaire de l'arrondissement de Turnhout dit
dans son rapport qu'il est arrivé que personne ne voulait accepter la place de
bourgmestre et qu'elle a dû rester vacante.
Ce fait est reproduit par le gouverneur, qui dit que,
lors d'une tournée qu'il a faite dans la province, il a trouvé en effet une
commune où la place de bourgmestre était vacante en ce moment, parce que
personne ne voulait l'accepter ; le même fait se présente, comme vous le
verrez, dans une commune du district de Louvain. Il paraît dont qu'en ce moment
il y a en Belgique deux communes qui sont dans ce cas, mais je demanderai depuis
combien de temps ces communes sont ainsi privées de bourgmestre et pendant
combien de temps elles le seront encore. Je reviendrai d'ailleurs tout à
l'heure sur cette question, et je demanderai si l'on croit qu'avec un autre
mode de nomination il n'y aura jamais de communes qui seront pendant quelque
temps sans bourgmestre.
« Les bourgmestres, dit le commissaire de
district de Turnhout, ou des officiers de police locale délégués redoutent de
faire exécuter les règlements de police locale. Ils craignent les
électeurs. »
Ce fonctionnaire n'entre dans aucune explication ; je
pense qu'il s'agit ici de la voirie vicinale ; et j'ai dit tout à l'heure ce
qu'il fallait penser des abus que l'on a signalés relativement à cette matière.
J'ai fait remarquer que nous avons voté récemment une loi destinée à porter
remède à ces abus.
Le commissaire de district de Malines dit qu'il n'est
jamais parvenu à sa connaissance que des bourgmestres, par crainte des
électeurs aient transigé avec leurs devoirs, soit pour l'exécution des
règlements de police, soit pour la délivrance des certificats de milice, ou de
toute autre manière quelconque.
Cette déclaration est complètement satisfaisante pour
ceux qui demandent le maintien de la législation actuelle ; seulement M. le
commissaire ajoute que le mode actuel de nomination donne naissance à des
désunions. Je crois, messieurs, que comme les échevins et les conseillers
devront toujours être élus, la désunion, si désunion il y a, continuera
d'exister ; quel que soit le mode que l'on adopte pour la nomination des
bourgmestres, dans quelques années d'ici, MM. les commissaires d'arrondissement
pourront dire encore que le mode en usage amène la désunion dans les communes.
Voilà, messieurs, tout ce qui concerne la province d'Anvers
; vous voyez que tous les faits signalés se réduisent à ceci ; deux
bourgmestres menacés par deux électeurs, et une commune où il y a difficulté de
trouver un bourgmestre.
Pour le Brabant, voici en abrégé, ce que dit le
commissaire de district de Bruxelles :
« Il n'arrive que trop souvent qu'un certificat
de milice est refusé pour favoriser un voisin plus puissant. » M. le
commissaire d'arrondissement évalue à un tiers le nombre de ceux qui réclament
comme soutiens de leurs parents sur lesquels les bourgmestres consultent les
conseils de milice. Mais il ajoute : « Jusqu'ici l'inconvénient n'est pas
bien grave, puisqu'au demeurant justice est faite. » Suivant lui, le mal se
commet par les administrations qui dans cette matière ne consultent pas d'autres
autorités, Les faits précis manquent ici, ce sont plutôt des conjectures, Et
nous verrons combien elles sont contredites par d'autres rapports.
Le même fonctionnaire dit que, pour la réparation des
chemins, les électeurs sont épargnés, qu'il en a eu souvent la preuve lorsqu'il
était dans le Limbourg. Mais la nouvelle loi de la voirie vicinale a mis la
députation a même de convertir en argent les prestations en nature, et de
remédier ainsi aux abus s'ils étaient graves. La répartition des taxes, dit-il,
atteint des familles dans la gêne, qui n'ont pas de moyen de vengeance.
Mais la répartition des taxes n'est pas l'affaire du
bourgmestre seul, c'est le conseil qui répartit les taxes ou qui nomme les
répartiteurs, d'après la loi communale.
Le commissaire du district de Louvain dit que, par
suite de la loi actuelle, le gouvernement est forcé de faire des choix
médiocres ou d'ajourner sa nomination, c'est ce qui a lieu, dit-il, pour deux
communes de son arrondissement, Dans l'une des deux communes le bourgmestre va
donner sa démission ; ainsi la place n'est pas même encore vacante ; dans
l'autre, le premier échevin ne veut pas accepter, les autres conseillers
refusent également parce qu'ils n'ont pas été l'objet des premières avances.
Il y a donc deux ou trois communes en Belgique où
pendant quelque temps on éprouve quelque difficulté à nommer un bourgmestre. Ce
sont des difficultés, je dois le dire encore, qui se sont présentées dans tous
les temps ; de tout temps, et je vous en donnerai tout à l'heure la
preuve, de tout temps il y a eu des communes où il y a eu momentanément de
grandes difficultés à composer l'administration communale.
Ces difficultés pourraient très bien se représenter
sous une loi nouvelle, sans être la condamnation de la loi. Si la loi nouvelle
peut faire cesser quelques difficultés existantes, elle en créera certainement
d'autres qui n'existent pas aujourd'hui.
Le commissaire du district de Louvain dit ensuite que
les bourgmestres ont de la répugnance à faire entretenir les chemins, à faire
la police des cabarets ; il en est de même de toutes les mesures de police.
Mais il ne parle pas de la nouvelle loi sur la voirie
vicinale. Il ne dit pas que de tous temps certaines mesures de police ont
rencontré la même répugnance chez les bourgmestres.
Une administration n'a osé faire exécuter la loi sur
les ports d'armes qu'après avoir consulté le conseil communal.
Cependant elle a fait respecter la loi sur le port
d'armes. Ainsi, ce n'est pas là un inconvénient bien majeur.
Le même fonctionnaire ajoute :
« L'exigence électorale est cause de la négation
de ce pouvoir (celui des bourgmestres) ; mais je ne pourrais, dans ce moment,
citer des faits arrivés à ma connaissance, etc., etc. »
C'est le refrain de plusieurs commissaires de district
:
« Je ne pourrais pour le moment citer des faits,
etc. »
Cependant M. le commissaire du district dans son
rapport ainsi que dans son discours à la chambre conclut qu'une influence électorale
très forte agit constamment sur le bourgmestre ; et il ne peut citer des faits
arrivés à sa connaissance.
Que dirait-il, si quelqu'un soutenait que son action
de commissaire de district est annulée par l'influence électorale exercée sur
lui par ses mandataires, et si pour toute preuve on ajoutait :
« Je ne puis pas citer de faits ; il n'en est pas
arrivé à ma connaissance. »
Messieurs, ce sont là des raisonnements, mais non des
enquêtes.
M. le commissaire de l'arrondissement de Nivelles dit
:
« Il m'est bien difficile de répondre
catégoriquement à votre dépêche et en citant des faits positifs. » Il
fait remarquer en ce qui concerne les certificats de milice, « que les
bourgmestres ne les signent qu'avec deux conseillers. » Si la crainte de
ne pas être réélus les portait à accorder ou refuser trop facilement les
certificats, le mal serait sans remède.
Et cependant ce commissaire de district, qui désire
vivement que l'action des commissaires de district, aussi bien que celle du
pouvoir central, soit étendue, il convient que les irrégularités qui concernent
les certificats de milice ne peuvent être attribuées à la nomination du
bourgmestre.
Le même fonctionnaire a eu occasion de rappeler à
l'exécution de la loi des conseils communaux où personne ne voulait être
certificateur.
Il cite un cas ; et il ajoute qu'un conseiller nommé
d'office a cependant accepté. Ainsi, cette fois, le mal n'est pas bien grave.
Selon lui, on a accordé ou refusé avec trop de
sévérité des certificats de milice dans cinq communes. Le refus des membres du
conseil, de signer un certificat, a amené la démission d'un bourgmestre.
Ainsi un bourgmestre a donné sa démission parce que
les conseillers n'avaient pas voulu signer ; la nouvelle loi n'obvie en aucune
manière à cet inconvénient. Au reste, le même fonctionnaire ajoute qu il
n'oserait pas affirmer que ces actes aient eu pour motif la crainte de déplaire
aux électeurs, d'autant plus, qu'en général il s'y agit d'individus
appartenant à la classe pauvre de la société. Il est plutôt disposé à croire
que les désagréments, les plaintes intéressées ou les menaces en sont cause.
L'auteur de ce rapport ajoute que c'est lorsqu'il
s'agit de contraventions de police, d'empiétements sur les chemins vicinaux, de
réparations de ces chemins, quelquefois même de délits à constater que la
crainte d'une non-réélection agit sur l’esprit des bourgmestre et échevins.
Quand il n'aurait pas de preuves, dit-il, il les puiserait dans la connaissance
du cœur humain.
Je crois que nous pouvons exiger ici des preuves un
peu plus rigoureuses. Un bourgmestre a dit que, la veille des élections, il
craignait de faire curer la rivière.
Pour le curage des rivières et des courants d'eau, je
rappellerai que, lors de la discussion de la loi sur la voirie vicinale, on a
voulu introduire des dispositions ayant à peu près le même but, en ce qui
concernait les courants d’eau, que les dispositions du projet de loi, en ce qui
concernait les chemins.
Mais M. le ministre de l'intérieur de cette époque a
annoncé qu'il serait présenté une loi spéciale pour le curage des courants
d’eau.
Ainsi, s'il y a des lacunes dans la loi, relativement
au curage des rivières el des courants d'eau, c'est une loi spéciale qui
viendra les combler.
M. le commissaire d'arrondissement de Nivelles ajoute
encore que le nombre des démissions va en augmentant, mais il l'attribue au peu
de pouvoir des bourgmestres. Ils répudient surtout les attributions de la
police.
Maintenant on veut leur donner à eux seuls ces
attributions ; je ne sais si c'est là un moyen de faciliter les acceptations.
Le rapport attribue à la même cause la démission d'un bourgmestre, qui ne se
faisait pas remarquer par sa fermeté (voilà une démission qu'il ne faut pas
beaucoup regretter) ; celle d'un échevin qui a cependant consenti, à la demande
de M. le commissaire, à continuer ces fonctions.
Quand même l'échevin n'aurait pas consenti, vous ne
trouveriez pas dans la nouvelle loi un moyen d'obvier à cet inconvénient,
puisque jusqu'à présent du moins elle ne concerne pas les échevins.
Voilà le résumé des rapports adressés par messieurs
les commissaires du district du Brabant. Voici ce qu'ajoute M. le
gouverneur :
« Lors des troubles à Wavre, il a vu un exemple
du peu d'influence du gouvernement sur les collèges échevinaux. » Comme M.
le gouverneur n'explique point cette affaire, ni en quoi le gouvernement a
manqué d'influence, il est impossible d'apprécier l'importance du fait.
« Les électeurs, dit M. le gouverneur du Brabant,
s'arrangent pour n'élire qu'un conseiller capable d'être bourgmestre, s'il
refuse (comme cela est arrivé à E***), on est forcé de laisser la commune sans
bourgmestre, ou de nommer un homme incapable. »
Il me semble que la conséquence à tirer de là, est que
dans ces communes il y aurait lieu de dissoudre le conseil.
Le gouverneur ajoute qu'on a vu des consei1lers donner
leur démission en masse, ne pas vouloir reprendre leurs fonctions ; s'il y
avait une place d’échevin vacante, le gouvernement ne pouvait y pourvoir. Il
cite, pour exemple, ce qui s'est passé dans la capitale.
Quel remède la nouvelle loi vous donne-t-elle contre
de pareilles démissions ? Lorsque le gouvernement nommera un bourgmestre en
dehors du conseil, empêcherez-en vous les conseillers à qui ce bourgmestre ne
plairait pas de donner leur démission ?
« A E*** 5 conseillers viennent de donner leur
démission, ils donnent pour motifs des griefs contre le bourgmestre. Ils
veulent l'éloigner. »
Est-ce que sous la nouvelle loi les conseillers
n'auraient pas les mêmes griefs contre le bourgmestre ? et ne chercheront-ils
pas à l'éloigner.
« A D*** par suite d'une décision du gouvernement
relative aux chemins du la commune, tout le conseil et le collège échevinal
présentèrent leur démission. Ils furent réclus, et
l'administration n'a pu être complétée. »
Si un tel cas se présentait sous la loi proposée, les
conseillers et les échevins pourraient encore donner leur démission, et le gouvernement
se trouverait encore dans l'impossibilité de pouvoir compléter l'administration
communale, en ce qui concerne les échevins.
Dans un rapport supplémentaire, M. le gouverneur du
Brabant donne un extrait remarquable d'un nouveau rapport par le commissaire
de l'arrondissement de Nivelles ; extrait dans lequel ce fonctionnaire annonce
qu il espère que le résultat des élections sera favorable aux bourgmestres
et lui conservera ceux de ses bourgmestres qui le secondent si bien.
Ainsi, voilà un commissaire de district qui désire
cependant la nomination des bourgmestres par le Roi en dehors du conseil, mais
n'est nullement effrayé du résultat des élections prochaines.
Je parcourrai maintenant, et plus rapidement encore,
les rapports des autres commissaires de district.
Voici comme s'exprime M. le commissaire du district de
Mons sur l'influence électorale :
« Je ne connais pas de bourgmestres ou d'échevins
qui, par crainte de mécontenter les électeurs auraient refusé de délivrer des
certificats de milice ou négligé de faire exécuter les règlements sur la
police. Je pense que cette considération n'entre pour rien dans la pensée de
ces fonctionnaires, en ce qui concerne mon arrondissement. »
Comme vous voyez, messieurs, ce commissaire
d'arrondissement s'exprime d'une manière fort explicite.
Il ajoute que le choix des électeurs tombe souvent sur
des individus dépourvus de connaissances administratives ; que les personnes
capables refusent d'accepter les fonctions de bourgmestre et d'échevins.
Il n'y a rien de plus précis dans ce rapport. Vous
voyez que ce sont des griefs vagues, comme il pourrait en alléguer contre
toutes les administrations quelconques ; car dans toutes les administrations on
trouvera çà et là des hommes qui n'ont pas la capacité voulue ; et il y aura
aussi toujours, sous tous les régimes, des individus capables qui refuseront
d'occuper la place de bourgmestre ou d'échevin.
J'arrive au rapport de M. le commissaire de district
de Tournay. Des individus qui conviendraient le mieux sont souvent écartés dans
les élections. Deux administrations se sont mises, dans plusieurs
circonstances, au-dessus de l'autorité supérieure ; l'une se refuse à former
son rôle pour la taxe des chiens.
Que fera le bourgmestre seul, si une administration
communale refuse de former son rôle pour la taxe des chiens ? Mais la loi communale
a prévu ce cas, l’art. 88 donne dans cette circonstance à la députation
permanente le droit de dresser le rôle et de le faire mettre en recouvrement.
Vous êtes donc armé d’un moyen légal de coercition contre cette administration
communale ; la loi actuelle vous le donne.
La police des cabarets est négligée ; mais l'est-elle
seulement depuis 1836 ?
La police des chemins et des courants d'eau en
souffre.
Mais messieurs, à cette époque, la loi sur la voirie
vicinale n'était pas en vigueur ; car si elle l'avait été, et que le
bourgmestre eût négligé cette partie de ses devoirs, le commissaire de district
ou le commissaire royal aurait agi à sa place.
En ce qui concerne la milice, voici encore un avis
assez remarquable du commissaire de district de Tournay.
Quant à la milice, les administrations sont
embarrassées dans la délivrance des certificats ; mais le vague de la loi et la
grande responsabilité qui pèse sur elle y entrent pour beaucoup. Le manque
d'aisance des parents, le besoin qu'ils ont du travail de leur fils est
difficile à apprécier, même pour l'autorité supérieure, à plus forte raison
pour de simples campagnards. Il arrive qu'il y a
refus, par mauvais vouloir, mais alors l'intérêt particulier ou le commérage y
joue un rôle. Ces abus prennent bien moins leur source dans la loi communale
que dans celle de la milice. Il est urgent de modifier les dispositions de cette
loi, principalement en ce qui concerne la délivrance des certificats, de
manière à ce que l'autorité supérieure puisse y intervenir d'une manière
efficace et triompher ainsi de l'arbitraire.
Je passe au rapport du commissaire de l'arrondissement
de Soignies :
« Il est assez difficile de trouver dans le
laisser-aller et l'inaction de quelques-uns de ces pétitionnaires, en ce qui
concerne la police, que la cause principale de cet oubli de leurs devoirs a sa
source dans le mode actuel de nomination. J'ai bien une certitude morale qu'il en est quelquefois ainsi, mais
je ne puis appuyer cette présomption de faits et de circonstances matériels que
tout au plus pour deux communes de l'arrondissement. »
Ainsi, voilà encore un commissaire de district qui est
en fonctions depuis bien longtemps, si je ne me trompe, et qui n'a pas de faits
précis à sa connaissance.
A. B*** le bourgmestre ne cherchait pas à réprimer le
désordre des cabarets. Ce n'est que depuis deux ans qu'un échevin ayant bien
voulu se charger de ces fonctions, il règne plus d'ordre dans les lieux publics
; ainsi l'abus signalé n'existe plus ; ce fait prouve que le bourgmestre avait
été moins bien choisi que l'échevin.
Le bourgmestre de B*** n'ose pas poursuivre les
emprises de terrain. Mais la nouvelle loi sur les chemins vicinaux y a pourvu.
Le commissaire de district agira lui-même ou fera agir les commissaires
voyers.
Dans la même commune on ne prend pas de mesure contre
le braconnage. Pour le braconnage, je rappellerai que l'avis des députations est
que les gardes-champêtres qui, avec la gendarmerie, concourent à la répression
du braconnage ne sont pas assez payés, que leur institution a besoin d'être
modifiée. Il y a une députation qui se plaint que les gardes-champêtres, qui
sont, comme vous savez, nommés par les gouverneurs, doivent l'être sur
présentation par le conseil communal. On dit que les conseils s'obstinent à les
choisir dans la localité alors même qu'elle ne présente pas de sujets aptes à
ces fonctions. Ce n'est pas un changement à la loi communale qui doit remédier
à cet abus, mais un changement à l'organisation des gardes-champêtres.
A O*** il se commettait depuis deux ans des délits
contre certaines propriétés. L'administration ne faisait pas son devoir. Sur
la demande du procureur du Roi, le commissaire d'arrondissement s'y transporte,
ses remontrances réveillent l'action des bourgmestre et échevins. Depuis lors
la plus grande tranquillité règne dans la commune.
Voici donc une commune où il a existé les plus grands
désordres, mais il a suffi, sur la réclamation du procureur du Roi, que
le commissaire de district se rendît sur les lieux pour les faire cesser. J'en conclus qu'une autre fois
il sera utile que le commissaire d'arrondissement se rende plus tôt sur les
lieux, mais je ne vois pas encore là de motif pour modifier la loi communale.
Je vais citer maintenant un avis remarquable, c'est
celui du commissaire de district de Thuin.
Ce fonctionnaire dit qu'il n'a jusqu'à présent
remarqué dans son arrondissement aucun cas qui eût rendu préjudiciable à une
bonne administration communale, ainsi qu'à l'exécution des lois sur la police,
le mode de nomination des bourgmestres et échevins établi par la loi de 1836.
Quant aux craintes qu'on aurait conçues sur ce que les élections prochaines pourraient
être défavorables aux meilleurs bourgmestres, le même fonctionnaire est d'avis
que dans son district on parviendrait difficilement à entraîner la majorité des
électeurs à cette injustice.
Cet avis du commissaire du district de Thuin est
d'autant plus remarquable que ce district est un de ceux qui doivent présenter
le plus de difficultés à l'organisation du personnel administratif, attendu que
c'est un de ceux qui ont le plus de petites communes. Il y a plus de vingt
communes de moins de 500 habitants.
Le commissaire de l'arrondissement d'Ath dit qu'il
existe dans son arrondissement, en très petit nombre, quelques
communes dans lesquelles l'administration eût probablement été autre si on
avait pu choisir en dehors du conseil.
On a peu travaillé aux chemins vicinaux à la veille
des élections.
Depuis la promulgation de la loi, si les règlements
provinciaux sont faits, ces vices ne se reproduisent plus.
A Charleroi, les faits sont si peu remarquables, que
la mémoire du commissaire d'arrondissement n'en a conservé aucun, c'est dire
assez qu'ils ne sont pas importants.
Dans
Qu'a-t-il trouvé dans ces rapports ? Que la
composition des conseils communaux dans l'arrondissement d'Eccloo
laissait peu à désirer dans la plupart des communes, qu'il en avait une
toutefois où l'administration, recommandable par le patriotisme et la probité
manquait de capacité.
A Audenaerde le commissaire de district voudrait que
le secrétaire communal fût sous l’action immédiate de l'autorité provinciale
; il ne dit rien des bourgmestres. Il se plaint de ce que des agents d'affaires
cherchent à arriver dans l'administration communale pour acquérir une influence
de position qu'ils font tourner au profit de leurs intérêts personnels, c'est
malheureusement un fait qui se voit dans toutes les administrations du monde et
qui se reproduira sous toutes les législations.
Le gouverneur de
C'est le 31 mars 1841 que le gouverneur de Gand
écrivait cela, c'est-à-dire, il y a plus d'un an. Il a promis d'enregistrer
les faits qui se présenteront ; il n'en a encore découvert aucun, car aucune
lettre subséquente du gouverneur de Gand n'est jointe à l'enquête.
Le commissaire de l'arrondissement de Liége dit que,
dans certaines communes, on attribue à l'influence des élections la faiblesse
de la police concernant l'entretien des chemins communaux et la fermeture des
cabarets ; mais il ajoute que de tout temps il y a eu des influences qui ont
paralysé l’action de la police ; en pareil cas, dit-il, et quel que soit le
mode de nomination du bourgmestre, il y en aura toujours. Pour y remédier, il
désirerait un commissaire spécial par canton.
Quant aux certificats de milice, il convient que si
leur délivrance a présenté des inconvénients, ils ne sont pas dus à l'influence
électorale, mais bien aux influences de famille, de parenté, etc.
A Verviers, le commissaire dit qu'il ne peut présenter
que des considérations générales.
Cependant, il cite deux faits, l'un de l'incorporation
injuste d'un milicien, l'autre d'une exemption non fondée de la milice. Ce sont
des secrétaires et non des bourgmestres qu'il accuse de ces faits.
Le commissaire de district de Huy expose son
opinion, mais ne cite aucun fait.
Le commissaire de district de Waremme a entendu des
personnes qui, mécontentes du bourgmestre, disaient : Viennent les élections et
nous verrons ; c'est-à-dire, comme dans l'arrondissement d'Anvers, qu'il y a
là un bourgmestre qui, si l'électeur lui garde rancune, ne sera probablement
pas réélu à l'unanimité.
Les autres griefs de cet arrondissement sont ceux-ci :
il se commettait des empiètements sur la voirie vicinale. Le commissaire
d'arrondissement a cherché à les réprimer, Il a probablement réussi.
Un particulier construisit un bâtiment au milieu du
terrain communal situé devant sa maison. M. le commissaire d'arrondissement eut
toutes les peines du monde, dit-il, à décidé le bourgmestre à intenter une
action qui a réussi, et le bâtiment a été démoli.
Ainsi, tout l'inconvénient, ce sont les peines du
commissaire d'arrondissement, mais en définitive, le bâtiment a été démoli.
Les habitants d'une commune de cet arrondissement se
permettaient de planter des taules et autres têtards dont ils s'appropriaient
ensuite la dépouille. L'administration n'a pas encore osé les poursuivre.
Il faudrait savoir si l'administration communale a eu
tort ou raison de ne pas poursuivre. Il est possible que le procès lui eût
coûté plus que le mal qu'on lui avait fait par cette plantation. Peut-être
a-t-elle agi sagement. D'ailleurs, à l'avenir M. le commissaire de district
peut verbaliser tout aussi bien que le bourgmestre. La loi nouvelle lui donne
tous les pouvoirs nécessaires ; s'il se plaint encore, ce sera de lui-même.
Le rapport du gouverneur du Limbourg se plaint que les
bourgmestres demandent des ordres écrits pour poursuivre les emprises. Mais
beaucoup d'autres fonctionnaires demandent des ordres pour agir.
On accuse un bourgmestre d'avoir donné un certificat
de milice évidemment faux dans ce qu'il atteste. S'il en est ainsi, il devait
le faire punir, c'est l'application du code pénal et non la réforme de la loi
communale.
Je finis cet examen.
Le gouverneur de Namur fait quelques observations
générales contre la législation actuelle ; toutefois, ajoute-t-il, je ne peux
en conclure que les abus tirent exclusivement leur source du mode de nomination
des bourgmestres.
Voilà ce que dit très loyalement le gouverneur de Namur,
il dit qu'il faut de la fermeté aux bourgmestres pour exécuter les lois sur la
voirie vicinale, mais il remarque que c'est surtout sous l'ancienne législation
que cette fermeté était nécessaire. Il cite enfin la négligence en matière de
police des cabarets.
Reste l'avis du gouverneur du Luxembourg ; celui-là
est complètement favorable à la loi actuelle ; comme il n'est pas long, j'en
donnerai lecture :
« Je puis répondre à cette dépêche qu'il n'existe
dans les bureaux du gouvernement provincial aucun acte qui puisse porter à
conclure que l'influence des électeurs ait produit sur les fonctionnaires
municipaux des effets nuisibles à l'accomplissement de leurs devoirs, Tout en
subissant cette influence, car il faut bien reconnaître qu'elle existe, le fonctionnaire
tient à ce que ces actes ne portent point le cachet de la dépendance, à ce
qu'on ne puisse les apprécier autrement que par la loi de la raison et de la
morale publique, Cette loi servant ainsi de contrepoids à l'influence des
électeurs, l'on peut conclure que du moins dans cette province le mode de
nomination des bourgmestres et des échevins est jusqu'ici sans
inconvénients. »
Voilà, messieurs ; l'enquête tous entière. J'ai
parcouru tous les griefs un à un ; vous voyez à quoi ils se réduisent.
Ainsi messieurs, vous avez d'un côté ce grief que la
police des cabarets, quant à leur fermeture à certaines heures, ne se fait pas
mieux qu'elle ne se faisait autrefois. Vous avez ce fait que les
gardes-champêtres ne sont pas partout également actifs pour la répression du
braconnage, fait attribué à ce qu'ils sont trop peu payés et à ce que les
conseils communaux s'obstinent à les prendre toujours dans la commune, alors
qu'elle ne possède pas de sujets aptes à remplir ces fonctions. Puis viennent
les vices de la loi sur la milice, qu'on ne peut pas attribuer à la loi
communale, enfin la négligence quant à la police de la voirie, négligence à
laquelle vous avez voulu obvier par une législation certainement assez
rigoureuse, celle de 1841, qui donne assez d'action au pouvoir central.
J'avoue que cette enquête, telle que je viens de
l'analyser, est pour moi le principal motif qui me porterait à voter contre la
loi.
Tant que la loi n'a reçu qu'une épreuve aussi
incomplète que celle qu'elle a subie depuis 1836 et qu'elle n'a amené que des
inconvénients aussi insignifiants, il n'y a pas lieu à une réforme de l'institution
; il est prouvé par les faits, non pas que cette loi est bonne et parfaite, mais
que jusqu'ici le bon sens des administrateurs et des administrés a fait justice
de ces vices. Il se peut qu'une plus longue expérience nous en apprenne
davantage ; je ne préjuge pas l'avenir ; mais ce qui est certain, c'est que
les faits qu'ou a constatés jusqu'aujourd'hui, ne constatent pas la nécessité
de la réforme qu'on demande. Et cependant, remarquez-le, nous sommes obligés de
nous en rapporter, faute d'autres renseignements, à l'avis des fonctionnaires
intéressés par position à demander un changement à la loi.
A l'appui de ce que je disais tout à l'heure sur la
voirie vicinale, permettez-moi de vous lire ce que disait la députation
permanente du Hainaut, dans l'exposé de la situation administrative de cette
province, pour l'année 1841 :
« Dans cette province deux causes avaient
introduit des abus intolérables et excitaient des réclamations universelles ;
nous voulons parler de l'insuffisance des attributions des commissaires-voyers
et de l'emploi exclusif des prestations en nature pour la réparation et
l'entretien des chemins, lorsque les travaux ne pourraient s'effectuer sur la
caisse communale. La loi nouvelle renferme des dispositions qui paraissent
propres à remédier aux inconvénients du système actuel, sous ce double
rapport, nous espérons que le service de la voirie vicinale va sortir enfin de
l'état peu satisfaisant dans lequel il s'est traîné jusqu'à ce jour. Aucune
excuse, aucun prétexte ne sera plus possible ; la loi sera une règle inflexible
pour tous. Elle suffit, nous le croyons, aux besoins du moment ; les administrations
y trouveront une arme suffisante contre l'incurie et la mauvaise
volonté. »
Ainsi, vous pouvez être pleinement rassurés, en ce qui
concerne l'objet le plus important des griefs articulés, la voirie vicinale.
Il y aurait un rapprochement assez intéressant à
faire. Remarquez que la plupart de nos commissaires de district, de nos
gouverneurs même ne sont pas très anciens dans la carrière. La carrière
administrative date de la révolution pour la plupart d'entre eux, c'est-à-dire
du régime du bourgmestre électif ou élu d'après le mode actuel. Je crois qui si
nous avions un plus grand nombre d'anciens fonctionnaires, ils auraient vu que
ce qu'ils signalent comme un vice du système actuel, est souvent un vice
inhérent à une grande administration qui s'étend à 2,000 communes. J'ai
recherché ce que pensaient, des administrations communales, les députations
permanentes d'avant la révolution. Rappelez-vous d'abord quelle était leur
position envers les bourgmestres. Rappelez-vous comment se faisaient les
nominations. Avant la révolution, les conseils communaux étaient nommés dans
les communes par les députations permanentes.
Le Roi nommait quelques bourgmestres en dehors du
conseil, mais la plupart dans le conseil, de sorte que les bourgmestres étaient
l'ouvrage des députations permanentes. J'aurais voulu trouver les exposés de
la situation administrative de toutes les provinces avant la révolution ; je ne
l'ai pas pu. Mais j'en ai parcouru quelques-uns qui ne sont pas sans intérêt ;
en voici des extraits.
Voici d'abord ce que disait en 1826 la députation de
Liége des difficultés qu'avait présentées la nouvelle organisation du personnel
des administrations communales :
« Les administrations municipales ont été réorganisées
dans les campagnes, conformément au dernier règlement adopté par S. M. ; leur
recomposition a éprouvé des difficultés par suite de la rareté des sujets aptes
et réunissant les qualités requises dans un grand nombre de communes d'une
faible population.
« Le mal est si grand qu'on désire diminuer le
nombre des communes, il eût été à désirer que les réunions de communautés de
500 habitants et au-dessous eussent été plus nombreuses. Nous avons fait tout
ce qui dépendait de nous pour atteindre ce résultat, mais nous n'avons pu
vaincre la répugnance qu'ont montrée beaucoup d'autorités locales. »
Police rurale : « Cette branche du services
améliore successivement. Nous ne devons néanmoins pas dissimuler, que sous
plusieurs rapports elle laisse encore à désirer. » (Exposé de situation de
la province de Liége, 1828.)
« Les administrations locales et les
inspecteurs-voyers ne se sont pas généralement occupés de l'exécution du
nouveau règlement avec le zèle qu'on avait lieu d'espérer.» ( Idem, 1826.)
Province de
Luxembourg
1826. - Chemins vicinaux. Plusieurs communes y travaillent avec une
ardeur particulière. Mais combien n'en est-il pas dont il faille déplorer
l'inconcevable incurie. On fait des rôles, on répartit les travaux,
mais l'exécution en reste là. »
1827. Mêmes plaintes pour les districts de
Neufchâteau, Bastogne et Marche.
1828. « Nous avons toujours à regretter une
funeste lenteur dans les districts de Neufchâteau, Marche et Bastogne. L'état
qui vous sera remis vous apprendra que bien peu de répartition restent à faire.
Mais combien n'y a-t-il pas de ces répartitions qui demeurent sans aucune suite
; c'est un abus qu'il appartient plus particulièrement aux commissaires de
district d'extirper. »
1829. « Il semblerait que les travaux ont dû être
poussés avec une grande activité. Cela s'est vu effectivement dans plusieurs
districts, nommément dans ceux de Grevenmacher et Luxembourg. Mais combien
d'incuries n'avons-nous pas à déplorer dans les autres ! Les répartitions
renvoyées dans les communes avec notre approbation, reposent dans la poussière
des bureaux municipaux, et les chemins qui en sont l'objet conservent leur
désolante inviabilité. Si parfois on essaie d'y
travailler, on le fait avec si peu de soin et un tel désordre, qu'on encombre
plutôt les chemins qu'on ne les
répare. »
En 1830, plaintes du même genre.
Il est curieux de rapprocher de ces plaintes l'extrait
suivant de l'exposé de situation de la même province en 1841.
« Au premier janvier 1830, il n'y avait que
Brabant 1825 : « Chemins vicinaux. - Presque partout il
reste beaucoup à faire ; soit insouciance, soit défaut d'énergie, on ne
s'occupe guère de rendre aux routes leur largeur légale, de reprendre des
terrains usurpés, de faire disparaître des plantations existantes contre le vœu
des ordonnances anciennes ou nouvelles, de creuser des fosses le long des
chemins et de curer ceux qui existent.
1827 Milice. - « Quelques administrations ont mis
de la négligence dans la production en temps opportun, des certificats qui
devaient prouver les droits à l'exemption de quelques-uns de leurs administrés
: elles ont mis par là les conseils de milice dans l'obligation de les déclarer
propres au service. Je ne désignerai point pour cette fois ces administrations,
persuadé qu'elles sentent déjà tout le tort qu'elles ont causé à ces miliciens,
et qu'elles se reprochent amèrement cette négligence. Cet avertissement les
empêchera, je l’espère, de se rendre coupables, à l’avenir, d'une négligence
qui compromet aussi essentiellement l'intérêt des familles.
Chemins vicinaux. - « J'aurais
à me plaindre du relâchement de quelques administration locales et de quelques
commissaires voyers. Celles-là ou ne s'occupe aucunement de cette partie de
leur importante administration, ou ne s’en occupent qu'avec mollesse et
quelquefois imposent aux riverains l'obligation d'entretenir les chemins de
1re classe, tandis qu'aux termes de l'art. 13 du règlement approuvé par Sa
Majesté le 14 juin 1820, cette charge est communale. Les travaux doivent, aux
termes de ce même règlement, être effectués par des ateliers de pionniers
formés en suite d'un rôle approuvé par la députation des états. Indépendamment
de l'injustice dont les administrations se rendent coupables en imposant à des
particuliers une dépense qui doit retomber sur la généralité, je leur ferai remarquer
qu'avant de prendre séance, chaque membre de ces administrations a juré de se
conformer, entr’autres, aux lois et règlements d'administration, et que
d'ailleurs, en cette matière, le travail en commun est beaucoup meilleur, et il
se fait avec plus de célérité et d'économie. »
De bonne foi, messieurs, après ces citations, après la
lecture de l'enquête, de quel côté est l'avantage ? Est-ce du coté de l'ancien
mode, ou du côté de la loi actuelle ? Je ne veux certainement pas attribuer
tout l'avantage de la situation actuelle au mode de nomination du bourgmestre.
Mais ce que je suis en droit de dire c'est que le système actuel n'est bien
certainement pas condamné par les faits connus et constatés jusqu'aujourd'hui.
Je crois qu'une des considérations qui touchent le
plus les personnes portées à appuyer la modification proposée à la loi, c'est
qu’elles craignent aux élections prochaines une débâcle générale des
bourgmestres. On craint qu’un très petit nombre de bourgmestres échappent aux
haines électorales. Quant à moi, je crois au contraire que les élections qui
doivent avoir lieu cette année rassureront les bourgmestres. Je crois que les
élections montreront aux bourgmestres, que s'ils se conduisent sagement,
malgré des menaces et des propos imprudents, la majorité des élections finit le
plus souvent par revenir à des sentiments de sagesse. Mais pourquoi sur ce
point encore ne pas consulter les faits ? Pourquoi ne pas interroger le passé ?
Nous ne sommes pas sans précédent à cet égard. Les
bourgmestres qui étaient en place en 1836 étaient des bourgmestres élus, des
bourgmestres qui devaient être soumis à une réélection. Eh bien ! a-t-on vu les
électeurs s'ameuter contre eux ? A-t-on vu partout opposition et guerre aux
bourgmestres ?
Permettez-moi, comme j'aime à raisonner pièces en
main, de vous lire de courts extraits de quelques exposés de situation des
provinces de l'époque de 1836, mais voyez ce que disent les députations partout
où elles parlent d'élections.
Hainaut. - L'exécution de la loi du 30 mars 1836 appelait le
renouvellement intégral des conseillers communaux. Si, cette fois encore des
esprits timides ont pu craindre que le vaste ébranlement électoral, ne
déterminât de fâcheux conflits, en réveillant les animosités de partis et les
hostilités d'opinions et d'intérêts, ils ont dû se rassurer en voyant le
résultat de l'épreuve. L'empressement avec lequel les citoyens se sont
présentés dans les collèges électoraux, le calme et l'expérience qu'ils y ont
généralement apportés, tout atteste que le pays est mûr pour la liberté et la
diffusion la plus complète de la vie politique. Presque partout le suffrage
populaire a persisté dans ses choix, et en accordant à ses représentants les
honneurs de la réélection, il a prouvé qu'il savait reconnaître le dévouement
et récompenser les services rendus. »
Ainsi, non seulement on est content des nouveaux élus
; non seulement les élections se sont bien passées, se sont passées avec
calme, mais on a même généralement réélu les anciens fonctionnaires, Pourquoi maintenant,
messieurs, cette année-ci, repousserait-on des fonctionnaires qui sont presque
tous les anciens bourgmestres confirmés dans leurs fonctions en 1836 ?
Dans le Luxembourg, voici ce que disait la députation
:
Luxembourg « - Les
administrations communales sont en général bien composées ; les bourgmestres et
les échevins sont recommandables par leur probité et influents par leur
position sociale. »
Pour la province d'Anvers, voici comment s'exprime la
députation :
Anvers.- « C’est pendant la session de 1836
qu'eut lieu l'installation des nouvelles administrations communales. La
plupart des anciens membres avaient été de nouveau honorés des suffrages de
leurs concitoyens. Le gouvernement s'est en quelque sorte associé aux vœux des
électeurs en maintenant à la tête des administrations presque tous les
bourgmestres et échevins réélus. Dans les communes où ceux-ci ne voulaient ou
ne pouvaient être confirmés dans leurs fonctions, son choix s'est en général
fixé sur les conseillers qui avaient obtenu le plus grand nombre de voix. »
Ainsi, messieurs, vous le voyez, là encore en général,
ce sont les anciens bourgmestres qui ont été réélus.
Pour
Flandre occidentale.- « L'organisation
des
collèges échevinaux a été complétée. Nous avons déjà pu reconnaître le bon
esprit qui anime l'immense majorité des conseils communaux, et nous croyons
avoir acquis la certitude qu'on peut compter sur leur appui pour tout ce qui
doit contribuer au bien-être général. 193 bourgmestres ont été réélus, sur
lesquels 177 ont été confirmés par arrêté royal. »
Ainsi vous voyez que les électeurs réélisent en
général les anciens bourgmestres, et que s'il y en a quelques-uns écartés, le
gouvernement de son côté, en écarte.
Mais, messieurs, nous avons un autre fait qui doit
faire disparaître la crainte qu'on exprime de voir partout renverser le bourgmestre
qui aurait exécuté les lois et règlements de police. C'est l'élection des
échevins qui a eu lieu eu 1839. Vous savez, messieurs, que dans la plupart des
communes ce sont les échevins qui sont chargés de la police ; et s'il s'élève
des plaintes à ce sujet, elles tombent sur les échevins tout autant que sur
les bourgmestres qui, en général, aiment à se démettre de cette fonction pour
en charger les échevins.
Qu'est-il arrivé en 1830 ? Est-ce que les électeurs se
sont rués sur les échevins. Les ont-ils partout renvoyés ? Certainement il y a
eu quelques changements ; il devait y en avoir ; mais si nous trouvons que,
proportion gardée, les électeurs n'ont pas remplacé plus d'échevins que de
conseillers, les craintes devront s'évanouir.
Nous ne devons pas exiger l'inamovibilité des
bourgmestres ; quand l'élément électif intervient pour quoi que ce soit dans
une nomination, nous ne devons pas désirer qu'il y ait inamovibilité.
Mais ce que vous devez demandé, c'est qu'on ne
remplace pas plus de bourgmestres et d'échevins que de conseillers. Or, voyons
ce qui est arrivé à l'égard des échevins élus en 1839.
En 1839, il y avait 6722 conseillers sortants. Combien
y en a-t-il eu de remplaces ? 2189, c'est-à-dire 32 sur cent.
Maintenant, pour les échevins, qu'est-il arrivé ? Il y
avait 2451 échevins sortants. Combien y en a-t-il en de remplacés ? 588, en
d'autres termes 23 sur cent. Ainsi, messieurs, pour les conseillers ordinaires
on en remplace 32 sur 100, et pour les échevins qui comprennent en grande
partie les fonctionnaires chargés de l'exécution et des règlements de police,
on n’en remplace que 23 sur 100.
Évidemment ces faits prouvent que les craintes que
l'on manifeste sont exagérées ; ils prouvent qu’il y aura aux élections de
1842, comme aux élections de 1839 et à celles de 1836, quelques changements,
mais de ces changements qui arrivent partout où il y a élection. Car enfin,
prenez les élections aux conseils provinciaux, ce sont celles qui certainement,
antérieurement à l'année actuelle, se faisaient avec le moins de passion, de la
manière la plus calme. Or, savez-vous combien il y a eu de conseillers
provinciaux remplacés en 1840 ? Il y avait 234 conseillers sortants ; il y en
a eu 65 nouveaux, c'est-à-dire 27 sur cent, 3 de plus sur cent que pour les
échevins.
Vous pouvez juger par là ce qui arrivera aux élections
de cette année.
Laissons donc cette élection s'accomplir. Car, remarquez-le,
cette crainte qu'on manifeste, de voir remplacer les bourgmestres n'est encore
qu'une éventualité. Ne faut-il pas tout au moins que ces craintes se soient
réalisées, que nous ayons eu les élections et que nous ayons vu si réellement
il y a exagération dans le remplacement des bourgmestres. Il me semble qu’il y
a là un singulier renversement de toutes les idées reçues. On veut à toute
force maintenir quelques bourgmestres ; car je crois que ceux qu'on a en vue ne
sont pas nombreux ; on verrait, si on pouvait pénétrer les intentions qu’il s
agit tout au plus de 4 ou 5 bourgmestres ; pour maintenir ces fonctionnaires,
on rend les institutions mobiles ; on veut rendre les personnes immobiles, et
on leur sacrifie l'immobilité des institutions.
Messieurs, vous me rendrez cette justice que je tâche
de suivre l'administration sur son terrain, sur le terrain où elle ne s'est pas
maintenue dans cette discussion, mais où elle avait commencé par appeler la
discussion.
Je crois vous avoir démontré, par une discussion de
fait, que les plaintes d'aujourd'hui sont moindres qu'autrefois sous le régime
du gouvernement des Pays-Bas ; je crois vous avoir démontré que les
inconvénients signalés sont peu nombreux, mal établis, et peu graves.
Je ne veux pas préjuger l'avenir de la loi ; je ne
veux pas préjuger ce que les faits peuvent démontrer un jour ; je serais
toujours le premier à les reconnaître, quels qu'ils soient ; mais tout ce que
je veux dire, c'est que l'expérience n'est pas complète ; c'est que, par
l'expérience des faits qui se sont passés jusqu aujourd’hui, le mode actuel
n'est pas condamné. Tout ce que je veux dire, c'est qu’il y a absence de motifs
pour bouleverser une institution, c’est qu’il y a absence de motifs pour faire
reparaître sur la scène politique une question qui en était heureusement
disparue ; c’est qu’il y a absence de motifs pour bouleverser l'administration
de 2,500 communes, et l'existence administrative, les rapports administratifs
de
Messieurs, il y avait en Angleterre depuis des siècles
des griefs énormes contre l’organisation communale ; et cependant ce n’est
qu’au dernier moment qu’on s’est résigné d’y toucher, et encore ne l’a-t-on
fait qu’avec la plus grande prudence.
En France, messieurs, ne croyez pas qu’aucun vice ne
se soit révélé dans l’organisation actuelle ; ne croyez pas que cette
organisation n’amène aucun fait reprochable ; et cependant on marche en France
depuis douze ans avec cette législation ; au milieu de toutes les difficultés
des circonstances, il faut l’avouer pourtant, sous le rapport de la stabilité,
Messieurs, notre constitution a voulu la stabilité de
nos institutions fondamentales. Avant de toucher à notre système constitutionnel,
notre pacte fondamental veut que la proposition en soit faite aux deux chambres
et que les deux chambres l'adoptent ; qu'après que les chambres l'ont adoptée,
les électeurs soient convoqués pour procéder à une nouvelle élection, après
avoir pris connaissance des changements à introduire dans la constitution.
Toutes ces précautions ne suffisent pas encore. Quand le moment décisif arrive,
quand les nouvelles chambres sont convoquées, la constitution veut qu'on ne
puisse la modifier qu'à la majorité des deux tiers des voix,
Aujourd'hui il ne s'agit pas d'une institution
constitutionnelle, d'une institution qui fasse partie de la constitution ; mais
il s'agit d'une institution qui a une importance quasi constitutionnelle, de
l'organisation communale, que beaucoup de constitutions placent sur le même
rang que l'organisation des grands pouvoirs de l'Etat. La loi fondamentale
hollandaise, messieurs, ne se bornait pas à tracer les basses de l'organisation
communale, mais elle décidait, par esprit de stabilité, que les règlements
provinciaux et communaux, tels qu'ils existaient, la dixième année du royaume des
Pays-Bas, forment partie de la loi fondamentale.
Si nous ne pouvons suivre la même marche que lorsqu'il
s'agit de modifier une disposition de la constitution, nous pouvons au moins
suivre le même esprit. Nous devons vouloir que les griefs allégués à l'appui de
la modification soient réels, soient appréciés par une grande partie du pays,
nous devons vouloir qu’il y ait maturité dans l'instruction. Il ne doit pas
suffire, messieurs, que ces modifications soient adoptées à une majorité d'une
ou deux voix, il ne faut les vouloir qu'autant qu'elles puissent être adoptées
par une majorité considérable.
Messieurs, si vous apportez un changement à votre loi,
à une faible majorité, soyez-en sûrs, vous n'obtiendrez aucun effet moral. Si,
au contraire (et que risquez-vous ?), vous attendez l'expérience, si vous
laissez cette expérience confirmer les craintes des uns ou l'assurance des
autres, vous agirez en connaissance de cause. La chambre, en ces matières, ne
résiste pas aux faits. Tout le monde sera convaincu, tout le monde se rendra à
la réalité.
Messieurs, nous sommes à peu de distance d'une époque
qui a beaucoup agité le pays ; nous ne sommes qu'à douze années du mouvement de
1830. Les esprits commencent à se rasseoir ; si vous voulez empêcher cet
heureux événement, il n'y a pas de meilleur moyen c'est d'ébranler les grandes
institutions ; c'est de leur montrer qu'il ne faut qu'un caprice du pouvoir, un
caprice de l'un ou de l'autre parti pour renverser les institutions du pays.
Messieurs, j'entends quelquefois dans cette enceinte
qu'on s'effraie de la lutte des partis. Ne nous effrayons pas de la lutte régulière
des partis ; acceptons-la, c'est la vie du gouvernement représentatif ; s'il y
a lutte entre les opinions politiques, cela prouve qu'il y a des opinions
politiques, c'est-à-dire que le pays se préoccupe de ses intérêts. Ne nous
effrayons pas de cette lutte, mais renfermons-la dans le cercle de nos
institutions, et n'encourageons pas les partis à lutter contre les institutions
mêmes. (Très bien, très bien.)
Acceptons la lutte régulière des partis, mais
détruisons l'esprit révolutionnaire ; et l’esprit révolutionnaire, savez-vous
ce que c'est ? C'est l'esprit d'hostilité contre les institutions du pays. Quel
meilleur aliment pour l'esprit révolutionnaire que l'instabilité des
institutions que le bouleversement de nos grandes lois politiques ! Cette
croyance à l'instabilité des institutions pèse sur
Toutes les opinions qui existent dans cette chambre
doivent s'attendre à être tour à tour majorité et minorité ; tous, tant que
nous sommes, d'hommes qui tiennent à leur opinion, d'ici à dix ans nous
figurerons tous successivement dans la majorité et dans la minorité. Cela
étant, messieurs, heureuse l'opinion qui n'aura pas légué à ses adversaires un
exemple qu'ils puissent invoquer contre elle.
Toutes les opinions devraient s'entendre, pour arrêter
ce que j'appellerai le droit de guerre, le droit des gens des partis, et pour y
inscrire en tête le respect de nos principales institutions. Propager l'idée
de l'instabilité des institutions, c'est rendre tout possible aux yeux des
partis, c'est encourager toutes les espérances : aujourd’hui la réforme
communale, demain la réforme électorale ; après-demain la réforme de la
constitution ; tel jour l'anéantissement de la liberté de la presse, tel autre
jour la destruction de la liberté de l'enseignement.
Voulez-vous, au contraire, prévenir ce malheur ;
voulez-vous rasseoir les esprits, affermir les institutions, déclarez
solennellement ici que vous ne porterez pas légèrement la main aux institutions
; que vous prenez ces institutions au sérieux ; qu'avant d'y introduire des
modifications, vous exigez que la nécessité en soit démontré par une expérience
sincère, sérieuse, réelle. Barrons la voie messieurs, à ce reste d'esprit de
démolition, à cet esprit de légèreté et d'instabilité auquel cèdent, sans le
savoir, ceux qui donnent la main à des entreprises
irréfléchies dont il est impossible aujourd'hui de prévoir toutes les
conséquences. (Très bien ! très bien !)
(Moniteur belge n°152, du 1er juin 1842)
M. Liedts. - Messieurs, j'ai demandé la
parole lorsque tout à l'heure deux de mes anciens collègues ont en quelque
sorte repoussé la solidarité de la circulaire dont il a été question dans cette
discussion ; comme je ne tiens nullement à ce que personne partage la
responsabilité de mes actes, je crois devoir dire quelques mots à cet égard. Il
est très probable que cette circulaire n'a pas été communiquée au conseil des
ministres et elle ne devait pas l'être.
En effet, lorsqu'on signale à un ministre des abus qui
se commettent dans quelques administrations, il est du devoir de ce ministre
de prendre des renseignements, et c'est ce que j'ai fait ; c'est ensuite,
lorsque tous les faits ont été recueillis que le conseil doit être appelé à
délibérer sur les moyens à employer pour porter remède aux abus ; aussi, si
j'étais resté au ministère jusqu'à ce que l'enquête fût achevée, j'aurais
soumis cette question à mes collègues. Quant au point de savoir si le remède
devait nécessairement consister en un remaniement de la loi communale, à cet
égard on m'a fait dire autre chose que ce que je pensais.
Il est possible que le résultat de l'enquête
administrative que j'ai ouverte dût amener un remaniement de quelques articles
de la loi communale, mais il est possible aussi que le remède dût être tout
autre. La preuve de ce que j'avance, c'est que les abus signalés dans ma
circulaire sont précisément des abus auxquels on ne pouvait pas obvier, même
par des changements au mode de nomination des bourgmestres. En effet, de quoi
parlais-je entre autres choses ? Je disais qu’il était parvenu a ma
connaissance que des bourgmestres, dans la crainte de déplaire à quelques
électeurs aisés de leur commune, refusaient de délivrer des certificats
d'indigence à des miliciens qui étaient les soutiens de leur mère veuve et les
obligeaient ainsi à marcher à la décharge d'autres miliciens plus aisés et
dont le père était électeur.
Et bien, messieurs, ce n'est pas par un changement au
mode de nomination des bourgmestres qu'on peut remédier à un abus semblable.
Si la circulaire elle-même n'a pas été communiquée au
cabinet, une chose dont je me souviens fort bien, c'est qu'il y a été plus
d'une fois question des abus qui existaient dans l'administration des communes.
J’ai très bon souvenir, par exemple, que j'avais entretenu le conseil de deux
faits dont je vais avoir l'honneur de parler. Le premier de ces faits, c'est
qu'une commune du Hainaut après avoir été condamnée par un jugement définitif à
payer une certaine somme, a refusé de se conformer à ce jugement, malgré les
pétitions qui ont été adressées à la chambre par les personnes au profit
desquelles l'arrêt avait été rendu. Le gouvernement donna ordre au gouverneur
d'insister auprès de la députation permanente pour que la somme dont il s'agit
fût portée d'office au budget de cette commune ; la députation fit son devoir,
elle se conforma à ce que demandait le gouvernement ; malgré cela, l'arrêt de
la justice ne fut pas respecté ; la commune refusa de créer les ressources
nécessaires pour couvrir cette dépense. Or, si l'on peut porter d'office une
dépense au budget d'une commune, on ne peut pas établir d'office un impôt pour
faire face à cette dépense, aucune disposition de la loi communale n'en donne
le droit à qui que ce soit. Le gouvernement resta donc impuissant devant le
mauvais vouloir de cette commune. Cet abus me parut tellement révoltant que si
j'étais resté au ministère, je n'aurais pas hésité à proposer l'un des projets
de loi dont le ministre actuel a saisi la chambre.
Un autre abus qui m'a paru avoir une certaine gravité
et que j'ai aussi communiqué à mes collègues sans cependant que le conseil eût
à délibérer sur ce point, c'est celui-ci :
Il arrive souvent qu'au moment où les élections sont
faites dans quelques communes, les élus se partagent les rôles, se disent :
vous serez bourgmestre ; vous serez échevin ; avec la loi communale qui nous
régit, le gouvernement est dans la nécessité de fermer les yeux sur de
semblables conventions ; la couronne confie généralement les fonctions de
bourgmestre à celui qui est ainsi désigné par le conseil ; mais on est allé
dans une commune jusqu'a stipuler un délit de 2.000 fr. contre tout conseiller,
à l'exception d'un seul, qui aurait accepté les fonctions de bourgmestre ; un
des conseillers qui ne devait pas accepter fut nommé ; il y eut refus. Eh bien,
messieurs, j'ai entendu manifester l'opinion qu'il ne faudrait permettre au Roi
de choisir le bourgmestre en dehors du conseil que dans le cas où tous les
conseillers refuseraient ; mais, je le demande, y a-t-il quelqu'un qui voulût
exposer la couronne à l'humiliation de devoir offrir les fonctions de
bourgmestres à peut-être dix conseillers qui tous refuseraient ? Évidemment
non, Messieurs, quant à moi, je dis que si la loi m'en avait accordé le
pouvoir, je n'aurais pas hésité à nommer le bourgmestre en dehors du conseil.
Je dis que dans un cas aussi grave il est du devoir du gouvernement de tenter
en quelque sorte tous les moyens pour mettre à néant une coalition semblable.
Messieurs, il se présente en ce moment à mon esprit un
autre fait qui n'est pas sans gravité : il existe une commune où le bourgmestre
renvoie toutes les pièces qui lui sont adressées par le gouvernement, sans
même se donner la peine de les ouvrir. Eh bien, messieurs, quel est le remède à
un semblable mal ? Vous suspendrez le bourgmestre ; vous le révoquerez ; mais
c'est précisément un de ces bourgmestres qui est sûr qu'aucun autre conseiller
n'oserait accepter et qui est sûr, d'un autre côté, que les électeurs
n'enverraient pas d'autres que les conseillers actuels pour être à la tête de
l'administration.
Eh bien, je dis que ceux qui ont à cœur de faire
respecter les prérogatives de la couronne autant que les prérogatives de la
commune, doivent chercher un remède à de semblables abus.
Aujourd'hui, messieurs, ce mal n'est pas bien grave,
par rapport à la nationalité, à l'indépendance du pays ; car, d'un côté, le
fait se passe dans une petite commune, et de l'autre nous sommes en pleine paix
; mais je suppose l'inverse. Je suppose que le fait se présente dans une grande
ville et dans un moment critique ; je suppose que dans le cas d’une guerre, par
exemple : le bourgmestre d'une de nos grandes villes soit parvenu à captiver à
ce point tous les membres du conseil et se refuse obstinément à l'exécution de
la loi ; que ferez vous ? Vous enverrez un commissaire spécial ? Mais remarquez
que chaque fois que vous voudrez employer ce moyen de faire exécuter la loi,
vous devez commencer par faire deux sommations, séparées par un certain
intervalle, que vous devez donner au bourgmestre le temps de la réflexion ;
lorsque ces deux sommations seront restées sans effet, alors seulement vous
pourrez envoyer un commissaire spécial. Et savez-vous ce qu'il en coûtera alors
à cette commune de s'être ainsi constituée en quelque sorte en république ? 2
francs 50 c. par jour. De sorte qu'une commune pourra rompre tous les liens qui
l'attachent au pays, pourra, je le répète, se constituer en république pendant
un temps indéfini en payant 2 fr..50 c. par jour ; elle pourra rester dans
cette situation pendant une année entière, sans éprouver d'autre contrainte que
d'être obligée de payer une somme qui n'atteindra pas mille francs. Ne
craignez-vous pas, messieurs, que dans telle circonstance donnée un semblable
exemple puisse être suivi et que le lien social finisse par se dissoudre ?
Un
membre.
- Il n'y a pas de danger.
M. Liedts. - Il n'y a pas de danger dans les circonstances
actuelles, mais il pourrait y en avoir un bien grave dans telle conjoncture qui
pourrait se présenter. Je sais bien que la sagesse du peuple belge, que sa
moralité, que son caractère le porte à l'ordre ; je sais qu'immédiatement après
la révolution, à l’époque du congrès, le pays s'est trouvé sans gouvernement,
pour ainsi dire, pendant un temps assez long, sans qu'il en soit résulté des
désordres ; mais pouvez-vous répondre de ce qui arriverait si, par exemple, une
guerre européenne éclatait, si la nationalité belge était sérieusement menacée
? Je dis que dans une semblable situation, un exemple comme celui du
fait que je viens de citer pourrait être funeste, pourrait gravement exposer le
pays.
Je n'en dirai pas davantage
pour le moment, mais je me réserve de revenir encore sur cette grave question,
si je le crois nécessaire.
(Moniteur n°153, du 2 juin 1842) M. de Man
d’Attenrode. -
L'honorable M. Devaux prétend que les commissaires d'arrondissement émettent
l'opinion que les autorités communales subissent l'influence du pouvoir
électoral dont ils dépendent, mais qu'ils n'administrent pas de faits
suffisants pour le prouver.
M. le président. - Il n'y a là rien de personnel.
M. de Man d’Attenrode. - Je vais y venir, M. le
président. Je répondrai que les faits allégués sont suffisants pour prouver
qu'il y a des abus graves, et je ne suis pas seul de cet avis. Si les
commissaires d'arrondissement n'en détaillent pas davantage, c'est qu'il est
très délicat de citer des faits personnels à propos d'une enquête, et je ne
pense pas avoir à craindre d’être démenti en disant que si MM. les commissaires
d'arrondissement avaient pu prévoir que leurs rapports, eussent été dépecés en
séance de la chambre, comme ils l'ont été aujourd’hui, ils auraient été
beaucoup plus sobres de faits et de paroles.
J'ajouterai que les administrations communales dont la
conduite est répréhensible ont soin de faire en sorte que des circonstances
détaillées ne parviennent à l'autorité supérieure ; tout ce dont les
commissaires d'arrondissement peuvent s'assurer avec le plus de certitude,
c’est la négation, c'est l'abstention de l'action administrative. Or, comme la
mission de l'administration est une mission d'activité, et que sa mission n'est
pas de s'abstenir, cette abstention est un mal très réel. Je me bornerai à
cette réponse en observant que l'honorable M. Devaux n'aurait pas tenu, il y a
deux ans, le langage qu'il vient de tenir et qu'il n'aurait pas eu le courage
de cette longue analyse ; je m'attendais que ce que l'on pourrait nommer
l'espèce d'abdication de principe de l'honorable membre eût été faite d'une
manière plus solennelle.
M. le président. - Il n'y avait là rien de
personnel.
M. Devaux. - Vous comprenez tous, messieurs, ce qu'il y a
d'inconvenant dans le langage que vient de tenir M. le commissaire du district
de Louvain ; je n'ai pas l'intention d'y attacher de l'importance ; je crois
avoir démontré à la chambre que je n'ai renoncé à aucun principe, j'ai toujours
pensé que quand on demande la réforme d'une institution, il faut commencer par
prouver que cette institution a porté de mauvais fruits ; j'ai toujours pensé
que, quelle que soit l'opinion que l'on a eue relativement à une institution,
avant qu'elle fût établie, une fois que l'institution existe, et qu'elle a
duré, il ne faut la réformer qu'autant qu'elle aura porté
de mauvais fruits.
(Moniteur belge
n°152, du 1er juin 1842) M. Rogier. - Messieurs, je n'ai pas entendu blâmer, pour mon compte,
la circulaire de mon ancien collègue ; je pense qu'elle a été envoyée aux
gouverneurs avec de très bonnes intentions ; j'ai seulement voulu protester
contre une allégation qui était partie du banc ministériel et qui attribuait à
l'ancien cabinet la pensée d'avoir voulu réformer la loi communale. Or, cette
pensée n'a jamais pris naissance dans le sein de l'ancien cabinet, et j'ai de
fortes raisons de croire que si la proposition en avait été faite (l'honorable
M. Liedts a déclaré qu'il n’avait pas d'opinion à cet
égard) ; que si la proposition en avait été faite, elle aurait été repoussée
par l'ancien cabinet.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, je tiens à
dire quelques mots sur cet incident, pour prouver au moins la bonne foi du
ministère actuel, lorsqu'il a supposé que le ministère précédent se
préoccupait d'une révision de la loi communale, d'un complément à donner à la
loi communale dans quelques-unes de ses parties.
Nous avons trouvé la circulaire du 19 mars adressée
aux gouverneurs, nous avons reçu les réponses et nous avons très bien pu
supposer que la circulaire était le résultat d'une délibération prise en
conseil. Aujourd'hui, d'autres explications sont données, nous les acceptons.
Cependant il est un autre fait que l'honorable M. Liedts se rappellera sans doute,
c'est que des projets de loi relatifs à la comptabilité communale étaient
soumis au Roi pour obtenir de S. M. l'autorisation nécessaire à un ministre, à
l'effet de s'adresser à vous. J'ai fait quelques changements dans le premier de
ces projets de loi ; la principale modification est celle-ci : l'honorable M.
Liedts se proposait de ne soumettre à l'approbation du gouvernement que les
budgets des villes d'une population de 20 ou 30,000 habitants, si je ne me
trompe ; j'ai rendu le projet plus général, en proposant de soumettre à
l'approbation royale les budgets de toutes les villes où il y a des octrois.
Ainsi, messieurs, ces deux circonstances, l’une la
circulaire du 19 mars, l'autre la présentation au Roi de projets de loi
relatifs à la comptabilité communale pouvaient fort bien faire croire au
ministère actuel que le ministère précédent, par des délibérations prises en
conseil, s'était occupé de la révision de la loi communale.
M. Rogier. - Je répondrai à M. le ministre de l'intérieur que,
par la déclaration que j'ai faite, je n'ai entendu nullement accuser le
ministère actuel, je n'ai pas voulu suspecter sa bonne foi.
En ce qui concerne le second fait cité par M. le
ministre, c'est-à-dire, la présentation au Roi de projets de loi relatifs à la
réforme de la loi communale, au point de vue financier, je déclare également
que l'ancien ministère, comme cabinet, y a été totalement étranger, que ces
projets n'ont point passé par son examen, ni reçu son approbation.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je dirai seulement que
j'en suis surpris.
La séance est levée à 4 heures et
demie.