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Chambres des représentants de Belgique
Séance du samedi 11 juin 1842

(Moniteur belge n°163, du 12 juin 1842)

(Présidence de M. de Behr)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Kervyn fait l'appel nominal à midi et quart.

M. Scheyven donne lecture du procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. Kervyn analyse les pièces de la correspondance.

« Le sieur Janssens demande le pouvoir d'exercer en Belgique avec le diplôme qu’il a obtenu en France, la loi sur l'enseignement supérieur ayant été promulguée alors qu'il était sur le point de terminer ses études à l'étranger. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi sur l'enseignement supérieur.


« Les secrétaires communaux de l'arrondissement d'Ostende demandent que des dispositions de nature à améliorer la position des secrétaires communaux soient introduites dans le projet de loi modifiant la loi communale. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion des projets de loi et ensuite renvoi à M. le ministre de l'intérieur.


« Le sieur Théodore Félix-Amédée de Goussencourt, propriétaire, à Pipaix, né à Fontainebleau (France), demande la naturalisation ordinaire. »

« Le sieur J. Meroni, ancien portier de l'infirmerie de garnison à Charleroy, né à Corogna (Lombardie), demande la naturalisation. »

- Renvoi à M. le ministre de la justice.


« Les commis-greffiers du tribunal de Charleroy présentent des observations concernant le projet de loi sur les traitements de l'ordre judiciaire. »

- Renvoi à la section centrale chargée de l'examen du projet de loi.


« Le sieur Tallois se plaint des condamnations prononcées à sa charge du chef de refus de faire le service de la garde civique. »

- Renvoi à la commission des pétitions.

Ordre des travaux de la chambre

M. David. - La chambre ne se trouvait pas en nombre hier lorsque j'ai demandé qu'on mît à l'ordre du jour le projet de loi relatif aux péages et à la police du chemin de fer. Je renouvelle cette proposition. Je demande que la chambre veuille bien mettre cet objet à l'ordre du jour après le projet de loi dont il s'agit. Il est extrêmement urgent que l'on procède à la discussion de cette loi.

- Cette proposition est adoptée.

M. Cools. - Je viens de recevoir une lettre de notre honorable collègue M. de Brouckere, m'annonçant qu'il est de nouveau très souffrant, et que non seulement il ne pourra pas assister à la séance d’aujourd'hui, mais que d'ici à plusieurs jours il ne lui sera probablement pas permis de se déplacer.

Parmi les objets à l'ordre du jour, se trouve le projet de loi concernant les secrétaires communaux. L'honorable M. de Brouckere propose de ne rien changer à l'ordre du jour, alors qu'il ne serait pas présent, il abandonne la défense de sa proposition aux hommes pratiques de la chambre.

Proposition de loi apportant des modifications à la loi communale, en ce qui concerne le fractionnement des collèges électoraux

Discussion générale

M. de Mérode. - Dans la question qui s'agite aujourd’hui, messieurs, l’ordre gouvernemental n’est point directement intéressé ; car le pouvoir exécutif peut remplir sa mission, quand même il n’y aurait dans certaines communes qu’un simulacre d’élection. Je conçois donc que l’opinion, dite doctrinaire (il faut bien se servir des termes en usage) n’adopte pas le projet qui se discute, mais quant au rejet du précédent, les distinctions les plus subtilement élaborées n’en rendront jamais raison pour elle, d’une manière satisfaisante. Les employer vis-à-vis d’auditeurs qui ont quelque mémoire, c’est peine aussi perdue que celle des plus habiles doctrinaires français, lorsqu’ils ont voulu justifier la fameuse coalition de 1839. Des réputations alors acquises après de longs travaux parlementaires et ministériels, sont venues se perdre dans les palinodies d’une époque de confusion et ne se rétabliront jamais. C’est un ancien membre du ministère précédent, c’est un ancien collègue de M. Lebeau, qui a provoqué la mesure d’où est résulté le dernier vote de la chambre. Après une longue discussion, on a reconnu sur tous les bancs qu’il y avait quelque chose à faire, que M. Liedts avait raison. L’occasion de modifier une loi organique n’était donc pas amenée par caprice, et dès lors, on devait la saisir pour faire dans les principes d’ordre gouvernemental, dans les principes de l’honorable M. Liedts, le mieux possible, et non pas le moins possible. Je tiens, messieurs, à ne pas avoir été coopérateur d’un acte de fantaisiste. Ce n’est pas aux alliances capricieuses qu’il appartient d’appliquer le mot : caprice ; suum cumque. Je n’attaque nullement, bien entendu, d’honorables opposants qui acceptent l’appui de votes qui devraient leur être contraires. On peut, sans scrupules, enrôler sous une bannière toujours de la même couleur, quiconque vient à son secours et peut lui procurer la victoire.

Hier, j’ai écouté avec attention, sans fatigue et sans pénible sentiment, le discours prononcé par M. Devaux, parce qu’il ne présentait pas à mes yeux un collègue, homme de talents, aux prises avec lui-même, aux prises avec un passé qu’il prétend ne pas répudier lorsqu’il se joint à d’anciens adversaires qui ne changent point. Il a plaidé pour la cause de l’unité d’élection dans la commune, il a fait valoir, ainsi que M. Dolez, des motifs sérieux contre le fractionnement proposé, et la bonne foi m’oblige à le reconnaître, ces motifs sont parfaitement soutenables, et si l’élection tout d’une pièce pouvait donner dans les grandes communes la véritable expression de l’opinion publique, nul doute que ce mode de procéder ne fût préférable partout. Mais pourquoi supposer des intentions subversives à ceux qui cherchent cette expression sincère ? Je le déclare hautement, messieurs, si je croyais que les corps municipaux de nos grandes villes représentent réellement la masse de leurs habitants, je ne voudrais aucun changement à ce qui existe : amener le triomphe de mes idées par des combinaisons factices, me serait odieux. Le vrai ne doit pas être défendu par le faux. Mais, quoi qu’on en dise, j’ai peine à croire que nos grandes cités possèdent une véritable représentation communale. A Bruxelles et à Liége, par exemple, aucune école où l’éducation religieuse des enfants est l’objet d’une vive sollicitude ne se trouve appuyé par les régences. Les frères des écoles chrétiennes, dont douze établissements sont largement entretenus par la ville de Paris, manquent, dans ces grandes villes belges, du moindre encouragement donné par l’autorité communale. Et cependant quand il s’agit d’éducation, ne voit-on pas la plupart des pères et mères de famille préférer les établissements dirigés par la religion à ceux qui n’offrent que la science et le vague de la morale purement humaine. C’est, sauf rares exceptions, à force d’argent pris sur les contribuables que l’on entretient ces derniers, et je comprends pourquoi M. Lebeau veut donner au gouvernement une si grande part dans l’enseignement, tandis qu’il vient de lui refuser la nomination d’un bourgmestre choisi librement parmi les électeurs de la commune.

Si la généralité des habitant de Bruxelles ou de Liége désire qu’on élève leurs enfants dans l’indifférence religieuse, ils sont, j’en conviens, parfaitement servis par les conceptions émanant de leurs hôtels de ville, ils recueilleront l’avantage d’avoir bientôt une postérité sachant exclusivement lire, écrire et chiffrer, sans rien de plus substantiel pour les jeunes âmes. Si telle est la volonté de nos concitoyens de Bruxelles et de Liége, je ne puis ni ne veux m’y opposer par aucune considération électorale mensongère. Je ne pense pas, comme Voltaire, que le mensonge soit une grande vertu quand il fait du bien. Mais si je vois manquer à l’élection un très grand nombre des ayants droit de voter, ne puis-je pas croire que ceux-là regardent comme une déception la nécessité de choisis 16 conseillers communaux, en s’entendant quatre mille ensemble pour la désignation de seize personnes, qu’il leur est impossible de connaître ? On nous a demandé des faits. L’impossibilité radicale et visible est un fait. On aurait dû le prévoir à l’égard des grandes villes. On a oublié de le prendre en considération, sans doute à cause des motifs développés par MM. Devaux et Dolez, et dont j’ai reconnu la valeur relative ; cependant on conçoit combien une organisation de société secrète quelconque, combinée par des hommes actifs et habiles, doit avoir de prise sur deux ou trois mille électeurs livrés au hasard pour le choix de leurs délégués. Le zèle de l’esprit de parti est si grand et celui de la chose publique si froid, que le premier triomphe bien facilement du second, quand les lois laissent le champ libre à l’un, n’offrent à l’autre qu’embarras et difficultés.

Vous voyez que je ne veux point faire la guerre aux électeurs des villes ; je désire qu’on leur fournisse au contraire les moyens réels d’exercer leurs droits ; ce n’est pas chose facile que de connaître l’opinion d’une population nombreuse ; et combien n’arrive-t-il pas qu’elle est représentée au moyen de formalités rationnelles en apparence, tout à fait au rebours de ce qu’elle est au fond ?

Mais si je suis loin d’être hostile aux villes, attendu qu’elles existent dans tous les pays civilisés et qu’il serait absurde d’être ennemi d’agrégations d’hommes formées partout depuis le commencement du monde, excepté dans les pays sauvages, je suis loin aussi d’attribuer aux habitants des villes sur les habitants des campagnes une supériorité que j’ai entendu célébrer hier en termes tellement outrés dans leur hyperbole qu’elle se renversait par son excès même.

Toutefois il a été reconnu que la vie des champs était plus favorable à la moralité que la vie des villes. Paris est le centre des lumières scientifiques de la France. Malheur pourtant à ce grand pays s’il était tout entier conforme à la capitale. Combien de supériorités intelligentes ont pris naissance dans les campagnes et s’y sont développés d’abord avant d’atteindre leur plus haut degré dans le conseil des villes. Paris même fournit relativement peu d’hommes de haute capacité ; ils viennent de divers lieux s’y réunir, ils y naissent moins qu’ailleurs, parce que trop d’objets futiles frappent dans leur enfance ceux qui reçoivent le jour dans les grandes villes et y passent leurs premières années. Je me hâte de quitter un sujet étranger à la mesure qui peut ultérieurement empêcher beaucoup d’électeurs citadins de se réfugier dans l’abstention, comme ils l’ont fait jusqu’ici. Je n’admettrais toutefois le fractionnement électoral qu’à l’égard des communes d’au moins douze mille habitants que l’on pourrait diviser en trois collèges distincts pour le minimum et en huit pour le maximum. Je ne pourrais accueillir à d’autres conditions le changement adopté en principe par la section centrale.

Presque toujours ses projets, comme ceux du gouvernement, subissent l’influence d’une discussion approfondie dans cette chambre. S’il en était autrement les discours que l’on prononce ici de part et d’autres deviendraient sans objet.

- M. Fallon remplace M. de Behr au fauteuil.

Motion d'ordre

Application du règlement d'ordre de la chambre

M. Delfosse. - Je demande la parole pour une motion d'ordre. Messieurs à la fin de la séance d'hier, le bruit qui se faisait m'a empêché d'entendre les dernières paroles de M. le président. Je vois par le Moniteur que M. le président a dit que les expressions dont je m'étais servi en parlant de M. Eloy de Burdinne n'étaient pas parlementaires. Je répondrai à M. le président que mes expressions sont beaucoup plus parlementaires que les accusations de déloyauté et de mauvaise foi lancées par d'honorables membres contre leurs collègues dans des séances précédentes, accusations qui n'ont fait l’objet d'aucune observation de la part de M. le président. Il est vrai qu'elles partaient d'un autre côté de la chambre.

Si je n'ai pas fait cette observation à l'ouverture de la séance, c'est parce que M. le président n'était pas présent.

M. Lejeune. - Veut-on renverser le bureau ?

M. le président - Je vais consulter la chambre sur la question de savoir si l'observation que j'ai adressée hier à M. Delfosse a été faite à propos.

Plusieurs voix. - L'appel nominal ! l'appel nominal !

M. Fleussu. - Si on demande à aller aux voix, je demanderai la division. Il y a deux propositions dans l'observation de M. Delfosse. Je demande, a-t-il dit, si les expressions dont je me suis servi sont moins parlementaires que celles dont on s'est servi sur d'autres bancs.

M. le président. - Je consulterai la chambre pour savoir si mon observation a été faite mal à propos.

Plusieurs voix. - L'appel nominal ! l'appel nominal !

M. Delehaye, - Je pense que la chambre n'a pas à statuer sur l'observation de M. le président. S'il y a une décision à prendre, c’est sur ce qu’a dit l’honorable M. Delfosse. Or, que vous a-t-il dit ? « Si l'observation de M. le président était applicable à mes paroles, elle l'était également à celles parties d'autres bancs, et qui attaquaient des membres siégeant sur nos bancs. » Ce que dit M. Delfosse a été répété par d'autres membres,

Quand M. le président est descendu de son fauteuil, n'a-t-il pas dit que cette année l'opposition à la loi communale avait été plus violente que celle de 1836, à laquelle il appartenait. Un honorable membre qui siége à ma gauche a répondu que non, que l'opposition n'avait pas été aussi violente qu'en 1836.

M. le président. - Je ne parlais pas comme président.

M. Delehaye. - Permettez-moi de continuer. Si on statue sur une proposition, ce doit être sur celle de M. Delfosse qui contient deux choses. D'abord s'il n'est pas vrai qu'à des séances précédentes on n'a rien dit quand nous étions attaqués, et en second lieu, si ces attaques n'étaient pas plus fortes que celle qu'on reproche à mon honorable ami M. Delfosse.

Voilà la proposition. Pour ma part, je crois que nous n'avons à statuer sur rien, mais si on statue sur quelque chose, je le répète, ce doit être sur la proposition de M. Delfosse telle que je viens de la rappeler.

M. Dumortier. – J’ai été du nombre de ceux auxquels deux orateurs viennent de faire allusion, au sujet de ce qui s'est dit dans la loi sur les bourgmestres. Je demande qu'on ne s'occupe pas davantage de cette question. Elle est finie, nous n'avons plus à y revenir. Je le demande comme un de ceux qui ont été compris dans les accusations dont on vient de parler.

Mais il est une chose qu'on ne peut pas se dissimuler, c'est que, quelle que soit notre opinion, nous devons toujours respecter la présidence. Si le fauteuil n’est pas respecté par tous les membres d'une assemblée, ce n'est plus une assemblée, c'est une réunion désordonnée. Si l'on vote, je voterai pour donner mon appui à la présidence, parce que, sans respect pour la présidence, il n'y a plus d'assemblée législative possible. Mais je demande aussi qu'on n'aille pas aux voix.

M. d’Hoffschmidt. - Je demande qu'on passe à l'ordre du jour. Il n'existe pas d'exemple qu'une assemblée parlementaire ait été aux voix sur un semblable incident. Nous ferions mieux, dans l'intérêt du pays de passer à l'ordre du jour que de continuer ce débat.

Plusieurs membres. - Non ! non ! Aux voix ! aux voix !

M. de Theux. - Constatons les faits et discutons-les.

M. le président a adressé hier une observation à l'honorable M. Delfosse, au sujet de paroles désobligeantes dont il s'était servi envers M. Eloy de Burdinne. Ces paroles se trouvent consignées au Moniteur. Il demande que ces paroles soient supprimées.

M. Delfosse. - Pas du tout !

M. de Theux. - Vous avez demandé qu'on allât aux voix et vous avez dit que si l'observation de M. le président était maintenue, il fallait statuer sur des récriminations adressées de ce côté à l'autre coté de la chambre. Je dis que si l'observation de M. le président subsiste, nous n'avons rien à voter ; mais si cette observation est mise en question, il faut voter ; et si l'on vote, j'appuierai l'observation, parce qu'elle est juste et parce qu'il l'a faite dans l'exercice de son droit.

M. Verhaegen. - Je voulais dire précisément ce que vient de dire l'honorable M. de Theux. M. le président a fait à la fin de la séance d'hier, sur les paroles prononcées par M. Delfosse, une observation qui est consignée au Moniteur. M. Delfosse y a répondu sans avoir toutefois saisi la chambre d'aucune proposition. Il était dans son droit, et il n'a fait que suivre mon exemple, alors que j'ai répondu à des accusations de déloyauté, de surprise et de mauvaise foi qui étaient parties des bancs de droite. J'ai abandonné à l'appréciation du pays et les accusations et la réponse.

M. de Theux. - Les accusations de déloyauté ne venaient pas de ce côté.

M. de Mérode. - Il arrive à chacun de nous de laisser échapper dans la discussion des paroles plus ou moins vives que M. le président réprime comme il le juge à propos. Nous ne devons pas, à cet égard, montrer de susceptibilité. Je demande qu'on passe à l'ordre du jour.

M. le président. - Je prie M. Dubus (aîné) de vouloir bien me remplacer au bureau.

Plusieurs voix. - Non ! non !

M. Dumortier. - Restez, M. le président, on ne peut pas souffrir que le président descende du fauteuil, parce que la chambre ne lui prêterait pas son appui. Cet appui, vous y avez droit, et nous saurons vous le donner. (Aux voix ! aux voix ! Agitation.)

M. Dubus (aîné). - Je demande la parole. Voici ce que porte notre règlement, art. 31 : « Si un membre trouble l'ordre, il y est rappelée nominativement par le président ; en cas de réclamation, le président consulte l'assemblée. Si celle-ci maintient le rappel à l'ordre, il en est fait mention au procès-verbal. »

L'honorable M. Delfosse a fait une réclamation contre l'observation que lui a adressée hier M. le président. M. le président était donc dans son droit lorsque sur-le-champ il s'est déterminé à consulter l'assemblée. L'assemblée doit répondre.

M. Delfosse.- Il n'y a pas eu de proposition de ma part. Il y a eu une observation présentée dans le but de faire apprécier le degré d'impartialité de M. le président.

M. Dumortier. - Je demande le rappel à l'ordre. Il m'est arrivé, comme à bien d'autres, pour des paroles vives qui m'étaient échappées dans l'improvisation, d'être admonesté par le président, mais jamais je n'ai vu accuser sans aucun motif le président de partialité, ainsi qu’on le fait aujourd’hui.

M. Delfosse. - J'ai dit que M. le président avait laissé passer sans observation des expressions beaucoup plus dures, beaucoup plus inconvenantes que celles dont je me suis servi. Si la chambre le permet, je lui donnerai lecture du Moniteur, je prouverai, le Moniteur à la main, que ce que j’ai dit est la vérité.

On lit dans le discours prononcé par M. Simons dans la séance du 1er juin : d'autres attribuent d'une manière aussi déloyale qu'injuste des idées liberticides à des noms honorables, etc. On ne rougit pas même de faire violence au bon sens, etc. C'est à quelques orateurs de l'opposition que M. Simons adressait ces paroles, pleines d'urbanité, comme on voit.

On lit dans un discours de M. Mérode. (Voir le 2e supplément au n° 147 du il) Vous sentez, messieurs, que je ne parle pas aux constructeurs qui ne seraient pas de mon avis, ceux-là ne m'adressent pas d apostrophe ridicule,et s'ils ne se rangent pas a mon opinion, ils ne la défigurent point contrairement à la bonne foi.

C'est mon honorable ami, M. Verhaegen, qui était accusé dans ce passage d'avoir adressé une apostrophe RIDICULE à M. de Mérode, d'avoir dénaturé, contrairement à la bonne loi, les paroles du noble comte.

Je vous le demande, messieurs, je le demande à tout homme impartial, les paroles que je viens de citer n'étaient-elles pas mille fois moins parlementaire que celles dont je me suis servi hier ?

Je dois donc maintenir mon observation ; je ne sais si je dois craindre le jugement de la chambre, mais, à coup sûr, je ne crains pas celui du pays.

M. de Theux. - On vient se plaindre tardivement d'observations peu obligeantes qui ont été faites par quelques orateurs dans la discussion générale. (Interruption.)

Veuillez, messieurs, ne pas m’interrompre. Je n’ai interrompu personne.

Cette observation est tardive. C’et au moment où une expression est prononcée, qu’on doit en appeler au président, si on trouve qu’on a été trop loin. Voilà la règle. Lorsqu’une observation n’a pas été faite au moment même elle est tardive.

Quant au fond, je ferai remarquer que, quoi j’aie l’habitude d’user de beaucoup de réserve, je ne suis pas aussi intolérant au sujet des autres, lorsque des paroles même violentes ne s’adressent qu’indirectement à un membre ; car si l’on repasse tous les discours consignés au Moniteur, on trouvera de la part des membres qui ont combattu notre opinion des expressions bien autre fortes.

Maintenant par le fait présent, il est certain que c’est une personnalité qui a été dirigée contre M. de Burdinne. Cette personnalité a été reconnue de toutes parts. C’est sur cette réclamation que M. le président a adressé son observation à l’honorable M. Delfosse. Non content de l’expression désobligeante que cet honorable membre avait adressée à notre honorable collègue M. de Burdinne, il vient de formuler une accusation précise contre notre président, une accusation de partialité. Je le dis, si dans cette occasion nous ne soutenons pas notre président, nos délibérations cessent, il n’y a plus d’ordre ; c’en est fait de la dignité de l’assemblée.

M. Vandenbossche. – Je demande la parole.

M. de Mérode. – J’ai été accusé d’avoir voulu renverser la constitution, à raison d’un discours où l’on ne pouvait trouver rien de semblable.

M. Verhaegen. – Mais moi je ne demande rien. (On rit.)

M. de Mérode. – je ne désire pas le moins du monde renouveler une discussion épuisée, je n’ai nulle rancune contre l’honorable M. Verhaegen. Il a parlé, je lui ai répondu. C’est une affaire terminée, je voudrais également que l’on ne parlât plus de celle-ci et qu’on passât à l’ordre du jour.

Plusieurs membres. – Il s’agit de notre président.

M. de Mérode. – Je regrette véritablement qu’on ait blessé notre président, parce que, comme on l'a dit, il doit être environné de respect si nous voulons qu’il y ait de l'ordre dans l'assemblée. Aussi, quant à moi, je suis très contrarié de ce qui a été dit contre M. le président.

Je ne veux pas blâmer M. Delfosse. Mais il devrait reconnaître qu'il n'aurait pas dû attaquer M. le président.

S'il voulait retirer ses observations, l'assemblée pourrait passer à l'ordre du jour.

M. Delfosse. - Je n'ai pas attaqué. Je me suis défendu.

M. Vandenbossche. - Le respect que nous devons à notre président dans l’intérêt de l'ordre ne nous autorise aucunement à voter contre le rappel à l'ordre de M. Delfosse.

Plusieurs membres. - Mais il n'y a pas eu rappel à l’ordre.

M. Vandenbossche. - M. le président a laissé, dit-on, passer d’autres expressions sans les relever. Je trouve, comme l’honorable M. de Theux, que cela peut échapper.

Je désire comme l’honorable M. de Mérode qu’on n’aille pas aux voix sur cet objet ; car le respect que la chambre doit à son président me forcerait à répondre affirmativement.

M. Eloy de Burdinne (pour un fait personnel). - Comme mon nom a été cité, je donnerai quelques explications.

Si j’ai demandé la clôture, je n’étais pas le seul ; 10 membres s’étaient levés pour la demander. J’ai soutenu qu’on pouvait clore la discussion. Je crois que cela n’autorisait en aucune manière l’honorable M. Delfosse à m’adresser des propos que je considère comme très inconvenants.

M. Delfosse, d’un autre côté, désirait que la discussion continuât. Eh bien, j’avais le droit de faire une proposition sur laquelle la chambre avait à se prononcer.

Je ne crois pas devoir m’expliquer sur la question en discussion. Comme il s’agit de moi, je crois devoir m’abstenir.

M. Delehaye. - Très bien.

M. Dumortier. – On a déplacé la question de son véritable terrain. Quelle est en réalité la discussion actuelle ? Un membre de cette assemblée qui, hier, avait proféré des paroles peu obligeantes pour un de ses collègues, s’est vu dire par M. le président que ses paroles n’étaient pas tout à fait convenables. Aujourd’hui, lorsque cet incident est terminé, ce membre vient adresser à M. le président un reproche indirect sur l’observation que celui-ci lui a faite.

Non content d’adresser à M. le président ce reproche indirect il va plus loin, il accuse M. le président de partialité. Quelle devait être la conduite de M. le président ? Sa conduite était tracée par le règlement.

Il devait en appeler au vote de l’assemblée. C’est ce qu’il a fait. Eh bien, vous manqueriez à votre devoir, si, dans un tel état de chose, vous ne faisiez pas respecter le président.

Depuis 12 ans que je siège dans cette chambre, il m’est arrivé à moi, comme à tout autre, de proférer dans l’improvisation des paroles un peu vives et M. le président m’en a fait l’observation. Eh bien, je n’ai jamais eu la pensée de venir déverser le blâme sur les paroles du président, parce que je conçois que notre position personnelle s’efface devant le respect que nous devons à notre président.

C’est pour nous un devoir de soutenir notre président ; si nous ne le faisions pas, le fauteuil devrait rester vacant ; car personne ne voudrait présider une assemblée qui n’appuierait pas celui qui la préside, alors surtout qu’il le fait avec autant de convenance, de bienveillance et d’impartialité que notre honorable président.

D’ailleurs, M. le président était dans son droit. Il y a eu attaque, non pas générale, mais personnelle contre un membre. Ce n’était pas une phrase générale qui s’appliquant à tout le monde ne s’appliquait à personne mais une phrase peu obligeante pour un membre isolé de cette assemblée. M. le président, lorsqu’il a dit que l’expression n’était pas parlementaire, était dans son droit et remplissait un devoir. Nous manquerions au nôtre, si nous ne le soutenions pas.

Dans un pareil état de choses, je dis qu’il est impossible de prononcer l’ordre du jour, et qu’il faut voter sur la question pose par M. le président.

M. Simons. - Pour justifier l’attaque dirigée par un membre de la chambre contre M. le président, on a cité un discours que j’ai prononcé dans cette enceinte. On a prétendu que j’aurais attaqué des membres de la chambre. Qu’on examiner mon discours d’une manière impartiale, on n’y trouvera aucune attaque de ce genre. Des bancs de nos adversaires, on avait commencé par lancer contre nous l’accusation d’idées liberticides, de réaction, de contre-révolution. Ainsi dans l’espèce, j’ai répondu à une attaque. Qu’on examine mon discours, et l’on verra qu’il s’adressait non aux individus mais aux attaques que je viens de rappeler.

S’il m’était échappé quelque chose d’offensant pour un membre de la chambre, je serais le premier à lui en faire publiquement mes excuses, parce que telle n’était pas mon intention. Mais, je le répète, je n’ai fait que répondre aux accusations de liberticides, de réaction, de contre-révolution, enfin de conspirations entre l’aristocratie et le clergé, lancée contre nous.

M. Mercier. - Nous voulons tous que M. le président soit respecté. Si notre honorable président veut un vote, nous ne pouvons nous y refuser. Mon intention, en prenant la parole, est de soumettre une observation à M. le président lui-même. Il me semble qu’après la réclamation faite par l’honorable M. Delfosse, si la chambre adoptait l’ordre du jour, il ne devrait pas s’en offenser.

M. Lejeune. - Que M. Delfosse retire son observation.

M. Mercier. - Je trouve, comme l’honorable M. de Mérode, que l’ordre du jour n’aurait rien d’offensant, parce que sa signification serait que la chambre ne donner aucune suite à l’observation de l’honorable M. Delfosse, ce serait un moyen de terminer ce débat d’une manière conciliante.

M. Dumortier. - L’ordre du jour est demandé sur la demande de M. le président.

M. le président. - J’ai été accusé de partialité ; je crois devoir quitter le fauteuil.

M. Verhaegen. - Je suis assez souvent en désaccord avec l’honorable M. de Mérode. Ici je suis tout à fait d‘accord avec lui ; je partage entièrement son opinion. Souvent, dans l’improvisation, il échappe à l’un ou l’autre de nous des paroles un peu vives. Il y a des discours auxquels je ne réponds pas, et pour cause. Il y en a d’autres auxquels je réponds avec force. Quand j’ai donné ma réponse, je crois avoir fait tout ce que j’avais à faire. Je compte des ennemis politiques dans cette enceinte ; je n’en compte pas au dehors ; celui-là que j’ai combattu à la tribune peut être mon ami, en sortant du palais de la Nation. (Approbation.)

C’est ainsi qu’il faut entendre les choses ; c’est ainsi que je les ai toujours entendues.

M. Dumortier. - Cela est vrai.

M. Verhaegen. - Il ne faut pas nourrir les passions, car en leur donnant un aliment vous fortifiez l’esprit de parti.

N’ai-je pas été obligé encore de défendre l’opposition contre notre honorable président qui avait quitté le fauteuil pour venir s’asseoir sur les bancs des députés ?

J’ai dû relever aussi quelques expressions désagréables ; je l’ai fait avec force et j’étais dans mon droit ; M. le président ne s’en est pas plaint ; et personne ne s’est avisé de le trouver mauvais.

Mais, messieurs, sera-ce, alors que le président lui-même a pris part à cette discussion assez animée, qu’on prononcera un blâme contre un de mes honorables amis, qui appartient justement à cette opinion qui s’est trouvée en conflit avec lui ?

L’honorable M. Delfosse n’a voulu faire autre chose, dans cette circonstance, que de répondre à une observation qui lui avait été faite. On veut, non pas incriminer un fait de mon honorable ami, mais suspecter ses intentions. On prétend qu’il aurait eu l’intention d’accuser M. le président de partialité ; et pour ce motif on veut le blâmer.

L’honorable M. Dubus a cité un article de notre règlement. Mais je ne pense pas que cet article soit applicable.

Il n’y a pas eu de rappel à l’ordre, il ne pouvait y en avoir. Il n’y a donc pas lieu à invoquer un article concernant le rappel à l’ordre.

Voudrait-on l’appliquer par analogie peut-être ? mais à l’égard de quoi ? à l’égard d’une opinion qu’on a énoncée ? le règlement ne vous donne point ce droit, le règlement parle de tout autre chose ; il parle d’un rappel à l’ordre, et il n’y en a pas eu.

Au total, l’assemblée n’a qu’à gagner à couper court à cette discussion. La dignité de M. le président que nous voulons tous conserver intacte, n’en souffrira pas. Il n’y a pas un seul membre de cette assemblée qui ne respecte, comme il le doit, celui qui dirige nos travaux et qui ne soit prêt à concourir dans toutes les circonstances à lui assurer la somme d’autorité dont il doit jouir.

M. Dumortier. – J’approuve complètement les sentiments exprimés par l’honorable préopinant, quant aux paroles qui peuvent nous échapper tous dans la chaleur de l’improvisation. Mais là n’est pas la question ; elle est tout ailleurs.

Un membre à qui M. le président avait dit dans la séance d’hier qu’il s’était servi d’expressions peu parlementaires, vient aujourd’hui adresser un reproche à M. le président sur cette observation ; il va plus loin ; il ajoute que M. le président s’est montré coupable de partialité. Que fait dans cette circonstance M. le président ? Il consulte l’assemblée pour savoir s’il était dans son droit en disant que les paroles de l’honorable membre n’étaient pas parlementaires.

Eh bien, je dis que si, dans une pareille circonstance, vous ne maintenez pas la dignité de M. le président, il n’y a plus de présidence possible. Dans un pareil état de choses la discussion n’est plus entre nous ; elle est entre la présidence et le député, entre celui à qui vous avez déféré le droit de diriger les travaux de la chambre et un membre qui veut prétendre avoir droit contre le président. Eh bien, dans un cas semblable, il n’y a pas de transaction possible ; il faut que le fauteuil devienne vacant, ou que la chambre déclare qu’elle veut maintenir les droits de la présidence ; je dis donc qu’il ne peut s’agir d’ordre du jour et qu’il n’y a qu’une question à poser, c’est celle qu’a proposée M. le président. Le règlement fait un devoir à M. le président de mettre cette question aux voix, et je crois que nous manquerions à notre propre dignité si nous ne lui prêtions pas notre appui.

M. Delfosse. - La chambre décidera ce qu’elle voudra ; tout ce que je puis dire, c’est que la décision de la chambre ne changera rien aux faits.

M. le président. – Je vais mettre aux voix la question de savoir si c’est à propos que j’ai fait observer à M. Delfosse que ses paroles n’étaient pas parlementaires.

M. Rogier. – Je demanderai quel est le but de la question soulevée par M. le président. S’agit-il de mettre aux vox la partialité ou l’impartialité de M. le président ? (Non ! non !) Si nous mettions aux voix une vertu quelconque de notre président. (Interruption.)

Messieurs, je vous engage à ne pas m’interrompre. Soyez un peu moins passionnés.

S’il s’agit donc, messieurs, de mettre aux voix l’impartialité de M. le président, il est certain que tout le monde se réunira pour donner une réponse affirmative à cette question. Car je pense que tout le monde croit à l’impartialité de M. le président, et que personne d’ailleurs ne serait assez désobligeant pour lui dire en face : Non, je ne crois pas à votre impartialité.

Eh bien, c’est cependant là le but de la motion qui vient d’être faite. On veut consulter la chambre sur la question de savoir si M. le président a été partial ou impartial. Or, je crois qu’une pareille question ne peut être mise aux voix.

Maintenant, la question aurait-elle pour but d’infliger un blâme par appel nominal à un de nos honorables collèges. Eh bien, je le reconnais, l’expression de l’honorable M. Delfosse n’a pas été très parlementaire, je puis d’autant plus le dire qu’il m’est arrivé quelquefois, comme à tout le monde, de me servir d’expressions peut-être peu parlementaires. Mais enfin, s’il s’agissait d’infliger un blâme direct à un de nos collègues, si estimable d’ailleurs par le caractère, je ne m’associerais pas à un pareil blâme direct, personnel à un orateur et le moment où on chercherait à expulser un membre de l’assemblée, il n’y a pas très loin. Je le répète, il n’y a pas très loin, vous êtes sur la pente.

Ainsi donc, messieurs, quant à moi, on ne peut pas approuver la plaisanterie de l’honorable M. Delfosse. Mais enfin, il est arrivé à vingt membres de cette assemblée d’échanger entre eux des expressions bien plus désobligeantes. Ainsi hier l’honorable M. Eloy de Burdinne a répondu à l’honorable M. Delfosse que ses paroles étaient insultantes. Il s’est donc servi aussi d’expressions très dures vis-à-vis de M. Delfosse. C’était à la fin de la séance.

M. Eloy de Burdinne. - J’étais dans mon droit.

M. Rogier. - Je ne vous blâme pas. Aussi, si l’on mettait aux voix l’expression d’un blâme contre vous, je ne m’associerais pas à ce blâme, parce que je trouve un pareil précédent dangereux pour l’avenir.

J’engage la chambre à réfléchir sur les conséquences de l’acte qu’elle va poser ; il peut avoir des résultats très fâcheux ; j’invoquerai la prudence, l’impartialité, la modération de notre respectable président. Je crois que dans son propre intérêt, dans l’intérêt de la dignité de l’assemblée, dans l’intérêt des bons rapports personnels, une pareille question ne peut pas être mise aux voix.

Dans tous les cas, messieurs, si je fais ces observations, ce n’est pas que j’hésite sur la réponse que j’ai à faire. S’il s’agit de déclarer la conduite de M. le président impartiale, je répondrai oui ; s’il s’agit d’infliger un blâme contre un de nos collèges, je répondrai non.

M. le président. - Je dois rappeler ce qui s’est passé hier. L’honorable M. Delfosse s’est adressé à l’honorable M. Eloy de Burdinne, qui demandait la clôture. L’honorable M. Eloy de Burdinne a répliqué et a prétendu qu’il avait été insulté par M. Delfosse. J’ai dit à cela, il n’y a pas d’injures dans les paroles de M. Delfosse, mais au moins elles ne sont pas parlementaires. Il paraît que l’honorable M. Delfosse a attaché une immense importance à ces mots, et il en a profité pour venir m’accuser de partialité.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Ce n’est pas à la majorité de la chambre, ce n’est pas à M. le président que l’honorable M. Rogier aurait fait une allocution, c’est à l’honorable M. Delfosse. M. le président vient de vous rappeler ce qui s’était passé hier. C’était fort peu de chose. M. Delfosse a jugé à propos d’adresser par motion d’ordre une observation à M. le président ; dès lors il plaçait entre le président et lui la chambre, et c’est ce qu’il ne faut jamais faire, au moins légèrement.

Ce n’est pas tout ; M. Delfosse vous a dit dans quelle intention il avait fait cette observation ; c’était pour constater la partialité de M. le président. Ce n’est pas tout encore ; lorsque la chambre a voulu aller aux voix, il a dit que peu importait ce que la chambre pourrait décider, que les faits n’en subsistaient pas moins.

M. Delfosse. – Je maintiens ce que j’ai dit.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – C’est justement là que je veux en venir, et je vais répéter mes observations puisqu’on m’interrompt.

Il a donc été déclaré par l’honorable membre lui-même que son intention était de constater la partialité de M. le président.

M. Delfosse. – Dans une circonstance donnée.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Vous m’interrompez encore ; vous me répondrez ; je désire que vous fassiez cesser cette pénible discussion, et je vous prouverai que vous le pouvez facilement.

Ce n’est pas tout ; il a déclaré, comme je viens de le dire, que peu lui importait ce que la chambre déciderait ; que les faits n’en subsistaient pas moins.

Je dis qu’aucun de nous ne peut prendre une attitude semblable, ni envers M. le président, qui exerce une magistrature que nous lui avons déléguée, ni envers la chambre dont chacun doit respecter les décisions, que chacun doit respecter comme il se respecte lui-même.

Maintenant l’honorable M. Delfosse nous dira s’il maintient ou non sa déclaration ; nous nous déciderons d’après son silence ou d’après les explications qu’il nous donnera. Mais pour moi ce qui a aggravé les choses, ce sont précisément les réflexions que l’honorable M. Delfosse a ajoutées.

J’aurais donc voulu que l’honorable M. Rogier, au lieu de s’adresser à la majorité de la chambre, au lieu de s’adresser à M. le président, eût fait un appel à l’honorable M. Delfosse lui-même.

Si l’honorable M. Delfosse l’avait voulu, cette discussion n’eût pas eu lieu. Il y a eu de sa part une première imprudence ; c’est de mettre la chambre entre le président et lui, et à cette imprudence il en a ajouté plusieurs autres ; je viens de les signaler ; il peut tout réparer par un mot.

M. Delfosse. – Je n’accepte pas la leçon que M. le ministre de l'intérieur vient de me faire ; ce n’est pas à lui à donner des leçons, mais à en recevoir ; il en a reçu une hier, il en recevra d’autres encore dans plus d’une circonstance.

Messieurs, l’honorable M. de Brouckere s’est plaint, il y a quelques temps de la partialité de M. le président dans des termes beaucoup plus durs que ceux que j’ai employés ; les paroles de l’honorable M. de Brouckere n’ont pas alors soulevé l’orage qui gronde en ce moment contre moi ; mais cet orage ne m’effraye pas, je n’ai rien changé à ce que j’ai dit. La chambre, je le répète, fera ce qu’elle voudra ; les faits sont là ; ils parleront plus haut que toutes les décisions de la chambre.

M. Dubus (aîné). – Messieurs, j’ai demandé la parole, lorsque j’ai entendu l’honorable député d’Anvers, pour rétablir les faits, car il paraît que l’on a complètement perdu de vue le véritable état de la question. M. le président avait fait remarquer, à la fin de la séance d’hier, que les expressions échappées à M. Delfosse étaient peu parlementaires ; M. Delfosse, non pas à l’instant même, mais après une mûre délibération, vient faire une motion d’ordre expresse dans la séance actuelle pour réclamer formellement contre l’observation de M. le président et pour accuser celui-ci de partialité. M. Delfosse ne s’est pas contenté de présenter cette accusation une première fois, il a pris une dernière fois la parole, et il l’a reproduite ; enfin une troisième et une quatrième fois, il a déclaré qu’il n’avait rien à retrancher de ses paroles. Je ne comprends pas comment en présence de pareils faits la chambre pourrait hésiter ; cela serait sans exemple dans les annales parlementaires ; dans un autre parlementaire l’huissier à la verge noire viendrait arrêter M. Delfosse et le conduirait en prison jusqu’à ce qu’il eût fait ses excuses. Nous n’avons point ces formes, j’en conviens, mais tout au moins devons-nous faire ce que le bon sens indique, tout au moins devons-nous faire respecter le président par tous les membres de l’assemblée ; il ne peut y avoir de président qu’à ce prix ; personne ne consentirait à monter au fauteuil de la présidence pour recevoir de pareilles injures que l’on ose dire qu’on ne retirera point, quelle que soit la décision de l’assemblée ; de manière que l’on attaque en même temps la dignité du président et la décision que l’assemblée pourrait prendre ; je dis, messieurs, que vous abdiqueriez votre propre dignité si vous laissiez passer de pareilles attaques.

M. le président. – Je vais mettre aux voix la proposition que j'ai faite tout à l’heure et qui est ainsi conçue : « Je demande que la chambre décide, si c’est à propos qu’à la fin de la séance d’hier, j’ai dit à M. Delfosse que ses paroles étaient peu parlementaires. »

Plusieurs membres. – L’appel nominal.

M. Fleussu. – Il m’est impossible de voter sur une semblable question, d’abord pour se conformer au règlement, il faudrait qu’il y eût eu rappel à l’ordre ; or ce qui n’a pas eu lieu, et dès lors l’observation de l’honorable M. Verhaegen reste debout.

A la fin de la séance d’hier, M. le président a fait observer à M. Delfosse que les expressions dont il s’est servi envers un honorable membre étaient peu parlementaires mais il ne l’a pas rappelé à l’ordre ; qu’a fait aujourd’hui M. Delfosse ? a-t-il réclamé contre l’observation de M. le président ? s’en est-il plaint ? pas le moins du monde, il s’est borné à lui dire : L’observation que vous m’avez faite, vous auriez dû le faire aussi à d’autres membres. Je suis loin d’approuver les expressions dont l'honorable M. Delfosse a fait usage, à mon avis, elles étaient de nature à provoquer une observation de la part de M. le président, et j’espère qu’il en fera de semblables chaque fois que l’occasion s’en présentera ; il fera toujours bien de maintenir les membres de la chambre dans les convenances parlementaires, et chaque fois qu’il le fera, il aura mon appui.

Mais, je le demande, messieurs, comment voulez-vous que je vote, alors qu’il s’agit d’une simple observation adressée à un membre qui ne se plaint pas de cette observations, mais qui dit qu’elle aurait dû être adressée encore à d’autres membres, dans d’autres circonstances ? Sont-ce là des raisons assez graves pour infliger, en quelque sorte, une peine parlementaire à un de nos honorables collègues ?

M. Dubus (aîné). – Je ne comprends pas, messieurs, la différence que l’on soulève. Quel était l’objet de la motion d’ordre de M. Delfosse ? c’était de réclamer contre l’observation faite par M. le président à la fin de la séance d’hier. M. Delfosse accuse M. le président de partialité ; il a reproduit plusieurs fois cette accusation, il refuse de la retirer. Je demande ce que peut faire le président d’une assemblée, lorsque l’on réclame contre l’usage qu’il a fait d’un pouvoir qui lui est attribué par le règlement ? Il ne peut faire autre chose que d’en appeler à l’assemblée elle-même. Eh bien, c’est ce que fait M. le président, et nous refuserions de prononcer ? Mais, messieurs, lorsqu’on reconnaît, dans ses discours, que le président a fait un usage impartial, convenable de son pouvoir, on doit avoir le courage de voter en conséquence. (Aux voix, aux voix.)

M. le président. – Je vais consulter la chambre sur la question que j’ai posée tout à l’heure.

M. Delehaye. – Messieurs, d’après moi, l’ordre du jour ne sauras rien signifier de désagréable à notre honorable président ; il signifie seulement que lorsque M. le président a dit que les expressions de M. Delfosse étaient peu parlementaires, il était dans son droit ; car nous ne proposons pas de faire retrancher ces paroles du il ; nous demandons qu’il n’y soit apporté aucun changement ; M. Delfosse lui-même n’a pas prétendu que ses paroles étaient parlementaires ; il aurait seulement voulu que dans d’autres moments on se fût prononcé de la même manière. Je pense donc que la question est mal posée et qu’il ne faut pas y répondre.

Plusieurs membres. – L’ordre du jour !

D’autres membres. – L’ordre du jour par appel nominal.

M. Dumortier. – Je crois, messieurs, que l’art. 31 du règlement s’oppose à ce qu’on passe à l’ordre du jour. L’art. 31 du règlement porte :

« Si un membre trouble l’ordre, il y est rappelé nominativement par le président. En cas de réclamation, le président consulte l’assemblée ; si celle-ci maintient le rappel à l’ordre, il en est fait mention au procès-verbal. »

Des membres. – Il n’y a pas eu rappel à l’ordre.

M. Dumortier. – Mais, messieurs, lorsque le président dit à un membre qui s’est servi d’une expression peu parlementaire, cela équivaut à un rappel à l’ordre, car il est évident qu’un membre qui se sert d’expressions qui ne sont pas parlementaires trouble l’ordre de l’assemblée. La chambre doit donc se prononcer sur la question posée par le président ; en agir autrement serait dire que le président a eu tort, ce serait en quelque sorte voter la destitution du président.

Nous devons d’autant plus nous prononcer que le membre dont il s’agit et venu lui-même réclamer contre les paroles de M. le président et accuser M. le président de partialité. Ne pas nous prononcer serait reconnaître que cette accusation est fondée ; or c’est ce que nous ne reconnaissons nullement.

M. Verhaegen. – Mais, messieurs, il ne s’agit pas du tout de l’art. 31. M. Dumortier n’est pas même d’accord avec ses amis ; l’honorable M. Dubus ne prétend pas qu’il soit question d’un rappel à l’ordre, et en effet il ne peut pas en être question ; car ce serait M. le président qui devait rappeler l’orateur à l’ordre et, en cas de doute, il serait obligé de consulter l’assemblée. Or, j’en appelle à M. le président lui-même, il n’a pas été dit un mot de rappel à l’ordre. Il ne peut donc pas en être question.

Maintenant, on demande l’ordre du jour, mais qu’est-ce que l’ordre du jour ? L’ordre du jour emporte cette idée qu’il n’y a rien à mettre aux voix et qu’il n’y a pas lieu à s’arrêter aux observations qui ont été faites C’est là ce que je demande moi-même.

M. Peeters. – Je crois, messieurs, que nous devons absolument voter sur la question posée par M. le président ; les paroles de M. Delfosse nous y obligent ; il maintient tout ce qu’il a dit, il l’aggrave même continuellement. Il est venu dire tout à l’heure que l’honorable M. de Brouckere a taxé M. le président de partialité, et qu’alors la chambre n’a pas émis de vote à cet égard ; eh bien, c’est un motif de plus pour que l’on vote aujourd’hui, afin que de semblables accusations ne se reproduisent plus ; c’est déjà bien assez que le président ait été deux fois accusé de partialité.

M. de Theux. – Soit qu’on mette aux voix l’ordre du jour, soit qu’on mette aux voix la proposition de M. le président, la question est nettement posée : elle est entre le président et M. Delfosse, ceux qui adopteront l’ordre du jour condamneront le président, ceux qui voteront contre l’ordre du jour condamneront M. Delfosse. (C’est cela, c’est cela.) Je dis donc que la question est nettement posée, le rejet de l’ordre du jour est la condamnation de M. Delfosse, le rejet de la proposition de M. le président est la condamnation de M. le président ; l’adoption de l’ordre du jour est la condamnation de M. le président, l’adoption de la proposition de M. le président est la condamnation de M. Delfosse. Il n’y a doc pas à hésiter, et quant à moi je n’hésite pas un seul instant ; il faut que l’assemblée cesse de délibérer ou qu’elle maintienne la dignité du président.

M. le président. – Je dois déclarer que je considérerais l’ordre du jour comme un congé qui me serait donné par la chambre. (Très bien, très bien.)

M. de Mérode. – Depuis que M. Delfosse a insisté comme il l’a fait sur ce qu’il avait dit à M. le président, je ne puis plus voter l’ordre du jour, et je serai obligé de répondre affirmativement à la question posée par M. le président. (Aux voix, aux voix, l'ordre du jour, l’ordre du jour.)

M. le président. – Je vais mettre l’ordre du jour aux voix.

Plusieurs membres. – L’appel nominal.

- L’ordre du jour est mis aux voix par appel nominal.

71 membres prennent part au vote.

21 s’abstiennent.

50 rejettent.

En conséquence l’ordre du jour n’est pas adopté.

Ont voté le rejet : MM. Brabant, de La Coste, Cogels, Coppieters, de Behr, Dedecker, de Florisone, de Garcia, de Man d’Attenrode, de Meer de Moorsel, de Mérode, de Muelenaere, de Nef, de Potter, de Renesse, Desmaisières, Desmet, de Terbecq, de Theux, d’Hoffschmidt, Doignon, Donny, Dubus (aîné), Dubus (Bernard), Dumont, Dumortier, Duvivier, Henot, Hye-Hoys, Huveners, Kervyn, Lejeune, Malou, Mast de Vries, Meeus, Morel-Danheel, Nothomb, Osy, Peeters, Pirmez, Raikem, Rodenbach, Simons, Smit, Vandenbossche, Vanden Eynde, Vandensteen, Van Hoobrouck et Van Volxem.

Se sont abstenus : MM. David, Delehaye, Delfosse, Devaux, de Villegas, Eloy de Burdinne, Fleussu, Jadot, Jonet, Lange, Lebeau, Lys, Manilius, Orts, Pirson, Puissant, Rogier, Sigart, Trentesaux et Verhaegen

Les membres qui se sont abstenus motivent leur abstention :

M. David. – Dans tant d’occasions, des paroles plus fortes que celles que nous avons entendues hier ont été prononcées à cette tribune, sans être frappés du rappel à l’ordre, que j’ai trouvé à propos de m’abstenir, pour ne pas voir la première victime d’une semblable rigueur dans la personne d’un de mes honorables collègues et concitoyens.

M. Delehaye. – Je me suis abstenu, parce que je ne puis admettre la signification que l’honorable M. de Theux vient de donner à la demande de l’ordre du jour.

M. Delfosse. – Je me suis abstenu, parce que je n'ai pas voulu être juge dans ma propre cause.

M. Devaux. – Messieurs, il me semble que ce débat ne valait pas la peine d’un vote, et c’est une des raisons pour lesquelles je me suis abstenu.

Je me suis demandé premièrement si c’était une injure que de dire à quelqu’un : « Vous avez la science infuse. » ; je ne sais si l’honorable M. Delfosse, revenant sur ses pas, avait retiré ses expressions et avait déclaré que l’honorable M. Eloy de Burdinne n’a pas la science infuse, je ne sais s’il n’aurait pas été plus injurieux la seconde fois que la première.

En second lieu, je n’ai pas voulu prendre part au vote parce que j’ai trouvé que votre vote n’était pas libre ; du moment que M. le président déclarait que ceux qui voteraient pour l’ordre du jour voteraient sa démission, il ne nous laissait pas l’entière liberté du vote.

Je me suis abstenu en troisième lieu, parce que si j’avais été forcé d’émettre mon opinion dans le débat, j’aurais dû dire : L’expression dont l’honorable M. Delfosse s’est servie est peu moins grave qu’il ne fallait ; sous ce rapport, l’observation de M. le président est assez juste et je ne puis pas lui donner tort ; d’un autre côté, M. Delfosse a dit que des paroles bien plus vives ont été prononcées dans d’autres circonstances, sans provoquer d’observations de la part de M. le président ; sur ce point, je ne puis donner tort à M. Delfosse ; ainsi, sur le fond du débat, je serais fort embarrassé de me prononcer.

M. de Villegas. – Je me rallie entièrement aux observations qui ont été présentées par l’honorable M. Devaux, et ce sont aussi ces motifs qui m’ont engagé à m’abstenir.

M. Eloy de Burdinne. – Messieurs, ayant donné lieu aux observations faites par M. Delfosse, j’ai cru devoir m’abstenir.

M. Fleussu. – Messieurs, j’aurais désiré me prononcer pour l’ordre du jour, afin de mettre un terme à ce débat affligeant ; mais la portée que quelques membres ont voulu donner au vote m’a placé dans la nécessité de m’abstenir.

M. Jadot. – Je me suis abstenu par les motifs que vient de donner l’honorable M. Fleussu.

M. Jonet, M. Lange et M. Lebeau déclarent s’être abstenus pour les mêmes motifs que M. Fleussu.

M. Lys. – J’aurais voté l’ordre du jour, mais d’après la portée qu’a donnée à ce vote l’honorable M. de Theux, j’ai dû m’abstenir, parce que personne plus que moi ne respecte le président de cette assemblée ; je suis loin d’approuver les observations faites aujourd’hui par M. Delfosse, mais aucun rappel à l’ordre n’ayant été prononcé, je crois qu’il n’y a pas lieu de voter ; cela me paraît même contraire au règlement.

M. Manilius. – Je me suis abstenu parce que je n’ai pas cru que la question fût assez grave pour motiver un vote.

M. Orts. – Il n’entrait pas dans ma pensée d’attacher l’idée de la démission du président au vote de l’ordre du jour ; d’après cela, j’ai cru devoir m’abstenir.

M. Pirson. – Messieurs, je respecte l’honorable M. Fallon autant que qui que ce puisse être dans cette enceinte ; non seulement parce qu’il est le président de la chambre, mais parce qu’il est mon ami particulier dont je prendrai au besoin la défense au dehors. Cependant, dans la question qui vient de se présenter, je n’ai vu que ce qu’on appelle une peccadille, et il ne me semblait pas qu’on dût pousser les choses au point d’aller aux voix ; ce qui devait augmenter dans cette chambre les dissidences et un fractionnement déjà trop dangereux pour le pays.

M. Puissant. – Je me suis abstenu pour les mêmes motifs qu’a fait valoir l’honorable M. Fleussu.

M. Rogier. – Je me suis abstenu par les mêmes motifs que l’honorable M. Devaux.

M. Sigart. – Je me suis abstenu parce que je n’ai pas voulu blâmer ni M. le président ni M. Delfosse.

M. Trentesaux. – Je me suis abstenu par les mêmes motifs que l’honorable M. Fleussu.

M. Verhaegen. – Je me suis abstenu par les mêmes motifs et par un autre tout spécial. Les paroles qui ont été prononcées par l’honorable M. Dubus m’ont fait une pénible impression. L’exemple qu’il a cité de l'huissier à verge noire qui, dans une autre assemblée législative, vient mettre la main sur un député et le conduire en prison, m’a fait faire des réflexions, et à voir la marche que l’on suit depuis quelque temps, il n’y a pas de raison pour qu’on ne nous en menace pas un jour.

M. Dubus (aîné). – Je dois protester contre la portée que l’honorable préopinant a donnée à mes paroles ; évidemment elles n’annoncent pas le dessein qu’il insinue et qui serait en opposition avec mes opinions bien connues ; je ne citai cet exemple que pour montrer combien, dans une autre assemblée législative, on portait tout le sentiment du respect pour le président et pour l’assemblée. J’aurai dû en citer une autre preuve, j’aurais dû dire qu’en pareille circonstance, dans le parlement auquel j’ai fait allusion, il y a unanimité pour blâmer ceux qui se permettent d’injurier le président.

M. Orts. – Je demande la parole.

M. Dubus (aîné). – Il n’y a plus de partis alors, il y a unanimité pour voter le blâme. On n’a, pour s’en convaincre, qu’à consulter les annales parlementaires de l’Angleterre. Celui qui se permet de troubler l’ordre dans le parlement, réunit contre lui toutes les opinions de l’assemblée.

M. Verhaegen. – Je demande à répondre : c’est de moi qu’il s’agit. On me demande de donner les motifs de mon abstention, je les donne, et à l’appui de mon abstention, je rappelle les paroles qui ont été prononcées tout à l’heure par l’honorable M. Dubus, et qui ont fait une pénible impression sur moi ; j’ai seulement témoigné la crainte qu’à voir ce qui se passe aujourd’hui, on ne vienne un jour faire ici ce qu’on fait dans d’autres parlements.

M. Rogier. – Je veux seulement faire observer que dans le parlement anglais on ne s’émeut pas de pareilles misères, à chaque instant, il s’y prononce des paroles beaucoup plus vives que celles qui sont échappées à l’honorable M. Delfosse, et qu’il regrettera plus tard, sans que le parlement se mette dans un pareil émoi.

M. Orts. – Je proteste contre cette idée, que l’adoption de l’ordre du jour aurait impliqué un blâme pour l’honorable président ; c’est précisément parce que je n’ai pas cru que l’adoption de l’ordre du jour fût un blâme infligé au président, c’est précisément parce que je n’admettais pas une semblable interprétation donnée au vote par l’honorable M. de Theux, que j’ai dû m’abstenir.

M. le président. – Nous rentrons dans l’ordre du jour.

Des membres. - M. le président, nous devons voter sur la seconde question.

D’autres membres. – C’est assez (Non ! non !)

M. le président. – La seconde question consiste à savoir si j’ai à propos fait observer à M. Delfosse que l’expression dont il s’était servi envers M. Eloy de Burdinne était peu parlementaire. (Aux voix ! aux voix !)

M. Delehaye. – Mais cela n’a été contesté par personne.

M. Fleussu. – D’après les explications qui ont été données sur tous les bancs, c’est un vote tout à fait inutile. (Aux voix ! aux voix !)

Des membres. – L’appel nominal.

- Il est procédé à l’appel nominal.

70 membres répondent à l’appel.

50 répondent oui.

20 se sont abstenus.

Les membres qui se sont abstenus sont invités à énoncer les motifs de leur abstention.

M. David. – Je me suis abstenu pour les motifs énoncés précédemment. J’y ajouterai seulement que mon abstention n’a pas pour but d’impliquer le moindre blâme à la conduite de notre respectable président.

M. Delehaye. - Je me suis abstenu par les mêmes motifs qu’au vote précédent.

M. Delfosse. – Je me suis abstenu parce que je n'ai pas voulu être juge dans ma propre cause.

M. Devaux. - Je me suis abstenu par les motifs que j’ai énoncés lors du vote précédent.

M. de Villegas. - Je me suis abstenu par les mêmes motifs qu’au vote précédent.

M. Eloy de Burdinne. - Je me suis abstenu par les mêmes motifs qu’au vote précédent.

M. Fleussu. - Je me suis abstenu par les mêmes motifs.

M. Jonet. - Je me suis abstenu par les mêmes motifs.

M. Lange. - Je me suis abstenu par les mêmes motifs.

M. Lebeau. - Je me suis abstenu par les mêmes motifs.

M. Lys. – Je me suis abstenu par les mêmes motifs que tout à l’heure, et j’ajoute que comme il n’y avait pas eu de rappel à l’ordre, il n’y avait pas lieu de mettre aux voix cette question du règlement.

M. Manilius. - Je me suis abstenu par les mêmes motifs.

M. Orts. - Je me suis abstenu par les mêmes motifs.

M. Pirson. - Je me suis abstenu par les mêmes motifs.

M. Puissant. Je me suis abstenu par les mêmes motifs.

M. Rogier. - Je me suis abstenu par les mêmes motifs.

M. Sigart. - Je me suis abstenu par les mêmes motifs.

M. Trentesaux. - Je me suis abstenu par les mêmes motifs.

M. Verhaegen. - Je me suis abstenu par les mêmes motifs qu’au vote précédent.

Ont répondu oui : MM. Brabant, de La Coste, Cogels, Coppieters, de Behr, Dedecker, de Florisone, de Garcia de la Vega, de Man d’Attenrode, de Meer de Moorsel, de Mérode, de Muelenaere, de Nef, de Potter, de Renesse, Desmaisières, Desmet, de Terbecq, de Theux, d’Hoffschmidt, Doignon, Donny, Dubus (aîné), Dubus (Bernard), Dumont, Dumortier, Duvivier, Henot, Hye-Hoys, Huveners, Kervyn, Lejeune, Malou, Mast de Vries, Meeus, Morel-Danheel, Nothomb, Osy, Peeters, Pirmez, Raikem, Rodenbach, Simons, Smits, Vandenbossche, Vanden Eynde, Vandensteen, Van Hoobrouck et Van Volxem.

Proposition de loi apportant des modifications à la loi communale, en ce qui concerne le fractionnement des collèges électoraux

Discussion générale

M. le président. – Nous reprenons l’ordre du jour.

M. de Mérode vient de déposer l’amendement suivant, signé de lui et de M. Rodenbach :

« Dans les communes de 12,000 habitants et au-dessus, les élections se feront par sections. Le nombre des sections ne pourra être inférieur à trois, ni supérieur à huit. »

Cet amendement a été développé. Est-il appuyé ?

Plusieurs voix. - Oui, oui.

M. Rodenbach. – A la séance d’hier, je me proposais de vous présenter l’amendement qui vous est soumis. M. le comte de Mérode ayant exprimé la même opinion, dans son discours, je me joins à lui pour présenter l’amendement.

Hier, j’ai écouté attentivement les débats, et je pense que dans les grandes villes où il y a deux, trois et même quatre mille électeurs, le fractionnement est nécessaire. Mais là où il n’y a que quatre mille habitants, ce qui donne 50 à 60, fût-ce même 80 électeurs, il me semble que la division des électeurs en quatre sections est tout à fait inutile, je dirai même qu’elle est, pour ainsi, dire, absurde ; car diviser 60 ou 80 électeurs en quatre sections serait faire des sections de 15 à 20 électeurs. Cela seul m’aurait décidé à voter contre la loi. Mais, je le répète, j’ai écouté attentivement les débats, et je me suis convaincu que dans les grandes villes, là où il y a trois ou quatre mille électeurs, le fractionnement est nécessaire. C’est pour cela que j’ai signé l’amendement déposé sur le bureau.

M. Delfosse. – Il s’agissait hier de dépouiller les électeurs de toute part d’intervention dans la nomination des bourgmestres. Il s’agit aujourd’hui de les dépouiller de toute part d’intervention dans la nomination des échevins. Il s’agissait hier de donner au Roi le libre choix des bourgmestres ; il s’agit aujourd’hui de lui donner le choix à peu près libre des échevins.

Lorsqu’une commune sera divisée en plusieurs sections électorales, lorsque chaque section aura ses représentants spéciaux au sein du conseil, le Roi pourra choisir les échevins parmi les représentants de l’une ou l’autre section ; les électeurs des autres sections, beaucoup plus nombreux peut-être, n’auront participé en rien à ce choix. Les échevins leur seront aussi étrangers que si le choix s’était fait hors du conseil.

Lorsqu’une commune sera divisée en plusieurs sections le gouvernement pourra facilement, par l’influence qu’il exercera sur l’une ou l’autre section, composée d’un petit nombre d’électeurs, faire pénétrer dans le conseil les hommes qu’il voudra appeler aux fonctions d’échevins ; ceux-ci plairont à une fraction des électeurs, mais la grande majorité leur sera hostile.

C’est là un système monstrueux, s’il en fut jamais, et je suis encore à me demander comment l’honorable député de Tournay a pu lui donner son appui.

Je ne puis croire que c’est pour arriver à un si triste résultat que cet honorable membre a plaidé pendant plusieurs années, et dernièrement encore, avec tant d’éloquence et de chaleur, la cause des franchises communales.

L’honorable membre a trouvé en faveur de ce système un argument d’un genre tout nouveau. Nous devons, dit-il, désirer tous que le gouvernement fasse rarement usage du droit qu’il a de nommer le bourgmestre hors du conseil, nous devons donc nous rallier à un système qui permet à tous les intérêts, à toutes les opinions de pénétrer dans le conseil ; dans ce cas le Roi sera naturellement porté à y faire son choix.

Je demanderai à l’honorable membre si, lorsqu’il a insisté avec force pour que les bourgmestres et les échevins ne pussent être pris hors du conseil, il trouvait à cela un autre avantage que celui d’empêcher le gouvernement de faire un choix désagréable à la majorité des électeurs de la commune, et si cet avantage existera encore lorsque tous les intérêts, toutes les opinions pourront pénétrer dans le conseil à l’aide d’un petit nombre de voix, d’un nombre qui ne sera peut-être pas le vingtième du nombre total des électeurs. Si l’honorable membre veut que le Roi puisse prendre le bourgmestre et les échevins dans toutes les opinions, dans la minorité comme dans la majorité, il n’y a pas de raison pour que le choix du gouvernement ne soit pas entièrement libre, pour que ce choix ne s’exerce pas hors du conseil comme dans le conseil.

Je partage jusqu’à un certain point l’opinion de l’honorable membre. Il serait peut-être à désirer que tous les intérêts, que toutes les opinions eussent leur entrée au conseil. La lutte toute pacifique, toute légale qui ne manquerait pas de s’y élever entre ces divers intérêts, entre ces diverses opinions, contribueraient puissamment à former l’esprit public. Les affaires seraient mieux étudiées, les questions plus approfondies, et chaque opinion ayant pu se défendre, aurait moins à se plaindre d’avoir succombé. Mais il est impossible d’admettre un système au moyen duquel les représentants de la minorité pourraient, en pénétrant dans le conseil, être appelés à former la majorité, peut-être même l’unanimité du collège des bourgmestres et échevins. Et cependant c’est à cela que le système de M. de Theux conduit tout droit.

Ce n’est d’ailleurs qu’en apparence que ce système est favorable à la représentation des divers intérêts qui peuvent exister dans une commune. Ces intérêts ont aujourd’hui mieux représentés, mieux défendus, qu’ils ne le seraient après l’adoption u projet de M. de Theux.

On vous a déjà fait observer, messieurs, que lorsqu’une commune se compose de plusieurs sections ou hameaux détachés, la députation permanente du conseil provincial peut, aux termes de l’article 5 de la loi communale, déterminer, d’après la population, le nombre des conseillers à choisir parmi les éligibles de chaque section ou hameau. Mais alors tous les électeurs de la commune concourent ensemble à l’élection ; les conseillers ainsi élus, ont d’autant plus d’influence pour défendre les intérêts de leur section qu’ils représentent réellement la majorité des électeurs de la commune entière et que cette même section est aussi représentée par les autres conseillers à l’élection desquels elle a concouru.

La représentation des divers intérêts dans le conseil est tellement une nécessité qu’elle s’opère même dans les communes auxquelles l’art. 5 de la loi communale ne peut pas être appliqué.

C’est ainsi qu’à Liége, par exemple, chaque quartier est représenté dans le conseil par un nombre de conseillers proportionné à sa population et à son importance. La répartition de conseillers que chaque quartier doit avoir se fait dans les réunions préparatoires. Cela se fait parce que cela est juste, et parce que l’intérêt électoral l’exige. Malheur à l’opinion qui voudrait opprimer un quartier et de dépouiller du droit d’être équitablement représenté dans le conseil ! Car elle verrait à l’instant même les électeurs de ce quartier se tournera contre elle et lui enlever la victoire. (Quelques membres se livrent à des conversations particulières.)

M. le président réclame le silence de l’assemblée.

M. Delfosse. – Je remercie M. le président de l’impartialité qu’il montre en rappelant au silence ceux qui font du bruit.

Je reprends. Voilà donc quelle est aujourd’hui la position : chaque quartier a un nombre de conseillers proportionné à son importance et à sa population. Il a en outre cet avantage qu’il exerce de l’influence sur les autres conseillers à l’élection desquels il a concouru, et qui peuvent encore, à l’expiration de leur mandat, avoir besoin de ses suffrages. Il a cet autre avantage encore, que les conseillers qui le représentent plus spécialement tiennent leur mandat de la commune entière.

L’adoption de la proposition de M. de Theux ferait disparaître ce double avantage ; chaque quartier sera assuré d'avoir un certain nombre de conseillers, c’est ce qu’il a déjà aujourd’hui ; mais ces conseillers se trouveraient toujours en minorité, et ils obtiendraient bien plus difficilement des concessions de leurs collègues qui n’auraient plus le moindre intérêt à ménager un quartier sans la participation duquel ils auraient été et pourraient encore être élus.

Il résulterait de là que chaque fois qu’un quartier aurait des intérêts opposés à ceux du reste de la ville, il serait entièrement sacrifié ; aujourd’hui on le ménage parce qu’on peut avoir besoin de lui au jour des élections. Ce que la justice ne fera peut-être pas, sa préoccupation électorale le fait.

La proposition de l’honorable M. de Theux produirait encore un autre inconvénient. Aujourd’hui chaque quartier se trouve équitablement représenté dans le conseil, mais il est possible, il est probable même que tel quartier perdrait par la sortie qui doit s’effectuer au mois d’octobre prochain plus de membres qu’il ne serait appelé à en élire d’après le projet de M. de Theux. Il y aurait donc nécessairement un certain nombre de conseillers qui ne pourraient être réélus, qu’autant qu’un autre quartier voulût les adopter ; mais n’est-il pas à supposer que cet autre quartier chercherait à profiter de l’occasion qui lui serait offerte d’augmenter son influence dans le conseil ? Des hommes honorables seront donc éliminés et la pondération des divers intérêts que le projet de M. de Theux a pour but d’établir serait détruite par le projet même.

L’honorable M. de Theux cite en faveur de son système l’exemple de ce qui se passe en France. Il invoque la loi française. Mais depuis quand donc la France vous sert-elle de modèle ? En France le clergé n’est pas indépendant comme chez nous, en France on n’a ni le droit d’association ni la liberté d’enseignement, en France le cens électoral est de 200 francs pour les campagnes comme pour les villes. Voudriez-vous pour toutes ces choses et beaucoup d’autres encore le régime français ? non sans doute ! j’entends ; la France ne vous sert de modèle que quand elle entre dans vos vues : cela est fort commode.

Messieurs, il a été démontré à l’évidence, par tout ce qui a été dit dans les séances précédentes, que le projet de M. de Theux n’atteindra pas son but apparent ; mais il n’atteindra que trop son but réel, celui de donner au Roi plus de latitude, trop de latitude dans le choix des échevins, comme on lui en a déjà donné trop dans le choix du bourgmestre ; c’est pour ce seul motif qu’on veut introduire dans le système électoral une réforme extrêmement grave, qui sera suivie d’autres réformes plus graves encore.

Car ne vous y trompez pas, messieurs, les raisons que l’on fait valoir aujourd’hui pour justifier le fractionnement des communes, conduisent inévitablement au fractionnement des cantons et des districts électoraux. Il y a des cantons qui élisent plusieurs conseillers provinciaux, il y a des districts qui élisent plusieurs membres de la chambre et du sénat, et qui se composent de diverses parties ayant des intérêts distincts. On pourrait dire pour ces cantons et pour ces districts, comme on le dit pour les communes, que les divers intérêts qu’ils renferment doivent être représentés, il y a dans plusieurs cantons, dans plusieurs districts un très grand nombre d’électeurs, un nombre d’électeurs aussi considérable que dans les grandes communes ; on pourrait dire pour ces districts, pour ces cantons, ce qu’on dit pour les communes ; on pourrait dire qu’il y a les plus graves inconvénients à réunir un aussi grand nombre d’électeurs en un seul collège électoral, que des milliers d’électeurs doivent se déplacer pour un scrutin de ballotage, où il n’y a souvent qu’une nomination à faire, enfin que les réunions préparatoires sont impossibles.

Voilà, si je ne me trompe, tout ce que l’honorable M. de Theux a dit pour justifier le fractionnement des communes. Vous voyez que cela justifierait au besoin le fractionnement des cantons et des districts.

On me dira peut-être : « Mais de quoi vous effrayez-vous ? » La réforme électorale est dans vos vœux ; on va au-devant de vos vœux. Messieurs, si j’ai quelquefois parlé dans cette enceinte de la réforme électorale, ce n’est pas que je sente moins que d’honorables collègues le danger qu’il y a de toucher à une loi aussi importante, à une loi qui, comme on l’a fort bien dit, est la pierre angulaire, la pierre fondamentale de notre édifice politique.

Mais je ne voulais pas, alors que tant de villes se plaignaient amèrement de la loi électorale, alors que la justice de leurs plaintes me paraissent évidente, je ne voulais pas qu’on pût dire que pas une voix dans cette enceinte ne s’était élevée en leur faveur. Mais si je suis porté à appuyer une réforme qui me paraîtrait juste et urgente, je m’opposerais de toutes mes forces à une réforme qui fortifierait l'esprit de localité au lieu de l’affaiblir, car l’esprit de localité ne mine déjà que trop notre nationalité ; je m’opposerai à une réforme qui ajouterait à une injustice une injustice nouvelle.

Les villes se plaignent, et vous allez répondre à leurs plaintes en les privant d’un avantage dont les petites communes continueront à jouir ; de l'avantage d’avoir un conseil communal qui représente réellement la majorité des électeurs. Votre erreur est grande si vous croyez que c’est par de semblables mesures que vous parviendrez à vous concilier les villes.

Je n’ai jamais espéré, messieurs, que la chambre actuelle accorderait la réforme électorale, telle qu’elle a été demandée par les villes. Je n’ai jamais attendu d’elle un tel exemple d’abnégation et de désintéressement, mais je le dis avec une conviction profonde, si la chambre ne veut pas de cette réforme électorale, tous ses actes y conduisent ; il est impossible que le pays, en vous voyant à l’œuvre, en vous voyant sacrifier les libertés communales, en vous voyant démolir pièce à pièce le système électif sans lequel vous ne seriez pas ici, en vous voyant, suivant l’expression de l’honorable M. Dumortier, frapper en quelque sorte votre mère, il est impossible que le pays ne se dise pas qu’une telle chambre est le produit d’une loi défectueuse.

(Moniteur belge n°164, du 13 juin 1842) M. Verhaegen. – S’il y a des orateurs inscrits pour le projet, je leur céderai la parole.

M. le président. – Il n’y a pas d’orateurs inscrits pour le projet.

M. Verhaegen. – Avant de prendre la parole, je voudrais avoir une explication de l’honorable M. de Theux, je voudrais savoir s’il est bien entendu que son projet ne touche pas aux éligibles, c'est-à-dire, s’il admet que dans chaque section on pourra choisir des conseillers appartenant à une autre section.

M. de Theux. – Je ne l’ai jamais entendu autrement. De la même manière que dans les cantons et arrondissements on peut choisir pour les chambres et pour le conseil provincial des membres qui n’appartiennent pas à ces cantons et arrondissements.

M. Verhaegen. – Quant à l’option pour les conseils communaux, en sera-t-il comme pour la chambre ? le conseiller élu par plusieurs sections pourra-t-il opter après la vérification des pouvoirs ?

M. de Theux. – Oui.

M. Verhaegen. – C’est la réponse qui, déjà, a été faite sur l’observation de l’honorable M. Osy. Fort bien.

Messieurs, à la fin de la dernière séance, nous nous trouvions dans une position à peu près semblable à celle où nous nous sommes trouvés il y a 8 jours, quand on demandait la clôture de la discussion générale sur le premier projet de loi concernant la nomination des bourgmestres. Je me suis alors formellement opposé à cette demande et j’ai pris vis-à-vis de la chambre l’engagement de démontrer que l’amendement de M. Malou était inexécutable ; la chambre voulut bien m’accorder quelques moments d’attention, et je crois pouvoir dire que j’ai contribué pour beaucoup au rejet de cette amendement.

Je me flatte de ce succès, et, vous tous, messieurs, vous ne le regretterez pas, alors que vous aurez été éclairés par l’expérience.

Si je me suis opposé hier à la clôture de la discussion générale, c’est que je crois pouvoir vous démonter encore, et à la dernière évidence, d’abord que le fractionnement qui fait l’objet du second projet, outre qu’il n’est commandé par aucun besoin administration présente les plus graves dangers, et, ainsi qu’il doit être rejeté, ensuite que l’adoption du premier projet, portant une seule modification à l’art. 2 de la loi de 1836, en ce qui concerne la nomination des bourgmestres, et dont le sénat se trouve saisi en ce moment, la chambre a épuisé son droit, et par conséquent, qu’elle a rendu impossible l’adoption du second projet qui est incompatible avec le principe formellement admis dans ce premier projet.

Mais, messieurs, avant d’entrer dans l’examen de ces moyens, il m’importe de vous présenter quelques considérations générales que le discours de M. le ministre de l'intérieur a rendues nécessaires.

Quant à moi, je n’ai pas du tout été étonné d’entendre M. le ministre de l'intérieur appuyer un projet de loi que lui ont imposé certains membres de la droite. Je n’en ai pas été étonné après la conduite qu’il a tenue dans la première discussion. Alors qu’un ministre, cédant aux premières instances, change son projet primitif, puis l'abandonne pour se rallier à un nouveau projet de la section centrale, alors surtout que sur un amendement présenté par un honorable membre, qui a fait sien le projet primitif, il donne un vote négatif comme le constate le Moniteur ; oh ! alors, tout est possible. Celui qui est en état de voter contre son propre projet, de le rejeter comme mauvais, comme dangereux, peut, certes, venir en appuyer un autre qui n’est pas le sien et que force lui est de subir.

Voulez-vous, messieurs, que je vous dise, à cette occasion, toute ma pensée, à l’égard du ministère, qui se trouve balloté par des volontés diverses.

Il est évident pour tout le monde que le vote sur le premier projet, après la conduite tenue par le gouvernement est pour lui un premier échec, et que l’adoption du deuxième projet, relatif au fractionnement, œuvre trop méritoire, pour qu’elle ne soit pas exclusivement revendiquée par son auteur, serait un deuxième échec tout aussi grave ; disons-le franchement, l’adoption du fractionnement serait le signal de la chute du cabinet Nothomb et de l’avènement du cabinet de Theux, ce qui me faisait dire naguère que la loi concernant la nomination des bourgmestres à laquelle le cabinet actuel attachait tant d’importance, pourrait fort bien être exécutée par un autre cabinet.

Messieurs, nous avons voté pour l’amendement de l’honorable M. Mercier ; non pas que cet amendement nous parût bon ; car nous l’avions condamné en termes assez énergiques pour qu’on ne pût pas se méprendre sur nos intentions, mais nous l’avons adopté comme un pis-aller, bien résolu que nous étions de voter contre l’ensemble de la loi, si même cet amendement avait passé.

Ce considérations générales, dans lesquelles j’ai été obligé d’entrer pour rétablir les faits, assignent à chacun sa véritable position et les temps nous apprendront si nous avons eu raison.

Maintenant je me hâte d’examiner le projet de l’honorable M. de Theux.

Pourquoi M. de Theux veut-il introduire dans notre loi communale le fractionnement ? Personne, ainsi qu’on vous l’a dit, ne s’est plaint de l’état actuel des choses ; aucune réclamation de la part d’aucune autorité quelconque n’a été faite contre ce qui existe, tout a reçu son exécution d’une manière régulière et convenable, et le gouvernement lui-même n’a pas proposé de changement.

Et lui-même, ne donne pas de motifs réels à son projet ; ceux qu’il allègue ne sont que des prétextes, et ces prétextes cachent une pensée qu’il n’ose pas avouer.

Il faut, dit l’honorable M. de Theux, que la commune offre l’image de la province, de l’Etat, tous les intérêts doivent y être représentés ; aujourd’hui l’élection est un flot qu’un seul souffre anime, c’est un mal auquel parera le fractionnement.

Le Roi, ajoute-t-il, s’est trouvé souvent dans l’impossibilité de choisir un bourgmestre dans les conseils tels qu’ils étaient composés.

Enfin d’après lui, puisque le fractionnement existe en Angleterre et en France, il faut aussi l’admettre chez nous.

Ces prétextes, ainsi que je viens de vous le dire, voilent une pensée qu’on n’ose avouer et qui est toute politique. Et a quoi bon rechercher les intentions quand les faits sont là pour constater ce que nous avançons ? Les honorables MM. de Theux et de La Coste n’ont-ils pas dit en termes « qu’il convient que toutes les opinions politiques soient représentées, qu’il ne faut pas qu’un parti opprime l’autre, qu’i faut éviter qu’une opinion soit étouffée, et ne puisse pas se faire jour ? » C’est donc bien d’une question politique et rien que d’une question politique qu’s’agit, et tout le reste n’est qu’un prétexte.

On prend pour prétexte ce qui se passe en France en en Angleterre. Mon honorable ami M. Delfosse vous a déjà dit, en général, que vous n’allez chercher en France que ce qui peut convenir à vos opinions et que vous rejetez sans cesse ce qui y est contraire, je me permettrai moi d’ajouter une observation spéciale à la disposition que nous discutons.

On veut en Belgique ce qui est en France. Il y a fractionnement en France ; donc, dit-on, il faut qu’il y ait fractionnement en Belgique. Et on ajoute qu’en France comme en Belgique les conseils communaux sans le fractionnement seraient composés de telle manière que le Roi ne pourrait y faire un bon choix pour les chefs des administrations. Mais il y a différence du tout au tout entre la Belgique et la France.

Je comprends fort bien que si vous aviez laissé subsister en Belgique ce qui existe en France quant au choix du bourgmestre dans le sein du conseil, vous auriez pu peut-être, comme contrepoids, venir demander le fractionnement qui a été adopté en France, et encore cette demande n’aurait pas été bien morale, car, je vais vous dire, et à cet égard je puis invoquer les discussions, comment et pourquoi le fractionnement a été adopté en France, et surtout avec un intervalle de deux jours entre les opérations des diverses sections. C’était, messieurs, pour laisser au gouvernement la faculté de faire passer les candidats qu’il désigne comme maires futurs d’une ville ou d’une commune.

De cette manière le gouvernement avait plusieurs essais successifs ; ainsi il tâchait de faire passer ses candidats dans un scrutin ; s’il ne réussissait pas, il les représentait deux jours après, dans un autre, et il pouvait renouveler cette tentative jusqu’à 10 à 12 fois suivant le nombre des sections. C’était là le vrai motif de la disposition.

Mais, messieurs, qu’a-t-on besoin de cela dans notre pays, où on vient de laisser au Roi le choix du bourgmestre en dehors du conseil ? A moins qu’on ne veuille faire usage de la disposition pour la nomination des échevins, cette disposition est parfaitement inutile. Si donc on insiste pour le fractionnement il sera clair pour tout le monde qu’on ne le fait que pour pouvoir obtenir pour échevins tels hommes que le gouvernement aura désignés. Or, je ne sais pas s’il entre dans les intentions de la chambre, après avoir fait des concessions si grandes au pouvoir exécutif en ce qui concerne les bourgmestres, de faire des concessions nouvelles en ce qui concerne les échevins.

On invoque encore l’exemple de l’Angleterre ; mais, messieurs, les principes sont tout à fait différents ; en Angleterre, il y a élection directe pour tous. Ne venez donc pas parler de quelques dispositions isolées de cette législation que vous ne voulez pas dans son ensemble.

On vous l’a déjà dit, messieurs, toutes les raisons ou plutôt tous les prétextes que l’on met en avant pour obtenir le fractionnement des communes, existeraient, et a fortiori, pour les électeurs des chambres et pour les élections provinciales. On veut que tous les intérêts soient représentés, on veut que les divers quartiers d’une ville, qui peuvent avoir des besoins distincts, aient entrée au conseil communal ; on nous parle des inconvénients de l’état de choses actuel, et l’on veut faire cesser ces inconvénients par le fractionnement ; on nous parle même d’injustice ; on dit qu’il est inconcevable qu’une opinion doive être opprimée par une autre opinion, qu’il est inconcevable que des intérêts distincts ne trouvent pas leurs organes dans la représentation communale ; eh bien, messieurs, ne dira-t-on pas plus tard, avec autant de raison, les communes rurales ne doivent pas être sacrifiées aux villes, en d’autres circonstances (car cela dépend des localités), que les villes ne doivent pas être sacrifiées aux communes rurales ? N’y a-t-il pas dans l’opinion de ceux qui soutiennent que tous les intérêts doivent être représentés, des intérêts distincts pour les villes et pour les campagnes ? dans l’opinion de ceux qui prétendent qu’il y a injustice dans le système actuel (je ne fais ici qu’énoncer leur opinion, qui certes n’est pas la mienne, car je la combattrai de toutes mes forces en temps et lieu) ; n’y a-t-il pas dans cette opinion des motifs tout aussi puissants pour fractionner les collèges électoraux pour les chambres et les conseils provinciaux ? Ainsi, messieurs, nous n’avons pas à cet égard les apaisements que nous avions désirés ; un seul membre, l’honorable M. Dumortier, est venu nous dire que jamais il ne donnerait les mains à une pareille tentative, au contraire qu’il la repousserait de toutes ses forces. L’hon M. de Theux a-t-il confirmé ce qui avait été dit par l’honorable M. Dumortier ? Loin de là, messieurs, il a mis dans ses paroles une réserve telle, que cette réserve est pour moi la preuve évidente de l’intention qu’a le parti dont M. de Theux est l’un des chefs, de faire plus tard pour les chambres et pour les conseils provinciaux, ce qu’il veut faire maintenant pour les communes. Et tantôt, messieurs, quand on parlait des villes, n’y avait-il pas sur ces bancs, où siège l’honorable M. de Theux, des membres qui faisaient observer que les communes rurales avaient aussi des droits à faire valoir, que s’il y avait injustice, c’était à l’égard des communes rurales ?

Du reste, messieurs, les intentions à cet égard se dessinent d’une manière à ne plus s’y tromper, et ce que nous avons dit dès le principe, nous le maintenons, c’est que l’on veut poser ici un jalon pour le futur.

Avec les idées qu’on veut faire prévaloir on va loin et bien loin. Si tous les intérêts divers doivent être représentés, eh bien, ce ne seront plus seulement les intérêts des communes, des villes, des quartiers de villes auxquels il faudra avoir égard, mais il faudra aussi donner entrée dans les diverses assemblées aux ordres, aux castres, aux sectes ; il faudra donner à tout ce qui a un intérêt distinct une représentation particulière dans les assemblées législatives, provinciales et communales.

Voilà, messieurs, où conduit le système de l’honorable M. de Theux, surtout si on le rapproche des paroles très significatives prononcées par l’honorable M. de La Coste.

Mais, messieurs, et disons-le tout de suite, ce que ces messieurs veulent est impossible en présence de la constitution, où il est dit que « les membres de chambres représentent la nation et non la province ou la sous-division de province qui les a nommés. » C’est là la disposition de l’article 32.

Il faut, comme l’a dit un honorable membre, que la représentation nationale soit l’image de la réalité. Si la chose était possible, il faudrait donc réunir en une seule assemblée générale tous les électeurs du pays et procéder ainsi à la nomination des membres de la représentation nationale. En raison de l’impossibilité il a fallu se contenter d’une fiction. Dans la commune, nous avons la réalité, rien ne s’oppose à ce qu’on la conserve, et cependant on veut la faire disparaître et la remplacer par une fiction toujours fâcheuse.

Souvent messieurs, dans la pratique, on a mal apprécié la disposition de l’article 2 de la constitution. Les membres dont se compose cette assemblée n’ont pas toujours compris que, quoique appelés par une province ou par une partie de province, à la représentation nationale, ils n’en représentaient pas moins le pays tout entier. Quelques honorables collègues avec les meilleures intentions du monde, ont cru souvent qu’ils ne représentaient que la province ou la partie de la province qui les avait envoyés dans cette enceinte. C’est, messieurs, ce qui a fait naître ce qu’on appelle l’esprit de clocher, dont nous avons, en maintes circonstances, pu apprécier les mauvais résultats. Eh bien, messieurs, cet esprit, on veut l’introduire dans la commune. Il y aura dans la commune autant d’intérêts distincts qu’il y aura de quartiers, et comme le disait, il y a quelques jours, un honorable collègue qui siège à mes côtés, indépendamment de l’esprit de clocher, vous aurez encore l’esprit de cheminée.

Mais, messieurs, avec un pareil système, il faudrait aller plus loin encore, il faudrait ne pas se borner à fractionner les villes en quartiers, car les quartiers se composent de rues et chaque rue peut avoir des intérêts distincts, il faudrait descendre jusqu’à la division par rues. L’esprit de clocher, qui n’est dû qu’à une mauvaise interprétation de l’art. 32 de la constitution, qu’à une erreur de pratique on veut maintenant la sanctioner par une loi, et cette loi n’est autre que celle qui nous est proposée par l’honorable M. de Theux.

Mais, messieurs, avec le système qu’on veut nous faire adopter et avec les principes que l’on proclame, il faut tout détruire, il faut détruire les arrondissements, les cantons, les communes ; et cependant ce sont ces divisions que la constitution proclame, et la commune est la fraction la plus petite qu’elle admette.

Dans ses dernières limites, la constitution s’arrêté à la commune, à la famille, car la commune est une famille ; séparer une famille, fractionner une famille, c’est, messieurs, tout bouleverser, c’est jeter le désordre dans ce qu’il y a de plus sacré, c’est se mettre en opposition avec ce qui constitue l’ordre social.

Je trouve dans une loi ancienne, celle du 10 juin 1793, une définition de la commune, qui me paraît d’autant plus importante qu’elle pourra nous être utile quand il s’agit d’apprécier l’art. 5 de la loi de 1836 auquel le projet de l’honorable M. de Theux apporte un changement.

L’art. 2 de la loi du 10 juin 1793 porte ce qui suit :

« Une commune est une société de citoyens unis par des relations locales, soit qu’elle forme une municipalité particulière, soit qu’elle fasse partie d’une autre municipalité, de manière que si une municipalité est composée de plusieurs sections différentes et que chacune d’elles ait des biens communaux séparés, les habitants seuls de la section qui jouissait du bien communal, auraient droit au partage. »

Cette définition de la commune donnée par la loi elle-même, nous permet aussi de définir ce qu’il faut entendre par hameau ou section séparée.

N’allons point confondre les sections dont parle l’art. 5 de la loi de 1836 avec les sections dont il s’agit dans le projet de l’honorable M. de Theux ; les premières, si je puis m’exprimer ainsi, sont des villages séparés, lesquels, avec d’autres villages auxquels ils ont été réunis ne forment qu’une seule et même commune ; mais ces villages séparés ont leurs biens communaux, comme le porte en termes la loi de 1793.

Ainsi, sauf le cas particulier d’un hameau ou d’une section séparée, tous les intérêts d’une commune sont les mêmes, et se trouvent confondus, ce sont les intérêts d’une seule et même famille, qu’il est impossible de diviser. Dès que vous divisez la commune, la famille, il n’y a plus de famille, il n’y a plus de commune ; et je le répète, le législateur ne reconnaît pour dernière fraction que la commune.

Le prétexte qu’on a mis en avant vient donc à tomber, et il ne s’agit plus que de faire voir à nos adversaires quels graves inconvénients résulteraient de l’adoption du fractionnement.

L’on voulait naguère la centralisation, c’était du moins le but du premier projet de loi ; on a présenté et caressé cette idée sous diverses formes et aujourd’hui l’on veut le fractionnement. Y a-t-il deux idées plus contradictoires que la centralisation et le fractionnement ?

L’on voulait l’uniformité ; c’était encore un des motifs qu’on faisait valoir en faveur du premier projet de loi ; on voulait l'uniformité dans la pouvoir exécutif, et le projet actuel de l’honorable M. de Theux tend à faire disparaître toute espèce d’uniformité.

En voici la preuve :

Les conseils communaux seront renouvelés par moitié au mois d’octobre prochain. Ainsi, au mois d’octobre, il y aura dans les conseils communaux deux parties distinctes ; l’une sera le résultat de l’ancien mode d’élection, c’est-à-dire du principe de l’unité ; l’autre sera le résultat du nouveau mode, c’est-à-dire du fractionnement. Et cependant l’on a voulu l’uniformité !

L’on voulait soustraire le bourgmestre à l’influence des électeurs, et l’on double, l’on triple l’influence des électeurs vis-à-vis des échevins ; on veut placer les échevins dans une position telle qu’ils n’oseront jamais contrarier les intérêts des quartiers qui les auront envoyés aux conseils !

L’on voulait blanc, lorsqu’on discuter le premier projet ; maintenant qu’il s’agit du second, on veut noir sur le même principe.

D’après le premier projet, l’on voulait diminuer les luttes électorales, et maintenant on va les multiplier avec le système de fractionnement.

Si dans une ville il y a huit sections, par exemple, un seul individu pourra être nommé dans les huit sections à la fois, et il aura un temps moral pour opter ; cela pourra se représenter successivement pour d’autres élus jusqu’à six ou sept fois ; à la suite de chaque option, il faudra convoquer le collège électoral pour procéder à de nouveaux choix. Et l’on veut diminuer le nombre des luttes électorales.

L’on disait, pour faire adopter le premier projet de loi, qu’il fallait chercher à calmer les partis, et maintenant l’on va rendre les luttes beaucoup plus vives, beaucoup plus irritantes. Le projet, s’il était adopté, aurait pour résultat de pousser les partis à l’extrême.

Que se passe-t-il aujourd’hui, lorsqu’il s’agit de la nomination d’un grand nombre de conseillers ? Presque tous les partis se font des concessions mutuelles ; tous les intérêts sont représentés et bien souvent la politique ne préside point aux choix. Maintenant l’on veut fractionner, l’on veut restreindre le cercle des opérations ; mais croit-on qu’avec les vues, les tendances qu’on a manifestées, les partis apporteront encore dans les luttes communales l’indifférence, quant aux opinions politiques qu’ils y ont apportée jusqu’ici ? Croit-on que, dans chaque ville ou commune où il y aura un fractionnement, les partis ne seront pas en présence ?

Messieurs, on ne se fera plus de concession ; espérant sur une petite échelle, l’on comptera les voix, et l’on saura d’avance quelles sont les chances de succès réservées aux candidats de l’un ou l’autre parti. Malheureusement, avec ce système, il n’y aura plus de place pour les hommes modérés, pour les hommes étrangers aux luttes politiques, on n’aura plus que deux opinions extrêmes dans les conseils communaux, il n’y aura plus d’opinion intermédiaire. Ces conseils offriront alors l’image de ce qu’est la chambre en ce moment. Dans cette assemblée, il n’y a plus maintenant de centre, il n’y a plus que gauche et droite. Le ministère qui naguère s’annonçait comme le représentant du centre, se trouve aujourd’hui, en dépit de son programme, poussé directement dans les rangs de la droite.

Encore une fois, ce que l’on a ici, on l’aura dans les communes par suite du fractionnement. Les partis emploieront tous leurs moyens pour faire triompher exclusivement leurs candidats, et les conseillers qui seront élus seront les plus ardents du parti. Est-ce là la position que l’on veut faire à nos conseils communaux ? Si c’est la pensée qui domine, on a raison de présenter le projet de loi que nous discutons ; car il atteindra admirablement le but qu’on se propose.

L’on veut prévenir les coteries. Les coteries sont dangereuses, a dit l'honorable M. Dumortier. Mais loin de les empêcher avec ce système, vous allez les créer où elles n’existent pas. Il n’y a rien de plus favorable aux coteries que le fractionnement ; les coteries sont d’ordinaire absorbées par les masses, et elles ne trouvent à exercer de l’influence que dans de petites proportions.

On voulait empêcher qu’on ne forçât la main au gouvernement dans les choix qu’il à faire. C’était là un des grands arguments qu’on faisait valoir pout faire passer le premier projet de loi ; et le second projet aura pour résultat inévitable de forcer la main au gouvernement plus que jamais. Les personnes qu’on voudra voir nommer échevins seront élues conseillers dans toutes les sections. Et si les élections sont faites à une grande majorité, comme le gouvernement oserait-il reculer devant cette manifestation de l’opinion publique ?

On voulait et on veut encore faciliter aux électeurs l'accès des bureaux électoraux : c’est ce qui a engagé l’honorable M. de Mérode à présenter son amendement c’est ce qui a engagement l'honorable M. Rodenbach à s’y rallier ; mais qu’on ne s’y trompe pas, et c’est surtout à l’honorable M. Rodenbach que je m’adresse, il ne s’agit pas, messieurs, de faciliter aux électeurs l’accès des bureaux électoraux.

Ce n’est pas pour la facilité des électeurs, mais dans un tout autre but, que M. de Theux a présenté son projet.

Vous voulez éviter les germes de la discorde dans les communes, et vous créez des intérêts distincts, vous éveillez l’esprit de parti. Bientôt nous aurons les intérêts du tiers état, les intérêts de la noblesse. L’honorable M. de Theux vous l’a dit, il ne craint pas les luttes acharnées qui pourraient être le résultat de cet état de choses.

Il invoque l’exemple de la France, mais s’il faut encore une fois prendre la route de la France, je conduirai M. de Theux dans la ville de Lyon, je lui demanderai si le quartier de la Croix-Rousse n’a pas causé les craintes les plus graves aux autres fractions de la ville, et si l’émeute sanglante qui a eu lieu à la Croix-Rousse n’est pas le résultat de la division qu’on nous propose. Si vous voulez qu’il y ait des Croix-Rousses en Belgique, invoquez la loi française et reproduisez ses dispositions.

Ainsi, le projet en discussion ne pare à aucun inconvénient car il n’existe aucun inconvénient dans la loi actuelle. Mais le projet donne lieu lui-même aux plus graves inconvénients, aux plus grands dangers. Je viens de les signaler et je les recommande à vos méditations.

Je m’étais engagé à venir démontrer que ce projet était inadmissible. Par les dernières raisons que je viens de vous développer, je pense que ma tâche est remplie, il me reste à vous démontrer que, d’après le fait qui vient de s’accomplit dans cette enceinte, il y a quelques jours, il est devenu impossible de discuter encore le projet actuel dont le principe est diamétralement opposé à celui admis par le premier projet.

Quand on veut changer des lois importations à l’improviste et par des bouts de loi, on tombe dans l’absurde. Quand on veut toucher par parties à un ensemble parfait, quand on oublie le commencement alors qu’on arrive à la fin, et que l’on n’a qu’une seule idée fixe, celle d’obtenir un principe qu’on cherche à exploiter, on se met dans la plus fausse des positions, et, en dernière analyse, on est acculé dans une véritable impasse. C’est dans ce moment la position de l’honorable M. de Theux. Je vais vous l’établir.

L’honorable M. de Theux, dans son projet, n’entend pas toucher aux éligibles ; veuillez tenir bonne note de cette déclaration qu’il a faite lui-même. C’est au mode d’élections qu’il veut toucher, cependant son projet est une addition à l’art. 5 de la loi communale de 1836.

Le premier projet, qu'avait-il pour but ? Il avait pour but de porter une modification à l’art. 2. Vous avez, messieurs, porté cette modification à l’art. 2 ; la loi a passé et elle est en ce moment renvoyée au sénat ; vous en êtes dessaisis. Revenir sur cette loi vous est donc impossible, je pose cette prémisse comme incontestable. Si le sénat l’amende et vous la renvoie, vous ferez alors ce que les circonstances commanderont, hors de là, vous ne pouvez y toucher, vous porteriez atteinte aux prérogatives de l’autre chambre.

L’art. 2 de la loi de 1836 n’a été modifié que quant à la nomination du bourgmestre ; il subsiste pour le surplus. Tout ce qui n’est pas abrogé conserve sa force, et le mot « néanmoins » du projet adopté en est la preuve évidente, or le second projet (celui de M. de Theux), au lieu de toucher au éligibles et de modifier l’art. 5, touche aux électeurs et au mode d’élection, il abroge le § 1er de l’art. 2, alors cependant qu’il est confirmé par le projet dont le sénat est saisi ; il est évident que vous ne pouvez pas revenir de ce vote, que vous ne pouvez pas vous soustraire à la conséquence de l’adoption du premier projet, jusqu’à ce qu’il vous revienne, amendé par le sénat.

Messieurs, sur un incident, il a été décidé, malgré tous nos efforts, qu’il y aurait autant de lois distinctes qu’il y avait de propositions, et l’honorable M. de Theux doit aujourd’hui subir les conséquences de cette décision qu’il a provoquée lui-même ; il semble que la Providence ait veillé pour faire tourner contre notre adversaire les armes qu’il dirigeait naguère contre nous.

Après vous avoir démontré que le premier projet ayant été adopté et se trouvant renvoyé au sénat, vus en êtes dessaisi, et que vous ne pouvez plus y toucher, il me reste à vous démontrer que l’article 2 de la loi de 1836 est exclusif du principe qui fait la base du deuxième projet (celui de M. de Theux).

L’art. 2 porte : « Les conseillers sont élus directement par l’assemblée des électeurs de la commune. » C’est-à-dire que TOUS les conseillers doivent être élus par TOUS les électeurs de la commune, c’est-à-dire encore, qu’il n’est pas possible que sept sections, par exemple, soient toutes exclues de concourir à la nomination des conseillers de la huitième section.

En adoptant le fractionnement proposé par M. de Theux, et en supposant toujours huit sections, comme à Bruxelles, ce ne sont plus tous les électeurs de la commune qui concourent à la nomination de tous les conseillers, ce ne sont que les électeurs de chacune de ces huit sections isolées qui prennent respectivement part à l’élection de trois ou quatre conseillers seulement, et cependant l’art. 2 que vous avez maintenu, et auquel il ne vous est plus permis de toucher, proclame un principe tout à fait contraire.

Et, messieurs, on aura beau équivoquer, je ramènerai toujours mes adversaires sur le terrain où je me suis placé. En attendant, je les défie de répondre quoi que ce soit à mon argumentation, à moins de se mettre à côté de la question.

M. le ministre de l'intérieur (M. Nothomb) – On pourra vous répondre !

M. Verhaegen. – Si on peut me répondre, M. Nothomb me répondra. Je répliquerai, et j’espère bien qu’on voudra m’entendre.

Que porte le premier projet ? « La loi du 30 mars 1836 sur l’organisation communale est modifiée comme suit : « Modifications à l'article 2. Néanmoins le Roi peut nommer le bourgmestre hors du conseil parmi les électeurs de la commune. » Mais j’ai toujours pensé, et je ne pense pas que M. le ministre de l'intérieur conteste cette vérité, qu’on ne déroge à une loi que par une disposition qui y est contraire ; or la nouvelle loi n’abroge par le § 1er de l’art. 2 de la loi de 1836, elle y ajoute seulement : « Néanmoins le Roi peut nommer le bourgmestre parmi les électeurs de la commune. » Ainsi le § 1er de l'art. 2 subsiste, et il a conservé toute sa force.

Maintenant, messieurs, quelle eût été la marche qu’aurait suivie M. de Theux si les trois premiers projets n’eussent pas été divisés. Il eut dit probablement : Je me suis trompé, je dois modifier encore l’article 2 sur un autre point. Mais aujourd’hui qu’ils sont séparés, il ne le peut pas, la chambre est dessaisie quant à l’art. 2, le projet de loi est renvoyé au sénat. On a beau tourner autour de la question cela est clair pour tout le monde.

Ce n’est pas tout, vous allez voir où l’on arrive quand on se hâte d’improviser des lois, des bouts de loi pour modifier des lois organiques.

J’ai demandé tantôt à l’honorable M. de Theux si son projet touchait aux éligibles, et il a répondu que non. Eh bien l’art. 5 qu’on veut modifier par le projet actuel ne parle que des éligibles ; il ne parle pas des électeurs. Ce projet porte : « La loi du 30 mars 1836 est modifiée comme suit : « Addition à l’art. 5. » Suit la modification consistant dans le fractionnement. » Ainsi il ne s’agit que de l’art. 2 ; il s’agit d’une addition à l’art. 5 où cependant il n’est question que des éligibles.

Mais il y a plus encore, c’est que l’art. 5 qui parle des éligibles maintient surabondamment le principe du mode d'élection. Ce qui est absurde, l’expression n’est pas trop forte, c’est qu’aux termes de l’art. 5 tous les électeurs concourent ensemble à l’élection même pour les fractions séparées des communes. Voici le texte de cet article 5.

« Art. 5. Dans les communes composées de plusieurs sections ou hameaux détachés, la députation permanente du conseil provincial peut déterminer, d’après la population, le nombre de conseillers à élire, parmi les éligibles de chaque section ou hameau. Dans ce cas tous les électeurs de la commune concourent ensemble à l’élection. Il y a néanmoins un scrutin séparé pour chaque section ou hameau. »

Ainsi que veut cet article ? uniquement ce que M. de Theux ne veut pas en général ; car il ne veut pas toucher au éligibles. L’article veut que lorsqu’il y a des hameaux ou sections détachés un certain nombre de conseillers soient élus parmi les éligibles de chaque section ou hameau. Pourquoi ? parce que, comme nous l’a appris la loi de 1792, dans son art. 23 ces fractions de communes ont ou peuvent avoir des biens séparés. M. de Theux veut appliquer à des sections non séparées, à des agglomérations ce qui n’est pas même applicable à des hameaux ou sections sépares. De plus, ce qui est applicable à des hameaux ou sections séparés, ne concerne que les éligibles, mais nullement les électeurs, ou le mode d’élection ; on vient proposer à l’art. 5 une addition qui n’est plus proposable depuis l’adoption du premier projet. Je serais fort curieux de voir comment on expliquerait pareille inconséquence ; ne nous rendons pas, messieurs, la risée de l’Europe. Comment dans un second projet, on pose un principe contraire à celui du premier projet ! Comment sur la question d’éligibilité, on dira le contraire de ce qu’on a dit quant au mode d’élection ! La chose est impossible. Ce serait se donner, à deux jours d’intervalle, un démenti formel ; il faut au moins être d’accord avec soi-même.

Aussi longtemps que cet état de choses subsistera, aussi longtemps que le projet de loi n’aura pas été amendé, il fau le respecter.

Projet de loi organisant l'instruction primaire

Rapport de la section centrale

(Moniteur belge n°163, du 13 juin 1842) M. Dechamps, au nom de la section centrale chargé de l’examen du projet de loi relatif à l’instruction primaire, dépose le rapport sur ce projet de loi.

- La chambre ordonne l’impression et la distribution de ce rapport.

Projet de loi qui autorise le gouvernement à conclure une convention avec la ville de Bruxelles

Rapport de la section centrale

M. Malou, au nom de la section centrale chargée de l’examen du projet de loi relatif à la convention conclue entre le gouvernement et la ville de Bruxelles, dépose le rapport sur ce projet de loi.

Plusieurs membres. – Quelles sont les conclusions ?

M. Malou. – Après la discussion générale du projet on a posé la question de savoir s’il y avait lieu de proposer la ratification de la convention du 5 novembre. Cette question a été résolue négativement par cinq voix contre deux. Les deux membres de la minorité n’ont adhéré à la convention qu’en faisant une réduction, l’un de 50,000 francs, l’autre de 100,000 sur la rente stipulée dans cette convention.

Après cette décision l’on s’est occupé des autres moyens de venir au secours de la ville de Bruxelles. On a d’abord posé la question suivante : Accordera-t-on à cette ville soit un subside une fois donné, soit un subside réparti sur plusieurs exercices ? la question a été résolue négativement à l’unanimité des sept membres présents. L’on a posé ensuite la question de savoir s’il n’y avait pas lieu d’accorder à la ville de Bruxelles la garantie de l’Etat pour le payement des intérêts d’un emprunt. Deux membres ont adopté ce moyen, deux l’ont rejeté, trois se sont abstenus. On a posé en dernier lieu la question de savoir si l’on ferait à la ville de Bruxelles un prêt. Un membre a adopté ce moyen, quatre l’ont rejeté, deux se sont abstenus.

Vous voyez, messieurs, qu’après le rejet du principe de l’acquisition par l’Etat des objets compris dans la convention du 5 novembre, il ne s’est formé de majorité sur aucun des moyens proposés pour mettre un terme aux embarras financiers de la capitale.

M. le ministre de l'intérieur (M. Nothomb) –Avec toutes les pièces.

M. Malou. – Toutes les pièces qui ont été communiqués à la section centrale par le gouvernement et plusieurs autres encore seront imprimées à la suite du rapport.

M. Orts. – D’après ce que j’ai entendu dire hier, il paraît que la chambre va s’ajourner ; je demanderai dans ce cas que le rapport soit envoyé à domicile à tous les membres pour qu’ils puissent l’examiner (oui ! oui !)

M. le président. – Je suppose qu’on fait la même demande pour le rapport sur le projet relatif à l’instruction primaire.

M. le ministre de l'intérieur (M. Nothomb) – Le rapport sur le projet relatif à l’instruction primaire pourra être imprimé d’ici huit jours, mais il n’en est pas de même du rapport de l’honorable M. Malou ; il y sera joint au moins cinquante annexes.

M. Malou. – Il faudra au moins quinze jours pour l’imprimer.

- La chambre ordonne l’impression du rapport et décide qu’il sera envoyé à domicile aux membres de la chambre.

Proposition de loi apportant des modifications à la loi communale, en ce qui concerne le fractionnement des collèges électoraux

Discussion générale

M. le ministre de l'intérieur (M. Nothomb) – Messieurs, j’ai eu le tort de faire une observation que l’honorable M. Verhaegen a entendue, bien que j’eusse parlé assez bas et naturellement il était dès lors dans son droit de me répondre.

L’honorable M. Verhaegen pense qu’il y a incompatibilité d’abord entre le projet qui vous est soumis et l’art. 5 de la loi communale que l’honorable M. de Theux maintient ; et en second lieu entre le projet en discussion et celui déjà transmis au sénat. Examinons ces deux objections que l’honorable membre nous a présentées comme invincibles.

Commet, dit-il, appliquerez-vous la proposition de M. de Theux aux communes auxquelles on aura appliqué l’art. 5 actuel ; La réponse est celle-ci : on ne l’appliquera pas à ces communes ; l’art. 5 n’est applicable, au moins si l’on admet le sous-amendement de l’honorable comte de Mérode, qu’aux communes ayant moins de 12,000 habitants ; à ces communes on n’appliquera pas le projet de M. de Theux, amendé, je le suppose pour un moment, par l’honorable M. de Mérode. Pour plus de clarté, si le projet amendé était adopté, on pourrait dire qu’il sera fait l’addition suivante à l’art. 5 et que de plus le § 1er de l’article 5 serait ainsi rédigé : « Dans les communes ayant moins de 12000 habitants, et qui sont composées de plusieurs sections ou hameaux détachés, la députation permanente, etc. » Dès lors, messieurs, la chose devient très claire.

Voilà comment la nouvelle proposition se concilie parfaitement avec l’art. 5 actuel.

Ainsi, il y aura deux remèdes différents ; le remède indiqué maintenant par l’art. 5 est applicable aux communes ayant moins de 12,000 habitants ; le remède nouveau sera applicable aux communes ayant plus de 12,000 habitants.

Voilà ma réponse la première objection. Je passe à la seconde.

Il y a incompatibilité entre le nouveau projet et celui qui est soumis au sénat. Cela résulte des expressions de l’art. 2 de la loi de 1836 : « les conseillers sont élus directement par l’assemblée des électeurs de la commune. » Or il n’y a plus d’assemblée proprement dite des électeurs de la commune ; dès lors, il y a incompatibilité, dit l’honorable membre, entre cet article et le système qui suppose que dans certains cas le vote des électeurs aura lieu non par assemblée générale, mais par sections.

Remarquez, messieurs, que ce § 1er de l’art. 2 ne fait pas partie de la loi transmise au sénat. La loi transmise au sénat porte sur le § 2 de l’art. 2. « Le Roi nomme le bourgmestre et les échevins dans le sein du conseil. « C’est ce § 2 qui a été modifié par le projet transmis au sénat ; il ne s’y agit pas de modifications au § 1er.

Maintenant tout ce qu’on devrait faire pour des esprits très difficiles, ce serait en cas d’adoption du système de l’honorable M. de Theux, de faire un simple changement de rédaction du § 1er de l’art. 2, et de dire : « Les conseillers sont élus directement par les électeurs de la commune. » Dans certains cas, il y a assemblée générale ; dans les autre, il y a vote par sections. C’est un simple changement de rédaction qu’on devrait faire, et même ce serait pousser les choses très loin que de demander ce changement de rédaction.

Mais on peut le faire, et on ne manquera en rien au sénat. Car le sénat est saisi d’un projet qui porte sur le § 2 et non sur le § 1er de l’article 2. Il est donc possible que pour les esprits difficiles, il y ait lieu de faire un changement de rédaction au § 1er de l’art. 2. Voilà ma réponse aux deux objections.

(Moniteur belge n°164, du 13 juin 1842) M. Verhaegen. – Messieurs, quant à la réponse de M. le ministre de l'intérieur en ce qui concerne l’art. 5, je ne serais pas fâché qu’il voulût bien la minuter et surtout qu’il voulût bien s’entendre avec l’honorable M. de Theux qui peut-être ne partagera pas son opinion. Quant à moi, j’en apprécie dès à présent toute la portée ; et pour qu’on ne change pas de système j’ajournerai ma réplique. Mais je puis dire tout de suite que le système nouveau est plus absurde encore que le système ancien. Nous reviendrons sur ce sujet.

Quant à l’art. 2, je ne suis loin d’être difficile, mais je ne veux pas paraître ridicule aux yeux du public, je dis que si vous adoptez la loi actuelle après que votre premier projet adopté a été envoyé au sénat, vous feriez une chose absurde et ridicule.

M. le ministre de l'intérieur nous dit qu’il n’y a qu’un petit changement de rédaction à faire à l’art. 2. C’est-à-dire un changement à la disposition qui dit : Les conseillers (tous les conseillers) sont élus par l’assemblée des électeurs, et vous voulez maintenant que huit ou neuf fractions ne participent pas à l’élections des conseillers dans d’autres fractions. C’est là un projet tout nouveau, et je vois M. le ministre de l'intérieur, je vois M. de Theux arriver à vous présenter un nouveau projet. Mais cette fois j’espère que la chambre aura assez de bon sens et de justice pour exiger que ce nouveau projet suive la filière ordinaire.

Je vous l’ai démontré bien amplement. Dans le projet envoyé au sénat vous établissez un changement à l’art. 2, mais par cela même vous avez maintenu le principe de l’art. 2. Le sénat est saisi du principe et de l’exception.

(Moniteur belge n°163, du 12 juin 1842) M. de Theux, rapporteur. – Messieurs, les objections faites par l’honorable M. Verhaegen ne sont nullement imprévues pour moi. J’avais examiné la rédaction de l’art. 2 et de l’art. 5 avant de vous présenter mon projet.

Dans mon opinion il n’est pas nécessaire de changer un seul mot à la rédaction de l’art. 2 et de l’art. 5 ; j’espère le prouver à la chambre dans une prochaine séance.

Plusieurs membres. – A lundi !

Motion d'ordre

Projets d'interpellations

M. de Mérode. – Messieurs, je préviens M. le ministre de la guerre que je lui adresserai lundi une interpellation sur la mesure qu’il vient de prendre à l’égard de douze officier de l’armée, Polonais de naissance, et qui a particulièrement pour effet de porter l’un d’entre eux du premier rang d’ancienneté au 40°. Comme nous avons vingt-quatre heurs d’ici à la prochaine séance, M. le ministre pourra se préparer à me répondre.

M. Delehaye – Messieurs, au commencement de la semaine, j’ai prié le gouvernement de nous donner quelques explications sur l’état de nos relations avec la France et l’Espagne. M. le ministre de l'intérieur nous a donné des apaisements en ce qui concerne la France ; mais il ne nous a rien répondu quant à l’Espagne. Cependant si ce qu’on annonce est exact, notre envoyé est de retour, je crois qu’il est temps que le gouvernement nous donne quelques explications sur ce point.

J’interpellerai aussi M. le ministre des affaires étrangères sur la question de savoir s’il est vrai que la Hollande a de nouveau convoqué les cinq grandes puissances à l’effet de délibérer sur toutes les questions qui ont été mentionnées dans le traité de paix de 1839. Il paraît que non seulement on met en doute ce qui concerne la dette, mais aussi les autres questions telles que celles de la navigation, de la délimitation du territoire et plusieurs autres encore.

Je prierai M. le ministre de nous donner des renseignements à cet égard. Comme il s’agit de questions diplomatiques qui exigent beaucoup de réserve, je demande que M. le ministre nous donne seulement ces explications lundi, à moins toutefois qu’il ne soit prêt à nous les donner maintenant. Quant à moi, je pourrais tout de suite lui répondre, parce que j’ai des renseignements positifs.

M. le ministre des affaires étrangères (M. de Briey) – Il pourrait effectivement n’être pas sans inconvénients de répondre immédiatement à toutes les questions de nature assez diverse que vient de poser l’honorable préopinant. Je profiterai donc de l’ajournement dont il a le premier compris l’opportunité, et dont l’heure avancée de la séance semble d’ailleurs nous faire une loi.

- La séance est levée à quatre heures et un quart.